Irak: victoire écrasante de l'impérialisme américain
"L'essentiel
des combats est terminé en Irak (et) les Etats-Unis et (leurs) alliés l'ont
emporté". C’est ce qu’a déclaré Bush, le 1er mai, dans une
mise en scène très martiale, devant plusieurs milliers
de militaires sur le pont du porte-avions Abraham Lincoln, au large de la
Californie. A aucun moment, il n’a indiqué que la guerre est finie. En
fait, on peut convenir que “l’essentiel des combats” (opération Choc et
stupeur) engagés par l’armée américaine, secondée par l’armée britannique -
et aussi 2 000 Australiens, 400 Polonais… - le 19 mars, était terminé le 9
avril quand des soldats US ont déboulonné la statue de Saddam Hussein à Bagdad,
la recouvrant du drapeau US (avant de le retirer) devant 100 Irakiens et autant
de journalistes (600 journalistes ont été incorporés dans les troupes
américaines).
L’extraordinaire puissance
militaire américaine.
Quelques
heures après le début de l’agression ouverte, le secrétaire à la Défense D.
Rumsfeld prévenait :
"
Ce qui va suivre ne ressemble à aucun conflit. Ce sera le recours à la force
d’une ampleur et d’une échelle au-delà de tout ce qu’on a vu dans le
passé".
Les
actes ont suivi. Quelques indications: Les bombardements sur l’Irak auront été
plus intenses les 3 premières semaines, en 2003, qu’en 5 semaines, en 1991,
avec 30 000 sorties aériennes. Les avions de la coalition sont restés en
patrouille permanente, jour et nuit, au-dessus de leurs objectifs, à commencer
par les villes. Le Monde a cité “le cas le plus spectaculaire”,
celui d’un bombardier supersonique B-1, “en hippodrome au-dessus de
Bagdad, qui a largué, le 7 avril, ses 4 bombes Gbu-31 d’une tonne 12 mn après
que les coordonnées de sa cible (Saddam Hussein ou un proche) sont
parvenues à son équipage.” Un officier supérieur rapportera, à propos d’une
division défendant Bagdad qu’elle est tombée “dans un hachoir à viande”.
De nouvelles armes ont été testées (missiles Hellfire “thermobariques”…)
Il
faut, en outre, tenir compte que depuis plus de 10 ans, dans un pays que
l’impérialisme avait voulu “renvoyer à l’âge pré-industriel”, le système de
défense irakien avait largement été détruit par les bombardements
anglo-américains permanents au nord et au sud (“zones d’exclusion aérienne”)
En
fait, l’armée irakienne a été liquéfiée. 30 000 militaires irakiens tués, au
bout de 3 semaines, selon la presse. Ce pays de 23 millions d’habitants, dont
la quasi-totalité des gouvernements déclarait qu’il fallait le désarmer, aura
été conquis en quelques semaines, au prix de 152 morts chez les agresseurs,
dont plus de la moitié par des “tirs amis” (sic!) ou accidents dans une
armée de plus de 300 000 hommes. Chez ceux qui l’avaient accusé – et continuent
- de disposer d’“armes de destruction massives”! On approche de la guerre à
“ zéro mort ” (chez l’agresseur).
“ Les Etats-Unis
voient s’évanouir le scénario de la guerre éclair ” ? (Le
Monde du 26/3)
Le
“Journal de référence” n’a pas été le seul à donner dans ces
hallucinations : Le Figaro (2/4/) a titré un article “ Cette
guerre s'enlise de façon assez étonnante ”. Et se souvient-on de cette
éventualité d’“ un autre Stalingrad ” (propos attribué au ministre
Tarek Aziz et propagé abondamment) ?
Le
premier objectif que s’était fixé la “ coalition ” était de prendre
la région de Bassora pour s’emparer des puits. Dès le 21 mars, la
quasi-totalité des puits étaient “ sécurisée ”, à la différence de ce
qui s’est passé en 1991. Le seul port en eaux profondes était pris par la
coalition au bout de 5 jours.
Au
nord, les agresseurs n’ont pas rencontré plus d’opposition. Malgré le vote
défavorable du Parlement turc de ne pas permettre le passage des 60 000 soldats
US, mais avec l’autorisation de survol du territoire.
Les
bombardements et les milices kurdes ont suffi à briser toute résistance de
l’armée irakienne. Et quand, pour parer à toute tentative kurde de s’installer
dans les “ no man’s lands ” et y prendre position (pour contrôler
d’abord les puits de pétrole de Kirkouk), l’armée turque a annoncé qu’elle y
envoyait ses troupes d’élite (c’est pour cela qu’elle
n’avait pas voulu y voir s’installer les 60 000 GI), D. Rumsfeld n’eut qu’à lui
envoyer une mise en garde (“ Nous avons des forces spéciales liées aux
forces kurdes dans la région ! ”) et ensuite, quand il fallut le
faire, siffler la fin de partie pour les milices kurdes. No
problem !
La superpuissance fait main
basse sur les deuxièmes réserves pétrolières du monde
Le
1er mai, Bush a repris le discours sur le “rétablissement de la
démocratie”, mais en le renvoyant aux calendes grecques (“La transition
d'une dictature à une démocratie prendra du temps”), les “armes de
destruction massive”:
“ Nous
avons commencé à rechercher des armes chimiques et biologiques et nous avons
déjà connaissance de centaines de sites qui seront examinés. (…) La libération de l'Irak est une avancée décisive dans la
campagne contre le terrorisme… ”.
Deux mois auparavant, Bush, dans son “ Discours à la
Nation ” puis Powell devant l’Onu, déclaraient qu’ils apportaient la
preuve de l’existence de ces “armes de destruction massive”. C’est le triptyque
habituel – “terrorisme”, “armes de destruction massive”, “démocratie” que
l’impérialisme américain utilise pour intervenir où et quand il le veut. C’est
une domination coloniale, en bonne et due forme, qu’il a décidé d’installer en
Irak (“ Notre
coalition restera jusqu'à ce que notre travail soit accompli, mais cela vaut
tous les efforts ”).
