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Rapport politique adopté par la XI° Conférence du Comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire, la construction de l'internationale ouvrière révolutionnaire (22-23-24 mai 1999)

 

1ère Partie: Points de repère sur la situation internationale

 

Avertissement: le présent rapport politique a été rédigé en février 1999. Il n'inclut donc pas les développements de la situation depuis, et notamment l'agression impérialiste contre la Yougoslavie. La XI° Conférence a décidé d'adjoindre à ce rapport la déclaration du Comité sur la guerre menée par les impérialistes contre les peuples des Balkans (en date du 28 mars) qui a été publiée dans le précédent numéro de CPS.


La perspective d'un krach économique se précise

Une illustration: la situation en Indonésie

Un cycle historique s'est clos

En Russie et en Europe de l'Est

En Chine

Palestine

Afrique du Sud

Dans les pays capitalistes dominants: offensive générale contre les acquis ouvriers

La puissance du prolétariat reste une donnée fondamentale

Accélération de la dégénérescence du mouvement ouvrier…

… Indispensable pour des bourgeoisies historiquement affaiblies

A nouveau sur les rapports inter-impérialistes

L'Union Européenne

L'engagement de la reconstruction du mouvement ouvrier est inéluctable


La perspective d'un krach économique se précise

Depuis l'été 1997, les développements de la crise économique et financière de l'économie mondiale imprègnent de plus en plus la situation politique.

Ce furent d'abord les "dragons" et les "tigres" d'Asie du sud-est, le nouvel eldorado du capital, qui subirent un krach financier ravageur, conséquence de leur ralentissement économique amorcé en 1996. En octobre 1997, le spectre d'un krach boursier mondial flottait sur les marchés financiers. Puis la Corée du sud frôla le dépôt de bilan en décembre. Puis ce fut le krach de la Russie à l'été 1998, Russie à laquelle la restauration du capital était sensée apporter un nouvel élan.

Et c'est maintenant le Brésil qui a dû laisser plonger le real et qui s'enfonce d'autant plus dans une récession importante. Les dévaluations forcées n'ont cessé de se succéder depuis 18 mois dans de nombreux pays d'Asie, d'Europe et d'Amérique du sud. Et c'est à nouveau vers la Chine, vers le Japon, que convergent les regards angoissés des capitalistes du monde entier, craignant qu'il ne s'agisse là des prochains maillons de la chaîne qui sauteront.

Une récession économique touche dorénavant l'équivalent de 40% de l'économie mondiale, avec une ampleur sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Elle aborde l'Union Européenne (Grande-Bretagne, Allemagne) et menace les Etats-Unis, malgré le dynamisme économique qui y perdure encore, d'autant que la crise en Amérique du sud y aura d'importantes conséquences.

Dans de nombreux articles et éditoriaux, Combattre pour le Socialisme s'est efforcé de suivre et d'analyser les développements de cette crise. Il ne saurait être question ici de les répéter (l'article paru dans CPS n°76, "La crise économique et financière se développe, une seule réponse: combattre pour le socialisme" doit être considéré comme faisant partie du présent rapport), mais il faut en rappeler l'essentiel.

La crise actuelle est fondamentalement une nouvelle expression de l'impasse historique du mode de production capitaliste entré à son stade impérialiste, dans lequel la formation du capital financier, le poids des monopoles, empêchent les crises cycliques du capitalisme de jouer pleinement leur rôle d'assainissement de l'économie. Ce n'est par conséquent qu'au moyen d'un immense parasitisme économique, de l'intervention sans cesse croissante des Etats dans l'économie, au centre de laquelle on trouve les dépenses de l'économie d'armement, et ce dans des conditions politiques données, qu'a pu être repoussée une crise majeure, qu'ont pu être limités les effets de la baisse tendancielle du taux de profit. C'est le financement de ce parasitisme, qui a généré une masse sans cesse croissante d'actifs financiers en tout genre, de capital fictif, la formidable "bulle" financière qui menace à tout moment d'exploser, précipitant une crise plus violente et profonde encore que celle des années 30.

Le constat doit donc être fait une nouvelle fois: depuis maintenant un quart de siècle, le mode de production capitaliste est dans une crise récurrente. Depuis le 15 août 1971, avec la fin de la convertibilité du dollar en or, le verdict de faillite du régime capitaliste a été rendu. Et depuis, après plusieurs récessions, les Etats bourgeois cherchent par tous les moyens à repousser la sentence.

Aujourd'hui, une nouvelle récession mondiale progresse inexorablement, et met à l'immédiat ordre du jour non pas simplement, si l'on ose dire, un recul plus ou moins profond de l'économie, mais un krach économique et financier, la dislocation du marché mondial et des échanges internationaux.

Et c'est cela qui est déterminant. Certes, l'ampleur de la crise actuelle, le fait qu'elle ait frappé des pays que les capitalistes donnaient en modèle, ou ceux dans lesquels le mode de production capitaliste vient à peine de redevenir dominant, tout cela exerce forcément des effets dissolvants sur la couche de propagande déversée depuis des années sur les têtes des prolétaires et de la jeunesse, quant à l'inéluctabilité du capitalisme, rebaptisé "mondialisation" ou "globalisation", quant à l'impossibilité d'une issue ne se situant pas dans le cadre du maintien du mode de production capitaliste.

Mais il n'est pas vrai qu'une crise économique conjoncturelle (une "récession"), toujours et dans n'importe quelle conditions, radicalise les masses. Elle peut même provoquer au contraire démoralisation et désagrégation dans les rangs du prolétariat. Si la crise actuelle était contenue à une simple récession, ce serait perdre son temps que de pronostiquer ses effets sur l'activité des masses. Mais, dans des conditions où, considérée à l'échelle internationale, la puissance sociale du prolétariat reste intacte, où la bourgeoisie n'a pas, en général, les moyens politiques de l'écraser, alors c'est une certitude qu'une échéance majeure comme celle qui se dessine est grosse d'une radicalisation politique du prolétariat et de la jeunesse.

Mais là encore, il faut préciser. Ainsi que l'écrivait Léon Trotsky en 1935, en plein dans la crise la plus importante traversée par le capitalisme à ce jour:

"Le révolutionnaire prolétarien doit comprendre avant tout que le marxisme, unique théorie scientifique de la révolution prolétarienne, n'a rien de commun avec l'attente fataliste de la "dernière crise". Par son essence même, le marxisme est une direction pour l'action révolutionnaire. Il n'ignore pas le courage et la volonté, mais les aide à trouver la voie juste.

Aucune crise ne peut d'elle-même être mortelle pour le capitalisme. Les oscillations de la conjoncture ne font que créer une situation dans laquelle il sera pour le prolétariat plus facile ou plus difficile de renverser le capitalisme.

Le passage de la société bourgeoise à la société socialiste présuppose l'activité de gens vivants, qui font leur propre histoire. Ils ne la font pas par hasard, ni à leur gré, mais sous l'influence de causes objectives, déterminées. Cependant, leurs propres actions – leur initiative, leur audace, leur dévouement, ou au contraire, leur sottise et leur lâcheté – entrent comme des anneaux nécessaires dans la chaîne du développement historique.

Personne n'a numéroté les crises du capitalisme ni n'a indiqué d'avance laquelle serait la "dernière". Mais toute notre époque et surtout la crise actuelle dictent impérieusement au prolétariat cet ordre: "prends le pouvoir!". Si pourtant le parti ouvrier, malgré les conditions favorables, se révélait incapable de mener le prolétariat à la prise du pouvoir, la vie de la société continuerait sur des bases capitalistes - jusqu'à une nouvelle crise ou une nouvelle guerre, et peut-être à l'effondrement total de la civilisation européenne".

(Encore une fois, où va la France)

C'est parfaitement clair. Ainsi, l'analyse précise de la crise économique répond aux nécessités immédiates du combat militant pour le socialisme, pas à une attitude d'attente de la crise comme un messie qui réglerait par enchantement les problèmes politiques de la classe ouvrière. Pour le mesurer il suffit de se tourner vers l'Indonésie.

Une illustration: la situation en Indonésie

L'Indonésie a été le pays le plus durement atteint à ce jour par la crise économique. Le recul du PIB y atteindrait pour l'année 1998 plus de 15%, et devrait se poursuivre en 1999. L'inflation s'envole (autour de 80%). Le chômage et la misère et maintenant la famine s'abattent sur les masses: plus de la moitié de la population est passée sous le seuil de pauvreté (24 francs par mois), le chômage a été multiplié par cinq en un an (pour atteindre près de 20% de la population active). Les deux plans successifs imposés par l'impérialisme par le biais du FMI ont non seulement poussé encore plus à ce que les masses indonésiennes payent le prix fort, mais aussi dans le même temps battu en brèche le peu de souveraineté nationale de ce pays en imposant un contrôle quotidien de l'économie par le FMI, chose sans précédent, ainsi qu'en exigeant de la bourgeoisie indonésienne qu'elle se fasse pour ainsi dire hara-kiri, en démantelant les quelques monopoles sur lesquelles elle s'appuie pour avoir une existence propre, même méprisable et corrompue.

