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Article paru dans CPS 52 d’avril 1994

Ex-Yougoslavie :
Les Etats-Unis imposent leur plan

l'ultimatum de l'otan

de juin 1991 à février 1994

les usa contre la france et l'angleterre

le gouvernement français s'aligne

vers la pax américana

18 mars 1994: accord constitutionnel à washington


Le 9 février 1994 était rendu public un ultimatum de l'OTAN visant à faire cesser les bombardements serbes sur Sarajevo ; pour la première fois, une échéance précise était fixée et les États-Unis faisaient savoir qu'ils veilleraient à son respect. Deux années et demie après le début des combats, six mois après la mise en échec du plan Owen-Stoltenberg, le gouvernement américain prenait les choses en main.


l'ultimatum de l'otan


Réuni le 9 février à Bruxelles, le Conseil atlantique lançait un ultimatum aux Serbes de Bosnie, exigeant le retrait des armes lourdes dans un rayon de 20 kilomètres autour de Sarajevo. Le délai était fixé au 21 février, délai au-delà duquel "les armes lourdes, à quelque partie qu'elles appartiennent (...) seront exposées (...) à des frappes aériennes de l'OTAN". De même serait exposée toute position d'artillerie, où qu'elle soit, qui aurait été à l'origine d'attaques "contre des cibles civiles dans cette ville". L'ultimatum visait également le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, contraint de placer ses armes lourdes "sous contrôle de la FORPRONU".

Après plus de deux années de guerre et plus de 30 résolutions de l'ONU non suivies d'effet, cet ultimatum (bien que le mot ne soit pas prononcé) marque un tournant dans la guerre et dans la politique d'intervention des grandes puissances impérialistes ; derrière la résolution du Conseil atlantique, il y a la décision prise par le gouvernement américain de mettre fin à la guerre. Le même jour, Bill Clinton précisait d'ailleurs :"Personne ne doit douter de la détermination de l'OTAN".

Les gouvernements de Serbie et de Russie ne s'y trompèrent pas. En dépit de gesticulations diverses, le gouvernement serbe de Belgrade et ses représentants locaux en Bosnie-Herzégovine se soumettaient aussitôt : un cessez-le-feu immédiat était mis en oeuvre à Sarajevo. De son côté, le gouvernement russe faisait mine de ne pas être d'accord : "La décision prise par l'OTAN pose beaucoup de questions et je ne pense pas que la Russie puisse l'accepter" déclarait Adamichine, premier vice-ministre des Affaires étrangères. En réalité, il s'agissait bien plutôt d'un partage des rôles, le gouvernement Eltsine n'ayant guère les moyens de jouer un rôle indépendant : sous couvert d'aider les dirigeants serbes à résister, le Kremlin devait les aider à sauver la face. Ainsi le général Milovanovic, chef d'état-major des forces serbes de Bosnie, affirmait avec vigueur : "Il n'y aura pas de retrait, j'en ai donné l'ordre". Mais le jeudi 17 février, à trois jours de la limite de l'ultimatum, les dirigeants serbes faisaient volte-face : une lettre d'Eltsine remise la veille à Milosevic et à Karadzic permettait à ce dernier, chef des serbes de Bosnie, de déclarer : "Nous ferons ce que la Russie nous demande de faire" tandis que le président serbe Milosevic remerciait Eltsine pour son "aide" ; en clair : en échange de l'envoi à Sarajevo, par la Russie, de quelques centaines de soldats russes jusqu'alors déployés en Croatie pour le compte de l'ONU, les armes lourdes serbes étaient retirées de la proximité de Sarajevo.

Au terme de l'ultimatum, le 21 février à 1 heure, le représentant du secrétaire général de l'ONU pouvait annoncer qu'il n'était "pas nécessaire, à ce stade, de demander à l'OTAN d'utiliser la force aérienne". Certes, il restait encore bien des armes serbes dans la montagne mais, politiquement, les dirigeants serbes s'étaient soumis : là était l'essentiel. La première partie du nouveau dispositif américain était réalisée.



de juin 1991 à février 1994


L'ultimatum du 9 février marque un tournant dans le conflit qui s'est ouvert le 25 juin 1991 dans l'ancienne Yougoslavie par la proclamation de l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, proclamation suivie dès le lendemain de l'intervention militaire serbe sous couvert d'armée "fédérale". (cf. CPS n°50 - novembre 1993).