Les
circonstances ont poussé Le Monde à exciper un discours datant de 1897
sur la colonisation et la législation coloniale, qui reste, pour
l’impérialisme, d’une totale actualité :
‘‘
La colonisation n’est pas une question d’intérêt mais une question de devoir.
Il faut coloniser parce qu’il y a une obligation morale pour les peuples, comme
pour les individus, d’employer les forces et les avantages qu’ils ont reçus de
la Providence pour le bien général de l’humanité. Il faut coloniser parce que
la colonisation est au nombre de ces devoirs qui incombent aux grandes nations
et auxquels elles ne sauraient se soustraire sans manquer sans manquer à leur
mission et sans encourir une véritable déchéance morale ’’…
Plus
trivialement : l’impérialisme américain a voulu d’abord rafler les
deuxièmes réserves mondiales de pétrole du monde. Quand le régime de Saddam
Hussein est tombé, 10 puits, seulement, sur 2 000, étaient en flamme. La
privatisation des puits - le pétrole a été nationalisé en 1972-1974 – est la
solution optimale pour les “ majors ” américains (et
britanniques ?) qui s’approprieraient une part croissante des revenus
pétroliers et de la rente pétrolière, jusqu’à l’éviction de Total et des
compagnies russes?L’agence qui a été désignée pour opérer en Irak a supervisé
les privatisations russes de 1994 à 1997 (et y fut impliquée dans de multiples
scandales).
Il
serait erroné d’imputer à la seule “ administration Bush ” cette
expédition coloniale. Le rôle des individus – plutôt gratinés, en l’occurrence
- n’est certainement pas négligeable. On sait que Bush cite Jésus comme son
philosophe favori. “ Vous obtiendrez plus avec un mot gentil et un
fusil qu’avec seulement un mot gentil ” : Rumsfeld aime, selon Le
Monde, s’inspirer de cet aphorisme, attribué à Al Capone. La presse a
abondamment montré les liens personnels extraordinairement serrés entre la
Maison-Blanche et les secteurs capitalistes directement intéressés à cette
affaire (pétrole, armement, …).
Bush
et son équipe sont donc les “ right men in the right place ”. Mais,
comme l’a montré l’attitude consensuelle du Sénat et de la Chambre des
représentants, cette politique de “ faucons ” est celle que demande
aujourd’hui et approuve le capitalisme américain. Cet échange à la télévision
entre Bush et Gore, candidat démocrate, sur la question dite du “ Nation
building ” au cours de la campagne électorale en octobre 2000, est
éloquent. Bush : “ Je ne suis pas si sûr que le rôle des
Etats-Unis soit de se promener de par le monde et de dire : C'est comme
cela que cela doit fonctionner ” et Al Gore de répliquer :
“ Que cela vous plaise ou non, les Etats-Unis sont le dirigeant naturel
du monde ! ”.
“ Remodeler la
région ”
Après
la guerre du Golfe, c’est une nouvelle étape que les Etats-Unis franchissent
dans une domination sans partage de la région, celle du contrôle direct sur
l’Irak. Dès le 14 avril, de façon tout à fait concertée, les plus hauts
dirigeants américains, le gouvernement anglais (suivis par Sharon) déclenchent
un tir groupé d’accusations contre la Syrie : détention d’“armes de
destruction massive”, “Etat voyou”, etc. Cette phraséologie a pour but d’annoncer
ou de proférer la menace de “ guerre préventive ”. La présidence US
s’en était publiquement expliquée :
“ Les
Etats-Unis sont depuis longtemps favorables à une réaction anticipée lorsqu’il
s’agit de répondre à une menace caractérisée visant la sécurité nationale (…)
même si des doutes subsistent sur le moment et l’endroit de l’attaque ennemie.
(…) Pour empêcher ou prévenir que de tels actes ne soient perpétrés, les
Etats-Unis se réservent la possibilité, le cas échéant, d’agir par anticipation. ”
(document publié en septembre 2002).
Pour
l’instant, ils exigent que la Syrie de cesse de soutenir le Hezbollah chiite
libanais, qu'elle ferme les bureaux d'organisations radicales palestiniennes à
Damas, renvoie ses 20 000 soldats du Liban.
Quant
à l’Iran, leur objectif est d’en finir avec le régime des mollahs qui constitue
une limite à leur hégémonie sur la région. Jusqu’à présent, ils s’efforcent de
s’appuyer sur des partis “ réformateurs ” qui réclament que “ les
relations soient normalisées avec la communauté internationale. ” Ils
mettent le régime sous pression, le menaçant préventivement contre toute
tentation d’utiliser l’emprise d’une partie du clergé sur les populations
chiites du sud de l’Irak pour se mêler des affaires de ce pays. L’Iran est
pointé comme un “ sanctuaire du terrorisme ”. “ Evidemment,
j’ai peur ! ” confiait le vice-président du Majlis iranien :
“ Qui n’aurait pas peur d’une Amérique armée jusqu’aux dents et qui a
démontré en Irak son absence totale de respect pour la souveraineté des
Etats ? ”
Les
liens noués avec l’Arabie sont anciens. Le pacte (pétrole à bas prix contre
protection) conclu en février 1945, entre Roosevelt et Ibn Seoud, à bord du
croiseur Quincy est, sinon dissous, du moins remis en cause, depuis qu’il
apparaît que la “ présence ” militaire US depuis la guerre du Golfe
suscite une hostilité aiguë, jusqu’aux sommets de l’Etat.
En
moins d’un an et demi, et en 2 guerres éclair, l’impérialisme présente un
impressionnant bilan : occupation de l’Afghanistan, des bases militaires
dans les anciennes républiques d’Urss d’Asie centrale. Et maintenant le Proche
Orient ! Le secrétaire d’Etat, C. Powell l’a dit explicitement (le 6
février):
“ Il
est possible qu’un succès en Irak permette de remodeler fondamentalement cette
région d’une manière positive, qui fasse progresser les intérêts
américains… ”
L’annonce
faite par Bush que les Etats-Unis envisagent de créer, dans les 10 ans, une
zone de libre échange en dit long sur le contrôle total sur région qu’ils
ambitionnent – rogner, par exemple, le petit créneau de libertés dont disposent
les pays producteurs, dans le cadre de l’Opep - et sur leur optimisme.
