Ce texte est un texte de discussion, préparatoire à la conférence de
mai 1996. Il ne prétend pas couvrir tous les aspects de la prétendue
"mondialisation du capital". Eventuellement un autre texte, polémique
celui-là, sera rédigé et diffusé, portant sur cette question.
Ce texte comporte beaucoup de tableaux, de citations, parce qu’il
fallait s’efforcer de donner aux camarades le maximum d’informations pour
qu’ils puissent avoir une vue sérieuse sur cette dite "mondialisation du
capital".
Stéphane Just:
À PROPOS DE «LA MONDIALISATION DU CAPITAL»
(Première partie)
L’IMPÉRIALISME DU TEMPS DE LÉNINE
CARACTÉRISATION PAR LÉNINE DE L’IMPÉRIALISME
ENTRE LES DEUX GUERRES MONDIALES
ÉVOLUTION DES BALANCES AMÉRICAINES
D’OÙ SONT VENUS LES DÉFICITS AMÉRICAINS
COURBE DES DÉPENSES MILITAIRES
BUDGET DE LA DÉFENSE (EN MILLIARDS DE DOLLARS) :
IMPULSION AU CAPITALISME FINANCIER
FIN DE LA CONVERTIBILITÉ DU DOLLAR
"Du plan Carter au "prime rate" à 21 %
QUELQUES INDICATIONS SUR LES ANNÉES REAGAN
CONCENTRATION DU CAPITAL FINANCIER
"La
mondialisation du capital" est une formule qui est de plus en plus employée, on peut dire à la
mode, et au nom de laquelle sont "justifiées" toutes les attaques
contre la classe ouvrière, la population laborieuse, la jeunesse,. Elle a pris
le relais de la caractérisation de "néo-capitalisme" attribuée aux
dites "trente glorieuses". D’ores et déjà certains parlent d’un
"nouvel âge du capitalisme". Il faut au moins dans les grandes lignes
voir ce qu’il en est.
L’"internationalisation"
du capital n’est pas un phénomène nouveau. On peut même dire que développement
du régime capitaliste et internationalisation du capital sont allés de pair
avec la formation du marché mondial et de la division internationale du
travail. Entre 1876 et 1913 le volume du commerce mondial triple tandis que la
production industrielle quadruple.
Dans son livre
"Economie mondiale et impérialisme" Louis Gill indique :
"Les premières banques et entreprises
multinationales
"Au cours des dernières décennies du siècle dernier et les
premières années du siècle actuel jusqu’à la Première Guerre mondiale, on voit donc
apparaître simultanément les premières EMN et les premières BMN. Pour les EMN,
Singer (Etats-Unis) en 1867, BASF, Hoechst et Siemens (Allemagne) en 1878-79,
United Fruit, Babcock et Wilcox, Standard Oil et General Electric (Etats-Unis)
en 1880-83, Unilever (Hollande) en 1888, Bethleem Steel et Alcoa (Etats-Unis)
en 1890-91, Brown Boveri, Ciba, Geigy et Nestlé (Suisse) en 1893-99,
International Nickel (Canada) en 1902, Royal Dutch Schell (Grande-Bretagne et
Hollande) en 1907, l’Air liquide (France) en 1910, Courtaulds (Grande-Bretagne)
en 1911, Texaco, Coca-cola, Gulf (Etats-Unis) en 1905-1912.
"Pour les BMN, Bank of Egypt (Grande-Bretagne) en 1855, Crédit
mobilier (France) en 1856, Seligman Brothers (Etats-Unis) en 1864, Crédit
Foncier (France) en 1869, Nederlandsche Credit (Hollande) en 1870, Berliner
Handelgesellschaft et Dresdner Bank (Allemagne) en 1872-75, Crédit lyonnais,
Société générale, Banque de Paris et des Pays-Bas (France) en 1872, Lazard
(France et Etats-Unis) en 1877, Société générale de Belgique en 1895, Crédit du
Nord, Crédit industriel et commercial et Société marseillaise de CIC (France)
en 1896-1907, J.-P. Morgan et International Banking Corporation (Etats-Unis) en
1897-1901."
C’est
à cette époque que s’est formé et cristallisé l’impérialisme dont Lénine dit :
"Ce qui caractérisait l’ancien capitalisme, où
régnait la libre concurrence, c’était l’exportation des marchandises. Ce
qui caractérise le capitalisme actuel, où règnent les monopoles c’est
l’exportation des capitaux." ("Impérialisme stade suprême du
capitalisme", page 100)
Plus
loin il produit la statistique suivante :
"Capitaux placés à
l’étranger (milliards de francs)
Années: |
Par la G.-B.: |
Par la France: |
Par l’Allemagne: |
1862 |
3,6 |
|
|
1872 |
15 |
10 (1869) |
|
1882 |
22 |
15 (1880) |
|
1893 |
42 |
20 (1890) |
|
1902 |
62 |
27 - 37 |
12,5 |
1914 |
75 - 100 |
60 |
44 |
"On voit par là que l’exportation des capitaux
n’atteignit un développement prodigieux qu’au début du XXème siècle. Avant la
guerre les capitaux investis à l’étranger par les trois principaux pays étaient
de 175 à 200 milliards de francs. Au taux modeste de 5 %, ils devaient
rapporter 8 à 10 milliards de francs." (idem page103)
Alors que la balance commerciale des USA était
bénéficiaire depuis 1890, leur balance des investissements était restée
déficitaire. Une autre statistique indique que les investissements US à
l’étranger, y compris prêts aux gouvernements étrangers, s’élevaient à 2,500
milliards de dollars. (Les seuls investissements anglais aux USA s’élevaient
entre 4 et 4,5 milliards de dollars).
"Les
investissements" à l’étranger englobent ceux dans la production jusqu’aux
prêts purement financiers, et aux prêts aux Etats, etc.
Dans
un article intitulé "Le retour en grâce des firmes multinationales"
publié par "The Economist" du 27 mars 1993, Bill Emmott rappelait:
"Si Lénine s’est donné la peine d’étudier l’investissement
étranger (pour lui de l’impérialisme), c’est que le commerce et
l’investissement transnational s’étaient déjà fortement développés entre 1870
et 1913, une période qu’il avait jugé pertinent de baptiser "stade final
du capitalisme" et durant laquelle l’économie mondiale s’était unifiée à
un rythme plus élevé encore qu’au cours des 40 dernières années. Les
investissements de l’Europe en faible croissance se portaient en masse sur les
pays qui commençaient alors à s’industrialiser : les Etats-Unis, le Canada,
l’Argentine et l’Australie. La majeure partie de la planète participait à une
union monétaire, l’étalon-or. Le commerce mondial avait été multiplié par 25
dans le siècle précédant 1913, et des migrations immenses partaient de l’Europe
vers ces nouveaux mondes ; en d’autres termes, le marché du travail s’unifiait."
Lénine souligne
cinq caractéristiques de l’impérialisme qui intègrent en quoi consiste le
"capital financier" :
"1) Concentration de la production et du
capital parvenu à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les
monopoles dont le rôle est décisif dans la vie économique ; 2) fusion du
capital bancaire et du capital industriel, et création sur la base de ce
"capital financier" d’une oligarchie financière ; 3) l’exportation
des capitaux à la différence de l’exportation des marchandises prend une
importance toute particulière ; 4) formations d’unions internationales
monopolistes de capitalistes se partageant le monde ; 5) fin du partage
territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.
L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est
affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation
des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a
commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout
le territoire du globe entre les grandes puissances impérialistes." (idem page 146).
Le
développement de l’impérialisme (du capital financier) a conduit à la première
guerre impérialiste mondiale.
La révolution russe
et la montée révolutionnaire en Europe (dont particulièrement la révolution en
Allemagne), les rivalités entre les puissances impérialistes qui devaient être
victorieuses ont interrompu cette guerre sans que soit tranchée définitivement
la question de la suprématie mondiale. Néanmoins les rapports de force entre
impérialismes s’étaient profondément modifiés. On ne peut mesurer cette
évolution à la seule grandeur réciproque des investissements à l’étranger des
puissances impérialistes. Mais elle en donne une idée.
