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Rapport international adopté par la 2ème conférence du Groupe (11, 12 &13 avril 2009) :

Un tournant dans la situation mondiale

La crise du capitalisme, d’ores et déjà la plus importante depuis 1929, marque le début d’un tournant politique dans la situation mondiale.

Ce tournant a deux aspects fondamentaux :
- d’une part, la situation objective de la classe ouvrière va s’aggraver qualitativement dans les mois qui viennent, à la fois sous les coups de la crise elle-même et en conséquence des politiques menées par les capitalistes et leurs gouvernements pour la faire payer au prolétariat et la jeunesse.

- d’autre part, pour la première fois depuis la chute du mur de Berlin et de l’ex-URSS (ceci dans la mesure où la révolution politique n’a pu se développer ultérieurement et où le capitalisme a été restauré peu de temps après), le capitalisme en tant que mode de production est politiquement remis en question, tant par la crise elle-même que par les mesures prises par les gouvernements bourgeois pour tenter d’y faire face.

Ce tournant n’ouvre pas une nouvelle période politique. Au contraire, la crise illustre pleinement la caractéristique que nous avons définie de « période de réaction » ouverte par la restauration du capitalisme dans l’ex-URSS, de clôture du cycle historique ouvert par la révolution d’octobre 1917 à l’avantage du capitalisme. Mais dans le même temps, cette crise fait partie des conditions nécessaires, quoique non suffisantes, qui mèneront dans des délais imprévisibles à la sortie de cette période de réaction, de décomposition du mouvement ouvrier et de désarroi politique, perspective sur laquelle nous nous situons et agissons, dans la continuité de ce qu’établissait Stéphane Just en conclusion de Une nouvelle perspective (1997) :
 « La perspective dans laquelle doit s'inscrire l'action politique de construction de partis ouvriers révolutionnaires et de l'Internationale ouvrières révolutionnaire est celle d'une crise économique, sociale et politique sans précédent, par suite de l'incapacité du capital de maîtriser la marche à une crise dislocatrice, de remporter des victoires écrasantes sur le prolétariat et l'incapacité du prolétariat à vaincre la bourgeoisie sans partis et internationale révolutionnaires. »


Le mode de production capitaliste objectivement et subjectivement mis en cause

Cette crise n’est ni une surprise, ni un accident de l’histoire. Comme CPS a eu l’occasion de l’affirmer, elle était inscrite, conjoncturellement, dans la façon même qu’avait eu l’impérialisme US de « relancer » après la crise des années 2000. Dès 2005, CPS n°21 soulignait que la situation de l’immobilier US était « un stock de dynamite », « un des éléments du risque croissant de crise financière, boursière », car « ce tournant s’est en effet traduit par un nouvel afflux sur les marchés financiers de liquidités de toutes sortes, de capital flottant, spéculatif. C’est la rançon du nouvel élargissement du recours au crédit. Mais il faut nourrir ce monstre. Or ce capital-argent, fictif, flottant, est en manque de débouchés, de secteurs ou de marchés à rançonner, au point qu’il est allé tout particulièrement s’engager vers la pierre et les matières premières comme le pétrole. ».
 Nous concluions alors : « Au bout du compte, si tant est que l’élastique du crédit ainsi tendu pour repousser les limites du mode de production capitaliste ne craque pas en tel ou tel point, l’accumulation de ce capital-argent par les mécanismes de crédit va s’avérer de plus en plus étouffante pour l’ensemble de l’économie mondiale (…)tout se ramène à la capacité des principaux impérialismes de faire reculer encore plus leurs prolétariats. Mais même alors rien ne dit que cela serait suffisant pour engager un nouveau cycle d’accumulation du capital, repoussant les spectres de crise jusqu’à ce que ce cycle s’essouffle et qu’à nouveau les contradictions explosives accumulées depuis maintenant des décennies ne se libèrent dans un souffle dévastateur. »

Elle n’est pas un accident en ce sens qu’elle s’inscrit à l’évidence dans le prolongement de la crise récurrente du mode de production capitaliste qui est réapparue dans les années soixante-dix, jalonnée par plusieurs crises et krachs financiers de plus en plus violents. 
Mais avec la crise actuelle, un nouveau stade est franchi.  Cette fois-ci, c’est le cœur même de la finance mondiale, les Etats-Unis et leurs banques, qui sont touchées de plein fouet (et avec elles toutes les banques mondiales). Le cœur de la Finance, et plus globalement le cœur de l’économie capitaliste tout court, la puissance impérialiste qui était sortie en position hégémonique de la seconde guerre mondiale et autour de laquelle se sont reconstruits et ordonnés le marché mondial et le système monétaire international. Symbole : les banques d’investissement américaines, emportées par la tempête et accompagnées de ce cri d’épouvante : « Wall Street n’existe plus » rapporté alors par la presse. Ou la disparition de Citygroup, qui fut la première banque du monde.
 
La conjonction de la crise mondiale du système de crédit et d’un ralentissement économique déjà engagé mais précipité par cette crise entraîne toute la planète dans une crise économique sans commune mesure avec les « récessions » qui se sont succédées tous les dix ans depuis 1980. Nous y reviendrons, mais d’ores et déjà la théorie du « découplage » de la croissance chinoise, prenant le relais des Etats-Unis, s’est évaporée d’elle-même, ainsi que nous l’avions annoncé dans CPS n°31.

Les capitalistes comprennent eux-mêmes parfaitement ce que cela peut impliquer en termes politiques. Citons l’une de leurs voix autorisées et écoutées, celle de Martin Wolf éditorialiste du Financial Times, lequel appelait à l’automne en ces termes à tout faire pour conjurer le spectre de la dépression économique :
« Le danger réside au contraire dans une récession, au cas où la montagne de la dette privée - qui équivaut, aux Etats-Unis, à trois fois le produit intérieur brut - s'écroulerait, entraînant une avalanche de faillites. La spirale infernale serait déclenchée par une nouvelle dégradation des marchés financiers, et serait amplifiée par la perte générale de confiance, la disparition du crédit, la fermeture d'innombrables entreprises, une montée en flèche du chômage, une chute des prix des biens de consommation, une baisse vertigineuse de la valeur des actifs et une flambée des saisies. La mondialisation propagerait la catastrophe dans le monde entier.

Beaucoup de ses victimes seraient innocentes de tout excès passé, tandis que beaucoup parmi les plus coupables conserveraient leurs gains mal acquis. Tous les ingrédients seraient alors réunis non pas pour une réédition du laisser-faire du XIXe siècle, mais pour une explosion de xénophobie, de nationalisme et de révolutions. De tels développements sont parfaitement concevables. 
» (nous soulignons).
 
Mais il y a un autre aspect plus fondamental encore qui donne à cette crise, outre son ampleur, ses caractéristiques politiques spécifiques. C’est celui que Bush a résumé sur CNN, en s’en excusant, le 16 décembre : « J’ai abandonné les principes de l’économie de marché pour sauver le système d’économie de marché ».

La caractéristique directement politique du tournant que représente cette crise est donc qu’une brèche a été ouverte dans le mur idéologique (mais l’on sait que les idées sont des instruments décisifs de la vie matérielle et politique) dressé depuis 20 ans en défense du capitalisme par les appareils, dont l’ultima ratio était : « le « socialisme » ne marche pas, le capitalisme, oui ». Aujourd’hui cette ligne est enfoncée par les développements de la crise : les tenants du mode de production capitaliste sont sur la défensive, ils ont subi une défaite politique.

Reprenons rapidement la façon dont les gouvernements bourgeois ont dû, tous, remettre en cause la propriété privée des moyens de production pour mieux la sauver.

Partout : nationalisations, ouvertes ou honteuses, de grandes banques, et d’assurances, ou des compagnies centralisant les prêts immobiliers. Partout, ceux qui apparaissaient et se prenaient individuellement pour les « maîtres du monde », les cadors du capital financier, mordent la poussière et leurs escroqueries comme l’affaire Madoff éclatent au grand jour. 
Partout : plans de « relance », c’est-à-dire pratiquement d’injection nouvelle des centaines de milliards de fonds publics pour subventionner des groupes capitalistes au bord du dépôt de bilan (le cas le plus spectaculaire étant à l’évidence celui de General Motors). Que ces plans soient en réalité des plans de subventionnement de licenciements et de « restructurations » est indéniable, mais ça n’en change pas le caractère politique. La modification du plan Paulson après son vote à l’arraché pour le transformer en plan de prises de participation de l’Etat dans les banques renforce encore cet aspect : jamais depuis des décennies la contradiction entre le caractère social de la production et le caractère privé de l’appropriation ne s’est manifestée aussi nettement.

