Combattre pour le Socialisme n°7 (89) du 27 mars 2002, spécial présidentielles

 

Election présidentielle, position du Cercle
pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire:

Infliger une défaite politique à la bourgeoisie,
battre Chirac

 

2002-2007, le Medef donne le programme:

agression généralisée contre prolétaires et jeunes

 

La feuille de route du Medef : pour un quinquennat de contre-réformes

Le Medef prend appui sur la politique menée par le gouvernement  PS-PCF-Verts-Radicaux (avec puis sans le MDC de Chevènement)

Le programme du Medef: ciment commun des candidats des formations bourgeoises

Devant le ralentissement économique

Au diapason de toute l'union Européenne

Campagne sur le thème de "l'insécurité" dans le pays le plus policier de l'Union européenne:  vers le renforcement de l'Etat bourgeois, de l'appareil de répression

Jacques Chirac, le candidat qui s'impose à la bourgeoisie

Autre candidats bourgeois notables: Chevènement, avatar du gaullisme post-mortem,  Mamère, ou la réaction peinte en vert

 

Pour le prolétariat, la jeunesse:

tirer le bilan de cinq ans de "gauche plurielle"

 

1997: Chirac subit une défaite cinglante, élection d'une majorité PS PCF à l'Assemblée

Cinq années de coups sévères aux acquis ouvriers…

… cinq années d'association des dirigeants syndicaux, qui ont dessiné une cogestion à la française

La politique des dirigeants syndicaux confédéraux CGT et FO (et FSU):  soutien décisif à la "gauche plurielle" …

… et à la "refondation sociale"

A plusieurs reprises, les travailleurs ont engagé le combat

Un autre gouvernement, une autre politique étaient possibles,  qu'il s'agissait d'imposer à la majorité PS-PCF à l'Assemblée nationale

Une grande confusion politique…

… entretenue aujourd'hui par Jospin, candidat du PS …

…Hue, candidat du PCF…

… et les appareils syndicaux dans ces élections

Ce qui est en cause: le mode de production capitaliste

 

La politique de notre Cercle: "Combattre pour le socialisme"

 

Une politique pour satisfaire les aspirations et les revendications des travailleurs, des jeunes:  s'en prendre au mode de production capitaliste

Une politique, un programme internationalistes

Pour la rupture avec la bourgeoisie, ses hommes, ses partis,  pour le front unique des organisations ouvrières (partis, syndicats)

Les candidatures Laguillier, Besancenot, Gluckstein

Vers la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe

Quel vote émettre

 

 

2002-2007, le Medef donne le programme:

agression généralisée contre prolétaires et jeunes

La feuille de route du Medef : pour un quinquennat de contre-réformes


Les 21 avril et 5 mai prochains aura lieu l'élection présidentielle, suivie en juin par les élections législatives. Pour la circonstance, et bien que, malgré les apparences, E-A Seillière ne soit pas candidat lui-même lors de ces élections, le Medef a engagé une campagne politique de longue haleine. Son objectif:

"Le nouveau temps politique ouvert par l'avènement du quinquennat devra être celui de la réforme, du changement et de l'adaptation de notre pays" (Seillière, le 19 février 2002).

 

"Changement et adaptation"? En fait, lors de son congrès du 15 janvier dernier, le Medef a adopté huit résolutions résumant les attaques essentielles contre le prolétariat et la jeunesse dont il entend qu'elles soient la feuille route du gouvernement issu des échéances électorales, dans le cadre d'un "contrat de législature avec les entreprises". En voici le contenu:

 

- faire fixer par les seuls "partenaires sociaux" le temps de travail entreprise par entreprise ou branche par branche, modifiant en ce sens la loi Aubry sur l'ARTT.

- d'une manière générale, faire reculer le champ d'application de la loi en matière de droit du travail au profit de négociations locales ou de branche, pour atomiser les acquis ouvriers.

- introduire les assurance privées, la concurrence, dans le domaine de l'assurance-maladie

- allonger l'âge de départ en retraite dans le public, voire dans le privé, permettre la retraite "à la carte" et créer de véritables "fonds de pension facultatifs".

- amplifier la mise en œuvre du PARE, instrument de soumission des chômeurs (et de l'ANPE) aux besoins immédiats du patronat,

- "rapprocher l'école, l'université, de l'entreprise", assurer l'emprise directe du patronat sur l'instruction publique, au moyen de la généralisation de la formation en alternance et de la validation des acquis professionnels (opposée à la reconnaissance des qualifications par les diplômes nationaux).

- réduire voire supprimer les principaux impôts pesant sur les détenteurs du capital des entreprises, mais aussi supprimer les cotisations assises sur les salaires pour les branches famille et maladie de la Sécurité Sociale.

- "réformer" l'Etat: décentralisation, notamment de l'Education, vers la liquidation du statut de fonctionnaire, réduction des dépenses publiques (donc du nombre de fonctionnaires), remise en cause du droit de grève dans les services publics.

 

Chaque travailleur, chaque jeune, peut aisément le mesurer: l'enjeu des élections qui viennent est d'abord là. Il s'agit de ne pas subir une défaite qui laisserait les coudées franches au grand capital pour appliquer ce programme de réaction sur toute la ligne.


Le Medef prend appui sur la politique menée par le gouvernement
PS-PCF-Verts-Radicaux (avec puis sans le MDC de Chevènement)


Mais un autre constat s'impose d'emblée: le Medef prend appui - dans chacun des points de ce programme de combat contre la classe ouvrière - sur la politique menée par le gouvernement de la "gauche plurielle" depuis 1997.

 

Reprenons point par point ce programme. La loi Aubry a délégué à des accords de branche, au "dialogue social", les conditions d'application de l'ARTT, c'est à dire de la flexibilité assaisonnée de la baisse du pouvoir d'achat. Le gouvernement a soutenu l'offensive patronale dénommée "refondation sociale", qui a vu le jour grâce à la participation des directions confédérales CGT et FO. Dans ce cadre a été signé un accord sur la "négociation collective"  (notamment par la direction confédérale Force Ouvrière) qui permet de déroger à l'échelle d'une entreprise à l'accord de branche même si celui-ci est plus favorable. Autre fruit pourri de la "refondation sociale": le PARE, qui a été agréé tel quel par le gouvernement, et est désormais obligatoire. Seillière estimait qu'il s'agissait là d'un "triomphe pour le Medef" (16/10/2001).

 

Poursuivons. Le Medef veut ouvrir le domaine de l'assurance-maladie à la concurrence? Mais il faut dire que la CMU (Couverture Maladie Universelle) en a d'ores et déjà introduit le principe (via les mutuelles). Le Medef veut des fonds de pensions? Mais la loi Fabius crée des fonds de pension, qui, pour être cogérés par les organisations syndicales, n'en sont pas moins de réels fonds de pension, de la "retraite par capitalisation". Le Medef veut se débarrasser des diplômes et de leur reconnaissance par les conventions collectives pour faire baisser la valeur de la force de travail? Mais le gouvernement, dans la loi de "modernisation sociale", a instauré la "Validation des Acquis Professionnels" - et sa transposition à l'université sous la forme des décrets "ECTS" - qui va exactement dans ce sens, tandis qu'il soumet les lycées professionnels, brevetés "lycées des métiers", aux desiderata patronaux. Le Medef veut des baisses d'impôts? Le gouvernement lui en a largement octroyé, soit directement (impôt sur les sociétés), soit via les allègements de "charges" (la baisse du salaire différé) découlant des lois Aubry d'ARTT (plus de cent milliards par an).

 

C'est donc un fait incontestable: toute la politique du gouvernement de coalition entre le PS, le PCF et les formations bourgeoises que sont les radicaux, les "citoyens" et les "Verts", a ouvert la voie à cette offensive du Medef dans les élections.


Le programme du Medef: ciment commun des candidats des formations bourgeoises


Le programme du Medef sert de ciment aux programmes de tous les candidats issus des principaux partis bourgeois.

Pour le principal d'entre eux, Jacques Chirac, c'est même l'évidence, lui dont le principal conseiller n'est autre que J.Monod, président d'honneur de Suez-Lyonnaise des eaux. Il a même pris le soin d'annoncer sa candidature à Avignon devant un parterre de patrons du cru, avant que de se poser le soir même (sur TF1) comme le candidat anti-réglementation. Quelques jours plus tard, il annonçait un programme de baisses massives d'impôts. Les propositions du Medef transpirent à chaque ligne de son programme.

 

Mais au delà de Chirac, pas un des candidats des partis bourgeois ne cherche à se démarquer, fût-ce en paroles, du programme du Medef, pas plus qu'ils ne ménagèrent leur soutien à l'opération de casse des acquis ouvriers dénommée "refondation sociale".

 

Les partis bourgeois gardent-ils un souvenir cuisant du mouvement de novembre-décembre 1995, grève des cheminots, des travailleurs de la RATP, des fonctionnaires, deux millions de manifestants dressés contre le plan Juppé de la Sécurité sociale et des régimes spéciaux et particuliers de retraite, le gouvernement Chirac-Juppé vacillant et sauvé par les dirigeants des confédérations ouvrières, le PS, le PCF? Ils n'oublient pas non plus les manifestations du 25 janvier 2001, quand 300 000 travailleurs descendirent dans la rue pour s'opposer à la volonté du Medef (encore dans la "refondation sociale") d'allonger à 65 ans l'âge permettant de toucher la retraite complémentaire à taux plein? Seillière les rappelle à l'ordre:

"Nous attendons d'un gouvernement de droite qu'il ose et d'un gouvernement de gauche qu'il comprenne! (…) Un gouvernement de droite doit oser. Il doit aller de l'avant, et procéder sans délais ni détours aux réformes indispensables dont notre pays a un besoin profond (…)" (25 mars 2002).

 

 Par ailleurs, de réelles divergences séparent les candidats des partis bourgeois, qui se traduisent dans ces élections par la présence d'une kyrielle impressionnante de candidats issus des principales formations bourgeoises, dont trois issus de l'UDF (Bayrou, Boutin, Madelin), deux du FN (Le Pen, Megret), auxquels on doit encore ajouter Pasqua.

 

L'ascension du FN jusqu'aux régionales de 1998 correspondait notamment à une tentative de secteurs de la bourgeoisie de se réorganiser sur l'axe l'affrontement direct avec la classe ouvrière (et notamment sa fraction immigrée), en jouant sur le désarroi résultant de la politique des gouvernements "d'union de la gauche" après 1981. Le poids acquis par le FN a pesé sur la défaite de Chirac dans les législatives de 1997, puis provoqué au lendemain des régionales de 98 d'importants craquements au sein du RPR ainsi que l'implosion de l'UDF.

Mais en retour, la nécessité pour le FN d'évoluer par rapport à son origine fascisante afin de permettre son alliance avec l'UDF et le RPR – à l'image de ce qui s'est passé en Autriche - ont entraîné une crise profonde en son sein, d'où il est sorti largement affaibli, quand bien même Le Pen devancerait largement Megret dans ces élections.

