Editorial du numéro 21 (103) de Combattre pour le Socialisme, daté du 5
juin 2005-06-20
Editorial :
Après le « non »
au référendum sur la « constitution européenne »
Le prolétariat a voté : « non » à
Chirac …
Appareil d’Etat, médias, tenants
du « oui » comme tenants du « non de gauche »,
Emmanuelli comme Buffet, étaient tous d’accord sur un point depuis des
semaines : dans ce référendum, il ne devait être question que
« d’Europe ». Interprétations, contre-interprétations,
du projet de traité, nommé systématiquement par le PCF « constitution
Giscard », devaient être autant que faire se peut déconnectées du
gouvernement de Chirac, de sa politique. Seule exception notable : Laurent
Fabius, sans doute plus attaché que ses alliés au sein du PS ou du PCF à la
victoire du « non » et qui aura ciblé pour cette raison Chirac comme « chef
du oui », mettant en garde – à raison ! – en cas de victoire du
« oui » contre un redoublement des attaques gouvernementales.
Au soir du 29 mai, la force du
« non » a déchiré les rideaux de fumée de la campagne électorale. Le
caractère réel du « non » n’a plus pu être masqué : d’abord un
« non à Chirac », à son gouvernement, à sa politique. Et Chirac en a
pris acte, à sa façon. En intervenant précipitamment, en procédant à un
rafistolage gouvernemental, il n’a fait que le confirmer, tandis que dans la
presse en France ou à l’étranger la question de sa démission, ou de la
dissolution de l’Assemblée, étaient évoquées – mais pas dans un premier temps
par les ténors du « oui de gauche » ou ceux du « non de
gauche » invités sur les plateaux télévisés, LCR comprise.
Ils avaient donc menti, tous ceux
qui entendaient maintenir ce référendum dans les sphères éthérées de
« l’Europe », tout comme ceux qui affirmaient que les pires maux
s’abattraient sur le pays en cas de « non ».
Toutes les données le
confirment : c’est la classe ouvrière, c’est le prolétariat, qui ont fait
échouer le plébiscite de Chirac. Dans toutes les villes ouvrières et quartiers
populaires, le « non » atteint des sommets, dépasse, parfois de loin,
les 60%. C’est le cas en particulier, contre la plupart des hiérarques
socialistes qui sauf exception tenaient pour le « oui », dans les
départements du Nord ou du Pas de Calais. Une comparaison suffit : à Liévin, à
Bobigny, le « non » dépasse 70%. A Neuilly sur Seine, le
« oui » dépasse les 80%.
Naturellement, il faut se garder
de tout schématisme. L’abstention ouvrière est restée élevée. On trouvera même
sans doute certains secteurs du prolétariat dans lesquels les arguments du
Parti Socialiste ont pu porter un peu. Mais Julien Dray le reconnaissait
lui-même au soir du référendum : « toute la journée j’ai croisé nos électeurs qui nous disaient :
vous ne nous ferez pas voter Chirac une deuxième fois ».
Mais c’est, sur ce terrain
électoral, la classe ouvrière et largement le prolétariat et la jeunesse qui
ont été la force décisive et essentielle pour aboutir à ce résultat net, à
savoir la défaite à plate couture de Chirac. Celui-ci avait lancé la procédure
référendaire, appuyé sur le « oui » du PS, pour s’offrir un
plébiscite et se donner ainsi les moyens politiques nécessaires pour la
dernière étape de son quinquennat. Le plébiscite s’est retourné en son
contraire. Chirac est battu.
… « non » à son
gouvernement et sa politique réactionnaire
Et si la classe ouvrière, les
employés, les personnels de santé, les enseignants, bref le prolétariat et la
jeunesse, ont retourné l’arme du plébiscite contre celui qui la maniait, c’est
en relation avec une situation politique donnée. Une situation marquée
notamment depuis janvier, et surtout depuis mars, par la manifestation sur son
terrain propre de la volonté de combattre du prolétariat – ainsi les grèves
dans la fonction publique et les manifestations lycéennes contre la loi Fillon,
ainsi les grèves dans de nombreuses entreprises pour des augmentations de
salaire, le million de manifestants du lundi 10 mars, ainsi les grèves liées à
la suppression du lundi de la Pentecôte.
Concernant ce dernier point, le
gouvernement mesurait l’hostilité grandissante à l’instauration de cette
véritable « corvée ». Il a tout fait pour tenter de diminuer,
masquer, la portée des réactions à l’instauration du travail gratuit. C’est
pourquoi, à la dernière minute, il a mandaté la direction de la SNCF pour
qu’elle restaure le caractère férié de la journée dans l’entreprise (mais sous
une forme maintenant l’allongement de la durée du travail). A la RATP, la
direction a offert une prime exceptionnelle et substantielle aux agents qui
viendraient travailler. La grève massive dans les transports de province montre
que ces précautions n’étaient pas superflues.
Dans de nombreuses entreprises,
les patrons avaient renoncé à la suppression du jour férié, soit sans
contrepartie, soit – s’appuyant sur la participation des directions syndicales
aux négociations sur l’application de la loi – en allongeant de manière moins
voyante la durée annuelle du travail à 1607 heures (suppression d’une RTT).