Passés les inévitables premiers mois de stupeur après l'éclatement de la crise, les signes d'une activité politique grandissante se sont manifestés. Ce sont les étudiants qui se sont engagés dès le mois de février dans des manifestations, de plus en plus enhardies, se centralisant sur la revendication: "A bas Suharto". Le Monde du 28 mars le soulignait:

"Sur les campus, les manifestations ont pris une tournure politique. Des étudiants ont même eu l'audace de brûler l'effigie du vieux président (...) Une très grave crise économique a donc défait trente ans d'efforts: la dépolitisation de l'Indonésie a vécu (...) Les manifestations sur les campus ne visent ni les Chinois, ni le FMI, ni Washington, dont les pressions exaspèrent le régime: elles montrent du doigt le pouvoir".

Autrement dit, le carcan instauré par Suharto en 1966 sur la base de 500 000 cadavres (dont l'essentiel des membres du PC Indonésien) avec le soutien de l'impérialisme américain, ce carcan devenait intenable. Evidemment, le mouvement étudiant n'a pu prendre de l'ampleur que dans la mesure où il bénéficiait du soutien des masses laborieuses du pays. Le 4 mai, suite à de nouvelles et importantes hausses de prix, de nombreuses grèves (ouvriers, infirmières) éclataient, la population laborieuse rejoignait de plus en plus les manifestations des étudiants.

Malgré une répression persistante quoiqu'en sourdine, malgré les provocations qui amenèrent aux pillages de Djakarta le 14 mai, de plus en plus, les étudiants posaient la question du pouvoir. Tout naturellement, en ce sens, le 18 mai, des délégations de 56 universités vont au parlement (au sujet duquel pourtant l'expression "parlement croupion" serait un compliment) pour exiger de lui qu'il tienne une session extraordinaire afin qu'il démette Suharto.

Or, le président du parlement … reprend à son compte cette demande, pour "maintenir l'unité de la nation et du pays". Mais point de session extraordinaire. Les étudiants décident d'occuper à plusieurs milliers le parlement.

Ce même jour, Suharto intervient publiquement pour dire qu'il ne compte pas démissionner, et annonce un remaniement gouvernemental. Mais l'impérialisme, comme de larges secteurs de la bourgeoisie indonésienne, partagent l'inquiétude du président du parlement. L'armée indonésienne est traversée de courants contraires qui s'expriment à mots de moins en moins couverts. M.Camdessus, directeur du FMI déclare le 5 mai: "nous sommes très préoccupés par les développements sociaux en Indonésie". Un des dirigeants de "l'opposition" bourgeoise, A.Raïs, explique pourquoi (le 18 mai):

"s'il n'accepte pas la demande du parlement l'enjoignant à démissionner, le "people's power" (pouvoir du peuple) deviendra une réalité qu'aucune force en Indonésie ne pourra plus contenir".

C'est clair: l'Indonésie est à la veille de l'ouverture d'une crise révolutionnaire, il faut la désamorcer d'urgence.

C'est pourquoi, le 20, c'est au tour de l'impérialisme américain, par la voix de Madeleine Albright de demander publiquement à Suharto de se retirer. Le même jour, les dirigeants bourgeois Amin Raïs et Megawati Sukarnopurti (fille de Sukarno) parviennent aisément à faire annuler la manifestation prévue contre Suharto à Djakarta, à empêcher le déferlement de plusieurs centaines de milliers de personnes, sous couvert "d'éviter un bain de sang". L'armée règne en maître dans la capitale. Ailleurs dans le pays, des centaines de milliers de personnes défilent pour exiger le départ de Suharto.

Le 21 mai, Suharto démissionne et nomme sa créature, le vice-président Habibie, comme son successeur. Le nuit du 22 mai, l'armée expulse sans difficultés les étudiants du parlement. En fait, si la bourgeoisie indonésienne est contrainte de concéder le droit aux libertés démocratiques, elle réussit à garder le contrôle de la situation. Les grèves et manifestations refluent aussitôt.

La raison en est fort simple. Une fois Suharto démissionné, étudiants, ouvriers, paysans indonésiens se retrouvent confrontés immédiatement à l'absence de perspective politique, et ils n'ont pas d'organisation ouvrière à influence de masse, et à plus forte raison de parti ouvrier révolutionnaire, c'est l'absence de réponse à ces questions qui explique le reflux. Cependant, utilisant les libertés démocratiques arrachées en mai, des organisations syndicales se constituent, et pas moins de deux "partis des travailleurs" ont été lancés, dont un est clairement un contre-feu initié depuis l'appareil des syndicats officiels, tandis qu'on ne peut, faute d'éléments suffisants, porter une appréciation précise sur l'autre, issu de syndicats clandestins.

Mais on doit constater que, dans le mouvement pratique des masses, il n'y a pas eu de tentative d'organiser le ravitaillement, la production, de telle sorte à parer à l'urgence de la famine. Il n'y a pas eu non plus de mouvements vers la prise en main par la population laborieuse des importantes ressources naturelles de l'Indonésie, exploitées par les grands trusts internationaux conjointement avec les membres de la cour de Suharto. Et donc, fort logiquement, pas apparition d'organismes pour mettre en pratique les mesures d'urgences dont ont besoin les ouvriers et paysans, d'embryons de comités, de conseils, de soviets.

A nouveau, en novembre dernier, lors de la session de l'Assemblée consultative du peuple, d'importantes manifestations ont eu lieu, cristallisées sur le fait que ce parlement (qui a fixé les élections pour le mois de juin), préservait le rôle dominant de l'armée et couvrait totalement Suharto, n'entendant pas, même formellement, s'en prendre à ses avoirs de centaines de millions de dollars volés au peuple indonésien. Le vendredi 13 novembre, l'armée ouvre le feu: 14 morts. Mais dès le lendemain, des manifestations imposantes de protestation rassemblant étudiants et prolétaires ont lieu dans tout le pays. Encore une fois, publiquement, des dissensions se font jour dans l'armée concernant l'usage de la répression. Mais une fois finie la session de l'Assemblée consultative du Peuple, il semble que la perspective des élections prochaines conjuguée à l'action des figures de proue de l'opposition bourgeoise pour freiner le mouvement des masses aient repris le dessus.

De toute façon, il n'y a pas à faire de pronostics, mais, de tous ces éléments, on peut tirer quelques enseignements précieux. Bien sûr, l'avenir du prolétariat mondial ne peut être scruté dans le miroir déformant de l'Indonésie, mais il apparaît nettement que:

Une profonde crise porte effectivement en elle à la fois une aggravation considérable des conditions d'existence des masses et une radicalisation de la lutte des classes, d'autant que

Même dans un pays comme l'Indonésie, en tout cas pour le moment, la bourgeoisie appuyée sur l'impérialisme n'a pas les ressources politiques d'écraser le prolétariat, de l'empêcher de lutter

Le prolétariat indonésien n'échappe pas au sort du prolétariat mondial: il est considérablement handicapé politiquement, quelle que soit sa puissance objective par ailleurs, il est désarmé face à la question du pouvoir, de l'issue politique, ce qui se concentre dans le fait qu'en Indonésie, pas plus qu'ailleurs, n'existe de parti ouvrier révolutionnaire.

Il faut rappeler quelle est la racine d'une telle situation: pour cela, il est impératif de revenir aux conclusions du document adopté par la IX° Conférence du Comité: "Une nouvelle perspective".

Un cycle historique s'est clos

Le Comité a analysé lors de sa IX° Conférence ce que représente la restauration du capitalisme dans l'ex-URSS et en Europe de l'est pour le prolétariat: un recul historique.

Depuis la contre-révolution stalinienne en URSS, à plusieurs reprises le prolétariat s'est engagé dans la voie de la révolution politique, comme ce fut notamment le cas dans la partie orientale de l'Allemagne en 1953, en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968, en Pologne en 1980.

En 1989, c'est le mouvement des masses qui a mis à bas les régimes bureaucratiques, qui étaient à bout de souffle, coincés entre la pression exercée par l'impérialisme sur eux et la menace de la révolution politique. Mais faute de perspective politique, ces mouvements ont été pris en main et dévoyés par des forces restaurationnistes. Au cœur de cette issue se trouve l'échec du combat pour construire, puis reconstruire la IV° Internationale, l'absence de ses partis lors de ce rendez-vous historique. Résultat: il semble aux masses qu'aucune issue n'est possible en dehors du capitalisme. Pourtant, l'impérialisme est toujours en crise, la puissance du prolétariat demeure, à l'échelle internationale, quasiment intacte. Mais:

"il apparaît à la quasi-totalité du prolétariat que les Etats ouvriers ne sont pas viables, qu'ils étaient voués à dégénérer et à s'effondrer, à être balayés, que la restauration du capitalisme était à plus ou moins longue échéance inéluctable. Cela les déboussole politiquement." (…)

"La contre-révolution sociale triomphante en URSS rejette loin en arrière le prolétariat mondial. Les prises de position des partis social-démocrates, des PC, le montrent à l'évidence. Jusqu'alors, ils devaient se réclamer formellement (les dimanches et les jours de fête, il est vrai) du socialisme, du communisme pour garder leur emprise sur les prolétariats. Désormais ils les rejettent et les dénoncent en les identifiant au régime stalinien et en déclarant que le socialisme, le communisme ont fait faillite, ils se situent ouvertement dans le cadre de la prétendue "mondialisation du capital". (...)