 

Soulagé partiellement de ce poids, Chirac a pour sa part tenté de discipliner l'ensemble des partis bourgeois traditionnels derrière son panache en impulsant "l'Union en mouvement". Mais il se heurte à de nombreuses résistances, y compris à celle de son propre parti, le RPR. La crise des partis bourgeois est loin d'être surmontée, et se manifeste dans les divergences sur la place que doit avoir l'impérialisme français au sein de l'Union Européenne, autant que dans le type d'organisation de l'Etat en France (la place des régions), des Pasqua/ Le Pen mais aussi Chevènement, de la "gauche plurielle", à Bayrou (auteur d'une tribune prônant une Europe fédérale avec D.Cohn-Bendit) et Mamère, pour les Verts. 

 

C'est d'ailleurs cette crise des partis bourgeois qui a conduit l'ancien CNPF à muter en Medef, que Seillière se plaît à dépeindre comme le "parti des entreprises", et à prendre en charge l'élaboration du programme dont l'application est vitale pour les cercles dirigeants du capital financier français, et ce d'autant plus que la situation économique se dégrade à nouveau.


Devant le ralentissement économique


En quelques mois, la prévision de croissance du PIB pour l'économie française pour 2002 a été divisée par deux pour tourner autour de +1,2% en 2002, la plus faible depuis la récession de 1993. Dans l'ensemble de la zone Euro, la croissance devrait avoisiner les 1%, avec notamment 0,5% pour l'Allemagne. Dans le même temps, le Japon devrait voir son PIB reculer de 1,4% tandis que celui des USA n'augmenterait que de 0,5% (source INSEE). Cette conjonction largement inédite où les trois premières puissances économiques mondiales voient leur croissance stagner ou diminuer ne doit rien aux attentats du 11 septembre. C'est par exemple depuis le second trimestre 2001 que l'économie américaine fait du surplace, atteinte dans son ensemble par un ralentissement qui a débuté au niveau de l'industrie, dont les effets ont été amplifiés avec l'explosion de la bulle spéculative sur les valeurs de la haute technologie. Et le spectre d'un krach financier n'est aucunement conjuré. La tension entre les grandes puissances impérialistes devient palpable avec l'augmentation de 30% des droits de douane décidée par l'administration Bush sur les importations d'acier, d'autres augmentations de ce genre devant suivre.

 

C'est en conséquence de cette situation que les plans de licenciements s'accroissent dans tous les pays capitalistes dominants, quand ce ne sont pas des faillites retentissantes de banques japonaises du leader des hypermarchés aux USA, et bien sûr de la firme Enron, plus grosse faillite de l'histoire économique américaine.

Autre conséquence pour ce qui concerne les pays de l'Union Européenne: l'augmentation prévisible des déficits budgétaires, d'autant que Fabius n'est pas le seul à avoir bâti un budget sur une hypothèse de croissance délibérément surélevée. Aussi sont à l'ordre du jour tant des vagues de licenciements que de nouvelles restrictions budgétaires.

 

Au demeurant, telles sont les conditions de la "reprise" dans l'économie capitaliste: le rétablissement d'un taux de profit temporairement suffisant. L'exemple vient des USA. Bien que limitée, la reprise constatée au dernier trimestre  2001 est à mettre en relation avec les vagues de suppressions d'emploi, ainsi qu'avec les conditions d'exploitations obtenues dans le climat "d'union nationale" imposé aux travailleurs américains après le 11 septembre. Sans de telles conditions, les dizaines de milliards de dollars injectés par le gouvernement Bush et la rapide baisse des taux d'intérêt en-dessous de l'inflation, seront de simples palliatifs temporaires.

 

A ce sujet, relevons la lâcheté intellectuelle des dirigeants des mouvements "anti-mondialisation". S'ils étaient cohérents avec eux-mêmes, ils devraient saluer avec enthousiasme la politique du Bush junior: creuser les déficits, baisser fortement les taux d'intérêts, multiplier ostensiblement les interventions étatiques dans la sphère économique. N'est-ce pas là en effet la politique "keynésienne" qu'ils appellent de leur vœux depuis tant d'années?

 

Quoiqu'il en soit, la sombre conjoncture économique est un puissant incitatif à la réalisation du programme de contre réformes avancé en France par le Medef.


Au diapason de toute l'union Européenne


C'est dans l'ensemble de l'Union Européenne que l'offensive contre les travailleurs et la jeunesse risque de s'accentuer, les différentes bourgeoisies s'épaulant au sein de l'UE, cadre de collaboration conflictuelle entre elles, renforcé par la mise en place de l'Euro. Le 15 février dernier, s'acoquinant avec Berlusconi, chef d'un des gouvernements les plus ouvertement réactionnaires d'Europe dans une déclaration de "principes" commune, Tony Blair, dirigeant du Labour Party et premier ministre britannique, en appelait à un nouvel approfondissement de la flexibilité du marché du travail, de la concurrence au sein de l'Union. Leur déclaration a été applaudie par Aznar, chef du gouvernement espagnol et président en titre de l'Union Européenne. Alain Madelin ne manque pas une occasion de saluer "l'axe réformateur", selon lui, ainsi constitué entre ces trois chefs de gouvernements bourgeois.

 

Depuis des années, dans l'ensemble des pays de l'UE, d'importantes contre-réformes ont été menées. Elles servent d'appui à tous les capitalistes, ainsi l'allongement de l'âge de départ à la retraite, l'instauration de fonds de pension (notamment en Allemagne), ou le démantèlement des acquis ouvriers en matière de droit du travail. Mais l'Union Européenne elle-même sert de vecteur à de nombreux projets réactionnaires. Pour ne prendre qu'un exemple récent, c'est dans le cadre de l'Union Européenne que vient d'être arrêté le plan d'ouverture à la concurrence du courrier dont l'aboutissement est la privatisation des services postaux. Le sommet européen de Barcelone, le 15 mars, en a fait autant pour le marché de l'électricité.

 

Mais il faut être clair. Les directives, circulaires et autres ne s'appliquent qu'autant que les gouvernements dans chaque pays le demandent. La France n'a toujours pas levé l'embargo sur le bœuf britannique comme le demande la commission de Bruxelles… ou encore, les manifestants contre le sommet de Barcelone ont été bloqués à la frontière (qui n'a pas du tout disparu) par la police. Par contre, le gouvernement de la "gauche plurielle" a transposé les directives généralisant le travail de nuit des femmes dans l'industrie, autorisant le travail des jeunes dès 13 ans, ou réformant le code de la mutualité afin d'aligner le fonctionnement des mutuelles sur celui des assurances privées.

 

A l'Université, par exemple, en février ont été adoptés au CNESER des décrets de casse pure et simple des diplômes, au nom de l'ECTS (Système Européen de Transfert de Crédits). Plus de diplômes universitaires, mais des "grades" composés de parcours individuels qui ressemblent à s'y méprendre à un pur et simple C.V. Plus d'exigence en matière de connaissances et de recherche dans un domaine, mais une addition pouvant rassembler des stages, des actions "humanitaires", la participation aux conseils de gestion des université, et des modules totalement éclatés. Au passage, le DEUG et la maîtrise sont supprimés en tant que diplômes nationaux, réduits à de simples hochets sans valeur.


Campagne sur le thème de "l'insécurité" dans le pays le plus policier de l'Union européenne:
vers le renforcement de l'Etat bourgeois, de l'appareil de répression


Tous les candidats – y compris Chirac, sans rire – martèlent leur volonté d'une "impunité zéro", veulent réformer l'ordonnance de 1945 (qui n'a cessé d'ailleurs d'évoluer depuis 45), celle de créer des centres fermés pour jeunes délinquants, en termes moins doux, des maisons de correction.

De quoi s'agit-il en réalité? Nullement de protéger la vie quotidienne des prolétaires et jeunes. Ce que veulent les candidats des partis de la bourgeoisie, suivis comme leur ombre par Jospin et Hue, c'est renforcer l'appareil de répression, l'Etat bourgeois. A.Madelin se permettait de déclarer en décembre 2001 à Libération: "Quand un policier tire sur un voyou, ceci est un homicide excusable." (et les policiers ne s'en privent d'ailleurs pas)..

 

Il suffit de se reporter à la loi Vaillant dite de "sécurité quotidienne" adoptée au parlement dans la foulée des attentats du 11 septembre. Sous couvert de la lutte contre le "terrorisme", elle renforce les pouvoirs de la police en matière de fouille, de perquisitions, d'interception des communications; renforce également les pouvoirs des forces privées de sécurité, interdit les "attroupements" dans les hall d'immeuble, les "rave parties". Ajoutons-y la modification orchestrée par Julien Dray de la loi sur la "présomption d'innocence" qui laisse les mains libres à la police dans ses basses besognes quotidiennes. Qu'on songe encore aux augmentations mirobolantes qu'ont obtenues policiers et gendarmes, plusieurs centaines de francs par mois tandis que le pouvoir d'achat des fonctionnaires stagne.

En somme, il s'agit d'un renforcement des forces de répression, "bande d'hommes armés" dont la raison d'être est d'être tournées contre le prolétariat cherchant à se battre pour ses revendications - ainsi les infirmières agressées par les CRS devant le ministère en février 2002, les enseignants de Nantes évacués par la force du rectorat en mars, pour ne prendre que ces récents exemples.

 

Mais les racines de l'insécurité que subit la classe ouvrière, comme la jeunesse, réside dans la décomposition sociale sous-jacente de la société bourgeoise qui perd de son autorité, de sa légitimité au fur et à mesure qu'elle s'avère incapable d'offrir un avenir digne de ce nom à des fractions entières de la population. D'ailleurs, cette perte progressive d'autorité de l'Etat bourgeois ne se fait seulement sentir dans les zones que le capitalisme a sinistrées. Fronde dans l'appareil d'Etat: pour la première fois dans l'histoire de la gendarmerie créée en 1791 à partir d'un corps constitué depuis des siècles, la maréchaussée, les gendarmes ont manifesté contre le pouvoir, se laissant arrêter par les CRS, à l'entrée de Paris, dans leur marche vers Matignon, l'Elysée ou l'Assemblée nationale. Et le gouvernement leur a tout lâché.

 

Le taux de chômage dans les "zones urbaines sensibles" tourne selon les chiffres officiels autour de 25%, ce à quoi s'ajoute un taux de précarité tout aussi considérable. C'est cette réalité que Jospin essaye de masquer quand il se dit "naïf" (sic!) d'avoir "cru que la baisse du chômage ferait baisser l'insécurité", justifiant ainsi son ralliement (et celui du PS) aux thèses "sécuritaires".


Jacques Chirac, le candidat qui s'impose à la bourgeoisie


Jacques Chirac, à force d'obstination dans la trahison et la destruction de ses rivaux potentiels dans la course au pouvoir (œuvre commencée en lâchant Chaban, puis Giscard, et poursuivie avec acharnement contre Bayrou par exemple aujourd'hui, en passant par nombres de barons du RPR) , s'est imposé à la bourgeoisie comme son "champion" dans ces élections.

Il résume le degré d'abâtardissement de la cinquième République, et sa plasticité, qui permet de faire de ce personnage au centre de tant "d'affaires" un candidat sérieux à la réélection au sommet de l'Etat. Il est vrai que la bourgeoisie italienne a montré l'exemple en ce domaine en choisissant Berlusconi comme chef du gouvernement !

