Article paru dans CPS n°44 d'octobre 1992

 

A bas l’intervention multiforme des puissances impérialistes dans l’ex-Yougoslavie !

 

Désagrégation de la Yougoslavie et guerre

La “Communauté croate de Herceg Bosna

Référendums et élections

en Serbie, pas d’”union nationale” pour la guerre

Milan Panic, un américain à Belgrade

Bureaucratie déchirée, rôle de l’impérialisme

Impérialisme allemand et impérialisme français

Tournant tactique de l’impérialisme français

Le voyage spectacle de Mitterrand et la suite

La conférence de Londres

Un embargo percé comme une passoire

L’impérialisme US joue son propre jeu

Contre l’intervention, sous toutes ses formes, de l’impérialisme français

 

 

 

Désagrégation de la Yougoslavie et guerre




En juin 1991, la Slovénie et la Croatie, pays alors membres de la fédération yougoslave, proclamaient leur indépendance. Aussitôt “l’armée fédérale”, instrument du gouvernement serbe, prenait le contrôle des postes frontières entre la Slovénie d’une part, la Hongrie, l’Autriche, l’Italie de l’autre. La guerre s’engageait entre la Slovénie, la Croatie et la Serbie. Après une trêve de quelques jours, elle reprenait le 2 juillet. Sous la pression de la CEE, la “direction collégiale” de la Yougoslavie, d’ores et déjà démantelée, décidait le retrait de “l’armée fédérale” de la Slovénie. Il s’agissait en fait de concentrer celle-ci en Croatie. La Slovénie n’a pas de frontière commune avec la Serbie et sa population est, éthniquement, à peu près homogène. Pratiquement le gouvernement de Slobodan Milosévic ne pouvait poursuivre la guerre contre la Slovénie.


Par contre, la Croatie compte une forte minorité serbe. Elle a plusieurs centaines de kilomètres de frontières communes avec la Serbie. Proclamant l’indépendance de la Croatie, le gouvernement Tudjman n’apportait aucune garantie quant aux droits nationaux de la population serbe de Croatie. C’était alimenter la propagande et l’action des organisations serbes et du gouvernement grand serbe de Slobodan Milosévic. Déjà, depuis des mois, milices serbes, appuyées par “l’armée fédérale”, et forces croates s’affrontaient en Krajina et en Slavonie. Le souvenir des exactions, des crimes, des massacres perpétrés pendant la guerre par les Oustachis contre les Serbes, par les Tchétniks contre les Croates, ne pouvait, dans ces conditions, que ressurgir. L’intervention de “l’armée fédérale” a donné toute son intensité à cette guerre dont la première phase a ravagé une partie de la Croatie. Croates et Serbes se sont entre-massacrés. Des centaines de milliers d’autres ont dû fuir.


La désagrégation de la Yougoslavie est devenue un processus irréversible. Par référendum, la population de la République de Macédoine s’est prononcée, le 8/9/91, à 95 % des votants, pour l’indépendance. Le 3 janvier 1992, un “cessez-le feu”, conclu sous les auspices de l’ONU entre les gouvernements croate et serbe, entrait partiellement en application. Le 15 les gouvernements de la CEE reconnaissaient comme Etats indépendants la Slovanie et la Croatie. L’accord conclu sur le “cessez-le feu” impliquait l’envoi dans les zones d’affrontements, généralement aux mains de milices serbes et de “l’armée fédérale”, de troupes de l’ONU chargées de récupérer les armes que devaient leur remettre les combattants. Fin mars, environ 6000 “casques bleus” ont pénétré dans les zones de combat sur le territoire croate, la guerre est entrée plus ou moins en sommeil. Mais au parlement de Bosnie-Herzégovine la majorité musulmans-croates décidait contre la minorité serbe qu’un référendum aurait lieu le 29 février et le 1er mars au cours duquel les habitants de cette République auraient à se prononcer sur son appartenance ou non à la fédération yougoslave. La “solution” du référendum avait été recommandée par la “Commission d’arbitrage de la conférence européenne de paix en Yougoslavie” que présidait Badinter. La CEE s’engageait à reconnaître, éventuellement, l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine. La quasi totalité de la population serbe (32 % des habitants de la Bosnie-Herzégovine) a refusé de voter. Officiellement, 62,68 % du corps électoral aurait participé au référendum et 99,78 % des votants se seraient prononcés pour l’indépendance. Dès lors la partition de la Bosnie-Herzégovine devenait inévitable, organisations croates comme organisations serbes l’exigeaient. Par contre, les organisations et les dirigeants musulmans, en particulier Izetbegovic, président de la République de Bosnie-Herzégovine, déclaraient que l’unité de cette République était intangible.


A noter que, jusqu’à aujourd’hui, les puissances impérialistes ont, à la demande de la Grèce, dont le gouvernement dépend étroitement des USA, refusé de reconnaître l’indépendance de la République de Macédoine. Ils ont décidé de faire droit à l’exigence du gouvernement grec : la République de Macédoine doit changer de nom car une République de Macédoine indépendante serait, en soi, un appel aux Macédoniens de Grèce (et aussi à ceux de Bulgarie) à lutter pour leur indépendance et à rejoindre cette République.