Aux Etats-Unis, nombreuses sont les voix bourgeoises qui se sont demandées si elles ne vivaient pas en « URSSA » (USA socialistes), le Wall Street Journal affirmant que depuis des années se pratiquait « une forme malhonnête de socialisme », et proposant une version (sans rire) « plus honnête ». Ils doivent manger leur chapeau, piétiner les « principes » arborés par eux depuis des décennies. Si CPS a souligné depuis des années que l’intervention de l’Etat bourgeois va sans cesse croissant, ce qu’atteste le gonflement de la dette, on franchit aujourd’hui un saut qualitatif : elle est manifeste aux yeux de tous (l’Islande, pays en faillite où toutes les banques ont été nationalisées, en est l’emblème).

C’est maintenant en Allemagne que, le 20 mars, le Bundestag a adopté un projet de loi autorisant non seulement la nationalisation des banques mais aussi l’expropriation des actionnaires, sous les cris indignés du parti libéral qui hurle au « socialisme ». Die Welt de son côté souligne, en s’en inquiétant : « La notion d'expropriation reste très connotée, souvent associée à la planification et au socialisme »

Le fait que cette crise ait éclaté comme une crise du système de crédit, une crise financière, implique nécessairement une lutte politique contre toutes les variantes de ceux qui, au sein du vieux mouvement ouvrier, prônent à la traîne de la bourgeoisie une réforme plus ou moins poussée de la Finance (« régulation ») ou du capitalisme lui-même. 


La racine de la crise : l’impasse historique du mode de production capitaliste
à son époque impérialiste.

Les grands cris appelant à « refonder le capitalisme » sont autant de miroirs aux alouettes. La réunion du G20 de novembre l’a parfaitement démontré : au-delà de retouches cosmétiques, ou de la mise en cause partielle et hypothétique à ce stade de certains paradis fiscaux (dans la mesure où ceux-ci n’ont pas d’Etat bourgeois pour les soutenir), pour les capitalistes et leurs gouvernements s’il fallait que tout change, ce serait pour que rien ne change. Pas question pour eux évidemment de lever le secret bancaire, ou commercial : l’ampleur de ce qui serait révélé laisserait les affaires Kerviel ou Madoff au rang de simples broutilles. Pas plus question pour eux de limiter par tel ou tel règlement la taille de la sphère du crédit : cela reviendrait pour l’économie capitaliste pourrissante à se couper les ailes.

Car il faut le rappeler : la crise actuelle du système de crédit a certes pour cause que ce système s’est développé de manière totalement disproportionnée à la sphère de production. Mais ce développement lui-même a été une nécessité pour faire face à l’impasse historique du régime capitaliste entré depuis un siècle dans son époque impérialiste, pourrissante, dans lequel les crises ne peuvent plus jouer le rôle d’assainissement brutal qu’elles jouaient au XIXe° siècle. Ne pouvant plus ni se permettre des crises « classiques », ni assurer une croissance suffisante des profits malgré tous les coups portés aux masses, les gouvernements bourgeois ont tous développé progressivement un endettement généralisé, un pourrissement en profondeur. C’était le seul moyen (corrélativement à la lutte pour faire baisser la valeur et le prix de la force de travail) pour repousser les échéances qu’imposait la loi de la valeur. Ce sont les nécessités de ce développement qui ont donné l’impulsion au développement de cette sphère financière, gigantesque parasite vivant en symbiose avec la sphère de la production. "La dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l'agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne."  (K.Marx, Le Capital, Livre I, ch. 31).
C’est pour élargir sans cesse cette gigantesque cavalerie financière, pour assurer ainsi le financement à crédit de toutes les dépenses parasitaires, à commencer par les dépenses d’armement, que toutes les limites au développement du capital fictif, flottant, spéculatif, ont été progressivement levées, pour aboutir à ce que, pour un temps « une accumulation de dette passe pour une accumulation de richesse » (Marx).
En d’autres termes, qui pensait que le capitalisme développait puissamment les forces productives de l’humanité lors des dernières décennies ne peut comprendre la crise actuelle.

Aujourd’hui, les appareils et leurs satellites d’extrême-gauche expliquent l’hypertrophie de la sphère financière par le changement (réel) intervenu dans le « partage de la valeur ajoutée » depuis les années 80. Mais c’est dès le 15 août 1971 que l’entrave par excellence au développement du capital fictif, de la sphère du crédit, à savoir la convertibilité du dollar en or, est supprimée. La baisse du taux de profit malgré des conditions relativement bonnes du point de vue capitaliste (ravages de la guerre, existence d’un impérialisme hégémonique), la nécessité de financer la course aux armements et la guerre du Vietnam, ont imposé ce saut qui permettra l’inflation d’actifs et billets libellés en dollars. La fuite en avant capitaliste n’a cessé de se faire en développant l’endettement à tous niveaux (l’endettement total aux Etats-Unis public et privé, a atteint 350% du PIB) pour absorber toujours plus de marchandises. Avec la crise actuelle, cette fuite en avant a touché une limite, et le crédit à fonds perdus s’est confirmé être « le moyen le plus puissant de faire dépasser à la production capitaliste ses propres limites et en fait un des véhicules les plus efficaces des crises et de la spéculation » (Marx). Que les reculs imposés à la classe ouvrière depuis les années 80 (dont une expression indirecte est le « partage de la valeur ajoutée ») aient permis aux capitalistes de repousser les échéances est indiscutable. Encore faut-il préciser que ce sont ces reculs qui ont permis à l’investissement productif, moteur de l’ensemble du processus de reproduction élargie du Capital de se poursuivre sur la base d’un taux de profit momentanément suffisant.

Mais la crise manifeste ce rapport immanent au Capital :
« On produit périodiquement trop de moyens de travail et de subsistance pour pouvoir les faire fonctionner comme moyens d'exploitation des ouvriers à un certain taux de profit. On produit trop de marchandises pour pouvoir réaliser et reconvertir dans un capital neuf la valeur et la plus-value qu'elles recèlent dans des conditions de distribution et de consommation impliquées par la production capitaliste, c'est-à-dire pour accomplir ce procès sans explosion se répétant sans cesse. »(Le Capital, III, 15)

D’ailleurs, qu’est-ce que la crise des subprimes, ou celle, fracassante de l’automobile, sinon une crise de surproduction poussée à l’extrême grâce à toutes les ficelles qu’inventent les escrocs du crédit, qui aboutit à l’expulsion de millions de familles de leurs logements tandis que des quartiers entiers de villes américaines deviennent des villes fantômes ?

Autre artifice des défenseurs du capitalisme : l’apologie de la « relance » que réclament à cors et à cris les appareils syndicaux, les partis sociaux-démocrates ou issus du stalinisme. On retrouve logiquement cet appel à la « relance » du capitalisme dans la prosodie des lambertistes (qui collent ainsi comme de coutume à l’appareil FO) ou des pablistes (sous l’angle de « revenir au taux de partage de la valeur ajoutée existant au début des années 80 » dont Besancenot avait fait une de ses tartes à la crème lors de sa campagne présidentielle). Dans Rouge du 23 octobre, Chesnais en livre le fond :
« Deux « New Deal », l’un aux États-Unis, l’autre en Chine, pourraient sans doute la stopper [la crise - Ndlr]. Ils supposeraient la formation, dans chaque pays, de blocs sociaux tournés vers une redistribution profonde des richesses. Les conditions politiques de cela sont loin d’être réunies. Prédomine, dans les classes dirigeantes, l’idée qu’il est encore possible de préserver, au prix de petites retouches, le système tel qu’il est. »

La crise actuelle ne sera pas réédition de celle de 1929, en un sens parce que le pourrissement est bien plus profond, mais aussi parce que la configuration des rapports inter impérialistes n’a pas grand-chose à voir avec celle qui existait à l’époque. Ce qui n’empêche pas que la question du protectionnisme, du nationalisme bourgeois en matière d’économie, va inéluctablement prendre de la force dans les mois qui viennent, et notamment dans l’Union Européenne, nous y reviendrons. Les aspects protectionnistes marqués du plan de relance d’Obama le confirment.
Il faut aussi rappeler que le New Deal de Roosevelt fut au final un échec : seule l’entrée dans l’économie de guerre, puis leur victoire, firent sortir les Etats-Unis de la crise. Enfin, aujourd’hui, les conditions d’émergence de partis fascistes pouvant postuler au pouvoir ne sont pas réunies. Néanmoins, l’appel à un « New Deal » débouchant sur le regret que les « classes dirigeantes » n’en comprennent pas la nécessité, est éclairant sur ce que recouvrent toutes les formules de « relance », fut-ce, autre fumisterie, par la « consommation » : un renoncement à une politique ouvrière indépendante, donc révolutionnaire, au profit de « solutions » se situant dans le cadre de la « réforme » du mode de production capitaliste.