 

Son défenseur le plus efficace? Le PS (soutenu par le PCF) qui l'a maintenu président de la République en 1997, s'est opposé par la suite à la tentative du député PS Montebourg de mettre Chirac en accusation devant la haute cour de justice.

 

Chirac, sorte de concentré de tous les vices de la société bourgeoise, impliqué qu'il est dans maints trafic d'influence et abus de biens sociaux (à usage personnel), menteur patenté et maladroit ("je ne connais pas Didier Schuller" – sic!), Chirac aux mœurs de bandit (l'usage immodéré de l'argent liquide de provenance douteuse pour payer des factures de plusieurs millions de francs; la persécution du juge Halphen), Chirac est le mercure permettant de mesurer la corruption des mœurs de la cinquième République.


Autre candidats bourgeois notables: Chevènement, avatar du gaullisme post-mortem,
Mamère, ou la réaction peinte en vert


Trois des candidats à l'élection sont des candidats de formations bourgeoises qui ont constitué, avec le PS et le PCF, la coalition de la "gauche plurielle" depuis 1997. Peut-être n'en restera-t-il que deux si l'on considère l'inexistence, pour le moment, de la candidate d'un des débris du vieux parti Radical.

 

Par contre, la candidature de Chevènement a, elle, largement été propulsée par les médias et les sondeurs, sans aucun doute dans un premier temps pour tenter de nuire à celle de Jospin. Cette candidature peut être caractérisée par l'aréopage qui entoure Chevènement lui-même: d'anciens seconds couteaux de Charles Pasqua, députés européens RPF, chantres de la réaction la plus noire. Chevènement lui-même se présente volontiers comme un candidat "gaulliste". Derrière ce terme, il faut comprendre: Chevènement se veut le candidat de "l'ordre", de la restauration de l'autorité de l'Etat. Allant bien plus loin que son mouvement, le MDC, groupe réactionnaire et chauvin, Chevènement se fait, comme le fit de Gaulle, le chantre de l'association capital-travail, jusqu'au corporatisme.

 

Son programme, outre un chant funèbre de la grandeur perdue de la France (et de son empire colonial), additionne allègement des charges, des impôts, "assouplissement" des lois Aubry, renforcement de la police. Plus quelques effets d'annonce démagogiques.

En fait, le gaullisme dont se réclame post-mortem Chevènement flirte avec le pétainisme. Son programme pourrait s'énoncer ainsi: travail, famille, patrie. C'est là une candidature foncièrement hostile au mouvement ouvrier, aux travailleurs et à leurs organisations.

 

Non moins hostile à la lutte de classe du prolétariat est la candidature des Verts. Mamère, anti-communiste virulent, démagogue confirmé (utilisant en cela l'espace que lui laissent les positions réactionnaires des dirigeants du PS), se situe dans le droit fil de ce que signifie "l'écologie" en tant que projet politique: une conception totalement régressive des rapport sociaux dans lesquels l'humanité est considérée comme un danger pour la "terre" et la "nature".

 

Au gouvernement depuis 1997, les Verts n'ont eu aucun problème pour soutenir toutes les lois favorisant l'exploitation, les capitalistes, s'inscrivant dans le cadre de l'Union Européenne, marquant seulement des réserves sur les questions de libertés démocratiques, notamment parce qu'ils guignent l'électorat enseignant et jeune.


 

La position de notre Cercle est par conséquent nette: pas une voix ne doit aller aux candidats des partis bourgeois, Chevènement, Mamère et Taubira compris, tout doit être fait pour que ces candidats soit battus, à commencer par le principal d'entre eux, Chirac, dont l'élection serait un tremplin pour le retour d'une majorité RPR-UDF à l'Assemblée nationale en juin prochain.

 

Pourtant on ne peut écarter l'éventualité que Chirac soit finalement réélu. Les responsables en seraient alors le PS, le PCF, et les appareils syndicaux CGT, FO, FSU. Pour le comprendre, il faut prendre la mesure de ce qui s'est déroulé dans ce pays depuis les élections législatives de 1997.


 

Pour le prolétariat, la jeunesse:

tirer le bilan de cinq ans de "gauche plurielle"

 

1997: Chirac subit une défaite cinglante, élection d'une majorité PS PCF à l'Assemblée


Chirac avait dissous l'Assemblée nationale, dans la foulée du vote de la loi Debré anti-immigrés, afin de disposer d'une majorité à sa botte jusqu'à la fin de son mandat et de mener à bien une offensive réactionnaire tous azimuts. Le verdict des élections fut sans appel: à bas Chirac! Un mouvement réel, même limité, vers le vote PS (et PCF), conjugué à la crise des partis bourgeois (exprimée par le poids du FN), aboutit à ce que la dissolution qui se voulait un plébiscite aboutisse à son contraire: l'échec de Chirac, du RPR et de l'UDF; l'élection d'une majorité du PS et du PCF à l'Assemblée nationale.

 

Aussitôt, alors que la question de l'éjection de Chirac était directement posée, le PS et le PCF volaient à son secours en respectant le cadre de la 5ème République, en acceptant de constituer un gouvernement de coalition avec des formations bourgeoises maintenant Chirac et lui reconnaissant l'intégralité des prérogatives qui lui confère la constitution. Le gouvernement de la "gauche plurielle", gouvernement bourgeois, se  constituait d'emblée comme un moyen d'effacer le contenu du vote aux législatives, vote qui appelait l'exigence "A bas Chirac!", et qui permettait que soit constitué un gouvernement des seuls PS et PCF, appuyé sur leur majorité à l'Assemblée nationale, gouvernement dont les travailleurs auraient exigé qu'il satisfasse leurs revendications, et pour commencer la rupture avec la politique du gouvernement Chirac-Juppé, RPR-UDF.

 

Au contraire, le gouvernement de la "gauche plurielle" maintenait et prolongeait l'essentiel de la politique des Chirac-Juppé. Renault Vilvorde: fermé. France-Telecom: privatisé. Le plan Juppé de mise sous tutelle de la Sécurité Sociale et de l'hôpital public: mené à son terme. Le pouvoir d'achat des fonctionnaires: maintenu à la baisse. A vrai dire, le gouvernement de la "gauche plurielle" a même plus privatisé que ses deux prédécesseurs RPR-UDF. La loi Chevènement sur les "sans-papiers" prolongeait pour l'essentiel la loi Debré et les expulsions, tandis que se dessinait bien vite les mesures de renforcement des pouvoirs de la Police, via son redéploiement et l'utilisation de la "police de proximité". Le traité d'Amsterdam et la marche à l'Euro avec leurs conséquences en termes de réduction des dépenses publiques étaient également maintenus. Les baisses d'impôts, sur le revenu (profitant d'abord par définition à la bourgeoisie), sur les bénéfices, ont été amplifiées.


Cinq années de coups sévères aux acquis ouvriers…


De nombreuses affiches placardées par le PS  vantent le bilan du gouvernement de la "gauche plurielle", et notamment les "35 heures". Les lois Aubry sur la l'aménagement et la "réduction" du temps de travail sont incontestablement une des réalisations majeures de ce gouvernement. Au compte de qui? Des patrons. Elles lui ont même valu les félicitations du Financial Times qui les a à juste titre appréciées comme l'instrument par excellence de généralisation de la flexibilité!

 

De fait, les deux lois Aubry ont largement contribué à l'élévation du taux d'utilisation des capacités de production constaté en France depuis 1998. Ce sont des lois qui ont permis au patronat de faire voler en éclat la référence hebdomadaire du temps de travail au profit d'une référence annuelle, d'introduire une flexibilité horaire considérable, d'élargir l'amplitude des horaires de travail, de ne plus payer en pratique les heures supplémentaires. Qui plus est, la majeure partie des accords signés contiennent des clauses de gel des salaires. Lois de flexibilité, lois de baisse du pouvoir d'achat voire des salaires, les lois Aubry sont également des lois de démantèlement à tous les niveaux des garanties collectives de la classe ouvrière.

 

Il faut également mentionner sous le nom de Martine Aubry la création des emplois-jeunes. En effet, il ne s'agit de rien d'autre que de contrats à durée déterminée de cinq ans. Le Medef d'ailleurs ne cesse de réclamer la même "souplesse" dans le secteur privé. Ces "emplois" en forme de cul-de-sac pour des centaines de milliers de jeunes se sont substitués à l'embauche de fonctionnaires sous statut, et, avec les concours dits de "troisième voie" ouverts aux emplois-jeunes, sont maintenant utilisés pour déqualifiés les emplois de la fonction publique.

 

Autre élément marquant de la politique gouvernementale: la création de fonds de pension. En effet, la loi Fabius créant les plans partenariaux d'épargne salariale est une loi créant de véritables fonds de pension, c'est-à-dire un pactole financé par les salaires des travailleurs, profitant aux patronat, à la capacité de financement et de manœuvre des entreprises, liant les travailleurs in fine aux résultats de leur propre exploitation.

 

Cette création est d'autant plus spectaculaire que, jusque là, le Parti Socialiste professait officiellement le refus des fonds de pension, de la mise à disposition des entreprises d'une réserve en capital abondée par les salariés. La possibilité offerte d'une sortie en rente de ces fonds de pension en fait aussi le premier élément tangible de la mise en place de la retraite par capitalisation, contre la retraite par répartition.

 

Autre "réalisation" du gouvernement allant dans le même sens: la "prime pour l'emploi", inspirée par les économistes dits "néo libéraux", qui prétend lutter contre les "trappes à inactivité", et en fait que l'Etat offre un point d'appui au refus patronal d'augmenter les bas salaires.

 

En matière d'impôts, L.Fabius s'est rengorgé de présenter "le plan d'allègement et de réforme des impôts le plus ample depuis 50 ans", et les patrons apprécient: "le tabou a sauté" en parlant de l'impôt sur le revenu.

 

S'il fallait un résumé des résultats de la politique du gouvernement, ce pourrait être, d'un côté, la constitution et le développement durant la législature de puissants groupes français, tel Vivendi Universal, développement se traduisant par une hausse des salaires des plus grands patrons français de 36% en moyenne en 2001! De l'autre, le feu vert de la "gauche plurielle" à tous les licenciements, notamment chez Michelin, Danone, Moulinex-Brandt, etc.

 

La politique du gouvernement de la "gauche plurielle" se concentre dans sa défense de l'impérialisme français. Il a participé aussi activement qu'il lui a été possible à deux guerres d'agression contre des Etats dominés. En 1999, pour ravager et mettre la RFY (Serbie-Montenegro) à genoux devant l'impérialisme; en 2001 pour collaborer à la mise sous tutelle coloniale de l'Afghanistan et derrière celui-ci de toute l'Asie centrale et ses ressources naturelles. Et encore, dans les zones directement sous influence française, comme le Congo ou la République centrafricaine, militaires et conseillers français sont intervenus directement pour soutenir les régimes pourris qui perpétuent l'oppression coloniale de l'Afrique.


… cinq années d'association des dirigeants syndicaux, qui ont dessiné une cogestion à la française


Comment cette politique, dans toute son ampleur, a-t-elle pu être menée? Plus qu'aucun gouvernement avant lui, le gouvernement dirigé par Jospin a systématiquement associé à la réalisation de sa politique les "partenaires sociaux", en fait, les dirigeants des confédérations et fédérations ouvrières (CGT, FO).