Cependant, il n’y a pas de frontières qui séparent nettement Serbes, Croates et Musulmans. Ces entités nationales sont imbriquées les unes dans les autres. A peine le référendum était-il terminé que le leader serbe Karadzic, à l’instigation du gouvernement de Belgrade, exigeait la partition. Il précisait que l’Etat serbe devrait couvrir 65 % de la surface de la Bosnie-Herzégovine. A partir du 15 mars l’ONU aménageait à Sarajevo le quartier général des “casques bleus” (11 000 hommes) qui devaient assurer la “paix” en Croatie. Progressivement, la guerre s’engageait en Bosnie Herzégovine où les milices serbes, appuyées par 150 000 hommes de “l’armée fédérale”, en partie repliés de Croatie, prenaient l’avantage sur les milices musulmanes mal armées. En Croatie, elle se rallumait partiellement également à l’initiative de “l’armée fédérale”. Le 6 avril, les gouvernements de la CEE reconnaissaient l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Les USA la reconnaissaient le 7, en même temps qu’ils reconnaissaient celle de la Slovénie et de la Croatie.




La “Communauté croate de Herceg Bosna




Depuis, la guerre n’a fait que se développer en Bosnie-Herzégovine. La supériorité militaire des Serbes leur a permis d’occuper, selon leurs dires, 60 % du territoire de cette République. La politique poursuivie par le leader serbe a comme objectif l’élimination des territoires que les Serbes occupent militairement des Musulmans et des Croates y compris par l’extermination. C’est la “purification ethnique”. De leur côté, les dirigeants croates occupent le maximum de territoires. Le 3 juillet, ils ont constitué “la Communauté croate de Herceg Bosna”, c’est-à-dire de l’Herzégovine bosniaque. Elle dispose de sa propre armée. Elle a son président Mate Boban, son administration. “Libération” du 17 juillet écrivait :


«La création de cette entité croate dotée d’autorités “provisoires” et notamment d’une armée, a sérieusement relancé les craintes d’une partition de la Bosnie-Herzégovine peuplée de Musulmans (49,7 %), de Serbes (31,3 %) et de Croates (17,3 %). Zagred et Grude, la petite ville qui abrite le siège des forces croates de Bosnie, clament leur innocence : “C’est comme la résistance française” affirme Mate Boban, 52 ans, un économiste qui fut membre du Parti jusqu’en 1982. “Elle se battait mais elle préparait aussi la vie future”.


On peut toutefois s’interroger sur les chances de survie de la République reconnue par la communauté internationale mais dépecée au sabre par les Serbes et les Croates. Il ne subsiste que quelques poches de résistance musulmanes, essentiellement dans les villes comme Sarajevo ou Gorazde. Grâce à leur écrasante supériorité, les forces serbo-fédérales affirment contrôler plus de 60 % du territoire ; des régions majoritairement serbes, des régions “historiquement” serbes, enfin des régions nécessaires à la sécurité des Serbes...


Selon Mate Boban, la “communauté croate de Herceg Bosna” couvre 32 % du territoire bosniaque, essentiellement l’Herzégovine de l’Ouest, peuplée en grande majorité de Croates, ainsi qu’une petite portion de Bosnie centrale et de Bosnie du Nord où vivent des Croates. Au total, cette entité abriterait 900 000 personnes, deux tiers de Croates et 25 % de Musulmans, la plupart des Serbes ayant fui devant l’avance de l’armée croate de Bosnie, le HVO (Conseil de défense croate).»




Référendums et élections




Par ailleurs, le 1er mars se sont déroulés deux autres référendums, l’un au Monténégro, l’autre dans trois communes du Sud de la Serbie. Au Monténégro, 412 000 électeurs (sur 600 000 habitants) étaient appelés à se prononcer sur le maintien de cette République dans ce qui reste de l’Etat yougoslave. 66 % des électeurs se sont prononcés pour, malgré que le référendum ait été “boycotté” par la plupart des partis d’opposition qui réclament l’indépendance, ainsi que par les communautés albanaise et musulmane. Dans les trois communes du Sud de la Serbie, où les Musulmans sont majoritaires à 80 %, 95 % des 45 000 électeurs inscrits se sont prononcés pour l’autonomie.


Le 22 avril, le leader serbe Karadzic, dirigeant du Parti démocratique serbe (SDS) proposait la constitution d’une République serbe au sein d’une République de Bosnie-Herzégovine. Le 17 avril le parlement de l’ex-Yougoslavie proclamait la constitution d’une nouvelle “Yougoslavie” ne comprenant plus que la Serbie et le Monténégro. La nouvelle “Yougoslavie” aurait une surface équivalente à environ la moitié de l’ancienne. Elle regrouperait 10,5 millions d’habitants dont 62,3 % de Serbes, 5 % de Monténégrins. Elle compterait plusieurs minorités ethniques : Albanais 16 %, Musulmans 3,1 %, des Hongrois, des Ruthenes, etc... Elle pourrait être élargie aux Républiques qui désireraient en faire partie. Cette disposition vise naturellement à permettre aux Républiques serbes qui ont été proclamées, ou qui seraient proclamées sur les territoires croate et bosniaque de se rallier à la nouvelle “Yougoslavie”. Pour donner le change, le 5 mai la présidence “yougoslave” annonçait qu’après la proclamation de la nouvelle “Yougoslavie” ... «les questions relatives à l’armée en Bosnie-Herzégovine feraient plus partie de ses compétences». Les trois communautés — musulmane, serbe, croate — de cette République devraient prendre en charge l’armée “fédérale” y stationnant. Au 19 mai, trois mille soldats et officiers serbes et monténégrins devaient être rapatriés dans leur pays.


