Texte initialement publié comme supplément à CPS n°35 du 24 décembre 1990

 

CONFÉRENCE DE IVe INTERNATIONALE (CIR):

 

CONTRIBUTION DU COMITÉ POUR LA CONSTRUCTION DU PARTI OUVRIER

RÉVOLUTIONNAIRE (LA RECONSTRUCTION DE LA IVe INTERNATIONALE)

 

AUCUNE PRÉPARATION SÉRIEUSE

UN SIMPLE SYLLOGISME

L’APRES YALTA ET POSTDAM

L'ALLEMAGNE, LA RUPTURE AVEC TITO, LA REVOLUTION CHINOISE

RECONSTITUTION DU SYSTEME IMPERIALISTE

LA VOIE DE LA RÉVOLUTION POLITIQUE

AVANT LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

LES BUREAUCRATIES PRISES DANS UN ÉTAU

UNE NOUVELLE PÉRIODE DE LA REVOLUTION

CRISES CONJOINTES DE L'IMPÉRIALISME ET DES BUREAUCRATIES

EXEMPLES DE CONFUSIONNISME

LA PRESSION ACCRUE DE L'IMPÉRIALISME

TOURNANT À 180 DEGRÉS

LA RÉUNIFICATION ALLEMANDE

"LE CRITERE POLITIQUE ESSENTIEL"

ÉLECTIONS ET ABSTENTIONS'

ET LES LUTTES ET LES GREVES !

GREVE DES CHEMINOTS, COMITÉS ROUMAINS

DES ECONOMIES FOURBUES

ET LA "PROPRIÉTÉ SOCIALE"

LA SITUATION POLITIQUE DU PROLÉTARIAT DE L'URSS

LA PROPRIÉTÉ DES "COLLECTIFS DES TRAVAILLEURS"

ENCORE SUR LA PROPRIÉTÉ ÉTATIQUE ET LA CLASSE OUVRIERE

LES PRÉLIMINAIRES À LA RÉVOLUTION POLITIQUE

LA RÉVOLUTION SOCIALE PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE

LA REPRISE MENACÉE

AMÉRIQUE LATINE

AFRIQUE

MOYEN‑ORIENT

ASIE

LA DROGUE

TOUJOURS LES MEMES DESEQUILIBRES

ENDETTEMENT, PARASITISME, PAUPÉRISME

INSTABILITÉ DES GOUVERNEMENTS ET DES RÉGIMES BOURGEOIS

DE L'ANGLETERRE À LA SUEDE

LA GRECE

L’ESPAGNE

L'IMPÉRIALISME N'EST PAS UN TIGRE EN PAPIER

LA BUREAUCRATIE CONFORTE L'IMPÉRIALISME

LES SOUTIENS DE L'ORDRE BOURGEOIS

CAPITULATION DE LA DIRECTION DE LA IVe INTERNATIONALE

LE PCI INFECTÉ À SON TOUR PAR LE RÉVISIONNISME

LES DIFFÉRENTES CONFÉRENCES

LA QUESTION GOUVERNEMENTALE

QUELQUES RESULTATS

LA QUESTION DU GOLFE

DÉFENDRE EN TOUTE SITUATION ET TOUTE OCCASION LE PROGRAMME DE TRANSITION

 

AUCUNE PRÉPARATION SÉRIEUSE

En janvier 1991 se tiendra la prochaine conférence de IVe Internationale CIR. Son ordre du jour est particulièrement important  puisque, selon le rapport que Pierre Lambert a fait devant le Conseil Général de IVe Internationale (CIR) à sa session de juillet (du 18 au 22) 1990:

"Il est apparu au Secrétariat International et au cours de ce conseil général que bien que les considérations antérieurement  établies étaient indispensables, il était également indispensable que soit fait un pas supplémentaire : la discussion entre nous pour voir si, à partir des considérations générales, que nous avons, il y aura la possibilité pratique qu'à la conférence mondiale des sections soit rédigée une résolution qui fixerait des échéances à la reproclamation de la IVe Internationale, Le bilan partiel que je peux tirer de ce Conseil Général et des commissions démontre que nous pouvons, à mon avis, apprécier de manière plus "fine", si je puis dire, la question de la reproclamation de la IVe Internationale sans nous référer seulement à des conditions générales".

Plus loin il va jusqu'à dire :

"Nous pouvons aujourd'hui poser cette question pour la résoudre: pouvons‑nous aujourd'hui décider qu'à la Conférence mondiale des sections nous allons, nous appuyant sur l'ensemble des éléments qui prouvent sa nécessité, reproclamer la IVe Internationale ?

Allons nous pouvoir décider aujourd'hui de proposer pour la Conférence Mondiale des sections un calendrier pour la reproclamation de la IVe Internationale ?" (Tribune Internationale n° 58 Août‑Septembre 1990. page 19).

Mais, bien sûr, la première condition, condition nécessaire sans être suffisante, a tout projet  de reproclamation de la lVe Internationale est : l'analyse       des développements de la lutte mondiale des classes qui se sont produits ces dernières années et particulièrement depuis le début de l'année         1989 ;   la clarification des perspectives que ces développements ouvrent ; comment les organisations membres de IVe Internationale CIR se sont elles inscrites   dans les mouvements de masses qui se sont produits ; quelle est leur politique  et leur perspective propres ?

Bien naturellement cette même session du Conseil Général a été ouverte par un "Rapport sur la situation politique mondiale" que Seldjouk a présenté "Projet adopté sur sa ligne générale par le Conseil général de la IVe Internationale (CIR)".

Dès l'abord un premier sujet d'étonnement : la conférence de janvier 1991 de la IVe Internationale (CIR) devrait, sinon reproclamer la IVe Internationale, au moins établir "un calendrier pour la reproclamation de la IVe Internationale"; elle devrait réajuster l'analyse des rapports mondiaux entre les classes et clarifier les nouvelles perspectives qu'ouvre " un tournant de caractère historique", Or le conseil général, six mois, à peu près, avant la tenue de cette conférence n'a disposé, pour la pré­parer, pas même d'un rapport écrit sur l'une et l'autre question. Il en a été réduit à entendre un rapport oral sur "la reproclamation de la IVe Internationale", apparemment sans qu'il y ait de vote même indicatif (en tout cas T.I n'en parle pas) et un autre rapport sur la situation politique mondiale dont il a "adopté la ligne générale". Est‑ce là une préparation sérieuse et valable, sans même parier de démocratie, d'une "conférence mondiale" en général et de celle‑ci en particulier ? Poser la question c'est y répondre: évidemment non.

UN SIMPLE SYLLOGISME

Un paragraphe de l'introduction du rapport sur la situation politique mondiale le concentre:

"Répétons‑le, ce qui est en cours aujourd'hui, c'est un tournant majeur de la situation mondiale affectant l'ensemble des relations internationales, les relations entre les classes et entre les États.

Un tournant de caractère historique puisqu'il entraîne l'effondrement de l'équilibre mondial codifié à l'issue de la seconde guerre mondiale (Yalta). Ce qui signifie qu'il déstabilise non seulement les États des pays où la propriété privée des grands moyens de production a été détruite et où règne une bureaucratie parasitaire et contre‑révolutionnaire, mais remet en cause les "conditions antérieures d'existence" des Etats impérialistes, qu'il déstabilise en fait l'"ordre mondial" garantie du fonctionnement du système pourrissant de l'exploitation capitaliste et de la préservation du pouvoir et des privilèges de la Bureaucratie ". (Page 3)

Le mouvement des étudiants chinois du printemps 1989 ; les mouvements des masses dans la partie Est de l'Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Bulgarie, en Roumanie, en URSS ; mouvements qui sont inséparables de la grève générale d'Août 1980 en Pologne et de la constitution de Solidarité (quelques aient été les vicissitudes ultérieures du mouvement polonais) ; l'effondrement des bureaucraties de Pologne, de la partie Est de l'Allemagne, de Tchécoslovaquie, de Hongrie, satellites de la bureaucratie du Kremlin ; la mise en cause et l'ébranlement des bureaucraties bulgare et roumaine ; la dislocation et la décomposition de la bureaucratie du Kremlin; la venue au pouvoir de nouveaux gouvernements dans les pays qui, à la fin de la deuxième guerre mondiale, ont été écrasés sous la botte de la bureaucratie du Kremlin ; la réunification allemande : marquent et constituent, sans aucun doute "un tournant majeur de la situation mondiale affectant l'ensemble des relations entre les classes et entre les États''.

 

La suite de la citation ne rend cependant pas compte de ce " tournant majeur " et de ce qu'il en résulte.. A l'analyse d'une situation complexe, elle substitue un simple syllogisme.

1) Les accords de Yalta et de Postdam furent des accords contre‑révolutionnaires passées  entre les impérialismes américains et anglais d'un côté et la bureaucratie du Kremlin de l'autre. Pour contenir la vague révolutionnaire issue de la guerre et la faire refluer ils ont divisé l'Allemagne et l'Europe en deux. L'Est est passé sous le contrôle de la bureaucratie du Kremlin, l'ouest est resté entre les mains des bourgeoisies. Ce fut une des conditions de la survie du mode de production capitaliste.

2) "L'ordre" de Yalta et de Potsdam s'effondre dans la partie Est de l'Allemagne, en Europe de l'Est, la Bureaucratie du Kremlin se disloque et se décompose, la réunification de l'Allemagne se réalise.

3) Donc : "L’ordre mondial garantie du fonctionnement de l’exploitation capitaliste" est déstabilisé. CQFD.

L’APRES YALTA ET POSTDAM

Non ! « L’ensemble des relations internationales, les relations entre les classes et les Etats » ne se laissent pas enfermer dans un simple syllogisme. Précisément  parce qu'il y a eu Yalta et Potsdam, les rapports existants  aujourd'hui ne sont pas identiques à ce qu'ils étaient à la fin et au lendemain de la IIe guerre mondiale. Alors la bureaucratie du Kremlin et son appareil international étaient au zénith de leur puissance politique. Le Kremlin a fait payer, et fort cher, à l'impérialisme sa collaboration contre‑révolutionnaire : ce dernier a du le laisser contrôler l’Est de l'Allemagne et l'Europe de l'Est. Dans les pays que les armées du Kremlin occupaient, le pouvoir politique a procédé dès le début des forces d'occupation, le capital y a été au moins en partie exproprié. La révolution chinoise qui a déferlé entre 1946 et 1949 est passée par‑dessus les accords de Yalta et de Potsdam, Cette révolution, la guerre révolutionnaire du peuple vietnamien, la révolution cubaine ont valu à l'Impérialisme et au régime capitaliste de nouvelles amputations.

Cependant, bénéficiant de l'appui politique de La bureaucratie du Kremlin et de son appareil international (les PC), de celui des appareils syndicaux et social-­démocrates, les bourgeoisies de l'Europe de l'Ouest, ont, aidées par l'impérialisme US, reconstruit ou consolidé leurs appareils d'Etat démantelés, ou au moins fissurés pendant ou à la fin de la guerre. Sous l'impulsion de l'impérialisme américain l’économie bourgeoise de ces pays a commencé a être reconstruite et à fonctionner cahin‑caha. Dès 1946 l'impérialisme US a engagé une politique de pression économique, politique et militaire sur l'URSS, les pays de l'Europe de l'Est et sur la partie Est de l'Allemagne. Faisant sienne la doctrine du "containment du communisme", le 12 mars 1947 Truman demandait au congrès des USA de voter un crédit de 400 milliards de dollars, dont 300 destinés à aider le gouvernement grec en guerre contre "les partisans" organisés et dirigés sur les directives du Kremlin par le PCG.

Le 5 juin le général énonçait le plan qui a porté son nom. A l’origine ce plan avait un double objectif : impulser et financer la réorganisation et un nouveau développement de l’économie capitaliste en Europe ; renouer les liens politiques et économiques coupés avec l’Europe de l’Est et développer ceux restant ; nouer et développer des liens semblables avec l’URSS ( c’est-à-dire y ouvrir une voie de pénétration des marchandises et des capitaux venant des pays impérialistes). En même temps, les PC étaient expulsés des gouvernements français, italien et belge.

La bureaucratie du Kremlin a hésité : l’URSS et les pays de l’Europe de l’Est sous sa botte devaient-ils  participer au plan Marshall ? Finalement elle l’a dénoncé. Contre le plan Marshall et la politique de l’impérialisme américain elle a mis en œuvre toute une politique. Elle a constitué le Kominform. Les bourgeoisies françaises, italienne, belge étaient les anneaux faibles du système impérialiste que le gouvernement des USA réorganisait. Par contre, en France, en Italie notamment, les PC avaient une influence prédominante sur la classe ouvrière. Sur ordre du Kremlin ils ont organisé de puissants mouvements de masse, dont l’objectif étaient, non de mettre en cause le pouvoir bourgeois, mais de contraindre les bourgeoisie de ces pays à décrocher de la politique de l’impérialisme américain. Ces mouvements étaient donc soigneusement contrôlés et calculés. Ce furent des échecs.

En Europe de l’Est la bureaucratie du Kremlin a alors éliminé des gouvernements toute représentation politique bourgeoise. Désormais les gouvernements des pays sous sa botte ont été directement et ouvertement dirigés par ses agences locales, les PC. Depuis la fin de l'année 1945 les troupes du Kremlin ne stationnaient plus en Tchécoslovaquie. Mais le PCT disposait d'une influence prépondérante (bien qu'en reflux depuis 1946). Membre de la coalition gouvernementale (PCT, parti social-démocrate, partis bourgeois) au pouvoir depuis la fin de la guerre, le PCT contrôlait les ministères de l'intérieur et de la guerre. L'appareil d'Etat était farci d'agents directs du Kremlin, le parti social‑démocrate noyauté par le PCT. En ayant recours à une mobilisation des masses, soigneusement encadrée et contrôlée le PCT a imposé le 25 février 1948 un gouvernement dirigé par Gottwald, composé de ministres du PCT et de la partie du parti social‑démocrate que les staliniens contrôlaient. Dans tous les pays de l'Europe de l'Est l'ensemble du capital était exproprié. Le 25 janvier 1948 le Kremlin constituait le COMECOM.

L'ALLEMAGNE, LA RUPTURE AVEC TITO, LA REVOLUTION CHINOISE

La politique de "containment du communisme", le plan Marshall n'auraient pas été complets si l'impérialisme américain n'avait visé à y intégrer les parties ouest de l'Allemagne et de Berlin que les troupes des USA, de l'Angleterre, de la France occupaient. Le 4 juin, en conclusion de la conférence de Londres, les USA, l'Angleterre, la France auxquels s'adjoignaient les pays du Benelux décidaient: l'unification économique et politique de l'Ouest de l'Allemagne et de Berlin; la réforme monétaire dans les trois zones et à Berlin ouest; l'élection d'une "Assemblée constituante" en vue de former un gouvernement et d'établir un Etat ouest allemand, comprenant Berlin Ouest.