Non sans cynisme, Jospin expliquait au lendemain de l'annonce de sa candidature qu'il n'avait pu mener la "réforme" des retraites par la faute … du gouvernement Chirac-Juppé qui n'aurait pas suffisamment procédé en 1995 à la concertation pour faire passer sa "réforme" (la même, donc).

 

Mais il n'y a pas que de la "concertation". En cinq années s'est dessinée une situation nouvelle du point de vue de la place que les organisations syndicales occupent dans ce pays. Le gouvernement de la "gauche plurielle" a posé les premiers éléments d'une véritable "cogestion". On peut le mesurer sur trois questions: "l'Aménagement (Réduction) du Temps de Travail", l'épargne salariale, et les licenciements. Dans ces trois domaines fondamentaux, les dirigeants syndicaux ne sont plus simplement associés, consultés. C'est légalement qu'ils sont devenus les piliers sur lesquels s'appuient les attaques anti-ouvrières.

 

Prenons les lois Aubry d'ARTT. Elles rendent obligatoire des négociations et la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise avec les organisations syndicales (ou leurs "mandataires") pour que soit instaurées flexibilité, annualisation, et baisse des salaires. Branche par branche, entreprise par entreprise, la participation des organisations syndicales ouvrières aux négociations, voire leur accord, est indispensable pour accroître l'exploitation. Y compris dans les secteurs de la fonction publique hospitalière (la loi de "modernisation sociale" obligeant à la négociation dans chaque hôpital de "projets sociaux d'établissement") et territoriale.

Prenons l'épargne salariale. Les fonds de pension ainsi créés seront directement cogérés par les organisations syndicales au niveau de chaque entreprise ou groupe d'entreprises.

Prenons, enfin, la loi de "modernisation sociale", en son volet "licenciements". Elle rend obligatoire l'association, jusqu'au bout, des organisations syndicales ouvrières à l'élaboration et la mise en œuvre des "plans sociaux", de suppressions d'emploi. Même les licenciements doivent être cogérés!

 

La prise en charge de ce processus implique une nouvelle dénaturation du rôle des organisations syndicales, construites historiquement pour défendre les revendications des travailleurs, et au contraire les corsetant tant et plus du fait de la politique de leurs directions.


La politique des dirigeants syndicaux confédéraux CGT et FO (et FSU):
soutien décisif à la "gauche plurielle" …


Rien n'obligeait les dirigeants syndicaux à s'engager dans cette cogestion sur des points aussi décisifs. Rien ne les forçait à se faire les agents les plus directs et les plus efficaces de la mise en œuvre de la politique de "contre-réformes" de la "gauche plurielle", sinon leur propre volonté, sinon le soutien qu'ils ont décidé de lui apporter, du fait de leur attachement indéfectible au mode de production capitaliste.

 

Ce sont eux qui ont permis que s'applique partout la loi Aubry d'ARTT, et son extension aux entreprises publiques, loi qualifiée, il faut le rappeler, par Louis Viannet (CGT) de "plus grande avancée sociale depuis 1936" tandis que les dirigeants de la FSU en réclamaient à grands cris l'application à l'enseignement public. Un des accords les plus favorables au patronat en termes de flexibilité horaire, celui de la métallurgie, a été obtenu grâce à la signature de la fédération Force Ouvrière. A la SNCF, alors que se dessinait en avril 1999 un mouvement de fond contre l'application de l'ARTT (qui accroissait la durée journalière de travail des conducteurs), la fédération CGT (d'où est issu Bernard Thibault) a fait passer contre la volonté de ses syndiqués la consigne donnée par JC Gayssot et Robert Hue ("si j'étais cheminot, je ne ferais pas grève"). Dans l'enseignement public, le syndicat FSU des ouvriers et les agents a signé un protocole d'application de l'ARTT qui les rend taillables et corvéables à merci. Et dans chaque entreprise, chaque branche, les syndicats et fédérations CGT et FO sortent leur stylo à qui mieux mieux, de quoi faire pâlir l'organisation réactionnaire CFDT.

 

En matière de licenciements, les dirigeants CGT ont salué en termes à peine voilé la loi de "modernisation sociale". Mais dès cet été, à AOM-Air Liberté, cette loi s'appliquait de manière anticipée: les dirigeants syndicaux de l'entreprise ont définis eux-mêmes les critères de licenciements, ont pour ainsi dire dressé la liste des licenciés. Dans le même ordre d'idée, tous les "plans sociaux" de ces derniers mois (Moulinex, Bata, Danone) ont fait l'objet d'intenses négociations dans les dites entreprises. Nulle part les dirigeants syndicaux n'ont mis en avant l'exigence, claire nette et précise qui manifeste le refus de la classe ouvrière de se laisser réduire au chômage: "aucune suppression d'emploi, aucun licenciement".

 

Quant à la mise en place de l'épargne salariale, des fonds de pension et de la retraite par capitalisation, elle est l'occasion pour les dirigeants confédéraux CGT, assistés par les organisations CFDT, CFTC et CGC, de franchir une nouvelle étape. Dans une déclaration commune, fin janvier, ils se proposaient de "mettre l'épargne salariale au service des salariés", et définissaient les critères qui rendraient les fonds de pension acceptables ("éthiques", à la manière des catholiques) à leurs yeux. Depuis, l'activité principale des dirigeants CGT et de leurs acolytes en la matière consiste à dépouiller les offres de service qui leur ont été directement adressées par les organismes financiers, et à les "valider". Ils se font ainsi les agents régulateurs de ce "marché" nouvellement ouvert.

 

Les dirigeants CGT, FO et FSU avaient déjà participé au C.O.R., le conseil d'orientation des retraites, mis en place par le gouvernement sur l'objectif avoué de s'en prendre au code des pensions et aux régimes spéciaux de retraite.


… et à la "refondation sociale"


Les dirigeants confédéraux CGT et FO n'ont pas ménagé leur soutien qu'au gouvernement. "Syndicalisme de proposition" oblige (selon la définition donnée par le 46° congrès de la CGT), ils ont permis à la "refondation sociale" d'exister, de prendre son ampleur, et de déboucher sur les résultats néfastes qui ont été les siens.

 

Après avoir répondu positivement à l'invitation du Medef, c'est avec lui, avec les organisations d'origine chrétiennes et réactionnaires que sont la CFDT et la CFTC, ainsi qu'avec la non moins réactionnaire et corporatiste CGC, que l'ordre du jour de la "refondation sociale" a été élaboré en commun.

 

Ne pouvant supposer que les dirigeants CGT et FO avaient des doutes sur les intentions du Medef, qui ne les cachait pas, il faut conclure: ces dirigeants syndicaux ont pavé la voie à une offensive redoutable contre les travailleurs et la jeunesse, en refusant de boycotter et combattre la "refondation sociale" et ses divers chantiers.

Car quel est le bilan de la "refondation sociale"? Affaiblissement de la médecine du travail. Engagement de la liquidation de l'ANPE et flicage des chômeurs avec le PARE (que les dirigeants CGT et FO, après avoir refuser de signer, ont accepté implicitement en signant quelques mois plus tard la nouvelle convention de gestion de l'Unedic). L'allongement de la durée de cotisation en matière de retraites complémentaires n'a été évitée que grâce à l'importante mobilisation de janvier 2001, toutefois le patronat a empoché directement les milliards d'excédents du régime. Enfin, le chantier sur la "négociation collective" a abouti en juillet dernier à un accord qui ouvre la voie à la primauté de l'accord entreprise par entreprise sur l'accord de branche, même s'il est moins favorable.

 

Ce bilan est entièrement à mettre au passif des dirigeants syndicaux confédéraux CGT et FO, sans la participation desquels ces acquis engrangés par le Medef n'auraient pas vu le jour.


A plusieurs reprises, les travailleurs ont engagé le combat


Depuis 1997, et surtout à partir de 1999 (après que le nombre de jours de grève ait atteint des plus bas historiques en 1997 et 1998), à plusieurs reprises, les travailleurs ont engagé d'importants combats contre le gouvernement et sa politique, contre le patronat.

 

Les agents des finances ont lutté pendant plusieurs mois contre un plan gouvernemental de "restructuration" brutale de leur administration, le plan Sautter, lutte fragmentée et affaiblie systématiquement par les dirigeants des fédérations syndicales CGT et FO (grèves tournantes, …). Leur combat acharné a pourtant eu un écho jusqu'au sein du groupe PS à l'Assemblée, où nombre de députés ont manifesté leur inquiétude devant les conséquences électorales pour eux (législatives partielles).

 

En mars 2000, les agents réussissaient à imposer aux dirigeants fédéraux la rupture des négociations sur le plan Sautter. Le syndicat FO-impôts allait même jusqu'à appeler à la grève générale. Alors que des centaines de milliers d'enseignants étaient entrés en mouvement de leur côté, le gouvernement décidait de retirer le plan Sautter, subissant ainsi un échec net et cinglant.

 

Les enseignants du primaire de l'Hérault et du Gard de leur côté ont mené une longue lutte pour obtenir les postes nécessaires. Dans l'Hérault ils ont constitué un comité de grève départemental intégrant les organisations syndicales, dont une délégation s'est rendue à Paris pour exiger des directions nationales des syndicats du premier degré qu'elles appellent à la grève générale.

Cette exigence s'est manifestée alors que les enseignants des lycées professionnels faisaient massivement grève pour la défense de leur statut, ceux des collèges cherchaient à obtenir par la grève des créations massives de postes, ceux des lycées voulaient le retrait de la "réforme" gouvernementale les touchant.

 

De nombreuses Assemblées générales et adresses d'enseignants ont exigé l'appel par les directions de leurs fédérations à la grève générale (quoique l'absence de parti ouvrier révolutionnaire en cette circonstance se soit particulièrement fait sentir), tandis que d'autres allaient vertement interpeller les dirigeants du PS.

Mais les dirigeants de la FSU et de ses syndicats, ceux du SE-FEN, se sont opposés à la grève générale, ont dévoyé le combat et les revendications des enseignants contre la politique gouvernementale, le personnalisant en un combat contre un seul ministre, certes particulièrement répugnant (Allègre).

 

Aussi le gouvernement sortait-il de février-mars 2000 "dévalué" (Jospin dixit), remanié, mais encore en position de poursuivre sa politique de contre-réformes (ainsi dans l'enseignement celle des IUFM, des collèges, etc.).

 

D'autres secteurs ont combattu. A la SNCF, début avril 2001, les conducteurs ont vu leur grève contre le projet "cap client" isolée et cadenassée par l'appareil CGT au premier chef, émiettée une nouvelle fois en une kyrielle de grèves locales "reconductibles", sans centralisation.

Dans les hôpitaux, une première fois fin 1999, début 2000, les personnels ont lutté pour leurs revendications. Les appareils de la santé leur ont opposé le cadre de la négociation sur l'ARTT, qui, disaient-ils, amènerait la création des postes nécessaires. Du dernier trimestre 2001 à février 2002, de nombreuses grèves ont secoué les hôpitaux, contre le protocole Guigou d'application de l'ARTT (soutenu par le seule CFDT), pour son retrait.