Bravant les forces répressives serbes, les organisations albanaises du Kosovo organisaient illégalement le 24 mai des élections législatives et présidentielles. “Le Monde” du 27 mai donnait “le compte-rendu” suivant :


«Selon les résultats partiels publiés lundi 25 mai, les élections organisées la veille par les Albanais de souche et les minorités non serbes du Kosovo, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) s’est déjà adjugé 78 des cents sièges à pourvoir au Parlement. M. Ibrahim Rugova, leader de la LDK et seul candidat à l’élection présidentielle de la “République du Kosovo” auto-proclamée en septembre 1990 à la suite d’un référendum clandestin sur l’indépendance de cette province du Sud de la Serbie, est assuré de sa victoire. Le taux de participation au scrutin a été d’environ 95 %.»


Le 23 juin, la police serbe a empêché que se réunisse le parlement élu le 24 mai.


Le 31 mai, après la promulgation d’une loi électorale sur mesure, les gouvernements serbe et monténégrin ont organisé des élections législatives. L’opposition et les Albanais du Kosovo (90 % de la population) ont refusé d’y participé. Selon une dépêche AFP-Renter :


«Sur les 138 sièges que compte la Chambre des députés, 73 reviennent au PSS
(le parti de Milosevic, NDLR), 33 au Parti radical serbe (extrême droite nationaliste) de M. Vojislav Seselj, 23 au Parti démocratique socialiste monténégrin (ex-communiste), 2 à la Communauté démocratique des Hongrois de Voïvodine, 2 à la Ligue des communistes - Mouvement pour la Yougoslavie et 3 à des candidats indépendants».


Mais, fait remarquable, officiellement :


«Le taux de participation en Serbie a été de 55,79 % et de 57,45 % au Monténégro... (l’opposition) estime que le taux de participation n’a pas dépassé les 30 %».


Le 15 juin, l’écrivain serbe Dobrida Cosic était élu président de la nouvelle “Yougoslavie”.




en Serbie, pas d’”union nationale” pour la guerre




L’”Union nationale” en Serbie et en Croatie, dans l’ultranationalisme et pour la guerre, est une fiction. Dès l’engagement de l’armée “fédérale” en Croatie, le rappel de réservistes, par dizaines de milliers des jeunes serbes n’ont pas répondu à leur ordre de mobilisation, si bien que cette armée a manqué et manque d’effectifs pour atteindre pleinement ses objectifs militaires, hier en Croatie, aujourd’hui en Bosnie-Herzégovine. Le gouvernement serbe craint de rappeler de nouveaux réservistes. Le sort des dizaines de milliers de rappelés qui n’ont pas répondu à leur ordre de mobilisation est devenu un grave et explosif problème en Serbie. Aux premiers jours des combats, à Sarajevo, de puissantes manifestations contre la guerre se sont déroulées.


D’importants mouvements d’opposition à la guerre ont eu lieu en Serbie. Le 15 juin, les étudiants de Belgrade se sont mis en grève. A Nis, Kragujevac (Serbie centrale), Novi-Sad (Voïvodine) et Pristina (Kosovo) les étudiants ont fait leurs les revendications des étudiants de Belgrade qui portent notamment sur la démission du président serbe (Milosévic), la formation d’un gouvernement d’Union nationale, la tenue d’élections démocratiques. D’après la journaliste du “Monde” (17 juin) :


«En dépit de la campagne de dénigrement menée par la télévision officielle, plus de 15 000 étudiants se rassemblent toutefois chaque soir dans les quartiers où sont organisés des concerts et des tribunes où défilent les noms les plus prestigieux du monde des lettres, du théâtre et du cinéma. Les représentants de l’Eglise serbe orthodoxe, qui a pris fin mai ses distances vis à vis du pouvoir, viennent régulièrement encourager les étudiants “à persévérer dans leurs revendications”. Ils ont également trouvé un soutien dans la population de Belgrade qui leur apporte des vivres et des boissons. Le plus important mouvement étudiant depuis 1968 a aussi bénéficié de la sympathie des agriculteurs qui viennent en tracteur avec des fruits et de la viande, soutenus par les professeurs et le rectorat, les étudiants ont obtenu de la direction universitaire le report des examens».


Après seize jours de grève, soutenus par la population, 10 000 étudiants ont manifesté dans les rues de Belgrade. Près du parlement fédéral ils ont rencontré une autre manifestation qui réclamait, elle aussi, le départ de Milosevic, celle des sympathisants du “Mouvement démocratique serbe” (DEFOS). La journaliste du “Monde” qui rend compte de ses événements, écrit (2 juillet) :


«Deux mondes se croisaient à ce carrefour. Deux mondes solidaires dans leurs revendications, mais très différents. D’un côté un mouvement plus populaire qui affecte volontiers la tenue martiale et le folklore nationaliste, et de l’autre l’élite, celle d’une jeunesse qui veut avant tout se tourner vers l’avenir, pour bâtir l’avenir dans l’Europe du XXIe siècle. »
(Laissons à la journaliste la responsabilité de “l”Europe du XXIe siècle”).


