INTRODUCTION

Ce texte est un texte de discussion, préparatoire à la conférence de mai 1996. Il ne prétend pas couvrir tous les aspects de la prétendue "mondialisation du capital". Eventuellement un autre texte, polémique celui-là, sera rédigé et diffusé, portant sur cette question.

Ce texte comporte beaucoup de tableaux, de citations, parce qu’il fallait s’efforcer de donner aux camarades le maximum d’informations pour qu’ils puissent avoir une vue sérieuse sur cette dite "mondialisation du capital".

Stéphane Just:

À PROPOS DE «LA MONDIALISATION DU CAPITAL»
(Première partie) 

 

L’IMPÉRIALISME DU TEMPS DE LÉNINE

CARACTÉRISATION PAR LÉNINE DE L’IMPÉRIALISME

ENTRE LES DEUX GUERRES MONDIALES

LES ACCORDS DE BRETTON WOODS

ÉVOLUTION DES BALANCES AMÉRICAINES

D’OÙ SONT VENUS LES DÉFICITS AMÉRICAINS

COURBE DES DÉPENSES MILITAIRES

BUDGETS FÉDÉRAUX

BUDGET DE LA DÉFENSE (EN MILLIARDS DE DOLLARS) :

IMPULSION AU CAPITALISME FINANCIER

FIN DE LA CONVERTIBILITÉ DU DOLLAR

VERS LES CHANGES FLOTTANTS

POURSUITE DES DÉFICITS

LA "RELANCE" DE 1975

L’ÉCONOMIE D’ENDETTEMENT

LE TOURNANT DE 1978

"Du plan Carter au "prime rate" à 21 %

MONÉTARISME

QUELQUES INDICATIONS SUR LES ANNÉES REAGAN

UN ENDETTEMENT GÉNÉRALISÉ

QUELQUES CONCLUSIONS

CONCENTRATION DU CAPITAL FINANCIER

"LA TRIADE"

 

L’IMPÉRIALISME DU TEMPS DE LÉNINE

"La mondialisation du capital" est une formule qui est de plus en plus employée, on peut dire à la mode, et au nom de laquelle sont "justifiées" toutes les attaques contre la classe ouvrière, la population laborieuse, la jeunesse,. Elle a pris le relais de la caractérisation de "néo-capitalisme" attribuée aux dites "trente glorieuses". D’ores et déjà certains parlent d’un "nouvel âge du capitalisme". Il faut au moins dans les grandes lignes voir ce qu’il en est.

L’"internationalisation" du capital n’est pas un phénomène nouveau. On peut même dire que développement du régime capitaliste et internationalisation du capital sont allés de pair avec la formation du marché mondial et de la division internationale du travail. Entre 1876 et 1913 le volume du commerce mondial triple tandis que la production industrielle quadruple.

Dans son livre "Economie mondiale et impérialisme" Louis Gill indique :

"Les premières banques et entreprises multinationales

"Au cours des dernières décennies du siècle dernier et les premières années du siècle actuel jusqu’à la Première Guerre mondiale, on voit donc apparaître simultanément les premières EMN et les premières BMN. Pour les EMN, Singer (Etats-Unis) en 1867, BASF, Hoechst et Siemens (Allemagne) en 1878-79, United Fruit, Babcock et Wilcox, Standard Oil et General Electric (Etats-Unis) en 1880-83, Unilever (Hollande) en 1888, Bethleem Steel et Alcoa (Etats-Unis) en 1890-91, Brown Boveri, Ciba, Geigy et Nestlé (Suisse) en 1893-99, International Nickel (Canada) en 1902, Royal Dutch Schell (Grande-Bretagne et Hollande) en 1907, l’Air liquide (France) en 1910, Courtaulds (Grande-Bretagne) en 1911, Texaco, Coca-cola, Gulf (Etats-Unis) en 1905-1912.

"Pour les BMN, Bank of Egypt (Grande-Bretagne) en 1855, Crédit mobilier (France) en 1856, Seligman Brothers (Etats-Unis) en 1864, Crédit Foncier (France) en 1869, Nederlandsche Credit (Hollande) en 1870, Berliner Handelgesellschaft et Dresdner Bank (Allemagne) en 1872-75, Crédit lyonnais, Société générale, Banque de Paris et des Pays-Bas (France) en 1872, Lazard (France et Etats-Unis) en 1877, Société générale de Belgique en 1895, Crédit du Nord, Crédit industriel et commercial et Société marseillaise de CIC (France) en 1896-1907, J.-P. Morgan et International Banking Corporation (Etats-Unis) en 1897-1901."

C’est à cette époque que s’est formé et cristallisé l’impérialisme dont Lénine dit :

"Ce qui caractérisait l’ancien capitalisme, où régnait la libre concurrence, c’était l’exportation des marchandises. Ce qui caractérise le capitalisme actuel, où règnent les monopoles c’est l’exportation des capitaux." ("Impérialisme stade suprême du capitalisme", page 100)

 

Plus loin il produit la statistique suivante :

"Capitaux placés à l’étranger (milliards de francs)

Années:

Par la G.-B.:

Par la France:

Par l’Allemagne:

1862

3,6

 

 

1872

15

10 (1869)

 

1882

22

15 (1880)

 

1893

42

20 (1890)

 

1902

62

27 - 37

12,5

1914

75 - 100

60

44

"On voit par là que l’exportation des capitaux n’atteignit un développement prodigieux qu’au début du XXème siècle. Avant la guerre les capitaux investis à l’étranger par les trois principaux pays étaient de 175 à 200 milliards de francs. Au taux modeste de 5 %, ils devaient rapporter 8 à 10 milliards de francs." (idem page103)

 

Alors que la balance commerciale des USA était bénéficiaire depuis 1890, leur balance des investissements était restée déficitaire. Une autre statistique indique que les investissements US à l’étranger, y compris prêts aux gouvernements étrangers, s’élevaient à 2,500 milliards de dollars. (Les seuls investissements anglais aux USA s’élevaient entre 4 et 4,5 milliards de dollars).

"Les investissements" à l’étranger englobent ceux dans la production jusqu’aux prêts purement financiers, et aux prêts aux Etats, etc.

Dans un article intitulé "Le retour en grâce des firmes multinationales" publié par "The Economist" du 27 mars 1993, Bill Emmott rappelait:

"Si Lénine s’est donné la peine d’étudier l’investissement étranger (pour lui de l’impérialisme), c’est que le commerce et l’investissement transnational s’étaient déjà fortement développés entre 1870 et 1913, une période qu’il avait jugé pertinent de baptiser "stade final du capitalisme" et durant laquelle l’économie mondiale s’était unifiée à un rythme plus élevé encore qu’au cours des 40 dernières années. Les investissements de l’Europe en faible croissance se portaient en masse sur les pays qui commençaient alors à s’industrialiser : les Etats-Unis, le Canada, l’Argentine et l’Australie. La majeure partie de la planète participait à une union monétaire, l’étalon-or. Le commerce mondial avait été multiplié par 25 dans le siècle précédant 1913, et des migrations immenses partaient de l’Europe vers ces nouveaux mondes ; en d’autres termes, le marché du travail s’unifiait."

 

CARACTÉRISATION PAR LÉNINE DE L’IMPÉRIALISME

Lénine souligne cinq caractéristiques de l’impérialisme qui intègrent en quoi consiste le "capital financier" :

"1) Concentration de la production et du capital parvenu à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles dont le rôle est décisif dans la vie économique ; 2) fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création sur la base de ce "capital financier" d’une oligarchie financière ; 3) l’exportation des capitaux à la différence de l’exportation des marchandises prend une importance toute particulière ; 4) formations d’unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde ; 5) fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes. L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les grandes puissances impérialistes." (idem page 146).

 

Le développement de l’impérialisme (du capital financier) a conduit à la première guerre impérialiste mondiale.

ENTRE LES DEUX GUERRES MONDIALES

La révolution russe et la montée révolutionnaire en Europe (dont particulièrement la révolution en Allemagne), les rivalités entre les puissances impérialistes qui devaient être victorieuses ont interrompu cette guerre sans que soit tranchée définitivement la question de la suprématie mondiale. Néanmoins les rapports de force entre impérialismes s’étaient profondément modifiés. On ne peut mesurer cette évolution à la seule grandeur réciproque des investissements à l’étranger des puissances impérialistes. Mais elle en donne une idée.