Main
basse sur l’“ huile ” et, ensuite, le contrôle des routes des
pipelines entre la Méditerranée, la mer Caspienne et l'océan Indien. C’est
cette zone que les experts qualifient d’“ l'ellipse stratégique de
l'énergie ”, dont la maîtrise peut être une arme majeure contre les
bourgeoisies concurrentes. La voracité de l’impérialisme américain n’est pas
limitée à cette zone. Dernier exemple : le pétrole de l’Afrique, qui ne
l’était pas au moment de la campagne présidentielle, est officiellement “ devenu
(depuis) un intérêt stratégique pour les Etats-Unis ”.
Dans
ce dispositif, il n’y a pas plus qu’auparavant place pour un Kurdistan
indépendant. Bush fils a réaffirmé qu’il préserverait l’unité de l’Irak, ce que
Bush père avait fait en 1991, avec, comme prix le massacre des Kurdes et des
Chiites par l’armée de Saddam Hussein, quand, à l’invite de Bush, ils s’étaient
soulevés, en février-mars. La stabilité et l’unité de la Turquie lui sont
nécessaires. C’est pourquoi il a fait preuve d’indulgence vis-à-vis du
gouvernement turc qui, disposant d’une écrasante majorité au parlement, n’a pas
fait voter l’autorisation de passage qu’il lui demandait.
L’Irak, protectorat
américain : l’Onu avalise
Les
Etats-Unis, suivis par le gouvernement Blair, se préparent à constituer une
“ force de stabilisation ” avec une quinzaine de pays pour contrôler
le pays, qui serait divisé en 3 ou 4 zones. Une zone serait placée sous le
commandement de la Pologne. Quelle que soit l’“ aide ” apportée par
ces “ supplétifs ” (réduction du nombre de soldats US…), c’est bien
d’un protectorat américain dont il s’agit (même si l’Angleterre bataille pour
obtenir les plus grosses miettes possibles).
Présentée
par les deux pays plus l’Espagne, la résolution 1483 “enregistre” l’occupation
de l’Irak. Elle approuve la mainmise totale, militaire et économique, du pays
par les Etats-Unis. Elle leur reconnaît les pleins pouvoirs pour gérer les
puits de pétrole et les ressources qui en sont tirées. On ne peut que noter une
nouvelle fois le cynisme de la “caverne de brigands” qui présente d’abord son
vote comme la levée immédiate de 13 ans de sanctions contre l’Irak, puisque,
raflant la mise, les Etats-Unis mettent fin de facto à l’embargo et au
programme “ pétrole contre nourriture ” !
Le
pouvoir est assuré par l’ “Autorité” (les “forces de coalition”), c’est-à-dire
les Etats-Unis … jusqu’à la mise en place d’un gouvernement irakien
“ représentatif, reconnu par la Communauté internationale ”. Les
élections sont prévues, au minimum, dans 2 ans. C’est bien l’impérialisme
américain qui dirige ce “ processus ” et décidera quand il aura
abouti.
Les juteux marchés de la
“ reconstruction ”
La
guerre a créé un véritable eldorado. Cela était planifié, comme l’illustre la
révélation du fait que les premiers contrats ont été conclus avant même que les
opérations de destruction massive aient commencé ! Attribués à des proches
de la Maison-Blanche, “de gré à gré”, c’est-à-dire dans le mépris complet des
règles élémentaires de la libre concurrence qu’on présente comme
“consubstantielles” à la démocratie ! Halliburton, dont une filiale a
obtenu le principal contrat d’extinction des incendies des puits de pétrole, la
gestion des installations et la vente de la production, était dirigée, jusqu’en
2000, par D. Cheney, le vice-président actuel.
“ Les
liens du géant de la construction Bechtel et de la Maison-Blanche sont
tellement connus que des manifestants antiguerre s'étaient déjà installés
devant les bâtiments de Bechtel à San Francisco, dénonçant, selon un
organisateur, cette ‘‘ deuxième invasion de l'Irak, celle des grandes
entreprises américaines ” (Le Figaro - 19/4/2003).
Le
secrétaire à la Défense, D. Rumsfeld, connaît bien Bagdad pour s’y être rendu
en 1983 et 1984, sur l'ordre du ministre des Affaires étrangères, G. Shultz,
auparavant … président de la Bechtel Corporation. Sa mission (secrète): gagner
le soutien de Saddam pour la construction d'un pipeline devant partir d'Irak
pour arriver au golfe d'Aqaba via la Jordanie. Pendant ces années,
“ les
Etats-Unis ont activement soutenu l’effort de guerre irakien. Ils ont apporté
des crédits, des renseignements, des conseils militaires et suivi étroitement l’approvisionnement
en armes par des pays tiers afin de s’assurer que Bagdad dispose de
l’équipement nécessaire pour ne pas perdre la guerre ” (témoignage
devant un juge d’un ancien adjoint du président Reagan), “ toute défaite majeure
de l’Irak (étant) aussi une défaite stratégique pour l’Occident ”.
La
France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont pratiqué la même politique. C’est
cette même Bechtel, qui équipa l'industrie chimique “à double usage” de Saddam,
qui se voit aujourd'hui attribuer un gros contrat de 600 millions de dollars
pour la reconstruction des infrastructures irakiennes. Les firmes américaines
sont assurées de se tailler la part du lion dans les “ aides
humanitaires ” et les travaux d’urgence, la reconstruction de tout ce que
les agresseurs ont méthodiquement et consciencieusement détruit, les contrats
de réhabilitation des puits de pétrole. Tous ces marchés pourront être réglés
grâce au pétrole. Et les choix initiaux détermineront largement ceux de demain.
Tragédie pour les masses
irakiennes.
