3ÈME PARTIE : BREF RAPPEL DE L’HISTOIRE DE LA CHINE
LES DEUX PREMIERES RÉVOLUTIONS CHINOISES
Depuis la pénétration de l’impérialisme dans le pays le plus peuplé du monde, la Chine ne cesse d’aller de gigantesques secousses en gigantesques bouleversements.
A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, les grandes puissances impérialistes ont démantelé et se sont partagées la Chine. Elles ont fait d’elle un pays semi-colonial. En 1911, sous la direction de Sun Yat Sen, qui constitue le Kuomintang et le dirige, la première révolution chinoise met fin à la monarchie mandchou. Mais Sun Yat Sen ne parvient pas à unifier la Chine. Au nord prédominent «les seigneurs de la guerre». Il ne parvient pas plus à reconquérir l’indépendance nationale de la Chine qui reste soumise à l’impérialisme. A notre époque aucune bourgeoisie, surtout lorsqu’elle est une bourgeoisie compradore ne peut accomplir les tâches démocratiques et réaliser l’indépendance nationale. Seul le prolétariat le peut. En 1919 il y a deux gouvernements : l’un à Pékin, l’autre à Canton que dirige Sun Yat Sen. Le nombre de prolétaires a décuplé : 3 millions sur une population de 400 millions d’habitants. Mais les structures sociales ne sont pas modifiées. Démocrate et nationaliste bourgeois, Sun Yat Sen noue cependant des liens avec le pouvoir des soviets. Le 4 mai 1919 l’agitation étudiante s’étend en Chine. Elle annonce la 2e révolution chinoise.
En 1923 Sun Yat Sen envoie Tchang Kaï Chek étudier à l’école militaire de Moscou. A sa mort, en 1925, Tchang Kaï Chek succède à Sun Yat Sen à la tête du Kuomintang. Un puissant mouvement ouvrier et paysan éclate en 1925. Il culmine en 1926 avec la grève générale des ouvriers de Canton et les soulèvements paysans. Or, Staline subordonne le Parti Communiste chinois au Kuomintang. Selon lui, en Chine, la révolution démocratique et nationale («la démocratie») est à l’ordre du jour, et non la révolution prolétarienne. (D’un point de vue tactique, il était compréhensible que le jeune PCC entre en 1924 dans le Kuomintang... pour se construire, se renforcer. Encore fallait-il qu’il en sorte et combatte de façon indépendante sur le programme du prolétariat dès que la révolution s’est développée. Staline l’y a enterré et l’a subordonné à Tchang Kaï Chek.)
Après s’être emparé du pouvoir à Canton, Tchang Kaï Chek qui est au service de la bourgeoisie chinoise, organise l’expédition vers le nord. Les ouvriers de Shanghaï se soulèvent à l’approche de l’armée de Tchang. Il reste aux portes de la ville tant que le soulèvement n’est pas écrasé. Il y rentre en mars 1927. En avril il rompt avec le PCC, désarme les ouvriers, fusille les communistes, dissout le PCC. Sur ordre de Staline, le 11 décembre, le PCC appelle les travailleurs de Canton à l’insurrection. Il proclame artificiellement «la Commune de Canton». Tchang Kaï Chek noie dans le sang ce mouvement de type gauchiste. Le 8 juin 1928, Tchang occupe Pékin. Mais c’est à Nankin que siège son gouvernement. Plus que jamais règnent «les seigneurs de la guerre», les vieilles classes dominantes continuent à opprimer et à exploiter. C’est le règne de la réaction et de la corruption.
Tchang Dou Siou, ex-secrétaire du PCC, critique la politique de Staline après l’avoir appliquée. Il se rallie à l’opposition de gauche de Trotsky. Les débris des forces armées du PCC se sont réfugiées dans le Kiang-Si et le Fou-Kien. Délogées par l’armée de Tchang, par une «longue marche» elles rejoignent au nord-ouest le Chen-Si (octobre 1934-octobre 1935). Elles y constituent, sous la direction de Mao Zédong, une république indépendante et où elles résistent avec succès aux attaques des armées de Tchang Kaï Chek.