La réforme monétaire a été appliquée le 20 juin. A partir du 23 juin la bureaucratie du Kremlin a organisé le blocus de Berlin Ouest. Elle a décidé et appliqué dans la partie Est de l'Allemagne et de Berlin une autre réforme monétaire. En fait d'"Assemblée Constituante" les parlements des Länders de la partie ouest de l'Allemagne et le Sénat de Berlin‑Ouest ont désigné leurs délégués, à un conseil parlementaire de l'Allemagne occidentale" qui sous le contrôle des puissances occupantes a eu à charge de rédiger la "loi fondamentales" du futur Etat Ouest Allemand, Le 1er septembre 1948 Adenauer en est devenu le président.

Dans la partie Est de l'Allemagne la bureaucratie du Kremlin a convoqué un prétendu "lle congrès du peuple allemand". Il s'est réuni le 18 mars 1948. De son côté, sous la dictée du Kremlin il a élaboré une "constitution". Le 20 mars 1949 le "conseil du peuple", organisme désigné par un "Ille congrès du peuple allemand", l'a adoptée. Le 8 mai 1949, à Bonn, la "loi fondamentale" de la République Fédérale Allemande a également été adoptée... Le 12 mai le blocus de Berlin a été levé. Le 15 septembre Adenauer est devenu le premier chancelier de la RFA. Le 7 octobre une "Chambre provisoire du peuple " a proclamé à Berlin Est la République Démocratique Allemande. Naturellement la RFA a bénéficié du plan Marshall.

D'autres événements d'une extrême importance, qui ont marqué les décennies suivantes, se sont encore produits au cours de ces années. En juin 1948 le Parti Communiste Yougoslave a été exclu du Kominform, ce fut la rupture entre les bureaucraties du Kremlin et Yougoslave. Dans tous les PC de l'Europe de l'Est une vague d'épurations sanglantes, marquées de procès truqués a déferlé : c'était la façon de Staline de contenir les contradictions croissantes. La répression s’est étendue en URSS même.

Le 1er octobre 1949 par contre la République populaire de Chine était proclamée à Pékin. En Asie la plupart des colonies britanniques, l’Indonésie, les Philippines ont accédé à l’indépendance politique formelle, tandis que la victoire de la révolution chinoise a donné une nouvelle impulsion à la guerre révolutionnaire du peuple vietnamien, guerre que le Viêt-Minh a dirigé. En Amérique Latine le nationalisme bourgeois a connu un grand essor avec l’émergence en 1946 du Péronisme ( Peron a été élu le 24 février 1946 président de la république Argentine).

RECONSTITUTION DU SYSTEME IMPERIALISTE

Dans l'ensemble autour et sous l'action de l'impérialisme américain le système impérialiste s'est reconstruit et réaxé. Le 4 avril 1949 douze gouvernements ‑ ceux d'Angleterre, de France, de Belgique, de Hollande, du Luxembourg, les Etats‑Unis, le Canada, la Danemark, l'Islande, l'Italie, la Norvège, le Portugal ont conclu le Pacte Atlantique. En 1952 la Grèce et la Turquie y ont adhéré. Le 1er avril 1950 les ministres de la défense des gouvernements membres du pacte atlantique ont adopté un plan de défense commune. Le 27 octobre ils ont décidé la constitution du SHAPE (Superior Head Quarters of Allied Powers in Europe), commandement suprême en Europe, que Eisenhower sera le premier à exercer : ce n'est que le 1er mai 1955 que sera conclu le pacte de Varsovie. Auparavant, le 25 juin 1950, certainement sous l'instigation de Staline et de la bureaucratie du Kremlin, l'armée nord‑coréenne avaient franchi le 38e parallèle et envahi le sud de la Corée, alors que les USA avaient annoncé que le 29 juin le retrait de leurs troupes du Sud de la Corée serait achevé. En l'absence du représentant de l'URSS, qui le "boycottait" depuis le 13 janvier, le Conseil de Sécurité de l'ONU décidait immédiatement, le soutien militaire de l'ONU au gouvernement du Sud de la Corée. La guerre de Corée commençait. La troisième guerre mondiale était à l'ordre du jour. Au travers de la guerre de Corée l'impérialisme américain finira de structurer le dispositif international impérialiste. Le réarmement déjà engagé depuis 1919 a pris toute son ampleur et a donné une puissante impulsion à l'économie capitaliste menacée de crise. Mais en même temps l'impérialisme américain se chargeaIt d'un énorme fardeau : son propre réarmement, le prix de la guerre de Corée, la poursuite du plan Marshall auquel s'ajoutait un programme d’aide militaire à ses alliés. En conséquence ce sont les autres puissances impérialistes qui ont surtout bénéficié économiquement du réarmement et des énormes dépenses de La guerre de Corée que l'impérialisme américain a assumé.

L'économie japonaise a bénéficié d'une sorte de plan Marshall particulier qui a pris fin le 30 juin 1951. Sans supporter le poids de dépenses militaires, il a profité, en tant qu'arrière et fournisseur, des énormes dépenses de l'armée américaine engagée dans la guerre de Corée. Le 8 septembre 1951 les USA et 40 autres pays ont signé, sans la Chine et l'URSS un traité de paix avec le Japon, qui a maintenu la présence des troupes US dans le pays, mais a rendu les attributs de la souveraineté au gouvernement japonais. Le 1er septembre les USA, l'Australie, la Nouvelle‑Zélande ont conclu "le pacte du Pacifique" (ANZUS).

La République Fédérale Allemande a également bénéficié considérablement de la guerre de Corée, de ses conséquences et de ses retombées. C'est le début de la remontée qui a fait d'elle, aujourd'hui, la plus grande puissance économique et financière d'Europe. Au sein du pool charbon‑acier, ancêtre de la CEE, elle est devenue le principal partenaire de la France. Le 26 septembre 1950 le conseil atlantique a décidé du réarmement de la RFA. Le 6 mars 1951 le statut d'occupation était révisé et la création d'un ministère des affaires étrangères autorisée. Après que l'Assemblée Nationale française ait, le 30 août 1954, rejeté le traité qui devait institué la Communauté de Défense Européenne, les accords de Paris du 23 octobre ont autorisé le réarmement allemand et la constitution de la Bundeswehr. Le 5 mai 1955 la RFA est devenue souveraine et le 9 elle est entrée dans le pacte atlantique.

La guerre de Corée s'est terminée par un armistice entre le représentant de l'armée américaine et un représentant du gouvernement de l'armée du Nord de la Corée. L'intervention des "volontaires chinois" a empêché l'impérialisme américain de gagner cette guerre : la Corée est restée divisée en deux à la hauteur du 38e parallèle. Mais l'armée et l'économie chinoise, ont payé très cher. Cette comparaison l'indique : 900 000 chinois ont été tués contre 30 000 américains ; 500 000 nord-coréens et 480 000 sud‑coréens. Le 27 juillet 1953, quelques mois après la mort de Staline survenue le 5 mars, la guerre s'est terminée, alors qu'à la suite de cette mort, le sommet de la bureaucratie du Kremlin se déchirait et entrait ouvertement en crise.

L'impérialisme n'a pas réussi à stabiliser, décisivement à son avantage, les rapports entre les classes à l'échelle internationale, à infliger au prolétariat mondial des défaites comparables à celles que celui‑ci avait subies avant la deuxième guerre mondiale. Il devait affronter : la guerre révolutionnaire en Amérique Latine culminant avec la révolution bolivienne de 1952 ; la crise du Moyen Orient ( Iran notamment) et bientôt du Proche Orient (Égypte) ; l'instabilité sociale et politique en France (grève générale spontanée d'août 53 des travailleurs dépendant de l'Etat), en Italie, en Belgique, etc ; en 1954 c'était la défaite, militaire française de Dien Bien Phu et les accords de Genève qui sauvaient l'impérialisme français d'un désastre et partageaient le Vietnam en deux à la hauteur du 17e parallèle ‑, le premier novembre 1954 commençait la guerre révolutionnaire du peuple algérien contre l'impérialisme français, tandis qu'au Maroc et en Tunisie s'intensifiait la lutte pour l'indépendance.

LA VOIE DE LA RÉVOLUTION POLITIQUE

Mais ce qui, alors, fait époque ce sont les mouvements révolutionnaires de ‑ juin 1953 dans la partie Est de l' Allemagne, de Pologne en 1956, la révolution hongroise des conseils de novembre 1956. La crise ouverte, à la mort de Staline (à moins que ce soit cette crise qui soit la cause de la mort de Staline), au sommet de la bureaucratie, traverse l'ensemble de celle‑ci, se répercute à l'intérieur des bureaucraties satellites et de l'appareil international stalinien. Par les failles ouvertes se précipite le mouvement des masses qui s'engagent dans la voie du renversement révolutionnaire des bureaucraties satellites et annonce des processus semblables en URSS.

Dès lors sont conjointement à l'ordre du jour dans les pays capitalistes la révolution sociale pour chasser du pouvoir la bourgeoisie, instaurer la dictature du prolétariat, exproprier le capital et instaurer la propriété étatique de l'essentiel des moyens de production planification sous contrôle ouvrier de la production ; la révolution politique pour chasser du pouvoir, dans les pays où le capital a été exproprié, les bureaucraties parasitaires et restaurer ou instaurer la dictature, du prolétariat ( le pouvoir des Soviets ) refondre sous contrôle ouvrier la planification. Cela ne veut pas dire qu'au point de départ elles seront simultanées et leurs développements synchrones. Les mouvements révolutionnaires de la partie  Est de l'Allemagne, de Pologne la révolution hongroise des conseils, ont apporté de précieux enseignements quant aux problèmes de la révolution politique. Ils ont vérifié la validité du contenu et de la méthode, en ce qui concerne la révolution politique, du programme de transition. Mais le rapide écrasement du mouvement révolutionnaire de la partie Est de l'Allemagne et de la révolution hongroise, la prise de contrôle par l'aile de la bureaucratie, soit‑disant "réformiste", du mouvement révolutionnaire de Pologne de 1956, n'ont pas permis à ceux‑ci de se développer suffisamment pour que se révèle l'ensemble des problèmes qui confronteront le prolétariat, les masses opprimées et exploitées s’engageant sur la voie de la révolution politique.

AVANT LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

Cependant l'expérience des dix premières années de l'après-guerre contredit déjà des affirmations du rapport de Seldjouk. A peine les accords de Yalta et de Potsdam étaient‑ils conclus que l'impérialisme américain se disposait à les remettre en cause. A peine le régime capitaliste était‑il plus ou moins retapé en Europe qu'il engageait la guerre froide et préparait la Ille guerre mondiale pour réintroduire le capitalisme en Europe de l'Est, en URSS, en Chine. A tel point que, y compris la section française de la IVe internationale, estimait en 1951‑53 que la perspective la plus probable était la Ille guerre mondiale.

« "L'ordre mondial", garantie du fonctionnement du système capitaliste pourrissant de l'exploitation capitaliste », n'est pas nécessairement celui de Yalta et de Potsdam. Ça ne l'est que dans des circonstances : celles, par exemple, de l'immédiat après deuxième guerre mondiale.

En 1952‑53 l'impérialisme  a renoncé  au moins à échéance prévisible, à engager la IIIe guerre mondiale en raison : des rapports mondiaux entre les classes, principalement dans les pays capitalistes dominants, dont les USA ; de la fragilité des composantes de la coalition impérialistes. Mais il y a renoncé aussi parce que au prix d'un immense parasitisme, dont l'économie permanente d'armement, le fonctionnement de l'économie capitaliste, la production et la réalisation de la plus‑value, une nouvelle et considérable accumulation du capital ont été assurées. Les vieilles puissances impérialistes européennes et le Japon en ont particulièrement bénéficiées.

En arrière fond des processus conduisant à la révolution politique il y a toujours le prolétariat mondial, ses rapports avec la bourgeoisie, ses combats, ses luttes. Il n'est pas imaginable que ces processus s'engagent et se développent si les principaux prolétariats d'Europe et du monde avaient subi des défaites écrasantes comparables à celles que les prolétariats ont subi avant la première guerre mondiale. Au contraire : les défaites d'avant la deuxième guerre mondiale, des prolétariats, d'Europe notamment, ont conforté la bureaucratie du Kremlin. Ce renforcement de la bureaucratie du Kremlin fut, alors, toutefois possible en raison de la crise économique des années trente qui a disloqué le marché mondial et la division internationale du travail et a fait chuter, quelques fois de moitié, la production dans certains pays capitalistes dominants. Rappelons ce que Trotsky écrivait en 1928 dans "l’Internationale Communiste après Lénine" :

" Pourquoi une intervention militaire peut‑elle faire peser sur nous une menace de mort ? Parce que l'ennemi est techniquement plus fort. Boukharine ne reconnaît la supériorité des forces productives que dans leur aspect militaire technique. Il ne veut pas comprendre que le tracteur Ford est aussi dangereux que le canon du Creusot, avec cette différence que ce dernier ne peut agir que de temps à autre, tandis que le premier nous presse en permanence. De plus le tracteur sait qu'il a derrière lui le canon comme ultime réserve."

Au terme du premier plan quinquennal, à côté d'importants succès, l'économie de l'URSS était au bord de la catastrophe. Après avoir fait un rapide bilan du premier plan quinquennal Trotsky écrit dans "la Révolution trahie" :

"L'enjeu de cette partie n'était pas le plan quinquennal, mais le sort du régime.

Le régime tint bon. Le mérite lui en revient, car il a puisé des racines profondes dans le sol populaire. Le mérite en revient tout autant à des circonstances extérieures favorables. En ces années de chaos économique et de guerre civile dans les campagnes, l'URSS se trouva en réalité paralysée devant l'ennemi extérieur. Le mécontentement gagnait l'armée. L'insécurité et l'instabilité démoralisaient la bureaucratie et les cadres de commandement. Une agression à l'Ouest ou à l'Est pouvait avoir des conséquences fatales.

Par bonheur les premières années de la crise industrielle et commerciale plongeait le monde capitalisme dans une expectative désorientée. Personne n'était prêt à la guerre, personne n'osait la risquer " (page 56).

Bien entendu la pression économique et politique du "monde capitaliste dans une expectative désorientée" était réduite d'autant.

Ensuite au cours des années de préparation à la guerre la bureaucratie du Kremlin a pu jouer sur les antagonismes inter-impérialistes croissants. Au cours de la guerre dans une première phase elle a été l'alliée de Hitler. Lorsque celui‑ci a attaqué l'URSS elle a, au contraire, bénéficié de l'appui de la coalition impérialiste anglo‑américaine. Hitler n'a pu abattre l'URSS. A l'issue de la guerre la coalition impérialiste victorieuse en était incapable. L'aide politique de la bureaucratie de Kremlin et de son appareil international lui a été indispensable pour endiguer et faire refluer la vague révolutionnaire issue de la guerre. La bureaucratie a alors atteint sa puissance politique maximum : à nouveau le prolétariat de l'URSS était épuisé (20 millions de morts pendant la guerre en URSS) ; le prestige auprès des prolétariats des pays capitalistes de la bureaucratie du Kremlin et de son appareil international était à son point le plus élevé.