Tableau extrait de "Economie mondiale et impérialisme" (page 213) :

Part de divers pays (en %) dans les investissements étrangers totaux (directs et de portefeuille) 1914-1960 :

 

1914

1930

1960

Etats-Unis

6,3

35,3

59,1

Grande-Bretagne

50,4

48,8

24,5

Allemagne

17,3

2,6

1,1

France

22,2

8,4

4,7

Pays-Bas

3,1

5,5

4,2

Canada

0,5

3,1

5,5

Autres

0,2

1,3

0,9

 

--------

--------

--------

Total

100

100

100

Investissement total
en milliards de dollars

45,0

50,0

 

La première guerre mondiale a détruit le système monétaire et de paiements internationaux basé sur "l’étalon-or". L’Angleterre et la France, banquières du monde avant la guerre ont liquidé une grande partie de leurs avoirs antérieurs. Elles étaient créditrices des USA avant la guerre, elles en sont devenues débitrices. Leurs dettes de guerre vis-à-vis des USA : la trésorerie américaine prêtera pendant la guerre 4,915 milliards de dollars à l’Angleterre, 2,5 à la France. L’Allemagne a perdu la totalité de ses investissements à l’étranger. De plus les "alliés" lui ont infligé une "dette de guerre" s’élevant à 132 milliards de marks or, ces années 1920 sont celles des crises monétaires en Europe à commencer bien sûr par l’inflation galopante de 1923 en Allemagne qui aboutit à la faillite du mark et à son remplacement par le "Rentenmark". En Autriche, en Hongrie, en Pologne, des crises de même nature ont eu lieu en 1924. En 1926 en France le franc fut réduit à 20 % de sa définition or d’avant guerre (franc Poincaré). Etc.

Les faillites monétaires ont été surmontées. Un nouveau système monétaire et des paiements internationaux a été construit : les monnaies des pays défaillants seraient désormais basées sur leurs réserves en "monnaies fortes" (celles remboursables en or) la livre et surtout le dollar. Ce système a été esquissé à la Conférence de Gênes (avril-mai 1921). Il a pris le nom de "Gold Exchange Standard". Ce sont principalement les dollars qui vont servir de base. Il y a eu le plan Dawes (1924) pour soutenir la monnaie allemande (800 millions de marks-or souscrits presque entièrement en dollars par les banques américaines), le plan Young (1929) également pour soutenir la monnaie allemande (300 millions de dollars souscrits principalement par les banques américaines). Louis Pommery écrit dans "Aperçu d’histoire économique 1890-1939" pages 130 et 140 :

"De 1921 à 1928 les Etats-Unis prêtent au reste du monde 8,500 milliards de dollars... fait plus significatif encore : sur ce total... plus de 4 milliards et demi sont versés à l’Europe qui naguère fournissait au reste du monde des capitaux nécessaires à sa mise en valeur."

Ces années ont été des années d’expansion, "d’internationalisation du capital" à l’avantage principalement du capital US.

Les années 1925-1929 ont été des années d’intenses spéculations boursières surtout à la bourse de New-York. Au bout ce fut le krach du jeudi 23 octobre 1929. La grande crise économique et financière des années 30 commençait.

Lorsqu’en 1929-32 la crise entraîne des faillites en masse aux USA, dont celles d’innombrables banques, pour y faire face, c’est par milliards de dollars que celles-ci rapatrièrent leurs capitaux aux USA entraînant de nombreuses crises financières et monétaires, (notamment en Allemagne) dans les pays où ils étaient massivement investis et où les monnaies étaient basées sur le "Gold Exchange Standard".

Une première étape du capital financier a débouché sur la première guerre mondiale. Une deuxième étape mène très rapidement à la crise économique de 1929 qui disloque le marché mondial et à l’effondrement du système financier international reconstitué après guerre, au nationalisme économique et aux "blocs" financiers et monétaires : le bloc dollar, le bloc sterling, le bloc or (France). L’Allemagne principalement s’efforce d’établir "l’autarcie", instaure le contrôle des changes et un système complexe de marks multiples, autant que cela lui est possible elle conclut avec d’autres pays des accords de troc.

LES ACCORDS DE BRETTON WOODS

De la deuxième guerre mondiale les USA sont sortis puissance impérialiste dominante. Mais pour contenir la vague révolutionnaire que cette guerre a provoquée lui et la bureaucratie du Kremlin ont noué une sainte alliance contre-révolutionnaire. Le capital n’en a pas moins été exproprié dans la partie Est de l’Allemagne et de l’Europe, la révolution chinoise victorieuse ; les Etats des autres puissances impérialistes ont été ébranlés, sinon disloqués, leurs économies ruinées. Les bourgeoisies ont été confrontées à des prolétariats en mesure de prendre le pouvoir n’avait été la politique de défense de l’ordre et de l’Etat bourgeois qu’ont pratiquée les PC, les Partis social-démocrates, les appareils bureaucratiques des organisations syndicales. L’impérialisme US dut prendre en charge la reconstruction du système capitaliste, établir un nouvel ordre impérialiste. C’est sous l’égide du capital financier (au sens où l’entendait Lénine) américain, en fonction de ses intérêts et pour accomplir cette tâche, qui trouva son prolongement dans la guerre froide contre l’URSS et les pays où le capital était exproprié, que fut orientée la politique du gouvernement des Etats-Unis.

Les accords de Bretton Woods, conclus le 22 juillet 1944, ont organisé un système monétaire et de paiements international sur la base du dollar qu’il domine et qui est son instrument. La déclaration de John Snyder secrétaire au trésor du gouvernement américain, au premier directeur du FMI, en date du 10/12/1946 a complété les accords de Bretton Woods. La FED s’engageait à délivrer de l’or, à raison d’une once contre 35 dollars, à toute banque centrale d’un autre pays qui le lui demanderait. Par les accords de Bretton Woods tout pays adhérent au Fonds Monétaire International devait fixer une parité fixe en or ou en dollar à sa monnaie et à défendre cette parité en intervenant sur les marchés des changes au cas de variation de + / - 1% de celle-ci sur celui-là. Leur monnaie étant convertible en or, "aux termes de l’article IV, section 4, paragraphe 6, [la déclaration Snyder] (cela) dispensait les Etats-Unis d’avoir à intervenir sur les marchés de change (pour défendre sa parité). Ceci créait une asymétrie entre les Etats-Unis et les autres membres du FMI. Ceci transformait le système de Bretton Woods en un système dont l’étalon était le dollar" (Le dollar, page 33. Jean Denizet). A noter que la majorité des monnaies ont été définies en parité-dollar sans référence directe à l’or.

C’est sur cette base que :

"De 1946 à 1953 les Etats-Unis transférèrent au reste du monde sous forme de dons et de prêts en dollars : 33 milliards. Cela représente, approximativement, 137 milliards d’aujourd’hui (1985)."

"Pour ne parler que du plan Marshall les pays d’Europe reçurent de la mi-1948 à la mi-1952 : 11,8 milliards sous forme de dons et 1,8 milliards sous forme de prêts. Le Japon pour sa part a reçu : 950 millions en dons et 275 millions en prêts. C’était une opération très lourde." Toutefois "Les dons étaient pour la quasi-totalité en nature. Les pays receveurs devaient choisir dans d’immenses "listings" de biens disponibles ceux qui leur convenaient le mieux, dans les limites de leur allocation." (idem page 47)

Le capital américain trouvait ainsi un large débouché.

ÉVOLUTION DES BALANCES AMÉRICAINES

Entre 1947 et 1965 la balance des paiements des USA a évolué de la manière suivante (en milliards de dollars) :

Évolution de la balance des paiements des États-Unis après 1945 (en milliards de dollars)

Périodes

Solde des opérations (opérations sur biens et services)

Solde des mouvements
de capitaux

Solde global

 

 

à long terme

à court terme

 

1947-1949 : Après-guerre

+ 22,3

- 19,4

+ 2,9

+ 5,8

1950-1957 : Fin de la re-construction en Europe.
Ralentissement de l’aide américaine.............................