Après
une guerre de 5 ans contre l’Iran, l’agression impérialiste de 1991, 12 ans
d’embargo assassin – un million de morts - les bombardements, des années
d’oppression que l’impérialisme a décidé de faire durer en préservant Saddam
Hussein, et des mois dans l’attente terrorisée de la guerre annoncée, les
masses ont subi le pilonnage déjà évoqué. “ …A 1 km de l'impact, le
souffle des bombes équivaut à une terrible gifle. A 500 m, on s'envole. A moins
de 100 m, tout devient inutile… ” (Le Monde – 23/3) Un officier
britannique parle de “ carnage ” pour évoquer certaines frappes
aériennes. Puis les pillages, jusqu’aux hôpitaux ravagés par des hordes, dont
ont témoigné les correspondants : “ presque facilités par les
Anglais ” dans les villes du sud. Des correspondants du Monde ont
décrit la complicité d’officiers américains à Bagdad. 30 des 31 ministères ont
été pillés et brûlés. Le seul protégé : le ministère du pétrole.
Un
photographe, vieil habitué des guerres témoigne : “ J’ai vu des
marines américains tuer des civils ” (Le Monde – 13&14/4).
Les occupants ont la gâchette facile. A Mossoul, 14
Irakiens morts fauchés par les balles US, 30 blessés. A Falluja, 13
tués, 50 blessés. La population assure que les soldats ont délibérément tiré
sur une manifestation pacifique…
Pour
la population, le minimum manque : l’électricité, l’eau… C’est un pays
paralysé, où les salaires ne rentrent plus pour la majorité. La monnaie n’est
plus reconnue. L’inflation a bondi… Le choléra a menacé.
Seule alternative politique
au néant : les imams chiites...
Le
clergé chiite est le seul qui, dans l’après-guerre, apporte un minimum d’ordre
et de tranquillité, comme dans l'ancienne Saddam City, une banlieue habitée par
2 millions de chiites venus du sud de l'Irak. Les mosquées sont les lieux où
s’exprime l’hostilité à l’occupation. C’est la première grande prière dans les
mosquées qui fournit, dès le 18 avril, l’occasion du premier rassemblement
massif contre les troupes de la coalition. Des dizaines de milliers de
manifestants, brandissant avec ferveur des
exemplaires du Coran et des tapis de prière, demandent le départ des
troupes et l’instauration d’un État islamique. Les
imams revendiquent ouvertement le pouvoir :
“ Nous souhaitons un régime démocratique, avec un Parlement élu par le
peuple et nous voulons que l'islam soit la religion de l'Etat car nous pensons
qu'il n'est pas possible de séparer le religieux du politique. ” (un imam
cité par l’Afp, le 17/4)
A
Kerbala, si des centaines de milliers de “ fidèles ” célèbrent,
certains par l’autoflagellation, les 22 et 23, certes, le martyr de Hussein,
petit-fils de Mahomet - ce qui était interdit par S. Hussein –, le pèlerinage
est, plus que jamais, en la circonstance, une manifestation politique,
explicitement antiaméricaine.
…ou les officines
pro-impérialistes ?
2
organisations (Pdk et Upk, issues d’une scission) se réclament des Kurdes.
Elles se sont rapprochées pour gouverner la zone autonome fraîchement
constituée en 1992 et se sont ensuite opposées (le Pdk fera appel à l’armée
irakienne en 1996 contre l’Upk). Surtout, toutes 2 ont renoncé à revendiquer
l’indépendance du Kurdistan.
En
1992, la Cia a suscité le rassemblement des opposants à Saddam Hussein. Avec le
départ du Pci et des organisations chiites, le Congrès national irakien peut
être qualifié, comme l’a été son dirigeant, A. Chalabi, le “ candidat
idéal pour représenter, une opposition irakienne instrumentalisée par
Washington ”. Le look de ce Chalabi vaut profession de foi :
banquier, condamné par contumace à 22 ans de prison – considéré comme agent de
la Cia ou d’autres services US. Autres composantes : des monarchistes, des
anciens généraux… On n’écarte pas le “ recyclage ” d'un certain
nombre d’anciens dirigeants du Baas, des officiers de police locaux.
Quant au Parti Communiste Irakien, sa direction se
défend de “ former un gouvernement communiste ” (il a
participé au pouvoir de 1973 à 1978) et “ appelle tous les partis
irakiens sans exception à s'entendre pour établir collectivement et
démocratiquement un gouvernement de transition qui aura la tâche de stabiliser
le pays et de liquider ce qui reste des structures de la dictature. C'est un
processus qui doit avoir lieu sous le contrôle de l'Onu et non des Etats-Unis. ”
“ On veut un gouvernement qui rassemble tous les partis et des
élections avant 2 ans ”.
Plus d’épreuves pour les
masses palestiniennes
Israël
exulte. Au fur et à mesure de la préparation
de l’agression impérialiste contre l’Irak, les violences de l’armée israélienne
se sont multipliées, alors que l'état-major,
enthousiaste, qualifiait 2003 d’“année la plus importante pour Israël depuis
1948 ”. “ Nuits d’épouvante ”, incursion de colonnes
de chars et d’avions de chasse, destruction systématique d’habitations,
d’infrastructures et de misérables moyens de production, assassinats
“ ciblés ” ou non. L’entrée en guerre a renforcé les agressions
contre les Palestiniens et elles n’ont pas reflué, depuis.
La
conquête de l’Irak, les menaces contre la Syrie et autres jouent
automatiquement dans le sens de l’isolement des Palestiniens. L’impérialisme
américain a accentué sa pression directe, prononçant des lourdes mises en
demeure à propos de “ terrorisme ”. Arafat a fini par céder à leur
injonction de nommer un premier ministre, A. Mazen qui passe pour plus soumis à
l’impérialisme. Bush a indiqué sa mission, lors d’un discours prononcé à la
Maison Blanche, le 14 mars : “ Immédiatement après son entrée en
fonctions, la feuille de route pour la paix sera remise aux Palestiniens et aux
Israéliens ”. Auparavant, il a fixé le cadre de cette “ feuille
de route, élaboré par les Etats-Unis, en coopération étroite avec la Russie,
l’Union européenne et l’Onu ” :
“ L’Etat
palestinien doit être un Etat réformé, pacifique, démocratique, et doit
abandonner pour toujours le recours au terrorisme. Le gouvernement d’Israël,
dès que la menace terroriste sera écartée et que la sécurité s’améliorera, doit
prendre des mesures concrètes pour appuyer l’avènement d’un Etat palestinien
viable et crédible (…). A mesure que l’on progressera vers la paix, les
activités de colonisation dans les territoires occupés devront cesser… ”
En bref, le premier ministre a pour tâche centrale, sous couvert d’écarter
“ la menace terroriste ”, de réprimer et étouffer toute manifestation
de résistance et de combat des masses palestiniennes contre l’Etat spoliateur
et oppresseur.