A nouveau l'exigence a été adressée aux dirigeants des fédérations qu'ils appellent à la grève générale, mais encore qu'ils appellent à manifester à l'Assemblée nationale contre le vote de la loi de financement de la sécurité sociale ou du budget des hôpitaux. Les bureaucrates syndicaux ont pu résister et multiplier les journées d'action se situant dans la seule perspective de "négociations" avec le gouvernement. Avec une moindre force, les travailleurs de La Poste ont connu les mêmes processus en 1999, isolés département par département quand ce n'était pas centre par centre, bureau par bureau.

 

Enfin, il faut relever les grèves dans plusieurs entreprises du secteur privé, le plus souvent contre les licenciements (à Moulinex, Danone, ou Bata, usine dans laquelle les travailleurs ont mis en place un piquet de grève et mis sous leur contrôle les stocks) ou aussi pour des augmentations de salaires (comme encore aujourd'hui la FNAC ou Go Sport), contre l'application de la loi Aubry et ses effets. Parfois, sur la question des licenciements, les députés PS et PCF ont dû louvoyer. Ainsi le PCF refusait-il en juin dernier de voter la loi de "modernisation sociale" qu'il avait adoptée lors de sa lecture précédente sans sourciller, tandis que plusieurs députés PS essayaient de lui donner un vernis plus présentable aux yeux des travailleurs licenciés ou en passe de l'être.  Mais nulle part les directions syndicales n'ont pris position pour interdire les licenciements, pour s'opposer inconditionnellement à la fermeture de sites. A Danone, elles ont même utilisé le mot d'ordre de "boycott" … adressé aux "consommateurs".

 

Enfin, en mai 2001, la tenue à l'initiative de l'intersyndicale de Danone d'une réunion nationale regroupant l'ensemble des représentants des travailleurs menacés par licenciements posait la question d'une manifestation à Paris, à l'Assemblée, pour exiger de la majorité PS PCF qu'elle interdise les licenciements. Au contraire, le PCF réussissait (avec la caution de l'extrême-gauche, LCR et LO en tête) à mettre sur pied une manifestation le 9 juin dont l'axe était de s'inscrire dans le débat sur la loi de "modernisation sociale", tandis que la direction CGT mettait sur pied sa propre initiative.


Un autre gouvernement, une autre politique étaient possibles,
qu'il s'agissait d'imposer à la majorité PS-PCF à l'Assemblée nationale


Mais ce qui a sous-tendu la capacité des appareils syndicaux de préserver le gouvernement et sa capacité d'action contre les travailleurs, c'est l'absence apparente de réponse à la question du pouvoir. Toute lutte sérieuse, comme celles mentionnées plus haut, posent la question du gouvernement. Confrontés, dans ses divers aspects, à la politique de la "gauche plurielle" (alliance du PS, du PCF, avec les Verts, Radicaux et Citoyens), le prolétariat, la jeunesse, se heurtaient forcément à la question: "quel autre gouvernement, pour quelle autre politique permettant que les revendications soient satisfaites"?

 

A cette question, le résultat des élections de 1997 permettait d'apporter la réponse la plus concrète qui soit, étant donné l'existence depuis lors d'une majorité PS-PCF à l'Assemblée nationale, circonstance plus qu'opportune pour combattre en direction de cette majorité pour qu'elle cesse de soutenir la politique du gouvernement, qu'elle donne satisfaction aux revendications des travailleurs, bref qu'elle décide de constituer un gouvernement PS-PCF sans représentant des formations bourgeoises, signifiant par là même qu'elle cessait de se situer dans le cadre de la 5ème République et qu'elle chassait Chirac. Ce n'est que sur cette orientation qu'il était possible de permettre que la défaite politique subie par les partis bourgeois en 1997 débouche sur une victoire politique pour la classe ouvrière.

 

Les travailleurs ont cherché confusément ce débouché politique. Les initiatives militantes prises sur cette orientation durant les cinq dernières années ont rencontré un écho non négligeable, quand bien même elles étaient forcément limitées, faute de parti ouvrier révolutionnaire ou tout du moins d'organisation révolutionnaire constituée et combattant sur cette orientation. Mais, en d'autres termes, celle-ci seule, prenant appui sur les rapports politiques établis en 1997, pouvait permettre aux travailleurs et jeunes d'utiliser les liens, mêmes ténus, qu'ils entretiennent avec les partis ouvriers traîtres et dégénérés, à leur avantage. Au lieu de quoi c'est le contraire qui s'est produit: la place du PS, et aussi du PCF (qu'on pense à la SNCF) au gouvernement a servi à boucher toute perspective alternative à la classe ouvrière. Concernant le PCF, relevons ces propos de Jospin dans Le Temps de répondre:

"JC Gayssot est un homme chaleureux, bosseur, malin et expérimenté, ayant une connaissance intime du syndicalisme – ce qui lui a été utile à plusieurs reprises. Capable de débrouiller des dossiers difficiles, il apporte beaucoup au gouvernement".


Une grande confusion politique…


Aussi faut-il le constater, malgré les combats engagés dans tel ou tel secteur, le gouvernement dirigé par Jospin aura eu dans l'ensemble les moyens politique de mener son offensive contre les conditions de travail et d'existence des travailleurs et des jeunes. Les premiers responsables en sont bien sûr les dirigeants des appareils bureaucratiques CGT et FO, qui ont fait œuvre d'allégeance totale au gouvernement de la "gauche plurielle". Mais encore: ces dirigeants ont pu appliquer l'orientation définie principalement au 46ème congrès de la CGT (le "syndicalisme de proposition") dans la mesure où, dans les rangs du prolétariat, coexiste avec un potentiel de combat certain une grande désillusion et un grand désarroi politiques.

 

Les sources de cette confusion politique ne sont guère mystérieuses. En 1981, l'élection de F.Mitterrand, premier secrétaire du PS, et celle d'une majorité de députés PS et PCF, ont constitué une défaite historique des partis bourgeois. En 1988 et 1997, à nouveau, les principaux partis bourgeois ont été chassés du pouvoir. A chaque fois, bien que cela n'était pas écrit à l'avance, c'est une politique toujours tournée contre les travailleurs, au profit des capitalistes, qui a été menée. A chaque fois, les appareils syndicaux ont collé aux basques des gouvernements bourgeois de coalition mis en place par Mitterrand puis Jospin depuis 1997.

En ces circonstances, il a manqué une organisation ouvrière révolutionnaire, que l'existence de l'OCI/PCI permettait d'envisager qu'elle soit construite. L'abandon par sa direction de sa politique de combat sur l'axe du front unique des organisations ouvrières contre les gouvernements à la solde du capital d'union de la gauche/front populaire l'a interdit. Cette trahison a débouché sur la liquidation du PCI en 1991.

 

Et il faut surtout considérer ce qu'a signifié le processus de restauration du capitalisme dans les pays d'où le capital avait été exproprié, à commencer par l'URSS. C'est là une source majeure de confusion politique. Il semble à des larges fractions des masses populaires que rien d'autre ne soit possible que le capitalisme.

 

C'est dans ces données objectives, dans la politique du PS, du PCF, des appareils syndicaux, qui ont officiellement fait allégeance au mode de production capitaliste, qu'il faut chercher la raison du désarroi qui étreint les masses, qui se traduit par ces scènes - exhibées à satiété par les médias - de travailleurs se félicitant à chaudes embrassades que le "plan social" frappant leur entreprise ferme l'usine d'à côté et non la leur.

 

Lors des prochaines élections, nul doute que c'est par millions que les ouvriers en particulier ne voteront pas, sans qu'ils n'y ait quoique ce soit de positif dans ce fait: au contraire, cela exprime d'abord un sentiment d'impuissance. Et ce sentiment est largement nourri par la politique que déploient à l'occasion des élections le PS, le PCF et les bureaucrates syndicaux.


… entretenue aujourd'hui par Jospin, candidat du PS …


Lionel Jospin n'a pu faire autrement que de se faire investir ("pour la symbolique", Hollande dixit) candidat du PS par un congrès réuni exprès pour l'occasion. Candidat du PS, il ne s'en est pas moins désigné lui-même comme étant candidat dans le même temps contre le Parti Socialiste, affirmant par exemple dès sa première prestation télévisée: "Je suis socialiste mais mon projet n'est pas un projet socialiste". Dans une interview au Monde du 2 mars, il complétait le tableau de la manière suivante:

"je ne leur [les français – Ndlr] propose pas le socialisme, mais un projet inspiré par la volonté d'une plus grande justice sociale, d'une Europe renforcée et d'une meilleure organisation du monde, d'un exercice rénové des responsabilités publiques et de la fonction présidentielle".

 

Son programme dévoilé le 19 mars précise encore "je dis oui à l'économie de marché (…)". Autrement dit, Lionel Jospin, candidat du PS, tient non seulement à se démarquer du PS mais surtout à en rajouter dans la condamnation du socialisme. Dès lors, rien d'étonnant à ce que son programme, hormis quelques phrases creuses visant à donner le change, soit de nature à dégoûter tout travailleur conscient de voter pour lui.

 

Se situant en défense du mode de production capitaliste usé jusqu'à la corde, Jospin égrène au fil des pages "réduction des déficits", privatisation des entreprises publiques en fonction des "objectifs de politique industrielle (qui) guideront nos décisions", maisons de correction pour les mineurs, "maîtrise de l'immigration", prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu (ce qui revient à donner au patronat un pouvoir considérable), allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires pour le droit à la retraite ("équité" oblige, appuyé sur les travaux du C.O.R.) et mise en cause des régimes spéciaux ("par le dialogue interne"), développement de l'épargne salariale, développement de l'autonomie des établissements scolaires, universitaires, de recherche, poursuite de la décentralisation et de la "réforme de l'Etat",donc suppression de postes de fonctionnaires … ad nauseam.

 

Il faut cela dit relever quelques propositions dont l'importance est grande. La première (développée depuis longtemps par la direction confédérale CGT) consiste à mettre en place une "formation tout au long de la vie", assortie d'un "compte-épargne formation" individuel. Ce dont il est question ici, c'est de faire passer les licenciements pour une chance ("les progrès des techniques, la compétition entre les entreprises (sic!-Ndlr), la mobilité des personnes bouleversent la vie professionnelle. (…) Chacun doit pouvoir participer à ces changements et valoriser son talent en faisant évoluer ses qualifications").

 

Avec à la validation des acquis, l'achèvement de la destruction de l'enseignement professionnel public, cette "sécurité collective" consisterait à mettre en place comme nouveau modèle de société la précarité généralisée ("collective"!), alternance de contrats précaires et de période de formation à la charge in fine du salarié, faire se succéder licenciements, stages parking, ou autrement dit d'étendre le principe du PARE à tous les travailleurs.

 

Autre proposition concernant la jeunesse, la mise en place d'une allocation d'autonomie individualisée (proposition issue du programme des dirigeants de l'UNEF cette fois-ci), se substituant " en tout ou partie aux actuelles aides fiscales, familiales, sociales". Autrement dit, liquidation des aides existantes sur critères sociaux (bourses), de l'ALS, des aides aux familles, au profit d'une aide individualisée liée à la "démarche de formation et d'insertion professionnelle".