 
 

+ 17,8


 
 

- 30,2


 
 

+ 2,3


 
 

- 10,1

1958-1965 : Expansion des investissements américains à l’étranger...............................

+ 32,5

- 49,2

- 5,6

- 22,3

1947-1965 : Total...............

+ 72,6

- 98,8

- 0,4

- 26,6

(Photocopie du tableau de "Le système monétaire international" page 111)

Un autre tableau indique l’évolution de la balance des paiements américains 1968-1971 (en milliards de dollars).

L’évolution de la balance des paiements américaine 1968-1971 (en milliards de dollars)

Type de balance

1968

1969

1970

1971

Balance commerciale..........................

0,6

0,6

2,2

- 2,7

Balance commerciale (frêt inclus).......

- 0,9

- 1,1

0,1

- 5,1

Balance des paiements courants..........

- 0,3

- 0,9

- 0,6

- 2,8

Balance de base...................................

- 1,8

- 3,3

- 3,0

- 9,4

Balance des liquidités..........................

0,2

- 7,0

- 3,9

- 22,0

Balance des règlements officiels.........

1,6

2,7

- 9,8

- 29,7

De ces tableaux ressort très bien la croissance des déficits des balances des paiements américains. Ces gigantesques et croissants déficits n’ont pu être couverts qu’en raison de la position privilégiée du dollar dans le système monétaire et de paiement international : la FED a pu émettre sans limitation, ni contrainte des dollars. Ils ont circulé ainsi qu’une monnaie mondiale ou ont été thésaurisés par les banques centrales.

D’OÙ SONT VENUS LES DÉFICITS AMÉRICAINS

Au cours des années qui vont de la fin de la IIème guerre mondiale à 1971 le dollar à 35 dollars l’once, c’est-à-dire bien au-dessus du prix qui aurait du être le sien, a donné un grand avantage aux firmes américaines pour qu’elles prennent des participations dans des entreprises situées hors des Etats-Unis, ou même qu’elles en prennent le contrôle, pour constituer et développer des multinationales industrielles, commerciales et financières. Selon une statistique publiée par "Comprendre l’économie mondiale" (J.M. Albertini et A.Silem, page 56), l’investissement direct des firmes américaines hors des USA serait passé de 11,788 milliards de dollars en 1950, à 84,95 milliards de dollars en 1971.

Mais les déficits des balances des comptes ne viennent cependant pas de là :

"Les éléments du dérapage du système monétaire international

"1. Le solde déficitaire de la balance des paiements américains est principalement lié aux dépenses du gouvernement américain, auxquelles viendront s’ajouter, à partir de 1970, un déficit important de la balance commerciale (- 51 milliards entre 1970 et 1977) et des sorties de capitaux à court terme cherchant des dépôts de monnaie plus sûrs que le dollar ou, surtout, correspondant à des prêts des banques américaines au reste du monde (- 84 milliards entre 1970 et 1977). Par contre, à aucun moment les investissements directs américains ne se traduisent par une sortie nette de dollars. Les revenus rapatriés compensent toujours les sorties de capitaux. Durant la période 1970-1977, 31,5 milliards de dollars de sortie de capitaux sont largement balancés par 91,8 milliards de dollars de revenus rapatriés. Pour l’ensemble de la période 1946-1977, à 70,5 milliards de sorties de capitaux allant s’investir directement répondent 163,4 milliards de profits rapatriés.

La part des dépenses américaines dans le solde déficitaire de la balance des paiements américains

 

1946-1949

1950-1959

1960-1969

1970-1977

Solde de la balance des paiements

+ 1

- 13,2

- 30,4

- 198,2

Dépenses gouvernementales américaines à l’étranger

- 24,3

- 48,8

- 67

- 84,2

Or à partir de 1949 et de la guerre de Corée les dépenses américaines à l’étranger sont en grande partie militaires.

COURBE DES DÉPENSES MILITAIRES

La position du dollar dans le système monétaire et des paiements de Bretton Woods a permis à l’impérialisme américain d’impulser l’économie américaine au moyen d’une sorte d’économie permanente d’armements, d’un gigantesque parasitisme. La photocopie de gauche, extraite de "Military expansion, economic decline" (Robert W.W. De Grasse Jr) établit en dollars de 1983 la courbe du budget militaire des USA de 1945 à 1988. La photocopie de droite indique les pourcentages de PNB consacrés de 1947 à 1988 au Budget de la défense.

BUDGETS FÉDÉRAUX

 

1945

1946

1947

1948

1949

1950

1951

1952

Recettes

45,2

39,3

38,4

41,8

39,4

39,5

51,6

66,2

Dépenses

92,7

55,2

34,5

29,8

38,8

42,6

45,5

67,7

Soldes

- 47,5

- 15,9

3,7

12,0

0,6

- 3,1

6,1

- 1,5

 

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

Recettes

69,6

69,7

65,5

74,6

80

79,6

79,2

92,5

Dépenses

76,1

70,9

68,5

70,5

76,7

82,6

92,1

92,3

Soldes

- 6,5

- 1,2

- 3,0

4,1

3,3

-3,0

- 12,9

0,3

 

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

Recettes

94,4

99,7

106,5

112,7

116,8

130,9

148,9

153

Dépenses

97,8

106,8

111,3

118,6

118,4

134,7

157,6

178,1

Soldes

- 3,4

- 7,1

-4,8

- 5,9

- 1,6

- 3,8

- 8,7

- 25,1

 

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

Recettes

186,9

192,3

187,1

207,3

230,8

263,2

279,1

298,1

Dépenses

163,6

195,7

210,2

230,7

245,5

267,9

324,2

354,5

Soldes

3,3

- 3,4

- 23,1

- 23,4

- 14,7

- 4,7

- 45,1

- 56,4

Hors Budget

 

 

 

 

0,1

1,4

8,1

7,3

Soldes

 

 

 

 

- 14,9

- 6,1

- 53,2

- 63,7

 

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Recettes

355,6

399,6

463,3

517,1

599,3

617,8

597,5

 

Dépenses

400,5

443,4

491

576,7

657,2

728,4

805,2

 

Soldes

- 44,9

- 43,8

- 27,7

- 59,6

- 57,9

- 110,6

- 207,7

 

Hors Budget

8,7

10,4

12,5

14,2

21

17,3

17

 

Soldes

- 53,6

- 59,2

- 40,2

- 73,8

- 78,9

- 127,9

- 224,8

 

 

BUDGET DE LA DÉFENSE (EN MILLIARDS DE DOLLARS) :

1945

1946

1947

1948

1949

1950

1951

1952

90,501

48,870

11,601

7,485

11,761

12,407

21,863

43,351

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

49,912

46,289

39,834

39,719

42,915

43,721

45,961

45,168

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

46,633

49,040

50,142

51,528

47,456

54,852

68,243

78,756

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

79,417

78,553

75,808

76,550

75,541

77,781

85,552

89,430

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

97,501

105,186

117,681

135,856

159,765

187,418

214,769

245,268

Table publiée dans "Military expansion, economic decline"
(Robert W.W. De Grasse Jr)

IMPULSION AU CAPITALISME FINANCIER

Cette politique, ce parasitisme, a nourri le capital financier et a impulsé sa croissance, tant par les marchés qu’elle a ouverts aux firmes industrielles, que par les exigences de son financement. Relativement rapidement elle a ébranlé la position du dollar et, corrélativement, le système monétaire et des paiements établi à Bretton Woods. La décennie 60 est celle de la dégradation du système jusqu’à sa ruine. Effet secondaire mais d’importance majeure c’est également celle de l’essor de ce qu’on a appelé les "Eurodollars" (ce n’est pas le lieu d’analyser ce phénomène). Selon une statistique publiée dans le livre de jean Denizet "Le dollar" (page 69) :

 

Crédits en dollars au bilan des euro-banques
(en milliards de dollars)

Taux de progression
annuelle

1965

12

38 %

1970

60

26 %

1975

190

22 %

1980

520

5,8 %

1983

616

 

FIN DE LA CONVERTIBILITÉ DU DOLLAR

Le 15 Août 1971 par sa déclaration où il annonçait officiellement que désormais le dollar ne serait plus librement convertible en or pour les banques centrales, Nixon mettait en pratique fin au système monétaire et de paiement établi à Bretton Woods.