Mais la grève engagée par les ouvriers de Total sur cette question, nourrie des
profits record de la firme, s’étendant de manière spontanée à la quasi-totalité
des raffineries, a confirmé que la possibilité de la grève générale ce jour là
était réelle. Ce qui du même coup montre la responsabilité accablante des
directions confédérales et fédérales qui se sont totalement inscrites dans le
cadre fragmenté mis en place par la loi du gouvernement sur la dépendance. A
Total, la menace d’une pénurie de carburant à la veille du référendum a amené
Raffarin a intervenir directement : la direction a renoncé à la
suppression du jour férié, mais a pu priver les ouvriers d’une victoire nette
en maintenant le prélèvement d’un des jours de grève.
La situation qui sous-tend le
« non » du 29 mai est donc fort différente de celle, par exemple des
régionales et cantonales de mars 2004 (comme elle l’est dans d’autres aspects
encore). La défaite de l’UMP et de l’UDF (qui était
aussi une victoire du PS, ce qui n’est évidemment pas le cas concernant le
référendum) en mars 2004 s’inscrivait dans une situation totalement dominée par
les conséquences de la dure défaite de mai-juin 2003
sur les retraites. Quelques mois après les régionales, le statut d’EDF-GDF
était cassé, l’assurance-maladie totalement dénaturée, cette dernière
« réforme » passant comme une lettre à la Poste.
Le « non » des
travailleurs le 29 mai est bien entendu un « non » à ces contre-réformes,
un « non » aux conditions d’existence et de travail qu’imposent les
gouvernements au service du capital à la grande majorité de la population. Mais
c’est en relation avec la résurgence récente de cette volonté à combattre que
la situation de crise au sommet de l’Etat qu’il précipite est plus inquiétante
pour la bourgeoisie que celle surgie après les régionales.
C’est d’ailleurs pour cette
raison, quoiqu’en ordre dispersé, et volontairement, que tel ou tel chef du PS
évoque, en passant, sur un ton presque badin, qui la démission de Chirac
(Ayrault, Mélenchon), qui la dissolution de l’Assemblée (Dray, Montebourg). Il
ne s’agit en aucun cas pour eux d’appels au combat en ce sens qui
rencontreraient un écho jusque dans les profondeurs de la classe ouvrière.
C’est l’expression de leur inquiétude sur la capacité du gouvernement à
gouverner dans une telle situation.
Un « non » à la « constitution
européenne », donc à tous les traités fondant l’UE
C’est contre la
« constitution européenne » que ce vote s’est cristallisé, et
celle-ci n’a pas eu une importance négligeable. Les masses n’ont pas séparé ce
texte de celui qui l’avait négocié, signé et qui le défendait : Chirac. Et
à bon droit.
Certes, la politique de
Chirac-Raffarin n’est pas dictée par la commission de Bruxelles, au contraire
de ce qu’affirme le
Parti des Travailleurs lequel n’aura pas attaqué une seule fois Chirac durant
des mois. L’Union Européenne n’a pour ce faire ni
soldats, ni police, ni budget, ni moyens de contrainte réels (au point qu’elle
a du abandonner les procédures engagées contre l’Allemagne et la France pour
non-respect du Pacte de stabilité).
Néanmoins, c’est d’une part au
nom de la convergence européenne, et le cas échéant au rythme donné par la
commission, que certaines contre réformes ont été entreprises. Par exemple
l’ouverture du rail à la concurrence, la loi de modernisation postale, mais
aussi le rétablissement du travail de nuit des femmes dans l’industrie.
Autre exemple: le projet de circulaire Barrot sur la
libéralisation des transports qui exige l’ouverture des lignes de bus de la
RATP à la concurrence.
D’autre part, le texte même de la
« constitution » était inacceptable pourvu qu’on prenne la peine de
le lire. Et nombre de travailleurs l’ont lu, et y ont trouvé,
constitutionnalisées dans la partie III, un véritable hymne à la
« concurrence libre et non faussée », ce qui veut dire un hymne à la
« liberté » d’exploiter et d’opprimer. A cet égard, le vote positif du
texte aurait été aussi une victoire politique pour Chirac et Raffarin, une
approbation de leur politique.
Il n’est pas utile de revenir ici
sur le contenu de la « constitution », sur lequel le Cercle s’est
largement exprimé dans la mesure où c’était assurément un des moyens importants
de nourrir le mouvement vers le « non » à Chirac.
Nous nous
contenterons du rappel suivant. La première partie de la constitution
prétendait revenir sur l’accord passé à Nice quant au fonctionnement des
institutions de l’UE, au profit des plus grands pays. La deuxième introduisait
une déclaration des droits fondamentaux d’inspiration catholique et à côté de
laquelle la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 prendrait
presque des airs radicaux. Et la troisième partie reprenait, en les modifiant
et surtout en leur donnant une portée « constitutionnelle », les
politiques économiques préconisées par tous les traités passés, celui de Rome
et les nombreux traités conclus dans les années 90 (Acte Unique, Maastricht,
Amsterdam). Le « non » du 29 mai prend inévitablement une
signification supplémentaire : celui d’un « non » à l’Union
Européenne des capitalismes.
