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Article paru dans Combattre pour le Socialisme  n°61  de janvier 1996

La grève et les manifestations de novembre-décembre 1995


Premiere partie:

Le 10 octobre, une grève annonciatrice

Le diktat du 4 septembre et les directions syndicales

Les dirigeants syndicaux pris à la gorge

Le 10 octobre

Chirac veut rendre confiance “aux marchés”

Les dirigeants syndicaux pour une réforme de la Sécurité Sociale

L'accord du 31 octobre

Le deuxième gouvernement Chirac‑Juppé

Du 7 au 14 novembre

 

Deuxieme partie :

Le plan Juppé

appels à la grève de 24 heures du 24 novembre

extension du mouvement dans les universités

Le “contrat de plan”

La “coordination” étudiante

Le “plan Bayrou” première mouture

 

Troisieme partie:

C'est la grève

Grève à la SNCF et à la RATP

Sabotage de la grève

La grève progresse

La “coordination” se réunit

Blondel contre la greve générale

Plan Bayrou : nouvelle mouture

 

Quatrieme partie:

Contre la greve générale : Viannet ‑ Blondel meme combat

Congres de la CGT : discussion sur la greve générale

Juppé manoeuvre en retraite

Manoeuvres dislocatrices

“Négociations”

Juppé abat ses cartes

 

Cinquieme partie :

La grève poignardée dans le dos

Vers la fin de la greve

Le “sommet social”

Prolongements du mouvement

 

 


Du 24 novembre au 18 décembre s'est déroulé un de ces mouvements qui font date dans l'histoire du mouvement ouvrier français, comme ont fait date ceux de 1936, de 1947, de novembre-décembre 1947, d'août 1953, la grève des mineurs du 1er mars au 5 avril 1963, la grève générale de mai‑juin 1968, la grève des postiers du 22 octobre au 2 décembre 1974. Ces mouvements ne sont pas identiques. Ils présentent même de très importantes différences. Mais dans tous on retrouve la détermination et la puissance de la classe ouvrière, sa capacité au combat. Tous ont mis en cause la politique des gouvernements au pouvoir, ces gouvernements eux‑mêmes. Tous pouvaient les chasser et porter au pouvoir un gouvernement des partis ouvriers traditionnels, sans ministres membres ou représentant les organisations et partis bourgeois. Mais tous ont en commun d'avoir été trahis par les directions des confédérations, des syndicats ouvriers, ainsi que par les partis ouvriers traditionnels le PS et le PCF.


Trahi, le mouvement de novembre‑décembre 1995 n'est pas battu. Comme la grève des mineurs de mars‑avril 1963 il doit être considéré comme une première vague. Pour préparer la suite il est nécessaire de suivre jour après jour, comment il s'est préparé, comment il s'est développé.



 

 

4 septembre. Juppé reçoit fort cavalièrement, les uns après les autres, les responsables des centrales syndicales et leur annonce : l'Etat ne paiera pas les 12,5 milliards de francs qu'il doit à l'UNEDIC. A propos de la Sécurité Sociale il leur répète :

“Le 20 septembre réunion de l'ensemble des parlementaires de la majorité auxquels j'annoncerai les éléments de ce débat. Du 20 septembre jusqu'au début de novembre, je vais organiser une grande concertation dans chacune de nos 22 régions et avant le 15 novembre il y aura un débat au Parlement avec des décisions, de façon qu'en décembre je puisse arrêter des décisions qui seront applicables en 1996.”

Il leur déclare qu'en 1996 les salaires des fonctionnaires seront bloqués.

Les dirigeants des centrales syndicales CGT et FO, ceux de l'ex‑FEN et de la FSU ne rompent pas pour autant avec le gouvernement Chirac‑Juppé et le CNPF. Ainsi le 6 septembre, les dirigeants CGT, FO, CFDT, CFTC, CGC signent avec le CNPF un accord dont l'article “Préparation du 45ème congrès de la CGT : vers l'officialisation du soutien au capitalisme” publié dans le n°60 de CPS écrit :

“6 septembre : "Accord relatif au développement de l'emploi en contrepartie de la cessation d'activité des salariés totalisant 160 trimestres et plus de cotisations aux régimes de base de l'assurance vieillesse", signé par l'ensemble des "partenaires sociaux".

“Il s'agit de l'accord du 5 juillet. Contrairement à son intitulé, il ne crée pas un emploi supplémentaire. il baisse le pouvoir d'achat des préretraités qui ne toucheront que 65 % de leur précédent salaire brut, moins 5,5 % de cotisations sociales. Il contribue à la baisse de la valeur de la force de travail ouvrière : les préretraités seront indemnisés par "l'excédent" de l'UNEDIC, baptisé "fonds paritaire pour l'emploi". Excédent ? Si excédent il y a, c'est uniquement en raison de la hausse des cotisations ouvrières et de la baisse des indemnisations allouées aux chômeurs.

“"Au 30 juin 94, 82 % des chômeurs touchaient moins de 5 000 F par mois, et 46,3 % moins de 3 000 F. Fin 93, sur les quelques 4 millions de chômeurs, 40 % ne percevaient aucune indemnisation." (Le Monde 29 septembre 95).

“L'accord permet l'embauche de deux salariés à mi-temps pour le départ d'un salarié à plein temps, ce qui permet au patron d'être exonéré de 30 % x 2 des charges sociales.

“Il entérine les 40 annuités pour que les salariés aient droit à une retraite à taux plein.

“En outre tout est soumis à la bonne volonté de l'employeur qui doit donner son aval au départ du salarié volontaire, qui bénéficie d'un délai de 3 mois pour embaucher et qui n'est contraint à employer le nouvel embauché que jusqu'à la date du soixantième anniversaire du partant.

“Il permet au patronat d'embaucher, pour remplacer ceux qui partiraient à la retraite dans ces conditions, des travailleurs de qualification inférieure et aussi à un salaire inférieur.

“Enfin cet accord s'oppose à la revendication: retraite pleine et entière à 55 ans.


“Le patronat et le gouvernement Chirac-Juppé ont salué cet accord. Le journal "Les Echos" du 8-9 septembre 95 a noté qu'il signait "avec éclat le renouveau de la politique contractuelle." Quant à Louis Vianet, il a déclaré qu'il "illustre les possibilités que peut donner un front syndical uni et ferme, et constitue un encouragement pour s'attaquer aux grands dossiers de la réduction du temps de travail, de la protection sociale." (L'Humanité - 8 septembre 95).”


Le diktat que Juppé formule le 4 septembre n'en prend pas moins à la gorge les fédérations de fonctionnaires. Il leur faut “faire quelque chose”. L'Union interfédérale des agents de la fonction publique FO (UIAFP‑FO) s'adresse à toutes les directions des fédérations de fonctionnaires pour préparer “une action d'envergure” et leur soumet une “plate‑forme revendicative”. Le 11 septembre les sept fédérations de fonctionnaires se rencontrent. Dans un communiqué commun elles déclarent qu'elles lanceront une action de grève à la “mi‑octobre... si les rencontres prévues avec le ministre de la fonction publique entre le 19 et le 21 septembre confirmaient les blocages actuels”. En conséquence elles décident qu'elles se rencontreront à nouveau le 22 septembre. L'action prévue prendrait la forme d'une grève générale de 24 heures qui pourrait être suivie de “grèves sectorielles”. A ce moment le principe d'une manifestation à Paris est rejeté en raison d'attentats possibles.


21 septembre. Dans une déclaration à la presse le ministre de la fonction publique, Jean Puech, annonce qu'en 1996 les salaires des travailleurs de la fonction publique resteront bloqués. Par contre il propose aux fédérations syndicales de fonctionnaires d'ouvrir des discussions sur l'aménagement du temps de travail et sur la résorption dans la fonction publique, au cours des années à venir, du travail précaire. Le 22, les fédérations syndicales de fonctionnaires CGT, FO, CFDT, FSU, UNSA, CGC et CFTC se réunissent à nouveau et publient un communiqué commun qui prend acte de la déclaration de Puech et ajoute: “De plus, le gouvernement ne dément pas les menaces d'une remise en cause profonde des systèmes de retraite des fonctionnaires. Bien au contraire, il multiplie les provocations à ce sujet”.

Ce communiqué conclut :
“En conséquence les sept organisations de fonctionnaires décident d'une première riposte commune. Elles appellent l'ensemble des personnels à cesser le travail le mardi 10 octobre 1995”. Mais sans fixer de revendications précises.

Le même jour 21 septembre a lieu “la grève nationale des agents de conduite de la SNCF” sans grand succès. “L'Humanité” du 22 annonce : “A l'issue de la rencontre avec les chefs de cabinet du ministre et du secrétaire d'Etat aux transports, la fédération CGT lance un rendez‑vous aux salariés, le 27 septembre à l'occasion de la réunion du conseil d'administration de la SNCF”.

Au cours des jours suivants la plupart des syndicats des services publics appellent également à faire grève 24 heures le 10 octobre. Le succès de la grève est considérable. S'il faut en croire le gouvernement plus de la moitié des cinq millions de salariés concernés ont débrayé. Cette grève des travailleurs de la fonction et des entreprises publiques est plus puissante encore que celle du 21 octobre 1986. “L'Humanité” du 11 affirme :

“Plus de cinq millions de salariés ont participé au mouvement à l'appel des sept confédérations syndicales” et “Plus de cent manifestations ont sillonné les villes de France réunissant des centaines de milliers de participants.” Tandis que “Libération” met en avant les nombres suivants: “50 000 à 100 000 à Paris, 20 000 à Marseille et Toulon, 12 000 à Rennes”.