Le système de Bretton Woods est mort de la politique économique et financière des USA qui, en utilisant à fond le privilège que ces accords lui attribuaient, lui a permis de couvrir ses déficits par l’émission de dollars. Le dollar a même bénéficié du soutien des banques centrales souscrivant aux bons du trésor américain et concluant avec la FED des accords dits de "stand by" du soutien du "pool de l’or". Mais finalement l’issue était inéluctable. C’est une conséquence d’un immense parasitisme. Ce que n’expliquent généralement pas les "économistes", pas plus qu’ils n’expliquent que cette politique était celle du capital financier et qu’elle lui fut éminemment profitable. Généralement ils mettent l’accent sur :

"Incontesté à l’époque où son caractère asymétrique correspondait au profond déséquilibre des relations économiques internationales dominées par les seuls Etats-Unis. le système de BRETTON WOODS devait voler en éclats a la fin des années soixante lorsqu’apparurent clairement le "divorce entre la garantie métallique du dollar et les avoirs détenus en cette monnaie a l’étranger", la "distorsion entre le prix officiel de l’or et le pouvoir d’achat réel de 3,5 dollars", le "dérapage entre les pratiques de "demand management" et l’ampleur de l’inflation, entre les politiques de taux d’intérêt et le montant des "capitaux errants", la "disharmonie enfin entre la puissance de l’économie américaine et la montée des puissances nouvelles, Europe et Japon notamment". Là est bien en effet le fond du débat sur lequel s’accordent tous les commentateurs scrupuleux : la décadence du système de BRETTON WOODS s’explique par le déclin relatif des Etats-Unis, la chute du système de BRETTON WOODS résulte de l’ascension de la puissance européenne et japonaise à la recherche d’un nouveau partage du pouvoir économique et politique. Déclin relatif des Etats-Unis ? Après 1945, la croissance de l’économie américaine a été moindre que celle de beaucoup d’autres pays - européens en particulier - et des écarts de productivité se sont creusés entre les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon notamment. Aussi bien, les rapports de force réels ont évolué et même si les Etats-Unis restent - autour des années 1970 - la première puissance économique mondiale, leur force relative a beaucoup diminué depuis 1945. Cette mise en cause de la domination américaine se lit notamment sur le plan des échanges mondiaux, sur le plan des réserves."

(citation de : "L’or jaune et l’or noir", J. Carrière, Seuil 1976, pp. 169 et 170)

Il était dans l’ordre des choses que l’économie capitaliste se reconstruisant, l’écart existant au lendemain de la deuxième guerre entre les USA et les autres puissances impérialistes vainqueurs et vaincues diminuent. Mais le formidable parasitisme, l’économie d’armement des USA ont contribué à affaiblir relativement l’économie américaine par rapport à ses rivales, tandis qu’ils entraînaient l’ensemble. En ce qui concerne les investissements directs des différents pays à l’étranger des pays capitalistes dominants une statistique établit leur évolution ainsi :

Stock des investissements directs à l’étranger des pays développés à économie de marché
par principaux pays d’origine (1967-1976)

Pays d’origine

Milliards de dollars

 

Pourcentage de distribution

 

 

1967

1976

 

1967

1976

 

France

6,0

11,9

 

5,7

4,1

 

Belgique
Luxembourg

} 2,0

3,6

 

1,9

1,2

 

Pays-Bas

2,2

9,8

 

2,1

3,4

 

RFA

3,0

19,9

 

2,8

6,9

 

Italie

2,1

2,9

 

2,0

1,0

 

Royaume-Uni

17,5

32,1

 

16,6

11,2

 

Irlande

---

---

 

---

---

 

Danemark

---

---

 

---

---

 

Total CEE

32,8

80,2

 

31,1

27,8

 

Suède

1,7

5,0

 

1,6

1,7

 

Suisse

5,0

18,6

 

4,8

6,5

 

Total Europe

39,5

103,8

 

37,5

36,0

 

Japon

1,5

19,4

 

1,4

6,7

 

Etats-Unis

56,6

137,2

 

53,8

47,6

 

Canada

3,7

11,1

 

3,5

3,9

 

Reste du monde (estimation)

4,0

16,8

 

3,8

5,8

 

Total général

105,3

288,3

 

100

100

 

Source : Nations-Unies

Autre tableau :

Production des filiales des sociétés internationales en milliards de $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Taux de
croissance

 

 

 

1950

 

1960

 

1967

 

1971

 

1968-1971

 

Etats-Unis

 

23,6

 

64,0

 

119,0

 

172,0

 

9,7

 

Grande-Bretagne

 

14,0

 

24,0

 

36,0

 

48,0

 

7,4

 

France

 

---

 

---

 

12,0

 

19,6

 

13,2

 

Allemagne fédérale

 

---

 

1,6

 

6,0

 

14,5

 

24,5

 

Japon

 

---

 

0,6

 

2,8

 

9,0

 

33,8

 

VERS LES CHANGES FLOTTANTS

Annonçant le 15 Août 1971 la fin officielle de la convertibilité, pour les banques centrales, Richard Nixon martelait :

"(...) A la fin de la deuxième guerre mondiale, les économistes des principales nations industrielles d’Europe et d’Asie étaient saccagées. Pour les aider à se remettre sur pied et à protéger leur liberté, les Etats-Unis leur ont fourni 143 milliards de dollars au titre de l’aide à l’étranger. Il nous appartenait de le faire.

"Aujourd’hui, en grande partie grâce à notre aide, elles ont retrouvé leur dynamisme et sont devenues de fortes concurrentes. A présent qu’elles sont économiquement puissantes, le moment est venu pour elles de porter une part équitable du fardeau pour la défense de la liberté dans le monde. Le moment est arrivé pour que les principales nations se fassent concurrence sur un pied d’égalité. Il n’y a plus de raison que les Etats-Unis luttent avec une main attachée derrière le dos."

La fin officielle de la convertibilité du dollar en or ne change pas le statut de principale monnaie internationale qui est celui du dollar. Jean Marchal écrit dans "Le système monétaire international" (page 81) :

"En supprimant la convertibilité du dollar en or, les Etats-Unis ne l’ont pas remplacée comme ils auraient du le faire pour respecter les statuts du Fonds Monétaire International, par une convertibilité dans les autres monnaies. En d’autres termes ils ne prennent aucune disposition pour stabiliser la valeur du dollar sur le marché des changes autour d’une parité fixe, avec des marges de variation restreintes. Ils laissent aux autres pays la charge d’intervenir, s’ils estiment nécessaire de maintenir un rapport constant entre le dollar et leurs monnaies."

 

Désormais leur objectif est d’en finir avec les parités fixes entre monnaies, d’aboutir aux "changes flottants". Il sera atteint par les accords de la Jamaïque (7-8 janvier 1976) qui suppriment la définition or et dollar des monnaies. Le dollar perdra, au désavantage des investissements à l’étranger de capitaux que lui conférait le cours forcé à 35 dollars l’once d’or. Il est supposé devenir un dollar redonnant de sa compétitivité sur le marché mondial à la production américaine. En fait il permet aux Etats-Unis de pratiquer la politique du "déficit négligeable" ou "sans pleurs" qui n’est rien d’autre que le paiement des déficits extérieurs par l’émission de dollars.

Le tableau suivant indique l’évolution des investissements croisés entre pays capitalistes dominants.

Tableau 5.15 : Flux d’investissements croisés entre pays capitalistes industrialisés,
1967-1976 (en milliards de dollars)

 

Sortie de capitaux nationaux

 

Entrées de capitaux étrangers

Pays

(Moyenne annuelle)

 

(Moyenne annuelle)

 

1967-69

1970-72

1973-75

1976

 

1967-69

1970-72

1973-75

1976

Etats-Unis

5,17

7,65

11,50

12,32

 

0,92

0,93

3,79

4,97

Canada

0,22

0,32

0,70

0,56

 

0,62

0,81

0,65

0,40

Europe de l’Ouest

3,43

6,15

11,90

n.d.