LES BUREAUCRATIES PRISES DANS UN ÉTAU

Mais, nous venons de le voir, c'est en partant de "l'ordre mondial" établi à Yalta et à Pots‑dam que l'impérialisme a isolé économiquement et militairement l'URSS, les pays de l'Europe de l'Est, a coupé ces pays de la division internationale du travail, des pays où les forces productives sont les plus développées et, partant, exercé sur les pays où le capital a été exproprié la plus grande pression. En outre tant qu'il s'est agi de la reconstruction d'après guerre, il a suffi à l'URSS et aux pays de l'Europe de l'Est, d'utiliser la technique d'ores et déjà acquise. Mais au delà il a fallu innover et c'est tout autre chose. Qui dira la charge économique et les difficultés qu'a pu représenter la mise sur pied d'industries comme l'industrie atomique, les industries électroniques, spatiales ? De plus l'URSS, les pays de l'Europe de l'Est, la partie Est de l'Allemagne, n'ont pas eu la chance des années 30 : l'économie capitaliste n'a pas été disloquée par suite d'une crise économique majeure.

Non ce n'est pas seulement " l’action mondiale de la classe ouvrière " qui a été à l'origine de la crise de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucratie satellites, crise qui a éclaté publiquement après la mort de Staline. Elle a résulté : de la résistance plus ou moins ouverte ou passive de la classe ouvrière et des masses opprimées et exploitées de la partie Est de l'Allemagne, de l'Europe de l'Est, de l'URSS, à la gestion par les bureaucratie de l'économie et de la société de ces pays ; de la pression économique, politique et militaire que l'impérialisme a exercé sur l'URSS, l'Europe de l'Est, la partie Est de l'Allemagne ; de leur isolement de la division internationale du travail.

Les bureaucraties parasitaires ont été prises comme dans un casse‑noisettes entre les forces sociales antagonistes et fondamentales. Par les premières brèches ouvertes dans les bureaucraties parasitaires les mouvements révolutionnaires de juin 1953 dans la partie Est de l'Allemagne, de 1956 en Pologne, la révolution hongroise de 1956 ont déferlé. Mais alors la bureaucratie du Kremlin disposait encore d'assez de ressources, de forces politiques pour les écraser rapidement. Ils n'en ont pas moins annoncé la crise actuelle des bureaucraties parasitaires (au centre desquelles la bureaucratie du Kremlin) et les mouvements d'aujourd'hui.

Il n'est ni possible, ni nécessaire d'analyser ici l'évolution des événements, des rapports entre les classes, des rapports mondiaux qui s'est produite depuis 1953‑56. Cependant, il faut insister, l'impérialisme n'a, pas plus que dans les années précédentes, été capable d'infliger au prolétariat mondial des défaites décisives. La coopération contre‑révolutionnaire entre l'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin s'est perpétuée. Pourtant la pression impérialiste sur l'URSS, les pays de l'Europe de l'Est, la partie Est de l'Allemagne et les autres pays où le capital a été exproprié, s'est maintenue. La coopération contre‑révolutionnaire est restée conflictuelle. La bourgeoisie défaite, la bureaucratie du Kremlin a soutenu Cuba, pour autant qu'elle estimait pouvoir l'utiliser, ainsi qu'une carte, lors d'éventuelles négociations avec l'impérialisme américain. La bureaucratie chinoise n'a pas accepté de se soumettre aux exigences diplomatiques de la bureaucratie du Kremlin : ce fut la rupture entre Pékin et Moscou, Pékin voulant pratiquer sa propre politique.

Les convulsions de la "révolution culturelle" ont manifesté quelles contradictions déchiraient la bureaucratie et la ‑société chinoises. La gestion bureaucratique de l'économie planifiée en URSS, dans les pays de Europe de l'Est, dans la partie Est de l'Allemagne ; les rapport entre les bureaucraties satellites., entre celles‑ci et le Kremlin ; la coupure de l'économie de ces pays du marché mondial et de la division internationale du travail ; la course aux armements que l'impérialisme américain a continuée à impulser, alors même qu'il s'engageait dans la guerre du Vietnam : ont multiplié les contradictions économiques, sociales et politiques de ces pays. Le limogeage de Khrouchtchev le 14 octobre 1964, l'esquisse de "libéralisation" économique de 1965‑66, vite étouffée en raison des problèmes qu'elle soulevait, ont précédé l'immobilisme politique, pour tenter de geler les contradictions qui caractérisa "l'ère de Brejnev" et de la gérontocratie.

UNE NOUVELLE PÉRIODE DE LA REVOLUTION

Corrélativement les rapports se sont modifiés et continuent à se modifier entre les puissances impérialistes. Bien que de façon inégale, le poids économique des puissances impérialistes européennes et du Japon, par rapport à l'impérialisme américain, s'est accru, sans que ce dernier cesse d'être l'impérialisme dominant et déterminant, perde son "leadership" dans le système impérialiste et qu'aucune autre puissance impérialiste puisse le relayer. La crise du dollar commençante a fait pressentir les limites des ressources et capacités de l'impérialisme américain, qui, au lendemain de la guerre semblaient inépuisables. La CEE a commencé à s'édifier, non sans que se manifestent antagonismes et contradictions qui ont, dès son origine, montré l'impossibilité qu'elle supprime les frontières et les Etat nationaux.

Dans son rapport Seldjouk fait référence à ce que Lambert a caractérisé comme étant "la période de l'imminence de la révolution" . Incontestablement depuis 1968, la grève générale française et la montée vers la révolution politique en Tchécoslovaquie, s'est ouverte une nouvelle période de la lutte des classes dans le monde. Mais la caractérisation " la période de l'imminence de la révolution " est confusionniste. La révolution prolétarienne mondiale a commencé en 1917 en Russie. Si elle a échoué en Allemagne , dans divers pays européens, en Chine, entre les années 1917 et 1933, c'est uniquement en raison de l'absence de direction révolutionnaire, il en a été de même de la révolution espagnole et du mouvement révolutionnaire en France du milieu des années 30. La vague révolutionnaire issue de la IIe guerre mondiale n'a pas été nulle et non avenue puisqu'elle a contraint l'impérialisme à subir, au moins pour des dizaines d'années, l'expropriation du capital en Europe de l'Est, dans la partie Est de l'Allemagne, sans pour autant jamais s'y résigner. Elle a eu ses prolongements dans la révolution chinoise et la guerre révolutionnaire du peuple vietnamien aboutissant l'une et l'autre à l'expropriation du capital, sans parler de la révolution cubaine. Ce qui prouve que depuis 1917, la révolution est beaucoup plus qu' "imminente". Cette caractérisation a l'inconvénient de masquer l'essentiel : en cours depuis 1917 la révolution prolétarienne n'a pas vaincu en raison de l'absence de direction révolutionnaire.

Par contre il est vrai qu'en 1968 une nouvelle période de la révolution a commencé. La grève générale en France, la crise au Pérou, le "cordobazo" en Argentine, la radicalisation de la lutte nationale du peuple palestinien, l'Assemblée Populaire de. Bolivie, le mouvement de nature révolutionnaire de 1968 en Tchécoslovaquie, le mouvement des étudiants polonais du printemps de 1968, la grève générale des travailleurs dans les ports polonais de la Baltique, principalement des chantiers navals, de décembre 1970 et janvier 1971, marquent l'ouverture, de cette nouvelle période. La caractérisent : une nouvelle montée de la lutte de classe des prolétariats et de l'action des masses à l'intérieur du système impérialiste, reconstruit sous l'impulsion de l'impérialisme américain et à partir de lui, au lendemain de la seconde guerre mondiale; une nouvelle phase de la lutte des prolétariats et des masses contre les bureaucraties satellites de l'Europe de l'Est et celle du Kremlin ; le pourrissement de l'économie capitaliste atteint profondément l'impérialisme américain cœur et force motrice du système ; des crises politiques ébranlent et mettent en cause les régimes de domination de classe de la bourgeoisie notamment en Europe ; l'impasse économique et politique des bureaucraties du Kremlin et satellites nourrissent leur crise qui se manifeste sur tous les aspects de la vie sociale ; les crises de l'impérialisme et des bureaucraties parasitaires se développent conjointement ; en perspective il y a la jonction de la révolution sociale et de la révolution politique. Le mouvement des masses mettant en cause les bureaucraties parasitaires des pays où le capital a été exproprié, se heurtant aux appareils bureaucratiques du mouvement ouvrier traditionnel (partis et syndicats), dans les pays capitalistes, aux directions nationalistes bourgeoises et petites bourgeoises : la tendance à ce que la classe ouvrière, la population laborieuse la jeunesse se regroupent sur un nouvel axe doit se dégager.

CRISES CONJOINTES DE L'IMPÉRIALISME ET DES BUREAUCRATIES

Au cours des années suivantes les événements mondiaux ont confirmé que s'était ouverte une nouvelle période de la révolution. L'Impérialisme américain subissait une défaite politique historique au Vietnam. Le "Watergate" exprimait et accentuait une crise de direction politique de l'impérialisme américain. La révolution portugaise balayait le 25 avril 1974 la dictature de Caetano successeur de Salazar, dictature qui datait de 1926. Bientôt ses répercussions en Espagne, les combats du prolétariat espagnol, contraindront la monarchie héritière de l'Etat franquiste a reconnaître : l'existence légale des organisations ouvrières (syndicats et partis), droits et libertés démocratiques. En janvier 1979 la révolution éclatait en Iran, le 16 le chah s'enfuyait à l'étranger. L'insurrection triomphait de l'appareil répressif et de l'armée du chah au cours des journées du 9 au 12 février. Au Nicaragua en juillet 1979, la combinaison de la grève générale insurrectionnelle et de l'action militaire des groupes armées du Front Sandiniste de Libération Nationale, balayait le régime de Somoza. Le 19 juillet Somoza s'enfuyait et le 20 les sandinistes prenaient le pouvoir.

En Europe de l'est, c'est en Pologne qu'au cours des années 1975‑1980, le mouvement des masses a atteint le point où elles se dressent ouvertement contre le pouvoir.

Les 24 et 25 juin 1976, particulièrement dans les villes de Ursus et de Radom, en réplique à la décision du pouvoir d'une augmentation des prix : grèves et manifestations. Afin d'obtenir la libération de ceux qui avaient été arrêtés des intellectuels, parmi lesquels Jacek Kuron, des étudiants constituent le Comité de Défense des Ouvriers (KOR). Dés le 1er juillet 1980, des grèves éclatent dans les grandes entreprises des villes importantes. Nouvelle vague de grève à la mi‑juillet. Le 14 août commence le mouvement qui s'est développé vers la grève générale et dont a surgi "Solidarité". Ainsi s'est engagée la nouvelle phase de combat des masses contre les bureaucraties satellites qui a conduit aux mouvements de 1989 dans la partie Est de l'Allemagne et en Europe de l'Est.

La "prospérité" d'après la seconde guerre mondiale (ce que les économistes bourgeois ont appelé les "trente glorieuses) prenait fin. Le 15 août 1971 Richard Nixon annonçait la suppression de la libre convertibilité en or des dollars que les banques centrales possèdent. C'était à la fois : une forme de banqueroute de la FED (banque centrale des USA) et la volonté de faire assumer aux autres pays capitalistes une partie de la charge que l'impérialisme américain supporte (le dollar restait moyen de paiement international et de réserve, les dollars possédés par les banques centrales étaient le plus souvent utilisés à l'achat de bons du trésor américain). La crise du système monétaire international, l'inflation de toutes les monnaies se déchaînaient. Dans la plupart des pays capitalistes dominants la hausse annuelle des prix dépassait les 10 %. En 1975 commençait une crise fondamentale de l'économie capitaliste marquée par des phases aiguës : 1975, 1980. L'endettement des pays semi‑coloniaux croissait de façon vertigineuse. Quant aux économies de l'URSS, des pays de l'Europe de l'Est, de la partie Est de l'Allemagne gérés par les bureaucraties parasitaires, coupées du marché mondial et de la division internationale, soumises à la course aux armements elles étaient comme la suite allait le révéler, fourbues.

EXEMPLES DE CONFUSIONNISME

Cela n'autorise pas à écrire:

" Elle est arrivée... La révolution politique anti-bureaucratique qui entraîne l'effondrement de l'équilibre de Yalta donnera la plus grande impulsion au combat mondialement engagé par les travailleurs et les peuples qui s'est exprimé et s'exprime sur tous les continents. Soulèvement des peuples et des travailleurs au Vénézuéla contre les plans de misère imposés par le FMI qui entend imposer, comme il le fait au Mexique et sur le continent américain, la privatisation des services publics et des industries nationalisées, résistance du peuple nicaraguayen, défendant son indépendance nationale et les conquêtes de la révolution ; luttes menées par les travailleurs d’Europe, en Espagne, en France, en Allemagne, en Belgique, contre les plans de régression sociale et de misère centralisés par les douze gouvernements constituant l'état major anti‑ouvrier et anti‑populaire de la CEE.

Préparée par la marche de l'histoire c'est un tournant mondial qui se réalise, dans les relations entre les classes, les gouvernements et les partis. Tandis que toutes les contradictions du système de la propriété privée des moyens de production décadent se révèlent avec force, les bureaucraties, pour tenter de sortir l'URSS, la Chine, les pays d’Europe de l’Est des conséquences désastreuses de leur gestion de l'économie et de l'Etat , s'engagent dans la pérestroïka de Gorbatchev qui ouvre la voie à la destruction de la propriété sociale, à la restauration du capitalisme".

Seldjouk commente :

" Préparée par la marche de l'histoire" c'est‑à‑dire par le développement de la lutte de classe mondiale dans les conditions d'extrême décadence du mode de production capitaliste‑ dont procède la crise de la bureaucratie".

Bel exercice de confusionnisme et de méli‑mélo. Les crises de l'impérialisme et des bureaucraties parasitaires, au centre desquelles se situe la bureaucratie du Kremlin, sont conjointes.

Mais encore ont‑elles chacune leurs caractéristiques propres. L'unité de la lutte mondiale des classes est une réalité. Mais il ne faut pas oublier que c'est une unité organique donc différenciée et qu'elle se développe dans l'espace mais aussi dans le temps . Les crises de l'impérialisme et des bureaucraties parasitaires, au centre desquelles celle du Kremlin, sont conjointes, la lutte mondiale des classes est une, mais l'une comme l'autre relèvent de la loi du développement combiné (pas mécanique) mais inégal.