Mais les initiateurs de cette grève de 24 heures et de ces manifestations sont effrayés de leur ampleur et de leur signification : les travailleurs de la fonction et des entreprises publiques les considèrent comme une répétition générale et non comme une fin ; ils sont prêts, et derrière eux l'ensemble de la classe ouvrière et de la jeunesse, à engager le combat pour leurs revendications, contre la politique du gouvernement, contre le gouvernement Chirac‑Juppé. Aussi pendant des semaines les dirigeants syndicaux mettent l'éteignoir sur ce mouvement et font comme s'il n'avait pas eu lieu. Le gouvernement poursuit sa politique. Démonstrativement, le 16 octobre, il décide officiellement que le forfait hospitalier passera au premier janvier 1996 de 55 à 70 francs par jour et que l'augmentation des budgets des hôpitaux sera limité en 1996 à 2,1% par rapport à 1995 alors qu'en 1995 elle avait été de 3,8% par rapport à 1994.

Cependant le 9 octobre les étudiants de l'université de Rouen ont débrayé. Ils revendiquent une augmentation de 12 millions du budget de leur université pour que la rentrée soit assurée à peu près correctement. A Rouen les manifestations étudiantes se succèdent.


18 octobre. Les fédérations des cheminots CGT, FO, CFDT, CFTC, FGAAC déposent un préavis de grève couvrant les journées du 24 octobre à partir de 20 heures jusqu'au 26 octobre à 8 heures pour exiger des négociations sur les salaires et défendre l'avenir du service public ferroviaire, l'emploi et le statut des cheminots. “L'Humanité” du 26 octobre titre : “SNCF: une grève très suivie”.

Le 20 octobre les sept fédérations de fonctionnaires se revoient. Elles décident de se rencontrer à nouveau après qu'elles aient été reçues, une fois encore, à partir du lundi 23, par le ministre de la fonction publique. Le mercredi 25 octobre Force Ouvrière appelle à des manifestations et à des rassemblements dans les départements et devant les préfectures le 14 novembre pour “démontrer l'attachement des salariés à leur Sécurité Sociale”.

26 octobre dans une interview accordée à "France 2", Jacques Chirac déclare :

“On ne peut être une grande puissance et avoir des déficits. La maîtrise des déficits est une nécessité si l'on veut être le maître de son destin, si l'on ne veut pas être entre les mains de ses partenaires ou de ses créditeurs. Or moi je suis le garant de l'indépendance nationale, et l'indépendance nationale cela exige la maîtrise des déficits.”

Il ajoute tout aussitôt :
“Il n'est pas possible d'imaginer que nous puissions rendre la confiance à l'intérieur (...) et la confiance à l'extérieur qui est également très importante si nous continuons à avoir une gestion qui n'est pas rigoureuse de nos finances.”

Lorsque Chirac parle de “rendre la confiance” il s'agit bien entendu de “rendre la confiance” aux marchés financiers.

“L'Humanité” du 27 octobre écrit :
“Mardi, Louis Viannet, devant 1 200 personnes rassemblées à Tours avait rappelé qu'il s'était adressé aux directions des autres syndicats pour trouver un terrain d'entente sur ce sujet, et annoncé que la CGT prendrait de toutes façons ses responsabilités et son Comité confédéral national a appelé "à organiser une action nationale interprofessionnelle avec grèves et manifestations le 14 novembre".” (le 13 et 14 novembre doit avoir lieu à l'Assemblée Nationale le débat sur la “réforme de la Sécurité Sociale”).

25 octobre. les étudiants qui occupent l'université de Rouen en sont violemment évacués par les CRS. Le 26 le SNESup, l'UNEF‑se, l'UNEF‑ID appellent à une journée de manifestation des personnels et étudiants le 9 novembre, jour du débat parlementaire sur le budget de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Le 27 octobre les étudiants de l'université de Rouen décident d'aller massivement manifester à Paris. Immédiatement le gouvernement nomme “un médiateur”, les étudiants suspendent leur décision. Le lundi 30 octobre dans un premier temps “le médiateur” accorde au nom du gouvernement 6,1 millions de francs. Les étudiants n'acceptent pas.

Le jeudi 2 novembre les étudiants votent la reprise après que “le médiateur” ait accordé 188,5 postes d'enseignants en plus, dont 50 en dotation exceptionnelle (mais seulement 8,5 dès maintenant et le reste dans le cadre d'un plan quadriennal), 51 postes d'IATOSS (mais seulement 15 en 1996 et le reste en quatre ans). Quant aux crédits supplémentaires ils s'élèvent à 3 millions de francs pour 1996 et 6,1 millions pour l'année civile en cours. Dès le 2 novembre les étudiants de la faculté de Metz se mettent en grève également pour exiger des crédits, des profs, des personnels IATOSS.



Pendant ce temps du 9 au 30 octobre par la médiation de leurs représentations aux Conseils économiques et sociaux régionaux toutes les directions syndicales ont participé aux vingt‑six forums régionaux que le gouvernement a organisés pour préparer sa “réforme”‑destruction de la Sécurité Sociale.

31 octobre. Les sept fédérations de fonctionnaires se réunissent encore et publient une déclaration qui reconnaît la nécessité d'une “réforme” de la Sécurité Sociale et dans laquelle ont lit :

“Les organisations signataires se sont réunies pour réaffirmer le droit à une couverture sociale universelle dans le cadre d'une Sécurité Sociale fondée sur la solidarité nationale”. C'est l'abandon d'une conception de la Sécurité Sociale fondée sur la solidarité ouvrière ‑ solidarité de classe ‑ et l'adoption d'une conception de la Sécurité Sociale fondée sur la collaboration de toutes les classes de “la nation”.

“Attachées à un financement assis pour l'essentiel sur les salaires elles demandent, simultanément, la participation des revenus financiers sous forme de cotisations de Sécurité Sociale. Elles se prononcent contre la fiscalisation et toute forme d'étatisation de la Sécurité Sociale.”

Mais elles introduisent dans ce même paragraphe cette fiscalisation en commençant à mettre en cause le financement de la Sécurité Sociale par le “salaire différé” que constituent les cotisations patronales et ouvrières. C'est fait, il est vrai, dans un style jésuitique (“attachées à un financement assis pour l'essentiel sur les salaires”).

La déclaration se prononce pour “la maîtrise des dépenses de santé” mais “initiée conventionnellement par les partenaires sociaux”, c'est‑à‑dire en collaboration avec le patronat ennemi irréductible de la Sécurité Sociale.


Au total du CFDT bien mitonné. Sur cette base :
“Les signataires appellent leurs organisations à faire largement connaître ces propositions auprès des salariés actifs, retraités, chômeurs, et à faire du 14 novembre un temps fort de la mobilisation”.

Le même jour les dirigeants des confédérations syndicales (sauf ceux de la CGT) signent un accord dont l'article paru dans le n°60 de CPS déjà cité plus haut écrit :

“31 octobre: accord sur la réduction du temps de travail. Il est qualifié "d'historique" par "Libération". La CGT n'a pas signé, considérant que cet accord "est destiné à améliorer la flexibilité des entreprises, sans véritablement créer d'emplois." Elle a néanmoins participé, jusqu'au bout aux négociations. Notons que c'est pour le même motif qu'elle avait refusé de signer le 26 juillet l'accord créant un fonds paritaire pour l'emploi encourageant les préretraites, ce qui ne l'a pas empêché d'apposer sa signature le 6 septembre. Selon "Libération" :

“"Le patronat accepte de parler de réduction du temps de travail... et les syndicats (à l'exception de la CGT) par-delà leur répugnance à cautionner l'annualisation du temps de travail, autrement dit la flexibilité."

“Les branches professionnelles se trouvent dans l'obligation de négocier les modalités d'application avant le 31 octobre 1996, sinon elles se verront imposer des règles plus précises par le CNPF et les syndicats au plan national. Les branches sont engagées à réfléchir sur une compensation des heures supplémentaires par repos compensateurs. N'ayant pu trouver d'accord sur le temps partiel, les syndicats et le patronat sont convenus d'en reparler.”


7 novembre. Le gouvernement Chirac‑Juppé est profondément remanié. Il est concentré pour gagner en efficacité. Un “grand ministère social” est formé et placé sous la direction du vieux cheval de retour Jacques Barrot, “spécialiste des relations sociales”. Huit des douze ministres femmes que comprenait le gouvernement Chirac‑Juppé n°1 sont expulsées du n°2. Le soir même Juppé déclare à la télévision que sa tâche sera de “réduire les dettes et les déficits” et qu'il a devant lui :

“quatre grands chantiers prioritaires : la réforme de la Sécurité Sociale ; la réforme de l'Etat et la réduction de ses dépenses ; la réforme fiscale et enfin la nécessaire politique d'intégration urbaine”.



Le même jour à Aix‑en‑Provence les étudiants en lettres et en sciences humaines s'engagent dans la grève pour des crédits, des moyens, des postes.

8 novembre. Manifestation des mineurs de Lorraine pour l'ouverture avant le 17 de discussions sur les salaires, le déroulement de carrière et le régime minier de la Sécurité Sociale.

9 novembre. Discussion à l'Assemblée Nationale du budget de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'UNEF‑ID et l'UNEF‑se appellent à “une journée de protestation” contre “l'insuffisance des crédits et des postes”. En réalité elles ne font aucun effort de mobilisation et à Paris la manifestation est squelettique. Par contre dans certaines villes de province des défilés relativement importants ont lieu. A Toulouse la grève s'engage à l'université. Débrayages et manifestations à Marne‑la‑Vallée, à Orléans, à Caen, à Toulon, à Marseille.

Le même jour les hôtesses et les stewards d'Air France et d'Air Inter engagent une nouvelle grève contre le plan du PDG Christian Blanc (il veut obtenir le départ “volontaire” de 1 200 d'entre eux qu'il remplacerait par des nouveaux lesquels seraient payés 20% de moins). Cette grève doit durer trois jours. Une partie des pilotes d'Air Inter participent au mouvement.