Les eaux mêlées
Il serait naïf de voir dans ce
référendum une sorte d’image d’Epinal et de considérer le « non »
exclusivement comme un non de classe. Comme tout scrutin de ce type, les eaux
sont mêlées (ce qui explique aussi sans doute le nombre de bulletins blancs et
nuls parfois élevés dans certaines zones d’influence du Parti Socialiste).
Ainsi, selon le sondage de sortie des urnes d’Ipsos, 51% des « artisans,
commerçants et chef d’entreprise » auraient ainsi voté « non », et
près du quart des électeurs de Chirac et Madelin lors du premier tour des
présidentielles de 2002.
Du côté du grand capital, pas de
doute : c’était quasi unanimement le « oui ». Mais dans des
secteurs moins puissants de la bourgeoisie, dans la petite bourgeoisie, chez
les patrons de PME, les commerçants, le discours d’un De Villiers et d’un Le Pen a été entendu. Ceux-ci se sont opposés au nouveau
traité au nom de la souveraineté nationale (tout comme sur son propre plan le
PT), et l’avaient déjà fait lors de l’introduction de l’euro. Ce sont ces
secteurs en difficulté, ceux où la part du coût de la force de travail est plus
importante, et qui sont donc plus que d’autres sous le feu de la concurrence,
des principales puissances européennes, de l’Europe de l’est, de l’Asie.
Leur hostilité à la manière dont
s’est développé l’Union Européenne depuis les années 90, depuis la
réunification de l’Allemagne et avec elle la renaissance d’un géant économique
et politique en plein cœur de l’Europe, n’est pas nouvelle. Une de ses cibles,
c’est l’euro. L’euro avait été créé sur initiative française pour essayer de
lier les mains à l’impérialisme allemand à peine réunifié. Les conditions de
réalisation de cette monnaie, qui est commune à des économies disparates, ont
par contre été dictées par l’Allemagne, jusque dans la localisation de la
Banque Centrale Européenne. Comme le mark (et pas la lire), l’euro devait pour
eux être une monnaie forte et stable sur laquelle le capital financier allemand
pourrait s’appuyer. Et aujourd’hui, le cours particulièrement élevé de cette
monnaie pèse bien d’avantage sur des pays comme la France, et plus encore
l’Italie, que sur l’Allemagne, que l’euro fort n’a pas empêché de devenir le
premier pays exportateur mondial, parce qu’elle est la première puissance
économique et industrielle de l’Union Européenne, et d’autant plus qu’elle a
été renforcée par l’élargissement de l’Union Européenne à l’est de l’Europe.
S’est combinée à cela la
dégradation de la conjoncture. Les déficits commerciaux sont réapparus de façon
structurelle, les parts des entreprises sur le marché mondial sont en
rétrécissement. La récession menace (voir aussi dans ce numéro l’article sur la
situation économique). Raffarin avait eu le culot d’annoncer quelques jours
avant le référendum que, si le « non » l’emportait, alors cela serait
mauvais pour la situation économique. C’est l’inverse : la situation
économique singulièrement dégradée a accru le mouvement des eaux mêlées vers le
« non ». Autre élément d’appréciation non négligeable : la Bourse
de Paris n’a nullement été affectée par la victoire du « non ».
Mais là non plus, il n’y a pas de
cloison étanche entre le « non » et le « oui ». Il faut en
ce sens accorder une importance toute particulière aux déclarations tenues par
Jean Louis Debré, président UMP de l’Assemblée, et proche de Chirac, juste
après le référendum. Il a réclamé le 31 mai une politique économique rompant de
fait avec les traités antérieurs signés dans le cadre de l’UE, donc de la
« constitution » - une politique dont l’application ferait
chuter le cours de l’euro : « une
politique très active de redémarrage des investissements publics (…) la relance
des grands travaux, un effort en faveur des emplois aidés (…) » et
pour cela « s’affranchir des règles
du pacte de stabilité » qui n’est « aujourd’hui plus le
problème ».
Cette déclaration en
atteste : même dans les sommets de l’Etat, les tentations de s’affranchir
ouvertement des règles posées depuis quinze ans pour faire fonctionner l’Union
Européenne, de reprendre les orientations défendues par un De Villiers, sont
grandes. Rien ne peut être exclu.
L’Union européenne en crise
C’est un des paradoxes de la
situation ouverte par le « non » en France doublé de celui du 1er
juin en Hollande. Le traité « constitutionnel » était une initiative
conjointe de l’impérialisme français et de l’impérialisme allemand, rabibochés
alors qu’au sommet de Nice leurs relations étaient mauvaises, pour s’octroyer
un poids décisif sur les leviers de commande de l’UE (c’est ce genre de
tractations de bandits que les politiciens bourgeois osent présenter sous les
traits angéliques de « la construction de l’Europe politique »). Même
si le traité final voyait les ambitions initiales revues à la baisse, sous la
pression britannique, il s’inscrit dans un même processus qui a vu l’Allemagne
et la France s’accorder sur la PAC, le budget de l’UE, et, donc, le
fonctionnement des institutions.
Or le « traité constitutionnel »
est pour l’heure dans le coma, sinon déjà mort, comme l’affirme Moscovici (PS).
Il ne l’est pas seulement parce que dans le pays qui l’a initié, il a été
recalé, ainsi qu’en Hollande trois jours plus tard.