« Une transition de la production actuelle à une forme nouvelle »

Ce n’est pas d’aujourd’hui que pour les marxistes :
« le communisme n'est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'état actuel. Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement existantes. » (Idéologie allemande).

On peut prolonger ce rappel par l’appréciation que Marx donnait du système de crédit :
«  Le crédit a donc ce double caractère d'être, d'une part, le pivot de la production capitaliste, le facteur qui transforme en un colossal jeu de spéculation l'enrichissement par le travail d'autrui et qui ramène à un nombre de plus en plus restreint ceux qui exploitent la richesse nationale ; d'être, d'autre part, un agent préparant la transition de la production actuelle à une forme nouvelle. » (Le Capital, III ; 27)

Tout dans la crise actuelle plaide objectivement pour aller vers le socialisme : la socialisation extraordinaire des moyens de production qu’a précisément permise ce système de crédit, utilisé depuis des décennies pour permettre la production et la consommation de biens de destruction (armement) ou socialement nuisibles.
L’intervention massive des Etats, le retour en grâce des nationalisations (même bourgeoises), et aussi le caractère mondial de la crise qui sape toute tentative de solution nationale, quand bien même pour chaque prolétariat toute solution positive commence par la prise du pouvoir dans son propre pays : tout cela pousse à remettre Marx à l’ordre du jour, mais aussi Lénine.

La propriété privée des moyens de production garantie par les Etats nationaux a été remise en cause brutalement.  Cela met à l’ordre du jour l’étatisation du système de crédit par l’expropriation des banques privées, la nationalisation sans indemnités ni rachat des grandes entreprises en banqueroute, et de toutes celles nécessaires pour élaborer un plan de production sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes, utilisant le système bancaire unifié comme l’instrument le plus formidable qui soit  de comptabilité nationale, de crédit au service des masses, comme pour permettre de construire les logements collectifs de qualité nécessaires au moment où la crise du capitalisme met le secteur du bâtiment à l’arrêt.
Bref, s’engager vers le « socialisme honnête », l’expropriation du capital, perspective qui seule fonde les revendications multiples contre tout licenciement, toute expulsion, etc. répondant au mot d’ordre : « ce n’est pas aux travailleurs et à la jeunesse de faire les frais de la crise du capitalisme».  Et c’est aussi de cette perspective dont découle la clé de voûte de tout système de revendications : celle du pouvoir, celle d’un gouvernement ouvrier qu’il faut formuler de manière saisissable et efficace. 


Quelques perspectives

Reprendre les prévisions fournies par les instituts spécialisés est d’encore moins d’intérêt que de coutume : on rentre pour eux comme pour tous en terre inconnue, et leurs pronostics sont voués à rejoindre la poubelle plus rapidement que d’ordinaire. Une situation dans laquelle tous les pays capitalistes dominants voient leur production industrielle reculer de concert est inédite, imprévisible.

Les points sur lesquels il faut être au clair sont les suivants :
- D’abord, la crise dans sa dimension financière n’est pas terminée, tant s’en faut. La montagne de capital fictif n’a pas été apurée malgré la chute de moitié des principaux indices boursiers. Les produits dérivés en tout genre, les fonds de pension offshore, sont susceptibles de déclencher de nouvelles paniques. Certes, les plans de sauvetage du secteur financier ont évité que le crédit ne se resserre trop brutalement, l’infarctus financier, en ouvrant les vannes du crédit d’Etat presque sans compter. Les pertes abyssales annoncées par la Royal Bank of Scotland début janvier 2009 en sont un indice net.
Les risques de faillite demeurent donc, et si les grosses banques sont « too big to fail », elles sont aussi « too big to save », en ce sens que, par exemple, il faudrait 10 fois le PIB de la Suisse pour sauver les banques du pays de la faillite si cela devait advenir. Ces risques demeurent d’autant que la récession économique généralisée signifie la baisse des profits et donc, malgré la baisse à presque zéro des taux d’intérêt pratiqués par les Etats, la baisse des « actifs » (papier fictif) des banques, et donc la restriction de leur capacité à prêter, etc.
En réalité, tout le système de crédit aujourd’hui repose sur les Etats bourgeois.

Mais précisément, leur capacité à couvrir la crise n’est pas illimitée. Le bond fait par l’endettement public pour financer le sauvetage du capital financier et de telle ou telle branche d’industrie peut entraîner à son tour une crise obligataire (comme en ont connu plusieurs pays dominés). D’autre part, l’émission massive de dollars pourrait produire un krach monétaire, engager une inflation sans précédent, prenant le relais de l’actuelle déflation (produit de la chute de la production, de la consommation, qui pousse tous les prix à la baisse, d’autant que la bulle formée sur les matières premières – cf. CPS n°31 - s’est dégonflée). 2009 va être une année terrible.

- Ensuite, la crise de surproduction a été précipitée par la restriction brutale du crédit et du krach survenu dans le capital fictif, flottant, spéculatif. C’est pourquoi elle a un caractère simultané dans tous les pays capitalistes développés, ce qui l’aggrave considérablement.  Et ceci non seulement dans les pays capitalistes dominants, mais tout particulièrement dans les pays dits émergents, qu’ils vivent des exportations vers les métropoles impérialistes comme c’et le cas de la Chine, ou qu’ils vivent de la rente des matières premières comme la Russie.

La Chine occupe une place particulière dans la crise qui enfle. La baisse annoncée du commerce mondial pour 2009 va la frapper avec une force inouïe, que nous avions prévue dans CPS n°31 alors que la théorie du « découplage » battait son plein, force dont les évènements produits au cours de 2008 ne donnent qu’un aperçu (20 millions de licenciements annoncés … au premier semestre !). Dans une situation où des conflits se produisent quotidiennement à la campagne comme à la ville, où les privatisations de terres largement engagées bouchent la voie du retour viable au village pour des dizaines de millions de travailleurs migrants, des secousses profondes ne peuvent pas ne pas se produire. Les jeux olympiques auront été le chant du cygne du « miracle chinois », et tout le pays va se transformer en poudrière explosive. C’est pour cela que le gouvernement chinois a lancé un plan de relance colossal de la consommation pour élargir son marché intérieur au moment où les exportations se réduisent. Mais cet expédient ne peut fonctionner qu’un moment, puisque la Chine reste dans une position subordonnée aux principales puissances impérialistes sur le marché mondial. 

D’une manière générale :


La crise frappe déjà très durement les masses

Les conséquences de la crise vont être dévastatrices pour le prolétariat mondial et les peuples opprimés, la jeunesse, laquelle, scolarisée ou en interim, a commencé de réagir la première en Italie, Grèce ou France.

 Selon l’OCDE, le taux de chômage des pays membres devrait passer de 5,6% en 2007 à 9 ,9% en 2010. Et encore, sur la base de « prévisions » économiques plus qu’optimistes pour des raisons politiques évidentes. Rien que pour 2009, selon le BIT, 51 millions de travailleurs de plus devraient venir grossir « l’armée de réserve » du Capital. Presque un million par semaine dans le monde.