Pour l'instant, les prolétariats ne peuvent repartir que de la défense de leurs conditions de travail et de vie pour engager le combat et non plus de l'acquis que représentait l'expropriation du Capital en URSS et dans les pays de la partie est de l'Europe".

("Une nouvelle perspective")

Dans ces conditions, la situation générale du prolétariat est celle d'un recul, recul progressif et irrégulier car sa puissance sociale demeure un facteur objectif fondamental.

Il ne s'agit pas d'une appréciation sentimentale, subjective, mais d'un constat: le prolétariat n'existe dans la société bourgeoise pour son propre compte qu'au travers de ses luttes, de ses acquis, de ses organisations, qui sont autant de points d'appui dans la lutte contre l'exploitation capitaliste.

C'est cela qui est déterminant pour apprécier la situation (encore que la situation d'un pays à l'autre varie beaucoup): le déploiement de luttes victorieuses est considérablement entravé par la politique de ses organisations traditionnelles, par le désarroi qu'elles propagent; ces mêmes organisations dégénèrent considérablement; les acquis qui constituent la classe ouvrière comme classe pour soi sont liquidés, progressivement, les uns après les autres.

En Russie et en Europe de l'Est

Dans l'ex-URSS et en Europe de l'Est, la restauration du capitalisme est un fait acquis: le prolétariat n'a pu trouver les moyens politiques de s'y opposer. A l'heure actuelle, la part du "secteur privé" dans le PIB de la Russie est de 70%, et il est plus important encore dans l'est de l'Europe. Encore faut-il préciser que l'étatisation de l'économie, en soi, n'était qu'un des moyens d'une production n'obéissant pas à la logique du profit capitaliste: ce qui reste du secteur d'Etat est entièrement soumis aux exigences de la loi de la valeur, qui détermine dorénavant sa capacité à produire … ou non.

Le prix que payent les masses pour la restauration du capitalisme est fort lourd. Il y a certes d'importantes différences selon les situations: dans les pays tels que la Pologne, la Hongrie, dans lesquels les "réformes" avaient débuté dès avant les années 80, et qui avaient une position subordonnée dans le cadre de la division du travail organisée autour de l'ex-URSS, et les autres, comme en témoigne le tableau ci-dessous. 

Croissance du PIB

 

Moyenne 1990-98

1997

1998

Prévisions 1999

Pologne

+1,4%

+6,9%

+5,2%

+5,0%

Rep Tchèque

-0,3%

+1,0%

+1,0%

+1,0%

Slovaquie

-0,6%

+6,5%

+5,0%

+3,0%

Hongrie

-1,2%

+4,3%

+4,6%

+3,5%

Roumanie

-2,4%

-6,5%

-5,0%

+1,0%

Bulgarie

-5,6%

-6,9%

+4,0%

+3,0%

Russie

-6,6%

+0,8%

-6,6%

-7,0%

Ukraine

-11,6%

-3,2%

-1,5%

-2,0%

Mais même dans les pays qui connaissent une certaine "croissance" sous l'afflux des investissements allemands, américains, et français dans une moindre mesure, investissements attirés par une main d'œuvre qualifiée à très bon marché, la différenciation sociale a jeté des pans entiers de la population dans la misère (qui alimente une des "industries" les plus prospères dans ces pays: la prostitution sous toutes ses formes).

Pour ce qui est de la Russie, Le Monde du 8 septembre donnait les éléments suivants:

"Depuis 1991, le PIB a chuté de 50% (…) l'espérance de vie masculine a été ramenée de 69 à 58 ans, le taux de natalité de 14,7% à 9,5%, tandis que le taux de scolarisation baissait de 8%. A ce jour, et bien avant que le rouble subisse une dévaluation de fait de 60% en deux semaines, près de 75% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Et des dizaines de millions de salariés n'ont pas reçu depuis des mois le moindre salaire."

Le mode de production capitaliste devenu dominant en Russie a accouché d'une situation de plus en plus chaotique: les différentes couches néobourgeoises issues pour une bonne part de la bureaucratie sont incapables de mettre sur pied un Etat stable: les impôts ne rentrent pas, les mafias possèdent, selon Interpol, l'équivalent de plus de 40% du Produit Intérieur Brut (il y a 152 casinos à Moscou, plus qu'à Las Vegas).

Sans aucun doute, en Russie plus qu'ailleurs, le contraste entre la puissance objective du prolétariat et son inexistence politique est saisissant. La raison fondamentale de l'absence de stabilité en Russie est que les couches bourgeoises n'ont aucunement les moyens politiques d'imposer un Etat fort, contre le prolétariat, et même, compte-tenu du délabrement économique, elles n'ont pas pu à ce stade recréer un Etat un tant soi peu stable. Dans le même temps, on ne peut passer sous silence le fait que la puissance du prolétariat ne cesse de s'amoindrir avec la disparition de pans entiers de la classe ouvrière qui n'existaient que dans la mesure ou subsistaient les rapports de propriété issus d'Octobre.

Mais l'inconsistance de l'exécutif russe, dirigé par un demi-cadavre nommé Eltsine, les changements successifs de premiers ministres (Kirienko, puis Tchernomyirdine, puis Primakov), les moments de quasi vacance du pouvoir, les tournants successifs des couches dominantes qui se débattent désespérément dans l'étreinte de l'impérialisme, tous les développements font ressortir d'abord une chose: le prolétariat est confiné dans les coulisse de la scène politique, est politiquement démuni.

La Roumanie vient d'en offrir un nouvel exemple. Les 10 000 mineurs marchant en janvier 1999 sur Bucarest pour protester contre les fermetures des mines et leurs salaires de misère ont reçu le soutien tacite de l'ensemble de la population laborieuse, ont mis en cause directement l'existence du gouvernement. Continuant jusqu'à Bucarest, elle aurait fait tomber le gouvernement d'une simple chiquenaude.

Or, le 22 janvier, leur marche cessait, et la presse a présenté l'accord conclu comme une "victoire". Mais les termes de l'accord ont été tenus secrets… en réalité, le gouvernement a procédé à un recul tactique, mais n'a rien cédé sur le fond. Il s'est engagé à ne pas fermer 2 mines qui devaient l'être … deux sur les 140 dont la fermeture est programmée. Il a promis une augmentation des salaires de 30%, mais dans les conditions suivantes: " "Nous avons trouvé des solutions dans le sens des revendications des mineurs, mais elles ne seront définitives qu'après l'élaboration d'un programme visant à réduire les coûts de production dans les mines" (déclaration du premier ministre). Et les mineurs, sans même connaître les termes de l'accord, ont rejoint leur vallée à l'injonction de leurs dirigeants, qui sont pour l'essentiel des éléments ultraréactionnaires liés à l'Eglise orthodoxe, ce qui, là aussi est significatif.

Encore une fois se retrouve ce fait: même si la puissance sociale du prolétariat empêche les couches restaurationnistes de réaliser ce qui leur serait nécessaire, faute de perspective politique et des organisations nécessaires, le prolétariat subit une profonde régression. Le krach économique et financier dont a été victime la Russie ne peut encore qu'en rajouter.

En Chine

En Chine, la progression du capitalisme est considérable. Après maintenant 20 ans de "réformes" pro-capitalistes la propriété étatique des moyens de production a considérablement chuté. Selon Les Echos des 22-23 janvier:

"Si l'on en croit les statistiques [du gouvernement], de 1992 à 1996, la part de l'Etat dans la production industrielle chinoise s'est réduite de 51,5% à 28,8%, celles des entreprises collectives a progressé de 35,1% à 40,4% et le privé a bondi de 13,4% à 30,8%. "

Et encore s'agit-il d'une moyenne: en réalité, de nombreuses portions du territoire chinois ont repris la fonction qui était la leur avant l'expropriation du capital, au début des années 50: de véritables "comptoirs coloniaux" dans lesquels sévit l'exploitation la plus féroce, sous la trique bureaucratique.

Témoigne de cet état de fait la facilité avec laquelle Hongkong a été absorbé tel quel, sans aucune modification dans les rapports de propriété, ce qui conduit à s'interroger, même si l'on ne peut trancher, sur ce qu'il en est de la nature de l'Etat chinois, lui-même en voie d'éclatement.

Une chose est certaine: le gouvernement investi le 5 mars, dirigé par Zhu Rongji, veut poursuivre dans la voie qui a déjà causé 12 millions de licenciements en 1997 et autant en 1998. Prenant ses fonctions, il développait le programme suivant:

"la cure d'amaigrissement doit se solder à l'échéance de l'an 2000 par la suppression de 11 ministères ou commissions d'État (sur 40) à la faveur de fusions ou de la transformation d'administrations en entreprises publiques dans les secteurs exposés à la concurrence (...) Un des plus symboliques est celui qui affectera la commission d'État au plan (rebaptisée ministère du développement) dont les effectifs seraient amputés du quart. Des ministères industriels comme ceux de la chimie ou de la métallurgie disparaîtront pour devenir des sociétés holdings qui devraient, à terme, s'autofinancer par actions." [En clair: des entreprises capitalistes – Ndlr]

(Le Monde du 6 mars 1998).