Il l’est aussi parce que les
circonstances qui ont présidé à sa naissance ne sont plus réunies. D’une part,
la politique internationale de l’impérialisme français oscille à nouveau entre
l’appui sur le puissant voisin allemand – comme depuis 2001 et notamment lors
de la guerre américaine contre l’Irak - et l’alignement sur l’impérialisme
américain. Au Moyen-Orient en tout cas, à partir de la question libanaise,
comme CPS l’a analysé dans son numéro
19, c’est à un véritable revirement que s’est livrée, sous la direction de
Chirac, la diplomatie française, marchant ouvertement aux côtés du gendarme
américain. Echange de bons procédés ? En tout cas, une nouvelle fois, le
gouvernement américain a fait savoir le 3 juin qu’il avait trouvé un accord
avec Paris pour prolonger, une nouvelle fois, le mandat onusien de la force
d’occupation de la Côte d’Ivoire (alors qu’à la veille de cette échéance,
d’opportuns massacres venaient de se produire dans l’Ouest du pays) – sans
doute, au moins jusqu’à la présidentielle d’octobre. Et alors qu’au Togo, dont l’importance
n’a fait que grandir étant donnée la crise de la Côte d’Ivoire, les « amis
de Chirac » ont organisé un coup d’Etat sanglant sous couvert d’élections
totalement truquées, seul l’impérialisme allemand a réellement protesté et
cherché à mettre des bâtons dans les roues de cette opération («un haut responsable diplomatique français
estime qu'"il existe presque un conflit avec l'Allemagne sur le
Togo » selon Le Monde du 13
mai dernier). Les Etats-Unis, eux, ont reconnu le « président »
Faure, « ami de Chirac » dont l’élection frauduleuse suivie par la
répression a été saluée publiquement par Barnier,
alors ministre des affaires étrangères de Chirac.
A ces démêlés sur la scène
internationale s’ajoute cette constante de l’Union Européenne : comme chaque
fois que la conjoncture économique est menaçante en Europe, les affrontements y
redoublent. La bourgeoisie britannique en particulier tente de profiter du
« non » français pour enterrer au plus vite ce projet de
« constitution » qu’elle avait subi.
De son côté, Schröder est intervenu
publiquement pour s’opposer au report de l’intégration de deux nouveaux pays
dans l’UE (Roumanie, Bulgarie). Preuve que celle-ci ne va plus de soi.
Mais c’est autour de l’euro, de
son niveau, sinon de son existence, que se nouent aujourd’hui les tensions. En
Italie, Maroni, ministre certes marginal, a fait des déclarations fracassantes
dans la Repubblica prônant le retour
à la lire (sous-entendu : aux dévaluations dites
« compétitives »). Cette option est suffisamment prise au sérieux
pour que la BCE se soit sentie obligée de y répondre sans attendre. La
bourgeoisie allemande, considérant quant à elle, non pas le cours de l’euro,
mais les déficits public croissants des pays membres de la zone euro (notamment
la Grèce et le Portugal, qu’elle qualifiait lors de l’instauration de la
monnaie commune de « pays du club-med »), laisse filtrer son mécontentement. Le
journal Stern a fait avoir que le
président de la Bundesbank discutait avec le ministre des finances Eichel de « l’échec
de l’union monétaire ». Le ministre de l’économie Clément déclarait le
2 juin :
« Le pays paie un
"prix non négligeable" en terme de croissance sur l'autel de l'Union
monétaire car il doit faire face à des taux d'intérêt supérieurs à ce qu'ils
seraient si l'Allemagne avait encore la maîtrise de sa politique
monétaire ».
L’Union
Européenne est donc entrée en crise, alors même que la situation économique
mondiale reste plus qu’incertaine. Elle n’est pas pour autant balayée par le
simple effet de deux référendums intervenant dans ce contexte particulièrement
tendu. Ce sont bien entendu pour une part les aléas de la conjoncture
économique mondiale qui disloqueront, ou pas, l’artificielle zone euro et
précipiteront, ou pas, une crise économique bien pire que celle qui touche
aujourd’hui le continent. Mais joueront tout autant les développements de la
situation politique dans les pays clé : en Allemagne bien entendu, et en France,
où la situation créée par le « non » massif à Chirac et à son
plébiscite, est, au moment où ces lignes sont écrites, loin d’être stabilisée.
Chirac tente de reprendre l’initiative
Tentant de stabiliser la
situation, pour reprendre l’initiative, Chirac a mis en branle dès le soir du
référendum un dispositif axé autour d’un « changement » de
gouvernement. En réalité, le mot doit être mis entre guillemets, tant ce
changement s’apparente à un jeu de chaises musicales. Néanmoins, ce
gouvernement présente des caractéristiques nouvelles. D’une part, les ministres
en cours de « réformes » auxquelles les dirigeants syndicaux avaient
été amenés à s’opposer en paroles, sont remerciés et non permutés. Ainsi Fillon
(cumulard en la matière de « réformes ») de l’Education, D’Aubert de
la Recherche, Dutreil de la Fonction publique.
Par ailleurs, revenant sur les
règles de circonstances qu’il avait lui-même édictées, Chirac a nommé Sarkozy,
chef de l’UMP, à l’Intérieur, entouré de ses fidèles.