 

Enfin, le programme du candidat Jospin se propose de donner encore plus d'ampleur à la cogestion: mise en place d'une "conférence économique et sociale nationale" et aussi dans chaque région, introduction des dirigeants syndicaux dans les conseils de surveillance des entreprises. Ce qui donne toute sa réactionnaire saveur au regret formulé par Jospin dans son ouvrage Le temps de répondre (p.208): que De Gaulle ait échoué lors du référendum de 1969 qui visait à transformer le Sénat en un organe d'intégration des organisations syndicales à l'Etat.


…Hue, candidat du PCF…


Le programme de Robert Hue, candidat du PCF, est en de nombreux points semblable à celui de Jospin. Ainsi, le développement de la cogestion, l'allocation autonomie des jeunes, la "réforme de l'Etat" (R.Hue proposant que les services publics soient notamment ouverts tard le soir…). S'y ajoutent certes des revendications mettant un peu de piment dans le plat, telle celle de l'augmentation des salaires, des minima sociaux, etc.

 

Mais ce programme est d'abord marqué par l'empreinte de la crise du PCF. Depuis cinq ans, le PCF est au gouvernement. Robert Hue s'invitant à la manifestation organisée par la CGT contre l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence s'est fait apostropher par des manifestants – fait nouveau -  ceux-ci lui reprochant à juste titre d'avoir tout voté depuis cinq ans. La position conjoncturelle du PCF est de fait intenable. Le soutien indéfectible à la politique gouvernementale d'un côté, une esquisse de critique de celle-ci de l'autre ("au total, ce qui est resté déterminant, c'est la volonté des puissances financières" lit-on dans la première mouture du programme de Hue). mais Robert Hue ne connaît pas le mot "abrogation". Il ne remet nullement en cause les lois et décrets jalonnant le bilan de ce gouvernement au service du capital. En particulier les privatisations, comme celle en cours des autoroutes du sud de la France réalisée sous la houlette du ministre PCF JC.Gayssot!

 

A la racine de cette intenable posture, il y a le fait que le PCF est un parti à la dérive, parti ouvrier dégénéré ex- stalinien, voué à terme à la disparition du fait de la mort de la bureaucratie du Kremlin. Son dernier congrès, changeant les statuts pour en faire une véritable passoire, renonçant très officiellement au socialisme, fut un pas important dans cette direction. Mais il reste un parti ouvrier (dégénéré). Lors du congrès du PCF, M.Duffour a rapporté le "trouble" du PCF:

"Le PCF fut longtemps perçu comme celui de la défense exclusive des intérêts de la classe ouvrière Ce qui est le plus troublant, c'est de voir cette image nous coller à la peau"

 

Il est à envisager que, si le score de Hue était franchement mauvais, la crise du PCF connaisse un coup d'accélérateur et que les forces centrifuges qui le travaillent se libèrent brutalement.


… et les appareils syndicaux dans ces élections


De leur côté, dirigeants de la CGT et de FO s'appliquent eux aussi à interdire que la classe ouvrière ne puisse, dans ces élections, poser la question pourtant pour elle décisive: celle du pouvoir.

 

Les dirigeants confédéraux CGT ont pris le 7 mars, à l'unanimité, la position suivante:

"La CGT, en tant qu'organisation syndicale, dans sa démarche indépendante des partis comme du patronat et du gouvernement, n'a pas à donner de consigne de vote pour ces scrutins(…)

Elle adressera, dans les prochains jours, aux candidats à l'élection présidentielle, un mémorandum reprenant ses objectifs en matière économique et sociale

(…) La CGT qui veut favoriser, en toutes circonstances, une plus grande intervention des salariés, les invite à participer aux débats et aux choix démocratiques. Une forte abstention à ces scrutins se retournerait à coup sûr contre leurs intérêts."

 

Autrement dit, la direction confédérale affirme que pour les travailleurs la question du gouvernement n'a aucune espèce d'importance, et adresse son programme (à l'instar du Medef qui avait invité les syndicats à agir ainsi) à tous les candidats, ceux des partis bourgeois comme ceux des partis issus du mouvement ouvrier. Elle en rajoute, en affirmant vouloir lutter contre l'abstention. Sans consigne de vote particulière, cela peut s'entendre: mieux vaut voter Chirac que s'abstenir. Mesurons ce que signifie comme déclaration préventive d'allégeance au prochain gouvernement la déclaration de Thibault dans Le Monde du 14 mars:

"Quel que soit le gouvernement en place, il y aura urgence à engager certains chantiers".

De son côté, la direction Force Ouvrière rappelait dans un communiqué du 14 février:

"L’organisation Force Ouvrière vient, lors de la commission exécutive, de confirmer qu’elle ne prendra pas position lors des consultations électorales politiques, laissant le soin aux citoyens de se prononcer eux-mêmes, en fonction de leur opinion de l’intérêt général."

 

L'affirmation qu'il existerait un "intérêt général" dans la société bourgeoise, société divisée en classes aux intérêts antagoniques – ce qui fonde la nécessité de partis et y compris de syndicats ouvriers indépendants de la bourgeoisie – est une duperie finie. Au bout du compte, la direction FO affirme, comme celle de la CGT, qu'il importe peu à la classe ouvrière de savoir quel est le gouvernement en place, plus précisément qu'il importe peu que ce gouvernement se situe dans le cadre du mode de production capitaliste, soit le fondé de pouvoir de la bourgeoisie française, ou pas.

Or, c'est précisément cette question qui est décisive.


Ce qui est en cause: le mode de production capitaliste


A l'origine des maux qui frappent les prolétaires, la jeunesse, il y a le mode de production capitaliste et ses exigences. Le nouveau ralentissement économique mondial qui se manifeste cette année est l'occasion pour les vieilles directions traîtres du mouvement ouvrier, qui ont fait allégeance au mode de production capitaliste, d'en appeler à la "régulation", à la "maîtrise" de ce qu'ils appellent la "mondialisation", pour ne pas utiliser de mots qui décrivent la réalité telle qu'elle est, tels que capitalisme, impérialisme.

 

Mais, alors que des faillites spectaculaires se multiplient, telle celle d'Enron ou du groupe de supermarchés Kmart aux USA, du groupe de BTP Holzman en Allemagne, de banques japonaises, alors que la baisse des cours des bourses amplifie considérablement les difficultés des groupes, il est d'autant plus nécessaire de marteler: le mode de production capitaliste, historiquement épuisé, n'a aucun avenir à offrir à la population laborieuse, aux masses exploitées et opprimées, à la jeunesse. La seule "régulation" qu'il connaisse, c'est celle que provoquent les crises, permettant de dévaloriser les moyens de production, c'est de faire baisser la valeur de la force de travail, permettant de rétablir un taux de profit (et d'exploitation) suffisant pour que la machine se relance. Mais même ainsi, le régime capitaliste ne cesse d'affirmer son caractère banqueroutier, banqueroute dont l'ampleur peut être mesurée par les niveaux d'endettement public et privé atteints dans les principaux pays capitalistes. Ne pouvant trouver dans le simple accroissement de l'exploitation les ressources suffisantes pour retrouver une nouvelle jeunesse, une formidable cavalerie financière matérialisée par des titres en tous genres (actions, obligations, produits dérivés) a été développée, notamment depuis la fin de la convertibilité du dollar en or, véritable verdict de faillite rendu depuis 1971.

 

Ce développement du système de crédit et bancaire a pu être  "le moyen le plus puissant de faire dépasser à la production capitaliste ses propres limites" (Marx, Le Capital, livre III, ch. 36). Sans ce développement, la production n'aurait jamais atteint les dimensions actuelles. Mais avec son développement, le système de crédit est devenu plus que jamais "un des véhicules les plus efficaces des crises et de la spéculation" (Ibid). Toute crise, avec les faillites qu'elle entraîne, voit ses effets décuplés par le château de cartes de crédits qu'elle fait s'écrouler. De plus, les exigences propres au maintien et au développement de ces "bulles de savon gonflées de capital-argent nominal" (Marx) pèsent de plus en plus lourdement comme un carcan sur l'économie capitaliste.

 

C'est la situation existant en Argentine qui indique la direction générale vers laquelle tend la marche du capitalisme. Un pays jadis relativement prospère aujourd'hui saigné à blanc et dépecé par les sangsues et les vautours impérialistes, un pays dont le président doit reconnaître qu'il est "ruiné". Avec comme conséquence pour les masses une misère extrême, des charrettes de licenciements, l'évaporation pure et simple de leurs maigres économies, tandis que le gouvernement à la solde de l'impérialisme se propose de restreindre encore les dépenses budgétaires socialement utiles pour obtenir une nouvelle aumône de la part des créanciers impérialistes qui devrait être remboursée au centuple.

 

Si les conditions politiques plus favorable à l'impérialisme qui ont découlé de la restauration du capitalisme en URSS et dans l'est de l'Europe, de l'accélération de la dégénérescence  du mouvement ouvrier, ont permis de repousser les échéances, celles-ci sont inéluctables.

L'alternative fondamentale reste pour l'humanité: socialisme ou barbarie.



 

La politique de notre Cercle: "Combattre pour le socialisme"

 


Pour les élections présidentielles de 1995, dans Combattre pour le Socialisme, Stéphane Just  précisait la position qui est celle du parti ou de l'organisation révolutionnaire par rapport à l'élection présidentielle.

 

"Présenter un candidat aux élections présidentielles est un impératif politique pour toute organisation ou tout parti ayant les moyens politiques et matériels de le faire. A moins, en ce qui concerne les organisations ou partis ouvriers révolutionnaires, qu’ils soient en mesure de les boycotter. Mais boycotter, ce n’est pas un appel à l’abstention, c’est empêcher, par tous les moyens, qu’elles aient lieu. Boycotter c’est ouvrir une situation révolutionnaire dans l’objectif de prendre le pouvoir. Pourquoi faut-il, quand le boycott n’est pas possible, présenter un candidat ? Parce que, en France, les élections présidentielles sont les plus importantes de toutes les élections. Il faut donc, lorsque c’est possible politiquement et matériellement, les utiliser, saisir les opportunités qu’elles offrent pour défendre sa politique, son programme.


Au regard de quoi la question de savoir si un des candidats des organisations et partis ouvriers sera présent au second tour, voire éventuellement élu, est secondaire. Une organisation ou parti ouvrier qui, ayant les moyens de présenter un candidat au premier tour pour défendre sa politique et son programme, ne le fait pas, met en cause son existence, le prétexte fut-il l’importance qu’il y ait au second tour un candidat d’une organisation ou d’un parti ouvrier face au candidat du capital. Certes, la présence au second tour d’un candidat d’une organisation ou parti ouvrier, son éventuelle élection sont importants. Il peut en résulter une modification profonde de la situation politique ouvrant des opportunités au prolétariat, à son action sur son propre plan et selon ses propres méthodes.