Le dirigeant du “Mouvement du renouveau serbe”, Vik Draskovic, demandait le 5 juillet d’arrêter les manifestations qui se déroulaient depuis le 28 juin devant le parlement et qui regroupaient journellement plusieurs dizaines de milliers de personnes. Les dirigeants des autres organisations, composant le “Mouvement démocratique serbe” qui organisait ces manifestations, se sont inclinés. Par contre, à nouveau dans la nuit du 7 au 8 juillet, environ 10 000 étudiants ont manifesté dans les rues de Belgrade.




Milan Panic, un américain à Belgrade




Fait remarquable, le 14 juillet, Milan Pavic — milliardaire américain d’origine serbe, résidant en Californie depuis 1956, a été élu premier ministre de la nouvelle “Yougoslavie” par les députés serbes et monténégrins. Son discours a tranché sur l’orientation politique suivie jusqu’alors par le pouvoir :


«Sans craindre de se heurter aux idées toutes faites, M. Pavic a dit : “Le peuple serbe est un petit peuple qui a toujours voulu être une nation de guerriers et qui aujourd’hui voudrait se battre contre le monde entier (…) Nous ne pouvons pas imputer au monde toute la responsabilité de nos malheurs et il ne faut pas non plus attendre que le monde nous comprenne. (…) “Le monde entier n’est pas contre la Serbie”, a-t-il conclu».
(“Le Monde du 16 juillet).


Ce journal ajoute :


«Le Parti radical serbe (SRS) qui s’est adjugé lors des élections du 31 mai dernier, plus de 30 % des sièges de la Chambre basse, a marqué sa désapprobation en votant contre lui. Pour l’extrême droite serbe, l’intervention de M. Panic relève tout simplement de l’hérésie et son programme n’est pas suffisamment nationaliste. Certes Milan Panic ne met pas “la question serbe” au premier plan de ses priorités et prône la réconciliation des peuples de l’ex-Yougoslavie “convaincu par sa propre expérience que les Serbes, les Musulmans, les Croates, etc… ne se haïssent pas, qu’ils ne sont pas enclins à la violence et au meurtre” rappelant qu’il y a “plus d’un million de mariages mixtes” dans l’espace yougoslave.


Le 2 août, le gouvernement croate et le président Tudjman ont organisé en Croatie des élections présidentielles et législatives. Tudjman a obtenu 57,02 % des suffrages exprimés, son parti l’”Union démocratique croate” (HDZ) 40,8 %.




Bureaucratie déchirée, rôle de l’impérialisme




La non solution et, au contraire, l’exaspération des questions nationales, des minorités dans l’ex-Yougoslavie, comme dans tous les Balkans, sont un héritage de la domination turque, de l’insuffisance du développement économique, de processus politiques inachevés, de l’intervention des grandes puissances européennes (Russie, Autriche-Hongrie, Allemagne, France, Angleterre) tout au long du XIXe siècle, avant et après la deuxième guerre mondiale. A la fin de la deuxième guerre mondiale, le Parti communiste yougoslave a pris le pouvoir et a constitué la République fédérale de Yougoslavie. Certes, les capitalistes et les grands propriétaires fonciers ont été expropriés. Mais le PCY a constitué un énorme appareil bureaucratique, il a engendré une gigantesque bureaucratie opprimante et spoliatrice. D’autres contradictions se sont ajoutées à celles résultant des problèmes nationaux et des minorités non réglés, et notamment, économiques et sociales dues à la gestion bureaucratique. Dans un premier temps, course folle à une super industrialisation selon les critères de “la construction du socialisme dans un seul pays” et collectivisation à toute allure. Après la rupture avec le Kremlin, l’”auto-gestion” qui n’a fait que développer la bureaucratie, accentuer l’inégalité de développement entre les Républiques et à l’intérieur de chacune d’elles, instiller un élément d’anarchie économique. La croissance de la dépendance par rapport à l’impérialisme. Le développement des déficits de la balance commerciale. Un gigantesque endettement. Le recours à “l’économie de marché”, etc... Les pressions de l’impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin ont contribué à exacerber ces contradictions, jusqu’au point où elles ont déchiré la bureaucratie yougoslave et disloqué l’appareil bureaucratique.

Mais la révolution prolétarienne n’a pas déferlé et balayé les composantes de cet appareil, les différents éléments de cette bureaucratie. Comme en URSS, les différentes parties de la bureaucratie déchirée se sont moulées dans le cadre des Républiques. Les unes et les autres sont devenues ultra-nationalistes, particulièrement les composantes serbe, croate, slovène. Elles ont déformé, infecté des questions nationales bien réelles. Au nom des “droits” des Serbes ou des Croates, les dirigeants Serbes ont foulé aux pieds ceux des Croates et des autres nationalités, les dirigeants Croates ont foulé aux pieds ceux des Serbes et d’autres nationalités.


Cependant, ce qui a rendu inévitable cette guerre et, par conséquent, les carnages, les massacres, les bombardements, les incendies, les camps d’internement sinon d’extermination, la politique dite de “purification ethnique”, les exodes massifs de populations, c’est une fois encore le jeu des puissances impérialistes qui se déroule derrière les rideaux de fumée des démarches diplomatiques, des “conférences pour la paix”, de l’intervention des “casques bleus”, des ponts aériens et des “convois humanitaires”. C’est un fait maintenant établi et indiscutable, l’antagonisme entre l’impérialisme français et l’impérialisme allemand a joué un rôle moteur dans le déclenchement de la guerre et sa poursuite.