Tous les secteurs vont être touchés , des 200 000 emplois supprimés dans la Finance à New York à la situation du secteur sans doute le plus exposé car le plus marqué par la surproduction : l’automobile. Aux fermetures provisoires d’usines de Renault, Opel, celles de Toyota ou Volvo, également frappés par la crise, les faillites en cascade des sous-traitants, répondent l’accélération des licenciements chez General Motors au bord de la faillite, ceux de Nissan à Barcelone. La restriction du crédit conjuguée au ralentissement économique implique une violente crise qui laissera nécessairement un ou plusieurs gros constructeurs sur le carreau... et donc précipitera des dizaines de milliers d’ouvriers au chômage. Il faut noter que GM annonce des « licenciements secs » sans les chiffrer : or si un licenciement reste un licenciement, les licenciements « secs » sont une illustration, pour la classe ouvrière, de ce durcissement. Au Brésil, pour prendre un autre exemple, un tiers des entreprises préparent des licenciements pour le début de l’année.

La crise signifie aussi une accélération, inévitable pour la bourgeoisie des contre-réformes réactionnaires, pour économiser encore sur le dos des masses ce qui est versé dans les poches crevées du capital financier. C’est net dans les pays capitalistes dominants, point besoin d’y insister ici, mais on peut relever ce qui se passe en Europe orientale.
Par exemple en Pologne, le gouvernement de Tusk, après concertation avec « Solidarnösc »,  a décidé de limiter le droit à la retraite anticipée pour passer de plus d’un million de bénéficiaires à environ cent mille, en en excluant les cheminots ou encore les enseignants. Tusk caractérise ce dispositif d’« anachronisme hérité de la période socialiste ». En réalité, c’est un des dispositifs mis en place en 1989 pour accompagner la liquidation de la propriété d’Etat sans provoquer de trop grands heurts avec le prolétariat.
En Hongrie, sauvée temporairement de la faillite à l’islandaise par un prêt d’urgence de 20 milliards du FMI, c’est le gel des salaires et la suppression du 13ème mois pour les fonctionnaires. En Lettonie, au premier janvier, les salaires des fonctionnaires ont été baissés de 15%. On doit aussi mentionner l’accord interprofessionnel signé en Belgique par la direction de la centrale ouvrière FGTB, qui est un point d’appui pour remettre en cause l’indexation des salaires sur les prix existante dans ce pays.

Dans les pays dominés par l’impérialisme, la crise alimentaire qui a précipité près de 100 millions de personnes de plus dans la famine ne sera nullement liquidée par le reflux actuel de la bulle spéculative se formant sur les matières premières. La crise du crédit va avoir des conséquences mortelles sur la capacité à produire dans les pays où les paysans sont les plus vulnérables et les plus dépendants de l’endettement, où les terres les plus fertiles sont en cours de rachat par les grands trusts capitalistes (comme à Madagascar). 
Dans de telles circonstances, les mots de Trotsky dans Encore une fois où va la France résonnent singulièrement :
« Aucune crise ne peut d'elle-même être mortelle pour le capitalisme. Les oscillations de la conjoncture ne font que créer une situation dans laquelle il sera pour le prolétariat plus facile ou plus difficile de renverser le capitalisme.
(…)
Personne n'a numéroté les crises du capitalisme ni n'a indiqué d'avance laquelle serait la "dernière". Mais toute notre époque et surtout la crise actuelle dictent impérieusement au prolétariat cet ordre: "prends le pouvoir!". Si pourtant le parti ouvrier, malgré les conditions favorables, se révélait incapable de mener le prolétariat à la prise du pouvoir, la vie de la société continuerait sur des bases capitalistes - jusqu'à une nouvelle crise ou une nouvelle guerre, et peut-être à l'effondrement total de la civilisation européenne".

La crise par elle-même, répétons-le, n’a pas et ne peut pas liquider la période de réaction dans laquelle nous nous trouvons, même si elle change la donne. En conséquence, les mots d’ordre défensifs, de combat pour le retrait des « réformes » réactionnaires, gardent toute leur importance, tandis que les mots d’ordre de défense du pouvoir d’achat des salaires, de droit au logement, à l’instruction, aux soins, et du plus fondamental de tous, le droit au travail, vont prendre une nouvelle résonance. Ce sont ces questions qui peuvent amener rapidement le prolétariat à poser la question du pouvoir, ce qu’il s’agit de formuler de manière concrète autant que possible en fonction des développements concrets de la lutte de classe.


La crise menace l’existence de l’Union Européenne et de l’euro

La propagande capitaliste tente de présenter l’UE et l’euro sous le jour le plus favorable face à la crise. Néanmoins la réalité de l’UE s’est affichée au grand jour : un cadre conflictuel de collaboration entre des bourgeoisies rivales, cadre fort fragile face à la crise. Sarkozy lui-même, en commençant par réunir une sorte de pseudo-directoire économique, un G4 européen (donc sans l’Espagne), en a même rajouté, tout comme lorsqu’il avait proposé que la France prenne le contrôle pour plusieurs semestres de l’instance qui rassemble les membres de l’Euro. Mais cette proposition, comme d’autres, s’est heurtée au veto allemand. Dans une tribune qu’ils ont cosignée dans plusieurs quotidiens européens fin novembre, Sarkozy doit s’aligner sur Merkel et reconnaître que l’impérialisme allemand, le plus puissant du continent, ne paiera pas pour les autres : « Il n'existe en effet pas un modèle unique de plan de relance qui puisse être appliqué par vingt-sept États membres dont les situations économiques et budgétaires sont différentes (…)Il reviendrait à chaque pays de construire son propre plan et de décider son propre dosage ». Chacun pour soi !
Par contre – et c’est l’une des fonctions essentielles de l’UE, permettre aux bourgeoisies membres de s’épauler contre son propre prolétariat : « les réformes structurelles restent plus que jamais nécessaires à nos économies. ».

Quant à la commission de Bruxelles, une seule recommandation commune à Sarkozy et Merkel… qu’elle leur fiche la paix jusqu’à ce que les temps soient meilleurs :
« Nous n'avons besoin ni d'une approbation formelle ni d'une surveillance tatillonne (…)L'Union européenne devrait ensuite venir en complément des actions décidées dans chaque pays (…)Les États membres ne doivent pas être ralentis par les procédures communautaires dans la mise en œuvre de leurs plans de relance. De même, si des dépenses communautaires supplémentaires sont nécessaires, elles doivent être autorisées rapidement (…) le pacte de stabilité et de croissance devrait être appliqué avec souplesse  »(Ibid.)
Quelle démonstration ! L’unité de l’Europe est irréalisable dans le cadre du capitalisme qui reste basé sur le cadre national, malgré toutes ses tentatives pour se passer par-dessus la tête. L’UE, c’est que chacun subventionne ses industries en difficulté, que chacun fasse son propre plan dans son coin, et qu’aucun ne veuille payer pour les autres.

Le sort de l’euro va concentrer ces contradictions. D’autant qu’il est vraisemblable que le cours de celui-ci s’apprécie face au dollar. En effet, l’émission en masse de titres de la dette US, conjuguée à l’abaissement au plus bas historique des taux de la banque centrale, pousse à l’appréciation de l’euro, au-delà des mouvements spéculatifs. Or dans une telle situation, des pays comme la Grèce, voire l’Italie, risquent de ne pouvoir tolérer la conjugaison de la crise, d’une monnaie trop forte et d’un taux de refinancement de leur dette insoutenable. A ce facteur de crise, il faut ajouter les difficultés de ratification du traité de Lisbonne. La manœuvre qui consiste à faire revoter les Irlandais ne suffira sans doute pas à régler cette question : cela démontre l’actualité du combat pour l’unité réelle de l’Europe, qui ne pourra se faire qu’en allant vers le socialisme, comme condition de la victoire du socialisme sur le vieux continent.