13 novembre. Alain Juppé ouvre le “débat” à l'Assemblée Nationale sur la “réforme de la protection sociale” sans révéler son plan. Le débat doit se poursuivre le 14 et le 15 Juppé doit exposer ce plan et poser à son propos la “question de confiance”.

Selon “Le Monde” : “Marc Blondel pavoisait répétant à qui voulait l'entendre qu'il avait l'oreille de Jacques Chirac. "La Sécurité Sociale est sauvée" lançait triomphalement le secrétaire général de Force Ouvrière, le 11 novembre, à la sortie d'un long entretien avec Jacques Barrot au ministère du travail.”

Le même jour se réunit le Comité national confédéral de FO. Membres du PT, Alexandre Hébert et Michèle Simonin sont également membres de cet organisme. Au cours de sa session du 13 novembre ils y prennent la parole. Ils critiquent la signature par les dirigeants de FO de l'accord du 31 octobre portant sur “la réduction du temps de travail” et leur signature, le même jour, aux côtés des dirigeants de la CGT, de la CFDT, de la CGC, de l'ex‑FEN, de la FSU, de l'UNSA, de la déclaration qui se prononce pour le principe d'une réforme de la Sécurité Sociale et le début de sa fiscalisation. Mais comme les autres membres du Comité national confédéral ils votent l'appel qui, sans se préoccuper des rapports réels au sein de la classe ouvrière et des organisations syndicales, fixe au mardi 28 novembre la date d'“une grève interprofessionnelle de 24 heures”. L'appel se conclut ainsi : “Avec FO défendez vos droits et vos salaires. Ne laissez pas détruire la Sécurité Sociale fondée sur la solidarité des salariés”. La direction de la CGT s'associe ultérieurement à l'appel de FO.

14 novembre. Les confédérations CGT, FO, CFDT, CFTC, CGC, FSU, UNSA, ex‑FEN organisent en fin d'après‑midi des manifestations pour la “défense de la protection sociale” : 25 à 30 mille manifestants à Paris, 15 mille à Marseille, etc. Démarrage de la grève à l'université de Montpellier “pour des professeurs, des moyens, des locaux”, à Tarbes, à Pau, etc...


 


15 novembre. Sous les acclamations de la majorité RPR‑UDF, à l'Assemblée Nationale Alain Juppé énonce son plan de “réforme”‑destruction de la Sécurité Sociale. Il pose la “question de confiance” que sa majorité lui vote d'enthousiasme (voir son contenu analysé dans la déclaration du Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, la construction de l'Internationale Ouvrière Révolutionnaire : “Sauver la Sécurité Sociale exige : de rompre avec le gouvernement Chirac‑Juppé, d'engager le combat contre lui pour le vaincre et le chasser ‑ le 17/11/1995”).

Le contenu de la “réforme”‑destruction de la Sécurité Sociale a été tenu secret aux yeux des députés RPR‑UDF et même aux yeux de la plupart des ministres, jusqu'à ce que Juppé le révèle devant l'Assemblée Nationale. Tous sont enthousiastes mais surpris par sa brutalité. Marc Blondel qui a été roulé dans la farine par Chirac est décontenancé.

Le 15 au soir, à l'émission sur France 3 “La marche du siècle”, Nicole Notat soutient totalement et cyniquement “le plan Juppé”. Plusieurs fédérations de la CFDT la désavoueront. Par contre à cette même émission l'ancien ministre “socialiste” de la Santé publique Claude Evin se déclare pleinement solidaire du ministre actuel “du travail et des affaires sociales” Jacques Barrot. Il approuve totalement “le plan Juppé”. Quelquefois avec des nuances, d'autres dirigeants de premier plan du PS se prononcent pour “le plan Juppé”.

A cette émission Marc Blondel dénonce, lui, violemment l'opération. Pour lui il s'agit de “la plus grande opération de rapt de l'histoire de la République. C'est la fin de la Sécurité Sociale”, le gouvernement “rafle 2 200 milliards de francs constitués par les cotisations sociales”. Louis Viannet, quoiqu'en termes plus modérés, condamne aussi “le plan Juppé”.

La FSU considère que les mesures Juppé sont d'une “extrême gravité”, qu'elles “portent atteinte aux principes fondamentaux de la Sécurité Sociale” et qu'elles “tournent le dos aux exigences de solidarité”. Elle dénonce l'étatisation du système. Le syndicat national unifié des impôts condamne la “réforme”, de même que le syndicat national unifié de la Poste et des Télécoms. L'ex‑FEN estime que “certaines mesures structurelles vont dans le bon sens mais dénonce le fait que l'effort continuera à peser pour l'essentiel sur les salariés et les ménages”.


appels à la grève de 24 heures du 24 novembre


Mais le plan Juppé comprend une mesure que ne peut accepter sans se déconsidérer totalement une organisation qui se pare du titre de “syndicat” : le passage de 37,5 à 40 du nombre des annuités nécessaires pour que les travailleurs de la fonction et des entreprises publiques aient droit à la retraite maximum. Le 15 novembre à 19 heures ainsi que prévu précédemment les sept directions des syndicats de fonctionnaires se réunissent. Ils appellent les trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales et hospitalière) à une grève de 24 heures le 24 novembre.

16 novembre. La direction de la CGT qui s'était jointe à l'appel de FO à une grève interprofessionnelle de 24 heures le 28 novembre modifie sa position:

“La confédération FO avait décidé, seule, de faire du 28 novembre une grande journée de grèves. Devant la gravité de l'attaque, et dans un souci d'unité et d'efficacité, la CGT avait fait sienne cette date en souhaitant l'unité la plus large.

“L'appel commun des sept fédérations de fonctionnaires, pour le 24 novembre, constitue une donnée nouvelle décisive.

“Il devient possible de construire vraiment une riposte de très grande envergure, qui peut d'ailleurs susciter un élan d'une portée très importante.

“L'intérêt de tous les salariés du secteur public, nationalisé et privé est précisément de se retrouver ensemble pour exprimer solidairement leurs exigences. Le gouvernement serait en effet trop heureux de pouvoir, à nouveau, crier haro sur ces privilégiés qui ne pensent qu'à eux.

“Dans ces conditions, la CGT décide d'appeler toutes ses organisations, militants, militantes syndiqués, sympathisants, à engager avec dynamisme la mobilisation pour faire du 24 novembre une grande journée de grève   générale et de manifestations.

“A tous les niveaux, confédérations, fédérations, unions départementales, locales, syndicats, toutes les forces de la CGT se déploieront vers les salariés, vers les militantes, militants, dirigeants de toutes les autres organisations syndicales pour que se concrétise la grande aspiration du monde du travail pour défendre la Sécurité sociale.”

La confédération FO s'oppose à la “grève interprofessionnelle” du 24 novembre et se refuse à participer aux manifestations prévues ce jour‑là. Elle invite la fédération des fonctionnaires FO qui obtempère à ne pas participer au 24. Gaillard, secrétaire général de cette fédération, écrit : “la position de Mme Notat constitue une véritable trahison envers la classe ouvrière”. En conséquence FO ne peut participer à un mouvement au côté de la CFDT. Par contre les fédérations FO des PTT, des Finances, décident de participer au 24.

Encore le 16 : le journal “Sud‑Ouest” publie un interview d'Alain Juppé dans lequel il déclare : “Si deux millions de personnes descendent dans la rue mon gouvernement n'y survivra pas”.

 17 novembre. Les intersyndicales de la SNCF et de la RATP appellent les personnels de ces entreprises à une grève d'au moins 24 heures le 24. La fédération FO des chemins de fer et les syndicats FO de la RATP se joignent à cet appel.


extension du mouvement dans les universités


Grève dans quelques universités parisiennes (Censier, Saint‑Denis, Nanterre, Tolbiac) toujours pour les mêmes revendications.

19 novembre. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, interrogé à l'émission “Club de la presse” diffusée par Europe n°1 répond à une question portant sur la réforme fiscale, que l'abattement de 20% dont bénéficient les salariés et qui est plafonné à 133 400 frs sera supprimé. Par contre l'imposition de la tranche maximum sera rabaissée de 56,8% à 40%.

“L'Humanité” du 20 novembre annonce que :
“Les étudiants de Toulouse, Paris VIII, Nice, Metz ont tenu une première inter‑facs ce week-end pour tenter de coordonner leurs luttes. Les professeurs du supérieur et du secondaire ne se satisferont pas des propositions Bayrou. La journée d'action du 21 se prépare activement.”

Toujours selon “L'Humanité” ils proposent la tenue le 21 novembre d'une “coordination nationale” à laquelle seraient associés les syndicats d'étudiants.



20 novembre. La direction de la SNCF confirme les grands axes du 3ème contrat de plan : dès janvier 1996 la responsabilité des transports régionaux sera confiée “à titre expérimental” aux exécutifs régionaux dans au moins cinq régions. Le contrat de plan indiquera noir sur blanc que les augmentations de salaires seront encore plus chichement accordées que précédemment. La “productivité” est le maître mot. Compression de personnel, fermeture de lignes sont à l'ordre du jour. Le maintien de certaines lignes sera subordonné à l'acceptation par les cheminots de la polyvalence, à ce qu'ils travaillent davantage, sinon ces lignes seront remplacées par des services de cars. En perspective il y a l'éclatement de la SNCF, la séparation comptable de la gestion des infrastructures et de l'exploitation du réseau, la séparation d'avec les filiales telles que la SERNAM. Il y a la question de l'amortissement de la dette 175 milliards de francs, etc... etc.