Les mouvements qui ont déferlé dans la partie Est de l'Allemagne, en Europe de l'Est participent de la lutte de classe du prolétariat mondial, des opprimés et des exploités. Ils sont une partie composante de cette lutte classe. En arrière fond de ces mouvements il y a :les combats des prolétariats et des masses opprimées et exploitées du système impérialiste ; le fait que l'impérialisme n'a pas été capable depuis la fin de la deuxième guerre mondiale d'infliger, principalement aux prolétariats des pays capitalistes européens, des défaites décisives comparables à celles que ces prolétariats avaient subi avant la deuxième guerre mondiale. Mais il y a un abîme entre le moment actuel de la lutte des classes et ce que Léon Trotsky évoquait à la fin de son livre "la Révolution trahie"

" La première victoire révolutionnaire en Europefera aux masses soviétiques l'effet d'un choc électrique, les réveillera, relèvera leur esprit d'indépendance, ranimera les traditions de 1905 et 1917, affaiblira les positions de la bureaucratie et n'aura pas moins d'importance pour la IVe Internationale que n'en eut pour la IlIe la victoire de la révolution d'octobre".

Ce n'est pas sous l'effet de, ou d'une, " victoires révolutionnaires en Europe" que les prolétariats, les masses exploitées de la partie Est de l'Allemagne, de l'Europe de l'Est, d'URSS se sont mis en mouvement. Le phénomène, déjà constaté à partir de 1953, a pris une dimension beaucoup plus considérable : la bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties satellites ont craqué sous les pressions contradictoires de l'impérialisme et des prolétariats, des masses opprimées et exploitées des pays où le capital a été exproprié. Certes l'impérialisme est en crise mais la pression qu'il a exercé sur l'économie et les bureaucraties de l'URSS, de l'Europe de l'Est, de la partie Est de l'Allemagne, s'est encore accentuée depuis 1980.  Pourtant, il ne faut pas tout confondre. Pour la plupart de ces pays le FMI n'a pas joué un rôle décisif. La courbe de l'endettement de ces pays, par rapport aux grandes puissances impérialistes, a évolué ainsi

(en milliards de dollars)

 

1970

1975

1981

1984

1988

1989

Bulgarie

0.7

2.3

2.3

2 (83)

8.0

9.5

Tchécoslovaquie

0.2

0.8

3.6

4.0

6.8

6.9

Hongrie

0.6

2.2

7.4

8.0

19.4

20.2

Roumanie

1.2

2.5

10.0

7.5

4.0

1.0

RDA

1.0

3.5

11.4

10.0

20.1

21.9

Pologne

0.8

7.4

23.0

29.4

40.6

41.0

URSS

1.0

7.5

23.7

 

40.8

48.0

Pour les années 1970,1975,1981, source : Kreditanstalt. Suisse. Pour les années 1984,1988: recoupements. Pour l'année 1989 source: documents publiés par "Le Monde" septembre 1990.

Entre 1981 et 1984 l'endettement de l'URSS est resté sensiblement le même.

Une fois encore le texte de Seldjouk diffuse brouillard et confusionnisme lorsqu'il évoque la dette des pays de l'Europe de l’Est et de l'URSS : " cette dette pour le paiement de laquelle la bureaucratie doit restaurer le capitalisme". En 1984 par exemple pour ce qui concerne l'URSS elle se montait à environ 25 milliards de dollars, ce qui est extrêmement faible si on la rapporte au revenu national, environ 1.8 %. Le rapport reste limité en ce qui concerne la Tchécoslovaquie, où, en 1988, l'endettement représentait environ 9,5 % du PNB ; en Bulgarie environ 12 % ; en Roumanie environ 11 %. En RDA il atteint environ 22 %, ce qui se rapproche du rapport existant au Brésil, environ 35 %. En Pologne et en Hongrie ce rapport est d'environ 65 %, ce qui est proche de ceux existant en Argentine et au Vénézuêla, environ 70 %. Au Mexique il atteint environ 80 %.

LA PRESSION ACCRUE DE L'IMPÉRIALISME

La pression de l'impérialisme se traduit d'abord par l'énorme difficulté du pays où le capital a été exproprié, d'accéder au marché mondial et à la division internationale du travail. Les marchandises produites dans ces pays ne sont pas, en général, concurrentielles sur le marché mondial et dans la mesure où un courant d'échange s'établit, il est déséquilibré. D'où l'alternative suivante : ou "l'autarcie" des pays "socialistes" (en plus, dans les conditions de gestion de l'économie planifiée, par les bureaucraties, chacune "construisant" dans "son pays le socialisme", les spoliations entre elles, l'oppression et la spoliation sur l'ensemble que la bureaucratie du Kremlin exerce) ou le recours aux crédits que veulent bien accorder les puissances impérialistes.

Dès les années 1970 la bureaucratie polonaise s'est engagée dans une tentative d'industrialisation en ayant recours aux crédits accordés par les puissances impérialistes et aux devises que devaient rapporter l'exportation massive de charbon polonais. Mais d'une part le charbon n'a cessé de décliner comme source d'énergie sur le plan mondial ; d'autre part la bureaucratie s'est heurtée à la résistance de la classe ouvrière qui n'a pas accepté la hausse des prix et la baisse de son pouvoir d'achat (grève des travailleurs de la côte balte en 1970/71, grèves et manifestations à Radom et à Ursus en 1976). La bureaucratie a dû importer massivement des moyens de consommation. Enfin, la gestion bureaucratique, les rapports entre la bureaucratie polonaise et la bureaucratie du Kremlin, ainsi qu'avec les autres bureaucraties satellites, ont gaspillé d'énormes ressources. Au bout du compte il y a eu l'échéance de 1980 et des années suivantes. La nouvelle phase aiguë, de la crise fondamentale du régime capitaliste a rendu le marché mondial encore moins pénétrable aux marchandises (notamment le charbon).

Dans ces conditions le poids du service de la dette est devenu écrasant. La bureaucratie polonaise a poursuivi sur la pente des demandes de crédits aux puissances impérialistes. Ils ne lui ont été accordés qu'à des conditions de plus en plus draconiennes. Un processus semblable s'est développé en Hongrie, avec en plus, l'orientation, de plus en plus affirmée, vers l'économie de marché.

La bureaucratie roumaine s'est également engagée sur cette voie, jusqu'au coup de frein brutal et au retournement, des années 1983/84, visant au remboursement de la dette extérieure, alors considérable, elle avait atteint 12 à 13 milliards de dollars. Le maximum de marchandises a été vendues sur le marché mondial, au détriment de la consommation des masses et de l'économie, à des prix " concurrentiels", pour rembourser, le plus rapidement possible la dette extérieure.

Pendant les dernières années du "règne" de Brejnev (mort en novembre 1982), sous les courts passages au pouvoir suprême d'Andropov et de Tchernenko, la bureaucratie du Kremlin n'a pas eu d'autres choix que d'aggraver "l'autarcie" du "bloc socialiste". Les bureaucraties Tchécoslovaque, Bulgare, de la partie Est de l'Allemagne, ont suivi le même cours. Elles ont réduit leurs importations à l'indispensable pour ravitailler la population (céréales). Au cours de ces mêmes années l'impérialisme américain a accéléré encore la course aux armements, obligeant la bureaucratie du Kremlin à suivre au détriment de l'ensemble de l'économie. Ainsi en 1982, Reagan a porté le budget militaire à 200 millions de dollars environ 6 % du produit national brut. Pour suivre, la bureaucratie du Kremlin, a consacré, aux dépenses militaires 14 % du PNB de l'URSS. De plus, se couvrant de la "doctrine Brejnev", énoncée en 1968 à propos du mouvement révolutionnaire de Tchécoslovaquie.: "Nous ne pouvons rester indifférents aux destinées de la construction du Socialisme dans les autres pays", la bureaucratie du Kremlin est intervenue militairement, ouvertement, à partir du 27 décembre 1979, en Afghanistan. D'ores et déjà dans l'impasse et déchirée de contradictions, il lui a été impossible d'intervenir militairement ouvertement en Pologne en 1980 et au cours des années suivantes.

TOURNANT À 180 DEGRÉS

L'intervention du FMI n'a pas été nécessaire. Aux prises avec des contradictions économiques, sociales et politiques devenues irrépressibles, dès qu'il a accédé au pouvoir, Gorbatchev a fait faire un tournant à 180 degrés à la politique du Kremlin capitulation devant les diktats de l'impérialisme US ; perestrolika ; glasnost. Le processus de dislocation de la bureaucratie du Kremlin, de son appareil international, des bureaucraties satellites déjà en cours en Pologne s'est généralisé. Les masses ont utilisé les brèches ouvertes, elles s'y sont engouffrées.

Seldjouk note bien que :

" La bureaucratie qui n'est pas une nouvelle classe sociale, mais une caste parasitaire est prise en étau entre les forces de classes fondamentales ".

Il ajoute :

" En relation même avec sa crise, l'impérialisme a accentué sa pression, imposé à la Bureaucratie la course aux armements, épuisante pour l'économie soviétique ".

(En quoi l'économie de l'URSS peut‑elle être "soviétique" alors que la bureaucratie a assassiné les soviets depuis longtemps ?). En bon éclectique Seldjouk maintient tout de même son schéma : la crise de la bureaucratie procède " de la lutte des classes mondiales ", c'est‑à‑dire en l'occurrence des luttes de classe des prolétariats des pays capitalistes " soulèvements des peuples et des travailleurs au Venezuela, au Mexique et surtout le continent américain ... résistance du peuple nicaraguayen... luttes des travailleurs d’Europe, en Espagne, en France, en Angleterre, en Belgique, en Allemagne " de " l'extrême décadence du mode de production capitaliste " Sans doute la crise de la bureaucratie du Kremlin procède‑t‑elle (où plutôt est une partie composante) de la lutte des classes mondiales, mais encore ?

Or aucune lutte de classe des prolétariats d’Europe Occidentale, ou d'autres régions du monde n'a eu assez d'ampleur, assez de force et n'a porté de tels coups à la bourgeoisie pour qu'elle ait impulsé les combats des prolétariats et des masses opprimées de la partie Est de l'Allemagne, de l'Europe de l'Est, d’URSS. Ces prolétariats, ces masses ont agi de leur propre mouvement. L'impulsion est venue du plus profond d'eux‑mêmes. Sans doute peut‑on toujours dire que les mouvements dans les pays où le capital a été exproprié ont été " préparé par la marche de l'histoire ". Tout événement qui se produit est " préparé par la marche de l'histoire ", (sauf pour ceux qui y voient la main de dieu). Mais le corset de fer que constituaient la bureaucratie du Kremlin et ses satellites, pour les prolétariats et les masses opprimées et exploitées des pays où elles étaient, et dans certains pays, sont encore au pouvoir, a éclaté, ou éclate, sous les pressions contradictoires de l'impérialisme et du prolétariat et des masses de ces pays. Les combats d'aujourd'hui, de ces dernières sont nourris de leurs combats antérieurs (mouvements révolutionnaires de la partie Est de l'Allemagne en juin 1953, de Pologne depuis 1956 jusqu'à Août 1980, de Tchécoslovaquie, la révolution hongroise des conseils de 1956, toutes les luttes des masses en URSS, etc.)

Par contre les conquêtes, les acquis, le niveau de vie, les conditions de vie et de travail (tout inégaux et remis en cause qu'ils soient aujourd'hui) les droits et libertés conquis par les prolétariats des pays capitalistes dominants ont eu un fort pouvoir attractif et stimulant sur les prolétariats et les masses exploitées et opprimées des pays où le capital a été exproprié. C'est de cette façon que les luttes de classe des prolétariats des pays capitalistes dominants ont agi sur les prolétariats des pays où le capital a été exproprié.

Certes si l'impérialisme n'était pas en crise il n'exercerait pas de pression sur les pays où le capital a été exproprié. Plus exactement cela signifierait que l'impérialisme n'est pas l'impérialisme stade suprême du capitalisme. Mais dans ce cas il n'y aurait pas eu de révolution russe, le capital n'aurait pas été exproprié dans la partie Est de l'Allemagne, en Europe de l'est, en Chine, au Vietnam, à Cuba. La révolution prolétarienne ne serait pas à l'ordre du jour, ni les guerres impérialistes. Il est vrai que depuis 1968 il ne s'agit plus seulement de la crise historique générale de l'impérialisme, mais d'une nouvelle phase de cette crise et que la pression de l'impérialisme sur les pays où le capital a été exproprié s'est encore considérablement accentuée. Cependant, aujourd'hui, il est indispensable de spécifier que l'impérialisme a pu et peut exercer la pression qu'il a exercé et exerce encore sur les pays où le capital a été exproprié, qu'autant que sa crise n'a pas actuellement dépassée certaines limites : elle n'a pas encore explosé et disloqué le mode de production capitaliste. Le brouillard et la confusion désarment toujours politiquement.

Le souci de clarification et de précision n'a rien de pédant. C'est indispensable pour combattre. Il faut constata rigoureusement que si il y a crises conjointes de l'impérialisme et des bureaucraties parasitaires et contre‑révolutionnaires, au centre desquelles celle du Kremlin, ces crises ne sont pas synchrones. De même il y a inégalité de développement entre la lutte de classe des prolétariats, des masses exploitées, des pays capitalistes dominants et celle des prolétariats des masses opprimées et exploitées des pays où le capital a été exproprié. Ne pas le constater et en rendre compte conduiraient à commettre des erreurs politiques majeures. En Allemagne, ces réalités ont des conséquences très importantes ‑ si le capitalisme allemand avait été disloqué par une crise économique, sociale et politique, si le prolétariat de la partie Ouest avait été engagé dans une lutte pour le pouvoir, le cours des événements dans la partie Est de l'Allemagne, et dans toute l'Allemagne, aurait été profondément différent : la réunification allemande aurait été plus que jamais ressentie par le prolétariat allemand comme l'objectif premier et immédiat à atteindre, mais afin d'exproprier le capital à l'Ouest en même temps que de balayer la bureaucratie à l'Est. Pour réaliser ces tâches, le prolétariat allemand aurait porté au pouvoir un gouvernement ouvrier et paysan, sinon établi directement la dictature du prolétariat, le pouvoir des conseils, des soviets, lesquels, immanquablement, auraient surgi. Ç'aurait été réellement la fusion de la révolution sociale et de la révolution politique. Sans se livrer à aucune spéculation, on conçoit que toutes les relations, européennes et mondiales, entre les classes, auraient été révolutionnées.