Rappelons simplement ici que ce conflit fut le produit conjoint de la politique menée par les différentes fractions de la bureaucratie yougoslave et des interventions, décisives et concurrentielles, des différents impérialismes : l'Allemagne a apporté son soutien à l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie avec l'objectif de reconstituer une zone d'influence traditionnelle et de s'ouvrir un accès vers les Balkans et la Méditerranée. La France et l'Angleterre ont, à l'inverse, soutenu la politique des dirigeants serbes visant à reconstituer la grande Serbie. Sous couvert d'aide humanitaire, les troupes de l'ONU (majoritairement françaises) envoyées sur le terrain ont eu comme tâche principale de laisser se poursuivre l'offensive serbe. Après la Slovénie et la Croatie, ce fut le tour de la Bosnie-Herzégovine, mosaïque de nationalités et de religions, véritable Yougoslavie en miniature : encouragés par la commission Badinter, l'homme de Mitterrand, à organiser un référendum avant toute reconnaissance, les dirigeants de Bosnie organisèrent ce référendum le 29 février et le 1er mars 1992 : ce fut une victoire des "pour" l'indépendance, mais les Serbes (31% de la population) boycottèrent le scrutin ; le lendemain, les affrontements commençaient en Bosnie. En avril, les européens reconnurent la Bosnie ; peu après, les Américains en firent autant : et tous laissèrent l'armée serbe conquérir 50 % de la Bosnie-Herzégovine, puis 70 %. Après avoir affirmé que jamais ils n'accepteraient le découpage de la Bosnie et l'avoir admise à l'ONU, les dirigeants impérialistes proposèrent un premier dépeçage : ce fut le plan Vance-Owen (août 1992 - juin 1993) qui, formellement, proposait une Bosnie unitaire, fédérale, mais découpée en 10 cantons.

Ce plan échouait. En août 1993, un nouveau plan était proposé et c'est ce dernier plan (plan Owen-Stoltenberg) qui fut la base des négociations de septembre 1993 à février 1994. Mais dès le début de l'automne, les dirigeants bosniaques avaient fait échouer ce plan qui prévoyait - sous couvert d'un État "confédéré" - le découpage de la Bosnie en trois États ethniquement purs : 53 % pour les Serbes, 17 % pour les Croates et 30 % pour les musulmans, transition vers le rattachement des territoires serbes de Bosnie à la Serbie.

Il peut paraître étonnant que les dirigeants bosniaques, défaits militairement, asphyxiés économiquement, en nette situation d'infériorité par rapport aux Serbes et aux Croates, aient pu ainsi s'opposer au plan Owen-Stoltenberg. Mais ils bénéficiaient de l'appui quasi-ouvert des États-Unis.


les usa contre la france et l'angleterre


Au début du conflit, le gouvernement américain avait encouragé l'offensive des dirigeants serbes, soucieux qu'ils étaient de bloquer le développement de l'influence allemande et de mettre en place un verrou serbe. Mais ils n'entendaient pas que cela se fasse au profit des bourgeoisies française et anglaise : leur objectif était de faire de la Serbie un État vassalisé, point d'appui pour une pénétration vers l'Est de l'Europe et la Russie. Une telle Serbie devait donc ne pas être trop puissante : assez forte pour bloquer les alliés de l'Allemagne (Slovénie, Croatie) ; pas trop forte pour pouvoir être domestiquée, au profit exclusif des USA. Ces rivalités entre impérialismes expliquent la durée du conflit et ses principaux épisodes. Ainsi, lorsque le 16 juin 1993, Milosevic et Tudjman, dirigeants de la Serbie et de la Croatie, décident d'enterrer le plan Vance-Owen, (plan inviable et faisant encore la part belle aux musulmans), il leur faut obtenir l'accord du dirigeant musulman Izetbegovic ; c'est la condition mise par les USA. Or Izetbegovic résiste et son armée se montre fort pugnace en dépit de l'embargo sur les armes. Les gouvernements anglais et français décident de se débarrasser du gêneur : Lord Owen tente de mettre à sa place un bureaucrate et trafiquant-spéculateur, Fikret Abdic, à l'échine plus souple, qui dirige une sécession au nord de la Bosnie. Aussitôt faite l'annonce du limogeage d'Izetbegovic, Mitterrand assassine ce dernier en trois phrases : "C'est un homme pour qui j'ai beaucoup d'estime. Mais c'est une affaire interne à la Bosnie. Cela prouve qu'on approche d'échéances nouvelles".