Cette entrée souligne le double caractère de ce gouvernement. Gouvernement
restreint, de crise, constitué essentiellement de la garde rapprochée de Chirac
emmenée par Galouzeau de Villepin,
éternel chef de cabinet de Chirac. Mais aussi gouvernement de combat, suivant
un plan prévu depuis des semaines.
De Villepin
s’était fait remarquer en affirmant dès la mi-avril « Quel que soit le résultat du référendum, il faudra une politique encore
plus volontaire, encore plus audacieuse, encore plus solidaire »,
précisant à toutes fins utiles que cette affirmation avait reçu l’aval de
Chirac. Et quelle politique ? Sarkozy, aujourd’hui vice-premier ministre,
l’avait lui aussi synthétisée avant le référendum en appelant à voter oui pour
faire feu sur « le modèle
social français ». Dans Le
Monde du 17 mai, on pouvait encore lire :
« Thierry Breton, le
nouveau ministre de l'économie, veut convaincre le président qu'il lui reste
encore du temps pour mener une ou deux autres grandes réformes, qui
permettraient à la France de vaincre son chômage structurel. A Bercy, on voit
déjà une "fenêtre de tir" après le référendum, si le oui l'emporte. ».
Mais le « oui »,
Chirac, son gouvernement, ont subi une brutale défaite au référendum. La
« fenêtre de tir » sur les acquis ouvriers évoquée par Breton n’a pas
été ouverte, et la capacité de Chirac et de ses aides de camp à mener la politique
exigée par le capital financier est en question. Pourtant l’appétit du Medef
est grand ! Au lendemain du référendum, Seillière a énoncé ceci:
« seule
la mise en œuvre immédiate et accélérée d’un programme de réformes peut
rétablir notre situation économique et éviter que notre système de protection
sociale se dégrade. Le MEDEF demande à ceux qui nous gouvernent d’engager sans
délai la modernisation exigée par les entreprises de notre pays. »
C’est en d’autres termes ce que
Sarkozy a lui aussi proclamé, revanchard, dès le soir du référendum, en posant
sa candidature pour réaliser :
« des
remises en cause profondes, rapides, vigoureuses », « en finir avec
nos immobilismes, avec nos frilosités, avec tout simplement nos habitudes pour
faire bouger le pays et le remettre en mouvement sans tarder » dans
« une période difficile qui s'ouvre ».
De fait, les projets que réclame
le Medef sont déjà prêts – en la matière on improvise aussi peu que possible.
La « réforme »/nettoyage du code du travail, la création notamment du
contrat de travail intermédiaire, des contrats de mission de longue durée, sont
préparés depuis des mois. Les « négociations » visant à briser les
corps statutaires de la fonction publique, et avec eux le statut général de la
fonction publique, ont été engagées. Il en est de même des dispositions visant
à aller, par la bande, vers l’instauration d’un service minimum garanti dans
les transports parisiens, contre le droit de grève, pour ne pas parler de la
privatisation d’EDF-GDF, de la « réforme » de la Recherche publique.
Les décrets d’application de la loi Fillon sur l’éducation sont prêts – et les
tribunaux en écrivent les détails comme l’esprit en condamnant les lycéens à
des peines iniques. La chasse aux immigrés devrait franchir un nouveau cran,
selon le plan prévu par de Villepin alors ministre de
l’intérieur. A cela s’ajoute l’entrée progressive en vigueur des dispositions
du plan de « cohésion sociale » de Borloo. Thierry Breton a décliné
quant à lui sur France-Info le 2 juin une profession de foi, supprimer
autant de postes de fonctionnaires que possible:
« je
me suis battu" pour que Bercy puisse obtenir la Réforme de l'Etat, puisque
c'est précisément par la réforme de l'Etat qu'on pourra se dégager des marges
de manoeuvre"
Voilà le contenu de la
« nouvelle impulsion » que prétend donner Chirac. Avec la nomination
de Sarkozy, après son discours du soir du référendum, et avec son passé de
ministre de l’intérieur que Le Pen n’aurait pas
renié, on a là autant d’appels à tout ce que la France compte de réactionnaires
pour qu’ils se mobilisent et fassent bloc derrière un gouvernement qui se veut
de combat.
Mais encore faut-il avoir les
moyens politiques de mettre en œuvre ce programme, et en particulier de porter
un coup sérieux au droit du travail, exigence essentielle du Medef depuis des
mois. Or, Chirac, De Villepin, Sarkozy, sont dans une
situation de crise, où précisément ces moyens risquent de leur faire défaut.
C’est pourquoi Chirac et De Villepin ont lancé un véritable appel au secours aux
directions des organisations syndicales ouvrières.
Association des dirigeants syndicaux : vers une
nouvelle étape ?
Dans son discours annonçant le
changement de premier ministre, Chirac, après avoir salué les
« réformes » entreprises depuis trois ans, a déclaré :
« L'urgence, ce n'est pas
d'ajouter des textes aux textes, c'est l'engagement résolu de tous les acteurs.