La crise signifie l’intensification des tendances propres à l’impérialisme, et d’abord des guerres

La crise des années 2000-2002 aux USA avait précipité l’invasion de l’Afghanistan et celle de l’Irak, dans le cadre du tournant agressif engagé par l’impérialisme US, lequel a utilisé sa prédominance politique en prenant appui sur les attentats du 11 septembre pour tenter de recouvrer la situation hégémonique qu’il avait connue au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Plusieurs articles de CPS ont donné des éléments d’appréciation de ces guerres dont les peuples opprimés ont été les victimes : pour l’impérialisme US, le succès politique n’a pas découlé du succès militaire initial. En Irak, l’équilibre fragile trouvé par les stratèges impérialistes, équilibre de la terreur dans un pays divisé entre « communautés » religieuses est menacé à chaque instant. Certes, quelques succès politiques ont été remportés, comme d’avoir amené l’ensemble des factions religio-politiques à participer aux instances du pouvoir néo-colonial, ou plus récemment d’avoir amené « l’armée du Mahdi » à reculer pas à pas. Mais la base d’un ordre social stable n’a pas été reconstruite, et la chute des cours du pétrole n’arrangera rien. La perspective du retrait partiel de l’armée US est aussi celle d’un regain d’affrontements armés entre groupes pour le pouvoir – situation dont l’impérialisme portera toute la responsabilité. 
En Afghanistan, là où a priori la tâche était plus facile pour la coalition impérialiste, les choses vont de mal en pis pour le gouvernement Karzaï. Les chefs de clan se sont retournés les uns après les autres contre l’occupant, au fil des massacres et exactions commis sous le couvert de la « lutte anti-terroriste ». Le Pakistan est profondément déstabilisé (cf. CPS n°34).

Il est certain que la crise actuelle va produire aussi sa nouvelle dose de militarisme. D’abord pour l’impérialisme le plus puissant, hégémonique militairement, les Etats-Unis. Obama, félicité par Mc Cain, a fait sien le plan Bush de « retrait » de l’Irak, lequel prévoit qu’en août 2010, 50 000 soldats y stationneront encore ! Dans le même temps, il a annoncé des renforts considérables (17 000) en Afghanistan. L’impérialisme US cherche, dans le cadre de l’Otan, à accroître la part du fardeau militaire porté par ses « alliés », dans un rôle subordonné. Au Moyen-Orient, il cherche aujourd’hui à associer la Syrie et l’Iran à sa politique. Ce qui a amené l’Etat d’Israël et réaffirmer ses propres objectifs en ravageant Gaza (cf. CPS n°36 nouvelle série).

Il faut enfin rappeler que l’Iran (lui aussi chaque jour davantage en crise) reste stratégiquement, depuis la révolution de 1979 qui l’en a chassé, l’objectif central de l’impérialisme US. Rien ne peut être exclu en ces temps de crise violente. Nous renvoyons les camarades à l’article paru dans CPS n°31 (« l’impérialisme américain à la recherche d’un plan de sauvetage »).
Mais au-delà, il faut s’attendre avec la crise à ce que dans de nombreux pays dominés par l’impérialisme, les classes dominantes, devant les difficultés nouvelles à maintenir le cours ordinaire de leur domination, s’engagent ici ou là ans des aventures militaires. Cette tendance s’affirme entre l’Inde, que le recul du commerce mondial va atteindre, et le Pakistan au secours financier duquel le FMI s’est déjà porté. Depuis la guerre en Géorgie de l’été 2008 en passant par la crise en Ukraine, toute la région de l’ex-URSS est particulièrement menacée, surtout que la bourgeoisie russe dont les ressources mêlent les exportations de matières premières et la spéculation effrénée est frappée de plein fouet (la bourse de Moscou, fermée à plusieurs reprises, en porte témoignage). Et on imagine les répercussions de cette crise, de la chute du prix des matières premières, sur l’Afrique (aujourd’hui tout particulièrement dans l’est du Congo-Kinshasa, avec en toile de fond depuis 1994 les manœuvres des impérialistes français et américains, et celles des groupes miniers pour s’en approprier les immenses richesses, au prix de millions de morts).


L’immense confusion politique des masses à la lumière de l’élection présidentielle américaine

Que, ipso facto, la crise du capitalisme ne soit pas d’emblée un facteur de clarification politique pour les masses, et pourquoi, l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis permet de le mesurer. C’est en effet à une sorte d’escroquerie politique planétaire à laquelle on a assisté, une communion universelle médiatisée autour d’un conte de fée produit directement dans la fabrique à rêves hollywoodienne – bien que pour l’impérialisme US, ce ravalement de façade tombe à pic.
Pourquoi cette situation de confusion mondiale ? D’abord parce que, tout autour du globe, mais décisivement aux Etats-Unis, les appareils du mouvement ouvrier se sont inclinés devant Obama et l’ont salué sous des prétextes divers. Le premier est sa couleur, mais sur ce point c’est aux militants de l’émancipation des masses noires aux Etats-Unis qu’il faudrait rendre hommage. Quoique l’engouement réel soit resté limité : Obama a été élu avec 52% des exprimés sur une participation de 66%. Ce sont le Wall Street Journal ou le Financial Times qui auront fait pencher la balance, en prenant position pour le vote Obama, au compte d’un capital financier qui a bien remarqué que, lors du premier vote du plan Paulson, les élus républicains pour des raisons d’ailleurs diverses, avaient fait échouer ce plan et manqué de faire verser Wall Street dans le fossé.

Ils auront été bien récompensés : tandis qu’Obama (que Colin Powell a soutenu) conservait le ministre de la guerre de Bush et nommait la zélée sioniste Clinton aux affaires étrangères, il se choisissait comme conseiller économique un dirigeant de Citygroup (R.Rubin). Il a désigné L.Summers à la tête du conseil économique, lequel s’était illustré en suggérant « d’encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays les moins avancés ». Enfin son programme ne consiste qu’en baisses d’impôts, aides massives au patronat, et extension de la « guerre contre le terrorisme » vers le Pakistan.

Les premières responsables de cette escroquerie sont les directions syndicales AFL-CIO et « Change to Win », après s’être divisées… lors des primaires démocrates entre Clinton et Obama, ont mené toutes deux une campagne phénoménale pour le Parti Démocrate. Ironiquement, le prétexte avancé lors de la scission terrible de l’AFL-CIO était précisément l’engagement électoral trop important de l’AFL-CIO derrière ce parti. Cette scission qui a affaibli le mouvement syndical, accu sa décomposition, renforce le poids des partis bourgeois sur la classe ouvrière. Citons le communiqué de « Change To Win » en date du 20 janvier : « Alors que des millions s’assemblent autour du monde pour assister à ce moment de joie – l’intronisation du premier président afro-américain – nous nous réjouissons en tant que nation unie pour le changement et l’espoir. Maintenant nous devons travailler ensemble sur la base de cette victoire » (pour, entre autres, des « bons emplois écologiques »). Plus sobrement, John Sweeney, dirigeant de l’AFL-CIO, avait salué l’élection d’Obama en novembre ainsi « nos prières et notre soutien permanent sont avec lui au moment où nous nous attaquons à la rude tâche de remettre le pays dans la bonne direction ». L’Internationale Socialiste, elle, a affirmé sa disponibilité à coopérer avec le nouveau président, dans la lignée des sommets des « réformateurs » tenus à la fin des années 90 par les Blair, Jospin, Schröder, avec Clinton, et Obama est devenu une référence pour tous – sans oublier la satisfaction non dissimulée émise par les partis d’origine stalinienne, à l’instar du PC américain qui lui aussi a fait campagne pour Obama, jusqu’à la LCR qui a manifesté bruyamment sa propre satisfaction.


Faire passer le critère de la couleur de peau au premier rang conduit à des impasses politiques comme celle de groupe lambertiste américain, lequel, au nom de la ligne de la constitution d’un « parti noir », a soutenu la candidate, certes noire de peau, mais surtout … verte, bourgeoise, Cynthia Mc Kinney, présentée par le Green Party, ancienne parlementaire nationale du Parti Démocrate. Et au final, quel émerveillement exprime Gluckstein devant l’élection d’Obama (cf. Information Internationales n°310 du 5 novembre 2008 – version anglaise)
« Le fait demeure que, quelques soient les futures développements, le 4 novembre 2008 restera dans l’histoire des Etats-Unis et du monde comme l’ouverture d’une nouvelle page. Une nouvelle fois, la preuve est faite que dans le « ventre de la bête », pour reprendre les mots utilisés souvent par les militants américains, les lois de l’histoire sont plus fortes que les appareils, le mouvement des masses au bout du compte a dans ses mains la solution de toutes les situations. Les travailleurs américains, afro-américains, latinos, en s’unissant et s’organisant ont la possibilité d’ouvrir la voie vers l’émancipation et par conséquent sont un point d’appui majeur pour les mouvements d’émancipations des travailleurs et des peuples du monde entier ».