DE LA GUERRE CONTRE LE JAPON, À LA PRISE DU POUVOIR PAR LE PCC, À LA CORÉE
En 1937, le Japon déclenche son attaque générale contre la Chine et l’envahit. Le PCC combat au côté de l’armée de Tchang Kaï Chek, le Japon et se renforce militairement considérablement. Son influence s’accroît de même dans ce combat où l’efficacité de ses troupes tranche sur l’incapacité des officiers et des armées de Tchang Kaï Chek, pourtant armés, conseillés, ravitaillés par les USA. A la fin de la guerre, l’aviation US transporte les troupes de Tchang au nord pour leur permettre d’occuper le terrain avant que celles du PCC ne le puissent. Les accords entre les «grands», Staline, Roosevelt, Churchill, prévoient en effet que la Chine soit désormais une zone d’influence exclusivement américaine
Sous la pression du Kremlin, le PCC engage des discussions avec Tchang Kaï Chek en vue de la constitution d’un seul gouvernement. Mais les conditions de Tchang équivalent à la reddition du PCC et de son armée. Le PCC n’accepte pas. Tchang Kaï Chek organise une expédition militaire qui, malgré l’armement dont elle dispose, tourne au désastre pour ses troupes. En réalité l’armée, la société, l’Etat chinois sont pourris, décomposés. Ils s’effondrent tandis qu’un puissant mouvement paysan pour la terre et contre les seigneurs de la guerre se lève et déferle. C’est en chevauchant ce mouvement que l’armée du PCC s empare de la Chine du nord, prend Pékin le 29 janvier 1949, Nankin en avril, Shanghaï le 24 mai, Canton le 15 octobre. Le PCC proclame à Pékin le 21 septembre 1949 «la République Populaire Chinoise». Au début 1950 il contrôle toute la Chine. Tchang Kaï Chek se réfugie à Formose qu’il contrôle avec l’aide des USA. Il est très important de noter à ce point qu’au contraire de ce qui s’est passé pendant la révolution russe, en 1949 et au cours des années suivantes, les travailleurs, les masses de Chine n’ont pas constitué de conseils de soviets. Le PCC appuyé sur son armée a dès le début exercé un pouvoir absolu et arbitraire. Le prolétariat chinois n’a pas de tradition soviétique et cela pèse nécessairement aujourd’hui.
A son origine, le nouveau pouvoir ne s’est, pas fixé d’exproprier le capital, mais le «développement du capitalisme progressif. Il a même tenté d’empêcher que dans le sud il y ait une réforme agraire. Les «bourgeois progressistes» participèrent au gouvernement. Rapidement ce fut l’impasse. Il était indispensable que la hache soit portée dans la propriété privée des moyens de production, que la réforme agraire soit réalisée pour pouvoir établir un plan de production. Ce fut d’autant plus rapidement nécessaire que la bureaucratie du Kremlin organisa en 1950 la provocation de l’invasion du sud de la Corée par les troupes du nord, ce qui permit l’intervention de l’impérialisme américain. En septembre 1950 les troupes américaines ont atteint le Yalu, fleuve frontière entre la Chine et la Corée. La bureaucratie chinoise a dû intervenir militairement. Elle a mobilisé toutes les ressources productives et humaines de la Chine. Elle a dû exproprier le capital, organiser de façon planifiée la production, faire appel à la combativité des masses contre l’impérialisme.
Les troupes américaines ont été repoussées du nord de la Corée, mais au prix de millions de morts et d’une énorme perte de substance de la Chine déjà économiquement arriérée et exsangue. La guerre a duré jusqu’en 1953 ce qui devait peser lourd sur les développements ultérieurs.
UNE POLITIQUE EN ZIGZAGS
La direction du PCC enterra alors la «théorie» de la «révolution par étapes». Au début de 1953, elle complète la réforme agraire et développe la planification généralisée de l’économie. Dès lors l’orientation proclamée fut la construction du socialisme dans la seule Chine. La direction du PCC condamna violemment le mouvement révolutionnaire de juin 1953 en Allemagne de l’est, la révolution hongroise des conseils de 1956.
Mais l’ampleur des contradictions auxquelles elle était d’ores et déjà confrontée était telle qu’elle «souleva le couvercle». Ce fut le court épisode des «cent fleurs» en 1957. Devant la montée des critiques la mettant en cause, la bureaucratie a «refermé le couvercle» et réprimé.
La bureaucratie chinoise était coincée entre la pression du Kremlin qui considérait que la Chine devait se subordonner à ses intérêts diplomatiques et la pression de l’impérialisme. Pour leur échapper, le «grand timonier» inventa la politique du «grand bond en avant». Il s’agissait de «rattraper et dépasser» en quelques années le retard économique de la Chine. Après quelques réalisations initiales en 1960-61, la Chine était menacée de famine. C’était la régression dans tous les domaines. Isolée sur le plan international, soumise à la pression du Kremlin qui avait toujours fait payer très cher son aide, la bureaucratie était menacée, ainsi que l’ensemble du système social.