Tableau extrait de "Economie
mondiale et impérialisme" (page 213) :
Part de divers pays (en %) dans les investissements
étrangers totaux (directs et de portefeuille) 1914-1960 :
|
1914 |
1930 |
1960 |
Etats-Unis |
6,3 |
35,3 |
59,1 |
Grande-Bretagne |
50,4 |
48,8 |
24,5 |
Allemagne |
17,3 |
2,6 |
1,1 |
France |
22,2 |
8,4 |
4,7 |
Pays-Bas |
3,1 |
5,5 |
4,2 |
Canada |
0,5 |
3,1 |
5,5 |
Autres |
0,2 |
1,3 |
0,9 |
|
-------- |
-------- |
-------- |
Total |
100 |
100 |
100 |
Investissement
total |
45,0 |
50,0 |
|
La première guerre mondiale a détruit le système monétaire et de
paiements internationaux basé sur "l’étalon-or". L’Angleterre
et la France, banquières du monde avant la guerre ont liquidé une grande partie
de leurs avoirs antérieurs. Elles étaient créditrices des USA avant la guerre,
elles en sont devenues débitrices. Leurs dettes de guerre vis-à-vis des USA :
la trésorerie américaine prêtera pendant la guerre 4,915 milliards de dollars à
l’Angleterre, 2,5 à la France. L’Allemagne a perdu la totalité de ses
investissements à l’étranger. De plus les "alliés" lui ont infligé
une "dette de guerre" s’élevant à 132 milliards de marks or, ces
années 1920 sont celles des crises monétaires en Europe à commencer bien sûr
par l’inflation galopante de 1923 en Allemagne qui aboutit à la faillite du
mark et à son remplacement par le "Rentenmark". En Autriche, en Hongrie,
en Pologne, des crises de même nature ont eu lieu en 1924. En 1926 en France le
franc fut réduit à 20 % de sa définition or d’avant guerre (franc Poincaré).
Etc.
Les faillites monétaires ont été surmontées. Un nouveau système
monétaire et des paiements internationaux a été construit : les monnaies des
pays défaillants seraient désormais basées sur leurs réserves en "monnaies
fortes" (celles remboursables en or) la livre et surtout le dollar. Ce
système a été esquissé à la Conférence de Gênes (avril-mai 1921). Il a pris le
nom de "Gold Exchange Standard". Ce sont principalement les
dollars qui vont servir de base. Il y a eu le plan Dawes (1924) pour soutenir
la monnaie allemande (800 millions de marks-or souscrits presque entièrement en
dollars par les banques américaines), le plan Young (1929) également pour
soutenir la monnaie allemande (300 millions de dollars souscrits principalement
par les banques américaines). Louis Pommery écrit dans "Aperçu
d’histoire économique 1890-1939" pages 130 et 140 :
"De 1921 à 1928 les Etats-Unis prêtent au reste du monde 8,500 milliards de dollars... fait plus significatif encore : sur ce total... plus de 4 milliards et demi sont versés à l’Europe qui naguère fournissait au reste du monde des capitaux nécessaires à sa mise en valeur."
Ces années ont été des années d’expansion, "d’internationalisation du capital" à l’avantage principalement du capital US.
Les années 1925-1929 ont été des années d’intenses spéculations
boursières surtout à la bourse de New-York. Au bout ce fut le krach du jeudi 23
octobre 1929. La grande crise économique et financière des années 30
commençait.
Lorsqu’en 1929-32 la crise entraîne des faillites en masse aux USA,
dont celles d’innombrables banques, pour y faire face, c’est par milliards de
dollars que celles-ci rapatrièrent leurs capitaux aux USA entraînant de
nombreuses crises financières et monétaires, (notamment en Allemagne) dans les
pays où ils étaient massivement investis et où les monnaies étaient basées sur
le "Gold Exchange Standard".
Une première étape du capital financier a débouché sur la première
guerre mondiale. Une deuxième étape mène très rapidement à la crise économique
de 1929 qui disloque le marché mondial et à l’effondrement du système financier
international reconstitué après guerre, au nationalisme économique et aux
"blocs" financiers et monétaires : le bloc dollar, le bloc sterling,
le bloc or (France). L’Allemagne principalement s’efforce d’établir
"l’autarcie", instaure le contrôle des changes et un système complexe
de marks multiples, autant que cela lui est possible elle conclut avec d’autres
pays des accords de troc.
De la deuxième guerre mondiale les USA sont sortis puissance
impérialiste dominante. Mais pour contenir la vague révolutionnaire que cette
guerre a provoquée lui et la bureaucratie du Kremlin ont noué une sainte
alliance contre-révolutionnaire. Le capital n’en a pas moins été exproprié dans
la partie Est de l’Allemagne et de l’Europe, la révolution chinoise victorieuse
; les Etats des autres puissances impérialistes ont été ébranlés, sinon
disloqués, leurs économies ruinées. Les bourgeoisies ont été confrontées à des
prolétariats en mesure de prendre le pouvoir n’avait été la politique de
défense de l’ordre et de l’Etat bourgeois qu’ont pratiquée les PC, les Partis
social-démocrates, les appareils bureaucratiques des organisations syndicales.
L’impérialisme US dut prendre en charge la reconstruction du système
capitaliste, établir un nouvel ordre impérialiste. C’est sous l’égide du capital
financier (au sens où l’entendait Lénine) américain, en fonction de ses
intérêts et pour accomplir cette tâche, qui trouva son prolongement dans la
guerre froide contre l’URSS et les pays où le capital était exproprié, que fut
orientée la politique du gouvernement des Etats-Unis.
Les accords de Bretton Woods, conclus le 22 juillet 1944, ont organisé
un système monétaire et de paiements international sur la base du dollar qu’il domine
et qui est son instrument. La déclaration de John Snyder secrétaire au trésor
du gouvernement américain, au premier directeur du FMI, en date du 10/12/1946 a
complété les accords de Bretton Woods. La FED s’engageait à délivrer de l’or, à
raison d’une once contre 35 dollars, à toute banque centrale d’un autre pays
qui le lui demanderait. Par les accords de Bretton Woods tout pays adhérent au
Fonds Monétaire International devait fixer une parité fixe en or ou en dollar à
sa monnaie et à défendre cette parité en intervenant sur les marchés des
changes au cas de variation de + / - 1% de celle-ci sur celui-là. Leur monnaie
étant convertible en or, "aux termes de l’article IV, section 4,
paragraphe 6, [la déclaration Snyder] (cela) dispensait les Etats-Unis
d’avoir à intervenir sur les marchés de change (pour défendre sa parité).
Ceci créait une asymétrie entre les Etats-Unis et les autres membres du FMI.
Ceci transformait le système de Bretton Woods en un système dont l’étalon était
le dollar" (Le dollar, page 33. Jean Denizet). A noter que la majorité
des monnaies ont été définies en parité-dollar sans référence directe à l’or.
C’est sur cette
base que :
"De 1946 à 1953 les
Etats-Unis transférèrent au reste du monde sous forme de dons et de prêts en
dollars : 33 milliards. Cela représente, approximativement, 137 milliards
d’aujourd’hui (1985)."
"Pour ne parler que du plan Marshall les
pays d’Europe reçurent de la mi-1948 à la mi-1952 : 11,8 milliards sous forme
de dons et 1,8 milliards sous forme de prêts. Le Japon pour sa part a reçu :
950 millions en dons et 275 millions en prêts. C’était une opération très
lourde."
Toutefois "Les dons étaient pour la quasi-totalité en nature. Les pays
receveurs devaient choisir dans d’immenses "listings" de biens disponibles
ceux qui leur convenaient le mieux, dans les limites de leur allocation."
(idem page 47)
Le
capital américain trouvait ainsi un large débouché.
Entre 1947 et 1965
la balance des paiements des USA a évolué de la manière suivante (en milliards
de dollars) :
Évolution de la balance des paiements des États-Unis
après 1945 (en milliards de dollars)
Périodes |
Solde des opérations
(opérations sur biens et services) |
Solde des mouvements |
Solde global |
|
|
|
à long terme |
à court terme |
|
1947-1949
: Après-guerre |
+ 22,3 |
- 19,4 |
+ 2,9 |
+ 5,8 |
1950-1957
: Fin de la re-construction en Europe. |
+ 17,8 |
- 30,2 |
+ 2,3 |
- 10,1 |
1958-1965
: Expansion des investissements américains à
l’étranger............................... |
+ 32,5 |
- 49,2 |
- 5,6 |
- 22,3 |
1947-1965
: Total............... |
+ 72,6 |
- 98,8 |
- 0,4 |
- 26,6 |
(Photocopie du tableau de "Le
système monétaire international" page 111)
Un autre tableau
indique l’évolution de la balance des paiements américains 1968-1971 (en
milliards de dollars).
L’évolution de la balance des paiements américaine
1968-1971 (en milliards de dollars)
Type de balance |
1968 |
1969 |
1970 |
1971 |
Balance
commerciale.......................... |
0,6 |
0,6 |
2,2 |
- 2,7 |
Balance
commerciale (frêt inclus)....... |
- 0,9 |
- 1,1 |
0,1 |
- 5,1 |
Balance
des paiements courants.......... |
- 0,3 |
- 0,9 |
- 0,6 |
- 2,8 |
Balance
de base................................... |
- 1,8 |
- 3,3 |
- 3,0 |
- 9,4 |
Balance
des liquidités.......................... |
0,2 |
- 7,0 |
- 3,9 |
- 22,0 |
Balance
des règlements officiels......... |
1,6 |
2,7 |
- 9,8 |
- 29,7 |
De ces tableaux ressort très bien la croissance des déficits des
balances des paiements américains. Ces gigantesques et croissants déficits n’ont
pu être couverts qu’en raison de la position privilégiée du dollar dans le
système monétaire et de paiement international : la FED a pu émettre sans
limitation, ni contrainte des dollars. Ils ont circulé ainsi qu’une monnaie
mondiale ou ont été thésaurisés par les banques centrales.