C’est donc la décomposition et la dégénérescence du mouvement ouvrier traditionnel qui est au cœur de la confusion politique des masses.


La crise pousse, à cette étape, les directions du mouvement ouvrier
à serrer les rangs autour du Capital menacé de banqueroute

On ne peut préjuger des répercussions à terme au sein des organisations ouvrières traditionnelles, jusque dans leurs appareils bureaucratiques, de la crise – même si l’on peut être certain que leur collaboration avec les gouvernements capitalistes ne va pas en être facilitée. Mais en tout état de cause, et ça n’est pas indifférent, à cette étape, leur réaction est, sous toutes les latitudes, de voler au secours des gouvernements bourgeois et du régime fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange dans le cadre des frontières nationales.
En Europe, les partis sociaux-démocrates au pouvoir en Grande-Bretagne, en Espagne, en Allemagne aux basques de Merkel et de la CDU, ont pris la responsabilité d’ouvrir les caisses de l’Etat en grand aux capitalistes financiers et poursuivent leurs attaques contre les masses. Dans ce dernier pays, on peut souligner la réaction du dirigeant de la DGB au deuxième « plan de relance » de Merkel-Müntefering : « le plan de relance va dans le bon sens (…) mais il nous faudrait un volume deux fois plus important » .

Mais tout se résume sans doute dans une « déclaration syndicale internationale de Washington », adoptée conjointement et solennellement par la CSI et le TUAC (organisme regroupant les syndicats des pays membres de l’OCDE… auprès de cette dernière institution). A la veille du G20, la totalité ou presque des bureaucraties syndicales d’Europe, d’Amérique et d’Asie en appellent aux « gouvernements du G20 » pour qu’ils « reconnaissent la nécessité d’agir pour une gouvernance des marchés mondiaux plus juste, plus démocratique, et plus inclusive. »
Plus précisément, cet aréopage de bureaucrates se prononce pour « la reconstruction réglementaire nationale et internationale pour que  les marchés financiers reviennent à leur utilité première : assurer un financement stable et efficace de l’outil productif dans l’économie réelle. Partant de là, les gouvernements et les institutions internationales doivent établir un nouvel ordre économique qui soit économiquement efficient et socialement juste – une mission à la hauteur de l’ambition de la conférence de Bretton Woods en 1944. ». Ou encore : « un “Green New Deal” pour créer des emplois dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. ».
Les objectifs mis en avant par cette déclaration sont éloquents. Il y est demandé au G20 de prendre les mesures pour « garantir qu’une crise financière d’une telle ampleur ne se reproduise plus jamais. » (ah mais !) et aussi « d’initier un plan de relance massif ». Défendre le Capital, voilà la supplique angoissée commune à tous les appareils traîtres. Et de réitérer la demande suivante : « les syndicats doivent être à la table des négociations qui dans les mois à venir auront lieu dans les différentes instances ». C’est ce qu’ils ont fait pour préparer le G20 de Londres, dont ils ont salué les conclusions avec enthousiasme.

Tout est dit, ou presque. Pratiquement, on peut noter ce qui s’est fait en Belgique, pays dans lequel un accord salarial a été « exceptionnellement » signé par la direction de la FGTB. Cet accord valide les revendications patronales, en l’occurrence, dans cet accord, des exonérations de charges sociales et la remise en cause de l’échelle mobile des salaires, ce dont le patronat belge se félicite en ces termes : « seule l’indexation des salaires bruts sera appliquée. Avec un recul de l’inflation, cette mesure sera assurément bénéfique à la compétitivité des entreprises ». La direction de la FGTB a justifié sa signature au nom de la crise : « un accord exceptionnel (…) dans un contexte de crise (…) nous avons pris nos responsabilités c’est un signal clair » (Anne Demelenne, secrétaire confédérale). Le syndicat chrétien parle plus clairement: « C'est un accord pour temps de crise. Pour le même accord, à un autre moment, on aurait dit 'non'. Il n'y a pas d'euphorie mais la satisfaction d'avoir un accord, ce qui est un élément important de stabilité et de confiance pour les travailleurs et les entreprises». C’est parfaitement clair : la crise justifie de serrer les rangs autour du capitalisme.

C’est encore la direction de l’IF Metall suédois qui  accepte que le patronat procède à des baisses de salaires allant jusqu’à 20%. Celle l’IG Metall allemande qui « échange » des baisses des salaires réels contre une participation au capital des entreprises. Celle de l’UGT qui propose elle-même le gel des salaires à Seat, en Catalogne.

Il ne s’agit pas, répétons-le, de faire un pronostic sur l’évolution ultérieure des appareils syndicaux, sociaux-démocrates ou issus du stalinisme. Cela confirme que leur intégration à la société bourgeoise est non seulement irréversible mais plus avancée que jamais dans l’histoire. Ce qui n’est pas sans conséquences – à la fois sur la distance entre les masses et ces vieilles organisations, mais aussi à la fois pour comprendre à quel facteur puissant de maintien de « l’ordre » capitaliste on a ici affaire. Or il est indispensable à une classe bourgeoise historiquement épuisée, dans une crise profonde, et qui a donc un besoin plus grand que jamais que la faiblesse politique de la classe ouvrière soit entretenue par le poison des appareils dont les exemples cités ci-dessus sont un échantillon représentatif.


Les « phares » de la « révolution bolivarienne » vacillent.

La crise économique va venir percuter, nous l’avons dit, tout particulièrement les pays dominés vivant de la rente pétrolière ou gazière. Parmi ceux-ci, les deux « modèles » sur lesquels quasiment toute l’extrême-gauche (en tout cas les lambertistes et les pablistes) ont fait fond : les régimes de Chavez et Morales. Cps avait eu l’occasion d’apprécier ces deux régimes, et tout particulièrement celui du Venezuela, ce que la première conférence du Groupe avait prolongé en affirmant notamment : « la baisse annoncée des cours du pétrole qui pourrait déstabiliser toute son entreprise ». Même si cette baisse s’est produite plus tard qu’on pouvait le penser, l’AFP rapportait à l’automne dernier ceci :
Avec un baril au-dessous des 70 dollars, les comptes de la balance des paiements ne s'équilibrent pas. Et on ne peut pas cesser d'importer des aliments car la population en a besoin, ni des matières premières pour ne pas paralyser l'industrie", a déclaré à l'AFP l'ex-directeur de la Banque centrale du Venezuela, Domingo Maza Zavala. (…) "Le Venezuela en tout cas compte avec les ressources qui peuvent lui permettre un certain souffle mais la réduction du prix du baril tellement abrupte va limiter la dépense publique et les possibilités de croissance. Le Venezuela ne va pas sombrer mais va entrer en crise", a assuré l'économiste Pedro Palma. »

Mais la crise est d’abord politique. CPS n°24 &25 avaient porté l’appréciation, reprise par la conférence du Groupe, que la contradiction entre la révolution prolétarienne qui a affleuré au Venezuela et la « révolution bolivarienne », le césarisme pétrolier. Chavez, à l’occasion de la crise, semble s’acharner à discréditer le socialisme, en affirmant ainsi par exemple publiquement « «Sarkozy, tu es en train de te rapprocher du socialisme, bienvenue au club » ou encore« Sarkozy est un bon ami, mais lui, il est capitaliste», et cependant «ses déclarations le rapprochent davantage de notre côté». Soit Sarkozy devient « socialiste », soit… Chavez ne l’est pas !
 
Nous indiquions lors de notre conférence que la seule voie était celle de la totale indépendance face au gouvernement et à Chavez, tout en luttant inconditionnellement contre les tentatives de l’impérialisme de chasser Chavez pour son propre compte. 

L’échec de Chavez au référendum du 2 décembre 2007 est l’illustration de cette contradiction. Si le « non » à la réforme constitutionnelle l’a emporté de peu (à noter qu’une nouvelle fois pablistes et lambertistes s’étaient faits les supporters de Chavez), c’est lié à une abstention populaire massive (44%). D’ailleurs celle-ci s’est retrouvée dans les élections régionales qui, sans être une déroute, ont été un nouveau revers pour un pouvoir qui s’est par ailleurs assis sur les résultats du référendum pour faire passer par petits bouts sa réforme constitutionnelle.

