Supplément à Combattre pour
le Socialisme n°7 (89), 29 avril 2002
Après la défaite politique du premier tour des
présidentielles,
l’exigence pour les travailleurs, la jeunesse:
Front Unique des organisations ouvrières
(syndicats – CGT, FO, FSU, UNEF- et
partis - PS, PCF)
* Contre l'Union nationale : refuser le vote
Chirac
* Pour le combat réel contre le FN : non au
« front républicain »
Une défaite politique
Pour
le premier tour des élections, notre Cercle avait appelé à voter pour les
candidatures permettant au prolétariat d'exprimer, même de manière déformée, un
vote de classe (PS, PCF, et aussi LO, LCR et encore le PT). Au total, ces
candidatures ne recueillent que 20,7% des suffrages des électeurs inscrits (30%
des exprimés). L’abstention ouvrière a été massive.
Au
second tour restent en lice deux candidats de la bourgeoisie. D'une part
Chirac, le représentant officiel, bien que largement discrédité dans son propre
camp (son score particulièrement faible le montre), du grand Capital et du
programme du Medef de démantèlement des conquêtes ouvrières. De l'autre, Le
Pen, candidat ouvertement xénophobe et raciste, dont le FN exhale des relents
fascisants, et qui n'est pas moins au service du grand Capital et de l’Etat
bourgeois.
Avec
l'élimination de Jospin, candidat du PS, dès le premier tour, le prolétariat
est expulsé des élections, il ne peut plus du tout manifester par son vote sa
volonté de voir combattus la bourgeoisie et ses représentants politiques.
Pour combattre réellement Le
Pen et son Front National, les briser:
Non au "Front Républicain" derrière Chirac
Sitôt
connus les résultats du premier tour et depuis lors, c'est par centaines de
milliers que les jeunes, pour l'essentiel, manifestent spontanément pour
exprimer leur rejet de ce que représente le Front National et Le Pen, le rejet
de la politique que ce dernier résume volontiers sans aller jusqu'à le clamer
par le slogan pétainiste "travail, famille, patrie" ( Le Monde,
26/04).
Mais
que font les dirigeants du mouvement ouvrier, à commencer par ceux de la CGT, de
FO et de la FSU?
Leur
responsabilité serait à l'évidence de ne pas laisser la jeunesse isolée et
d'impulser la mobilisation pour dresser face au FN la force du prolétariat, la
fougue de la jeunesse, pour balayer, briser les rassemblements du Front
National.
Ainsi,
le 1er mai au matin, Le Pen organise une démonstration à Paris.
Dirigeants CGT, FO, FSU, UNEF, ainsi que le PS et le PCF, pourraient et
devraient en appeler à la mobilisation des masses pour interdire par la force
que ce rassemblement frontiste ne se tienne. C'est sur cette orientation que la
défaite subie au premier tour de la présidentielle pourrait être pour le moins
amoindrie.
Au
lieu de cela, ils appellent, l'après-midi, à l'autre bout de Paris, à une
manifestation dont la ligne est sans équivoque, celle que responsables du PS et
PCF donnaient dès le 21 avril au soir: le vote Chirac. Dès le 22, la direction
confédérale CGT affirmait même servilement que voter Chirac serait le moyen de
défendre "le progrès social", "les droits" des
travailleurs. Mensonge!
Chirac
n'est en rien un rempart contre Le Pen et le FN, sans même parler du
"progrès social". Comme pour le prouver lui-même, il a fait siéger au
premier rang de son meeting de Lyon (24 avril) et Millon, et Soisson, et Blanc,
élus présidents de Région en 1998 avec le soutien du FN. Et qui ignore qu'en
Italie, en Autriche ou au Danemark, les homologues de Chirac gouvernent avec
ceux de Le Pen?
Qui
a oublié l’assassinat de Malik Oussekine par le gouvernement Chirac-Pasqua en
1986, la loi Chirac-Debré férocement anti-immigrés en 1997 ?