Au cours des années qui vont de la fin de la IIème guerre mondiale à
1971 le dollar à 35 dollars l’once, c’est-à-dire bien au-dessus du prix qui aurait
du être le sien, a donné un grand avantage aux firmes américaines pour qu’elles
prennent des participations dans des entreprises situées hors des Etats-Unis,
ou même qu’elles en prennent le contrôle, pour constituer et développer des
multinationales industrielles, commerciales et financières. Selon une
statistique publiée par "Comprendre l’économie mondiale" (J.M.
Albertini et A.Silem, page 56), l’investissement direct des firmes américaines
hors des USA serait passé de 11,788 milliards de dollars en 1950, à 84,95
milliards de dollars en 1971.
Mais les déficits
des balances des comptes ne viennent cependant pas de là :
"Les éléments du
dérapage du système monétaire international
"1. Le solde déficitaire de la balance
des paiements américains est principalement lié aux dépenses du gouvernement
américain, auxquelles viendront s’ajouter, à partir de 1970, un déficit
important de la balance commerciale (- 51 milliards entre 1970 et 1977) et des
sorties de capitaux à court terme cherchant des dépôts de monnaie plus sûrs que
le dollar ou, surtout, correspondant à des prêts des banques américaines au
reste du monde (- 84 milliards entre 1970 et 1977). Par contre, à aucun moment
les investissements directs américains ne se traduisent par une sortie nette de
dollars. Les revenus rapatriés compensent toujours les sorties de capitaux.
Durant la période 1970-1977, 31,5 milliards de dollars de sortie de capitaux
sont largement balancés par 91,8 milliards de dollars de revenus rapatriés.
Pour l’ensemble de la période 1946-1977, à 70,5 milliards de sorties de
capitaux allant s’investir directement répondent 163,4 milliards de profits
rapatriés.
La part des dépenses américaines dans le solde déficitaire de la balance des paiements américains
|
1946-1949 |
1950-1959 |
1960-1969 |
1970-1977 |
Solde de la balance des paiements |
+ 1 |
- 13,2 |
- 30,4 |
- 198,2 |
Dépenses gouvernementales américaines à l’étranger |
- 24,3 |
- 48,8 |
- 67 |
- 84,2 |
Or à partir de 1949
et de la guerre de Corée les dépenses américaines à l’étranger sont en grande
partie militaires.
La position du dollar dans le système monétaire et des paiements de
Bretton Woods a permis à l’impérialisme américain d’impulser l’économie
américaine au moyen d’une sorte d’économie permanente d’armements, d’un
gigantesque parasitisme. La photocopie de gauche, extraite de "Military
expansion, economic decline" (Robert W.W. De Grasse Jr) établit en
dollars de 1983 la courbe du budget militaire des USA de 1945 à 1988. La
photocopie de droite indique les pourcentages de PNB consacrés de 1947 à 1988
au Budget de la défense.
|
1945 |
1946 |
1947 |
1948 |
1949 |
1950 |
1951 |
1952 |
Recettes |
45,2 |
39,3 |
38,4 |
41,8 |
39,4 |
39,5 |
51,6 |
66,2 |
Dépenses |
92,7 |
55,2 |
34,5 |
29,8 |
38,8 |
42,6 |
45,5 |
67,7 |
Soldes |
- 47,5 |
- 15,9 |
3,7 |
12,0 |
0,6 |
- 3,1 |
6,1 |
- 1,5 |
|
1953 |
1954 |
1955 |
1956 |
1957 |
1958 |
1959 |
1960 |
Recettes |
69,6 |
69,7 |
65,5 |
74,6 |
80 |
79,6 |
79,2 |
92,5 |
Dépenses |
76,1 |
70,9 |
68,5 |
70,5 |
76,7 |
82,6 |
92,1 |
92,3 |
Soldes |
- 6,5 |
- 1,2 |
- 3,0 |
4,1 |
3,3 |
-3,0 |
- 12,9 |
0,3 |
|
1961 |
1962 |
1963 |
1964 |
1965 |
1966 |
1967 |
1968 |
Recettes |
94,4 |
99,7 |
106,5 |
112,7 |
116,8 |
130,9 |
148,9 |
153 |
Dépenses |
97,8 |
106,8 |
111,3 |
118,6 |
118,4 |
134,7 |
157,6 |
178,1 |
Soldes |
- 3,4 |
- 7,1 |
-4,8 |
- 5,9 |
- 1,6 |
- 3,8 |
- 8,7 |
- 25,1 |
|
1969 |
1970 |
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
1976 |
Recettes |
186,9 |
192,3 |
187,1 |
207,3 |
230,8 |
263,2 |
279,1 |
298,1 |
Dépenses |
163,6 |
195,7 |
210,2 |
230,7 |
245,5 |
267,9 |
324,2 |
354,5 |
Soldes |
3,3 |
- 3,4 |
- 23,1 |
- 23,4 |
- 14,7 |
- 4,7 |
- 45,1 |
- 56,4 |
Hors Budget |
|
|
|
|
0,1 |
1,4 |
8,1 |
7,3 |
Soldes |
|
|
|
|
- 14,9 |
- 6,1 |
- 53,2 |
- 63,7 |
|
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
Recettes |
355,6 |
399,6 |
463,3 |
517,1 |
599,3 |
617,8 |
597,5 |
|
Dépenses |
400,5 |
443,4 |
491 |
576,7 |
657,2 |
728,4 |
805,2 |
|
Soldes |
- 44,9 |
- 43,8 |
- 27,7 |
- 59,6 |
- 57,9 |
- 110,6 |
- 207,7 |
|
Hors Budget |
8,7 |
10,4 |
12,5 |
14,2 |
21 |
17,3 |
17 |
|
Soldes |
- 53,6 |
- 59,2 |
- 40,2 |
- 73,8 |
- 78,9 |
- 127,9 |
- 224,8 |
|
1945 |
1946 |
1947 |
1948 |
1949 |
1950 |
1951 |
1952 |
90,501 |
48,870 |
11,601 |
7,485 |
11,761 |
12,407 |
21,863 |
43,351 |
1953 |
1954 |
1955 |
1956 |
1957 |
1958 |
1959 |
1960 |
49,912 |
46,289 |
39,834 |
39,719 |
42,915 |
43,721 |
45,961 |
45,168 |
1961 |
1962 |
1963 |
1964 |
1965 |
1966 |
1967 |
1968 |
46,633 |
49,040 |
50,142 |
51,528 |
47,456 |
54,852 |
68,243 |
78,756 |
1969 |
1970 |
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
1976 |
79,417 |
78,553 |
75,808 |
76,550 |
75,541 |
77,781 |
85,552 |
89,430 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
97,501 |
105,186 |
117,681 |
135,856 |
159,765 |
187,418 |
214,769 |
245,268 |
Table publiée dans
"Military expansion, economic decline"
(Robert W.W. De Grasse Jr)
Cette politique, ce parasitisme, a nourri le capital financier et a
impulsé sa croissance, tant par les marchés qu’elle a ouverts aux firmes
industrielles, que par les exigences de son financement. Relativement
rapidement elle a ébranlé la position du dollar et, corrélativement, le système
monétaire et des paiements établi à Bretton Woods. La décennie 60 est celle de
la dégradation du système jusqu’à sa ruine. Effet secondaire mais d’importance
majeure c’est également celle de l’essor de ce qu’on a appelé les
"Eurodollars" (ce n’est pas le lieu d’analyser ce phénomène). Selon
une statistique publiée dans le livre de jean Denizet "Le dollar"
(page 69) :
|
Crédits en dollars au
bilan des euro-banques |
Taux de progression |
1965 |
12 |
38 % |
1970 |
60 |
26 % |
1975 |
190 |
22 % |
1980 |
520 |
5,8 % |
1983 |
616 |
|
Le 15 Août 1971 par sa déclaration où il annonçait officiellement que
désormais le dollar ne serait plus librement convertible en or pour les banques
centrales, Nixon mettait en pratique fin au système monétaire et de paiement
établi à Bretton Woods.
Le système de Bretton Woods est mort de la politique économique et
financière des USA qui, en utilisant à fond le privilège que ces accords lui
attribuaient, lui a permis de couvrir ses déficits par l’émission de dollars.