Les sept syndicats de cheminots ‑ CGT, CFDT, FO, CFTC, FMC, CGC, FGAAC ‑ appellent à une “grève reconductible à partir du 24 novembre”. Ils demandent au gouvernement et à la direction de la SNCF de “revoir leur copie du 3ème contrat de plan”.



21 novembre. Selon “L'Humanité” du 22, en France 100 000 à 200 000 étudiants et lycéens, ainsi que des professeurs, ont participé aux manifestations du 21. Selon “Le Monde” du 23: 100 000.

Le soir se réunit une prétendue “coordination nationale”. “L'insurgé” du 7 décembre 1995 ‑ bulletin de liaison des étudiants révolutionnaires ‑ écrit :

“En bourrant la salle avec leurs "apparatchiks" de la région parisienne ‑ ce qui était possible du fait de la relative faiblesse du mouvement à Paris ‑ (les dirigeants de l'UNEF‑ID et de l'UNEF‑se) appuyés par les JCR‑RED, LO, "Paroles de jeunes" trop heureux de se voir accorder quelques places aux premières loges par les "grands appareils" sur la base de combines sordides sur le dos des étudiants, ils ont réussi à ce qu'une véritable coordination étudiante ne se constitue pas au soir du 21 novembre.

“La plupart des délégations représentant les facultés de la région parisienne étaient composées de représentants "élus" dans les couloirs sur la base de compromis entre les dirigeants de l'UNEF‑ID et de l'UNEF‑se, des JCR RED, de LO et de "Paroles de jeunes".

“Ensemble, ils ont tenu une assemblée baptisée "coordination", à laquelle ont par ailleurs participé de véritables délégués élus par des facultés de province mais qui ont été manipulés.

“Si les dirigeants de l'UNEF‑ID et de l'UNEF‑se n'ont pu éviter que soient exprimées les revendications des étudiants ‑ deux milliards de crédit d'urgence tout de suite, 6 000 postes d'enseignants ‑ ils ont réussi à imposer des "revendications" jetant le pont pour des négociations avec le gouvernement, en particulier celle d'une "loi de programmation budgétaire". Revendiquer une loi de programmation qui serait adoptée par la majorité RPR‑UDF, c'est leurrer les étudiants. La seule loi de programmation que pourrait proposer le gouvernement Chirac‑Juppé, serait une loi programmant... la destruction de l'enseignement supérieur public.

“Ils ont réussi à ce qu'aucun appel à la grève générale ne soit lancé par la "coordination", les seules perspectives ouvertes étant celles d'une nouvelle manifestation nationale le 30 novembre ‑ 9 jours après ‑ et d'une participation des étudiants aux journées d'action des 24 et 28 novembre.”



22 novembre. Bayrou ministre de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur expose son “plan d'urgence pour l'université” : 90 “envoyés spéciaux” du ministre se rendront dans les universités afin d'établir un “relevé” des besoins en locaux et en enseignants et d'engager des négociations sur place pour “apporter des réponses précises aux situations d'inégalité” ; 200 millions de francs de crédits d'urgence seront alloués en 1996 aux facultés les plus pauvres qui devraient être pris sur l'ensemble du budget ; 1 000 postes d'enseignants seront créés en 1996 dont 738 étaient déjà prévus dans le budget 1996. Enfin le ministre se propose de réunir en 1996 des “Etats généraux de la rénovation de l'université”. La “coordination” rejette ce plan, parce qu'il lui est impossible d'y rallier les étudiants.


 

 


24 novembre. Six des sept fédérations de fonctionnaires appellent à une grève de 24 heures contre la prolongation de 37,5 à 40 du nombre d'annuités nécessaires pour que les travailleurs de la fonction, des entreprises publiques, à statuts particuliers aient droit à une retraite au taux maximum. Les syndicats de la SNCF (qui revendiquent également contre le contrat de plan), ceux de la RATP, de la Poste, des Télécoms, etc... se joignent à cet appel.

Selon “Le Monde” des 26 et 27 novembre : “La grève a été moins suivie parmi les fonctionnaires qu'elle ne l'avait été le 10 octobre, mais les manifestations ont réuni davantage de participants”. Il situe ce nombre à 490 000. “L'Humanité” du 25 écrit : “Des millions de grévistes, un million de manifestants exigent le retrait du plan Juppé”. “Le Monde” publie un article titré : “Comment l'action revendicative des fonctionnaires s'est transformée en journée de protestation anti‑Juppé”. On y lit :

“Ce qui devait être une journée de protestation contre l'allongement de la durée de cotisation des agents de l'Etat devient un gigantesque cri de mécontentement contre le premier ministre et son plan de réforme de la Sécurité Sociale.”

D'importants contingents d'étudiants et de travailleurs des entreprises privées ont participé aux manifestations. A noter : impudemment Nicole Notat s'est pointée à la manifestation parisienne ; des militants et adhérents de la CFDT lui ont fait aux cris de “Notat trahison” une conduite de Grenoble.

La “conférence des présidents d'universités” propose un plan : création en 1996 de 1 100 postes d'enseignants et de 1 200 emplois de personnels de service, l'attribution d'un crédit nouveau de fonctionnement de 370 millions pour 1996. L'inscription de 2 milliards de francs de crédit à partir de 1996 pour les travaux de première urgence dans les universités. L'UNEF‑ID, la FAGE (les corpos), le SGEN‑CFDT donnent leur accord. L'UNEF‑se refuse de signer “tout texte en deçà de l'appel de la coordination” et craint de “court‑circuiter et (de) trahir le mouvement qui continue à s'élargir”.



25 novembre. Les cheminots poursuivent et élargissent leur grève qui devient quasi‑totale. A la RATP les machinistes des dépôts d'autobus de Gonesse, Aubervilliers, Pleyel débrayent dans la journée. La direction de la CGT rejoint à nouveau celle de FO pour faire du 28 “une journée nationale de grève interprofessionnelle”, la FSU également.

26 novembre. Rencontre direction ‑ fédérations syndicales SNCF. Ces dernières rejettent le “contrat de plan” et exigent l'abandon de la mise en cause du régime de retraite des cheminots. Elles invitent les “cheminots à décider démocratiquement des conditions de la poursuite et du renforcement de leur action puisque le gouvernement et la direction les y contraignent”.

27 novembre. A la RATP progressivement les conducteurs d'autobus, du métro et du RER s'engagent dans la grève, certains centres de tri postaux également. Les fédérations syndicales de la SNCF ont une nouvelle rencontre sans résultats avec Jacques Barrot ministre du travail. Exemple de communiqué émanant de directions syndicales :


COMMUNIQUÉ

CGT ‑ UGICT/CGT ‑ AUTONOMES (SAM, SAT, GATC) ‑ FO ‑ FO/ATMIC ‑ CFTC ‑ INDEPENDANTS

Dans la suite de la très forte mobilisation du 24 novembre 1995,

Dans la suite des actions déjà engagées

        les organisations syndicales CGT, UGICT/CGT, CFTC, AUTONOMES (SAM, SAT, GATC),

        FO, FO/ATMIC, INDEPENDANTS appellent l'ensemble des agents de la RATP, toutes

        catégories confondues, à se rassembler et à définir démocratiquement les modalités de la

        continuité et du développement de l'action à partir du 28 novembre pour sauvegarder:

 

NOTRE REGIME PARTICULIER DE RETRAITE et de PROTECTION SOCIALE

 

Les organisations syndicales CGT, UGICT/CGT, CFTC, AUTONOMES (SAM, SAT, GATC), FO, FO/ATMIC, INDEPENDANTS engagent tous leurs militants à faire vivre unitairement ces propositions.

Paris, le 27 novembre 1995


28 novembre. Le trafic est nul à la SNCF et à la RATP. Selon le bureau confédéral de FO, la manifestation qu'il a organisée à Paris et qui bénéficie de l'appui de la direction de la CGT et de celle de la FSU regroupe 60 000 personnes, 21 000 selon la police. A cette manifestation Blondel et Viannet se serrent démonstrativement la main. La grève ne cesse de s'étendre dans les universités. La grève s'étend à la Poste.



Les appareils syndicaux ont une curieuse façon de “mobiliser” les travailleurs. Sous prétexte de “démocratie” dans aucune corporation ils ne veulent appeler à la grève générale de leur corporation. Ce serait à ceux‑ci de voter pour ou contre, ou de déterminer toute autre forme d'action, en assemblée générale locale, de dépôt, de terminus de ligne, et à renouveler, chaque jour, la décision “d'action”. Bernard Thibault secrétaire général de la fédération CGT des cheminots déclare à “L'Humanité” (27 novembre) : “Les assemblées générales, les personnels vont déterminer la suite du mouvement”.

Selon “L'Humanité” du 28 novembre : “Concernant la suite de la grève à la SNCF, il (Louis Viannet) a indiqué : "Ce sont les cheminots qui décident dans les assemblées générales" soulignant que des assemblées générales se déroulaient également à la RATP et dans "un certain nombre de secteurs publics comme La Poste et France Télécom". "Je ne sais pas ce que seront les décisions que vont prendre les salariés. On est en train d'assister à la prise en main par les salariés eux‑mêmes, non seulement de l'expression de leur mécontentement, mais de la façon dont ils entendent maintenant s'exprimer et se faire entendre”. En clair : c'est la “démocratie” en miettes, cela pour combattre un pouvoir centralisé, ce qui exige des décisions et un combat centralisés.

Les dirigeants CGT de la RATP battent un nouveau record. Alors que la grève est totale sur le roulant métro, RER, autobus ils diffusent le tract suivant :


C.G.T. ‑ R.A.T.P. METRO et RER

APPEL : aux AGENTS des STATIONS, des GARES, du CONTROLE ITINERANT, du R.E.R.