Impérialisme allemand et impérialisme français




Nul n’en disconvient, l’impérialisme allemand, appuyé par l’impérialisme italien, a soutenu, impulsé la politique des segments de la bureaucratie yougoslave éclatée qui sont à la tête, contrôlent et dirigent les Républiques de Slovénie et de Croatie. A cet égard, la décision prise par le gouvernement allemand de reconnaître, sans plus attendre, le 23 décembre 1991, l’indépendance des Républiques de Slovénie et de Croatie, est significative. Le gouvernement allemand a pris cette décision alors que les gouvernements des pays composant la CEE, Allemagne comprise, venaient de définir les conditions à remplir : «pour la reconnaissance des nouveaux Etats en Europe de l’Est et en Union Soviétique». Concernant la Croatie et la Slovénie, ces mêmes pays avaient décidé de reconnaître leur indépendance le 15 janvier 1992, seulement si ces Républiques remplissaient les dites conditions. L’objectif de l’impérialisme allemand est de démanteler la Yougoslavie, de faire de la Croatie et de la Slovanie des semi-colonies et ses bases économiques et politiques pour assurer sa pénétration dans les Balkans alors que l’effondrement des régimes bureaucratiques, liés au Kremlin et en dépendant, ouvre cette région à la pénétration du capital. Incidemment, la Croatie et la Slovénie, réduites à l’état de semi-colonies de l’impérialisme allemand, lui permettraient d’avoir un accès direct sur la Méditerranée.


Du côté de l’impérialisme français, il s’agissait, au contraire, de maintenir la Yougoslavie comme barrage à l’impérialisme allemand et comme base de sa pénétration dans les Balkans. A ce propos, un passage d’un article de Claire Tréau, publié dans “Le Monde” du 30 juin 1991 expliquait :


«En fait, depuis le début de la crise, M. Mitterrand avait pris le parti des Serbes, celui de l’Etat unitaire, dont il fut le dernier en Europe à admettre la dislocation. L’Allemagne avait annoncé, des semaines avant, qu’au 15 janvier elle reconnaîtrait l’indépendance de la Slovénie et de la Croatie
(dès le 23 décembre 1991 elle l’a reconnue, NDLR). Alors que la pression des faits et celle de Bonn avaient eu raison de toutes les résistances, le président de la République, le 14 au soir, hésitait encore.


Il a fallu que Roland Dumas, après un coup de téléphone à Douglas Hurd, qui lui annonça que Londres allait reconnaître les deux Républiques, aille expliquer à l’Elysée que la France, cette fois, serait seule, pour que Mitterrand finisse par céder.»


Sur les 11 000 “casques bleus” envoyés en Croatie pour contrôler le “cessez-le feu” et “désarmer les milices”, 2750 sont des soldats français que les gouvernements Mitterrand-Cresson-Soisson et Mitterrand-Bérégovoy-Durieux ont mis “à la disposition de l’ONU”. Un général français commande en second les forces de l’ONU. Ce n’est pas un hasard. D’une façon ou d’une autre, l’impérialisme français s’efforce d’être présent dans l’ex-Yougoslavie et d’y avancer ses pions.


Dès le 2 mai, Roland Dumas présentait à ses “collègues” de la CEE un “plan de paix” :


« Poursuivre le pont aérien vers Sarajevo qui permet d’acheminer vivres et médicaments et de réembarquer vers des zones plus calmes les blessés, ainsi que les femmes et les enfants et les personnes les plus vulnérables.


Réaliser les conditions de l’envoi des “casques bleus” en Bosnie. Leur mission serait de séparer les combattants, c’est-à-dire de garantir aux Serbes (et par la même occasion aux Croates) les positions qu’ils ont conquis.


Envisageant l’attitude à adopter vis à vis de la nouvelle “Yougoslavie”, Roland Dumas expliquait :


«La Yougoslavie a été engagée dans un processus de désagrégation. Parallèlement, de nouvelles Républiques se sont proclamées indépendantes et nous les avons reconnues. Au-delà de ce phénomène de séparation, deux Etats, la Serbie et le Monténégro, se sont rassemblés. Il faut tirer les conclusion à douze. Pourquoi ne pas envisager une reconnaissance réciproque de ces Républiques et de la fédération de la Serbie et du Monténégro : une telle initiative permettrait d’ouvrir le débat sur l’avenir de l’armée fédérale.»


Le gouvernement français, de façon à peine masquée, poursuit une politique de soutien du gouvernement serbe. Comme il ne peut avoir d’emprise sur l’ensemble des pays qui composaient l’ancienne Yougoslavie, il l’aide, autant qu’il lui est possible, à constituer la Grande Serbie.




Tournant tactique de l’impérialisme français




Le 15 mai, le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait à l’unanimité une résolution, laquelle exigeait qu’aucune force, y compris serbe ou croate, n’intervienne en Bosnie-Herzégovine. Elle envisageait l’envoi de “casques bleus” pour y “maintenir la paix”. Le 17 mai, le quartier général des “casques bleus” évacuait Sarajevo. Ensuite, le langage s’est durci : mise en garde à la Serbie parce qu’elle fait obstruction à l’accomplissement des tâches des “casques bleus”. Le Conseil de sécurité envisage alors de prendre des sanctions économiques contre la Serbie. Le 22 mai, James Baker évoque publiquement la possibilité d’une action militaire contre la Serbie. Le 23 mai, les gouvernements des pays membres de la CEE envisagent d’appliquer des sanctions économiques contre la Serbie.