Las ! Le gouvernement américain fait savoir qu'à ses yeux, Izetbegovic est toujours président de Bosnie ; et c'est le même Izetbegovic qui, en septembre 1993, fait échouer le plan Owen-Stoltenberg laborieusement négocié entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne. Ce sont donc les États-Unis qui ont fait échouer le plan Owen-Stoltenberg et qui ont aidé durant la fin de l'année 1993 l'armée musulmane à mettre en difficulté les troupes croates et à contenir les troupes serbes. Sur cette base, le gouvernement américain a jugé alors nécessaire de mettre fin à la guerre. Le massacre du marché de Sarajevo le 5 février 1994 (officiellement : 66 morts et 200 blessés) a donné le prétexte nécessaire à l'impérialisme américain pour une intervention plus ouverte visant à imposer ses plans. Et c'est le gouvernement français lui-même qui a dû faire appel à l'intervention américaine.


le gouvernement français s'aligne


Quelques jours avant le massacre du marché de Sarajevo, la France paraissait fort isolée. Le 1er février, lors d'un voyage à Washington, le chancelier Kohl et le ministre anglais des affaires étrangères s'étaient publiquement rapprochés de la position américaine. Le 5 février, le gouvernement américain ne réagit pas et c'est le gouvernement français qui, le premier, utilise ce massacre pour exiger une réunion de l'OTAN afin qu'un "ultimatum" soit "clairement posé aux belligérants" :

"Il faut lever le siège de Sarajevo (...), il faut en particulier regrouper, sous le contrôle de la FORPRONU, les armes lourdes serbes et bosniaques présentes dans un rayon de 30 kilomètres autour de la ville. Cette mesure sera la première étape de l'établissement de l'administration de l'ONU sur Sarajevo, composante du plan de paix de l'union européenne, accepté dans son principe par toutes les parties."

Si la fin de cette déclaration réaffirme la position française, il y a là néanmoins une importante inflexion : l'ultimatum vise, de fait, les Serbes. Alors que début février encore, Juppé accusait l'armée bosniaque d'être cause de la guerre car elle "considère que c'est par la guerre qu'elle peut atteindre ses objectifs et non par les négociations" ("Le Monde" du 3 février), ce sont les assiégeants serbes qui sont désormais accusés ; ce que confirme Léotard : "Nous conviendrons ensemble que c'est le siège lui-même qui est la cause de tous ces morts". Significatif du recul français : Mitterrand et Balladur se taisent, laissant à Juppé et Léotard (avec l'appui de Giscard, de Kouchner et de Rocard) le soin de gérer la nouvelle situation. Alors seulement le gouvernement américain s'engage et le 9 février est adopté l'ultimatum de l'OTAN (le choix de l'OTAN signifie aussi : il n'y a pas de "défense européenne", il y a des armées européennes sous contrôle américain). Le gouvernement anglais s'aligne à son tour. Mais ce recul français annonce d'autres revers. Divers éléments laissent présager un abandon pur et simple du plan Owen-Stoltenberg : à Genève, les négociations sont une nouvelle fois suspendues le 12 février mais pour trois semaines et pour un motif curieux : "au cours des jours à venir, les États-Unis et la Russie déploieront une intense activité auprès des belligérants pour voir s'ils peuvent les influencer dans un processus de négociation".