Chèr(e) collègue,
Les Machinistes, les Ouvriers, les Conducteurs de METRO et R.E.R., les Chefs de Manoeuvres, ont décidé majoritairement de poursuivre l'action, reconductible avec des arrêts de travail et ceci, à l'appel de TOUTES LES ORGANISATIONS SYNDICALES, sur la revendication suivante:

“POUR SAUVER, GARDER notre REGIME PARTICULIER DE RETRAITE et
de PROTECTION SOCIALE”.

Les Agents, les Organisations Syndicales, ont su se rassembler dans l'action sur
un objectif clair et fondamental, la DEFENSE DE NOTRE RETRAITE.

La possibilité de partir à la retraite à 50 ans, est un acquis majeur et important
pour l'ensemble des agents y compris, les agents Stations des gares et de Contrôle.

Très solennellement, chèr(e) collègue, nous avons toutes les raisons d'être dans
l'action avec les Conducteurs et Chefs de Manoeuvre.

Pas un agent stations, des gares et contrôle ne peut rester en dehors de la grève.

Posez-vous la question : est-ce que conserver la retraite ne vaut pas un investissement de minimum de
2 HEURES, de grève par jour?

La Direction, comptera le nombre de grévistes et seulement cela...

Se mettre dans la grève, c'est aussi le meilleur moyen d'éviter les grandes manoeuvres
de la Direction. (Ex. conserver seulement les acquis aux agents roulants ! !)

Pour nous agents de Stations, des Gares, de Contrôle, pour notre avenir, nous
devons prendre nos responsabilités en nous mettant dans le coup !

Alors que toutes les conditions sont réunies, pour y participer : c'est toute la R.A.T.P., c'est unitaire.

 


29 novembre. Alain Juppé installe la “Commission Le Vert” dont la tâche doit être de préparer la réforme des régimes particuliers de retraite. Elle devra entamer “dans les plus brefs délais un dialogue ouvert et approfondi” avec les syndicats concernés.

La commission exécutive de la CGT propose “un nouveau et puissant temps fort de l'action” mardi 5 décembre.

30 novembre. Manifestations étudiantes à Paris, Pau, Brest, Toulouse, Rouen, Lyon, Tours, Nantes, etc. Souvent ces cortèges rejoignent ceux des cheminots, des travailleurs de l'EDF (160 000 manifestants selon “Libération”). Au soir du 30 sans résistance réelle des services d'ordre de l'UNEF‑ID et l'UNEF‑se, devant quelques casseurs, les dirigeants de ces organisations dissolvent la réunion de leur “coordination” qui a lieu à Jussieu. Des délégués venus de province ont réussi à s'y introduire. Ils pouvaient faire pencher la balance en faveur du rejet du plan Bayrou et de l'appel à la grève générale.

A la Poste : la moitié des centres de tri sont en grève. Les fédérations syndicales CGT, CFDT, FO et CFTC de l'EDF‑GDF ont appelé le personnel de ces entreprises à “une action nationale” le 29 : contre le projet de réforme des régimes de retraite des travailleurs de ces entreprises, mais aussi contre l'ouverture du marché français de l'électricité et du gaz à des entreprises privées et l'ouverture de l'EDF‑GDF aux capitaux privés (projet Borotra).

1er décembre. SNCF, RATP : trafic nul. Poste : 50 % des centres de tri bloqués. EDF‑GDF : les fédérations CGT et FO appellent à poursuivre la grève, à en décider en AG. Fonction publique : les fédérations CGT, FO, FSU et UNSA se rencontreront le lundi 4 “pour envisager des modalités et formes d'action”, la CGT et FO “ont déjà appelé à la généralisation de la grève”. Les fédérations CGT, FO, CFDT, FDSU des finances ont appelé à la “grève générale reconductible” dans les secteurs des impôts, des finances et du trésor. Sécurité Sociale : FO dépose un préavis de grève dans les caisses d'assurance‑maladie pour une grève illimitée qui exige “le retrait total du plan Juppé”. La fédération FO des employés et cadres estime que les dirigeants syndicaux doivent “appeler à la grève générale reconductible”. Renault : des décisions d'action sont envisagées. Transports routiers : quatre fédérations (CFDT, FO, CGT et FNCR) invitent leurs adhérents à “engager des actions”.


Réunion à 9 heures à Censier de la coordination. Les dirigeants de l'UNEF‑ID et de l'UNEF‑se font durer les débats. Peu à peu les délégués de province écoeurés et qui doivent rentrer dans leurs universités quittent la “coordination”. Dans ces conditions les dirigeants de l'UNEF‑ID et de l'UNEF‑se parviennent à faire adopter le principe de “négociations” avec Bayrou, le rejet de l'appel à la grève générale des étudiants et l'appel à un nouveau “temps fort” le mardi 5 décembre. La “coordination” étudiante dure seize heures et tourne au désavantage de l'UNEF‑ID. La délégation désignée pour rencontrer Bayrou comprend 22 membres, l'UNEF‑ID y est largement minoritaire par rapport à l'UNEF‑se et ses alliés PCF, LCR, LO, “anars”. Bayrou rencontre la “conférence des présidents d'université”.

Bernard Pons reçoit sans résultats les représentants syndicaux des travailleurs de la SNCF et de la RATP.

“"Pour la grève". C'est dans cette perspective que le SNU‑IPP (syndicat FSU des instituteurs, professeurs d'école et de collège) situe son appel à cesser le travail dès le 7 décembre”...“Pour sa part le SNESup FSU (enseignement du supérieur) appelle à la tenue d'assemblées générales dès lundi, pour "agir en solidarité avec tous ceux qui combattent".” (“L'Humanité” du 2/12).



2 décembre. Réunion de la Commission exécutive FO. Elle appelle

“les travailleurs du secteur privé à se mobiliser immédiatement et à généraliser l'action pour étendre les grèves en cours” afin d'obtenir le retrait du “plan Juppé” de “réforme de la protection sociale”. “La commission m'a donné mandat pour généraliser le mouvement à partir de lundi.”...“C'est une radicalisation. Je vais maintenant demander pratiquement à tous les secteurs d'activité, progressivement, d'entrer dans la grève, c'est‑à‑dire de l'alourdir, à partir d'une position simple : le retrait du plan Juppé” déclare Blondel.

Il se prononce pour la “généralisation” contre l'appel à “"la grève générale" qui est un mot‑d'ordre révolutionnaire”. FO se joint au “temps fort” avec manifestations, le 5 décembre dont la direction de la CGT, accompagnée par celle de la FSU, a pris l'initiative.

3 décembre. Ouverture du 45ème congrès de la CGT. Louis Viannet développe dans son rapport l'orientation que l'article “Préparation du 45ème congrès de la CGT : vers l'officialisation du soutien au capitalisme”, publié dans le n°60 de CPS (23/11/1995) a analysée. Il invite, par deux fois, le gouvernement à “négocier” tout en affirmant qu'il ne s'agit pas “de discuter sous la menace constante du préalable de l'incontournable plan Juppé”.

Les fédérations cheminots CGT, CFDT, FO, FMC décident de boycotter les travaux de la commission Le Vert chargée par le gouvernement de “mettre à plat” les régimes spéciaux des travailleurs de la fonction et des entreprises publiques.



François Bayrou reçoit la “coordination” étudiante. Ultérieurement il reçoit les représentants de l'UNEF‑ID. François Bayrou annonce à 17h30 et ensuite à “7/7” sur TF1 son “plan d'urgence pour les universités” : 300 millions de crédits de fonctionnement en plus dans les crédits budgétaires 1996 ; 1 262 postes de professeurs en plus de ceux prévus au budget, 1 000 de ces postes seront des postes d'enseignants‑chercheurs, le reste sera puisé dans le second degré ; 2 000 emplois d'IATOSS financés par une loi de finances rectificative, 500 millions seront inscrits à la loi de finances rectificative 1995 pour l'aménagement et la sécurité des locaux. Les universités ainsi que les collectivités locales sont invitées à puiser dans leurs réserves pour que ces crédits atteignent 2 milliards, création d'une commission de suivi de ce plan (qui sera composée des présidents des universités, de représentants des étudiants et des universités). Une loi de programmation budgétaire sera proposée à l'issue des “Etats généraux de la rénovation de l'enseignement supérieur”, préparés par l'ouverture de consultations avant la fin de l'année. Elle inclura le statut de l'étudiant et une “réforme en profondeur de l'université”.

Il faut ajouter que tous les “nouveaux” crédits sont pris sur des postes du budget de l’enseignement.


 

 


Tout au long de la semaine du 27 novembre au 2 décembre s'est accentuée, dans de multiples corporations, la pression ouvrière pour engager la grève. Les appareils syndicaux évitent surtout de se faire “déborder” et “coiffent” partout le mouvement, pour pouvoir finalement le prendre en main. Les appareils centralisés morcellent au maximum la grève (chaque AG prend individuellement et journellement la décision de faire grève ou non, de la poursuivre ou de l'interrompre, pas de comités de grève se fédérant à tous les niveaux).

Les premiers jours de la semaine du 4 au 10 décembre vont être décisifs. Le mouvement va‑t‑il avoir les ressources internes pour imposer la grève dans chaque corporation, la grève générale de toute la classe ouvrière, une manifestation centrale à Paris à l'Assemblée Nationale, s'organiser par la constitution à tous les niveaux de comités de grève ? Ou les appareils confédéraux, fédéraux, syndicaux vont‑ils en prendre le contrôle et le soumettre à leur politique ? Les appareils des confédérations engagent ouvertement la bataille contre la grève générale et la manifestation centrale à Paris à l'Assemblée Nationale.