Quand il s'agit de la croissance, du chômage, de la précarité, aucune solution
ne doit être écartée par préjugé, aucune ne doit être découragée. Le seul
critère est celui de l'efficacité. Le Gouvernement s'engagera résolument dans
cette voie. J'appelle au même engagement les entreprises et les syndicats car
ce qui est en jeu c'est de démontrer qu'en agissant ensemble, avec, à l'esprit,
le seul intérêt national, nous sommes capables de gagner la bataille de
l'emploi tout en restant nous-mêmes ! . »
C’est un véritable appel à
l’union nationale sous prétexte de lutter contre le chômage – tels ceux qui
ailleurs en Europe ont débouché sur différents « pactes pour
l’emploi » qui ont vu systématiquement les dirigeants des centrales
ouvrières prendre en charge une partie des revendications patronales.
Un « modèle » fait
couler beaucoup d’encre, et de Villepin s’y est
référé dans le JDD du 5 juin, c’est
le « modèle danois », vanté par de Villepin,
pour « ses mesures respectueuses de
l’exigence sociale ». Qu’est-ce qui attire donc depuis des mois les
regards des bourgeois français vers ce petit pays ? Son taux de chômage
plutôt bas ? Un rapport d’information parlementaire déposé à l’automne
2004 par P.Méhaignerie répond :
« un
marché du travail totalement flexible » (…) « Il n'y a pas au
Danemark de « droit du travail » au sens classique du terme :
l'essentiel est uniquement le fait d'accords entre employeurs et salariés,
librement consentis. La convention collective, négociée entre employeurs et
salariés, ne couvre pas tout le marché du travail - mais environ 75 %
des salariés et la presque totalité des employés du secteur public - et,
dans les cas qu'elle couvre, elle n'impose pas nécessairement une règle
immuable à laquelle il serait impossible de déroger. Au contraire, elle est
plutôt une « norme », au sens d'un dispositif cadre, mais dont les
partenaires restent libres de s'éloigner au sein d'une entreprise
donnée. »
(…)
« il
n'y a pas de loi pour régir le salaire minimum, le temps de travail, l'emploi
des handicapés, le droit de grève, etc. pour s'en tenir à des cas
emblématiques. C'est, par exemple, l'actuelle convention collective librement négociée
qui prohibe, pendant la durée de son application, le droit de grève. »
Mentionnons qu’au Danemark, sur
une population active de totale 2,8 millions de personnes, 1,7 million sont
adhérentes de la centrale syndicale LO. Toujours
selon ce rapport :
« L.O
a un rôle central dans la détermination des règles de flexi-sécurité
et participe pleinement à la négociation de la convention collective, mais
aussi à de très nombreuses négociations de branche ou d'entreprises.
M. Rasmussen, chef du service économique, souligne le fort degré de
convergence auquel aboutit le système. Il se félicite du fait que la
négociation permanente ne soit pas construite sur une logique
d'affrontement »
Evidemment, ce qui intéresse le
gouvernement Chirac-de Villepin-Sarkozy,
c’est d’aller dans le sens de la destruction du « droit du travail au sens
classique du terme » et de faire reculer le droit du travail au profit des
accords entre partenaires sociaux. Ce qui était depuis le début, il faut le
rappeler, l’esprit de la « refondation sociale » du Medef.
De plus le concept de
« flexsécurité » danoise ne peut que trouver du répondant chez la
direction CGT laquelle propose de s’engager dans une voie similaire, sous le
nom de « sécurité sociale interprofessionnelle ».
Mais cette référence au
« modèle danois », signifie avant tout une volonté étroite d’associer
les dirigeants syndicaux, de leur faire franchir un pas de plus sur la route de
la cogestion. Pour ceux, inexpérimentés ministres, qui n’auraient pas compris,
telle C.Lagarde qui avait présenté à la radio les
choses sous un jour clair en annonçant une réforme du code du travail, de Villepin signifiait le silence, dans le même journal du dimanche.
Il est ô combien significatif que
ce soit aux « partenaires sociaux » que de Villepin
réserve ses premiers contacts, les recevant tous les lundi 6 juin, avant même
son discours de politique générale.
Les dirigeants syndicaux, contre le résultat du
référendum, votent la confiance anticipée à Chirac-Villepin
Que tous les dirigeants syndicaux
acceptent de se rendre à cette invitation, alors même que Chirac et sa
politique ont subi une défaite écrasante lors du référendum, alors même
qu’aucun doute ne peut être nourri sur la politique du gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy, alors même que ce sont les mêmes
ministres, vaut motion de confiance avant l’heure.
Cette confiance-là est bien plus
précieuse aux yeux de Chirac en ces heures difficiles que celle de sa
« majorité » -croupion au parlement. On imagine sans peine la
situation qui aurait résulté d’un refus catégorique des directions syndicales
d’aller à Matignon le 6 juin ! Avant même le discours de politique
générale, le gouvernement en aurait été mortellement atteint.
Au contraire, Mailly,
pour FO, a même déclaré : « Il
faut attendre. Il s'agit de voir quels seront les moyens utilisés pour arriver
aux fins, et là-dessus on attend ce que dira le gouvernement ». Son
confrère Thibault, tout en allant rencontrer Galouzeau
de Villepin, dit craindre « une politique plus libérale encore ». Mais il va, cyniquement,
en discuter. La direction de la FSU elle a même osé faire croire qu’on pourrait
attendre d’un tel gouvernement « un
changement de politique »! Chérèque, lui, de par la nature réactionnaire de la
confédération CFDT qu’il dirige, peut donner la direction vers laquelle tendent
ces rencontres : un pacte social, pour lequel naturellement il se déclare
prêt : «Le président de la
République nous a parlé d'un pacte social. Derrière ce mot, on voudrait qu'il y
ait un contenu, une réalité et une méthode ».