Devant
Powell, venu lui demander d’adopter la “ feuille de route ”, Sharon
s’est moqué de l’exigence pour Israël, d’abandonner et même de geler les
“ colonies ” :
“ Le
fleuron de notre jeunesse vit dans ces communautés juives. (…) Elle s’y marie
et ne pourrait pas construire de maisons et avoir des enfants. Que voulez-vous,
que les femmes enceintes se fassent avorter uniquement parce qu’elles habitent
des colonies ? ”
Les ministres dits d’extrême
droite disent publiquement que s’il doit y avoir un Etat palestinien, il doit
se trouver en Jordanie.
Alors
que les conditions économiques d’existence n’en finissent pas de s’aggraver
(chômage, pauvreté, malnutrition…), la perspective de libération nationale
s’estompe toujours plus pour le peuple martyr de l’impéralisme.
Si
les régimes au Moyen-Orient n’ont pas pratiqué, et de loin, le même soutien,
ouvert, à la guerre impérialiste, constaté en 1991, ce n’est pas la
mobilisation des masses de la région qui en est la raison. Pour ce qui a été
informé par les media : en Egypte, 100 000 manifestants, dans un stade,
fin février, dans un pays sous contrôle policière et militaire (état
d’urgence). A Damas, des centaines de milliers de manifestants contre
l’intervention militaire, mais, contrairement à l’Egypte, le régime ne pouvait
que s’en féliciter; c’est le seul gouvernement à se prononcer pour l’échec de
l’intervention impérialiste; mais sans se ranger du côté de l’Irak sur le plan
militaire.
Les
masses des autres pays de la région ont été sonnées. En Egypte, pays dont le
maintien de l’“ordre” est une priorité pour les Etats-Unis (qui lui attribue
l’aide publique la plus massive après Israël et avant la Colombie), on
constate, ainsi, que le pouvoir a renforcé sa poigne sur les mouvements
d’opposition.
Une victoire indirecte sur
les impérialismes de 2ème rang – l’Allemagne – et de 3ème
ordre - France
L’opposition
constituée par la France et l’Allemagne, ainsi que de l’allié du moment, la
Russie, notamment ont amené Bush à s’affranchir de l’accord de l’Onu. De toutes
façons, le calendrier prévu devait prévaloir. L’impérialisme français,
disposant du droit de veto, a refusé de céder. Le 10 mars, Chirac déclare sur
les media :
“ Quelles
que soient les circonstances, la France votera ‘non’, parce qu’elle considère
ce soir qu’il n’y a pas lieu de faire une guerre pour atteindre l’objectif que
nous nous sommes fixé, c’est-à-dire le désarmement de l’Irak… ”
Il
a cherché à utiliser les positions qu’il conserve surtout en Afrique et, tout
compte fait, a réussi à se ménager l’appui de la “ Françafrique ”. En
aucune façon, cette opposition ne peut s’apparenter à une défense de l’Irak. La
résolution 1441 à laquelle chacun se réfère, votée à l’unanimité en novembre 2002,
déclare que “ l’Irak a été et demeure en violation patente de ses
obligations en vertu des résolutions pertinentes ” et que “ le
Conseil de sécurité a averti l’Irak des graves conséquences auxquelles celui-ci
aurait à faire face s’il continuait à manquer à ses obligations ”.
C’est
Schröder qui, le 1er a affirmé, dès l’été 2002, son refus d’appuyer
la guerre contre l’Irak. En présentant sa politique au Bundestag – le 13
février – il a pris soin de rappeler comment il assumait son rôle de puissance
impérialiste:
“ 10
000 de nos soldats sont actuellement en opération sur des fronts extérieurs,
dans les Balkans, en Afghanistan et dans le cadre de l’opération Enduring
Freedom pour garantir la sécurité et la liberté. [Le contingent allemand
constitue le 2ème en importance derrière les Etats-Unis] Peu de
membres de l’Otan en font autant que nous… ”
Depuis
sa constitution, le gouvernement Schröder a pris en charge l’exigence de la
bourgeoisie allemande d’assumer un rôle croissant comme puissance impérialiste.
Tant la guerre contre la Serbie (l’Allemagne participe à une guerre pour la 1ère
fois depuis 1945) que celle menée contre l’Afghanistan ne l’ont pas mises en
opposition avec le gouvernement américain. Il avait, même, reçu l’honneur
d’organiser, à Bonn, la conférence internationale sur l’Afghanistan. De fait,
aux dépens de la France. C’est sur la question de l’Irak que cette politique de
l’“ émancipation ” se cristallise. Il n’y a plus convergence;
l’impérialisme allemand est alors mis au défi. “ L'Allemagne est-elle
en train de virer au gaullisme ? ”. La question est posée dans Les
Echos (“ L'Allemagne n'est plus américaine ” - 26/3). On
comprend que ce “ tournant ” soit entrepris avec hésitation. Le Spd
n’est pas unanime. Le président Spd de la commission des affaires étrangères du
Bundestag a ainsi sévèrement critiqué Schröder. Et inversement, pour avoir trop
soutenu Bush, la présidente de la Csu s’est vu mise en garde par une partie de
la direction. Mais comme on le dit dans les sommets de ce parti, on n’aurait
pas agi différemment, sinon dans la forme.