LA RÉUNIFICATION ALLEMANDE

On est loin de compte. Les puissants mouvements qui ont déferlé en Europe de l'Est ont comme origine la généralisation de la grève d'août 1980 en Pologne, la constitution du syndicat "Solidarité". Quels que soient les coups qu'elle leur ait portés, la bureaucratie polonaise n'a pu les écraser. Elle a finalement été contrainte de composer avec la direction de "Solidarité", direction liée à la hiérarchie catholique polonaise. Les mouvements de l'Europe de l'Est ont contribué à l'approfondissement de la crise de la bureaucratie du Kremlin. Ils ont été, aussi, un produit de cette crise. En témoignent les crises des bureaucraties hongroise et bulgare. Cependant, ils ont pris leur plein essor à partir du mouvement de la partie Est du prolétariat allemand qui a fait s'effondrer le mur de Berlin. En Hongrie, le mouvement s'est accéléré ainsi qu'en Bulgarie. En Tchécoslovaquie il a déferlé. A la mi‑décembre, la révolution roumaine qui a renversé Ceausescu a éclaté. En Pologne, en Hongrie, dans la partie Est de l'Allemagne, en Tchécoslovaquie, les bureaucraties se sont disloquées. En Bulgarie, en Roumanie, pour l'instant elles se sont maintenues au pouvoir mais elles sont très affaiblies et elles vacillent. Pourtant, si un an après on tire un premier bilan, on constate : dans aucun de ces pays le prolétariat n'a pris le pouvoir: dans tous ces pays les gouvernements, qui sont au pouvoir, sont des gouvernements bourgeois ou pro‑bourgeois, restaurationnistes (Bulgarie, Roumanie).

En ce qui concerne l'Allemagne, le "Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire (la reconstruction de la IVe Internationale)" titrait le n° 30 de son bulletin "Combattre pour le Socialisme", du 2 décembre 1989 :

« Inconditionnellement pour :

-la réunification de l'Allemagne et du peuple allemand

-‑ le retrait immédiat des troupes du Kremlin, françaises, anglaises, américaines. »

" Informations Ouvrières " s'est bien gardé de titrer pleine page, à la une, de façon semblable et de mener une véritable campagne sur ces thèmes. Le n° 1044, semaine du 15 au 22 novembre, titre dans le coin gauche : « Les peuples abattent les murs » : ce n'est pas compromettant. Il faut se reporter en page trois pour lire dans une résolution du XXXIVe congrès du PCI : « droit du peuple allemand à rétablir son unité nationale : unité de l'Allemagne ‑ un seul prolétariat, une seule nation allemandes. ". Du retrait immédiat et inconditionnel des forces d'occupation il n'est pas question. Pas plus qu'il n'est question de la nécessité de construire un parti ouvrier révolutionnaire dans toute l'Allemagne, section allemande de la IVe Internationale. Tout est orienté vers le SPD.

Il ne suffit pas d'écrire :

« Le rétablissement de l'unité du prolétariat allemand constitue, au cœur de l’Europe, un facteur objectif révolutionnaire majeur. C'est la classe ouvrière allemande ‑ dont le prolétariat de RDA est une composante ‑ qui a jeté bas le mur de Berlin.

L'effondrement de l'appareil stalinien en RDA, de toutes les structures de l'Etat instrument de la division de l'Allemagne, a été le produit de la première phase d'un processus révolutionnaire dans toute l'Allemagne. »

Il faut prendre en compte que la réunification de l'Allemagne s'est réalisée dans le cadre de la République Fédérale Allemande et non par la fusion de la révolution sociale et de la révolution politique, Dans une très large mesure, la volonté de réunification du prolétariat allemand (surtout dans sa partie Est) a submergé tous les obstacles. Mais il faut en convenir, cette réunification s'est réalisée dans le cadre d'un Etat bourgeois. Plusieurs facteurs ont agi dans ce sens: pour les Allemands de l'Ouest et de l'Est, seule la RFA était et est un authentique Etat allemand ; la RDA n'était qu'un instrument étranger, oppresseur et spoliateur des Allemands de la partie Est de l'Allemagne, construit par la bureaucratie du Kremlin et agissant à son compte. L'énorme retard économique de cette partie de l'Allemagne sur la partie Ouest de l'Allemagne, la différence considérable des pouvoirs d'achat, de conditions de vie entre les travailleurs Est allemands et Ouest allemands ont joué dans le sens d'une intégration politique de l'Est de l'Allemagne dans la RFA. Dans la partie Ouest de l'Allemagne, il n'y a pas eu de mobilisation, de mise en mouvement des masses contre le gouvernement Kohl et l'Etat bourgeois. Dans la partie Est, il n'y a pas eu de jaillissement de comités qui, se fédérant, auraient pu constituer un embryon de pouvoir en mesure de susciter un processus similaire à l'Ouest. Qu'on le veuille ou non, pour les grandes masses, le " communisme" a l'horrible visage de la bureaucratie du Kremlin et de son instrument, la bureaucratie Est allemande. Pas plus à l'Est qu'à l'Ouest de l'Allemagne, il n'existe de parti ouvrier révolutionnaire.

Le puissant mouvement du prolétariat de la partie Est de l'Allemagne, de la fin de l'année 1989, a terrorisé les grandes puissances impérialistes et la bureaucratie du Kremlin. Ils ont craint la réunification allemande. Jusqu'où pouvait aller ce mouvement ? Personne n'était en mesure de répondre à cette question. Mais le gouvernement Kohl a su exploiter habilement les aspirations à l'unification. Il les a canalisées en direction de la RFA. Les dirigeants du SPD s'y sont opposés. Ils l'ont freiné autant qu'il leur a été possible. Ils ont heurté de plein fouet la volonté de la grande majorité du peuple allemand. Les conséquences en ont été que par trois fois les partis bourgeois ont remporté des victoires électorales écrasantes, dont celles du 2 décembre, élections où ont été élus les représentants de toute l'Allemagne au Bundestag.

L'unification allemande n'en représente pas moins un bond en avant pour le prolétariat allemand et, compte tenu du poids qu'il a et de la place qu'il occupe en Europe pour l'ensemble des prolétariats de ce continent, Ouest et Est. La division de l'Allemagne en deux, l'écrasement sous la botte des occupants du prolétariat allemand, réalisés en 1945 ont été les mesures essentielles, prises en commun par les puissances impérialistes et la bureaucratie du Kremlin, pour contenir et faire refluer la vague révolutionnaire issue de la guerre. Ensuite, l'écrasement sous la botte du Kremlin des masses de la partie Est de l'Allemagne a bloqué, dans une large mesure, la partie Ouest du prolétariat allemand, dans les limites de l'Etat bourgeois, la RFA. La "prospérité" a fait le reste. Retrouvant son unité, le prolétariat allemand sera amené à s'affronter en tant que classe unie à la bourgeoisie et à l'Etat bourgeois allemand. C'est l'essentiel.

"LE CRITERE POLITIQUE ESSENTIEL"

A ceux qui opposeraient à la réunification du prolétariat allemand, "la défense" d'une prétendue "propriété sociale" qui existerait dans la partie Est de l'Allemagne, il faut conseiller de lire Trotsky. Il a écrit :

«La nouvelle constitution, bâtie tout entière, comme nous le verrons, sur l'identification de la bureaucratie et de l'Etat ‑ comme de l'Etat et du peuple par ailleurs dit : "la propriété de l'Etat en d'autres termes celle du peuple tout entier...". Sophisme fondamental de la doctrine officielle. Il n'est pas contestable que les marxistes, à commencer par Marx lui‑même, aient employé à l'égard de l'Etat ouvrier les termes de propriété "étatique", "nationale" ou "socialistes" comme des synonymes. A de grandes échelles historiques, cette façon de parler ne présentait pas d'inconvénients. Mais elle devient source de fautes grossières et de duperies dès qu'il s'agit des premières étapes pas encore assurées de l'évolution de la société nouvelle, isolée et en retard au point de vue économique sur les pays capitalistes.

La propriété privée, pour devenir sociale, doit passer par l'étatisation de même que la chenille, pour devenir papillon, doit passer par la chrysalide. Mais la chrysalide n'est pas un papillon. Des myriades de chrysalides périssent avant de devenir papillons. La propriété de l'Etat ne devient celle du "peuple entier" (propriété sociale NDLR) que dans la mesure où disparaissent les privilèges et les distinctions sociales et où, par conséquent, l'Etat perd sa raison d'être. Autrement dit : la propriété de l'Etat devient socialiste (social NDLR) au fur et à mesure qu'elle cesse d'être propriété d’Etat. Mais au contraire, plus l'Etat soviétique s'élève au‑dessus du peuple, plus durement il s'oppose comme le gardien de la propriété, au peuple qui la dilapide, et plus clairement il témoigne contre le caractère socialiste de la propriété étatique.» (La révolution trahie, page 268).

Y compris en URSS, il n'y a jamais eu de "propriété sociale" mais une propriété étatique d'un Etat qui s'est de plus en plus "élevé au‑dessus du peuple". Si possible, c'était pire encore dans tous les pays où les Etats étaient contrôlés par les bureaucraties satellites du Kremlin, donc, bien sûr dans la partie Est de l'Allemagne, où la RDA était un instrument pur et simple du Kremlin. Trotsky a également écrit :

«Le critère politique essentiel pour nous n'est pas la transformation des rapports de propriété dans cette région (en l'occurrence la partie de la Pologne que l'armée du Kremlin a occupée en 1939 à la suite du pacte entre Staline et Hitler NDLR) ou une autre, si importants qu'ils puissent être par eux‑mêmes, mais le changement à opérer dans la conscience et l'organisation du prolétariat mondial, l'accroissement de sa capacité àdéfendre les conquêtes antérieures et à en réaliser de nouvelles.» (Défense du marxisme, page 121).

Pour le prolétariat allemand, la priorité des priorités, c'était sa réunification dans une Allemagne réunifiée. Il reconquiert ainsi tout le terrain qu'il avait perdu par la division de l'Allemagne en 1945. Mais la réunification politique de l'Allemagne, la constitution d'un appareil d'Etat dans la partie Est de l'Allemagne, correspondant à celui existant à l'Ouest, partie constituante de l'appareil d'Etat de la RFA, n'en est qu'à ses débuts. L'assimilation économique et la restauration du mode de production capitaliste à l'Est sont à peine entamées. Les travailleurs Est allemands revendiquent des mesures qui les protègent contre le chômage et la hausse des prix. Obligatoirement, ils soulèveront les revendications d'accès au pouvoir d'achat, aux conditions de vie que les travailleurs de l'Ouest ont acquis. Ces derniers ne peuvent, sans que soient mis en cause leur propre niveau de vie, leurs propres acquis, laisser se maintenir et encore moins s'aggraver, l'énorme différence qui existe entre ce que ceux‑ci sont à l'Ouest et à l'Est de l'Allemagne réunifiée, pas plus qu'ils ne peuvent rester indifférents à l'extension rapide du chômage à l'Est. Le rassemblement des travailleurs de l'Ouest et de l'Est de l'Allemagne en des organisations uniques (partis et syndicats) est inéluctable. En Allemagne, des charges explosives formidables sont concentrées dans les rapports entre les classes, contre l'Etat bourgeois de RFA. Encore faut‑il que le prolétariat allemand soit politiquement armé pour battre la bourgeoisie allemande, faire exploser et détruire l'Etat bourgeois, prendre le pouvoir et établir la véritable dictature du prolétariat.

ÉLECTIONS ET ABSTENTIONS'

Rien n'est plus puéril et désarmant que de fermer les yeux sur les obstacles qui se dressent devant les prolétariats, ou même de les gommer. Les résultats des élections allemandes montrent combien à l'étape actuelle le prolétariat allemand est politiquement désarmé.         

Le prolétariat allemand n'est pas le seul dans ce cas. Les élections en Pologne sont une véritable catastrophe politique pour le prolétariat et les masses opprimées et exploitées de ce pays. Pour être candidat au premier tour des élections à la présidence de la République, il suffisait de réunir 100 000 signatures. Or, pas un candidat représentant, même de loin, la population laborieuse, ne s'est présenté ou n'a pu se présenter. La "percée" d'un candidat comme Timinsky est démonstrative de l'incroyable confusion politique qui existe parmi les masses en Pologne. "IO" n° 1497 du 28 novembre au 5 décembre triomphait :

«40 % d'abstentions, c'est presque une majorité, principalement des jeunes et des ouvriers qui ont rejeté cette politique de mensonges et de misère programmée».

La suite de l'article participe de la "philosophie" qui se dégage du rapport de Seldjouk :

« Analysant le résultat de ce premier tour, le journal "Les Echos", lui aussi, ferme défenseur du retour de la Pologne aux lois du marché capitaliste note avec inquiétude que "le vote des Polonais est un désaveu cinglant de ce programme d'austérité". C'est ainsi qu'on trouve en Pologne les mêmes caractéristiques que celles qui ont marqué les récents scrutins en Hongrie, où le taux d'abstentions dépassait 60 % lors des récentes élections, comme au Brésil, en France...

C'est ainsi qu'en Pologne également, les problèmes qui ne peuvent être résolus sur le terrain électoral sont appelés, de par la politique des gouvernements, à trouver une solution sur un autre terrain. Comme le faisait remarquer un observateur à propos des élections partielles en France "les abstentionnistes du dimanche sont les grévistes et les manifestants du lundi". On l'a vu récemment en Hongrie avec la grève des taxis et des transports qui a fait reculer le gouvernement. En Bulgarie c'est une grève générale de trois jours qui paralyse en ce moment le pays. En Allemagne de l'Est, les cheminots sont en grève depuis trois jours pour des salaires égaux à ceux de l’Ouest de l'Allemagne et contre les suppressions d'emploi prévu par le plan d'unification du réseau ferré.

En Pologne, il y a loin de la coupe aux lèvres. Contre les privatisations, les licenciements, la destruction de la propriété sociale, les ouvriers polonais qui se sont insurgés en 1956, qui créaient leurs comités de grève de délégués élus à Szescin en décembre 1970, à Radom en 1976 et qui ont donné naissance à Solidarité en août 1980, sauront trouver leurs propres solutions.» Déroulède de la lutte des classes, JPR signe cette prose héroïque.

Dans la partie Est de l'Allemagne, en Pologne, en Hongrie, la politique restaurationniste a commencé à être appliquée. Le prolétariat, la population laborieuse en paient le prix par une baisse dramatique de leur pouvoir d'achat (30 % en Pologne), un développement massif du chômage. En Tchécoslovaquie, en Bulgarie, en Roumanie, en URSS, la restauration capitaliste, le retour à la propriété privée des moyens de production, au règne des lois du marché, sont pour l'essentiel à venir. Ils sont encore à l'état embryonnaire (voir les vicissitudes des plans de réforme économique en URSS). Pourtant c'est la catastrophe économique, la production s'effondre, l'économie se disloque. Plus rien dans les magasins, c'est la disette, sinon la famine : le 3 décembre, le Kremlin a demandé officiellement à la CEE une aide alimentaire d'urgence.