Voilà donc la signification de
ces rencontres : les dirigeants des confédérations s’affirment ainsi prêts
à discuter d’un éventuel « pacte
social », quel qu’en soit le nom et le sort ultérieur, avec le
gouvernement Chirac-De Villepin.
C’est là cracher sur le verdict
du référendum du 29 mai.
Aucune des directions
confédérales ou fédérales n’avait appelé à voter « non », pas plus
qu’elles n’avaient remis en cause Chirac. Et après le « non » massif
du 29 mai, elles voudraient même voter la confiance avant les députés UMP au
nouveau gouvernement, cautionner, légitimer, discuter avec les responsables des
licenciements, de la précarité, de la liquidation des acquis ouvriers.
Mais on doit préciser que sur ce
terrain, elle ne sont pas seules. Au sortir du
référendum, les bavardages creux sur « l’Europe » ont encore un rôle
politique de diversion à jouer. Au soir du référendum, les tenants du
« non de gauche », les Buffet, les Emmanuelli ou Mélanchon,
n’avaient qu’un mot en bouche « re-né-go-cia-tion » du projet de constitution. Et qui
donc devrait s’en charger ? Pardi, Chirac ! Mélanchon
pouvait bien ajouter « sinon, qu’il se démette », cela ne change rien
au fond de l’affaire : dès le 29 mai au soir, les principaux ténors du
« non de gauche » s’affirmaient prêts à introniser Chirac comme leur
porte-parole : bref, eux aussi, à lui voter la confiance.
Le PS en crise
Sur un plan au moins, la manœuvre
qu’était pour Chirac la tenue d’un référendum n’a pas échoué, et il est
d’importance alors que qu’il combat pour juguler la crise ouverte par le
« non » : le PS est en crise, profondément divisé. A en croire
Arnaud Montebourg, interviewé par le
Monde, « les adhérents déchirent
leur carte et le parti est au bord de la crise de nerfs ». De
nombreuses fédérations, comme celle du Nord que dirige Dolez, sont divisées.
L’origine de cette crise, c’est
que la direction du PS, sous couvert « d’Europe », a développé une
nouvelle fois une politique d’union nationale derrière Chirac, comme en mai
2002. C’est parce que nombre d’adhérents du PS, plus encore de sympathisants,
ne pouvaient pas accepter qu’on leur fasse voter Chirac, qu’on leur fasse
approuver sa politique via la partie III de la constitution, que des
résistances sont apparues dans ce parti. Et c’est en relation plus largement
avec la volonté croissante du prolétariat de retourner l’arme du référendum
contre Chirac que même Fabius, pour ses raisons personnelles évidentes, s’est
engagé à fond pour le « non ». Le référendum a rappelé la nature
contradictoire du Parti Socialiste, parti ouvrier-bourgeois
parlementaire particulièrement dégénéré.
En décidant de sanctionner Fabius
au lieu de s’en prendre à Chirac qu’elle désignait pourtant dans le même temps
comme le principal responsable de la défaite du « oui », en décidant
de convoquer un congrès extraordinaire pour l’automne, la direction du PS rend
à nouveau un fier service à Chirac, qui peut espérer être tranquille du côté du
PS jusqu’au dit congrès. . Viré de la direction du PS, Fabius ne renoncera pas
à son statut de futur candidat du PS à l’élection présidentielle.. Hollande et ses partisans ont pris l’initiative d’ouvrir
les hostilités. Une bataille sans merci va s’engager et le congrès de Rennes
risque de figurer au rang de simple escarmouche au regard des affrontements qui
se préparent à l’occasion de la préparation du prochain congrès. Un signe
l’atteste : le vote du Conseil National virant Fabius et ses amis de la
direction n’a obtenu que 99 des 200 voix des membres élus du Conseil national.
Ce sont les voix de secrétaires fédéraux qui ont fait pencher la balance dans
le sens de Hollande, Aubry et Strauss-Kahn. Ce dernier, qui semble avoir vu sa
position au sein de l’appareil renforcée, se fixe même l’objectif de profiter
de ce congrès de « clarification » (proposé par son bras droit Cambadélis, féal de Jospin, dès le lendemain du référendum)
pour lutter contre « le bloc néo-communiste » que serait selon
lui le « non de gauche ».
Il est à noter que de leur côté,
bien que tempêtant et vitupérant, les autres tenants du « non » au
sommet du PS semblent craindre un tel congrès, en tout cas se sont bien gardés
de le demander et de s’y référer. Emmanuelli a même évoqué une proposition de
« primaires à gauche », suivant l’exemple … du Parti Démocrate américain,
proposition qui reviendrait à interdire au PS et/ou au PCF de choisir
souverainement leur candidat pour la présidentielle ! Mélenchon, qui ne
tarit pas d’éloges sur la direction du PCF, s’est lui prononcé pour des
« Etats généraux », formule qui dans l’histoire du PS a toujours
recouvert des tentatives de liquider ce parti.