Le dollar a même bénéficié du soutien des banques centrales souscrivant aux
bons du trésor américain et concluant avec la FED des accords dits de
"stand by" du soutien du "pool de l’or". Mais finalement
l’issue était inéluctable. C’est une conséquence d’un immense parasitisme. Ce
que n’expliquent généralement pas les "économistes", pas plus qu’ils
n’expliquent que cette politique était celle du capital financier et qu’elle
lui fut éminemment profitable. Généralement ils mettent l’accent sur :
"Incontesté à l’époque
où son caractère asymétrique correspondait au profond déséquilibre des
relations économiques internationales dominées par les seuls Etats-Unis. le
système de BRETTON WOODS devait voler en éclats a la fin des années soixante
lorsqu’apparurent clairement le "divorce entre la garantie métallique du dollar
et les avoirs détenus en cette monnaie a l’étranger", la
"distorsion entre le prix officiel de l’or et le pouvoir d’achat réel de
3,5 dollars", le "dérapage entre les pratiques de "demand
management" et l’ampleur de l’inflation, entre les politiques de taux
d’intérêt et le montant des "capitaux errants", la "disharmonie
enfin entre la puissance de l’économie américaine et la montée des puissances
nouvelles, Europe et Japon notamment". Là est bien en effet le fond du débat
sur lequel s’accordent tous les commentateurs scrupuleux : la décadence du
système de BRETTON WOODS s’explique par le déclin relatif des Etats-Unis, la
chute du système de BRETTON WOODS résulte de l’ascension de la puissance
européenne et japonaise à la recherche d’un nouveau partage du pouvoir
économique et politique. Déclin relatif des Etats-Unis ? Après 1945, la
croissance de l’économie américaine a été moindre que celle de beaucoup
d’autres pays - européens en particulier - et des écarts de productivité se
sont creusés entre les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon notamment. Aussi
bien, les rapports de force réels ont évolué et même si les Etats-Unis restent
- autour des années 1970 - la première puissance économique mondiale, leur
force relative a beaucoup diminué depuis 1945. Cette mise en cause de la
domination américaine se lit notamment sur le plan des échanges mondiaux, sur
le plan des réserves."
(citation de : "L’or jaune et l’or
noir", J. Carrière, Seuil 1976, pp. 169 et 170)
Il était dans l’ordre des choses que l’économie capitaliste se
reconstruisant, l’écart existant au lendemain de la deuxième guerre entre les
USA et les autres puissances impérialistes vainqueurs et vaincues diminuent.
Mais le formidable parasitisme, l’économie d’armement des USA ont contribué à
affaiblir relativement l’économie américaine par rapport à ses rivales, tandis
qu’ils entraînaient l’ensemble. En ce qui concerne les investissements directs
des différents pays à l’étranger des pays capitalistes dominants une
statistique établit leur évolution ainsi :
Stock des investissements directs à l’étranger des
pays développés à économie de marché
par
principaux pays d’origine (1967-1976)
Pays d’origine |
Milliards de dollars |
|
Pourcentage de distribution |
|
||||
|
1967 |
1976 |
|
1967 |
1976 |
|
||
France |
6,0 |
11,9 |
|
5,7 |
4,1 |
|
||
Belgique |
} 2,0 |
3,6 |
|
1,9 |
1,2 |
|
||
Pays-Bas |
2,2 |
9,8 |
|
2,1 |
3,4 |
|
||
RFA |
3,0 |
19,9 |
|
2,8 |
6,9 |
|
||
Italie |
2,1 |
2,9 |
|
2,0 |
1,0 |
|
||
Royaume-Uni |
17,5 |
32,1 |
|
16,6 |
11,2 |
|
||
Irlande |
--- |
--- |
|
--- |
--- |
|
||
Danemark |
--- |
--- |
|
--- |
--- |
|
||
Total CEE |
32,8 |
80,2 |
|
31,1 |
27,8 |
|
||
Suède |
1,7 |
5,0 |
|
1,6 |
1,7 |
|
||
Suisse |
5,0 |
18,6 |
|
4,8 |
6,5 |
|
||
Total Europe |
39,5 |
103,8 |
|
37,5 |
36,0 |
|
||
Japon |
1,5 |
19,4 |
|
1,4 |
6,7 |
|
||
Etats-Unis |
56,6 |
137,2 |
|
53,8 |
47,6 |
|
||
Canada |
3,7 |
11,1 |
|
3,5 |
3,9 |
|
||
Reste du monde (estimation) |
4,0 |
16,8 |
|
3,8 |
5,8 |
|
||
Total général |
105,3 |
288,3 |
|
100 |
100 |
|
||
Source : Nations-Unies
Autre
tableau :
Production des filiales des sociétés internationales
en milliards de $
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Taux de |
|
|
|
1950 |
|
1960 |
|
1967 |
|
1971 |
|
1968-1971 |
|
Etats-Unis |
|
23,6 |
|
64,0 |
|
119,0 |
|
172,0 |
|
9,7 |
|
Grande-Bretagne |
|
14,0 |
|
24,0 |
|
36,0 |
|
48,0 |
|
7,4 |
|
France |
|
--- |
|
--- |
|
12,0 |
|
19,6 |
|
13,2 |
|
Allemagne fédérale |
|
--- |
|
1,6 |
|
6,0 |
|
14,5 |
|
24,5 |
|
Japon |
|
--- |
|
0,6 |
|
2,8 |
|
9,0 |
|
33,8 |
|
Annonçant le 15
Août 1971 la fin officielle de la convertibilité, pour les banques centrales,
Richard Nixon martelait :
"(...) A la fin de la
deuxième guerre mondiale, les économistes des principales nations industrielles
d’Europe et d’Asie étaient saccagées. Pour les aider à se remettre sur pied et
à protéger leur liberté, les Etats-Unis leur ont fourni 143 milliards de
dollars au titre de l’aide à l’étranger. Il nous appartenait de le faire.
"Aujourd’hui, en grande partie grâce à
notre aide, elles ont retrouvé leur dynamisme et sont devenues de fortes
concurrentes. A présent qu’elles sont économiquement puissantes, le moment est
venu pour elles de porter une part équitable du fardeau pour la défense de la
liberté dans le monde. Le moment est arrivé pour que les principales nations se
fassent concurrence sur un pied d’égalité. Il n’y a plus de raison que les
Etats-Unis luttent avec une main attachée derrière le dos."
La fin officielle de la convertibilité du dollar en or
ne change pas le statut de principale monnaie internationale qui est celui du
dollar. Jean Marchal écrit dans "Le système monétaire
international" (page 81) :
"En supprimant la convertibilité du dollar en or, les Etats-Unis ne l’ont pas remplacée comme ils auraient du le faire pour respecter les statuts du Fonds Monétaire International, par une convertibilité dans les autres monnaies. En d’autres termes ils ne prennent aucune disposition pour stabiliser la valeur du dollar sur le marché des changes autour d’une parité fixe, avec des marges de variation restreintes. Ils laissent aux autres pays la charge d’intervenir, s’ils estiment nécessaire de maintenir un rapport constant entre le dollar et leurs monnaies."
Désormais leur objectif est d’en finir avec les parités fixes entre monnaies, d’aboutir aux "changes flottants". Il sera atteint par les accords de la Jamaïque (7-8 janvier 1976) qui suppriment la définition or et dollar des monnaies. Le dollar perdra, au désavantage des investissements à l’étranger de capitaux que lui conférait le cours forcé à 35 dollars l’once d’or. Il est supposé devenir un dollar redonnant de sa compétitivité sur le marché mondial à la production américaine. En fait il permet aux Etats-Unis de pratiquer la politique du "déficit négligeable" ou "sans pleurs" qui n’est rien d’autre que le paiement des déficits extérieurs par l’émission de dollars.
Le tableau suivant
indique l’évolution des investissements croisés entre pays capitalistes
dominants.
Tableau 5.15 : Flux d’investissements croisés entre
pays capitalistes industrialisés,
1967-1976
(en milliards de dollars)
|
Sortie de capitaux
nationaux |
|
Entrées de capitaux
étrangers |
||||||||
Pays |
(Moyenne annuelle) |
|
(Moyenne annuelle) |
||||||||
|
1967-69 |
1970-72 |
1973-75 |
1976 |
|
1967-69 |
1970-72 |
1973-75 |
1976 |
||
Etats-Unis |
5,17 |
7,65 |
11,50 |
12,32 |
|
0,92 |
0,93 |
3,79 |
4,97 |
||
Canada |
0,22 |
0,32 |
0,70 |
0,56 |
|
0,62 |
0,81 |
0,65 |
0,40 |
||
Europe de l’Ouest |
3,43 |
6,15 |
11,90 |
n.d. |
|
3,14 |
5,69 |
8,86 |
n.d. |
||
Japon |
0,18 |
0,49 |
1,85 |
1,99 |
|
0,06 |
0,16 |
0,13 |
0,11 |
||
Autres pays développés |
0,10 |
0,13 |
0,31 |
0,16 |
|
0,79 |
1,31 |
1,03 |
1,16 |
||
Total |
9,10 |
14,74 |
26,26 |
--- |
|
5,53 |
8,90 |
14,46 |
--- |
||
Source : ONU, op. cit. p.