 

3,14

5,69

8,86

n.d.

Japon

0,18

0,49

1,85

1,99

 

0,06

0,16

0,13

0,11

Autres pays développés

0,10

0,13

0,31

0,16

 

0,79

1,31

1,03

1,16

Total

9,10

14,74

26,26

---

 

5,53

8,90

14,46

---

Source : ONU, op. cit. p. 265

 

Louis Gill qui fournit cette statistique dans son livre "Économie mondiale et impérialisme" (page 220) commente :

"Le tableau 5.15 fait ressortir pour les pays capitalistes industrialisés les flux croisés de capitaux correspondant à leurs investissements directs à l’étranger. L’entrée massive de capitaux aux Etats-Unis à partir de 1973 saute aux yeux. De $ 0,93 milliards en moyenne annuelle pour 1970-72 à $ 3,79 milliards en moyenne annuelle pour 1973-75, les entrées annuelles de capitaux aux Etats-Unis ont quadruplé en l’espace de 3 ans. Les sorties de capitaux des Etats-Unis n’ont pas diminué pour autant. Du côté de l’Europe et du Japon, d’où viennent ces capitaux vers les Etats-Unis en 1973-75, il ressort également du tableau 5.15 une augmentation substantielle. En Europe, les sorties de capitaux doublent de 1970-72 à 73-75 (de $ 6,15 à $ 11,90 milliards), et au Japon, elles quadruplent (de $ 0,49 à $ 1,85 milliards)."

 

POURSUITE DES DÉFICITS

Entre 1971 et 1975 les balances américaines ont évolué ainsi que l’indique le tableau suivant :

Balances des USA (milliards de dollars)

 

1971

1972

1973

1974

1975

1) Balances commerciales

- 2,3

- 6,4

+ 1

- 5,3

+ 9

2) Services et transferts

- 1,6

- 3,3

- 0,7

+ 2

+ 2,9

3) Balances courants (1 + 2)

- 3,9

- 9,7

+ 0,3

- 3,3

+ 11,9

4) Mouvements de capitaux à long terme

- 6,7

- 1,4

- 1,3

- 7,4

- 10,5

5) Balances de base (3 + 4)

- 10,6

- 11,1

- 1,1

- 10,7

- 1,4

6) Mouvements de capitaux à court terme

- 2,3

- 1,5

- 4,2

- 12,9

- 2,8

7) Erreurs et omissions

- 9,0

- 1,2

- 2,4

+ 4,7

+ 4,5

 

________

________

________

________

________

Balance des liquidités

- 21,9

- 13,8

- 7,6

- 18,9

+ 3,1

Ce tableau est extrait de la note 8 des "Cahiers français" de juillet-septembre 1976. Elle remarque :

"Nettement engagé en 1973 après les déficits importants de 1971 et surtout 1972 et apparemment remis en cause brutalement du prix du pétrole, le redressement du solde commercial américain s’est pleinement manifesté en 1975 avec un excédent de plus de 9 Mds de dollars, comparé à un déficit de 5,3 milliards de dollars en 1974 (dont 17 environ au titre de l’aggravation de la facture pétrolière américaine).

"Ce retour à un excédent commercial résulte d’abord du fait que la récession qui s’est traduite aux USA par un recul du PNB de 1,8 % en 1974 et 2 % en 1975 a eu pour conséquence une chute du volume des importations de 3,4 % en 1974 et 11,5 % l’an passé selon les estimations actuellement disponibles ; cette chute a succédé à une tendance déjà assez nette à la modération du rythme des achats américains en 1973 (+ 4,7 %) au regard de la croissance du PNB (5,3 %) cette année-là."

Plus loin :

"Ainsi il est frappant de constater que la dépréciaition pourtant forte du taux de change effectif du dollar depuis 1970 ne s’est pas traduite jusqu’à présent par une percée vigoureuse des exportations américaines."

 

La dévaluation du dollar n’a cessé jusqu’au 19 mars 1973 où les Banques centrales japonaise et allemande refusant de le soutenir il était déclaré flottant. Son prix tombe au milieu de 1973 à 2,23 marks et à 3,85 francs. Mais la hausse des prix du pétrole, - dans la mesure où elle contraint les autres puissances impérialistes à utiliser les dollars dont elles disposent et à mobiliser ceux qu’elles peuvent mobiliser pour acquitter leur facture pétrolière, tandis que les USA ont seulement à les émettre pour payer cette hausse - provoque une remontée du dollar qui atteint au début 1974, 5,24 francs et 2,84 marks, pour retomber à 3,97 francs et 2, 27 marks au milieu de l’année 1975.

LA "RELANCE" DE 1975

La "relance", pour surmonter la phase aiguë de 1975 de la crise de l’économie capitaliste s’est effectuée par des moyens budgétaires et l’inflation de crédit. Mandel a noté dans son livre "La crise 1974-1982" :

"Aux Etats-Unis, la reprise économique, a été préparée par un déficit budgétaire colossal de l’ordre de 70 à 80 milliards de dollars pour l’année fiscale juillet 1975-juin 1976. En Allemagne occidentale, le déficit budgétaire a été de l’ordre de 30 milliards de dollars en 1975, au Japon de l’ordre de 20 milliards de dollars. Si on y ajoute trois autres déficits du secteur public (budget de l’Etat et secteurs nationalisés) considérable des pays impérialistes, tel que la Grande-Bretagne (20 milliards de dollars), la France (10 milliards de dollars) et l’Italie (25 milliards de dollars) on peut évaluer qu’entre le milieu de l’année 1975 et le milieu de l’année 1976 pas moins de 175 milliards de dollars de pouvoir d’achat [c’est lui qui appelle cela ainsi. Ces termes sont équivoques. Ce sont des dépenses étatiques dont il faut voir la nature] ont été injectés dans le circuit économique rien que par le truchement des déficits budgétaires des puissances impérialistes principales pendant une année quelconque de la deuxième guerre mondiale. Elle est sans commune mesure avec les modestes expériences du New Deal rooseveltien."

 

L’évolution des dépenses militaires des USA au cours de ces années a été publié plus haut. Qu’il suffise d’indiquer qu’entre 1971 et 1980 la part dans les dépenses publiques des USA des dépenses militaires a été de 25 % (14 % pour le Royaume-Uni, 11 % pour la RFA, 8 % pour la France, 5,4 % pour le Japon). Le parasitisme s’est poursuivi, ainsi que le "déficits sans pleurs".

De 1977 à 1979 : déficit de la balance commerciale - 94 milliards de dollars, années 1977-1978 : déficits additionnés de la balance des paiements courants : 68 milliards de dollars. Au cours de ces années la hausse des prix atteint

 

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

USA

8,8

12,2

7

4,8

6,8

8

13,3

Japon

19,1

21,9

7,7

10,4

4,8

3,5

5,5

RFA

7,8

5,9

5,4

3,9

3,5

2,4

6,1

France

8,5

15,2

9,6

9,9

9

9,7

11,8

Italie

12,5

24,5

11,1

21,8

14,9

11,9

18,3

R.-U.

10,5

19,1

24,9

15,1

8,4

8,4

17,3

Les taux d’intérêts nominaux des bons du trésor à six mois varient comme suit :

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

4,3

5,3

6,7

6,3

4,3

4,1

7

7,9

5,8

5

5,3

7,4

10,1

Pour avoir l’intérêt réel il en faut déduire les taux d’inflation.

L’ÉCONOMIE D’ENDETTEMENT

De 1970 à 1979 l’endettement fédéral a évolué ainsi :

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

382,6

409,5

437,3

468,4

485,2

544,1

631,9

709,1

780,4

833,9

Le n° du 16 octobre 1978 de "Business Week" écrit :

"Depuis la fin 1975, les Etats-Unis ont créé une nouvelle explosion à ce point sauvage et désordonnée que la folie d’emprunt du début des années 1970 n’était rien à côté. Il est vrai que les plus grands emprunteurs responsables de l’endettement premier ne sont pas les plus fautifs. Au cours de ces trois dernières années de la nouvelle économie d’inflation, les dettes des entreprises ont augmenté de 36 % soit un peu plus de 1 000 milliards de dollars et les dettes fédérales et des Etats de 39 % soit 295 milliards de dollars, tandis que la dette totale de l’économie du pays s’est élevée de 42 % soit à 3 900 milliards de dollars.