Dans la partie Est de l'Allemagne, la participation électorale aux élections au Bundestag a encore avoisiné 80 %. Par contre en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, la non participation aux élections d'un nombre croissant d'électeurs traduit l'opposition des masses à la politique des gouvernements qui ont accédé au pouvoir il y a environ un an. Mais l'abstention massive n'ouvre pourtant aucune voie à la classe ouvrière et à la population laborieuse en général. Ce sont les anarcho‑syndicalistes qui croient cela, pas les marxistes. Ce fait démontre que les travailleurs sont politiquement déboussolés. Si, en définissant une politique qui ouvre une issue prolétarienne à la question du pouvoir, un parti ouvrier révolutionnaire, ou au moins l'embryon d'un tel parti, parvenait à s'inscrire dans les processus électoraux et rassemblait une fraction significative des abstentionnistes (du même coup ils cesseraient d'être des abstentionnistes) ce serait différent. A notre connaissance, dans aucun de ces pays ce n'est le cas.

ET LES LUTTES ET LES GREVES !

Et les luttes et les grèves ! déclame le Deroulède de la lutte des classes. Elles se font jour effectivement. A la liste qu'il établit on peut ajouter les manifestations qui se sont produites dans les grandes villes de Roumanie à l'occasion de la commémoration du 3e anniversaire du soulèvement de Brasov contre Ceaucescu. La grève générale en Bulgarie, lancée par le syndicat Podkrépa ("Soutien"), a contraint le gouvernement Loukanov, gouvernement du PSB (le PC bulgare sous une nouvelle étiquette), à démissionner au bout de trois jours de grève générale. Débordant le syndicat, étudiants et ouvriers ont dressé des barricades dans les rues de Sofia. Les manifestations en Roumanie annoncent la chute, à plus ou moins longue échéance, du gouvernement du Front de Salut National et la dislocation de la bureaucratie roumaine qui a réussi à se maintenir en dépit de la révolution de décembre 89. La grève générale de Bulgarie a mis en cause le maintien au pouvoir de la bureaucratie bulgare. Mais le 7 décembre, l'AFP a informé:

«Les quatre partis représentés au parlement ‑ PSB, Union des forces démocratiques (UFD‑opposition), Parti agrarien et Mouvement pour les droits et libertés (partis de la minorité turque) ‑ soutiennent cet accord (nomination de Dimitar Popov comme premier ministre, élections municipales fin février 91, élections législatives anticipées fin mai 1991) obtenu vendredi lors d'ultimes discussions avec le président Jalev. Le parlement devra adopter avant le 15 janvier prochain huit lois fondamentales pour assurer la transition vers l'économie de marché, concernant notamment la privatisation, les terres agricoles, les banques et la protection des investissements étrangers, les impôts et la protection sociale. Le parlement doit élaborer une nouvelle constitution à partir du 15 janvier prochain et se dissoudre vers la fin mars. »

En Bulgarie se poursuit le processus où, sous l'action des masses, la carcan de fer des bureaucraties satellites, s'est disloqué en Pologne, en Hongrie, dans la partie Est de l'Allemagne, et où des partis petits bourgeois et bourgeois ont accédé au pouvoir, l'appareil d'Etat restant pénétré par des composantes entières des anciennes bureaucraties.

Au cours de leurs mouvements de l'année 1989, la classe ouvrière, la population laborieuse des pays de l'Europe de l'Est et de la partie Est de l'Allemagne ont gagné les droits, de fait ou légaux, de s'organiser syndicalement et politiquement, de manifester, de presse, etc... C'est essentiel bien qu'insuffisant. Des syndicats ont vu le jour. Mais le prolétariat ne dispose pas de partis révolutionnaires, d'organisations politiques propres, combattant sur la ligne de la prise du pouvoir par la classe ouvrière, de la constitution d'un authentique Etat ouvrier formé par les conseils, les soviets. Or, tant que les syndicats n'ont pas à leur tête une direction révolutionnaire en corrélation avec un tel parti, ils sont obligatoirement soumis aux manipulations d'organisations, de forces politiques pro-bourgeoises ou bourgeoises. "Solidarité" en a donné un exemple éclatant. En Bulgarie les dirigeants du syndicat "indépendant" "Podkrépa", bien qu'ils aient pris, il y a quelques semaines, un peu de distance par rapport à la coalition des partis d'opposition, ("I'Union des forces démocratiques") ont porté au pouvoir un gouvernement de coalition UFD‑PSB.

Il faut y insister : en l'absence de partis ouvriers révolutionnaires, d'organisations politiques, combattant sur la ligne de le prise du pouvoir par le prolétariat, alors même qu'ils viennent de faire éclater le carcan stalinien, face aux gouvernements pro‑bourgeois et restaurationnistes, liés à l'impérialisme, qui ont accédé au pouvoir, les prolétariats sont politiquement désarmés, déboussolés. C'est ce que traduit le nombre croissant d'abstentions aux différentes élections. Il est certain que contre les anciens syndicats officiels, aux façades mal repeintes, pour se défendre contre la politique de hausse des prix, de diminution du pouvoir d'achat des masses, d'aggravation de leurs conditions de vie et de travail, de remise en cause de leurs maigres acquis sociaux, les prolétariats des pays de l'Europe de l'Est, édifieront de véritables organisations syndicales. Il est vraisemblable que se produiront de puissantes explosions sociales. Il est même possible que dans ces luttes, et pour ces luttes, se constituent des comités. Pourtant rien de tout cela ne peut, en soi, permettre aux "ouvriers... de trouver leurs propres solutions".

GREVE DES CHEMINOTS, COMITÉS ROUMAINS

JPR évoque dans son article la grève des cheminots de la partie Est de l'Allemagne. Dans le numéro suivant de "IO", la réponse lui est donnée :

« Quelques jours avant les élections du 2 décembre, alors que les cheminots de lEst avaient voté à 97 % pour la grève sur les revendications ‑ pas de licenciements ‑ augmentation de salaires ‑ grille égale avec les cheminots de l’Ouest, les dirigeants ont accepté de faire reprendre le travail alors que 45 % des cheminots appelés au vote se sont prononcés pour la reprise et 55 % contre, sans avoir obtenu satisfaction sur toutes (sur l'essentiel, NDLR) leurs revendications. »

La direction des syndicats des cheminots de la partie Est de l'Allemagne s'est, en effet, située politiquement dans le cadre de l'intégration à la RFA et des élections au Bundestag. Seule une direction se situant sur la ligne que devrait avoir un parti ouvrier révolutionnaire pouvait donner toute sa dimension, toute sa puissance à ce mouvement survenant à la veille des élections au Bundestag. Il n'est pas exclu que le mouvement rebondisse. En tout cas des mouvements semblables se reproduiront dans la partie Est de l'Allemagne. Leur issue dépendra de la perspective politique qui s'ouvrira devant la classe ouvrière allemande et de ce qu'elle puisse la faire sienne.

Même la formation de comités, de soviets ne suffit pas. Le n° 1450 d'IO, semaine du 3 au 10 janvier, titrait :

"ROUMANIE: LA RÉVOLUTION DES COMITÉS"

Jean‑Pierre Raffi (un confrère sans doute à JPR) écrivait:

«Le soulèvement politique de la jeunesse et du peuple roumains, son énergie révolutionnaire se fraient certes un chemin à travers de nombreux obstacles, tant extérieurs qu'intérieurs. Il n'en reste pas moins que déjà, par cette émergence de comités de délégués élus et révocables, expression plus avancée de la démocratie dont le peuple définit lui‑même le contenu et les contours, la révolution roumaine marque une nouvelle étape. Pour la Roumanie bien sûr, en premier lieu, mais aussi pour l'URSS, pour la Hongrie, la Yougoslavie, toutes proches. Et plus largement. »

A noter que "IO" et Jean‑Pierre Raffi ne mettent, alors, nullement en avant le mot d'ordre qui était indispensable pour que ces comités ne végètent pas, ne se dessèchent pas, ne disparaissent pas : " Congrès national des comités".

Dans son rapport, Seldjouk explique:

«(la) politique de restructuration de l'appareil d'Etat (en Roumanie) impliquant la liquidation des comités, forme démocratique du pouvoir ouvrier et paysans. Celle‑ci a d'abord pris la forme d'une opposition à la centralisation des comités au plan national dans un congrès pour les limiter à des tâches subordonnées au niveau de l'entreprise visant à les faire dépérir, plus à œuvrer actuellement à la transformation de ces comités en "syndicats" liés au FSN et au pouvoir central. »

Le fond de l'affaire réside en ceci : y compris alors que surgissent les comités, les soviets, sans un parti ouvrier révolutionnaire qui ouvre la perspective d'un gouvernement ouvrier et paysan, de la prise du pouvoir par la classe ouvrière, de la construction d'un authentique Etat ouvrier, la classe ouvrière, la population laborieuse restent désarmées politiquement. Le drame politique en Europe de l'Est, en Allemagne et en URSS réside en ce qu'il n'existe pas de POR ou même d'embryon d'un tel parti.

DES ECONOMIES FOURBUES

Comment est‑il possible d'écrire, au détour d'une phrase, comme le fait Seldjouk : "Les développements à lEst de l'Europe, combinés aux processus en cours en URSS ou l'hégémonie du prolétariat tend à s'affirmer (souligné par nous). La crise, la dislocation de la bureaucratie du Kremlin ont donné aux masses d'importantes possibilités d'expression et d'organisation. Le mouvement des nationalités s'est étendu à l'ensemble du territoire de l'URSS. Il disloque et éclate la bureaucratie. L'année 1989 a été marquée par les grèves des mineurs. Ici et là se constituent de nouveaux syndicats et la centrale "syndicale" officielle est mise en cause. Le PC de l'URSS se délite. La pérestroïka piétine. L'aile restaurationniste se heurte à la résistance d'importantes couches de la bureaucratie et surtout au prolétariat qui redoute la hausse des prix, le chômage massif, la liquidation de ses maigres acquis sociaux.

Pourtant la situation économique et politique du prolétariat des masses opprimées et spoliées de I'URSS, est dramatique. La classe ouvrière, la population laborieuse, sont menacées de disette, sinon dans certaines régions d'un retour de la famine. Ce sont elles qui souffrent de la pénurie de tout, qui cet hiver vont subir le froid. L'économie de l’URSS s'effondre, de même d'ailleurs que les économies des pays de l'Europe de l'Est et de la partie Est de l'Allemagne. Seldjouk l'ignore. Toutes les vingt lignes il se gargarise des mots "la propriété sociale". La pénurie actuelle en URSS relève en partie de la pagaille économique : le pain, le lait, les pommes de terre et bien d'autres produits manquent alors que des milliers de wagons, chargés de marchandises, stationnent sur les voies de garage. Faute d'être ramassées et stockées convenablement, des millions de tonnes de céréales, de pommes de terre, de légumes, 60 % de la récolte de fruits, sont perdues et pourrissent. Les entreprises ne réalisent plus leurs contrats passés avec l'Etat et entre elles. Le phénomène des ciseaux réapparaît: les campagne ne livrent plus leurs marchandises faute d'obtenir en contrepartie les produits industriels dont elles ont besoin. La perspective du retour aux lois du marché, de la libération des prix incitent les spéculateurs à la rétention des marchandises.

Pire encore : pris dans leur ensemble, les moyens de production, des économies de I'URSS, de l'Europe de l'Est, de la partie Est de l'Allemagne sont obsolètes ; ils sont usés jusqu'à la corde. Depuis de nombreuses années, la production de pétrole décline. Dans le bassin du Kouzbass, la production de charbon aurait diminué de 5 millions de tonnes en 1990. Les puits de pétrole ne peuvent être exploités jusqu'au bout faute du matériel nécessaire. Les équipements industriels consomment deux à trois fois plus d'énergie qu'aux USA par unité de PNB. "Vu les investissements gigantesques consacrés à ce secteur depuis soixante dix ans, la sidérurgie a des résultats catastrophiques" note un spécialiste. 50 % des machines d'usinages des métaux ont plus de 20 ans d'âge. 51 % des besoins en tours automatiques ou semi‑automatiques et 33 % des besoins en machines d'usinage d'engrenages ne sont pas satisfaits. Dans toutes les branches de l'économie, le bilan est semblable. L'assèchement de la met d'Aral et ses conséquences catastrophiques illustre où a conduit la gestion de l'économie par la bureaucratie du Kremlin. Tchernobyl en est un autre exemple. C'est au prix d'une mobilisation des ressources pompant sur l'ensemble de l'économie que certaines industries de "pointe" sont édifiées et elles sont marquées par l'insuffisance des moyens, le retard technologique général‑ En URSS, l'industrie aéro‑spaciale doit absorber une partie considérable du revenu national.

Jean‑Marie Chauvier peut écrire dans "Le Monde Diplomatique" de novembre:

« immeubles anciens et neufs laissés à l'abandon, vitres brisées, portes défoncées, canalisations explosées, rues éventrées par des chantiers sans lendemain, amas de planches abandonnées, outillages et wagons de chemin de fer datant des années 40, usés, rouillés, tout comme les tracteurs sans abri, les autobus cent fois rafistolés... La régression des années 80 prolonge la "stagnation technologique des années 60 et 70. »

Ce qui est vrai pour l'économie de I'URSS l'est plus encore, si possible, pour l'économie des autres pays de l’Europe de l'Est et de la partie Est de l'Allemagne. Ainsi, les aciéries de Nowa Huta en Pologne ont été conçues pendant les années 50. Elles devaient devenir l'un des principaux centres de production d'acier pour tous les pays de l'Europe de l'Est. M. Jacek Wozunakowski, maire de Cracovie, constate :

« Par exemple l'énorme complexe sidérurgique de Nowa Huta qui consomme cinq fois plus d'énergie et vingt fois d'eau qu'une usine moderne. Il a été construit dans les années 50 avec une technologie des années 20. Il pollue la ville et l'environnement. C'est un chancre. Mais sa fermeture serait un désastre social pour la région. » ("Le Monde Diplomatique", décembre 1990).

L'économie de la partie Est de l'Allemagne était présentée comme le fleuron de celle des pays où le capital a été exproprié. Elle s'effondre littéralement. Dès le 25 juillet la "Traban" n'était plus produite. Invendable. Les camions Est

allemands, invendables. Technologiquement ils avaient des décennies de retard, leurs prix étaient exorbitants. Les immenses combinats, soi‑disant modèles, se révèlent être surannés et polluants. Certaines installations et machines datent de l'avant­-guerre. Us difficultés de la Treuhandanstalt à privatiser, proviennent de plusieurs misons : l'établissement d'un droit de propriété qui fixe à qui appartiendront terrains et immeubles; la question de l'endettement des entreprises; la possibilité de licencier ; les performances économiques des entreprises. Sur ce dernier point: beaucoup estiment qu'une grande partie est bonne à être jetée à la ferraille. La partie Est de l'Allemagne est la région de l'Europe la plus polluée. Les régions où l'industrie consomme massivement de la lignite sont particulièrement insalubres.