Chavez n’ignore pas cette situation. C’est pourquoi d’un côté, il s’appuie de plus en plus sur le patronat local. En juin 2008 il réunit ainsi 500 grands patrons à Caracas pour une rencontre intitulée « relance productive ». Il a appelé à « l’unité nationale », à une « alliance avec les secteurs productifs nationaux », en expliquant aux patrons que de son « socialisme », ils n’avaient pas grand-chose à craindre. 
Depuis, appuyé sur son succès au référendum plébiscitaire du 15 février 2009 lui permettant de se représenter encore (malgré une hausse significative des « non »), Chavez a entrepris de faire payer aux masses la facture de la crise, et en particulier de la baisse des cours du pétrole. Le 24 mars, le parlement a voté une hausse de la TVA  ainsi que d’importantes coupes budgétaires.

Dans le même temps, et surtout, il a poursuivi la mise sur pied du PSUV, Parti Socialiste Unifié du Venezuela, comme instrument indispensable pour museler les masses. A cet égard, il a remporté un réel succès, celui de l’intégration (sous forme d’un courant) au sein du PSUV de la direction de l’UNT. Le congrès fondateur s’est tenu début 2008. Bien entendu, pour un parti revendiquant 4 millions et demi d’adhérents, et comportant des courants reconnus, il n’y a pas eu de monolithisme à ce stade. Sauf … quand il s’est agi « d’élire» la direction. Un collège électoral, soudain rétréci à 80 000 personnes, a eu le « choix » dans une liste de 70 personnes présentée à la télévision par Chavez lui-même. Tous membres de l’appareil gouvernemental. Même si ses liens ne sont pas resserrés à cette heure, le PSUV est une camisole de force teinte en rouge passée autour du mouvement ouvrier – et avec la crise et les difficultés politiques de Chaves face aux masses, cela va se voir davantage, tout particulièrement pour se soumettre l’UNT, ce qui est indispensable pour le pouvoir.
Mais les masses ouvrières n’ont pas reflué : le mouvement qui a imposé la nationalisation (à prix d’or comme pour Lafarge, ou la filiale de la banque Santander) de l’entreprise sidérurgique Sidor à un pouvoir qui n’en voulait pas. Avec la crise, les contradictions vont se tendre et les craquellements déjà visibles dans le mythe de la « révolution bolivarienne » de Chaves vont devenir des fissures béantes, sans qu’il soit possible de dire qui s’y engouffrera, entre réaction et révolution prolétarienne.

Du côté du « socialisme andin » de Morales, les choses ne sont pas plus reluisantes. Bien des différences existent avec le Venezuela, dont politiquement la plus importante est que le MAS de Morales est un assemblage hétéroclite et qu’il ne peut s’appuyer sur la caste des officiers – son gouvernement est en quelque sorte coincé entre la direction de la COB et l’offensive de la réaction, laquelle multiplie les provocations et agressions racistes (comme le 11 septembre 2008 où des paysans indiens ont été purement massacrés dans la province de Pando). Là aussi la question de la Constitution a été mise en avant – une sorte de détournement de fonds politique dans un pays où la mobilisation révolutionnaire des masses a été exceptionnelle ces dernières années. Mais foin de réelle constituante : celle réunie sous l’égide du gouvernement Morales siégeait en même temps que le congrès. C’était inéluctablement, nous l’avions dit dès lors, une constituante de pacotille, « consultative » comme le disait le rapport de notre première conférence. Après des mois, les masses se sont impatientées : une marche sur Sucre organisée par la COR d’El Alto (qui a scissionné de la COB) en novembre 2007 a imposé à la va-vite qu’une constitution soit adoptée. Dont le préambule définit le pays ainsi : « un Etat unitaire, plurinational, social, communautaire, décentralisé, avec des autonomies territoriales ».

On a pu le vérifier : une fois le texte adopté dans des conditions rocambolesques par la constituante, et sous la pression des masses, les barons régionaux, en lien direct il faut le dire avec la CIA, on franchi un pas vers la sécession d’avec La Paz. Morales a lancé de lui-même un référendum révocatoire à la vénézuélienne. Qu’il a remporté le 11 août 2008… en même temps que les gouverneurs félons, qu’il n’a jamais voulu affronter, remportaient les leurs localement. Et le voilà qui est allé de recul en recul. Il négocie avec les séparatistes un référendum sur la constitution… après avoir changé 150 des 400 articles du texte adopté par la constituante ! Dans le nouveau texte, on traite la question de la terre en s’inspirant de l’exemple vénézuélien, à savoir que pour exproprier une latifundia, ou limiter sa taille, il faut prouver qu’elle est improductive, et, mieux encore, cette mesure ne pourra pas être rétroactive ! C’est un nouveau recul, qui est lourd de risques de démoralisation face aux partisans de l’autonomie régionale, drapeau sous lequel l’impérialisme US s’oppose au gouvernement Morales. Les risques de coup d’Etat dans une telle situation sont évidents, la patience des masses n’est pas inépuisable. Le référendum du 25 janvier ne règle rien de plus que le référendum révocatoire : les régions « autonomistes » ont dit « non »

Une nouvelle fois, la question décisive reste celle de l’attitude à imposer à la COB, dont la direction a appelé au « oui » à cette constitution, au soutien politique à Morales et son gouvernement. Car c’est autour d’elle que peut se dessiner une issue positive, à savoir l’expropriation des grands propriétaires, le renvoi sans indemnité des multinationales, l’expulsion manu militari des forces de la réaction des préfectures où elles sont installées comme dans des bastions, mesures que devrait prendre un gouvernement ouvrier dont la COB serait l’épine dorsale, qui retentiraient positivement dans tout le continent.


Italie, Grèce, Islande… quelques premières tendances de la nouvelle situation politique

Que le prolétariat et la jeunesse abordent le tournant politique majeur qui s’engage dans des conditions défavorables, c’est l’évidence et les éléments qui précèdent le confirment et le précisent. Mais s’il s’agit pour eux, pris dans le sens le plus général, de se réapproprier les enseignements essentiels du marxisme – ceux que le combat pour la reconstruction de la Quatrième Internationale ont concentrés – cette réappropriation, et concomitamment la formation de regroupements militants sur un nouvel axe ne se fera pas autrement qu’au travers des combats de classe contre la bourgeoisie, contre les appareils, et de la maturation que ceux-ci provoqueront… ou pas. Et c’est dans ce mouvement-là qu’est notre place.

Or, un cri est poussé depuis l’Islande, ruinée par la crise, jusqu’à la Grèce en passant par l’Italie et les étudiants espagnols: « nous ne paierons pas pour votre crise ». En Allemagne, des dizaines de milliers de lycéens manifestaient le 13novembre sous le mot d’ordre : « l’éducation, pas les banques ». En Islande, comme en Grèce, affrontements avec la police et manifestations devant le parlement se sont produits à l’initiative de la jeunesse  (c’est plus spectaculaire en Islande, et la presse rapporte un autre témoignage significatif « Je me suis toujours considéré comme pacifiste, mais cette fois j’enrage», gronde un manifestant, père de famille et nouveau chômeur » Libération du 24/01).

Evidemment, ces mouvements ont des points de départ immédiats différents, mais de la faillite des banques islandaises à l’assassinat d’un jeune par les forces spéciales de la police grecque, en passant par la violente remise en cause du droit à l’instruction en Italie, ne sont-ce pas là différentes facettes des traits les plus repoussants du capitalisme pourrissant que la crise va grossir aux yeux des masses ?

Qu’indiquent-ils ? D’abord que la jeunesse, « plaque sensible » de la société va nécessairement être la plus prompte à réagir au moins dans un premier temps – quoique sa mobilisation soit évidemment en relation avec la volonté de combattre de tout le prolétariat. Etudiants privés d’avenir, jeunes intérimaires premières victimes des plans de licenciement, lycéens confrontés aux restrictions budgétaires tandis que pour les banques les gouvernements rasent gratis, ces jeunes qui ont peu à perdre – mais qui ont aussi été « éduqués » par le capitalisme et ses « valeurs » dans une période de recul et de décomposition du mouvement ouvrier – sont susceptibles d’entrer en mouvement.