"Plus inquiétant est le fait que la dette des consommateurs a augmenté de 49 % et atteint 200 milliards de dollars, que les hypothèques sur l’habitat aient grimpé de 5 %, atteignant 750 milliards de dollars et que l’endettement du gouvernement des USA, trésor et agences fédérales compris, ait augmenté de 47 % et atteint 825 milliards de dollars.

"Ce qui a certainement été valable pour les quatre dernières années. Durant cette période, la réserve fédérale, comme les banques centrales de tous les pays industriels ont fait tourner la planche à billets à une allure étourdissante. De fait, le marché de l’Euro-dollar qui représentait moins de 200 milliards de dollars en 1974 a doublé et représente maintenant 400 milliards de dollars. Sans aucun doute cette mer de liquidités a maintenu à l’écart de la récession. Elle a aidé les pays les moins industrialisés de survivre à la récession qui a suivi l’augmentation par quatre du prix du pétrole."

Les euro-dollars, comme les "pétro-dollars" des émirs du pétrole, déposés dans les banques occidentales, ont été utilisés par celles-ci pour fournir aux "pays les moins industrialisés". L’endettement de ces pays n’a cessé de croître, et en même temps la charge des intérêts à payer, ce qui les a écrasés économiquement et financièrement et les a asservis politiquement.

Le parasitisme a nourri une fois encore la "relance". Il a été financé par l’inflation (inflation monétaire et de crédit), mais aussi par un recours de plus en plus important à l’emprunt, le capital financier en a été le grand bénéficiaire et il n’a cessé de se renforcer.

LE TOURNANT DE 1978

1978 marque un tournant dans le mode de financement du parasitisme. Sur les marchés monétaires le dollar s’effondre. Avec de nombreuses oscillations il passe de

Cours du dollar

 

début 73

mi-73

début 74

tiers 75

début 76

fin oct. 78

Marks

3,2

2,23

2,27

2,27

2,75

1,72

Francs

5,12

3,85

5,24

4,16

4,6

3,98

Quant au prix de l’once d’or il est passé de 35 dollars en 1970 à 200 au début 1975, à un peu plus de 100 au milieu de 1976 et à 275 dollars environ fin octobre 1978.

Il devient impossible à l’impérialisme américain de laisser chuter encore le dollar sans provoquer une crise monétaire et financière destructive aux USA et internationale. Aussi en novembre 1978 Carter annonce le plan qui désormais portera son nom :

"Du plan Carter au "prime rate" à 21 %

"Mobilisation d’un fonds correspondant à 30 milliards en DTS ou en devises étrangères ; tirage de 3 milliards de dollars sur le FMI ; vente de 2 milliards de DTS, accord de "SWAP" (crédits réciproques entre banques centrales à court terme mais renouvelables, en devises étrangères), 6 milliards auprès de la Bundesbank, 5 milliards de dollars auprès de la Banque du Japon, 4 milliards auprès de la Banque nationale suisse, émission de 10 milliards de bons du trésor achetés par la Bundesbank, la Banque nationale suisse, mais cette fois (c’est très important) libellés en marks, en yens, en francs suisses, donc remboursables dans ces devises."

Cela pour intervenir sur les marchés monétaires en soutien du dollar.

"D’autres mesures annonçaient un tournant : le taux d’escompte passait de 8,5 % à 9 %, les taux des réserves obligatoires des banques sur les dépôts à terme faits à leurs guichets, doublement des ventes d’or du Trésor américain 1 500 000 dollars par mois au lieu de 750 000.

"Immédiatement le dollar remontait par rapport à l’or et aux autres devises. Mais quelques jours après la tendance à la dépréciation du dollar réapparaissait."

Les causes profondes de cette dévalorisation n’ont pas disparu comme par un coup de baguette magique (déficits budgétaires, déficits des balances commerciales et des comptes courants). Sur cette base la spéculation se déchaîne contre le dollar et les autres monnaies, en faveur de l’or.

"Les cours de l’or continuaient à augmenter pendant l’année 1979 de 240 dollars l’once en janvier à 500 dollars en décembre. Pourtant le "prime rate" a été élevé au cours de cette année à 15,75 %. En janvier 1980, c’est la panique : il faut 850 dollars pour une once d’or ; le dollar exprimé en marks atteint son taux le plus bas 1,7 ; il faut seulement 4,01 francs pour un dollar. pour éviter que le dollar ne s’effondre avec toutes les conséquences économiques et financières que cela aurait aux USA et dans le monde, le 2 avril 1980 le taux du "prime rate" est porté à 20 %. En mars l’once d’or redescend à 474 dollars, le cours du dollar exprimé en francs atteint 4,55, exprimé en marks 1,969. La FED abaisse le "prime rate" à 11 %. Immédiatement nouvelle chute du dollar : en septembre il faut 720 dollars pour une once d’or, il ne vaut plus que 4 francs et 1,74 marks. Fin 1980 le "prime rate" est porté à 21,5 %.

"Cette hausse était indispensable pour attirer les capitaux flottants et spéculatifs. En 1980 la hausse des prix a atteint 13,6 %. La différence entre la hausse des prix et le taux d’intérêt donne une idée du profit réel."

Dans le même temps, à l’occasion du renversement du Shah d’Iran, les émirs du pétrole, à l’instigation de l’impérialisme US, ont déclenché une nouvelle hausse des prix du pétrole brut. Entre 1979 et novembre 1990 le prix du baril de pétrole est passé de 14,5 dollars à 34. c’était une ponction sur la plus-value produite et réalisée dans les pays non producteurs de pétrole (les USA payant en dollar qu’ils émettent).

MONÉTARISME

En 1978 Paul Volker, nommé par Carter, accède à la direction de la FED. A une politique inflationniste va succéder une politique dite "monétariste". Elle consiste en un freinage de la croissance de la circulation monétaire, de l’inflation de crédit, de plus en plus financement des déficits par l’emprunt et, complémentairement, suppression progressive des contrôles sur le capital financier dont le rôle et le poids ne cessent de croître.

Mais le volant d’entraînement de l’économie américaine (et par extension de l’économie capitaliste en général) reste le parasitisme, l’économie d’armement.

Enaoût 1980 le taux de base des banques (court terme) américaines atteint 20,5 % et en décembre 21,5 %.

QUELQUES INDICATIONS SUR LES ANNÉES REAGAN

S’ouvrent alors les années Reagan en même temps que se produit la "récession" 1980-1982. Comme précédemment la relance est assurée par un accroissement massif des dépenses militaires.

 

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

Budget de la Défense

135,856

159,765

187,418

214,769

245,305

285,268

323,035

354,277

385,591

Déficits:

(à partir de 1983 : prévisions)

Budgétaire

- 55,3

- 58

- 110,6

- 195,4

- 185,3

- 212

- 221

- 151

- 155

Commerciaux

- 25,3

- 28,1

- 36,5

- 61,1

- 112,5

- 122,2

- 144,5

- 160,3

- 127

Paiements courants

+ 3,7

+ 4,6

- 11,2

- 40,1

- 105,5

- 116,4

- 138,8

- 154

- 128,9

Taux de base des banques

21,5

15,75

12,75

11

10,75

8,75

 

7,5

10,5

 

mark

1,95

2,28

2,45

2,79

3,15

2,53

2

1,58

1,75

dollar {

yen

204

220

243

235

250

203

160

123

124

 

franc

4,5

5,76

7,31

8,48

9,63

7,75

6,5

5,34

6,6

"Le Monde diplomatique" de mars 1991 a publié le tableau suivant :

UN ENDETTEMENT GÉNÉRALISÉ

 

1980

1990

Dette publique

914

3 200

Dette des autorités subnationales

336

850

Dette des entreprises

829

2 100

Dette des consommateurs

1 300

3 00

 

--------

--------

Total

3 319

9 150

Produit National Brut

2 792

5 300

Dette extérieure

+ 181

- 800

Services de la dette fédérale en % des dépenses fédérales

12,7 %

20,1 %

Épargne des ménages

7,1 %

4 %

(EN MILLIARDS DE DOLLARS)

A des variantes près l’ensemble des puissances impérialistes ont appliqué au cours des années 80 cette politique "monétariste", de financement des déficits par l’emprunt, de suppression de toute entrave à la circulation du "capital argent" notamment.