L’arrêt de toute aide du Kremlin, le retrait de milliers de conseillers et de techniciens ont aggravé les difficultés et contradictions. D’autant que la bureaucratie du Kremlin est intervenue à l’intérieur du PCC où des failles se sont ouvertes dans l’appareil. Ce fut la rupture officielle entre le Kremlin et Pékin. Contre la politique de capitulation devant le Kremlin, pour surmonter la crise disloquante de l’appareil qui déchirait la bureaucratie chinoise, Mao Zédong a engagé «la révolution culturelle», c’est-à-dire une mobilisation contrôlée des masses. La première attaque annonçant la «révolution culturelle» a été lancée dès décembre 1962. La bataille engagée dans les Universités s’est étendue aux entreprises.
Le 5 août 1966 un «dazibao» émanant de Mao est placardé : «Feu sur le quartier général». Mais la classe ouvrière déborde les limites fixées à «la révolution culturelle». Elle pose en fait le problème de la liquidation de la bureaucratie, les mêmes problèmes que le mouvement révolutionnaire d’Allemagne de l’est en 1953, la révolution hongroise des conseils et le mouvement révolutionnaire en Pologne en 1956 ont posés, ceux de la révolution politique. A partir d’octobre 1966 apparaissent dans toute la Chine des organisations ouvrières de tout type, les ouvriers mettent en avant leurs revendications. Symboliquement les travailleurs proclament «La Commune de Shanghaï». Ce n’était qu’une formule. Il n’y a jamais eu de véritable «Commune de Shanghaï».
LA VICTOIRE DE DENG XIAOPING
Mao et ses partisans sont alors dans une situation des plus difficiles. Il leur faut absolument casser la mobilisation des masses, reconstruire l’appareil, mettre fin à la «révolution culturelle». La répression est brutale : les maoïstes indociles sont éliminés, les organisations indépendantes sont détruites. Lin Biao qui se prépare à être le successeur de Mao dirige la répression. En 1969, le IXe congrès du PCC consacre la fin de la «révolution culturelle» et la normalisation. En fait, l’aile de la bureaucratie chinoise qui est prête à un accommodement à tout prix avec l’impérialisme, à l’ouverture de la Chine à la pénétration et à un nouveau développement capitaliste a vaincu. Deng Xiaoping, épuré en 1966, réapparaît. Le «triomphe» de Lin Biao ne va pas durer. Le 13 septembre 1971, il se tue dans un accident d’avion alors qu’il «s’enfuyait après une tentative de coup d’Etat contre Mao Zédong». Les années suivantes sont marquées par la «réconciliation» entre l’impérialisme américain et la bureaucratie chinoise. Elle se retourne contre le Vietnam dont le gouvernement est lié au Kremlin et qui est en guerre contre l’impérialisme américain.
La date du 5 avril 1976 marque un nouveau et puissant mouvement du peuple de Pékin : une grande manifestation se déroule sur la place Tian Anmen. Les masses affrontent la police et l’armée. Il s’agit d’une puissante émeute anti-bureaucratique. Chou Enlai est décédé le 8 janvier La lutte pour le pouvoir fait rage. A nouveau Deng Xiaoping est éliminé. Il est accusé de suivre la «voie capitaliste». La «bande des quatre» (dont la femme de Mao Zédong) contrôle le pouvoir. Pas pour longtemps : Mao meurt le 9 septembre. Le 9 octobre Hua Guofeng est présenté comme le président du PCC. «La bande des quatre» - Jiang Qing, veuve de Mao Zédong, Wang Hongwen, vice-président du PCC, Zang Chungiao, Mao Wenyuan - est arrêtée. Ultérieurement tous seront condamnés au cours d’un procès public. A l’occasion de l’anniversaire de la mort de Chou Enlai en 1977, de grandes manifestations sont organisées qui demandent le retour au pouvoir de Deng Xiaoping. Le plénum du CC du 5 juillet le réhabilitera. La suite c’est le cours suivi depuis 1978.
CONCLUSION
SOUTIEN INCONDITIONNEL AUX MASSES COMBATTANTES
Le pays le plus peuplé du monde ne peut trouver de stabilité tant qu’une véritable révolution prolétarienne n’aura pas triomphé, tant que le pouvoir n’appartiendra pas au prolétariat, tant que subsisteront et l’impérialisme et les bureaucraties parasitaires, celle de Chine, comme celle du Kremlin. En 1949 le régime pourri de Tchang Kaï Chek a été renversé. Mais le pouvoir a échu au PCC, parti bureaucratique, issu de l’appareil stalinien international, qui allait devenir l’ossature d’une gigantesque bureaucratie parasitaire et contre-révolutionnaire. En dépit de ses objectifs initiaux, elle a été contrainte d’exproprier le capital, de procéder à la réforme agraire pour faire face aux pressions réciproques du Kremlin et de l’impérialisme. Cela répondait aux aspirations des immenses masses exploitées et opprimées de Chine. Elle n’a pas pour autant changé de nature.