La presse avait alors souligné à l'envi un aspect de la composition du nouveau gouvernement comme une tentative (vouée à l'échec) de discipliner les fractions de la bureaucratie, les nouvelles élites de Shanghai ou Canton, sans même parler de Hongkong. Il est certain que le processus en cours amènera forcément à la fragmentation de la bureaucratie chinoise. Mais encore une fois l'essentiel, c'est que ce gouvernement a pour mission d'aligner l'ensemble du pays sur les zones économiques spéciales, même cela doit aboutir à liquider des pans entiers de la bureaucratie maoïste, à aller vers la dislocation de l'unité. nationale chinoise, acquis de la révolution de 1949.

Un fait est significatif. Au mois de mars 1999 a été adopté un amendement à la constitution chinoise qui stipule:

"Le secteur non public, y compris les entreprises privées et individuelles, est, dans les limites stipulées par la loi, une importante composante de l'économie de marché socialiste.

Le pays doit protéger les droits et intérêts légitimes de ces entreprises tout en exerçant encadrement et supervision".

Mais cette mission du gouvernement Zhu Rongji que de réaliser la restauration capitaliste dans tout le pays n'est pas assurée de se mener sur des eaux tranquilles. Depuis quelques mois se développe une agitation croissante.

Le Monde du 26 janvier 1999 écrit:

"Selon les chiffres officiels, cinq mille attroupements ont été enregistrés en 1998 dans les villes ou à la campagne. On manifeste quasiment chaque semaine en Chine. En général, les protestataires descendent dans la rue pour dénoncer le non-versement de leurs salaires ou de leurs retraites, les escroqueries de fonds d'investissement ayant englouti leurs maigres économies ou le racket fiscal auxquels se livrent certains cadres ruraux corrompus. (…)

les autorités ne peuvent que constater que les licenciements massifs dans les entreprises d'Etat pèsent lourdement sur le climat social. Dans les villes, le taux de chômage réel frôle la barre des 20 %. "

Mais le cap est toujours maintenu. Lors de la session de l'Assemblée Nationale, selon L'Humanité du 6 mars:

" le comité central du Parti communiste chinois a proposé qu'à l'horizon de trois ans la plupart des grandes et moyennes entreprises publiques déficitaires soient tirées d'affaire. L'année 1999 est cruciale pour parvenir à cet objectif ". " Nous devons redoubler d'efforts pour réformer les entreprises d'Etat ", a encore dit le premier ministre. " Un groupe d'entreprises s'est développé et raffermi au contact de l'économie de marché. Certaines entreprises se sont tirées des difficultés et d'autres sont en train de le faire", s'est félicité M. Zhu. (…)

" A l'exception d'un certain nombre de projets devant améliorer le niveau technologique de la production, tous les organes du gouvernement doivent cesser d'envisager de nouveaux projets de développement industriel et les banques ne doivent pas leur prêter d'argent ", a-t-il ordonné en précisant : " Nous devons résolument éliminer les petites entreprises technologiquement arriérées, qui gaspillent les ressources, produisent des biens de qualité inférieure et sont à l'origine d'une grave pollution. "

Indication d'une possible montée sociale et de l'affaiblissement fantastique de la bureaucratie en tant que telle qui en a résulté, dans le même discours, à propos des licenciements et des manifestations de protestation, le chef de la bureaucratie chinoise déclare:

"Zhu Rongji a affirmé qu'il était important " de traiter correctement " ces questions et de " les éliminer avant qu'elles ne se développent ", sans utiliser de " méthodes dictatoriales ". " En aucun cas nous ne devons les aggraver en les traitant de manière simpliste ou brutale ",

Mais il faut "continuer", selon L'Humanité:

"la réforme de l'appareil d'Etat serait poursuivie. Cette réforme, qui s'est déjà traduite par une réduction sensible du nombre des ministères et des hauts fonctionnaires centraux, doit aboutir dans les prochaines années à une réduction de près de 50 % des effectifs de la fonction publique."

Dix ans après le coup de massue sur la tête du prolétariat qu'a été l'écrasement du "printemps de Pékin", la clique bureaucratique aux mains rouges de sang qui dirige la Chine semble incapable d'empêcher l'expression d'une nouvelle montée. Reste à savoir où en sont le prolétariat et la jeunesse, 10 ans après leur écrasement sur la place Tienanmen, car seul le prolétariat peut, en chassant la bureaucratie et prenant le pouvoir, stopper la liquidation de ce qui reste de la propriété d'Etat, l'utiliser pour son propre compte. Mais l'essentiel est de constater les immenses progrès de la restauration du capitalisme en Chine, d'où le soutien qu'apportent les différentes puissances impérialistes au nouveau gouvernement, la dégradation saisissante des conditions d'existence des masses, alors que l'exemple russe démontre que si la possibilité de gigantesques mouvements est inscrite dans une telle situation, leur explosion n'est en rien garantie, pas plus que leur issue éventuelle.

Il n'est pas possible de se livrer à de longs développements ici sur la situation dans d'autres pays où le capital avait été exproprié, mais il faut mentionner l'effet démoralisant que ne peut manquer d'avoir sur tout le prolétariat d'Amérique le devenir Cuba, île complètement exsangue, où le dollar est redevenu la monnaie quasi-officielle, qui vit de plus en plus du tourisme, de la prostitution, revenant progressivement à la situation de "bordel des USA" qui prévalait du temps de Batista. Il est significatif que, pour la première fois depuis 1962, l'impérialisme américain ait annoncé l'allégement de l'embargo qui frappe Cuba: les temps viennent où il entend cueillir l'île comme un fruit mûr, si les masses ne parviennent pas à s'ouvrir la voie de la révolution politique tant qu'il est encore temps.

Palestine

La Palestine, foyer révolutionnaire d'importance dans les années 80 est certainement un des endroits où le recul imposé au prolétariat, aux masses laborieuses, est le plus dramatique. Les récents accords de Wye Plantation ont surtout confirmé (au delà des conflits réels entre le gouvernement israélien et l'impérialisme américain) la soumission chaque jour croissante de l'OLP et de Arafat au processus qui voit le peuple palestinien refoulé sans cesse un peu plus de sa propre terre, enfermé dans des ghettos dont les gardiens sont les policiers palestiniens, qui ne sont que la reproduction de la police juive qui surveillait dans les ghettos en Pologne sous la botte nazie, le conseil d'autonomie palestinienne.

Depuis la guerre du Golfe, l'Intifada a été enterrée, et les explosions de colère sporadiques qui secouent les territoires "autonomes" ne changent rien au nouveau recul historique imposé aux Palestiniens avec la complicité active de l'OLP, qui pèse évidemment sur l'ensemble des peuples du Moyen-Orient.

L'éventuelle proclamation d'un "Etat" composé de ghettos modernes, que Arafat a promise pour le mois de mai par Arafat ne serait qu'une farce sinistre dans de telles conditions, l'exact opposé de ce qu'exige le combat pour la destruction de l'Etat d'Israël, dans la perspective des Etats Unis Socialistes du Moyen-Orient. On est ici passé d'une situation révolutionnaire à un épouvantable recul des masses palestiniennes.

Afrique du Sud

La situation en Afrique du sud, qui a été un des principaux foyers révolutionnaires de la planète au cours des années 70 et 80, est fort différente. Régulièrement, d'importantes grèves (mines, automobile, infirmières) montrent la capacité du prolétariat noir à combattre. A plusieurs reprises, le combat des masses noires a bousculé le dispositif mis en place en 1994, en tant que barrage à la classe ouvrière, comme cela a déjà été analysé dans CPS en 1996. Des crises se succèdent au sein de la COSATU, et sur un autre plan au sein du PC sud-africain et même de l'ANC, conséquence de l'opposition de la masse de la population à la politique menée par le gouvernement ANC-Inkatha, qui multiplie les privatisations, laisse les masses noires croupir dans la misère. Ces signes attestent que le prolétariat n'a pas reflué, mais que, faute d'orientation politique claire, sa puissance est entravée.

Et les dirigeants de l'ANC, du PC sud-africain s'emploient à effacer la portée révolutionnaire de la lutte menée pendant des dizaines d'années contre l'apartheid. Ils poursuivent sur une ligne d'union nationale, même sans la présence du National Party au gouvernement, comme l'a confirmé la déclaration de Mandela en octobre dernier au moment de la publication du rapport de la commission "Réconciliation et Vérité" qui met sur le même plan les meurtres commis par le régime raciste et ceux commis dans le cadre de la lutte contre lui: " Le président sud-africain a déclaré qu'il 'acceptait' le rapport de la commission Réconciliation et Vérité 'tel qu'il est, avec toutes ses imperfections, comme une aide que la TRC nous a donnée pour nous aider à nous réconcilier et à bâtir notre nation'." (L'Humanité du 30 octobre).