L’endettement des pays semi-coloniaux s’est accru de façon gigantesque : il est passé de 500 milliards de dollars environ en 1980, à 1 400 milliards environ en 1990.

QUELQUES CONCLUSIONS

Une conclusion se dégage à l’évidence : le capital financier est un produit de l’économie capitaliste et un facteur agissant de cette économie. Il lui est organiquement et indissociablement lié. Le parasitisme le nourrit et le renforce, il renforce et nourrit le parasitisme. Tant que subsistera l’économie capitaliste, il subsistera.

Bien sûr depuis Lénine l’impérialisme a connu développement et modifications. Par exemple le "partage du monde" ne se présente plus de la même façon. Sous l’effet de la vague révolutionnaire de la fin et de l’après deuxième guerre mondiale, de la lutte des peuples colonisés et aussi de la politique de l’impérialisme US la domination coloniale directe a disparu, mais en Afrique, en Océanie et dans nombre de pays d’Asie, les pays de ces continents sont restés ou sont devenus des pays semi-coloniaux dont l’indépendance politique est plus ou moins formelle, et la subordination économique et financière aux puissances impérialistes est écrasante. Parmi ces puissances l’impérialisme américain se taille la part du lion.

D’autre part Lénine écrivait dans sa brochure sur l’impérialisme :

"Monopoles, oligarchie, tendances à la domination au lieu de tendances à la liberté, exploitation d’un nombre toujours croissant de nations extrêmement riches ou puissantes : tout cela a donné naissance aux traits distinctifs de l’impérialisme qui le caractérisent comme un capitalisme parasitaire ou pourrissant. C’est avec un relief sans cesse accru que se manifeste l’une des tendances de l’impérialisme : la création d’un Etat-rentier, d’un Etat usurier, dont la bourgeoisie vit de plus en plus de l’exportation de ses capitaux et de la "tonte de coupons". Mais ce serait une erreur de croire que cette tendance à la putréfaction exclut la croissance rapide du capitalisme ; non, telles branches d’industrie, telles couches de la bourgeoisie, tels pays manifestent à l’époque de l’impérialisme, avec une force plus ou moins grande, tantôt l’une tantôt l’autre de ces tendances. Dans l’ensemble le capitalisme se développe infiniment plus vite qu’auparavant, mais ce développement devient généralement plus inégal, l’inégalité de développement se manifestant en particulier par la putréfaction des pays les plus riches du capital (Angleterre)." (pages 205 et 206)

 

A l’étape actuelle du développement du mode de production capitaliste se sont affirmés les traits qui selon Lénine caractérisent "l’impérialisme" :

"1) Concentration à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles [les oligopoles] dont le rôle est décisif dans la vie économique ; 2) fusion du capital bancaire et industriel, et création sur la base de ce "capital financier" d’une oligarchie financière ; 3) l’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises prend une importance toute particulière ; 4) formations d’unions internationales monopolistes [les oligopoles internationaux] de capitalistes se partageant le monde." (pages 145 et 146).

 

CONCENTRATION DU CAPITAL FINANCIER

Revenons à la nouvelle formule magique "la mondialisation du capital". Une première contradiction saute aux yeux : c’est plutôt la concentration du capital dans les pays capitalistes dominants et leurs zones dont il faudrait parler. Lorsque l’on prend la répartition des échanges internationaux, on constate qu’en 1983 :

"Les pays capitalistes industrialisés assurent plus de 65 % du commerce mondial, mais ces échanges sont pour leur plus grande part, environ 70 % des échanges entre pays capitalistes industrialisés. Le gros des échanges mondiaux se fait à l’intérieur même de la zone des pays les plus industrialisés du "monde" capitaliste. Environ le quart de leurs exportations est dirigé vers les pays non industrialisés et 5 % seulement vers les pays de l’Est." (Louis Gill, livre déjà cité, page 181)

 

L’évolution des exportations mondiales par grandes catégories depuis 1980 est significative (indices en volume : base 100 : 1980).

 

1980

1982

1985

1988

1991

minéraux

100

85

87

103

110

agricoles

100

100

105

110

120

manufacturés

100

100

125

150

160

Total

100

98

110

135

150

Dans son livre "la mondialisation du capital" François Chesnais écrit :

"La polarisation est ensuite internationale, creusant l’écart brutalement entre les pays situés au coeur de l’oligopole mondial et les pays situés à sa périphérie.

Ceux-ci ne sont plus seulement des pays subordonnés, réserves de matières premières subissant les effets conjoints de la domination politique et de l’échange inégal, comme à l’époque "classique" de l’impérialisme. Ce sont des pays qui ne présentent pratiquement plus d’intérêt, ni économique ni stratégique (fin de la "guerre froide"), pour les pays et les firmes situés au coeur de l’oligopole. Ce sont des fardeaux purs et simples. Ce ne sont plus des pays promis au "développement", mais des zones de "pauvreté" (mot qui a envahi le langage de la Banque mondiale) dont les émigrants menacent les "pays démocratiques".

Si l’on met de côté le petit nombre de nouveaux pays industriels (les NPI) qui avaient franchi, avant 1980, un seuil de développement industriel suffisant pour leur permettre de s’adapter, avec beaucoup de difficultés (D. Ernst et D. O’Connor, 1989 et 1992), aux nouveaux rythmes de la productivité du travail et de demeurer compétitifs, ainsi qu’un petit nombre de pays associés aux trois pôles de la Triade, on observe une tendance très nette à la marginalisation des pays en développement. Elle a été marquée, dans les années 1980, par un très fort recul des IDE et des transferts de technologie en direction de la grande majorité de ces pays, ainsi que par un début d’exclusion du système des échanges de beaucoup de pays producteurs de produits de base. Comme nous le rappellerons dans le chapitre 8, ces pays ont été atteints de plein fouet, à la fois par la conjoncture mondiale et par les bouleversements technologiques survenus au centre du système, dans le sens de la substitution de ressources traditionnelles par des produits intermédiaires industriels résultant d’industries intensives en recherche-developpement [R-D] (nouveaux matériaux et biotechnologies). E. M. Mouhoud (1993) utilise le terme de "déconnexion forcée" pour caractériser cette marginalisation de parties entières de continents du système des échanges."

François Chesnais note encore :

"En termes de flux, la part des pays en développement est tombée aux niveaux les plus bas connus depuis des décennies à la fin des années 1980: 18,6 % du total des flux d’IDE en 1985-1989 et même 16,9 en 1988-1989. Au début des années 1990, ces pourcentages se sont accrus pour atteindre environ 22 %, mais ce sont des parts d’un ensemble en croissance ralentie dont la remontée est due a la récession dans les pays de l’OCDE et à un ralentissement provisoire des acquisitions/fusions. Dix pays, situés pour l’essentiel en Asie du Sud-Est (y compris la Chine), ont reçu la plus large partie de cet investissement.

Le mouvement ne concerne pas seulement l’IDE, la même tendance au recentrage "triadique", et donc à la marginalisation des pays exclus des processus qui la commandent, est également à l’oeuvre dans les échanges commerciaux. On constate que le commerce au sein de la "Triade" a lui aussi augmenté plus rapidement que l’ensemble du commerce mondial, passant de 13 a 17 % de ce dernier au cours de cette période."

Comment dans ces conditions est-il possible de parler de "mondialisation du capital" ? C’est d’un autre processus dont il s’agit: concentration du capital entre les mains des grandes puissances impérialistes et soumission au capital financier (le retrait est une forme de soumission en l’occurrence) du reste du monde. La restauration capitaliste dans les pays où le capital avait été exproprié ne dément pas cette appréciation : l’économie planifiée y est détruite, des secteurs entiers sont liquidés, les investissements venant des pays capitalistes sont sélectifs et au demeurant fort modestes (exemple la Russie et les pays de l’ex-URSS), ces pays sont voués à devenir des semi-colonies.