265
Louis
Gill qui fournit cette statistique dans son livre "Économie mondiale et
impérialisme" (page 220) commente :
"Le tableau 5.15 fait ressortir pour les pays capitalistes industrialisés les flux croisés de capitaux correspondant à leurs investissements directs à l’étranger. L’entrée massive de capitaux aux Etats-Unis à partir de 1973 saute aux yeux. De $ 0,93 milliards en moyenne annuelle pour 1970-72 à $ 3,79 milliards en moyenne annuelle pour 1973-75, les entrées annuelles de capitaux aux Etats-Unis ont quadruplé en l’espace de 3 ans. Les sorties de capitaux des Etats-Unis n’ont pas diminué pour autant. Du côté de l’Europe et du Japon, d’où viennent ces capitaux vers les Etats-Unis en 1973-75, il ressort également du tableau 5.15 une augmentation substantielle. En Europe, les sorties de capitaux doublent de 1970-72 à 73-75 (de $ 6,15 à $ 11,90 milliards), et au Japon, elles quadruplent (de $ 0,49 à $ 1,85 milliards)."
Entre 1971 et 1975
les balances américaines ont évolué ainsi que l’indique le tableau suivant :
Balances des USA (milliards de dollars)
|
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
1) Balances commerciales |
- 2,3 |
- 6,4 |
+ 1 |
- 5,3 |
+ 9 |
2) Services et transferts |
- 1,6 |
- 3,3 |
- 0,7 |
+ 2 |
+ 2,9 |
3) Balances courants (1 + 2) |
- 3,9 |
- 9,7 |
+ 0,3 |
- 3,3 |
+ 11,9 |
4) Mouvements de capitaux à long terme |
- 6,7 |
- 1,4 |
- 1,3 |
- 7,4 |
- 10,5 |
5) Balances de base (3 + 4) |
- 10,6 |
- 11,1 |
- 1,1 |
- 10,7 |
- 1,4 |
6) Mouvements de capitaux à court terme |
- 2,3 |
- 1,5 |
- 4,2 |
- 12,9 |
- 2,8 |
7) Erreurs et omissions |
- 9,0 |
- 1,2 |
- 2,4 |
+ 4,7 |
+ 4,5 |
|
________ |
________ |
________ |
________ |
________ |
Balance des liquidités |
- 21,9 |
- 13,8 |
- 7,6 |
- 18,9 |
+ 3,1 |
Ce tableau est extrait
de la note 8 des "Cahiers français" de juillet-septembre 1976.
Elle remarque :
"Nettement engagé en
1973 après les déficits importants de 1971 et surtout 1972 et apparemment remis
en cause brutalement du prix du pétrole, le redressement du solde commercial
américain s’est pleinement manifesté en 1975 avec un excédent de plus de 9 Mds
de dollars, comparé à un déficit de 5,3 milliards de dollars en 1974 (dont 17
environ au titre de l’aggravation de la facture pétrolière américaine).
"Ce retour à un excédent commercial
résulte d’abord du fait que la récession qui s’est traduite aux USA par un
recul du PNB de 1,8 % en 1974 et 2 % en 1975 a eu pour conséquence une chute du
volume des importations de 3,4 % en 1974 et 11,5 % l’an passé selon les
estimations actuellement disponibles ; cette chute a succédé à une tendance
déjà assez nette à la modération du rythme des achats américains en 1973 (+ 4,7
%) au regard de la croissance du PNB (5,3 %) cette année-là."
Plus
loin :
"Ainsi il est frappant de constater que la dépréciaition pourtant forte du taux de change effectif du dollar depuis 1970 ne s’est pas traduite jusqu’à présent par une percée vigoureuse des exportations américaines."
La dévaluation du dollar n’a cessé jusqu’au 19 mars 1973 où les Banques centrales japonaise et allemande refusant de le soutenir il était déclaré flottant. Son prix tombe au milieu de 1973 à 2,23 marks et à 3,85 francs. Mais la hausse des prix du pétrole, - dans la mesure où elle contraint les autres puissances impérialistes à utiliser les dollars dont elles disposent et à mobiliser ceux qu’elles peuvent mobiliser pour acquitter leur facture pétrolière, tandis que les USA ont seulement à les émettre pour payer cette hausse - provoque une remontée du dollar qui atteint au début 1974, 5,24 francs et 2,84 marks, pour retomber à 3,97 francs et 2, 27 marks au milieu de l’année 1975.
La "relance", pour surmonter la phase aiguë de 1975 de la
crise de l’économie capitaliste s’est effectuée par des moyens budgétaires et
l’inflation de crédit. Mandel a noté dans son livre "La crise
1974-1982" :
"Aux Etats-Unis, la
reprise économique, a été préparée par un déficit budgétaire colossal de
l’ordre de 70 à 80 milliards de dollars pour l’année fiscale juillet 1975-juin
1976. En Allemagne occidentale, le déficit budgétaire a été de l’ordre de 30
milliards de dollars en 1975, au Japon de l’ordre de 20 milliards de dollars.
Si on y ajoute trois autres déficits du secteur public (budget de l’Etat et
secteurs nationalisés) considérable des pays impérialistes, tel que la
Grande-Bretagne (20 milliards de dollars), la France (10 milliards de dollars)
et l’Italie (25 milliards de dollars) on peut évaluer qu’entre le milieu de
l’année 1975 et le milieu de l’année 1976 pas moins de 175 milliards de dollars
de pouvoir d’achat [c’est lui qui appelle cela ainsi. Ces termes sont équivoques. Ce sont
des dépenses étatiques dont il faut voir la nature] ont été injectés dans le
circuit économique rien que par le truchement des déficits budgétaires des
puissances impérialistes principales pendant une année quelconque de la
deuxième guerre mondiale. Elle est sans commune mesure avec les modestes
expériences du New Deal rooseveltien."
L’évolution des dépenses militaires des USA au cours de ces années a été publié plus haut. Qu’il suffise d’indiquer qu’entre 1971 et 1980 la part dans les dépenses publiques des USA des dépenses militaires a été de 25 % (14 % pour le Royaume-Uni, 11 % pour la RFA, 8 % pour la France, 5,4 % pour le Japon). Le parasitisme s’est poursuivi, ainsi que le "déficits sans pleurs".
De 1977 à 1979 : déficit de la balance commerciale - 94 milliards
de dollars, années 1977-1978 : déficits additionnés de la balance
des paiements courants : 68 milliards de dollars. Au cours de ces
années la hausse des prix atteint
|
1973 |
1974 |
1975 |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
USA |
8,8 |
12,2 |
7 |
4,8 |
6,8 |
8 |
13,3 |
Japon |
19,1 |
21,9 |
7,7 |
10,4 |
4,8 |
3,5 |
5,5 |
RFA |
7,8 |
5,9 |
5,4 |
3,9 |
3,5 |
2,4 |
6,1 |
France |
8,5 |
15,2 |
9,6 |
9,9 |
9 |
9,7 |
11,8 |
Italie |
12,5 |
24,5 |
11,1 |
21,8 |
14,9 |
11,9 |
18,3 |
R.-U. |
10,5 |
19,1 |
24,9 |
15,1 |
8,4 |
8,4 |
17,3 |
Les taux d’intérêts
nominaux des bons du trésor à six mois varient comme suit :
1967 |
1968 |
1969 |
1970 |
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
4,3 |
5,3 |
6,7 |
6,3 |
4,3 |
4,1 |
7 |
7,9 |
5,8 |
5 |
5,3 |
7,4 |
10,1 |
Pour avoir
l’intérêt réel il en faut déduire les taux d’inflation.
De 1970 à 1979 l’endettement fédéral a évolué ainsi :
1970 |
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
382,6 |
409,5 |
437,3 |
468,4 |
485,2 |
544,1 |
631,9 |
709,1 |
780,4 |
833,9 |
Le n° du 16 octobre
1978 de "Business Week" écrit :
"Depuis la fin 1975,
les Etats-Unis ont créé une nouvelle explosion à ce point sauvage et
désordonnée que la folie d’emprunt du début des années 1970 n’était rien à
côté. Il est vrai que les plus grands emprunteurs responsables de l’endettement
premier ne sont pas les plus fautifs. Au cours de ces trois dernières années de
la nouvelle économie d’inflation, les dettes des entreprises ont augmenté de 36
% soit un peu plus de 1 000 milliards de dollars et les dettes fédérales et des
Etats de 39 % soit 295 milliards de dollars, tandis que la dette totale de
l’économie du pays s’est élevée de 42 % soit à 3 900 milliards de dollars.