Les développements de la
situation au sein du PS seront inévitablement liés, comme cela vient d’être le
cas, aux développements de la situation politique, de la lutte de classe du
prolétariat. Mais le fait que ce parti soit entré en crise et qu’il se prépare
maintenant un congrès de règlements de comptes fait aussi partie de cette
situation politique, et constitue un obstacle pour les masses qui cherchent une
alternative politique immédiate à ce gouvernement Chirac-Villepin.
La voie de cette alternative n’en existe pas moins.
Vaincre, chasser le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy,
sa « majorité » UMP, est objectivement possible
LA situation n’est pas encore
stabilisée. Le « nouveau » gouvernement qu’il a constitué est un
gouvernement de crise, crise ouverte par le « non » massif au
référendum du 29 mai, « non » à Chirac, son gouvernement, sa
politique et à la « constitution » européenne. Dans un contexte
marqué depuis des semaines par l’affirmation de la volonté de secteurs
significatifs de combattre pour défendre leurs conditions d’existence et de
travail, cette situation est propice à ce que s’engagent un ou des mouvements
dans tel ou tel secteur du prolétariat, inévitablement tourné contre le
gouvernement et la « majorité » UMP dès lors qu’ils auraient une
certaine ampleur.
Freine inévitablement
l’engagement de tels combats l’absence d’alternative politique immédiatement
saisissable au gouvernement Chirac-Villepin. A cela,
dans les conditions actuelles, il n’est qu’une seule réponse. Le combat pour en
finir avec Chirac et sa « majorité » exige que soit réalisé le front
unique des organisations du mouvement ouvrier, syndicats, partis. Chirac, son
gouvernement, n’y résisteraient pas, et dans le mouvement des masses tendant à
les faire tomber se dégageraient les contours d’un autre gouvernement, émanant
du front unique des seules organisations du mouvement ouvrer (partis,
syndicats), un gouvernement dont les masses exigeraient qu’il mène une
politique permettant de satisfaire leurs aspirations, une politique que dégage
la déclaration du Cercle publiée en tête de ce bulletin.
C’est cette politique que
concentre, au moment présent, le mot d’ordre de manifestation à un million et
plus devant et contre l’Assemblée nationale UMP-UDF à
l’appel uni des organisations du mouvement ouvrier, pour balayer la
« majorité » UMP.
Sur cet axe, il est non moins
indispensable de combattre, en s’appuyant sur le verdict du référendum, pour
que soit rompues les « négociations » en cours entre patronat,
gouvernement, et directions syndicales – et contre tout « sommet » ou
autres manœuvre que le gouvernement sera inéluctablement tenté de mener sous
couvert de « l’emploi » afin de mener sa politique réactionnaire à
couvert des appareils syndicaux.
En particulier, il s’agit
d’exiger que soient rompues les discussions en cours entre Medef et
confédérations, par exemple sur « l’emploi des séniors »
- le Medef veut y faire passer l’idée d’un contrat leur étant spécifique,
dérogatoire. Mais aussi celles engagées dans la fonction publique sur le
statut, ou sur les décrets d’application de la loi Fillon contre l’enseignement
public, la responsabilité des dirigeants FSU et autres étant au contraire
d’exiger l’abrogation de cette loi et le retrait de tous les projets de
décrets. Dans les transports, il s’agit principalement d’exiger le retrait des
projets, en région parisienne, et sous d’autres formes en province,
d’instauration de service garanti – projets attentatoires au droit de grève –
et de refuser toute discussion dessus.
Le moment politique ne doit pas
être mal évalué. Ainsi la grève SNCF du 2 juin, certes significative, n’a pas
été qualitativement différente de tant d’autres « journées
d’action ». Ainsi à la Poste, alors même que le GIPN, unité d’élite de la
gendarmerie, intervenait contre les grévistes du centre de tri de Bègles, le
week-end du référendum, les réactions dans les autres centres de tri étaient
limitées et brèves.
Pour autant, et en particulier
tant que la situation créée par le « non à Chirac » du 29 mai n’est
pas refermée, il faut faire fond sur la spontanéité des masses, et la nourrir
autant que possible en intervenant sur l’orientation présentée ci-dessus et que
la déclaration du Cercle résume.
Et sur cette orientation, pour
cette politique, il faut se regrouper, pour contribuer ainsi à la construction
du parti ouvrier révolutionnaire dont les travailleurs et la jeunesse de ce
pays ont un pressant besoin.
Le 5 juin 2005
Additif : Après le
discours de politique générale de Villepin du 8 juin
Le majordome de Chirac a confirmé
le caractère de son gouvernement : gouvernement de crise, gouvernement de
combat. Il entend ainsi multiplier les cadeaux au patronat, les contrats
précaires, pressurer les chômeurs et, en commençant par les petites
entreprises, multiplier les entorses au droit du travail, avec comme mesure
phare la création d’un contrat de travail à période d’essai … de deux ans. Il
entend procéder par ordonnances, après « concertation approfondie avec les
partenaire sociaux », et faire voter le parlement d’ici la fin du mois.
Les exigences de la déclaration du Cercle qui
ouvre ce CPS doivent s’imposer aux dirigeants confédéraux : aucune
discussion avec le gouvernement sous couvert de « l’emploi », et, le
cas échéant, manifestation centrale à l’Assemblée contre le vote du projet de
loi autorisant le recours aux ordonnances.