“ La France
peut-elle maintenir sa présence économique au Moyen-Orient ? ”
(Le Monde – 12&13/5)
La
première facture que les Etats-Unis présentent à l’Allemagne et la France, en
règlement de leur victoire totale en Irak, porte sur le Moyen-Orient. La
France, que l’après-guerre du Golfe avait expulsée sur la plan politique, avait
su conserver certaines positions sur le plan économique en Irak, à la fin des
années 90 (la situation s’était, depuis, à nouveau dégradée). L’exemple du
Qatar donne la mesure des menaces. Total, qui y est présent depuis 1930,
redoute la concurrence d’ExxonMobil pour l’exploitation des 3èmes réserves
mondiales de gaz, selon le Monde. Airbus doit se défendre pour conserver sa
position de fournisseur exclusif.
Marginalisée,
la France n’en continue pas moins de jouer un rôle réactionnaire en se faisant
l’avocat de la “ feuille de route ” auprès des Palestiniens, comme
elle soutient publiquement les mises en demeure des Américains contre la Syrie;
Villepin s’est aussi distingué en déclarant que l’occupation d’une partie du
plateau du Golan par Israël n’est qu’un “ prétexte ” utilisé par
le Liban pour refuser de faire la paix avec ce pays !
L’Allemagne
a tenté d’utiliser sa place de principal contributeur de l’Union européenne
pour jouer un certain rôle, autre que financier – dans les limites fixées par
le gouvernement américain - dans la question palestinienne. L’épisode suivant
donne la mesure de son autorité, auprès d’Israël – indirectement de son
parrain, les Etats-Unis. Alors que J. Fischer est en mission dans la région
“ pour discuter des perspectives de paix avec les Israéliens et les
Palestiniens ”, en guise d’accueil, les Israéliens lancent un raid
aérien particulièrement meurtrier à Gaza (7 morts, 47 blessés).
Les impérialismes allemands
et français attaqués “ à domicile ”.
A
l’occasion du 40ème anniversaire du traité de l'Élysée, J. Chirac
expliquait, dans Le Figaro du 20/1/2003 :
“ L'entente
franco-allemande s'est manifestée depuis la création de l'Europe et, chaque
fois qu'il a été nécessaire, à partir d'une constatation simple : lorsque
l'Allemagne et la France s'entendent, l'Europe progresse, lorsqu'elles ne
s'entendent pas, l'Europe s'arrête. C'est une constatation. Ce n'est pas
l'affirmation d'une volonté hégémonique. Nous arrivons à une échéance
importante… ”
Quelques
jours plus tard, Rumsfeld se permettait de déclarer : “Il me semble que c'est une
erreur de penser que, parce qu'un ou 2 pays sont contre, cela représente l'ensemble
de l'Europe.”.
Avec l’arrogance qui est la marque et le privilège de Washington, mais sans
forfanterie. Par la presse (pas moins), 5 membres de l’Union (sic !)
européenne + 3 candidats à l’Union (resic !) venaient d’affirmer leur
alignement sur les Etats-Unis. Puis, 10 pays candidats (“du pacte de
Varsovie ”, blague américaine), eux aussi, vont se déclarer “prêts à
participer à une coalition internationale pour mettre en œuvre ses
recommandations et le désarment de l’Irak”. Terrible
coup de boutoir contre le leadership franco-allemand !
On
prête à la conseillère de Bush la formule : “ Pardonner la Russie,
ignorer l’Allemagne et punir la France ”. Dans le leadership
franco-allemand, le “ maillon faible ” est la France. Le seul
véritable concurrent à la domination américaine sur l’Europe est l’Allemagne.
Les temps difficiles expliquent qu’ait été ressoudé, pour l’heure, un
“ partenariat ” souvent mis à mal depuis les bouleversements des
années 90 et 91, jusqu’à éclater sur la question yougoslave.
Pour
la 1ère fois, l’Espagne et l’Italie remettent en cause ce
leadership, en “ volant au secours de la victoire ”, dans le sillage
des Etats-Unis et renforcent la position traditionnelle de la Grande-Bretagne.
A
un an de l’élargissement de l’Union européenne, les rapports entre les Etats
ont brusquement durci. Et le projet de “ Constitution européenne ”
élaboré par la Convention dirigée par Giscard d‘Estaing et qu’il doit remettre
au sommet des 15, à Thessalonique, le 20 juin, en porte la marque comme l’explique
Les Echos (30/4) :
“ ...Avant
que n'éclate la guerre d'Irak, le sentiment qui prévalait était celui que les
thèses fédéralistes allaient marquer des points tant le spectacle de
pusillanimité donné par le sommet de Nice - qui avait fixé le mandat de la Convention
- paraissait accablant. Or l'avant-projet que V. Giscard d'Estaing vient de
rendre public ne va nullement en ce sens. Il n'accorde aucun pouvoir
supplémentaire aux instances par nature fédérales que sont le Parlement et la
Commission, tandis qu'il renforce celui du Conseil des chefs d'Etat ainsi que
celui des conseils des ministres sectoriels. Pourquoi un tel changement
d'orientation ? La crise irakienne est à l'évidence passée par là…. ”
Les
orages s’accumulent sur l’UE, déjà confrontée – dans la zone euro – par le
respect du Pacte de stabilité et la récession qui réapparaît – qui exigent des
attaques fracassantes contre la classe ouvrière - menacée par la façon dont
sera réglée la question de la Pac : aux dépens de qui ? Plus que
jamais, l’UE apparaît pour n’être que l’Europe des capitalismes. Pour autant,
tous sont attachés à la survie de l’UE. Dans le capitalisme anglais, on n’a pas
cessé de revendiquer l’entrée dans la zone euro.
Un
journal turc, Cumhuryet du 25/3, a rapporté, sans avoir été démenti,
cette répartie de Bush lors d’une rencontre avec un ministre turc: “Y a-t-il
une Union européenne ? Je l’ai cassée en 3!”. La logique veut pourtant
que le capital US n’entend pas liquider l’Union européenne, mais cherche à en
assurer la domination. Si les Etats-Unis bénéficient d’alliés avec les pays de
l’est, leur appui ne remet pas en question la domination allemande, sauf,
peut-être en Pologne.