ET LA "PROPRIÉTÉ SOCIALE"

La gestion des économies de la partie Est de l'Allemagne, de l'Europe de l'Est, de I'URSS, leur isolement du marché mondial et de la division internationale du travail, la course aux armements ont ravagé ces économies. Après la guerre il y a eu les années de reconstruction et d'un certain développement économique. Ensuite, la "stagnation technologique des années 60 et 70". Enfin "la régression des années 1980". La gestion bureaucratique a été jusqu'à la limite de ce que pouvait supporter l'économie planifiée: jusqu'à ce qu'elle craque. Le moment est arrivé où elle commence à s'effondrer... sur le dos de la classe ouvrière et de la population laborieuse.

Si le stade de la "propriété sociale" était atteint cela voudrait dire que la contrainte étatique ne serait plus, ou serait de moins en moins nécessaire au maintien des rapports de production non‑capitaliste, que l'Etat aurait commencé à dépérir. Il ne pourrait plus y avoir de bureaucratie parasitaire. La révolution politique aurait été réalisée ou n'aurait pas lieu d'être. Le socialisme serait en vue. Or, depuis que L. Trotsky a écrit "La Révolution trahie" : le cancer bureaucratique n'a cessé de se développer, l'isolement du marché mondial et la coupure de la division internationale du travail, la course aux armements, la concrétisation de la "théorie" de la "construction du socialisme dans un seul pays", le pillage et la gabegie bureaucratiques ont fait leur œuvre. Ils ont freiné le développement des forces productives. Ils sont devenus des entraves toujours plus fortes à leur développement. Maintenant ils les remettent en cause. L'accumulation et le développement antérieurs sont mangés par la gestion bureaucratique et ses implications nationales et internationales. La bureaucratie entraîne l'économie planifiée à la faillite et, en même temps, la propriété étatique des moyens de production. Il ne faut pas oublier que le maintien de la propriété étatique des moyens de production dépend du pouvoir politique. D'ores et déjà elle est en très mauvais état. La dislocation de l'économie planifiée menace dans les moyens d'existence des millions de prolétaires. Toute une partie de la bureaucratie du Kremlin, son sommet dirigeant, en sont au point où ils s'engagent sur la voie de la restauration capitaliste, où ils ouvrent la porte à la pénétration impérialiste, où ils veulent brader la propriété étatique des moyens de production. On est loin de la "propriété sociale".

LA SITUATION POLITIQUE DU PROLÉTARIAT DE L'URSS

La situation politique de la classe ouvrière et de la population laborieuse de l'URSS est également très difficile. Leur puissance objective ne suffit pas. Il leur faut avoir les instruments politiques et l'orientation politique correspondant à leurs intérêts de classe et qui permettent de les imposer. Or, là aussi, on est loin de compte. Les mouvements de masse pour les droits nationaux ont porté en avant des directions petites bourgeoises, ou bourgeoises, pro‑impérialistes et restaurationnistes, quelques fois issues de la bureaucratie du Kremlin ou même toujours intégrées à celle‑ci. L'exemple de la République de Russie est démonstratif : Elstine, Popu et les autres. La classe ouvrière n'a pas de parti exprimant ses intérêts, se donnant comme objectif : qu'elle reprenne le pouvoir et restaure un authentique Etat ouvrier sur la base de véritables soviets.

Systématiquement "IO" déforme la réalité: jamais n'est mis en relief l'hétérogénéité des manifestations qui se sont déroulées à Moscou le 1er  mai et à différentes reprises. Le 1er mai il y a eu deux cortèges, l'un organisé par les syndicats officiels, l'autre par les opposants. Celui organisé par l'appareil "syndical" a défilé en bon ordre sur des mots d’ordre nettement opposés à la "pérestroïka" : «La nourriture n'est pas un luxe", "A travail réel, salaire réel", "Les prix sous le contrôle des syndicats", "Non au chômage ", "Les prix sous contrôle", "Non au chaos". Dans le cortège dit informel ont jailli des mots d'ordre exprimant les aspirations aux libertés démocratiques et des mots d'ordre authentiquement réactionnaires :

« "Liberté pour la Lituanie "‑ "Aujourd'hui blocus de la Lituanie, demain blocus de Moscou" ‑ "Le blocus de la Lituanie c'est la honte du président" ‑ "Un président élu (au suffrage universel, NDLR) est un dictateur" ‑ "A bas le parti communiste" ‑ "A bas les Ceausescu du Bureau Politique" ‑ "Les Ceausescu du Bureau Politique en prison" ‑ "Nous n'avons pas confiance dans un parti dont les dirigeants sont des criminels" ‑ "A bas l'empire du fascisme rouge" ‑ "Le socialisme ? Non merci" ‑ "72 ans vers nul part" ‑ "Le soldat russe n'est pas le gendarme de l'empire".»

Les flots de la manifestation "informelle" étaient très mêlés: depuis des "anarchistes" agitant des drapeaux noirs jusqu'à des partisans déclarés de l'ancien régime, des popes, etc...

Aussi bien dans la manifestation "informelle" que dans celle organisée par les "syndicats", certains mots d'ordre ont reflété les besoins et les aspirations des masses, mélangés à d'autres soit ceux de l'appareil stalinien de la bureaucratie du Kremlin soit ceux des pro‑bourgeois, pro-­impérialistes, restaurationnistes. Ni l'une, ni l'autre n'étaient des manifestations exprimant fondamentalement les intérêts du prolétariat.

Mais il y a eu les grèves des mineurs de 1989 et encore la grève de 24 heures de cette corporation lors du 28e congrès du PC de l'URSS. Pendant la première grève des mineurs, ceux‑ci se sont organisés de façon autonome. Ils ont contraint la bureaucratie du Kremlin à d'importants reculs. En même temps, à l'instigation de la bureaucratie, les mineurs se sont prononcés pour 'l'autogestion". "L'appel du comité de grève de Vorkouta" du 3 novembre 1989 revendique les libertés démocratiques. Mais il est adressé au "soviet suprême" et à Gorbatchev. Il ne pose pas les questions d'un autre gouvernement, d'un autre pouvoir, qui seraient ceux de la classe ouvrière et de la population laborieuse. Alors que se tenait le 28e congrès du PC de l’URSS, le comité de grève du Donbass a été l'initiateur du mouvement de grève de 24 heures. Une de ses revendications était : "Seul un gouvernement d'union nationale, (c'est‑à‑dire de toutes les composantes de la bureaucratie, NDLR) peul sortir le pays de la crise".

LA PROPRIÉTÉ DES "COLLECTIFS DES TRAVAILLEURS­"

"IO" n° 1496, semaine du 21 au 28 novembre 1990, a publié un interview d'Alexandre Pétrov, président du syndicat indépendant du premier dépôt d'autobus de Léningrad. Voici quelles en sont la dernière question et la dernière réponse:

Question : «Vous avez l'intention de fonder un parti ouvrier en URSS. Pourquoi ? Sur quelles bases ?»

Réponse: « Lorsque, dans un pays, il n'y a qu'un seul parti, ce dernier est toujours en position de monopole et les gens qui se trouvent à sa tête se transforment vite en corrompus. Les idées de Marx ont été transformées avec la construction d'un capitalisme d'État. Marx rangeait dans la classe ouvrière les travailleurs manuels et intellectuels, Lénine lui, tout en promettant de donner les usines aux ouvriers, a utilisé ces derniers contre les travailleurs intellectuels et les a dressés dans la révolution non seulement contre les capitalistes, mais aussi contre les travailleurs intellectuels. Ainsi en proclamant la dictature du prolétariat, les communistes ont en fait édifié la dictature de l'appareil.

Voilà pourquoi nous voulons créer un parti ouvrier ou un parti du travail, dont soient membres seulement ceux qui vivent de leur travail physique ou intellectuel et qui mènera la lutte pour la liquidation de la propriété d'Etat et le transfert des entreprises entre les mains des collectifs de travailleurs. Il faut travailler seulement sur des fondements sociaux sans créer de nouvelles structures pyramidales puissantes.

Nous ne voulons pas que l'Etat nous ramène vers le capitalisme ; il faut chercher des nouvelles formes de structures étatiques en s'inspirant des idées exprimées par Marx dans le Capital».

Les affirmations d'Alexandre Pétrov sur les origines de la corruption en URSS, le capitalisme d'Etat les différences qu'il y aurait entre Marx et Lénine, l'appréciation selon laquelle dans la révolution Lénine aurait dressé les ouvriers contre les intellectuels, etc... démontrent sa confusion politique. Si elle est explicable, il n'en reste pas moins qu'une telle confusion est politiquement dangereuse. Mais ce n'est pas le plus grave. Alexandre Pétrov affirme: "Nous ne voulons pas que l'Etat nous ramène vers le capitalisme". Il prétend: "(s)inspirer des idées de Marx exprimées dans le Capital". Louable intention. Malheureusement il préconise "la liquidation de la propriété d'Etat et le transfert des entreprises entre les mains des collectifs des travailleurs". C'est le chemin le plus sûr pour retourner au mode de production capitaliste.

Une fois encore référons‑nous à Trotsky :

« La chute du régime soviétique amènerait infailliblement celle de l'économie planifiée et dès lors la liquidation de la propriété étatisée. Le lien obligé entre les trusts et entre les usines au sein des trusts se romprait. Les entreprises les plus favorisées seraient livrées à elles‑mêmes. Elles pourraient devenir des sociétés par actions ou adopter tout autre forme transitoire de propriété (par exemple celle des "collectifs de travailleurs, NDLR) telles que la participation aux bénéfices. Les kolkhozes se désagrègeraient en même temps et plus facilement. La chute de la dictature sans son remplacement par un nouveau pouvoir socialiste annoncerait ainsi le retour au système capitaliste avec une baisse catastrophique de l'économie et de la culture.»

Dès lors qu'à la propriété étatique des moyens de production se substituerait la propriété des "collectifs de travailleurs", les entreprises seraient libérées des contraintes du plan d'ensemble et de la subordination au pouvoir politique. Chacune d'entre elle agirait ainsi qu'une entreprise individuelle et nouerait, selon l'avantage économique et financier qu'elle en tirerait des relations d'échange avec les autres entreprises. L'objectif et le moteur de la production redeviendrait le profit particulier. Tout le "vieux fatras" réapparaîtrait.

On est à l'opposé de ce que Trotsky indiquait dans le programme de transition "l'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale" :

« Révision de l'économie planifiée du haut en bas dans l'intérêt du producteurs et des consommateurs ! Les comités d'usine doivent reprendre le droit de contrôle sur la production. Les coopératives de consommation, démocratiquement organisées, doivent contrôler la qualité des produits et leurs prix ».

Bien entendu, est décisif : la saisie du pouvoir politique central et à tous les niveaux, c'est‑à‑dire la renaissance des soviets, leur fédération à tous les niveaux, qu'ils redeviennent la structure, les organes de l'Etat ouvrier.

ENCORE SUR LA PROPRIÉTÉ ÉTATIQUE ET LA CLASSE OUVRIERE

Il est étrange que "IO" ne réponde pas, de façon souple et pédagogique sans doute, aux affirmations d'Alexandre Pétrov. Cet interview témoigne de la confusion et de certaines tendances qui existent parmi la classe ouvrière et la population laborieuse de l'URSS, des pays de l'Europe de l'Est de la partie Est de l'Allemagne, après 65 ans en URSS de monopole politique de la bureaucratie du Kremlin, et 45 ans de monopole des bureaucraties satellites dans les autres pays. Déjà dans la "Révolution trahie", Trotsky écrivait (en 1935, c'est‑à‑dire seulement après dix ans de domination sans partage de la bureaucratie du Kremlin et 7 ans d’industrialisation forcenée) :

« Le destin des moyens nationalisés de production se décidera en fin de compte selon l'évolution des différentes conditions personnelles. Si un vapeur est déclaré propriété collective, les passagers restant divisés en première, deuxième et troisième classes, il est bien compréhensible que la différence des conditions réelles finira par avoir aux yeux des passagers de troisième, une importance plus grande que le changement de propriété. »

La classe ouvrière ne considère pas aujourd'hui la propriété étatique comme "sa" propriété et encore bien moins comme étant la "propriété sociale". Lorsqu'Alexandre Pétrov caractérise le mode de production existant en URSS de "capitalisme dEtat", il signifie que les travailleurs y sont exploités comme ils le sont là où règne la propriété privée des moyens de production. Le rapport qui existe entre les travailleurs et le mode de production de l’URSS, des pays de l'Europe de lEst, de la partie Est de l'Allemagne – compte tenu qu'il est géré par des bureaucraties parasitaires ‑ est exprimé par la résistance passive de ces travailleurs à la production, la mauvaise qualité et le bas rendement du travail, la "récupération individuelle" au détriment des entreprises étatisées. Ces phénomènes sont d'ailleurs des facteurs considérables de crise de l'économie planifiée. Par contre, les travailleurs de ces pays réagissent de la même façon que les travailleurs de n'importe quel pays à la fermeture des entreprises, à l'extension du chômage. Ils exigent le maintien en activité des entreprises sans se soucier des performances et résultats économiques, d'autant plus que, théoriquement, ils jouissent du droit au travail.

LES PRÉLIMINAIRES À LA RÉVOLUTION POLITIQUE

Autre problème et pas des moindres : après 65 ans de règne de la bureaucratie du Kremlin en URSS, 45 ans de règne de bureaucraties satellites en Europe de l’Est et dans la partie Est de l'Allemagne, la grande masse de la classe ouvrière, de la population laborieuse, identifie socialisme, communisme, marxisme et bureaucraties parasitaires et répressives.

En URSS comme dans les pays de l’Europe de l'Est, dans la partie Est de l'Allemagne, le prolétariat, la population laborieuse a fait un grand pas en avant en conquérant la possibilité de s'exprimer, de s'organiser, de constituer ses organisations. C'est un formidable acquis, mais qui ne résout rien par lui‑même. Et cet acquis n'est pas irréversible. La bureaucratie du Kremlin explose et se décompose: elle n'est pas anéantie. Un coup de force politique de la caste des officiers, ou du KGB reste possible. La révolution politique ne se présente pas dans des conditions idéales : une sorte de marche triomphale du prolétariat, reconstituant ou constituant ses soviets, prenant ou reprenant le pouvoir, battez tambours et sonnez trompettes. C'est encore une conséquence du stalinisme : la confusion politique est à son comble.

Souvenons‑nous. Trotsky écrivait:

« Les marxistes, à commencer par Marx lui‑même, (ont) employé à l'égard de l'Etat ouvrier, les termes de propriété "étatique", "nationale" ou "socialiste" comme des synonymes. A de grandes échelles historiques, cette façon de parler ne présentait pas d'inconvénients. Mais elle devient une source d'erreurs lorsqu'il s'agit des premières étapes pas encore assurées de l'évolution de la société nouvelle isolée et en retard au point de vue économique sur les pays capitaliste. »

On pourrait plagier Trotsky en transposant : à l'échelle historique qualifier de révolution politique les mouvements qui ont eu lieu en 1989 en Europe de l'Est et en URSS ne présente pas d'inconvénients mais au niveau de l'appréciation politique du moment actuel, si. Il s'agit seulement de préliminaires pouvant mener à la révolution politique.