La démagogie nationaliste que l'ANC professait sous l'apartheid a fait place à la défense acharnée du capitalisme et de l'ordre bourgeois. L'ANC s'est affirmée comme un parti bourgeois. En 1996, le gouvernement contrôlé par l'ANC a adopté un programme ouvertement réactionnaire appelé GEAR: gel des salaires, diminution des impôts pour les patrons, privatisations, diminutions des dépenses sociales...

Seule la classe ouvrière peut résoudre les tâches démocratiques et satisfaire les revendications des masses noires. Un parti ouvrier révolutionnaire est nécessaire à cette perspective. Sa construction inclut à cette étape: l'exigence de la rupture du SACP et de la direction de la COSATU avec le gouvernement bourgeois, le vote pour les candidatures ouvrières lors des élections.

Pèse fort lourdement dans ce processus la trajectoire de l'AZAPO. Issue du mouvement de la conscience noire, cette organisation pouvait se développer en tant que parti révolutionnaire. Elle avait noué des liens avec l'OCI, le PCI. Ceux-ci sont devenus des chaînes avec la destruction du PCI. En mars 1998, 800 délégués issus de l'AZAPO ont proclamé le Socialist Party of Azania (SOPA). Un appel issu de cette conférence montre les ravages opérés par la destruction de ce qui restait de la IV° Internationale: protestant contre la venue de Clinton en Afrique du sud, il explique que les responsables des privatisations ne sont pas au gouvernement de leur pays, mais au FMI et la Banque mondiale. Pas un mot contre le gouvernement présidé par Mandela. Sans doute les prochaines élections en Afrique du Sud permettront-elles de mieux apprécier les processus en cours.

Dans les pays capitalistes dominants: offensive générale contre les acquis ouvriers

Dans les pays capitalistes dominants, la classe ouvrière continue d'être confrontée à une offensive tout azimut contre ses acquis, ses positions arrachées antérieurement. Il ne faut pas s'abriter derrière des considérations métaphysiques, "ni rire ni pleurer, mais comprendre". Un rapide aperçu montre que, les unes après les autres, mêmes au prix d'importantes difficultés, les différentes bourgeoisies parviennent progressivement à liquider les acquis de la classe ouvrière.

Différents articles de CPS, sur la Grande-Bretagne (CPS n°68 et 76) l'Italie (CPS n°71) ou les USA (CPS n°66), celui à paraître sur l'Allemagne, pour ne prendre que ces exemples, ont amplement illustré ce processus. La hausse brutale du chômage dans un pays comme le Japon, la reconstitution d'une armée de réserve conséquente pour le Capital est aussi tout à fait significative. Dans l'ensemble des pays capitalistes déterminants, des coups importants sont portés aux acquis collectifs, que la "dérèglementation" est en fait la règle, que les systèmes de retraites, d'assurance sociale, de santé publique, par delà leurs différences, sont attaqués; en bref: les acquis du prolétariat sont sapés en permanence. Il faut y ajouter que le poids des coupes budgétaires, opérées dans l'Union Européenne pour atteindre une certaine convergence facilitant la mise en place de l'Euro, porte pour l'essentiel sur les prolétariats.

La puissance du prolétariat reste une donnée fondamentale

Même sur la défensive, le prolétariat manifeste régulièrement sa capacité à engager le combat: en novembre-décembre 1995 en France, en 1996 en Allemagne au travers d'imposantes manifestations contre le plan Kohl.

Une nouvelle illustration en a été donnée au Danemark, au printemps 1998. Le 24 avril, l'accord bisannuel passé dans le cadre de la cogestion entre la centrale syndicale LO et le patronat, prévoyant une augmentation des salaires de 4,25 % en 1998, et 4 % en 1999 est rejeté par les travailleurs par référendum (56% de rejet). Ils exigent l'accroissement du nombre de jours de congés payés, et imposent aux dirigeants syndicaux l'appel à la grève générale.

A partir du 27 avril et pendant 15 jours, "500 000 employés du secteur privé, soit 20 % de la population active, se mettent en grève. Les transports, le bâtiment, certaines branches de l'industrie (métallurgie, textile, meubles, matières plastiques, agroalimentaires) sont touchées. Un lock-out frappe à partir du 5 mai 45 000 employés de commerce et 15 000 électriciens" (Le Monde Diplomatique, juin 1998)

Le gouvernement intervient et fait voter une loi pour en finir avec la grève. Elle prévoit:

"Tous les employés impliqués dans le conflit reçoivent deux jours de vacances supplémentaires, à condition qu'ils aient plus de neuf mois d'ancienneté dans leur entreprise, et ceux qui ont des enfants âgés de moins de quatorze ans en obtiennent encore trois en plus. Ce qui est dans la ligne de la politique familiale du gouvernement, qui n'hésite pas à défavoriser les célibataires. En échange, la contribution patronale aux pensions des ouvriers est réduite, passant de 0,9 % à 0,4 %, et un impôt maladie de 325 couronnes par an et par salarié payé par les entreprises depuis le début de 1998 est supprimé, soit un manque à gagner de 425 millions de couronnes pour l'Etat."

Un exemple des conséquences de cette loi:

"Dans certains secteurs saisonniers ou intérimaires (maçons, par exemple), près de 100 000 personnes qui ont rarement l'ancienneté de neuf mois, puisqu'elles passent d'un chantier à l'autre, se retrouvent avec leurs pensions diminuées sans autre avantage". (Ibid.)

Même les dirigeants de LO doivent admettre que l'attaque ainsi menée contre les pensions est "inacceptable". Mais le travail reprend. Il faut toutefois noter que:" trois mille grévistes " sauvages " sont venus défiler, lundi 9 mai, sur la place du Parlement, se voyant condamnés à des amendes importantes par heure de travail non repris" (Ibid.)

Ainsi donc, même désavoués par la classe ouvrière et contraints par elle de lancer le mot d'ordre de grève générale, les dirigeants syndicaux n'ont pas été débordés, les travailleurs n'ont pas obtenu gain de cause, le patronat a engrangé de nouveaux avantages.

Il faut aussi mesurer les choses: la classe ouvrière peut engager de puissants mouvements, c'est sur cette possibilité qu'il faut fonder notre politique. Mais les mouvements auxquels il est ici fait référence ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt.

On pouvait ainsi lire dans CPS n°69, premier et dernier numéro de notre bulletin à avoir été publié sous la responsabilité d'une des liquidatrices du Comité, H.Bertrand, en date du 12 septembre 1997, l'appréciation suivante sur l'importante grève d'UPS aux USA: "la grève d'UPS clôt véritablement la période ouverte par la défaite des aiguilleurs du ciel."

Cet impressionnisme était radicalement erroné. Le journal Le Monde, du 17 septembre 1998 indiquait:

"(…) les conflits importants de ces derniers mois donnent une vision trompeuse de la réalité sociale outre-atlantique. Les statistiques du ministère américain du travail ont recensé 51 conflits concernant plus de 1000 salariés en 1989, 44 en 1990, 40 en 1991. Après deux années où les conflits ont été particulièrement peu nombreux – 35 en 1992 et 1993 -, le chiffre a regrimpé à 45 en 1994 pour redescendre à 31 en 1995, 37 en 1996 et … 29 en 1997, année qui fait figure de plancher historique. 1998 ne semble pas, pour le moment, marquer le retournement de tendance: au premier trimestre on n'a relevé que 5 conflits impliquant plus de mille salariés. (…)

Malgré une augmentation des salaires réels depuis deux ans, les gains du salarié médian restent inférieurs de 3,1% à ce qu'ils étaient en 1989. Au contraire, durant cette même période, la rémunération moyenne des dirigeants a doublé et représente … 116 fois ce que gagne le travailleur moyen. (…)

Environ un salarié sur trois était syndiqué dans les années 50. Aujourd'hui on en dénombre un sur six (…) les syndicats américains perdent chaque année plus de cent mille adhérents."

Le graphisme ci-dessous, publié dans Le Monde du 9 février 1999, montre que c'est la même tendance qui s'exprime en France, bien que dans des conditions politiques différentes à bien des égards.

 

Autrement dit, aux USA, en Europe, rien ne permet d'affirmer que le prolétariat serait en train de renverser la vapeur à son avantage. La réalité, c'est qu'il continue de voir ses conditions d'existence, ses acquis, se dégrader.

Autre chose est de constater: à tout moment, le prolétariat, de larges secteurs de la classe ouvrière, peuvent engager le combat. Que nulle part, aussi importants soient les coups encaissés, aucune bourgeoisie n'est capable, toutes choses égales par ailleurs, d'interdire que s'exprime cette puissance, d'écraser le prolétariat.

Il est aussi possible de mesurer ces rapports politiques sur le terrain des élections. Dans la majorité des pays de l'Union Européenne, les prolétariats ont porté au pouvoir, à nouveau, les vieux partis ouvriers traîtres, s'en servant pour voter contre les partis bourgeois et leur politique.