Dans la république croate de Herceg-Bosna (partie croate de la Bosnie-Herzégovine) le leader des Croates Bosniaques présente sa démission tandis que le représentant de la Croatie condamne "l'extrémisme croate et musulman" et évoque "la forte pression internationale pour le rétablissement de l'alliance croato-musulmane" ("Libération" du 9 février).


vers la pax américana

Le 21 février, Mitterrand se décide enfin à prendre la parole pour rappeler "le rôle de la France" et affirme que "ce qui se passe dans les Balkans nous regarde et regarde la France". Mais il oublie le plan Owen-Stoltenberg...

Le 22, les douze se réunissent à Bonn avec les représentants américains, russes et canadiens pour rappeler : "Les parties en conflit ont déjà accepté le principe des aspects quantitatifs territoriaux d'une solution, telle qu'elle est prévue dans le plan de l'union européenne", mais... "les conditions de viabilité du territoire du gouvernement bosniaque doivent être améliorées". Manière élégante d'enterrer le plan Owen-Stoltenberg : cette viabilité était nulle (aucun accès à la mer et territoire disloqué).

Le lendemain, les États-Unis abattent une première carte : un accord est signé entre les chefs militaires croates et musulmans de Bosnie : accord de cessez-le-feu ; cessation de toute propagande hostile ; libre passage des marchandises et des civils ; libération des prisonniers.

Et le tout nouveau chef des Croates de Bosnie déclare : "Nous sommes convenus qu'il était possible, voire même préférable (...) d'organiser la Bosnie-Herzégovine sous la forme d'une union des peuples croate et musulman".

Les 26 et 27 février, des négociations entre gouvernements de Croatie et de Bosnie ont lieu à Washington. Et, afin que nul ne s'y trompe, c'est l'aviation américaine qui détruit, le 28 février, quatre avions serbes qui n'avaient pas respecté l'interdiction de survol (quotidiennement bafouée depuis des mois). Pour le gouvernement serbe, et pour tous les autres, c'est un avertissement majeur. Les dirigeants du Kremlin et de Belgrade minimisent cette opération militaire. Le 1er mars, à Washington, est donc rendu public un accord pour une fédération croato-musulmane au sein d'une Bosnie-Herzégovine redécoupée. Ultérieurement sera établie une confédération entre cette fédération et la Croatie.

Pour cette fédération constituée de cantons et d'un parlement bi-caméral, est prévue une présidence alternativement croate et musulmane (et une vice-présidence musulmane ou croate). Un accès à la mer est donné à la Bosnie : le port croate de Ploce lui est loué pour 99 ans. L'accord demande aussi aux Serbes de se retirer de tous les cantons où ils ne sont pas majoritaires.

C'en est fini du plan européen cher au coeur de Mitterrand et à celui de la bourgeoisie française. Qui plus est, la collaboration de Zagreb a été acquise grâce aux pressions allemandes.

La défaite est amère pour la bourgeoisie française. Juppé, en termes diplomatiques, proteste : il appelle à "réintroduire la cohérence dans la prolifération diplomatique" !

Mais le journal "La Croix", bien peu charitablement, observe : "Français et Britanniques (...) devront revoir leur copie. Ou accepter d'être définitivement écartés." (4 mars).

C'est donc le gouvernement français qui doit introduire de la "cohérence" dans sa copie - sous la pression américaine, il réécrit complètement sa résolution présentée au Conseil de Sécurité de l'ONU, en abandonnant le projet (rappelé par Juppé début février) d'une mise de Sarajevo sous tutelle de l'ONU : les Américains la considèrent comme une atteinte à la souveraineté du gouvernement bosniaque...

Cette résolution adoptée le 4 mars est, selon "Le Monde" du 6 mars, le fruit d'un combat mené par la France "pour imposer (...) une idée qui, à l'origine ne suscitait que réserve chez les américains. (...) La France a finalement réussi à les convaincre (...) mais au prix d'énormes concessions."

C'est en fait, sur ce point encore, une capitulation totale : à Sarajevo, pour rétablir "une vie normale" sera nommé un "haut fonctionnaire" dont les pouvoirs "dépendront de sa personnalité" (sic!).


18 mars 1994: accord constitutionnel à washington


Le 13 mars, à Vienne, après seulement huit jours de négociations conduites à l'ambassade des USA, dirigeants croates et musulmans se mettent d'accord sur un projet de Constitution pour une fédération croato-musulmane en Bosnie.