Le 30 mai, le Conseil de sécurité décrète l’embargo économique total à l’encontre de la nouvelle “Yougoslavie”, embargo qui allait jusqu’à l’exclusion des manifestations sportives internationales des athlètes de celle-ci. Le 8 juin, le Conseil de sécurité décide d’envoyer un millier de “casques bleus” protéger l’aérodrome de Sarajevo soumis aux bombardements serbes, afin de permettre que se poursuive “l’aide humanitaire”. Le 21 juin, la présidence de la Bosnie-Herzégovine proclame “l’état de guerre”.


Le 26 juin, le Conseil européen composé des chefs d’Etats et de gouvernements de la CEE, réuni à Lisbonne, publie une déclaration où les douze affirment qu’ils «n’excluent pas (d’utiliser) des moyens militaires pour accompagner l’action humanitaire». Au cours de ce sommet, Mitterrand opère un tournant tactique. “Le Monde” du 28 juin note :


«Ce n’est pas la première fois que la France appelle ses partenaires européens à agir face au conflit dans l’ex-Yougoslavie comme l’a fait, vendredi 26 juin, M. Mitterrand, à l’ouverture du sommet de Lisbonne. C’est la première fois, en revanche, que le chef de l’Etat français désigne explicitement la Serbie comme l’agresseur dans le conflit qui fait rage actuellement en Bosnie-Herzégovine et qu’il formule à son encontre une série de propositions s’inscrivant dans le registre de la coercition.


(…) M. Mitterrand n’a cessé, depuis le début de la crise, il y a un an, de ménager Belgrade, d’abord en résistant à l’idée d’un éclatement de la fédération, puis en refusant d’imputer aux seuls Serbes, la responsabilité des violences et en faisant à maintes reprises allusion à une sorte de responsabilité historique des Croates.


Tout récemment encore, lorsqu’il fut décidé à l’ONU de sanctionner la Serbie, la France ne s’est ralliée que de mauvaise grâce, en veillant à ce que la résolution fasse également état de la participation des troupes croates aux combats en Bosnie. Le président a admis, vendredi à Lisbonne, que “La Serbie est aujourd’hui l’agresseur, même si l’origine du conflit vient de beaucoup plus loin.»




Le voyage spectacle de Mitterrand et la suite




Dans la foulée, Mitterrand a entrepris son voyage spectacle du 27 à Sarajevo, alors que l’ultimatum de l’ONU à la Serbie lui intimant de prendre des mesures pour permettre l’utilisation de l’aérodrome, expirait le 29. Le 29 juin, un premier avion français pouvait atterrir sur cet aérodrome. Une fois de plus Mitterrand “se plaçait” et tirait la couverture à lui. Les combats n’en continuaient pas moins et Lord Carrington en mission, au même moment en Bosnie-Herzégovine, au compte des gouvernements de la CEE, ne parvenait pas à faire accepter à la présidence de cette République le projet des douze de “cantonisation” sur une base ethnique de cette région. Après comme avant, Mitterrand a maintenu son soutien indirect au gouvernement serbe. Au cours d’une conférence de presse, tenue le 8 juillet, il a attribué à l’”Histoire”, avec un grand H, la responsabilité de la situation actuelle dans l’ex-Yougoslavie :


«Nous somme là devant un produit de l’Histoire qui a fait que pendant des siècles ces populations se sont combattues.»


Evoquant l’ancienne Yougoslavie, il explique :


«Le Serbe de Croatie pouvait se sentir menacé, mais il se sentait protégé par un pouvoir fédéral. Il était Yougoslave. Dans une Croatie indépendante, il devient Croate. Comme la protection des minorités n’est plus assurée par un pouvoir central, ou au moins le pense-t-il, il faut créer un pouvoir supérieur qui impose le droit.»


Tout y est ; le regret de l’ancienne Yougoslavie dominée par la bureaucratie serbe ; l’autorité qui impose le droit, c’est-à-dire la subordination aux grandes puissances, en particulier à l’impérialisme français, grandes puissances soumettant les peuples de cette région à leur “droit”.




La conférence de Londres




A la demande des Etats-Unis, le Conseil de sécurité discutait et votait, le 13 août, deux résolutions : la première sur l’acheminement de l’aide humanitaire en Bosnie-Herzégovine, par la force si nécessaire ; la seconde sur l’accès aux camps de détention et condamnant les violations du droit humanitaire, notamment la politique “d’épuration ethnique”. Pourtant, les USA excluaient toute participation de l’armée de terre américaine à d’éventuelles opérations militaires. Mais immédiatement le gouvernement français se déclarait prêt à envoyer 1100 hommes supplémentaires en Yougoslavie. Alors qu’il avait refusé précédemment d’envoyer des troupes, retournant sa position, le gouvernement anglais décidait le 18 août d’envoyer 1800 hommes. Bientôt le gouvernement italien faisait de même, ce sont 1100 à 1500 hommes qu’il décidait d’envoyer.