Mais ils l'ont fait dans un rapport donné: hormis la Grande-Bretagne, où le vote pour le Labour Party a été massif (après 18 ans de gouvernement conservateur), que ce soit en Italie, en Allemagne ou en France, la poussée électorale de ces partis est restée limitée, et, à peu de chose près en France, et de manière nette ailleurs, les partis ouvriers traditionnels ne disposent pas d'une majorité en sièges au parlement. On est bien loin de la "vague rose" qui avait marqué le début des années 80, d'une poussée massive sur le plan électoral des vieux partis ouvriers, à commencer par les partis sociaux-démocrates, poussée qui était une conséquence différée de la vague révolutionnaire de 1968.

La raison de cet état de fait général est simple: les organisations ouvrières traditionnelles organisent et utilisent la confusion politique du prolétariat et de la jeunesse. Leur dégénérescence s'accélère, et avec elle la distance qui les sépare des masses.

Accélération de la dégénérescence du mouvement ouvrier…

Combattre pour le Socialisme s'est efforcé de donner des éléments qui soulignent la dégénérescence croissante du mouvement ouvrier. Il ne s'agit pas, encore une fois, d'en pleurer ou d'en rire, mais de comprendre qu'il s'agit d'une donnée objective fondamentale. Car en l'absence de partis ouvriers révolutionnaires exerçant une influence de masse, cette dégénérescence affecte profondément le prolétariat. Les prises de position de plus en plus pro-capitalistes des partis traditionnels de la classe ouvrière, de ses organisations syndicales, ont une fonction politique précise: la prise en charge idéologique, ouverte et revendiquée, des nécessités du capitalisme va de pair avec sa prise en charge pratique.

Il faut rappeler ici la place du "New labour" de Tony Blair, que l'article consacré à l'Angleterre dans CPS 76, résume "Tony Blair, pointe avancée du combat contre le socialisme":

" Parlant en tant que leader du " New Labour " Tony Blair s’est fait l’apôtre de la " troisième voie ". Dans un discours devant l’Assemblée nationale en France, à l’invitation de Laurent Fabius il en définissait ainsi les contours :

" Les entreprises et leurs salariés doivent être constamment ouverts aux idées nouvelles, constamment adaptables pour affronter la nouveauté dans de bonnes conditions. Si le marché du travail ou l’économie se rigidifient, s’il est trop difficile pour les entreprises de fonctionner efficacement ou trop cher d’embaucher, on ne fait qu’aller vers une autre forme d’injustice.

La meilleure sécurité de l’emploi ne tient pas aujourd’hui à la protection de la loi, mais à la qualification, à l’optimisation des compétences et à l’action d’un service de l’emploi et de la solidarité qui permet à chacun d’aller plus loin et d’aller plus haut " (Les Echos du 25/3/98).

A l’écoute de ce discours, Jacques Chirac déclara " c’était un discours très agréable à entendre, plein d’humour et de dynamisme. Un discours exceptionnel " après s’être déclaré " très impressionné par la qualité de ce discours, sa profondeur, ses analyses, ses propositions " (ibid.)

A la veille du sommet européen de Cardiff, Tony Blair précisait :

" …la nécessité de mener à bien des politiques d’assouplissement des marchés du travail et d’allégement du cadre réglementaire de notre activité, indispensables à notre prospérité, s’impose de plus en plus. (…) C’est ce que j’entends par la " troisième voie " : jeter aux oubliettes l’approche normative vieux jeu pour agir en priorité sur l’éducation et l’apprentissage (…) " (Les Echos des 12 et 13/6/98)

Sur cette "voie", Tony Blair a précisé ses objectifs :

" fonder une internationale de centre gauche, se substituant à l’Internationale socialiste dont il est membre, avec notamment, le Parti démocrate de Bill Clinton " (Le Monde du 4/8/98).

A son initiative, s’est tenu, le 21 septembre 1998, en marge de la 53ème assemblée générale de l’ONU, un forum avec la participation de Bill Clinton, de Romano Prodi et du président bulgare, Petar Stoïanov, pour débattre du " renforcement de la démocratie dans la mondialisation économique " (Le Monde du 23/9/98).

Au nom de la " troisième voie ", Tony Blair est à l’avant-garde du combat contre le socialisme. Car ce n’est pas seulement en tant que chef du gouvernement qu’il parle ainsi, mais aussi en tant que dirigeant du Labour Party, parti politique du prolétariat anglais."

La "troisième voie" de Blair fait des émules. En Italie, tandis que le parti dit de la "Refondation Communiste" a explosé sur la question du soutien au gouvernement Prodi (les deux fractions se retrouvant de toute façon pour soutenir le nouveau gouvernement d'Alema), le PDS, parti d'origine stalinienne qui occupe désormais la place de la social-démocratie en Italie, prépare sa dissolution, sa dilution, dans un conglomérat baptisé "démocrates de gauche" . L'éditorial du CPS n°72 soulignait:

"l'emblème de la nouvelle coalition est celui du parti socialiste européen: une rose et ... le drapeau de l'Union Européenne, sous le signe duquel se constitue donc cette fédération. Le marteau et la faucille, conservés jusqu'ici dans le sigle du PDS passent à la trappe."

En Allemagne, c'est sous le signe du "Neue Mitte", du "nouveau centre", que G.Schröder, surnommé dans son propre parti "le camarade des patrons" a mené sa campagne électorale. Lors de son discours d'investiture en tant que chancelier, il déclarait:

"Nous ne sommes pas pour une politique économique de droite ou de gauche. Mais pour une politique d'économie de marché moderne."

Angleterre, Allemagne, Italie, le leitmotiv des bureaucraties est le même: nier politiquement l'existence de la classe ouvrière, lui faire avaler les politiques au service de "l'économie de marché", du capitalisme. Les conséquences de cette dégénérescence se font sentir partout sur la planète. Ainsi doit-on souligner ce qu'il en est du PT du Brésil. Comme on le sait, la chute du real a été précipitée par le refus du gouverneur de l'Etat du Minas Gerais de rembourser la dette de son Etat. Ce n'est qu'après que celui-ci ait suspendu la dette que les deux Etats gouvernés par le PT (dont un par la tendance dirigée par les membres du "SU") ont suivi le mouvement: jusque-là, ils payaient les vautours capitalistes rubis sur l'ongle!

Cette dégénérescence n'est pas pourtant un processus rectiligne. L'élection en Espagne de José Borrell le 24 avril 1998 comme candidat du PSOE aux élections générales par la majorité des 383.000 adhérents de ce parti, à la surprise générale, contre la volonté du clan de Felipe Gonzales, contre le secrétaire du PSOE, en porte témoignage.

Ainsi, La Tribune du 14 avril 1998 le qualifiait-elle de "Anti-Blair espagnol", soulignant "Enfant terrible du PSOE, Borrell proclame que la social-démocratie ne doit pas sacrifier ses convictions sur l'autel de la mode néo-libérale". Evidemment, Borrell fera en fin de compte la politique qu'attend le capitalisme espagnol. Mais son élection a montré la volonté, y compris des militants du PSOE, de s'opposer au cours de plus en plus ouvertement réactionnaire de ses dirigeants, réfraction indirecte de celle du prolétariat dans son ensemble.

Dans le même sens, CPS 76 soulignait que, lors du congrès de Blackpool, les candidats de la "gauche" du Labour Party avaient défait ceux de la direction blairiste. Depuis, selon le chef du Parti Libéral-Démocrate, Blair prépare le cassage du Labour Party.

Mais ce qui est déterminant, c'est ce processus de dégénérescence accélérée des cadavres puants que sont les partis sociaux-démocrates et les anciens partis staliniens.

Il en va naturellement de même pour ce qui est des organisations syndicales. De plus en plus, dans la foulée des partis politiques traditionnels de la classe ouvrière, les appareils qui leur sont liées transforment les syndicats en auxiliaires zélés du capital. Elles aussi prennent de plus en plus ouvertement en charge les intérêts du capital, prise en charge indispensable pour faire passer les différentes mesures anti-ouvrières, prise en charge dont le corollaire est une politique de sabotage systématique des luttes ouvrières.

L'éditorial du numéro 76 de CPS fait ressortir les éléments qui concentrent aujourd'hui cet état de chose, en soulignant la participation des bureaucraties syndicales aux divers "pactes pour l'emploi", en Italie, en Allemagne, ou directement au niveau de l'Union Européenne par le biais de la Confédération Européenne des Syndicats.

Cet aplatissement devant leur propre bourgeoisie des appareils syndicaux comme celui des partis ouvriers traditionnels est un donnée d'autant plus fondamentale qu'il est aujourd'hui indispensable pour intensifier l'exploitation, liquider les conquêtes ouvrières.

… Indispensable pour des bourgeoisies historiquement affaiblies

Répétons-le, les appareils bureaucratiques qui dominent aujourd'hui le mouvement ouvrier ne peuvent effacer une donnée fondamentale: nulle part la classe ouvrière n'est écrasée, sa capacité de combat demeure. C'est le carcan idéologique et organisationnel que sont ses vieilles organisations qui handicape et affaiblit le prolétariat, se conjuguant à l'absence d'avant-garde révolutionnaire.