Depuis le dilemme - en avant vers le socialisme ou en arrière vers le capitalisme - s’est fait toujours plus pressant. Depuis la fin de la «révolution culturelle» la bureaucratie chinoise, non sans zigzags, s’est axée délibérément sur l’orientation «en arrière vers le capitalisme». Elle vient de se «réconcilier» avec la bureaucratie du Kremlin. Voilà 17 ans qu’elle collabore ouvertement avec l’impérialisme et soutient dans le monde des régimes de réactions noires : Pinochet par exemple.
Seul le prolétariat chinois est porteur de la solution pour la Chine : le socialisme. Il lui faut renverser la bureaucratie, instaurer son pouvoir sur la base de la démocratie prolétarienne, d’un authentique pouvoir soviétique, refouler et écraser les forces bourgeoises et pro-bourgeoises montantes à partir de la politique que suit la bureaucratie chinoise. Le prolétariat chinois c’est aujourd’hui 130 millions d’ouvriers. Ils peuvent s’appuyer sur l’immense masse de la paysannerie pauvre. C’est une puissance objective formidable. L’histoire de ces 40 dernières années prouve la capacité de mobilisation et de combat de ce prolétariat. Dissiper la confusion politique que couvre le slogan de «la démocratie», indéterminée, est vital pour son combat.
Au premier temps d’un puissant mouvement de masse contre la bureaucratie, d’un pouvoir autoritaire, la confusion politique est à peu près inévitable : chacun met ce qu’il entend dans le mot «démocratie». Les militants révolutionnaires qui combattent pour la construction de partis ouvriers révolutionnaires et la reconstruction de la IVe Internationale, soutiennent inconditionnellement les mouvements des masses contre la bureaucratie y compris si ceux-ci se déroulent sous le slogan équivoque de la «démocratie» indéterminée. Mais leur tâche est de mettre en avant et de défendre le programme politique et économique du prolétariat.
COMBATTRE POUR LE POUVOIR AU PROLÉTARIAT
La classe ouvrière, la population laborieuse, la jeunesse combattent inconditionnellement pour la défaite de Deng Xiaoping, Li Peng et autres Yan Shangkung, mais elles veulent la défaite de la bureaucratie dans sa totalité et qu’elle soit balayée. La classe ouvrière se plaçant à la direction des masses populaires doit définir ses revendications. Elle a besoin d’un programme, d’une stratégie, d’une politique.
Défense inconditionnelle des revendications ouvrières. Libertés politiques concrètes : d’organisations syndicales et politiques, droit de grève et de manifestations, droit de presse, d’utiliser les médias, etc...
On ne peut exclure qu’en Chine se pose la question d’élections libres et, sur cette base, d’une Assemblée Nationale souveraine. Mais, pour que le prolétariat, la population laborieuse, la jeunesse puissent mener leur combat, d’autres mots d’ordre sont indispensables :
Organisation de comités (soviets) dans les entreprises, les localités ; leur fédération à tous les niveaux jusqu’au plan national. De même les mots d’ordre pour la liquidation des forces et organes répressifs, du corps des officiers lié à la bureaucratie et pour l’organisation des masses elles-mêmes en milices armées, sont indispensables.
La solution des problèmes économiques ne passe pas par la liquidation de la propriété étatique des moyens de production. Elle passe par le contrôle ouvrier sur la production et l’élaboration dans ces conditions d’un plan de production axé sur la satisfaction des immenses besoins des masses populaires.
L’AXE DU COMBAT DE LA CLASSE OUVRIÈRE NE PEUT ÊTRE QUE :
LE POUVOIR AU PROLÉTARIAT.
La solution des problèmes économiques qui étreignent la Chine exige que soit mis fin à la pénétration impérialiste, aux «concessions» nouveau style, à l’endettement.
Le combat du prolétariat et des masses exploitées de Chine est inséparable des combats des prolétariats d’URSS, de l’Europe de l’est, du Vietnam, de Corée, de Cuba, etc... Il est non moins inséparable de la lutte contre les brigandages de la bureaucratie chinoise aux dépens du peuple tibétain, du Vietnam, du Cambodge et de toutes les minorités nationales de Chine, du respect de leurs droits nationaux jusqu’à celui de séparation. Le combat du prolétariat chinois est enfin inséparable de la lutte des masses des pays semi-coloniaux contre l’impérialisme, de celle des prolétariats des pays semi-coloniaux et impérialistes pour en finir avec le régime capitaliste.
En Chine, la révolution politique, expression particulière de la révolution prolétarienne mondiale, se prépare. Comme à tous les prolétariats, il faut au prolétariat chinois : un programme, un parti, une internationale.
Le 08 juin 1989