4 décembre. Louis Viannet ne peut empêcher qu'une discussion s'ouvre sur la grève générale au 45ème congrès de la CGT. “Le Monde” du 6 décembre rapporte :

“Une moitié des intervenants ont plaidé en faveur de la grève générale, certains jugeant que l'absence de mots‑d'ordre clairs rend "floue", "ambiguë" la position de la CGT. La grève générale "est la seule voie pour créer un rapport de force pour faire reculer le gouvernement" a estimé un cheminot. "Le congrès doit montrer la détermination de la CGT à aller jusqu'au bout" a‑t‑il expliqué.”

Faut-il que la pression, venant d'en bas, pour la grève générale soit forte pour qu'elle s'exprime de cette façon à la tribune du congrès. Mais l'appareil n'est pas pour autant menacé.

“Plusieurs délégués ont expliqué que ce n'était pas le rôle du congrès de lancer un tel appel et ils ont mis en garde contre la tentation de "transformer le congrès en tribune d'où tomberaient les slogans". "On a joué pendant des années à la grève presse‑bouton" a expliqué un délégué des ASSEDIC de Nantes. "Ce n'est pas le moment de recommencer et de reconstruire les schémas passé".

“"Seuls les salariés peuvent voter sur la suite du mouvement" a souligné un rotativiste.

“En fin de compte c'est la motion appelant à "généraliser partout la grève pour le retrait du plan Juppé et les mesures négatives prises en matière de retraite, pour les salaires, l'emploi et l'ouverture de vraies négociations en prenant comme base toutes les exigences des grévistes" qui a été adoptée à une large majorité par un vote à main levée.”

En clair la direction de la CGT, comme celle de FO, se dresse contre la grève générale. Viannet, Blondel même combat.



Plus de transports à Bordeaux. Les sections parisiennes du SGEN‑CFDT et du SNU‑IPP (FSU) appellent à la grève. Poste : le syndicats FO, CGT, SUD appellent à une grève à partir de ce jour. Les mêmes plus le syndicat autonome appellent aux Télécoms à des grèves reconductibles. Banques : les fédérations FO, CGT et CFDT se prononcent pour la tenue d'assemblées générales.

Dans les universités les étudiants rejettent le plan Bayrou.

5 décembre. Des débrayages ont lieu dans les transports et dans la fonction publique. De vagues appels à la grève sont lancés chez les dockers, au Trésor, à Air France, à Radio‑France, à l'ANPE, aux pompiers civils, aux conducteurs de taxis, dans les banques, les prisons, le commerce, les assurances, le bâtiment et les travaux publics, la métallurgie.

Selon le ministère de l'intérieur le 5 décembre les manifestations réunissent 520 000 personnes, 800 000 selon les organisateurs.

Juppé prend la parole à l'Assemblée Nationale pour répondre à la “motion de censure” déposée par le groupe socialiste et le soir à la télévision : il annonce que Jacques Barrot recevra “dans les prochains jours les dirigeants des grandes confédérations syndicales et des organisations professionnelles” afin “d'examiner les modalités d'application des réformes”. Il indique qu'il n'est pas question de supprimer les régimes spéciaux des fonctionnaires, des cheminots, ou des agents de la RATP, ni de les aligner sur le régime général et que les organisations syndicales seront invitées à participer à une table ronde sur les services publics.

Manoeuvres dislocatrices


6 décembre. “Les dirigeants de l'UNEF‑ID et de l'UNEF‑se ont transformé la nouvelle réunion de la "coordination" étudiante en un pugilat : d'un côté les dirigeants de la gauche socialiste, de l'autre l'UEC, la LCR, la CNT. Tandis que la direction de l'UNEF‑ID c'est‑à‑dire la gauche socialiste, décidait de quitter la "coordination", celle de l'UNEF‑se, LO, la LCR et la minorité de l'UNEF‑ID, la CJS de Ph. Campinchi, "élisait" un nouveau bureau de la "coordination" sur le dos des étudiants.” (“L'insurgé” bulletin des étudiants révolutionnaires n°8 ‑ 7 décembre 1995).

7 décembre. Enseignants : selon “L'Humanité” du 7 la “FSU signataire avec le SGEN‑CFDT d'un appel commun à la "grève à partir du 7 décembre"”... “le SNESup (syndicat FSU du supérieur) déclarait lundi : "Tous dans la grève dès aujourd'hui". Quant à la FEN (Fédération de l'Education Nationale) elle se prononçait en début de semaine pour la grève reconductible à partir du 5 ou du 7 décembre (en fonction des situations locales).”

Mais sur le répondeur du SNES (FSU) on explique “appel à la grève reconductible si dans l'établissement une majorité se prononce pour”.

Nouvelles manifestations qui réunissent selon “L'Humanité” du 8 : “un million et demi dans la rue, les école sont fermées”. Selon “Le Monde” du 9 : “Près d'un million de personnes ont manifesté le 7 décembre”. Dans les manifestations s'affirme plus encore la revendication “Retrait du plan Juppé” et surgissent les mots‑d'ordre “Juppé dehors”, “Juppé démission”. Les dirigeants CGT, FO et FSU appellent à un nouveau “temps fort le 12 décembre”.

Les transports en commun sont totalement interrompus à Marseille, Lille, Limoges, Nice, etc. Violents affrontements entre les mineurs des Houillères de Lorraine en grève pour des augmentations de salaires.



Les négociations se nouent entre le gouvernement et les dirigeants syndicaux. “Libération” du 8 écrit :
“Au quatorzième jour de grève, si la rue a continué de faire entendre bruyamment ses revendications, une intense activité se sera déroulée en coulisse afin de trouver une issue au conflit. Jamais depuis le début du mouvement à la SNCF le décalage n'aura été aussi grand entre l'expression publique et les efforts conjugués du gouvernement et des leaders syndicaux pour se fabriquer une porte de sortie honorable.”

Le gouvernement nomme Mattéoli, président du Conseil économique et social, “médiateur” en ce qui concerne le “contrat de plan” de la SNCF. Le ministre de la fonction publique Dominique Perben indique que “les pensions des fonctionnaires de l'Etat continueraient à relever du budget de l'Etat”. A la RATP le PDG Jean‑Paul Bailly suggère la formation d'une sous‑commission de la commission Le Vert à laquelle pourraient participer les syndicats de la Régie. L'UNSA (à laquelle participe l'ex‑FEN) retire son mot‑d'ordre de grève. Blondel et Gandois s'entretiennent par téléphone. Jacques Barrot invite les dirigeants confédéraux à participer à des réunions où sera discuté le “contenu concret” de la “réforme de la Sécurité Sociale” ce qu'ils vont finalement accepter.

L'Assemblée Nationale entame l'examen du projet de loi qui doit autoriser le gouvernement à “réformer” la Sécurité Sociale par ordonnances. Les députés du PS et du PCF déposent 4 832 amendements à ce texte.

8 décembre. Le gouvernement publie dans 61 journaux une page intitulée “Connaissez‑vous le plan Juppé”. Le comité d'entreprise de la SNCF qui devait avoir lieu le mardi 12 est annulé. Dans une lettre adressée à l'UNSA Juppé confirme : “les pensions civiles et militaires des fonctionnaires de l'Etat continueront à relever du budget de l'Etat”. A 15 heures premières rencontres entre le “médiateur” Mattéoli et l'intersyndicale de la SNCF (CGT, CFDT, FO, CFTC et FMC), la FGAAC (fédération des agents de conduite autonomes), la CGC.

Tendance au reflux de la grève à la Poste et aux Télécoms. Dès 7 heures du matin violents affrontements entre mineurs lorrains et CRS : 50 blessés.

9 décembre. Les confédérations sont reçues les unes après les autres par Barrot ministre du travail et des affaires sociales, y compris FO qui, la veille, exigeait l'“ouverture d'une négociation globale sur les revendications des travailleurs... à un niveau approprié” c'est‑à‑dire à celui du premier ministre. FO ne demande plus le retrait du plan Juppé tandis que Viannet met l'accent sur ce point et en fait un préalable. Nouvelle rencontre entre Mattéoli et l'intersyndicale de la SNCF et aussi avec les dirigeants de la FGAAC. Des “négociations” s'ouvrent à la préfecture de Metz entre la direction des mines et les mineurs lorrains sur les questions salariales.

10 décembre. Après 9 heures de discussion patronat‑syndicats un accord est signé. Selon “Le Monde” du 12 les mineurs sont amers. L'un d'eux dit :

“Tous nos copains blessés pour 30 francs, 50 francs supplémentaires. La paie elle restera à 7 300 francs”... “C'est 500 francs, 700 francs qu'on veut, en plus tous les mois.”

Manifestation de 30 000 personnes à Bordeaux.



Alain Juppé intervient à 20h30 sur Antenne 2. Il se déclare prêt à rencontrer dès le lendemain, les uns après les autres, les représentants des centrales syndicales. Il se déclare prêt à organiser “un sommet social”. Il maintient sa “réforme” de la Sécurité Sociale. Aux roulants de la SNCF et de la RATP il assure qu'il n'est pas question de remettre en cause le droit de partir à la retraite à 50 ans ni le calcul de celle‑ci sur les 6 derniers mois. Il met au rancart la commission Le Vert et déclare :

“Du rapport que m'a remis le médiateur hier ressort que le dialogue social à l'intérieur de la SNCF ne fonctionne pas.” Donc nécessité de “réécrire” avec la collaboration des dirigeants syndicaux le “contrat de plan” de la SNCF (ouverture plus large de la “concertation”‑“participation”).

Juppé promet que sera inscrit dans la Constitution la nécessité des “services publics à la française” ce qui n'empêche pas que ceux‑ci devront évoluer.

Pendant qu'il y est, il annonce que pour couper court à la guérilla des amendements il va avoir recours à l'article 49‑ter de la constitution afin que soit adoptée dans les plus brefs délais la loi l'habilitant à avoir recours aux ordonnances pour appliquer sa “réforme”.