Le 26 août s’est ouverte la conférence de Londres. Organisée à l’initiative du gouvernement britannique, elle a réuni les belligérants, la CEE, des représentants de l’ONU, de la CSCE (Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe). Elle a accouché d’une batterie impressionnante de “résolutions” dont “Libération” du 28 août dit :


«Les résolutions approuvées recommandent en quelque sorte la “marche à suivre” sur la voie de la paix, mais rien de plus. Certes, les Nations unies ont confirmé, en marge de la réunion, leur plan d’envoyer de nouvelles troupes afin de protéger les convois humanitaires (de l’ordre de 6000, mais le nombre exact devrait être déterminé la semaine prochaine, après étude du Conseil de sécurité), mais le résultat reste maigre pour ceux qui espéraient une réponse plus directe aux combats qui sévissent actuellement en ex-Yougoslavie. John Major, vantant la réussite de l’exercice, en a retiré six aspects positifs. D’abord la relance du processus sous le contrôle effectif de l’ONU et de la CEE, la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine par les autres républiques, un accord sur les mécanismes de négociation, l’accroissement de l’effort d’aide humanitaire, la perspective de démantèlement des camps de prisonniers, et un accord sur une pression accrue sur les belligérants.


Dans la résolution sur la Bosnie-Herzégovine, il est également question du respect de l’intégrité des frontières actuelles, à moins qu’elles ne soient changées par “accord mutuel”, de la démilitarisation des villes les plus importantes et la mise en place d’une force internationale de maintien de la paix. Un ensemble de mesures somme toute sans surprise».


Le numéro du 29 août de ce même journal ajoute :


«A défaut de grandes décisions, la réunion de Londres, spectaculaire par son ampleur, aura permis de fixer les bases d’une reprise des négociations sur l’ex-Yougoslavie. Mais le caractère non officiel (sic) des textes adoptés laisse les diplomates sceptiques, d’autant que sur place les combats continus».




Un embargo percé comme une passoire




Chaque puissance impérialiste de grande envergure joue son jeu et de nombreuses décisions prises antérieurement sont restées lettre morte. Ainsi en ce qui concerne l’embargo contre la nouvelle “Yougoslavie” : armes, pétrole, ravitaillement y parviennent par le Danube et même par les ports de Croatie. “Le Monde” du 26 août indiquait :


«Les effets de l’embargo commercial, pétrolier et aérien, décrété par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 1er juin dernier, sont plus que limités. Vu l’intensité de la guerre, les Serbes — et d’autres belligérants d’ailleurs — ne paraissent pas avoir trop de difficultés d'approvisionnement en matériel ou en carburant (sauf le diesel).


On sait que des chargements de produits pétroliers, transitant par la Grèce ou la Roumanie, et destinés officiellement à la Macédoine, la Croatie ou la Slovénie, sont en fait arrivés… en Serbie. Plusieurs firmes allemandes et même hongroises sont également dans le collimateur. Economiquement, la Serbie et le Monténégro, en dépit de leurs graves problèmes, ne semblent pas pour le moment au bord de la faillite et on aime d’ailleurs rappeler à Belgrade que “la Serbie est un peuple qui n’a jamais connu la faim”».


Dans “Le Monde diplomatique” de septembre, Claude Julien est précis :


«(une Europe unitaire) continuera-t-elle de laisser arriver en Serbie les livraisons, notamment de produits pétroliers en provenance de la Grèce, de la Roumanie, de Bulgarie ? Permettra-t-elle que se poursuive l’acheminement des chars allemands Léopard et des MIG de l’ex-RDA dont disposent les forces croates chez elles, mais aussi dans la partie occidentale de la Bosnie-Herzégovine ?»


De leur côté, les Serbes accusent les gouvernements turc et iranien de parachuter des armes aux milices musulmanes.


Il ne s’agit pas seulement de profiteurs de guerre exerçant leur répugnant commerce, mais de soutiens politiques clandestins de puissances impérialistes, soutiens qui n’ont rien à voir avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais relèvent des objectifs spécifiques de chacun de ces impérialismes. Ainsi de toute évidence n’ayant pu maintenir face à l’Allemagne, visant à la désagrégation de la Yougoslavie, l’ancienne République de Yougoslavie, en dépit de toutes les déclarations, condamnations, etc, l’impérialisme français tend à ce que, sous couvert de la nouvelle “Yougoslavie”, de la constitution de Républiques serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, soit réalisée, au moins en grande partie, la Grande Serbie.




L’impérialisme US joue son propre jeu




Dans le camp dont il fait partie, l’impérialisme français a de redoutables concurrents, notamment l’impérialisme américain. Qui peut douter que la Grande-Bretagne, laquelle, jusqu’alors mettait la pédale douce, a organisé la conférence de Londres et décidé d’envoyer un contingent de soldats anglais en Croatie et, éventuellement, en Bosnie-Herzégovine (alors que jusqu’à présent elle s’y refusait), au compte de l’impérialisme américain ?


Le milliardaire américain Panic, devenu premier ministre de la nouvelle “Yougoslavie”, se fait le héraut de la “paix”, de l’application des textes de la conférence de Londres. A telle enseigne que, le 30 août, le groupe parlementaire dudit “Parti socialiste” de Slobodan Milosevic, qui à lui seul dispose de la majorité au parlement de la nouvelle “Yougoslavie”, et celui du Parti radical serbe de Vojislav Seselj, ont déposé une motion de censure contre le gouvernement de Milan Panic en raison des engagements que ce dernier a pris à Londres et pour avoir rencontré le président croate Franjo Tudjman et le leader albanais du Kosovo, Ibrahim Rugova. Finalement, le “Parti socialiste” a décidé de ne pas voter la censure. Dans son discours devant le parlement, Milan Panic a spécifié :


«Nous ne devons pas crier victoire (en dépit des succès remportés à la conférence de Londres), nous devons plus que jamais, nous employer à éliminer toutes les causes de la crise et de l’application de l’embargo international. Le monde attend cela de nous et nous le ferons». (…) «Or,
(explique “Le Monde” du 6 et 7 septembre qui rend compte de ces propos) dans les chancelleries occidentales on ne cache pas que l’une des conditions à la levée de l’embargo contre la Serbie et le Monténégro reste le départ de M. Milosevic, considéré comme le responsable de la tragédie yougoslave».