C'est cette puissance qui nourrit les crises qui frappent nombre d'organisations traditionnelles de la bourgeoisie. En considérant les choses d'une manière générale, aucune des bourgeoisies des principales puissances impérialistes n'a réussi à faire dans son pays ce qui lui est historiquement nécessaire pour faire face à la crise du mode de production capitaliste(quand bien même au final cela ne permettrait que de gagner un sursis important, étant donné que même réduire la valeur de la force de travail à la portion congrue n'empêcherait pas l'expression de crises, dont l'origine réside dans le mouvement du capital lui-même et l'accroissement de sa composition organique qui en découle).

Il y a bien entendu de la marge entre la situation d'une bourgeoisie comme celle de l'Italie et la bourgeoisie américaine. De même, ce qu'a réalisé Thatcher en Grande-Bretagne continue de susciter l'envie des autres bourgeoisies des principales puissances d'Europe. Mais nulle part le prolétariat n'a été réduit à l'impuissance, n'a été battu à plate couture.

C'est pourquoi, encore que les situations diffèrent grandement, aucune bourgeoisie ne peut envisager de se passer du concours des vieilles organisations ouvrières pour mener sa politique, et doit même tendre ses efforts à accroître sans cesse la collaboration de classe, à dépasser partout la "simple" participation pour tendre à une collaboration plus étroite, à la cogestion sous différentes formes. Même aux USA, le soutien de la direction de l'AFL-CIO à son propre impérialisme, en particulier au Parti Démocrate, a été et demeure indispensable dans l'offensive contre les acquis ouvriers menée par Clinton.

C'est cette situation de crise historique du régime capitaliste, d'incapacité des différentes bourgeoisies à régler, au moins pour quelques années, le sort de leur classe ouvrière respective, qui produit des effets parfois dévastateurs sur la représentation politique des bourgeoisies. Dans de nombreux pays, la capacité de résistance du prolétariat nourrit des dissensions et des crises au sein des partis bourgeois, soit directement sur le degré de violence qu'il est réaliste de vouloir employer contre le prolétariat, soit indirectement quant à l'attitude à adopter face aux principaux pays rivaux dans une telle situation (la politique extérieure n'étant toujours que le prolongement de la politique intérieure).

Ainsi en Italie l'implosion de la Démocratie Chrétienne, au Japon les "recompositions" permanentes et sans effet des principaux partis bourgeois, en Grande-Bretagne les déchirements du parti conservateur, ainsi dans tous les pays de l'Union Européenne les divergences sur cette question de "l'Union Européenne". Ainsi en France la crise chronique et s'aggravant du RPR, de l'UDF (la seconde partie de ce rapport reviendra sur la crise de représentation politique de la bourgeoisie française).

La crise économique qui se développe depuis l'été 1997, ses éventuels rebondissements, ne peuvent dans de telles conditions, qu'aiguiser ces contradictions, dont, répétons-le, le fondement est que le mode de production capitaliste est historiquement à bout de souffle, qu'il ne peut d'ores et déjà assurer la subsistance de dizaines de millions de ses esclaves salariés, qu'il n'est pas plus à même d'assurer un minimum de stabilité politique nécessaire aux échanges dans de nombreux pays, et y a même parfois ouvertement renoncé. Il n'y a qu'à voir l'Afrique subsaharienne traversée d'Est en Ouest de guerres, au moment où ces lignes sont écrites, il y a des guerres de rapines et une misère inouïe depuis la Somalie jusqu'au Sierra Leone et l'Angola, en passant par le Soudan, le Zaïre, le Congo-Brazzaville...

Mais il faut distinguer. Une fois de plus il faut garder à l'esprit ces lignes de Trotsky, écrites contre Staline dans la préface à l'édition française de La Révolution permanente:

"Il n'est pas vrai que l'économie mondiale ne représente que la simple somme de fractions nationales similaires. Il n'est pas vrai que les traits spécifiques ne soient qu'un "supplément aux traits généraux", une sorte de verrue sur la figure. En réalité les particularités nationales forment l'originalité des traits fondamentaux de l'évolution mondiale."

Ainsi, la crise de représentation politique ne frappe pas toutes les bourgeoisies des pays capitalistes dominants, en même temps et avec la même force. Elle frappe dans ceux de ces pays qui, de manière plus ou moins aiguë, sont en recul, perdent position sur position, plus ou moins rapidement. Il y a crise des partis bourgeois traditionnels en Angleterre, en France, en Italie, au Japon, et pas pour l'instant en Allemagne ou aux Etats-Unis (car on ne peut en aucun cas considérer l'affaire Lewinsky comme une réédition du Watergate qui avait amené Nixon à démissionner, un an avant la défaite historique de l'impérialisme US au Vietnam). Cela amène à apprécier, au moins rapidement, ce qu'il en est de la situation des différentes puissances impérialistes.

A nouveau sur les rapports inter-impérialistes

De plus en plus, les Etats-Unis renforcent leur domination sur l'ensemble des autres grandes puissances. Devenus la seule puissance mondiale avec la disparition de l'URSS, n'étant plus obligés de ménager leurs alliés de la "guerre froide", il n'ont cessé d'avancer dans la voie de la reconquête d'une position hégémonique qui était la leur au lendemain de la seconde guerre mondiale. On le constate sur tous les plans: les frappes menées contre l'Irak en décembre dernier (et qui se poursuivent sur un rythme moins soutenu depuis) en sont une démonstration éclatante. Ainsi que le rappelait à cette occasion la déclaration du Comité:

"La France, ou encore l'Allemagne, "déplorent", tel est le terme employé par le gouvernement, leur impuissance à s'opposer aux desiderata de l'impérialisme américain. Ils "déplorent" le fait que le commerce avec l'Irak (dont les ressources pétrolières sont considérables) leur est quasiment interdit par l'impérialisme américain, alors que l'Irak était leur meilleur client dans la région avant la "guerre du Golfe". Ils " déplorent " l'humiliation que leur infligent sans réplique les Etats-Unis en réaffirmant leur statut de seule puissance mondiale, leur prédominance."

Autres exemples: la place déterminante que les USA ont eu pour régler à leurs conditions la guerre qui déchirait l'ex-Yougoslavie, le long voyage, sans précédent, du président américain en Afrique, allant chasser directement sur les terres jusqu'ici réservées à l'impérialisme français, comme la participation au renversement du régime de Mobutu au Zaïre, la place décisive qu'occupent les Etats-Unis dans la mise sur pied des divers plans d'urgence montés dans le cadre du FMI, ainsi qu'à la préservation du pouvoir d'Eltsine en Russie, son hégémonie dans le cadre de l'ALENA, bientôt étendue au reste de l'Amérique Latine comme l'indiquent les plans de "dollarisation" d'économies comme celle de l'Argentine... Allant de pair, le renforcement de la puissance économique des USA, des ses firmes, ce que montrent les éléments donnés par CPS 76:

"en 1997, en comparaison avec 1990, la production industrielle des Etats-Unis avait augmenté de 20%, contre 8% en Grande-Bretagne sur la même période, 3% au Japon, 1,5% en Allemagne, et … 0,3% en France."

L'impérialisme américain domine de la tête et des épaules l'ensemble des autres puissances impérialistes.

PIB 1997 en milliards de dollars

USA

7 820

Japon

4 193

Allemagne

2 100

France

1 396

Royaume-Uni

1 282

Italie

1 145

Il n'est pas pour autant redevenu hégémonique. Les bras de fer commerciaux engagés périodiquement avec le Japon et l'Union Européenne s'achèvent toujours par des progrès pour lui, mais pas par des victoires décisives. Il n'a pas résolu la question de la centralisation de son Etat. Et sa place dominante l'amène à intégrer en son sein l'ensemble des contradictions du mode de production capitaliste, ce dont témoigne son endettement faramineux, le déficit sans cesse croissant de sa balance des payements et commerciale.

L'autre puissance à sortir considérablement renforcée des années 90 est sans conteste l'impérialisme allemand. C'est à son profit que s'est opérée la réunification de 1990, quand bien même elle lui aura coûté cher. Il a immédiatement commencé à remodeler à son profit la carte de l'Europe, découpant une zone d'influence constituée de la Slovénie, de la Croatie, de la République tchèque, pays dans lesquels il engage un processus de semi-colonisation. Au sein de l'Union Européenne, son poids est de plus en plus écrasant.

Il va de soi que, dans le même temps, l'ensemble des autres puissances impérialistes est en recul plus ou moins accentué. On doit cependant relever que le Japon, profitant lui aussi de la liquidation définitive de l'ordre issu des accords de Yalta et Postdam, à commencé à reconstituer au grand jour la "sphère de coprospérité asiatique" qui était son objectif lors de la seconde guerre mondiale. En quelques années, le Japon est redevenu le premier fournisseur de l'ensemble des pays d'Asie, la part de ses investissements étrangers à destination de l'Asie a presque triplé, les troupes japonaises participent au règlement du "conflit régional" du Cambodge. Mais les séquelles de sa défaite de 1945 sont profondes et d'autant plus dures à surmonter que l'impérialisme américain est le principal rival direct du Japon dans sa zone d'influence.