C’est pourquoi une organisation ouvrière et révolutionnaire doit, au nom de la politique de rupture avec la bourgeoisie, de Front unique des organisations et partis ouvriers, contre le capital et ses gouvernements, appeler à voter au second tour pour le candidat d’un parti ouvrier (si dégénéré et traître que soit ce parti) qui y serait opposé à un candidat représentant les organisations et partis bourgeois. Mais la priorité est de défendre au premier tour la politique et le programme de l’organisation ou du parti ouvrier révolutionnaire, en utilisant les moyens que donne la présentation d’un candidat, de mesurer (dans une certaine mesure) par les résultats électoraux obtenus son influence et de se construire. "

 

Notre Cercle est très loin d'avoir les moyens politiques comme financiers qui lui feraient se poser la question d'une candidature à l'élection présidentielle. Mais une telle candidature inclurait de combattre la 5ème République, dont l'architecture met précisément l'élection présidentielle à une place centrale (et plus encore avec l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral). La 5ème République a été instaurée suite au coup d'Etat de de Gaulle en 1958 avec pour objectif de liquider le mouvement ouvrier organisé. Elle concentre entre les mains du président-bonaparte des pouvoirs d'une étendue sidérante, des pouvoirs régaliens considérables (l'institution même de la présidence de la République résulte des volontés restaurationnistes des monarchistes au moment des début de la IIIème République, et auparavant l'élection du président au suffrage universel direct, rétablie en 1962 par de Gaulle, avait servi de tremplin au coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte).

 

Notre Cercle se prononce: inconditionnellement pour en finir avec la 5ème République.


 

Une politique pour satisfaire les aspirations et les revendications des travailleurs, des jeunes:
s'en prendre au mode de production capitaliste


Nombreuses sont les revendications des travailleurs, de la jeunesse. Au premier rang d'entre elles figure l'exigence que soit abrogé l'arsenal législatif tourné contre eux au profit des capitalistes, et notamment l'abrogation des lois Aubry sur l'ARTT et son application aux trois fonctions publiques, de la loi sur l'épargne salariale, du plan Juppé, l'annulation sans indemnité des privatisations réalisées par les gouvernement Balladur, Chirac-Juppé et Jospin, l'abrogation des "réformes" de démantèlement de l'enseignement public, l'abrogation des lois contre les libertés démocratiques, des lois anti-immigrés, les travailleurs immigrés devant bénéficier de tous les droits existants, y copris le droit de vote, etc.

 

Mais là ne s'arrêtent pas les mesures nécessaires à la satisfaction des aspirations des larges masses. Pour assurer le droit au travail, il est nécessaire d'interdire les licenciements, le travail précaire. Il faut pour liquider le chômage procéder à la réduction massive du temps de travail, sans flexibilité ni annualisation, jusqu'à embauche de tous les chômeurs (c'est-à-dire: instaurer l'échelle mobile des heures de travail). Pour assurer le pouvoir d'achat, il faut revendiquer le rattrapage du pouvoir d'achat perdu depuis 1982 et sa garantie par l'indexation des salaires sur les prix (échelle mobile des salaires). La satisfaction des revendications de créations de postes dans les secteurs socialement utiles doit être satisfaite, notamment en répudiant définitivement la dette publique dont le poids pèse sur les travailleurs et qui correspond aux budgets parasitaires type armement et aux subventions qui coulent depuis des années à flot pour les capitalistes. La Sécurité Sociale

 

Mais ces revendications risqueraient de conduire à l'aggravation de la situation économique? Cela indique en réalité que le mode de production capitaliste ne peut les digérer. Pourtant, il est possible d'assurer à chacun le droit au travail, à un salaire correct, à un logement décent, à la santé, à une éducation digne de ce nom. La production doit être organisée en fonction de la satisfaction des besoins des masses et non plus de la recherche du profit privé. Les grands groupes capitalistes, les banques, doivent être expropriées, sans indemnité ni rachat, pour que soit élaboré et réalisé sous le contrôle ouvrier un plan de production rationnel permettant d'y parvenir. Pour cela, le prolétariat doit conquérir le pouvoir politique, exproprier la bourgeoisie, briser son Etat, son appareil de répression.

En résumé: on ne peut aller de l'avant si l'on craint d'aller au socialisme.


 

Une politique, un programme internationalistes


La déclaration de Combattre pour le socialisme pour les élections de 1995 contenait le passage suivant qui mérite d'être repris intégralement.

 

"Cette politique, ce programme participent du développement de la lutte des classes en Europe et dans le monde. Leurs objectifs ne sauraient être l’établissement d’un État ouvrier national isolé et de mettre sur pied une économie planifiée autarcique. Une telle conception serait irréaliste et réactionnaire. Le régime capitaliste fut un progrès pour l’humanité pour autant qu’il a développé une certaine division internationale du travail, mis en cause les étroites limites provinciales et nationales. Il fait faillite parce que sa condition c’est la propriété privée des moyens de production, de la finance, des échanges, des transports, etc., parce que son moteur est le profit particulier et qu’il lui est impossible de s’affranchir des frontières nationales. Le prolétariat d’un pays, combattant pour prendre le pouvoir, impulse la lutte de classe des prolétariats des autres pays pour qu’ils le prennent à leur tour. C’est là sa meilleure défense contre les bourgeoisie de ces autres pays. L’expropriation du capital, l’organisation de la production, son impulsion en fonction des besoins des producteurs et sous leur contrôle, là où le prolétariat a pris le pouvoir, ont leur complément indispensable dans l’expropriation du capital, l’organisation de la production, son impulsion en fonction des besoins des producteurs et sous leur contrôle, dans les autres pays. Il ne s’agit pas d’aboutir à une addition d’économies planifiées, ce qui est d’ailleurs impossible. Il faut en finir sur le plan mondial avec les limites, les crises, les conséquences catastrophiques du mode de production capitaliste, en finir avec lui. Les prolétariats instaurant leur propre pouvoir politique ont à organiser la production, une coopération économique et politique, une intégration qui donnera une fantastique impulsion au développement des forces productives, condition de la réalisation du socialisme. Pour les prolétariats d’Europe cela signifie former et développer les États Unis Socialistes d’Europe dans la perspective de la constitution de la République socialiste universelle.


En conséquence, la politique et le programme d’une organisation ou d’un parti ouvrier révolutionnaire présentant un candidat aux élections présidentielles doit dénoncer tous les organismes internationaux que le capitalisme agonisant a mis sur pied pour prolonger son existence et qui sont dominés par les puissances impérialistes (ONU, FMI, banque mondiale, pacte atlantique et autres, Union européenne et ses multiples organismes, traités et alliances de toutes sortes).


Cette politique, ce programme ont à préconiser le combat pour le retrait des troupes impérialistes dans les multiples pays où elles sont présentes, en Afrique, en Asie et aussi en Europe quelles que soient leurs éventuels camouflages (exemple : la FORPRONU dans les pays de l’ex-Yougoslavie). De même ils ont à mettre en lumière que les programmes, plans de redressement ou d’assistance économique et financier du FMI, d’autres instances internationales, des différentes puissances impérialistes ne sont que des moyens d’exploitation et de soumission des pays qui en “bénéficient”. Il leur faut souligner que les ONG, les associations humanitaires de toute sorte sont des agences des puissances impérialistes et y opposer la solidarité prolétarienne. Là aussi pour combattre les différentes manifestations de la politique des puissances impérialistes, il faut militer pour que les organisations et partis ouvriers rompent avec la bourgeoisie avec l’impérialisme et réalisent le Front unique."


Pour la rupture avec la bourgeoisie, ses hommes, ses partis,
pour le front unique des organisations ouvrières (partis, syndicats)


Combattre sur cette orientation ne se fait pas en dehors du temps et de l'espace. Cette politique ne peut déboucher que si elle met au premier plan l'exigence de la rupture des organisations ouvrières, partis et syndicats, avec la bourgeoisie, elles dont le rôle, ainsi que nous l'avons amplement souligné, est décisif dans la mise en œuvre de l'offensive de destruction des acquis ouvriers.

 

Même de plus en plus ténus en ce qui concerne le PS et le PCF, des liens fondamentaux existent encore entre le prolétariat et ses vieilles organisations, PS, PCF, CGT et  FO (et la FSU, etc.).

"Tant que ne seront pas construits des partis et une internationale ouvrière révolutionnaire ayant une influence de masse, qui soient en mesure d'impulser et de diriger les combats du prolétariat jusqu'à ce qu'il prenne le pouvoir, aussi traîtres et dégénérés soient ces partis, ces organisations syndicales, la population laborieuse, la jeunesse, chercheront à les utiliser contre la bourgeoisie. Contradiction sans doute mais contradiction qui ne peut être résolue que par le mouvement des masses, lequel passe nécessairement par là. " (déclaration de 1995)

 

Une illustration toute fraîche de la validité de cette politique vient d'être apportée en Italie.

La volonté des masses de lutter contre le gouvernement Berlusconi, contre sa politique s'est cristallisée sur la modification de l'article 18 du code du travail que veut réaliser le gouvernement, modification interdisant la réintégration dans son entreprise d'un salarié dont le licenciement aurait pourtant été reconnu comme abusif.

Aussi dégénérée soit-elle, la direction de la centrale ouvrière CGIL a été amenée à appeler à une manifestation centrale et nationale à Rome. Aussi traîtres et dégénérés soient-ils, les partis DS (ex-PCI) et PRC se sont ralliés à cet appel. Le résultat a été une manifestation sans précédent dans les dernières décennies, deux millions de manifestants contre Berlusconi.

A la suite de cette manifestation, les dirigeants de la CGIL ont même rompu, au moins provisoirement, le "dialogue social" avec le gouvernement, refusant de se rendre à une table ronde convoquée à cet effet, posant en préalable aux négociations le retrait de la modification du code du travail.

 

Aujourd'hui, c'est du coup l'existence même du gouvernement Berlusconi qui est en question. Preuve que c'est bien sur l'axe du front unique des organisations ouvrières (partis et syndicats), du combat contre les gouvernements bourgeois et la rupture avec ceux-ci, qu'il est possible d'engager le combat et de vaincre ces gouvernements et leur politique.

 

Aussi est-il indispensable d'adresser aux organisations ouvrières -traîtres et dégénérées- l'exigence de la rupture avec la bourgeoisie. Aux directions des organisations syndicales, cela signifie en particulier: cessez de vous associer sans cesse plus étroitement à l'application de la politique de casse des acquis des travailleurs! Refusez de participer à leur démantèlement en participant aux négociations d'application de l'ARTT, aux organismes de gestion de l'épargne salariale, et d'une manière générale à tous les organismes de participation, d'association des organisations syndicales à la politique gouvernementale et patronale. Réalisez le front unique sur la base de la défense inconditionnelle des revendications des travailleurs!

 

Au PS, au PCF, s'adresse de plus la revendication  qu'ils combattent, comme le devraient les directions syndicales,  contre tout gouvernement au service de la bourgeoisie, qu'ils réalisent le front unique: pour un gouvernement des seuls partis ouvriers, sans représentants des partis et organisations bourgeoises. L'avènement éventuel d'un tel gouvernement signifierait que la classe ouvrière a repris l'initiative politique. Le combat sur cet axe est le combat pour poser sa candidature au pouvoir.