Le
programme que Chirac une fois élu compte mettre en œuvre en matière de
"Sécurité" (renforcement des forces de répression, création d'un
ministère de la "sécurité intérieure", renforcement des pouvoirs et
moyens de la Police) a peu à envier à celui de Le Pen – ce dernier se
rengorgeait même à ce sujet durant la campagne de la "lepénisation des
esprits". Au programme immédiat de Chirac figurent également une rapide
attaque contre les retraites, contre les acquis collectifs de la classe
ouvrière (dans la lignée de la "refondation sociale" du Medef),
l'allègement non moins rapide de la fiscalité sur les entreprises et la bourgeoisie
(impôt sur le revenu).
Au travers du ralliement à
Chirac: amplification de la politique responsable de la défaite du premier tour
En
appelant les "catégories sociales dont nous sommes les portes-parole et
les protecteurs" (Hollande, Libération, 24 avril) à plébisciter
Chirac, candidat principal du grand Capital, le PS, le PCF, la LCR
(hypocritement), et plus significativement encore la direction confédérale CGT
aggravent encore la portée de la défaite politique du premier tour, ouvrent en
grand la porte à l'élection d'une majorité à la botte de Chirac lors des
prochaines législatives. Cette prosternation devant Chirac est un nouveau
développement de la politique qui a conduit aux résultats du premier tour.
Car
pourquoi le PS, et plus encore le PCF ont-ils subi une véritable débâcle
électorale, aggravée encore par la désertion du champ politique par Lionel
Jospin dès le soir du premier tour? Ils payent l'addition de la politique menée
depuis cinq ans par le gouvernement de la "gauche plurielle",
associant ces partis aux formations bourgeoises Verts, Radicaux et
Chevènementistes. Cinq années où au sein de la "gauche plurielle" le
PS et le PCF auront servi de garde rapprochée à Chirac contre les conséquences
de la dissolution manquée d'abord, des "affaires" ensuite. Cinq ans
d'une politique entièrement au service des capitalistes, de flexibilité (lois
Aubry), de privatisations, de feu vert aux licenciements et de baisse du
pouvoir d'achat, de fonds de pension (loi Fabius), de liquidation de
l'Enseignement et de l'Hôpital publics, d'atteintes aux libertés démocratiques
(lois Vaillant et Dray), de collaboration à l'Union Européenne des
capitalismes, de défense de l'impérialisme français (guerre contre la Serbie,
l’Afghanistan). Mais encore, le
gouvernement s’est distingué contre les immigrés (loi Chevènement, expulsions,
centre de rétention).
Plus
loin : dès 1981, les travailleurs portaient massivement au pouvoir le PS
et le PCF. Ils attendaient qu'ils résolvent leurs problèmes. S'en est suivie au
contraire une politique de défense des intérêts des capitalistes français.
D'autant que, de 1981 à 2002, les dirigeants des confédérations et fédérations
se vautraient toujours plus dans la collaboration avec les gouvernements
vertébrés par le PS et soutenus par le PCF. Ils se sont systématiquement
opposés (flanqués en la matière des formations dites d'extrême gauche), à ce
que les travailleurs utilisent
l'existence de la majorité PS PCF. Elue à l'Assemblée nationale contre les
partis bourgeois et leur politique, prolétaires et jeunes pouvaient imposer à
cette majorité qu'elle satisfasse leurs revendications, constituant pour ce
faire un gouvernement sans représentants de formations bourgeoises, rompant
avec la cinquième République. Cette collaboration politique sans faille à la
survie du régime capitaliste a démoralisé et déboussolé de larges fractions de
la classe ouvrière, ce dont aujourd'hui témoigne l'importante abstention
ouvrière, désarroi dont Le Pen a aussi profité.
Et
encore, pour le premier tour de l'élection, sous couvert de
"neutralité", dirigeants FO, CGT et FSU renvoyaient dos à dos
l'ensemble des candidats, refusant d'appeler à voter pour les candidats des
partis et organisations rattachées au mouvement ouvrier (de leur côté, les
organisations "d'extrême-gauche" affirmaient par avance qu'elles
refuseraient d'appeler à voter pour le candidat du PS contre Chirac). Et les
voilà transformés en carpettes électorales pour ce Chirac qui constitue en
lui-même un puissant argument pour la démagogie du "tous pourris" de
Le Pen.