L'Union Européenne

Le renforcement de l'Allemagne au sein de l'Union Européenne est particulièrement saisissant. En confirmant, à la veille du lancement de l'Euro, qu'il ne céderait pas la présidence de la banque central européenne à J-C.Trichet, Wim Duisenberg confirmait entièrement ce qu'écrivait CPS dans l'éditorial de son numéro 72 au lendemain de l'échec de la France à imposer son candidat à la tête de la BCE, maintenant ou dans quatre ans:

"Au travers de cette gifle, ce qui s'exprime, ce sont les rapports de force entre les impérialismes en Europe qui sont de manière de plus en plus écrasante en faveur de l'Allemagne.

La BCE, siégeant à Francfort, comme la Bundesbank dont elle copie le modèle, devait être contrôlée par l'impérialisme dominant en Europe: l'impérialisme allemand. Ce sera le cas. Au passage: la présidence de la BERD est attribuée à un autre représentant de l'impérialisme allemand, Horst Kölher.

Le Monde du 22 mai peut commenter: "Ainsi s'achève le dernier acte du grand marchandage sur les présidences des institutions européennes, qui dure depuis l'automne 1997. Malgré des mois de manoeuvres byzantines, la France n'a obtenu aucun des postes qu'elle convoitait. ".

L'initiative de la monnaie unique avait été prise par l'impérialisme français, pour tenter de ligoter l'impérialisme allemand au moment où celui-ci voyait sa place radicalement transformée et renforcée avec la réunification de l'Allemagne. Il s'agissait alors d'éviter de subir purement et simplement la domination monétaire du mark, expression de la puissance économique de l'impérialisme allemand. Mais c'est ce dernier qui a imposé ses conditions au fur et à mesure, jusque dans le changement de nom de cette monnaie unique, d'écu en Euro.

C'est l'impérialisme allemand qui a imposé les critères de Maastricht dont l'objectif était de ne pas lui faire prendre en charge au travers de cette monnaie unique les déséquilibres financiers des autres puissances impérialistes d'Europe. Ces critères ont été prolongés, toujours sous l'impulsion de l'impérialisme allemand, par le traité d'Amsterdam qui prévoit des sanctions financières très importantes pour les Etats qui laisseraient filer leurs déficits et leur endettement au delà de ce que l'impérialisme allemand accepte de prendre en charge en échange de la reconnaissance de sa suprématie en Europe.

Les filets tendus par l'impérialisme français se sont retournés en leur contraire: le vecteur par lequel l'impérialisme allemand fait valoir ses exigences, appuyé sur une puissance économique que les rachats de Chrysler par Daimler-Benz et de Rolls-Royce par Volkswagen illustrent.

Ajoutons que le nouveau gouvernement allemand de Schröder, déclarant que l'Allemagne n'entend plus "sortir son carnet de chèques" a entamé tambour battant la renégociation de la PAC en proposant que les subventions à l'agriculture soient désormais prises en charge pour une bonne part … par les Etats et non plus par l'Union Européenne, et à défaut, que les subventions agricoles diminuent fortement, ce qui touchera d'abord la France. Voilà ce que signifie "ne plus sortir son carnet de chèques".

Bien entendu, il y a encore du chemin de la coupe aux lèvres: l'impérialisme allemand doit composer avec ses rivaux de second plan, au premier rang desquels se trouve la France. Il est par ailleurs certain que l'Union européenne, la zone Euro, sont vouées à la dislocation sous l'effet des contradictions entre les pays qui les composent et de leur accroissement en raison de la marche à une crise économique majeure. Mais cela ne change rien à l'affirmation de la prépondérance de l'Allemagne au sein de l'Union Européenne.

Au sujet de l'Union Européenne, il faut rappeler ici la position du Comité, développée dans l'article publié dans CPS 75: cadre de concurrence entre les puissances capitalistes d'Europe, l'Union Européenne est en même temps un cadre de collaboration contre les prolétariats d'Europe, un point d'appui important dans l'offensive contre les masses. Cet article indiquait:

" dans le cadre de l'Union Européenne, les bourgeoisies se sont épaulées, appuyées les unes sur les autres pour porter des coups coordonnés sinon communs. La réalisation de l'Union Européenne exige que soient menées conjointement des politiques de "déréglementation", de privatisations, de réduction des déficits budgétaires, des "prélèvements obligatoires".

"L'harmonisation européenne", que l'Euro accroîtrait, signifie pour chaque bourgeoisie nationale: aligner les conditions d'exploitation de la force de travail sur les pires conditions existant dans l'Union Européenne, précarité, polyvalence, flexibilité. L'éditorial du numéro 72 de CPS soulignait qu'il en va aussi de même dans l'enseignement supérieur.

Pour atteindre leurs objectifs, les capitalismes européens organisent aussi à l'échelon de l'Union Européenne la "participation", vers la "cogestion".

Les traités de Maastricht ont institué un "Comité Économique et Social" à l'échelle de l'Europe, afin d'associer les appareils syndicaux à leur attaques conjointes, subordonner la classe ouvrière aux besoins du capital, à la défense de l'UE.

Autre domaine de coopération entre impérialismes européens: la répression policière, la lutte contre les travailleurs immigrés.

Le 26 mars 1995 entrait en vigueur la convention de Schengen, qui permet de supprimer les contrôles aux frontières communes aux pays membres de "l'espace Schengen", au profit d'un renforcement des pouvoirs policiers dans une zone élargie autour des dites frontières, et d'un renforcement de la lutte contre l'immigration aux frontières de cet "espace".

D'où découle la ligne du Comité:

" Le Comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire intervient et agit politiquement au nom exclusivement des intérêts du prolétariat. C'est pourquoi il dénonce "l'Union Européenne", la "monnaie unique", le traité de Maastricht.

Mais la lutte des classes du prolétariat est nationale dans sa forme, internationale dans son contenu. Chaque prolétariat national doit prendre le pouvoir dans son propre pays. Mais on ne construit pas "le socialisme dans un seul pays". Le prolétariat prenant le pouvoir dans un pays quelconque d'Europe, et notamment en Allemagne et en France, donnerait une formidable impulsion aux prolétariats des pays européens qui seraient incités à prendre le pouvoir.

Les prolétariats d'Europe ont un besoin brûlant d'une Europe réellement unie. Seuls ils sont en mesure de la constituer. C'est pourquoi, sur les drapeaux rouges des prolétariats d'Europe, doit être inscrit:

vive les Etats-Unis socialistes d'Europe!"

L'engagement de la reconstruction du mouvement ouvrier est inéluctable

Pour résumer la première partie de ce rapport: le capital ne peut maîtriser la marche à une crise économique dévastatrice, et ce d'autant plus que, dans les pays décisifs, il n'a pas les moyens politiques de mettre au pas les différents prolétariats, et doit au contraire recourir aux partis et syndicats ouvriers pour mener l'offensive contre tous les acquis de la classe ouvrière.

Une telle perspective porte dans ces flancs une radicalisation de la lutte des classes. Mais le prolétariat lui-même est considérablement handicapé politiquement. La restauration du capitalisme dans l'ex-URSS et dans d'autres pays se conjugue avec le fait que ses propres organisations traditionnelles prennent désormais ouvertement en charge les politiques de défense du capitalisme en crise, alors que l'aggravation de la crise de la direction révolutionnaire a atteint un degré sans précédent. Tout cela facilite grandement l'offensive du capital à l'échelle internationale.

Le fait que coïncide avec l'impasse historique du mode de production capitaliste un profond handicap politique de la classe ouvrière ne peut que déboucher sur une situation de plus en plus chaotique. Mais il est à la fois inévitable que, quelques soient les délais, l'ampleur de la dégénérescence du mouvement ouvrier, du désarroi politique de la classe ouvrière, les masses seront amenées à chercher une issue politique. Inéluctablement se dégageront les matériaux pour la reconstruction du mouvement ouvrier sur l'axe de la révolution prolétarienne, quand bien même la désynchronisation entre la décomposition du mouvement ouvrier et sa recomposition a créé une situation inédite.

C'est dans cette perspective que doit se situer l'action du Comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire, de l'Internationale ouvrière révolutionnaire.

Le Comité participera de ce bouillonnement, y interviendra sous toutes les formes possibles en défendant la nécessité de la construction du parti ouvrier révolutionnaire. Il fera de l'objectif de la construction du parti ouvrier révolutionnaire un mot d'ordre d'agitation et de construction de ce parti et participera à tous les processus qui vont dans ce sens. Il le peut, il le doit d'autant plus qu'il a une politique et un programme à proposer et à défendre.

Il s'agit pour lui de contribuer à ce que soit surmontée la crise de la direction révolutionnaire. Cela signifie que sa tâche est de défendre les acquis politiques hérités d'un siècle et demi de combat pour l'émancipation de la classe ouvrière, acquis politiques qui sont indispensables pour que le mouvement vers la reconstruction du mouvement ouvrier n'échoue pas.

C'est à partir de cet objectif que s'ordonne son orientation, son intervention dans la lutte des classes en France.

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