Contre qui ? En Grèce, c’est ouvertement que la question de chasser le gouvernement a été posée par les manifestants, qui ont centré leurs manifestations devant le parlement. C’est que la possibilité de formuler concrètement le gouvernement du front unique existe, d’autant plus facilement que les trois formations liées au mouvement ouvrier avaient été majoritaires en voix dans le pays lors des dernières législatives. La question des élections anticipées, comme en Islande et sans doute dans d’autre pays, est ou va être posée. Mais que l’on se souvienne de la situation argentine : le « que se vayan todos ! » de 2001 exprimait une rage, une volonté de chasser le gouvernement en place, les responsables. Elle n’ouvrait pas en soi et n’a pas ouvert de perspective positive – d’autant que les groupes se réclamant de la révolution n’avaient que « l’assemblée constituante » à la bouche, autrement dit un couteau sans lame auquel il manque le manche (cf. CPS nouvelle série n°8).

En Italie, objectivement la question du gouvernement a été posée, mais elle s’est heurtée immédiatement, avant même de pouvoir être formulée, au stade de décomposition du mouvement ouvrier atteint dans ce pays: la création du Parti Démocrate sur les ruines de ce qui restait de l’ex-PCI. Et ceci, quand bien même il demeure plusieurs formations encore liées au mouvement ouvrier (cf. l’article de CPS n°30). C’est pourquoi le puissant mouvement engagé par la jeunesse et les enseignants en Italie a été d’emblée plombé par l’absence de réponse immédiate à la question du pouvoir.

Néanmoins, et cela a justifié l’article paru dans CPS n°35, ce mouvement profond a été d’une exceptionnelle richesse, et les moyens employés pour combattre le gouvernement Berlusconi montrent toute la validité du combat pour imposer la rupture des directions syndicales avec la bourgeoisie et ses gouvernements. C’est sur cette ligne visant à imposer le front unique contre Berlusconi que l’auto-organisation s’est développée dans les écoles et les universités, non pas, comme le prônent les gauchistes décomposés, pour ‘contourner’ les appareils, mais pour leur dicter la volonté des masses en mouvement. Là est toute l’importance par exemple de cette délégation étudiante – venant de Fiumicino, faisant donc le lien physique avec l’agression dont les personnels d’Alitalia sont victimes - à une réunion de 10 000 cadres de la CGIL, le 6 novembre, après celle du 31 octobre à une assemblée de délégués de la Fiom (métaux). Et la presse en rend compte – alors qu’il s’agit de l’appareil – en ces termes significatifs : "La pression sur le secrétariat national Cgil est forte, il suffisait de prononcer le mot "grève" pour déchaîner les applaudissements et les tambourins de l'assemblée des dix mille délégués".
L’exigence, le combat pratique pour imposer aux organisations syndicales de jouer leur rôle, on la retrouve en Grèce avec l’occupation des sièges de la CGSEE, dénonçant sa politique de soumission au gouvernement sous le drapeau de la « responsabilité »comme de bien entendu.

Que le combat pour le front unique des organisations du mouvement ouvrier n’ait pas abouti à ce stade n’est pas surprenant. Une autre question sur laquelle il faut garder les yeux grand ouverts est de savoir si, ou quand, des forces, à l’intérieur sans doute d’organisations existantes, se formeront sur la ligne du combat pour le front unique. Mais une chose est incontestable : c’est sur cette orientation, qui répond aux besoins objectifs des masses face à la crise du capitalisme, qui s’exprime dans leur mouvement pratique, c’est donc sur cette orientation générale qu’il sera possible de combattre et regrouper au compte de la construction du parti ouvrier révolutionnaire.
On doit reprendre à ce sujet la formule de notre précédente conférence :
« Encore faut-il préciser que mener une telle politique ne peut se faire qu’en suivant cet autre principe du programme de transition :
« Il faut savoir traduire ces idées fondamentales en des idées plus particulières et plus concrètes, selon la marche des évènements et l’orientation de l’état d’esprit des masses ».
Ne pas savoir traduire les formules générales (« rompez avec la bourgeoisie » « gouvernement ouvrier ») en formules particulières adaptées aux circonstances et saisissables par de larges masses serait transformer la politique révolutionnaire en son contraire, particulièrement dans la période politique présente ou plus que jamais « l’essence du marxisme c’est l’analyse concrète d’une situation concrète » (Lénine). »

Le dernier aspect soulevé par ces premiers mouvements, et qu’il nous faut intégrer, marque une modification de la situation objective par rapport à nos appréciations antérieures. Le mot ordre lancé sous toutes les latitudes « nous ne paierons pas pour votre crise » introduit une nouvelle dimension. Jusqu’ici, nous avions insisté, et cela demeure exact, sur l’importance des revendications défensives, lesquelles, prises dans leur dimension correcte, dans la perspective révolutionnaire, remettaient en cause objectivement le capitalisme et ses gouvernements. Mais la nouvelle dimension qu’introduisent la crise et la réaction des masses à celle-ci, c’est la nécessité de contribuer à aider les masses à répondre à la question « quelle alternative », c’est-à-dire combattre pour les solutions ouvrières à la crise.
C’est ce qui fonde la nécessité d’un Manifeste, qu’il revient au Groupe d’élaborer.


L’urgence : œuvrer à résoudre la crise de la direction révolutionnaire

L’engagement d’un tournant politique ne signifie pas que l’on soit sorti de la période que nous avons définie comme étant une période de réaction, ouverte par la restauration du capitalisme dans l’ex-URSS. Aucun des traits de cette période que nous avons dégagés dans nos précédentes conférences n’est invalidé, au contraire : la liquidation engagée des acquis arrachés par la classe ouvrière, la décomposition du mouvement ouvrier, s’affirment. Parallèlement, la puissance du prolétariat, la faiblesse de la bourgeoisie face à lui et donc l’importance particulière de la politique pourrie des vieux appareils qui dominent et étouffent le mouvement ouvrier sont criants. « Trouver le pont entre la réaction et la révolution », tel doit donc toujours être le but de toute notre politique.

Mais la crise et le tournant qu’elle signifie soulignent que c’est une course de vitesse autant qu’une course de fond qui est engagée. La marche à la barbarie que signifie le capitalisme n’est pas une figure de style. Quelle issue pour les masses ? C’est avec angoisse que cette question est posée aujourd’hui à des millions d’hommes et de femmes, d’autant qu’elle leur paraît le plus souvent sans réponse. Mais elle est pressante – et à la fois ne sera pas résolue sans de grandes difficultés.

Inéluctablement, avec les développements imprévisibles de la crise, une nouvelle période politique s’ouvrira. Des regroupements se formeront, depuis l’intérieur des organisations déjà existantes, partis, ou syndicats, notamment. La tendance à la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe s’exprimera. Et c’est dans ce mouvement que se dégageront les matériaux humains et organisationnels pour la construction de nouveaux Partis ouvriers révolutionnaires et de leur internationale. Ces partis, dans des conditions nouvelles, seront confrontés néanmoins aux problèmes politiques de fond posés à leurs prédécesseurs, dont l’expérience politique est cristallisée dans les programmes des 3e (quatre premiers congrès) et 4e Internationale. Quand bien même le marxisme n’est pas une idéologie, ces regroupements parviendront-ils à s’émanciper de l’idéologie bourgeoise, à résister à la pression des appareils ? Rien n’est certain.

Ce qui est certain par contre, c’est que notre place est précisément dans ce mouvement, dans la perspective de la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe. Cela exige d’intervenir, de se renforcer, politiquement et donc organisationnellement, pour être en mesure de féconder ce mouvement avec nos acquis politiques. Ce sont ces acquis que nous avons à défendre bec et ongles car ils sont indispensables pour que l’humanité quitte le dernier stade de la préhistoire humaine qu’est le capitalisme et s’ouvre la voie vers son avenir : le socialisme.

Texte adopté par le Bureau 26 janvier 2009, amendé et voté à l’unanimité par la Conférence nationale le 12 avril 2009.

 

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