Les candidatures Laguillier, Besancenot, Gluckstein


C'est à l'aune de ce programme, celui hérité de la 4ème Internationale fondée par Léon Trotsky, qu'il faut apprécier les candidatures dites d'extrême-gauche, émanant d'organisations se réclamant ouvertement ou non du trotskysme, celles d'Arlette Laguillier (Lutte Ouvrière), d'Olivier Besancenot (LCR), et de Daniel Gluckstein (Parti des Travailleurs, dont l'essentiel est constitué du Courant Communiste Internationaliste qui se présente comme section française de la Quatrième Internationale)

 

Au centre du programme trotskyste se trouve le combat pour répondre à la question du pouvoir. Force est de constater qu'aucune de ces candidatures ne cherche à y répondre, de la même manière que ces trois formations se sont soigneusement abstenues d'ouvrir une quelconque alternative politique positive au gouvernement de la "gauche plurielle" entre 1997 et 2002. En témoigne leur attitude commune pour le second tour: les trois prônent l'indifférence en cas d'un duel entre Chirac, principal candidat du capital financier, et Jospin, malgré tout candidat du PS. De plus, ni Besancenot, et moins encore Gluckstein, ne se réfèrent au socialisme, au communisme, dans cette campagne.

 

Arlette Laguillier développe une nouvelle fois un programme se résumant à deux ou trois mots d'ordres tels l'interdiction des licenciements sous peine de réquisition des entreprises (terme soigneusement choisi pour ne pas parler d'expropriation, la "réquisition" signifie que les entreprises seront ultérieurement remises entre les mains de leurs propriétaires), l'ouverture des livres de compte, etc. Tout en parlant de communisme, de collectivisme, d'une manière abstraite, elle se refuse à avancer des revendications transitoires, partant des conditions actuelles de la lutte des classes, amenant à la conclusion que la prise du pouvoir est nécessaire. Exagération? Du tout, c'est elle-même écrit dans son livre "Mon communisme"  (p.161) qu'avec les mesures qu'elle propose dans cette campagne:

" La direction de la société appartiendrait encore à la bourgeoisie, mais elle serait contrôlée et dans une certaine mesure elle ne ferait pas ce qu'elle veut, elle serait obligée de partager son pouvoir avec la collectivité".

 

Mais soulignons que Lutte ouvrière, bien que présentée comme "formation trotskyste", s'est toujours opposée à la Quatrième Internationale y compris du vivant de Trotsky, préférant déjà alors pratiquer une politique d'adaptation au PCF, ce qui marque toujours profondément les discours d'Arlette Laguillier.

 

O.Besancenot (LCR) développe de son côté une réthorique axée sur la glorification de "l'expérience de Porto Alègre", municipalité brésilienne dirigée par ses camarades brésiliens. L'expérience en question, la "démocratie participative", vise à faire prendre en charge aux habitants un certain nombre de décisions quotidiennes au sujet de l'emploi du budget municipal. Touchant en fait une petite frange de la population de la ville, la "démocratie participative", phare des mouvements "anti-mondialisation", s'inscrit entièrement dans le cadre de la gestion du mode de production capitaliste.

Pour ce qui est de la France, Besancenot  et la LCR, "démocratie" aux lèvres, aboutissent à des propositions que ne renieraient pas Hue ou Jospin:

" la démocratie ne doit pas s'arrêter à la porte des entreprises, mais inclure le droit des salariés à exiger d'autres choix économiques, sociaux, technologiques, que ceux imposés par les chefs d'entreprise."

Ce sont de chauds partisans de la cogestion.

 

Rappelons que la LCR est issue du courant qui a liquidé la 4ème internationale en 1951-53 (quand celle-ci avait rendez-vous avec l'histoire), en s'alignant sur la bureaucratie stalinienne contre les ouvriers de Berlin-est en juin 1953 (qui revendiquaient un "gouvernement des metallos"), mouvement qui annonçait d'autres développements de la révolution politique contre la caste contre-révolutionnaire du Kremlin (conseils de la révolution hongroise de 1956, des décennies de combat en Pologne, le printemps de Prague). La LCR est composante d'un courant qui a rompu avec le marxisme et tenté de détruire les organisations trotskystes par tous les moyens en cherchant à les intégrer aux appareils bureaucratiques.

 

Rien d'étonnant, finalement, à retrouver de nombreuses positions directement inspirées par les appareils contre-révolutionnaires dans le programme de la LCR, tout comme la LCR n'a pas hésité lors des municipales à fusionner partout où elle le pouvait entre les deux tours avec les listes de la "gauche plurielle", listes bourgeoises et pro-gouvernementales.

 

Quant à D.Gluckstein, il dépasse largement O.Besancenot sur le terrain de la "démocratie". Plaçant sa campagne sous le signe de la "reconquête de la démocratie", il s'est distingué par un "combat" pour "le refus de l'intercommunalité forcée", la défense des 36 000 communes de France. Il paye ainsi son écot aux maires qui l'ont parrainé. Au-delà, la candidature D.Gluckstein, du Parti des Travailleurs dont la direction est inféodée à l'appareil Force Ouvrière, candidature de dernière minute, semble entièrement motivée par un seul objectif, empêcher Jospin, en tant que candidat du PS, d'être élu.

 

Quant au combat pour la révolution, interrogé le 18 février sur RFI sur la nécessité de faire la révolution dans tous les pays du monde pour mettre fin à l'état actuel des choses, D.Gluckstein répondait "simplement":

"plus modestement, il faudrait déjà appliquer les normes définies par l'Organisation Internationale du travail".

 

Dans le même temps, il est clair par avance que le vote qui se portera sur ces candidats, sans signifier une adhésion à leur programme de quelque manière que ce soit, manifestera la volonté qu'ont de nombreux travailleurs et jeunes de chercher une issue politique positive face à la "gauche plurielle". Malheureusement, les trois candidats ne partagent pas, c'est le moins qu'on puisse dire, ce souci.


Vers la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe


La position de Combattre pour le Socialisme pour les présidentielles de 1995 soulignait dans quelle perspective historique se situent les militants trotskystes. Il faut la rappeler.

 

"Un long processus historique va vers son terme, celui où les appareils syndicaux, les partis social-démocrates et socialistes, la bureaucratie du Kremlin et son appareil international ont exercé un quasi monopole sur le mouvement ouvrier où ils ont pu, non sans problème, manipuler le prolétariat. Leur emprise a été telle qu’elle a même pu faire craquer et détruire la IVe Internationale. Pourtant elle était armée du programme élaboré par Léon Trotsky tirant les leçons de la vague révolutionnaire qui s’est développée à la fin et à la suite de la première guerre impérialiste mondiale, de son reflux faute de directions révolutionnaires dans les pays où elle a déferlé, les leçons de la révolution russe, de sa dégénérescence, de la naissance et de la victoire de la bureaucratie du Kremlin et de son rôle dans le monde. Les groupes qui s’en réclament ont trahi ce programme. Ils ont trahi la révolution prolétarienne. En France, la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) est à la remorque des “réformateurs” et autres déchets politiques venant du PS et du PCF, des Verts ; le Parti Communiste Internationaliste (PCI) s’est transformé en “Courant Communiste Internationaliste” (CCI) composante d’un prétendu “Parti des Travailleurs” (P.T.) dont l’appareil de FO tire les ficelles.

 

L’antagonisme fondamental entre la bureaucratie du Kremlin, ses satellites et le prolétariat s’est exprimé brutalement dès juin 1953 dans le mouvement révolutionnaire du prolétariat de la partie Est de l’Allemagne. Ensuite ce furent : le mouvement du prolétariat polonais en 1956, la révolution hongroise de novembre 1956, celui des masses de Tchécoslovaquie au cours du printemps et de l’été 1968, la grève générale d’août 1980 en Pologne, le combat du prolétariat allemand de l’automne 1989, qui a entraîné la chute du mur de Berlin et par enchaînement, l’effondrement des régimes bureaucratiques subordonnés au Kremlin dans l’ensemble de la partie Est de l’Europe. Rapidement s’en est suivi l’éclatement de la bureaucratie du Kremlin, la dislocation de son appareil international. Le contrôle du stalinisme sur une grande partie du mouvement ouvrier et du prolétariat international s’affaiblit de plus en plus.


Corrélativement l’emprise sur une autre partie du mouvement ouvrier et du prolétariat international, qu’ont eu les appareils bureaucratiques des syndicats, des partis social-démocrates et socialistes s’affaiblit de plus en plus. La complicité active des appareils syndicaux avec le pouvoir bourgeois, le patronat ressort de plus en plus aux yeux des ouvriers, de la population laborieuse, de la jeunesse. L’exercice du pouvoir au compte de la bourgeoisie, l’accomplissement des basses œuvres du capital en crise, ou la pratique d’opposition de sa majesté, sont les composants de la politique des partis social-démocrates et socialistes. Cette politique les oppose à la population laborieuse et ruine le crédit dont ils disposaient parmi les travailleurs.


En bref : la classe ouvrière, la population laborieuse, la jeunesse entrent en conflit avec les appareils syndicaux, leurs organisations et partis traditionnels. Ce développement est en cours mais est loin d’être achevé. En outre, une grande confusion politique existe, que d’un côté la destruction de l’URSS, de l’autre celle de la IVe Internationale, nourrissent. Quel avenir, quelle politique ? Ces questions semblent sans réponse. Mais c’est dans le développement de la crise actuelle du mouvement ouvrier que se dégageront les conditions objectives de sa reconstitution sur un nouvel axe, celui de la construction de partis ouvriers révolutionnaires, d’une Internationale ouvrière révolutionnaire, sur la base du programme résultant des combats et de l’expérience des Ière, IIe, IIIe et IVe Internationales. L’action politique du “Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire” [aujourd'hui du Cercle qui entend maintenir cette continuité politique - Ndlr] consiste à défendre l’acquis politique et théorique de ces Internationales, dans le cours de la lutte de classe du prolétariat et d’établir des jalons pour la reconstruction sur un nouvel axe du mouvement ouvrier."


 

Quel vote émettre


Ce que veut la classe ouvrière, la jeunesse, c'est ne pas subir une défaite politique qui ouvrirait la voie en grand à l'application du programme concocté par le Medef. C'est de ne pas laisser les coudées franches au grand Capital. La victoire de Chirac serait une défaite politique pour les travailleurs.

 

Elle serait une condition politique particulièrement favorable à l'élection d'une majorité RPR-UDF à l'Assemblée nationale,  la mise en œuvre la plus brutale et la plus rapide du programme de contre-réformes que la bourgeoisie française exige. C'est pourquoi, malgré toute la répugnance qu'inspire légitimement la politique et le bilan du PS et du PCF, il n'y a d'autre choix dans ces élections que d'utiliser le vote pour les partis et organisations ouvriers, même traîtres et dégénérés.

 

Aucune illusion ne peut être entretenue. Le programme que Jospin, s'il était élu, chercherait à appliquer, ne vaut pas mieux dans le fond que celui de Chirac.

Mais le contenu du vote des travailleurs se rassemblant au second tour sur le nom de Jospin, candidat du PS, contre Chirac serait au contraire un point d'appui pour combattre la politique au service des capitalistes qui est précisément aussi celle que Jospin voudrait mener.

 

La défaite de Chirac encouragerait le prolétariat, la jeunesse, à prendre l'initiative, à engager le combat sur leur propre terrain avec leurs propres méthodes, celles de la lutte de classe, sur la ligne du front unique des organisations ouvrières, enseignantes, étudiantes.

 

Aussi notre Cercle prend-il position pour: au premier tour, vote pour le parti ou l'organisation ouvrière de son choix, au second tour, vote pour celui des candidats de ces organisations qui restera en lice.


 

Le 27 mars 2002

 

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