Contre l’intervention, sous toutes ses formes, de l’impérialisme français




Le simple exposé des événements montre que les questions nationales réelles qui se posent dans l’ex-Yougoslavie (comme dans l’ensemble des Balkans et des pays de l’Est de l’Europe) sont aujourd’hui exploitées par les cliques, issues de l’appareil d’Etat et du Parti de la bureaucratie de l’ex-Yougoslavie, et par les puissances impérialistes pour faire valoir leurs misérables intérêts au détriment des peuples de cette région en aggravant, en infectant les questions nationalistes, en faisant se chevaucher, en imbriquant les oppressions nationales, en ranimant, en poussant au paroxysme les chauvinismes et les haines des uns et des autres.


A bas l’intervention des puissances impérialistes quelle que soit la forme de cette intervention et au premier chef l’intervention militaire qu’elle se couvre sous l’aspect de “l’aide humanitaire” ou de l’intention de “séparer les combattants”. A bas tout blocus des pays de l’ex-Yougoslavie. Bien entendu ces revendications doivent être adressées en France au gouvernement, à l’Etat bourgeois français. Une fois de plus cela soulève la question de la rupture avec la bourgeoisie, du Front Unique des organisations ouvrières, partis et syndicats, pour imposer le retrait des troupes françaises, l’arrêt de l’embargo que le gouvernement français, comme les autres gouvernements, exerce.


A quoi certains objecteront : cela ne résoudrait pas les questions nationales dans l’ex-Yougoslavie et plus généralement dans les Balkans. Sans doute. Même si elles prennent quelque distance, en Serbie vis à vis de Milosevic, en Croatie vis à vis de Trudjman, ailleurs vis à vis des gouvernements en place, les organisations existantes dans les pays de l’ex-Yougoslavie, sont des organisations pro-bourgeoises, le plus souvent chauvines, ne menant pas vraiment la lutte contre les gouvernements au pouvoir. L’exemple de la Serbie est à cet égard illustratif. Le “Mouvement du renouveau serbe” de Vuk Drakovic est aussi “grand serbe” et réactionnaire que le pseudo “Parti socialiste” de Milosevic. Il domine et contrôle le “Mouvement démocratique serbe”. Tout ce qu’il peut rechercher c’est un “compromis” avec l’impérialisme, et bien sûr principalement l’impérialisme américain, qui laisserait entières les questions nationales, s’il ne les aggravait pas et qui maintiendrait l’exploitation et l’oppression sur les masses ouvrières et paysannes. Or, la solution des problèmes nationaux est indissolublement liée à la fin de l’oppression politique des masses, de leur exploitation économique et à la marche à leur libération sociale. Les directions étudiantes ont des directions petites bourgeoises incapables d’ouvrir une issue au peuple serbe et aux autres peuples de l’ex-Yougoslavie. Elles lorgnent également du côté des puissances impérialistes. Mais en cas de retrait des troupes impérialistes, camouflées sous les casques bleus, les masses de ces pays, même si c’est avec des errements, seraient mieux en situation de prendre conscience que pour elles aussi l’union nationale est une mystification et que pour régler les problèmes nationaux, il leur faut abattre les cliques dirigeantes et les couches sociales pro-bourgeoises et bourgeoises de leurs propres pays.


Dans les pays de l’ex-Yougoslavie, comme dans l’ensemble des pays des Balkans, comme dans l’ensemble des pays de l’Est de l’Europe, les questions nationales ne peuvent trouver de solution positive pour les masses, que si sont chassées du pouvoir et de la vie économiques, les fractions des bureaucraties hier dépendantes et au service du Kremlin, aujourd’hui des puissances impérialistes. Seuls des gouvernements ouvriers et paysans portés au pouvoir par le prolétariat et les masses exploitées ouvrant la voie des Etats Unis Socialistes balkaniques et, au-delà, des Etats Unis Socialistes d’Europe, seraient en mesure de résoudre les questions nationales. Dans l’ex-Yougoslavie, comme dans les Balkans, les pays de l’Europe de l’Est, comme ailleurs, en fin de compte, la construction de Partis Ouvriers Révolutionnaires est la tâche la plus impérieuse, car sans un tel parti il ne peut exister d’authentiques gouvernements ouvriers et paysans.


Il n’en demeure pas moins que dans les pays impérialistes et en premier lieu pour nous en France, agir pour que les organisations ouvrières (partis et syndicats) exigent le retrait des forces militaires engagées dans l’ex-Yougoslavie, la fin de l’intervention française, quelles que soient ses formes, y compris celle de “l’aide humanitaire”, est la plus précieuse des aides qui peuvent être apportées aux peuples de l’ex-Yougoslavie pour qu’ils soient en mesure de résoudre les questions nationales. Tout autre attitude revient à soutenir les manigances des puissances impérialistes et à porter la responsabilité de leurs conséquences.


Le 6/9/1992


 

 

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