"Plus inquiétant est le fait que la
dette des consommateurs a augmenté de 49 % et atteint 200 milliards de dollars,
que les hypothèques sur l’habitat aient grimpé de 5 %, atteignant 750 milliards
de dollars et que l’endettement du gouvernement des USA, trésor et agences
fédérales compris, ait augmenté de 47 % et atteint 825 milliards de dollars.
"Ce qui a certainement été valable pour
les quatre dernières années. Durant cette période, la réserve fédérale, comme
les banques centrales de tous les pays industriels ont fait tourner la planche
à billets à une allure étourdissante. De fait, le marché de l’Euro-dollar qui
représentait moins de 200 milliards de dollars en 1974 a doublé et représente
maintenant 400 milliards de dollars. Sans aucun doute cette mer de liquidités a
maintenu à l’écart de la récession. Elle a aidé les pays les moins
industrialisés de survivre à la récession qui a suivi l’augmentation par quatre
du prix du pétrole."
Les euro-dollars, comme les
"pétro-dollars" des émirs du pétrole, déposés dans les banques
occidentales, ont été utilisés par celles-ci pour fournir aux "pays les
moins industrialisés". L’endettement de ces pays n’a cessé de croître,
et en même temps la charge des intérêts à payer, ce qui les a écrasés
économiquement et financièrement et les a asservis politiquement.
Le parasitisme a
nourri une fois encore la "relance". Il a été financé par l’inflation
(inflation monétaire et de crédit), mais aussi par un recours de plus en plus
important à l’emprunt, le capital financier en a été le grand bénéficiaire et
il n’a cessé de se renforcer.
1978 marque un
tournant dans le mode de financement du parasitisme. Sur les marchés monétaires
le dollar s’effondre. Avec de nombreuses oscillations il passe de
Cours du dollar
|
début 73 |
mi-73 |
début 74 |
tiers 75 |
début 76 |
fin oct. 78 |
Marks |
3,2 |
2,23 |
2,27 |
2,27 |
2,75 |
1,72 |
Francs |
5,12 |
3,85 |
5,24 |
4,16 |
4,6 |
3,98 |
Quant au prix de
l’once d’or il est passé de 35 dollars en 1970 à 200 au début 1975, à un peu
plus de 100 au milieu de 1976 et à 275 dollars environ fin octobre 1978.
Il devient
impossible à l’impérialisme américain de laisser chuter encore le dollar sans
provoquer une crise monétaire et financière destructive aux USA et
internationale. Aussi en novembre 1978 Carter annonce le plan qui désormais
portera son nom :
"Mobilisation d’un fonds correspondant à
30 milliards en DTS ou en devises étrangères ; tirage de 3 milliards de dollars
sur le FMI ; vente de 2 milliards de DTS, accord de "SWAP" (crédits
réciproques entre banques centrales à court terme mais renouvelables, en
devises étrangères), 6 milliards auprès de la Bundesbank, 5 milliards de
dollars auprès de la Banque du Japon, 4 milliards auprès de la Banque nationale
suisse, émission de 10 milliards de bons du trésor achetés par la Bundesbank,
la Banque nationale suisse, mais cette fois (c’est très important) libellés en
marks, en yens, en francs suisses, donc remboursables dans ces devises."
Cela
pour intervenir sur les marchés monétaires en soutien du dollar.
"D’autres mesures
annonçaient un tournant : le taux d’escompte passait de 8,5 % à 9 %, les taux
des réserves obligatoires des banques sur les dépôts à terme faits à leurs
guichets, doublement des ventes d’or du Trésor américain 1 500 000 dollars par
mois au lieu de 750 000.
"Immédiatement le dollar remontait par
rapport à l’or et aux autres devises. Mais quelques jours après la tendance à
la dépréciation du dollar réapparaissait."
Les causes profondes de cette dévalorisation n’ont pas disparu comme par un coup de baguette magique (déficits budgétaires, déficits des balances commerciales et des comptes courants). Sur cette base la spéculation se déchaîne contre le dollar et les autres monnaies, en faveur de l’or.
"Les cours de l’or
continuaient à augmenter pendant l’année 1979 de 240 dollars l’once en janvier
à 500 dollars en décembre. Pourtant le "prime rate" a été élevé au
cours de cette année à 15,75 %. En janvier 1980, c’est la panique : il faut 850
dollars pour une once d’or ; le dollar exprimé en marks atteint son taux le
plus bas 1,7 ; il faut seulement 4,01 francs pour un dollar. pour éviter que le
dollar ne s’effondre avec toutes les conséquences économiques et financières
que cela aurait aux USA et dans le monde, le 2 avril 1980 le taux du
"prime rate" est porté à 20 %. En mars l’once d’or redescend à 474
dollars, le cours du dollar exprimé en francs atteint 4,55, exprimé en marks
1,969. La FED abaisse le "prime rate" à 11 %. Immédiatement nouvelle
chute du dollar : en septembre il faut 720 dollars pour une once d’or, il ne
vaut plus que 4 francs et 1,74 marks. Fin 1980 le "prime rate" est porté
à 21,5 %.
"Cette hausse était indispensable pour
attirer les capitaux flottants et spéculatifs. En 1980 la hausse des prix a
atteint 13,6 %. La différence entre la hausse des prix et le taux d’intérêt
donne une idée du profit réel."
Dans le même temps, à l’occasion du renversement du Shah d’Iran, les émirs du pétrole, à l’instigation de l’impérialisme US, ont déclenché une nouvelle hausse des prix du pétrole brut. Entre 1979 et novembre 1990 le prix du baril de pétrole est passé de 14,5 dollars à 34. c’était une ponction sur la plus-value produite et réalisée dans les pays non producteurs de pétrole (les USA payant en dollar qu’ils émettent).
En 1978 Paul
Volker, nommé par Carter, accède à la direction de la FED. A une politique
inflationniste va succéder une politique dite "monétariste". Elle
consiste en un freinage de la croissance de la circulation monétaire, de
l’inflation de crédit, de plus en plus financement des déficits par l’emprunt
et, complémentairement, suppression progressive des contrôles sur le capital
financier dont le rôle et le poids ne cessent de croître.
Mais le volant
d’entraînement de l’économie américaine (et par extension de l’économie
capitaliste en général) reste le parasitisme, l’économie d’armement.
Enaoût 1980 le taux
de base des banques (court terme) américaines atteint 20,5 % et en décembre
21,5 %.
S’ouvrent alors les
années Reagan en même temps que se produit la "récession" 1980-1982.
Comme précédemment la relance est assurée par un accroissement massif des
dépenses militaires.
|
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
1987 |
1988 |
|
Budget
de la Défense |
135,856 |
159,765 |
187,418 |
214,769 |
245,305 |
285,268 |
323,035 |
354,277 |
385,591 |
|
Déficits: |
(à partir de 1983 :
prévisions) |
|||||||||
Budgétaire |
- 55,3 |
- 58 |
- 110,6 |
- 195,4 |
- 185,3 |
- 212 |
- 221 |
- 151 |
- 155 |
|
Commerciaux |
- 25,3 |
- 28,1 |
- 36,5 |
- 61,1 |
- 112,5 |
- 122,2 |
- 144,5 |
- 160,3 |
- 127 |
|
Paiements courants |
+ 3,7 |
+ 4,6 |
- 11,2 |
- 40,1 |
- 105,5 |
- 116,4 |
- 138,8 |
- 154 |
- 128,9 |
|
Taux
de base des banques |
21,5 |
15,75 |
12,75 |
11 |
10,75 |
8,75 |
|
7,5 |
10,5 |
|
|
mark |
1,95 |
2,28 |
2,45 |
2,79 |
3,15 |
2,53 |
2 |
1,58 |
1,75 |
dollar { |
yen |
204 |
220 |
243 |
235 |
250 |
203 |
160 |
123 |
124 |
|
franc |
4,5 |
5,76 |
7,31 |
8,48 |
9,63 |
7,75 |
6,5 |
5,34 |
6,6 |
"Le Monde
diplomatique" de mars 1991 a publié le tableau suivant :
|
1980 |
1990 |
Dette publique |
914 |
3 200 |
Dette des autorités subnationales |
336 |
850 |
Dette des entreprises |
829 |
2 100 |
Dette des consommateurs |
1 300 |
3 00 |
|
-------- |
-------- |
Total |
3 319 |
9 150 |
Produit National Brut |
2 792 |
5 300 |
Dette extérieure |
+ 181 |
- 800 |
Services de la dette fédérale en % des dépenses fédérales |
12,7 % |
20,1 % |
Épargne des ménages |
7,1 % |
4 % |
(EN MILLIARDS DE DOLLARS)
A des variantes
près l’ensemble des puissances impérialistes ont appliqué au cours des années
80 cette politique "monétariste", de financement des déficits par
l’emprunt, de suppression de toute entrave à la circulation du "capital
argent" notamment.