Les syndicats CGT de la SNCM et de la compagnie méridionale de navigation déposent un préavis de grève de 24 heures renouvelable. “Le Monde” du 12 décembre écrit :
“Deux navires de la SNCM (société nationale Corse‑Méditerrannée) ont pu quitter l'un Ajaccio l'autre Bastia dimanche soir, grâce à un accord intervenu entre la compagnie et la CGT.”

11 décembre. Juppé reçoit les uns après les autres les dirigeants des confédérations. Les mineurs de Lorraine reprennent le travail. Le mouvement se poursuit dans son ensemble. La “coordination étudiante” appelle à “une journée de mobilisation étudiants‑lycéens” le 12. Une nouvelle “coordination” devrait se tenir à Tours le 13. Blondel déclare : “On n'arrête pas une grève en appuyant sur un bouton”.

Par la médiation de la direction générale Alain Juppé écrit aux dirigeants des syndicats de la RATP :
“Comme je l'ai indiqué il n'est pas question de changer l'âge de départ à la retraite prévu pour chaque catégorie d'agents de la RATP. Cette garantie s'applique sans exception à tous les agents. De même, toutes les modalités de calcul du montant des retraites sont maintenues.”


 

 


12 décembre. “Temps fort” auquel appellent les directions de la CGT et de la FSU rejointes par celle de FO. Les manifestations sont gigantesques. “Libération” du 13 écrit : “D'après un décompte encore partiel réalisé par l'Agence Française de Presse elles ont rassemblé 1 035 000 personnes selon les policiers sur place et 2 246 100 personnes selon les organisateurs”. Dans ces manifestations la revendication “Retrait du plan Juppé”, le mot‑d'ordre “A bas, dehors Juppé” jaillissent. La grève reprend de l'ampleur dans les centres de tri (122 sur 144), aux Télécoms, à l'EDF‑GDF, parmi les enseignants.

A l'Assemblée Nationale Juppé réaffirme ce qu'il a déjà dit le 10 sur Antenne 2.

La direction de la CGT, suivie par celles de la FSU et de FO appelle à de nouvelles manifestations mais cette fois le samedi 16.

13 décembre. Les appareils syndicaux engagent ouvertement le processus de liquidation du mouvement. Dès le 12 la direction de l'ex‑FEN prenant acte des différents reculs du gouvernement a appelé à suspendre la grève. Le 13 la FSU a appelé les enseignants à suspendre la grève le 14 mais à la reprendre le 15 si des négociations ne sont pas ouvertes. A la SNCF, la FGAAC qui représente un tiers des conducteurs, la CFTC et les cadres de la FMC appellent à la reprise du travail. A la RATP, la coordination des syndicats autonomes a demandé “de toute urgence une réunion intersyndicale” avec la direction de la RATP, tout en dénonçant “un faux communiqué” utilisant son en‑tête et appelant à la reprise du travail.

Les dirigeants nationaux de la CFDT et de la CFTC s'emploient au maximum à briser la grève.

Au conseil des ministres Jacques Chirac réaffirme sa confiance dans le gouvernement et déclare qu'il n'y a pas d'“autre politique” que celle que celui‑ci applique. Le “sommet social” est fixé au 21.

La “coordination” étudiante se réunit à Tours. La longueur des débats a fait qu'au moment du vote d'un appel aux manifestations du 16 et à “une journée d'action” dans l'enseignement le 19 décembre, un grand nombre de délégués sont partis. Le mouvement se désagrège. Nombre d'universités sur les 50 qui étaient en grève ont déjà repris.

14 décembre. Tous les médias “mettent le paquet” pour contribuer à ce que s'enclenche la reprise du travail. Nicole Notat dénonce “la politisation” du mouvement et appelle à la reprise qui devrait, selon elle, être décidée en assemblées générales, dépôt par dépôt. La tactique utilisée est bien connue : tirer sur un fil pour démailler l'ensemble.

Mais manifestement les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Ainsi Bernard Pons ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et Anne‑Marie Idrac secrétaire d'Etat aux transports écrivent‑ils aux dirigeants des organisations syndicales de la SNCF. En fin de soirée tombe le communiqué qui suit :


 

CGT

Fédération des Cheminots

COMMUNIQUE DU BUREAU FEDERAL

Après 21 jours d'une grève massive, unitaire, conduite démocratiquement, les cheminots peuvent se prévaloir d'avoir fait reculer le gouvernement sur plusieurs revendications professionnelles. Nous avons créé un mouvement irréversible en opposition au plan JUPPÉ s'attaquant à la protection sociale, et gagné l'opinion publique à se mobiliser pour le développement du Service Public et du transport ferroviaire dans notre pays.

• Le régime de retraite des cheminots de toutes catégories et de toutes fonctions qui devait être remis en cause par le gouvernement est préservé.

- l'âge de départ en retraite à 55 ou 50 ans pour les ADC est maintenu ;

- Le nombre d'annuités pour bénéficier de la retraite à taux plein reste fixé à 37 ans _ ;

- La référence au salaire des 6 derniers mois ou aux 3 meilleures années pour les ADC pour le mode de calcul de la retraite est inchangéé.

Ces trois dispositions étaient initialement visées par le plan JUPPE dans le cadre d'un alignement sur les dispositions du régime général. 

Suite aux exigences que nous avons présentées au Médiateur, le Ministre des Transports a reçu à sa demande une délégation de la CGT jeudi 14 décembre à 18h30 afin de préciser la position gouvernementale sur le conflit.

Des engagements écrits, ci-joint, nous sont parvenus à 21h15.

• Pour ce qui concerne les restructurations :

- la vente de la SHEM "est gelée" ;

- la filialisation du Sernam est "mise de côté" ;

- l'autorisation de l'Etat à la création de la filiale TELECOM DEVELOPPEMENT "est suspendue" ;

- les réorganisations prévues seront réexaminées entre le ministère et l'entreprise rapidement et pourront faire l'objet d'une intervention de notre part.

• Les fonds d'action sanitaire et sociaux et les emplois qui en dépendent sont aussi sauvegardés.

• Le principe d'une négociation salariale est acquis "début 1996" ;

• La négociation des retenues sur salaires liée au conflit se fera "dans un esprit de modération contraire à l'esprit revanchard".

• Le projet de contrat de plan est gelé et remis à plat. Un nouveau texte doit donc être élaboré dans un délai de 3 à 4 mois extensible, les organisations syndicales seront associées à son élaboration au niveau de l'entreprise et par des rencontres régulières avec le gouvernement. Dans le même temps les départements, les régions, les conseils économiques et sociaux régionaux et le conseil économique et social seront consultés. Pendant la phase préparatoire, l'engagement est pris que les structures, les modes de fonctionnement et les effectifs de la SNCF ne seront pas modifiés.

Les statuts des personnels et de l'entreprise ne seront pas remis en cause.

La Caisse de Prévoyance et ses mécanismes de gestion ainsi que son régime de remboursement sont maintenus.

C'est la première fois qu'un gouvernement est contraint de revoir sa copie et d'entendre les aspirations des cheminots comme celles des usagers et des populations.

 A partir d'une nouvelle négociation sur l'avenir de la SNCF, qui ne pourra pas se dérouler, selon la CGT, avec la même direction d'entreprise, les cheminots, les usagers, les élus locaux ou régionaux auront de nouveau l'occasion de se mobiliser pour qu'à partir d'un réel débat national intéressant l'ensemble de nos concitoyens l'Etat soit contraint d'assurer les moyens d'un véritable développement du service public de transport ferroviaire.

Les cheminots, n'en déplaise à Mme NOTAT qui se caractérise par ses prises de position pro-gouvernementales, ont eu raison de poursuivre la grève dans l'unité.

Concernant la lutte contre le plan JUPPE, les cheminots constatent que l'élargissement de l'action à l'ensemble des professions pour son retrait se manifeste actuellement sous la forme de grandes journées d'action plutôt que par la grève générale reconductible.

Les cheminots sont aussi soucieux de préserver la cohérence de leur mouvement qui a prévalu depuis le début du conflit. C'est un signe de maturité, de lucidité qui permettra de conserver toutes les capacités de mobilisation pour l'avenir.

Au vu des résultats obtenus et tenant compte à la fois des premières décisions d'assemblées générales qui ont décidé démocratiquement d'une prochaine reprise du travail mais aussi de la préoccupation de chacun à conserver l'unité du mouvement, la Fédération CGT des cheminots propose de livrer aux Assemblées Générales les réflexions suivantes afin que les cheminots puissent décider :

- de modifier la forme actuelle du mouvement en préservant leur unité, leur vigilance ;

- de renforcer la mobilisation pour chaque rendez-vous interprofessionnel de lutte pour le retrait du plan JUPPE, dès à présent, en contribuant à l'organisation de puissantes manifestations unitaires samedi 16 décembre organisées dans tout le pays. Notre victoire sur le régime spécial de retraite et de prévoyance est un point d'appui pour l'ensemble des salariés et pour les cheminots dans la lutte à poursuivre sur les aspects communs de la réforme.

- d'organiser sur chaque lieu de travail avec tous les cheminots qui ont d'une façon ou d'une autre participé à cette lutte historique, une "fête des acquis de la lutte unie" lundi 18 décembre 1995 sous des formes définies localement.

La Fédération CGT aura comme préoccupation en toute circonstance et quelles que soient les décisions des Assemblées Générales, d'être  avec tous ceux qui ont à coeur la défense des revendications et du service public.

Montreuil, le 14 décembre 1995, 22h45


C'est l'appel hypocrite à la reprise en en rejetant la responsabilité sur les cheminots, c'est le coup de poignard dans le dos. Juppé leur accorde la tête du PDG de la SNCF, Jean Bergougnoux, mais maintient l'essentiel de son plan de “réforme”‑destruction de la Sécurité Sociale. Les dirigeants FO s'associent à l'appel à la reprise lancé par les dirigeants CGT.