Se préparer à faire face à
une offensive réactionnaire de grande ampleur
La
défaite de ce premier tour, le plébiscite de Chirac organisé par le PS, le PCF,
les directions syndicales ouvrières, sont la rampe de lancement d'une offensive
tout azimut contre les travailleurs, la jeunesse, pour l'élection d'une
majorité RPR-UDF-DL au parlement, d'autant que le PS a déjà prévu d'abandonner
nombre de circonscriptions aux formations bourgeoises de la "gauche
plurielle", et a annoncé qu'il se retirerait au profit des chiraquiens au
nom du "front républicain".
Pour
autant, la capacité de résistance du prolétariat, de la jeunesse, demeure.
L'attestent aussi bien le vote pour LO et la LCR (et le PT), indépendamment de
leur programme, que le refus de nombreux militants du PS de la consigne de vote
pour Chirac, conspuant à l'occasion les dirigeants du PS.
Sur
quelle orientation faut-il se préparer à combattre? En Italie, face au
gouvernement dirigé par Berlusconi incluant les nostalgiques mussoliniens de
l'Alliance Nationale et la réactionnaire et xénophobe Ligue du Nord, la classe
ouvrière a pu exprimer massivement sa force, parce que dans l'unité, dirigeants
de la CGIL et de l'UIL, centrales ouvrières, "Démocrates de Gauche"
et PRC ont été amenés à rompre le "dialogue social" avec le
gouvernement, à appeler ensemble à une manifestation centrale et nationale à
Rome en mars (plus de deux millions de participants), puis à une grève générale
qui a paralysé le pays. Malgré les limites imposées par les appareils
bureaucratiques italiens, qui ne sont pas moins traîtres et dégénérés que leurs équivalents français,
cela confirme qu’agir sur la ligne du front unique des organisations ouvrières
est le moyen de lutte efficace contre les gouvernements à la solde du capital.
Cela
se traduit en particulier en France aujourd'hui par
- le
rejet de la consigne de vote pour Chirac, la seule position conforme aux
intérêts ouvriers lors du second tour étant de s'abstenir, ou de voter blanc ou
nul
- l’action
du mouvement ouvrier pour balayer le Front National par les moyens de la lutte
de classe
Cela
se traduira aussi par le vote pour les seuls candidats des partis et
organisations ouvriers lors des élections législatives, ce qui devrait aussi
être la position des organisations syndicales ouvrières, enseignantes,
étudiantes.
Cela
se traduit plus fondamentalement par l'exigence adressée aux directions
syndicales qu'ils rompent enfin avec les gouvernements chargés d'affaires de la
classe capitaliste, sur l’objectif d’un gouvernement issu du front unique des
organisations ouvrières..
Pour une politique
anticapitaliste, pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire
En
refusant de plébisciter Chirac tout en rejetant Le Pen, prolétaires et jeunes
manifesteront leur volonté de rejeter leurs politiques et celle de voir leurs
revendications satisfaites. Il s'agit de défendre les acquis comme les
retraites, de combattre pour interdire les licenciements, la précarité,
d'assurer le droit au travail, à un avenir à la jeunesse et aux masses
exploitées, de réaliser les embauches nécessaires dans l'Education, la Santé,
etc.
Pour
mener cette politique, il faut rompre avec la loi capitaliste du profit,
procéder aux expropriations nécessaires des grandes entreprises et des banques
pour mettre sur pied un plan de production élaboré et réalisé sous contrôle
ouvrier; la dette publique doit être annulée, il faut rompre avec l'Union
Européenne, dans la perspective des Etats-Unis Socialistes d'Europe. Pour
réaliser tout cela, un parti ouvrier révolutionnaire est absolument nécessaire,
et c'est à sa construction que veut œuvrer notre Cercle.