L’endettement des pays
semi-coloniaux s’est accru de façon gigantesque : il est passé de 500 milliards
de dollars environ en 1980, à 1 400 milliards environ en 1990.
Une conclusion se dégage à l’évidence : le capital financier est un
produit de l’économie capitaliste et un facteur agissant de cette économie. Il
lui est organiquement et indissociablement lié. Le parasitisme le nourrit et le
renforce, il renforce et nourrit le parasitisme. Tant que subsistera l’économie
capitaliste, il subsistera.
Bien sûr depuis Lénine l’impérialisme a connu développement et
modifications. Par exemple le "partage du monde" ne se présente plus
de la même façon. Sous l’effet de la vague révolutionnaire de la fin et de
l’après deuxième guerre mondiale, de la lutte des peuples colonisés et aussi de
la politique de l’impérialisme US la domination coloniale directe a disparu,
mais en Afrique, en Océanie et dans nombre de pays d’Asie, les pays de ces
continents sont restés ou sont devenus des pays semi-coloniaux dont l’indépendance
politique est plus ou moins formelle, et la subordination économique et
financière aux puissances impérialistes est écrasante. Parmi ces puissances
l’impérialisme américain se taille la part du lion.
D’autre part Lénine
écrivait dans sa brochure sur l’impérialisme :
"Monopoles, oligarchie,
tendances à la domination au lieu de tendances à la liberté, exploitation d’un
nombre toujours croissant de nations extrêmement riches ou puissantes : tout
cela a donné naissance aux traits distinctifs de l’impérialisme qui le
caractérisent comme un capitalisme parasitaire ou pourrissant. C’est avec un
relief sans cesse accru que se manifeste l’une des tendances de l’impérialisme
: la création d’un Etat-rentier, d’un Etat usurier, dont la bourgeoisie vit de
plus en plus de l’exportation de ses capitaux et de la "tonte de
coupons". Mais ce serait une erreur de croire que cette tendance à la
putréfaction exclut la croissance rapide du capitalisme ; non, telles branches
d’industrie, telles couches de la bourgeoisie, tels pays manifestent à l’époque
de l’impérialisme, avec une force plus ou moins grande, tantôt l’une tantôt
l’autre de ces tendances. Dans l’ensemble le capitalisme se développe
infiniment plus vite qu’auparavant, mais ce développement devient généralement plus
inégal, l’inégalité de développement se manifestant en particulier par la
putréfaction des pays les plus riches du capital (Angleterre)." (pages 205 et 206)
A l’étape actuelle du développement du mode de production capitaliste se sont affirmés les traits qui selon Lénine caractérisent "l’impérialisme" :
"1) Concentration à un
degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles [les oligopoles] dont le
rôle est décisif dans la vie économique ; 2) fusion du capital bancaire et
industriel, et création sur la base de ce "capital financier" d’une
oligarchie financière ; 3) l’exportation des capitaux, à la différence de
l’exportation des marchandises prend une importance toute particulière ; 4)
formations d’unions internationales monopolistes [les oligopoles
internationaux] de capitalistes se partageant le monde." (pages 145
et 146).
Revenons à la nouvelle formule magique "la mondialisation du
capital". Une première contradiction saute aux yeux : c’est plutôt la
concentration du capital dans les pays capitalistes dominants et leurs zones
dont il faudrait parler. Lorsque l’on prend la répartition des échanges
internationaux, on constate qu’en 1983 :
"Les pays capitalistes
industrialisés assurent plus de 65 % du commerce mondial, mais ces échanges
sont pour leur plus grande part, environ 70 % des échanges entre pays
capitalistes industrialisés. Le gros des échanges mondiaux se fait à
l’intérieur même de la zone des pays les plus industrialisés du
"monde" capitaliste. Environ le quart de leurs exportations est
dirigé vers les pays non industrialisés et 5 % seulement vers les pays de
l’Est."
(Louis Gill, livre déjà cité, page 181)
L’évolution
des exportations mondiales par grandes catégories depuis 1980 est significative
(indices en volume : base 100 : 1980).
|
1980 |
1982 |
1985 |
1988 |
1991 |
minéraux |
100 |
85 |
87 |
103 |
110 |
agricoles |
100 |
100 |
105 |
110 |
120 |
manufacturés |
100 |
100 |
125 |
150 |
160 |
Total |
100 |
98 |
110 |
135 |
150 |
Dans son livre "la
mondialisation du capital" François Chesnais écrit :
"La polarisation est
ensuite internationale, creusant l’écart brutalement entre les pays situés au
coeur de l’oligopole mondial et les pays situés à sa périphérie.
Ceux-ci ne sont plus seulement des pays
subordonnés, réserves de matières premières subissant les effets conjoints de
la domination politique et de l’échange inégal, comme à l’époque
"classique" de l’impérialisme. Ce sont des pays qui ne présentent
pratiquement plus d’intérêt, ni économique ni stratégique (fin de la
"guerre froide"), pour les pays et les firmes situés au coeur de
l’oligopole. Ce sont des fardeaux purs et simples. Ce ne sont plus des pays
promis au "développement", mais des zones de "pauvreté"
(mot qui a envahi le langage de la Banque mondiale) dont les émigrants menacent
les "pays démocratiques".
Si l’on met de côté le petit nombre de
nouveaux pays industriels (les NPI) qui avaient franchi, avant 1980, un seuil
de développement industriel suffisant pour leur permettre de s’adapter, avec
beaucoup de difficultés (D. Ernst et D. O’Connor, 1989 et 1992), aux nouveaux
rythmes de la productivité du travail et de demeurer compétitifs, ainsi qu’un
petit nombre de pays associés aux trois pôles de la Triade, on observe une
tendance très nette à la marginalisation des pays en développement. Elle a été
marquée, dans les années 1980, par un très fort recul des IDE et des transferts
de technologie en direction de la grande majorité de ces pays, ainsi que par un
début d’exclusion du système des échanges de beaucoup de pays producteurs de
produits de base. Comme nous le rappellerons dans le chapitre 8, ces pays ont
été atteints de plein fouet, à la fois par la conjoncture mondiale et par les
bouleversements technologiques survenus au centre du système, dans le sens de
la substitution de ressources traditionnelles par des produits intermédiaires
industriels résultant d’industries intensives en recherche-developpement [R-D]
(nouveaux matériaux et biotechnologies). E. M. Mouhoud (1993) utilise le terme
de "déconnexion forcée" pour caractériser cette marginalisation de
parties entières de continents du système des échanges."
François
Chesnais note encore :
"En termes de flux, la
part des pays en développement est tombée aux niveaux les plus bas connus
depuis des décennies à la fin des années 1980: 18,6 % du total des flux d’IDE
en 1985-1989 et même 16,9 en 1988-1989. Au début des années 1990, ces
pourcentages se sont accrus pour atteindre environ 22 %, mais ce sont des parts
d’un ensemble en croissance ralentie dont la remontée est due a la récession
dans les pays de l’OCDE et à un ralentissement provisoire des
acquisitions/fusions. Dix pays, situés pour l’essentiel en Asie du Sud-Est (y
compris la Chine), ont reçu la plus large partie de cet investissement.
Le mouvement ne concerne pas seulement l’IDE,
la même tendance au recentrage "triadique", et donc à la
marginalisation des pays exclus des processus qui la commandent, est également
à l’oeuvre dans les échanges commerciaux. On constate que le commerce au sein
de la "Triade" a lui aussi augmenté plus rapidement que l’ensemble du
commerce mondial, passant de 13 a 17 % de ce dernier au cours de cette
période."
Comment dans ces conditions est-il possible de
parler de "mondialisation du capital" ? C’est d’un autre
processus dont il s’agit: concentration du capital entre les mains des grandes
puissances impérialistes et soumission au capital financier (le retrait est une
forme de soumission en l’occurrence) du reste du monde. La restauration
capitaliste dans les pays où le capital avait été exproprié ne dément pas cette
appréciation : l’économie planifiée y est détruite, des secteurs entiers sont
liquidés, les investissements venant des pays capitalistes sont sélectifs et au
demeurant fort modestes (exemple la Russie et les pays de l’ex-URSS), ces pays
sont voués à devenir des semi-colonies.