Les syndicats des différents secteurs de la fonction et des entreprises publiques ont reçu des assurances semblables à ceux de la SNCF en ce qui concerne les régimes particuliers de ces secteurs.


 


15 décembre. La reprise se fait extrêmement lentement et difficilement. Les difficultés techniques de la remise en route sont prétextées pour expliquer le peu de trains, de métros, de RER et d'autobus qui roulent dans la région parisienne. En réalité il s'agit de la résistance des travailleurs à la liquidation de la grève.

16 décembre. Les manifestations restent imposantes mais généralement moins que le 12. “Le Monde” du 19 écrit : “Le ministère de l'intérieur a dénombré 165 manifestations rassemblant 586 000 personnes dont 56 000 à Paris. Les syndicats annoncent un total de deux millions de manifestants”. “L'Humanité” du 18 titre : “Avec 300 000 personnes, la capitale a connu sa plus grande manif depuis le début”. “L'appareil” CGT a mobilisé à Paris pour couvrir sa trahison. Ces manifestations n'en sont pas moins des manifestations enterrement, rôle qui leur était assigné dès le 12 décembre.

17 décembre. Alain Juppé est interrogé à l'émission “7/7” sur la une par Anne Sinclair. Il confirme que dans l'immédiat il abandonne le projet de réforme des régimes spéciaux des fonctionnaires et des travailleurs des entreprises publiques. Mais il dit aussi qu'à plus ou moins longue échéance ils devront être revus, leurs caisses de retraites allant inéluctablement à la faillite. Il réaffirme le maintien de sa “réforme”‑destruction de la Sécurité Sociale et précise : la “mise en oeuvre concrète” de ce plan ouvre “un immense champ pour la discussion et la négociation au cours des six prochains mois”. Jacques Barrot est chargé de mettre en place des “ateliers” où cette “discussion” devrait avoir lieu. Quant au “sommet social” du 21 décembre il est exclu qu'il traite des salaires, son ordre du jour sera : “la croissance”, “l'emploi des jeunes”, “le temps de travail”. Sur ce dernier point il évoque avec satisfaction, et comme un exemple, l'accord conclu le 31 octobre entre le patronat et les confédérations (sauf la CGT). Tout aussitôt Nicole Notat estime qu'il s'agit d'“un bon menu”.

18 décembre. A la SNCF le trafic n'est encore qu'à 50 % de la normale. Il est très limité sinon nul à Toulouse, Marseille, Montpellier, Limoges, Clermont‑Ferrand. A la RATP le trafic est très inégal sur le réseau ferré et n'est sur le réseau routier qu'à 20 % de la normale. De nombreux centres de tri postaux poursuivent leur mouvement... Ports : la fédération nationale des ports et docks CGT lance le mot‑d'ordre d'“une grève nationale de 24 heures” sic !

19 décembre. La direction de la CGT appelle à de nouvelles manifestations pour ce jour : à Paris à 17 heures de la place de la République à l'Hôtel de Ville. “L'Humanité” du 20, elle‑même, titre : “Hier soir, à Paris, ils étaient plusieurs milliers à l'appel de la CGT et de la FSU”. Louis Viannet ne se dérange même pas. Ce qui n'empêche pas “L'Humanité” de publier un communiqué : “La CGT appelle à une nouvelle journée nationale d'actions demain”. C'est ce que l'appareil entend par “poursuivre la lutte sous d'autres formes”.

20 décembre. Adoption définitive de la loi habilitant le gouvernement à procéder par ordonnances pour appliquer sa “réforme”‑destruction de la Sécurité Sociale.



21 décembre. “Sommet social”. L'ordre du jour est celui que Juppé avait défini. “Le Monde” du 23 résume comme suit les conclusion que, à la fin de ce “sommet”, Juppé a tirées :


Les principales mesures


“• Consommation : les ménages pourront disposer, avant le 30 juin 1996, des réserves de participation et du montant des plans d'épargne-entreprise constitués au titre des années 1991 et 1992 ainsi que de l'épargne constituée dans les plans d'épargne populaire. Seront exonérées d'imposition sur les plus-values les cessions de SICAV affectées avant le 30 juin 1996 à des dépenses d'équipement électroménager, d'ameublement et de travaux d'entretien et d'amélioration du logement, dans la limite d'un plafond de 100 000 francs par ménage. Avec le même objet et pour le même montant, un prélèvement sera possible sur les plans d'épargne-logement ouverts avant le 30 juin 1993.

“• Logement : seront en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996 une extension des prêts à taux zéro, une exonération d'imposition sur les plus-values des cessions de SICAV affectées à l'acquisition ou aux grosses réparations, un assouplissement des conditions d'utilisation des droits à prêts des plans d'épargne-logement, notamment pour permettre l'acquisition de résidences secondaires.

“• CSG : à l'occasion du projet de loi sur la CSG, la cotisation maladie des non-salariés sera réduite selon la même proportion que celle des salariés. Le gouvernement engagera la réforme nécessaire pour substituer aux salaires, au moins partiellement, une autre assiette de cotisations patronales d'assurance-maladie.

“• Insertion et embauche des jeunes : accélération de la mise en oeuvre de l'accord entre les partenaires sociaux sur des préretraites en contrepartie d'embauches ; ouverture du contrat initiative-emploi aux jeunes en grande difficulté ; bilan d'étape à la fin du premier semestre 1996 et évaluation des dispositifs d'allègement du coût du travail.

“• Temps de travail : accélérer le processus de l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 pour conclure un nouvel accord avant le 31 juillet, qui pourrait être suivi éventuellement d'un projet de loi ; étude de la transposition de l'accord national du 6 septembre 1995 aux fonctions publiques.”



A l'occasion de ce “sommet social” la direction de la CGT a organisé de nouvelles manifestations. Elles sont lamentables, surtout si on les compare à celles des semaines précédentes : à Paris 6 800 manifestants selon la police, 20 000 selon les organisateurs. Dans l'article qui rend compte du “sommet social” “Libération” du 22 insère le sous‑titre suivant :

“La CGT et FO se sont couchées puisqu'elles n'ont pas parlé de la Sécu et de ce qui avait alimenté la grève.”

Il est vrai que la CFDT n'avait pas à se coucher : Nicole Notat est un des porte‑paroles du gouvernement. De ce sommet elle et Leleu (CFTC) sont sortis “plutôt satisfaits”.


Les grèves des travailleurs des transports en commun de Limoges et de Marseille, celle du centre de tri postal de Caen prolongent le mouvement. A Limoges le travail a repris à la veille de Noël. Le centre de tri de Caen n'a repris que le 1er janvier 1996. En dernier ressort les grévistes exigeaient la titularisation de 15 contractuels à durée déterminée. Dernière concession : 10 à 15 contractuels à durée déterminée, non grévistes, deviendront à durée indéterminée, mais à temps partiel. Pour les autres la date de fin de contrat sera respectée.

Les travailleurs des transports de Marseille ont combattu d’abord et avant tout pour l'abrogation du système du double statut. Selon “Le Monde” du 30/12/95 :

«En 1993 à la faveur d’un nouveau statut pour les nouveaux embauchés, la direction de la RTM avait réussi à faire passer une idée originale (sic), l’allongement de la durée de travail pour un salaire inférieur, 6 % de travail en plus pour 7,5 % de salaire en moins selon le barème officiel. Trois cents conducteurs sont (d’ores et déjà, NDLR) aujourd’hui concernés par ce nouveau statut, à l’image de Laurent, vingt-six ans, dont le salaire net est de 6200 frs par mois. Son emploi du temps lui est communiqué d’un jour à l’autre. S’il travaille de 4 h 30 à midi, il lui arrive d’être à nouveau convoqué pour un complément de 16 h à 17 h 30, alors qu’il habite à 30 kms de Marseille. Pour une même astreinte, Michel, après 28 ans de régie, est payé au tarif des heures supplémentaires».

D’autres contraintes sont imposées à ces travailleurs, par exemple : ils ne peuvent prendre leur congé en période normale.

La direction de la RTM a voulu casser la grève : sous protection policière elle a réussi à refaire fonctionner le métro. Elle a fait occuper par la police les quatre dépôts d’autobus. Mais aux autobus la grève a tenu. Il est vrai qu’elle a bénéficié du soutien inattendu du Conseil général des Bouches du Rhône, où les socialistes sont majoritaires, qui a proposé un apport financier pour que soit supprimé le double statut et a condamné le recours à la police et aux CRS.

Finalement les travailleurs de la RTM ont obtenu : la suppression du deuxième statut, en deux étapes, 1er janvier 1996, 1er janvier 1997 ; les conducteurs-receveurs bénéficient de 5 points d’indice (environ 200 frs par mois brut), cette mesure sera appliquée aux salariés des autres services dont les rémunérations sont comparables. Pour les catégories les plus faiblement rémunérées, une prime mensuelle de 200 frs (brut) est prévue. La valeur du point est majorée de 0,5 % pour l’ensemble des personnels à compter du 1er janvier 1996.

Mais en même temps l’accord signé le 8 janvier inclut toute une série de paragraphes comme celui-ci :
«Promouvoir l’émergence d’un dialogue social, seul porteur d’espérance et de grandes ambitions, fondé sur le respect, la responsabilité et la confiance réciproque, ce qui s’avère impérieux pour moderniser la RTM, pour prendre en compte les nécessaires évolutions du service public, et pour apporter une réponse positive à l’attente des salariés et de la population».

Ce sont des clauses “participationnistes” vers la cogestion.


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La grève n'a pas été victorieuse. Elle n'a pas été défaite mais trahie. D'autres combats sont en perspective que les leçons du mouvement de novembre‑décembre permettront de préparer.

Vers les interventions des militants dans ce mouvement

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