“ Trop d’Europes ”
(Les Echos)
Le
“ quotidien des affaires ” (15/5) s’est plu à énumérer les diverses combinaisons
possibles d’Europe : de l’“ Europe ” initiale à 6 à celle des
25, en cours de constitution, mais aussi à 12 (zone euro), des 15 … et
peut-être à 26 (incluant la Turquie, selon les Etats-Unis). Mais aussi à 2 -
Allemagne et France - ou dans une version améliorée, à 4, avec l’appui de la
Belgique et le Luxembourg.
Cette
“ Europe ” a tenu un sommet sur la défense, le 29 avril, et n’a pu
que réclamer la création d'“ une agence européenne de l'armement ” et
d'“ un collège européen de défense ”, ainsi que le
"développement d'une capacité européenne de réaction rapide", dont le
noyau est réduit à. l'actuelle brigade franco-allemande. Vraiment pas
grand-chose. D’ailleurs, le ministre du Luxembourg a eu ce cri du cœur :
“ Ce n’est pas un putsch ! ”
10
jours plus tard, Schröder et Chirac rencontrent le président de la Pologne,
chef de file des 10 pays “ pas très bien élevés et un peu inconscients des dangers que
comporte un trop rapide alignement sur la position américaine ” (Chirac, le 18 février).
Rassuré, il explique : “ Le président français et le chancelier Schröder m'ont
assuré que cette initiative n'était nullement dirigée contre l'Alliance ” (Otan).
La “nouvelle Europe”
2
jours après avoir signé, le 16 avril, son intégration à l’Union européenne en
2004, la Pologne passait commande de 48 avions de combat (3,8 milliards de
dollars) non pas à un des 2 constructeurs européens en lice, mais à Lockheed
Martin (Usa). Auparavant, l’ambassadeur des Etats-Unis à Varsovie avait
déclaré : “ Cela représente bien plus qu’un avion, c’est un choix
fondamental pour nos relations militaires, politiques, stratégiques. ’’
La
Pologne, cheval de Troie des Etats-Unis en Europe ? Le gouvernement a
répondu :
“ L'analogie
du cheval de Troie tendrait à faire croire que nous dissimulons quelque chose,
ce qui est faux. Nos véritables intentions ne sont pas cachées à l'intérieur du
cheval de Troie mais au contraire sont bien en selle ”.
Ce
pays a été, en effet, choisi par les Etats-Unis pour “ administrer ”
une des 3 ou 4 zones d’occupation de l’Irak. Grisé par cette promotion,
inimaginable naguère, le gouvernement s’est mis à la tâche, invitant à son
tour, le gouvernement allemand à le rejoindre !
“Le
droit aura toujours besoin de l'épée : cela tient à l'essence de l'être humain.
Et tout ordre politique international a besoin d'ordre ”. W. Schäuble,
vice-président du groupe Cdu-Csu au Bundestag (qui s’exprime dans le Figaro
sous le titre “ On n'unira pas l'Europe contre l'Amérique ”) se fait
le porte-parole d’une fraction de la bourgeoise allemande. L’ancien ministre de
Kohl doit constater que
“Nous
continuons de dépendre du partenariat atlantique. (…) Mon conseil pressant est
d'en rester au principe selon lequel l'unification européenne et le partenariat
atlantique sont inséparables.”
La
réalité est bien celle d’une écrasante supériorité militaire américaine, par
rapport à n’importe quel pays ou n’importe quelle alliance imaginable.
Pourtant, pour l’Allemagne, après la France, le tournant est pris. G.Schröder a
expliqué que l'Allemagne doit pouvoir ‘‘compter sur ses propres forces’’,
augmenter les dépenses militaires. Au Japon , aligné sur les Etats-Unis – qui a
changé sa Constitution pour s’autoriser des interventions militaires – le même
discours se fait entendre.
La France essaie de
s’accrocher… et s’aligne sur l’impérialisme américain
La
page doit être tournée. Le principe de “ réalité ” permet de jeter
aux orties les grandes déclarations sur la guerre “ toujours la pire de
solutions ”, etc. Devant les instances des 15, le 14 avril,
Villepin est chargé de présenter la nouvelle politique diplomatique :
“ (Il faut) une action collective et pragmatique avec des solutions
concrètes. Partons de la réalité des problèmes de l’Irak et voyons ce que
chacun peut apporter à ce processus (de la reconstruction). Il est
inutile de revenir sur ce qui nous a divisés. Nous avons besoin d’une
communauté internationale unie. (…) La France apportera tout son appui à
cette reconstruction de l’Irak… ” Déjà, Chirac avait exprimé “ son
souhait ” auprès de Blair “ que les opérations militaires
puissent se terminer le plus rapidement possible… ”. Il avait
d’ailleurs autorisé les vols américains au-dessus de la France (“ Nous
n’allons pas leur refuser le minimum de solidarité entre alliés ! ”).
Il “ se réjouit de la chute de la dictature. ”
Pour
conserver un certain “ rang ”, il faut que soient préservées l’Onu
dans son rôle et son organisation actuelle, la place de la France comme membre
permanent au Conseil de sécurité. C’est la “ théorie ” du monde multipolaire
de Chirac. Mais Blair a mis les points sur les i. La veille de la réunion des
4, il déclarait, cinglant, à la presse : “ (Le pire serait) de
s’opposer à l’Amérique. (…) Les gens qui craignent l’unilatéralisme de
l’Amérique devraient réaliser que le moyen le plus rapide de le provoquer est
de constituer un pôle de pouvoir rival… ”
“ Retour aux
réalités ” pour le "camp des perdants"
Le
“ front du refus (Allemagne, France et Russie) a totalement fondu le 22
mai quand il a fallu passer au vote de la résolution sur l’Irak. Pas la moindre
concession n’a été accordée par le vainqueur ! Quelques modifications de
forme. Ainsi, si l’Onu n’a plus, comme dans le texte déposé le 9 mai, à
“ endosser ” l’occupation pour un an automatiquement renouvelable,
elle “ examinera l’application de la résolution tous les 12 mois ” !
Le
gouvernement a rechigné “ face à la demande anglo-américaine de pouvoirs
exceptionnels ” en Irak, à laisser “ échapper l’autorité
d’occupation à toute responsabilité juridique liée à l’exploitation pétrolière.