"LA TRIADE"

En même temps que l’expression "mondialisation du capital" une autre expression fait florès : "la Triade". Dans une note au bas de la page 47 de son livre "la mondialisation du capital" François Chesnais nous informe que

"5. Les expressions "Triade" et "triadique" sont dues à K. Ohmae (1985) Elles ont été utilisés d’abord par les business schools et le journalisme économique, avant d’être adoptées très largement. Les trois "pôles" de la Triade désignent les Etats-Unis, la CE et le Japon, mais autour de ces pôles se forment des associations un peu plus larges. Selon Ohmae, le seul espoir d’un pays en développement - il faut y ajouter désormais les anciens pays dits socialistes - est de se hisser au statut de membre associé, même périphérique, d’un des trois pôles. Il faut bien sur faire une place à part aux NPI d’Asie."

sur cette page il publie le schéma suivant :

Si ce schéma a un sens c’est d’abord et avant tout que les IDE, y compris s’ils se font sous la forme d’investissements croisés et par acquisition et fusion d’entreprises sont faites par et sont sous la coupe des vieilles puissances impérialistes - les Etats-Unis, le Japon et les différentes puissances impérialistes d’Europe (il n’y a pas de "capital de la CE"). L’expression "la Triade" est un maquillage, une escroquerie qui masque le fait essentiel : dans une coopération-conflictuelle, le capital financier des vieilles puissances impérialistes continue à se partager le monde. Il ne s’agit pas d’une nouvelle période historique "la mondialisation du capital", ou encore "nouvel âge du capitalisme" ainsi que veulent le faire croire les économistes idéologues bourgeois et pro-bourgeois, mais d’un nouveau développement de l’impérialisme que Lénine a qualifié de "stade suprême du capitalisme".

Les entreprises multinationales, les investissements à l’étranger ne sont pas des nouveautés (voir début de ce texte). Louis Gill fournit encore les tableaux suivants :

Tableau 4.2 : Accroissement du nombre de filiales industrielles à l’étranger des principales EMN, 1914-1970

Année

Américaines

 

Anglaises

 

Européennes

 

Japonaises

 

n

%

 

n

%

 

n

%

 

n

%

1914

122

---

 

60

---

 

167

---

 

0

---

1919

193

9,6

 

87

7,5

 

218

5,5

 

0

---

1929

492

9,9

 

205

9,0

 

467

7,9

 

1

---

1938

807

5,6

 

304

4,4

 

579

2,4

 

4

---

1952

1 365

3,8

 

540

4,2

 

752

1,9

 

46

---

1958

1 987

6,5

 

689

4,2

 

1 000

4,9

 

65

5,9

1967

4 736

10,1

 

1 800

4,2

 

1 993

7,9

 

312

19,0

1970

---

---

 

2 529

12,1

 

3 023

15,0

 

521

18,6

n = nombre de filiales ; % = taux moyen annuel d’accroissement

Source : W.Andreff, op. cit., p. 88. Les filiales considérées sont celles des entreprises appartenant aux 500 plus grandes entreprises américaines et 200 plus grandes non américaines possédant des filiales dans au moins 6 pays différents en 1967.

 

Tableau 4.3 : Actifs correspondant aux investissements directs à l’étranger,
1960-1976 (valeur comptable en milliards de dollars)

Pays

1960

1967

1971

1976

Etats-Unis

32,8 (59,0)*

56,6 (53,8)

82,8 (52,3)

137,2 (47,6)

Grande-Bretagne

12,0 (25,0)

17,5 (16,6)

23,7 (15,0)

32,1 (11,2)

RFA

0,8 (1,0)

3,0 (2,8)

7,3 (4,6)

19,9 (6,9)

Japon

0,3 (0,4)

1,5 (1,4)

4,4 (2,8)

19,4 (6,7)

Suisse

 

5,0 (4,8)

9,5 (6,0)

18,6 (6,5)

France

 

6,0 (5,7)

7,3 (4,6)

11,9 (4,1)

Canada

 

3,7 (3,5)

6,5 (4,1)

11,1 (3,9)

* Le chiffre entre parenthèses représente la part en % du pays dans l’investissement direct à l’étranger effectué par l’ensemble des pays.

Source : ONU, Les sociétés multinationales et le développement mondial, New-York, 1973, p. 151 et ONU, Les sociétés transnationales dans le développement mondial : un réexamen, New-York, 1978, p.  262.

 

Un autre tableau porte sur les BMN.

Tableau 4.4 : Répartition de l’implantation des BMN en 1977

Pays d’origine Zone d’implantation

E-U

G-B

Japon

France

Italie

RFA

Canada

Suisse

Espagne

Hollande

Brésil

Total

Europe

330

96

82

83

73

38

46

20

47

19

17

851

 

(39%)

(11,3%)

(9,6%)

(9,7%)

(8,6%)

(4,5%)

(5,4%)

(2,3%)

(5,5%)

(2,2%)

(2%)

(100%)

Amérique du

21

53

69

23

29

24

29

24

11

9

7

298

Nord

(7%)

(17,8%)

(43%)

(7,7%)

(9,7%)

(8%)

(9,7%)

(8%)

(3,7%)

(3%)

(2,3%)

(100%)

Amérique

228

40

35

36

26

31

33

27

23

19

10

508

latine

(45%)

(7,9%)

(6,9%)

(7,1%)

(5,1%)

(6,1%)

(6,5%)

(5,3%)

(4,5%)

(3,7%)

(2%)

(100%)

Afrique

13

23

2

11

3

7

---

4

---

3

1

67

 

(19,4%)

(34,3%)

(3%)

(16,4%)

(4,5%)

(10,4%)

 

(6%)

 

(4,5%)

(1,5%)

(100%)

Moyen-Orient

45

33

16

26

10

22

11

13

3

9

4

192

 

(23,4%)

(17,2%)

(8,3%)

(13,5%)

(5,2%)

(11,5%)

(5,7%)

(6,8%)

(1,6%)

(4,7%)

(2,1%)

(100%)

Asie

185

54

66

38

24

33

23

15

2

12

3

455

 

(40,7%)

(11,9%)

(14,5%)

(8,3%)

(5,3%)

(7,3%)

(5%)

(3,3%)

(0,4%)

(2,6%)

(0,7%)

(100%)

Pacifique

27

23

15

11

4

5

4

6

---

1

1

97

 

(27,9%)

(23,8%)

(15,5%)

(11,3%)

(4,1%)

(5,2%)

(4,1%)

(6,2%)

 

(1%)

(1%)

(100%)

Total

849

322

285

228

169

160

145

109

86

72

43

2468

 

(34,3%)

(13%)

(11,5%)

(9,2ù)

(6,8%)

(6,5%)

(5,9%)

(4,4%)

(3,5%)

(2,9%)

(1,7%)

(100%)

* Les pourcentages entre parenthèses représentent le degré de contrôle d’une zone par un pays. Les sommes horizontales = 100 %.

Source : W.Andreff et O.Pastré, op. cit., p.  43. Tableau construit à partir des données de "Who Is Where in World Banking", 1978.

Dernier tableau

Tableau 5.17 : Importance relative des exportations et de la production effectuée à l’étranger, pays capitalistes développés en 1971 (en milliards de $)

Pays

Estimation de la production effectuée à l’étranger
----------

Exportations

----------

Rapport

----------

 

(A)

(B)

A / B

É-U

172,0

43,5

3,95

G-B

48,0

22,4

2,15

France

19,1

20,4

0,93

RFA

14,6

39,0

0,37

Suisse

13,5

5,7

2,34

Canada

11,9

17,6

0,68

Japon

9,0

24,0

0,37

Suède

6,9

7,5

0,92

Italie

6,7

15,1

0,44

Total pour tous les

pays capitalistes industrialisés

 

330

 

311,9

 

1,06

 

Haut

 

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