En même temps que l’expression "mondialisation du capital"
une autre expression fait florès : "la Triade". Dans une note
au bas de la page 47 de son livre "la mondialisation du capital"
François Chesnais nous informe que
"5. Les expressions "Triade" et "triadique" sont dues à K. Ohmae (1985) Elles ont été utilisés d’abord par les business schools et le journalisme économique, avant d’être adoptées très largement. Les trois "pôles" de la Triade désignent les Etats-Unis, la CE et le Japon, mais autour de ces pôles se forment des associations un peu plus larges. Selon Ohmae, le seul espoir d’un pays en développement - il faut y ajouter désormais les anciens pays dits socialistes - est de se hisser au statut de membre associé, même périphérique, d’un des trois pôles. Il faut bien sur faire une place à part aux NPI d’Asie."
sur
cette page il publie le schéma suivant :
Si ce schéma a un sens c’est d’abord et avant tout que les IDE, y
compris s’ils se font sous la forme d’investissements croisés et par
acquisition et fusion d’entreprises sont faites par et sont sous la coupe des
vieilles puissances impérialistes - les Etats-Unis, le Japon et les différentes
puissances impérialistes d’Europe (il n’y a pas de "capital de la
CE"). L’expression "la Triade" est un maquillage, une
escroquerie qui masque le fait essentiel : dans une coopération-conflictuelle,
le capital financier des vieilles puissances impérialistes continue à se
partager le monde. Il ne s’agit pas d’une nouvelle période historique "la
mondialisation du capital", ou encore "nouvel âge du
capitalisme" ainsi que veulent le faire croire les économistes
idéologues bourgeois et pro-bourgeois, mais d’un nouveau développement de
l’impérialisme que Lénine a qualifié de "stade suprême du
capitalisme".
Les entreprises multinationales, les investissements à l’étranger ne
sont pas des nouveautés (voir début de ce texte). Louis Gill fournit encore les
tableaux suivants :
Tableau 4.2 : Accroissement du nombre de filiales
industrielles à l’étranger des principales EMN, 1914-1970
Année |
Américaines |
Anglaises |
Européennes |
Japonaises |
||||||||
|
n |
% |
|
n |
% |
|
n |
% |
|
n |
% |
|
1914 |
122 |
--- |
|
60 |
--- |
|
167 |
--- |
|
0 |
--- |
|
1919 |
193 |
9,6 |
|
87 |
7,5 |
|
218 |
5,5 |
|
0 |
--- |
|
1929 |
492 |
9,9 |
|
205 |
9,0 |
|
467 |
7,9 |
|
1 |
--- |
|
1938 |
807 |
5,6 |
|
304 |
4,4 |
|
579 |
2,4 |
|
4 |
--- |
|
1952 |
1 365 |
3,8 |
|
540 |
4,2 |
|
752 |
1,9 |
|
46 |
--- |
|
1958 |
1 987 |
6,5 |
|
689 |
4,2 |
|
1 000 |
4,9 |
|
65 |
5,9 |
|
1967 |
4 736 |
10,1 |
|
1 800 |
4,2 |
|
1 993 |
7,9 |
|
312 |
19,0 |
|
1970 |
--- |
--- |
|
2 529 |
12,1 |
|
3 023 |
15,0 |
|
521 |
18,6 |
|
n = nombre de filiales ; % = taux moyen annuel
d’accroissement
Source : W.Andreff, op.
cit., p. 88. Les filiales considérées sont celles des entreprises
appartenant aux 500 plus grandes entreprises américaines et 200 plus grandes
non américaines possédant des filiales dans au moins 6 pays différents en 1967.
Tableau 4.3 : Actifs
correspondant aux investissements directs à l’étranger,
1960-1976 (valeur comptable en milliards de dollars)
Pays |
1960 |
1967 |
1971 |
1976 |
Etats-Unis |
32,8 (59,0)* |
56,6 (53,8) |
82,8 (52,3) |
137,2 (47,6) |
Grande-Bretagne |
12,0 (25,0) |
17,5 (16,6) |
23,7 (15,0) |
32,1 (11,2) |
RFA |
0,8 (1,0) |
3,0 (2,8) |
7,3 (4,6) |
19,9 (6,9) |
Japon |
0,3 (0,4) |
1,5 (1,4) |
4,4 (2,8) |
19,4 (6,7) |
Suisse |
|
5,0 (4,8) |
9,5 (6,0) |
18,6 (6,5) |
France |
|
6,0 (5,7) |
7,3 (4,6) |
11,9 (4,1) |
Canada |
|
3,7 (3,5) |
6,5 (4,1) |
11,1 (3,9) |
* Le chiffre entre parenthèses représente la part en
% du pays dans l’investissement direct à l’étranger effectué par l’ensemble des
pays.
Source : ONU, Les sociétés multinationales et le
développement mondial, New-York, 1973, p. 151 et ONU, Les sociétés
transnationales dans le développement mondial : un réexamen, New-York,
1978, p. 262.
Un
autre tableau porte sur les BMN.
Tableau 4.4 : Répartition de l’implantation des BMN
en 1977
Pays
d’origine Zone d’implantation |
E-U |
G-B |
Japon |
France |
Italie |
RFA |
Canada |
Suisse |
Espagne |
Hollande |
Brésil |
Total |
Europe |
330 |
96 |
82 |
83 |
73 |
38 |
46 |
20 |
47 |
19 |
17 |
851 |
|
(39%) |
(11,3%) |
(9,6%) |
(9,7%) |
(8,6%) |
(4,5%) |
(5,4%) |
(2,3%) |
(5,5%) |
(2,2%) |
(2%) |
(100%) |
Amérique
du |
21 |
53 |
69 |
23 |
29 |
24 |
29 |
24 |
11 |
9 |
7 |
298 |
Nord |
(7%) |
(17,8%) |
(43%) |
(7,7%) |
(9,7%) |
(8%) |
(9,7%) |
(8%) |
(3,7%) |
(3%) |
(2,3%) |
(100%) |
Amérique |
228 |
40 |
35 |
36 |
26 |
31 |
33 |
27 |
23 |
19 |
10 |
508 |
latine |
(45%) |
(7,9%) |
(6,9%) |
(7,1%) |
(5,1%) |
(6,1%) |
(6,5%) |
(5,3%) |
(4,5%) |
(3,7%) |
(2%) |
(100%) |
Afrique |
13 |
23 |
2 |
11 |
3 |
7 |
--- |
4 |
--- |
3 |
1 |
67 |
|
(19,4%) |
(34,3%) |
(3%) |
(16,4%) |
(4,5%) |
(10,4%) |
|
(6%) |
|
(4,5%) |
(1,5%) |
(100%) |
Moyen-Orient |
45 |
33 |
16 |
26 |
10 |
22 |
11 |
13 |
3 |
9 |
4 |
192 |
|
(23,4%) |
(17,2%) |
(8,3%) |
(13,5%) |
(5,2%) |
(11,5%) |
(5,7%) |
(6,8%) |
(1,6%) |
(4,7%) |
(2,1%) |
(100%) |
Asie |
185 |
54 |
66 |
38 |
24 |
33 |
23 |
15 |
2 |
12 |
3 |
455 |
|
(40,7%) |
(11,9%) |
(14,5%) |
(8,3%) |
(5,3%) |
(7,3%) |
(5%) |
(3,3%) |
(0,4%) |
(2,6%) |
(0,7%) |
(100%) |
Pacifique |
27 |
23 |
15 |
11 |
4 |
5 |
4 |
6 |
--- |
1 |
1 |
97 |
|
(27,9%) |
(23,8%) |
(15,5%) |
(11,3%) |
(4,1%) |
(5,2%) |
(4,1%) |
(6,2%) |
|
(1%) |
(1%) |
(100%) |
Total |
849 |
322 |
285 |
228 |
169 |
160 |
145 |
109 |
86 |
72 |
43 |
2468 |
|
(34,3%) |
(13%) |
(11,5%) |
(9,2ù) |
(6,8%) |
(6,5%) |
(5,9%) |
(4,4%) |
(3,5%) |
(2,9%) |
(1,7%) |
(100%) |
* Les pourcentages
entre parenthèses représentent le degré de contrôle d’une zone par un pays. Les
sommes horizontales = 100 %.
Source : W.Andreff
et O.Pastré, op. cit., p. 43. Tableau construit à partir des
données de "Who Is Where in World Banking", 1978.
Dernier tableau
Tableau 5.17 : Importance relative des exportations
et de la production effectuée à l’étranger, pays capitalistes développés en
1971 (en milliards de $)
Pays |
Estimation de la
production effectuée à l’étranger |
Exportations ---------- |
Rapport ---------- |
|
(A) |
(B) |
A / B |
É-U |
172,0 |
43,5 |
3,95 |
G-B |
48,0 |
22,4 |
2,15 |
France |
19,1 |
20,4 |
0,93 |
RFA |
14,6 |
39,0 |
0,37 |
Suisse |
13,5 |
5,7 |
2,34 |
Canada |
11,9 |
17,6 |
0,68 |
Japon |
9,0 |
24,0 |
0,37 |
Suède |
6,9 |
7,5 |
0,92 |
Italie |
6,7 |
15,1 |
0,44 |
Total
pour tous les pays
capitalistes industrialisés |
330 |
311,9 |
1,06 |
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