Le 18 mars, à Washington, les présidents de Croatie et de Bosnie signent deux textes :

- le projet de Constitution pour une fédération croato-musulmane,

- une déclaration de principe pour inclure cette fédération dans une confédération avec la Croatie.

Sont présents à cette cérémonie des représentants européens et russes. Les Serbes sont absents. Six semaines après le massacre du marché de Sarajevo, c'est donc à une modification profonde de la situation à laquelle on assiste : les États-Unis ont imposé la première partie de leur plan ; la Bosnie sera découpée, mais selon leurs intérêts ; cette confédération sera un contrepoids à la Serbie, et ne sera viable qu'avec le soutien constant des USA : l'influence de l'Allemagne en sera réduite d'autant. Ce compromis ferait de la confédération croato-bosniaque une sorte de condominium germano-américain. Il reste néanmoins aux USA un certain nombre d'objectifs à atteindre, le plus immédiat étant d'amener les Serbes à rendre une part significative des territoires bosniaques occupés et à renoncer à leurs prétentions sur la Krajina croate. Les dirigeants russes sont officiellement mis à contribution pour faire entendre raison aux dirigeants serbes.

Mais ces derniers ont des velléités de résistance (ils bombardent différentes zones de Bosnie), encouragés en cela par la volonté du gouvernement français de maintenir une partie de ses positions antérieures : dès l'accord de Vienne rendu public, Balladur s'est envolé pour la province bosniaque mais sécessionniste de Bihac puis, à Zagreb avec Léotard, a critiqué la lenteur des prises de décision de l'ONU. Le gouvernement français joue sa dernière carte : il sait que le gouvernement américain veut imposer son ordre au moindre coût politique (notamment en n'envoyant pas de soldats sur le terrain) alors que lui-même fournit 6000 des 10000 casques bleus. A la demande expresse de Mitterrand, 850 soldats supplémentaires sont envoyés à Sarajevo tandis que l'ONU est informée qu'en juin, les 900 soldats français déployés à Glina (Krajina) ne seront pas remplacés ; autrement dit : que les Américains se débrouillent avec l'une des questions les plus difficiles à résoudre: la partie croate contrôlée par les Serbes. De telles manoeuvres ne freinent guère la mise en place de l'ordre américain : à Sarajevo, à Tuzla, sur la ligne de cessez-le-feu croato-musulmane... jour après jour se développe le plan des États-Unis. Ces derniers mettent les serbes au pied du mur: "Le choix leur appartient: veulent-ils l'accord ou préfèrent-ils continuer la guerre?" demande brutalement l'ambassadeur américain en Croatie. Or la Serbie est financièrement et économiquement étranglée, et les Serbes de Croatie ne peuvent rien face à une coalition soutenue par les États-Unis. L'alliance croato-musulmane a rendu caduc, de fait, l'embargo sur les armes. Militairement, le corridor serbe entre la Krajina et le reste des zones serbes est menacé.

Au-delà de ce partage sous contrôle américain, il restera pour les impérialismes à reconstituer des États bourgeois sur les décombres de l'ancienne Yougoslavie. Ce n'est pas encore fait, bien qu'ils soient en cela aidés par la situation du prolétariat de l'ex-Yougoslavie : disloqué, éparpillé (entreprises fermées, populations déplacées), démuni de toute organisation révolutionnaire, ce prolétariat est dans une situation extrêmement difficile. En outre, il n'a, à aucun moment, bénéficié du soutien d'organisations ouvrières d'autres pays ; en France en particulier, aucune organisation ouvrière (PS, PCF et centrales syndicales) n'a combattu contre l'intervention de l'impérialisme français (quelle que soit la forme de cette intervention).

Néanmoins, les formidables ressources dont il a su faire preuve dans son histoire, comme l'évolution de la lutte des classes en Europe et à l'échelle mondiale, peuvent conduire ce prolétariat à se dresser une nouvelle fois contre la politique des fragments de la bureaucratie et des impérialismes.

Le 23 mars 1994

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