Ceci pourrait poser problème… ”, comme l’explique Villepin (Le Monde -
13/5), sans pouvoir dissimuler l’impuissance de l’impérialisme français :
“Une
formule de reconduction automatique (des pleins pouvoirs aux occupants), comme
prévue au bout d’un an dans le projet, n’est sans doute pas la plus adaptée.
(…) Dans un pays qui a les deuxièmes réserves pétrolières du monde, on ne peut
laisser place à la suspicion… ”
10
jours plus tard, cette résolution a été votée à l’unanimité par le Conseil de
sécurité. Un des 15 membres n’a pas participé à la réunion, la Syrie, qui a
pris soin de faire savoir qu’il ne s’agit pas de boycott, mais “ par
manque de temps ” pour étudier la dernière version du texte (sic !).
La
“ Une ” du Monde Diplomatique d’avril 2003 mérite d’être
rappelé, qui portait en titres majeurs : “ Illégale agression ”
et “ Seuls contre tous ”.
La
résolution prévoit que toutes les ressources pétrolières ne peuvent faire
l'objet de poursuite en justice. Les Etats – cela vise particulièrement la
France, la Russie… - s’obligent ainsi à mettre leur législation en accord avec
cette disposition. Le journal Cumhuryet, déjà cité, prête à Bush cet autre
trait : “ Je me demande si l’Onu est indispensable au 21ème
siècle. Mes collaborateurs sont en train de réfléchir à la question. ”
En Europe, les classes
ouvrières et la jeunesse impuissantées au nom du “ pacifisme ”
Des
manifestations massives ont eu lieu en Europe occidentale et en Australie,
avant que l’invasion militaire ne soit déclenchée. Des manifestations record,
le 15 février, sur le plan numérique, en Grande-Bretagne, en Espagne et en
Italie, pays, dont les gouvernements ont participé militairement ou soutenu
l’agression. D’autres manifestations, mais moins imposantes, ont eu lieu, quand
les interventions militaires ont commencé. Il faut le constater : elles
n’ont pas eu la moindre influence sur la décision et le cours de la guerre.
Une
nouvelle fois, le pacifisme a sévi, dans la mesure où il a été dressé contre
l’objectif d’infliger une défaite à l’impérialisme. Parce qu’il est opposé à la
revendication des masses adressée aux organisations ouvrières de combattre et
vaincre le gouvernement bourgeois en place, le pacifisme ne peut que diffuser
le sentiment d’impuissance ou faciliter la diffusion du poison du chauvinisme,
dès que la guerre éclate.
Comme
l’a analysé Cps11, dans
les pays cités, les manifestations étaient dirigés de facto contre les
gouvernements en place. Le gouvernement Blair est resté en place; bien plus,
c’est le Labour qui a “ payé ” aux élections locales de début mai, au
profit des 2 grands partis bourgeois, les Conservateurs et les
Libéraux-démocrates recueillant à eux deux 64% des votes, contre 30% au Labour.
Le gouvernement d’Aznar n’a pas non plus été remis en cause, malgré les
millions de manifestants hostiles. Lui qui avouait à Blair n’être soutenu que
par 4% des Espagnols n’a que légèrement reculé lors des récentes élections
municipales et régionales ! Au nom de la démocratie, avec la couvertures
des dirigeants des organisations ouvrières, il a pu se prévaloir d’interdire
toute expression aux organisations se réclamant du droit du peuple basque à
l’indépendance. Quant à Berlusconi, il passe aujourd’hui à une nouvelle
offensive contre la classe ouvrière et son régime de retraite.
En France
C’est
peu dire que le pacifisme fait obstacle au rassemblement des masses laborieuses
contre les exploiteurs. Après le 5 mai 2002 et l’appel à voter pour élire
Chirac (au nom de l’“ antifascisme ”,…) lancé par le Ps, le Pcf, la
Lcr et la direction de la Cgt, une nouvelle couche a été apportée à l’union
sacrée autour de Chirac sur la question de l’Irak. C’est un appui politique au
gouvernement Chirac Raffarin engagé dans une offensive majeure contre le
prolétariat, analysée par ailleurs dans ce Cps. Ce soutien n’a même pas cessé
avec la victoire américaine, de la part du Ps et du Pcf. On a vu J-L.
Mélenchon, dirigeant du courant Nouveau Monde, conseiller, à J. Chirac de
“ tenir bon ” face aux pressions de son parti pour se rallier aux
Américains après leur victoire en Irak ! D’ailleurs, la seule opposition à
Chirac n’a-t-elle pas été affichée dans certains cercles de la bourgeoisie
(Madelin, Lellouche, et autres ultra prosionistes) ?
Ce
soutien global à la politique du gouvernement laisse par exemple les coudées
totalement franches dans l’intervention armée qu’il a intensifiée en Afrique
Noire - son “ pré carré ” - pour défendre ses positions impérialistes
en Côte d’Ivoire (cf. Cps11) et aussi
pour tenter de regagner de l’influence perdue en Afrique centrale;
l'impérialisme français se prépare, par exemple, à “ effectuer son
retour ” en République Démocratique du Congo, sur “ mandat ” de
l’Onu, à la tête d’une force internationale, “ pour imposer la paix ”.
Après la guerre impérialiste,
la “ pax americana ”
C’est
la même orientation qu’il faut continuer à défendre :
Pour
le retrait immédiat des troupes US et alliés d’Irak et du Moyen-Orient, A bas
les résolutions de l’Onu en particulier la 1483 !
La
question kurde comme le “ problème ” palestinien doivent être résolus
par la satisfaction des revendications suivantes : Droit des Kurdes à
former leur Etat et à proclamer la république kurde; restitution aux
Palestiniens de leur pays et de leurs terres, constitution d’un Etat qui ne peut
se réaliser qu’en mettant fin à l’Etat d’Israël et celui de Jordanie.
Front
unique des organisations ouvrières, partis et Cgt, Fo et Fsu, pour qu’elles
prennent en charges ces revendications !