LA RÉVOLUTION SOCIALE PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE

Le krach de l'économie des pays où le capital a été exproprié condamne la gestion bureaucratique. Il donne sa conclusion à la "théorie de la construction du socialisme dans un (ou plusieurs) pays". Le prolétariat reprenant ou prenant le pouvoir en URSS et dans les pays de l'Europe de l'Est éliminerait le gâchis, la gabegie, le pillage et l'incurie bureaucratiques. Il réorganiserait la production selon les possibilités de l'économie et les besoins des masses. Il réconcilierait les travailleurs et la production. Il en résulterait une amélioration certaine de l'économie et des conditions de vie des masses. Pourtant, l'arriération économique, le fait qu'une grande partie des moyens de production est obsolète, l'incroyable pollution (héritage de la gestion bureaucratique), les conséquences de la coupure du marché mondial et de la division internationale du travail, ne disparaîtraient pas miraculeusement. Les masses auraient à supporter le lourd héritage que laissent les bureaucraties parasitaires. Plus brûlante et urgente deviendrait la nécessité, pour l'économie et la population de ces pays, que triomphe dans les pays capitalistes avancés, notamment d'Europe, la révolution prolétarienne, que le capital y soit exproprié et que s'instaure une coopération active et étroite avec eux. En quelques mots : que se réalisent les Etats Unis Socialistes d'Europe. Tout dépend donc de la victoire de la révolution sociale dans les pays capitaliste avancés.

On peut reprendre la formule de Trotsky "la première victoire révolutionnaire en Europe fera aux masses soviétiques l'effet d'un choc électrique, les réveillera, relèvera leur esprit d'indépendance, ranimera les traditions de 1905 et 1917, etc ... Il et la retourner: la victoire des prolétariats d'URSS et (ou) des pays de l'Europe de l'Est, reprenant ou prenant le pouvoir et chassant les bureaucraties parasitaires, donnera une formidable impulsion aux prolétariats des pays capitalistes et particulièrement aux prolétariats des pays capitalistes européens lesquels s'engageront sur la voie de la révolution prolétarienne. Mais pour l'instant on n'en est pas là. Encore une fois, les mouvements des prolétariats et des populations laborieuses de la partie Est de l'Allemagne, de l’Europe de l'Est, de l'URSS, ont dans l'immédiat, porté au pouvoir des gouvernements bourgeois ou pro‑bourgeois, pro­-impérialistes et restaurationnistes. Ils ont révélé aux grandes masses des pays capitalistes dominants, surtout d'Europe, une réalité qu'elles ignoraient en grande partie. Elles ont constaté que dans cette région du monde l'oppression et la répression politiques sauvages régnaient, que l'économie était en ruine et la misère générale. La campagne actuelle, engagée à la demande du Kremlin, pour sauver I'URSS de la disette et de la famine, traumatise, glace la classe ouvrière et la population laborieuse des pays capitalistes dominants. Pour elles, en URSS, en Europe de l'Est, dans la partie Est de l'Allemagne c'était "le socialisme", "le communisme". La crise du système impérialiste, du régime capitaliste entraîne une offensive des gouvernements bourgeois, des patronats pour réduire le pouvoir d'achat des travailleurs, aggraver leurs conditions de vie et de travail, leur arracher leurs acquis. Le chômage et la misère s'étendent. Cela tend à dresser les masses contre ces gouvernements et le régime capitaliste. A l'inverse, la découverte des conditions économiques, sociales et politiques que les bureaucraties parasitaires ont établi à l'Est, les freine.

A propos de la crise de l'impérialisme, la Ve Conférence du Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire (la reconstruction de la IVe Internationale), qui s'est tenue les 2, 3, 4 juin 1990 a adopté les compléments suivants:

LA REPRISE MENACÉE

« Certes, contrairement à ce que prévoyaient nombre d'économistes bourgeois, le krach boursier d'octobre 1987, n' a pas été le point de départ d'une crise économique et financière qui aurait disloqué le marché mondial et la division internationale du travail. Plus encore les années 1988 et 1989 ont été des années de forte croissance de l'économie des principaux pays capitalistes. Selon l’OCDE dans l'ensemble des pays capitalistes industrialisés, elle a été de 4.4 % en 1988 et de 3,5 % en 1989. Les échanges mondiaux se sont accrus de 9 % en volume en 1988 et encore de 7,6 % en 1989. Les investissements productifs auraient augmenté : de 3,9 % en 1987, de 8,4 % en 1988, de 4,10 % en 1989 aux USA ; de 8 % en 1987, de 16 % en 1988, de 18 % en 1989 au Japon ; de 4,2 % en 1987, de 7,3 % en 1988, de 11,3 % en 1989 en Allemagne ; de 4,8 % en 1987, de 10,4 % en 1988, de 6,7 % en 1989 en France ; de 14,2 % en 1987, de 19,3 % en 1988, de 17 % en 1989 en Grande-Bretagne ; de 0,9 % en 1987, de 8 % en 1988, de 2,9 % en 1989 en Italie. La raison en est la hausse du taux de profit, qui est elle‑même résultée de la liquidation partielle, dans les années antérieures, du capital obsolète, de la dévalorisation du capital en général et de la baisse de la valeur de la force de travail.

Mais déjà l'augmentation de la production serait moins importante en 1990. En RFA, elle avait augmenté de 3,6 % en 1988, de 4,1 % en 1989, elle n'augmenterait plus que de 3,7 % en 1990. Au Royaume‑Uni elle avait augmenté de 4 % en 1988, de 2,6 % en 1989, elle n'augmenterait plus que de 1,3 % en 1990. En Italie elle avait augmenté de 3,9 % en 1988, de 3,3 % en 1989 elle n'augmenterait plus que de 3,1 % en 1990. Au Japon elle avait augmenté de 5,8 % en 1988, de 4,9 % en 1989, elle n'augmenterait plus que de 4,7 % en 1990. Quant à la France : sa production a augmenté de 3,8 % en 1988, de 3,7 % en 1989, elle n'augmenterait plus que de 3% en 1990. Les taux de profit restent élevés. Mais le "bilan économique et social 1989" publié par Le Monde posait la question :

"L'investissement qui a été depuis trois ans le moteur essentiel de la croissance économique dans le monde a marqué la sortie de crise des pays industrialisés (des pays capitalistes dominants NDLR) va‑t‑il se poursuivre à des rythmes très élevés ?

Question d'autant plus aiguëe que l'investissement dépend traditionnellement de la demande, qui doit être forte, et dans une moindre mesure des profits, qui doivent être confortables. Ces deux incitations à investir paraissent moins assurées qu'elles n'étaient il y a un an : la demande mondiale tout en restant soutenue était en train de s'affaiblir légèrement ; les profits étaient en baisse aux Etats‑Unis et en Grande‑Bretagne.

Le Japon, lui, posait un autre problème : les taux de croissance exceptionnellement élevés de l'investissement enregistrés depuis deux ans dans ce pays (plus de 35% en volume sur 1988‑1989) risquaient de produire des surcapacités eu égard aux besoins du marché intérieur ou bien ils impliquaient le choix d'une stratégie de l'exportation à tout va, suscitant à coup sûr des réactions protectionnistes de la part des pays européens et de l'Amérique du Nord..

Une analyse classique de la situation conduisait donc, fin 1989, à se montrer sceptique sur les chances de voir les dépenses d'équipement continuer à tirer la croissance économique dans les pays industrialisés. Scepticisme apparemment confirmé par le tassement de l'investissement aux Etats-­Unis".

La reprise battrait donc de l'aile. Et sur quoi repose‑telle ? Cela a déjà été noté : la baisse de la valeur de la force de travail a été une des conditions de la hausse du taux de profit objectif et moteur de la production dans le régime capitaliste. Dans les pays membres de l’OCDE il y avait officiellement 26,8 millions de chômeurs en 1987. Alors que la reprise battait son plein, en 1989, il y avait encore 25,4 millions de chômeurs, Encore faut-il rappeler que nombre d'emplois créés sont des emplois "fast‑food" et précaires, et aussi qu'aux USA, et dans les autres pays capitalistes dominants, des dizaines de millions d'enfants, de femmes, d'hommes vivent au-dessous du seuil de la pauvreté.

AMÉRIQUE LATINE

Mais surtout la reprise de ces deux ou trois dernières années a comme arrière‑fond, la désintégration économique et sociale s'aggravant constamment, en Amérique Latine, en Afrique, au Moyen‑Orient, en Asie. De 1980 à 1989, le PNB déjà faible de l’Amérique Latine a diminué de 7,3% et dans treize pays de plus de 10%.

"Les transferts nets de l’Amérique Latine en direction du monde développé s'élèvent à 145 milliards de dollars pour les années 1983‑1988 ; mais ce chiffre ne prend pas en compte la fuite des capitaux ‑ d'un montant peut-être deux à trois fois supérieur au paiement des intérêts. Cet effort gigantesque n'a pourtant pas conduit, loin de là, à une réduction du montant global de la dette – un paradoxe qu'expliquent les hausse des taux d'intérêt internationaux". (Bilan économique et Social 1989) publié par Le Monde.

Au Pérou le revenu par tête a diminué de 16 % depuis 1985, le pouvoir d'achat de 50 %. Seulement un tiers de la population active est employé normalement. Pour la deuxième année consécutive la croissance y est négative (‑14 % pendant les dix premiers mois de 1989) et l'inflation frôle les 3 000 %. En Argentine en 1989 la production est inférieure de 5 % à celle de 1988. Les prix ont augmenté de 3 900 % en 1989. Au Brésil les prix ont augmenté de 1 600 à 1 700 % en 1989, en 1988 la production a reculé de 0,3 %.

AFRIQUE

Relativement à son PNB l’Afrique noire est la zone la plus endettée du monde : 134 milliards de dollars pour 150 milliards de dollars de PNB. Elle compte 450 millions d'habitants et son PNB est inférieur à celui de la Belgique qui n'en compte que dix millions. La moyenne par habitant s'élève à environ 333 dollars par an. Soit au cours actuel : 1878 Francs. Pour l’Afrique dans son ensemble le déficit des paiements est passé de 3,7 milliards de dollars en 1980 à 20,3 milliards en 1988.

L'Afrique est particulièrement touchée par la chute des cours des matières premières. Le pétrole pour le Nigéria, l'Algérie, la Libye, etc... Entre 1980 et 1987 les cours ont baissé de : 38% pour le cacao ; 41 % pour le sucre ; 80% pour le bois ; 57,4% pour les noix de palme ; 46,7% pour le phosphate. Les pays africains sont écrasés par la dette. Si on ajoute à cela une inflation galopante alors que stagnent ou progressent faiblement les PNB, il en résulte l'extension d'une misère qui va jusqu'à la famine.

Le tableau sur l'évolution du PNB du "Bilan économique et social 1989" que Le Monde publie indique que le "PNB par habitant (a évolué) en pourcentage annuel (entre) 1980‑1988" de telle sorte que les résultats n'ont été positifs que pour les pays suivants :

Botswana : 6,7 % ; Cameroun : 3 % ; Congo : 1.1 % Mali : 0,4 %; Maroc 0,8 % ; Ile Maurice : 5,1 % Sénégal : 0,1 % ; Seychelles: 1,6 % ; Swaziland : 1 %.

Dans tous les autres pays il est négatif. Les exemples les plus frappants :

Burkina           : ‑2,4 % ; Ethiopie : -3.1% ; Libéria : ‑5,2 % ; Madagascar : ‑3,4 % ;  Mozambique : ‑7,5 % ; Niger : ‑4,2 % ; Nigéria : ‑4,3 % ; Ouganda: ‑2,5 % ; Sào‑Tomé : ‑5,7 % SierraLeone ‑2,1 % ; Somalie : ‑2,2 % ; Togo ‑2,8 % ; Zaïre ‑2,1 % ; Zambie : ‑4,9 %.

Ce sont des pourcentages effrayants. Pourtant ils ne donnent qu'une image affaiblie de la réalité, car évidemment tous ces pays ne sont pas frappés et frappés selon ces moyennes. Les revenus des couches dominantes ne sont pas, ou ne sont que peu, atteints. A l'inverse les couches les plus pauvres sont vouées à la misère, à la mendicité, à la famine et à la mort.

 MOYEN‑ORIENT

Au Proche‑Orient la chute du cours du pétrole a frappé durement les pays producteurs. Ainsi, toujours selon la même source, le "PNB par habitant (a évolué) en pourcentage annuel (entre) 1980‑1988" de la façon suivante :

Arabie Saoudite : ‑5,9 % ; Emirats : ‑9 % ; Koweit ‑2,5 % ; Libye : ‑9,9 %.

Le "bilan économique et social 1989" ne publie pas de statistiques, concernant les PNB de l’Irak, de l’Iran, du Liban? Ces pays sont économiquement et financièrement ruinés ; humainement saignés par la guerre.

La situation matérielle des masses y est épouvantable. En Jordanie le "PNB par habitant en % annuel (entre) 1980‑1988" a diminué de 14 % ; celui du Soudan de 4,2 % ; celui du Yémen du Sud de 5,9 % ; celui de la Syrie de 3,1 %. En Egypte il a augmenté de 2,8 %, au Yémen du Nord de 2,7 %. Cependant, compte‑tenu du bas niveau du PNB par habitant, en 1988, 650 dollars dans ces deux pays, la situation matérielle des masses y est dramatique. Or, il faut s'en souvenir, il s'agit de moyennes et les différenciations économiques et sociales y sont énormes.

ASIE

Le "Bilan économique et social 1989" publié par Le Monde ne fournit pas de statistiques concernant les PNB de certains pays capitalistes d’Asie : Afghanistan, Birmanie, Bouthan, Macao. Il n'en ait pas besoin pour imaginer à quel niveau extraordinairement bas doit être le PNB d'un pays comme l'Afghanistan. Par contre il indique qu'au Bangladesh, 108,85 millions d'habitants en 1988, le PNB a été de 170 dollars par habitant, soit au cours actuel 958,8 Francs par an. Que signifie en conséquence un accroissement annuel du PNB, entre 1980‑1989, de 0,8 %. Au Népal, 18,05 millions d'habitants, en 1988 le PNB par habitant a été également de 170 dollars et sa croissance annuelle moyenne s'est située à 1,9% entre 1980 et 1988 ; aux Indes, 813,99 millions d'habitants, 390 dollars de PNB entre 1980 et 1988 ; au Pakistan, 105,68 millions d'habitants, 350 dollars par habitant en 1988 et 3 % d'augmentation annuelle en moyenne du PNB entre 1980 et 1988 ; au Sri‑Lanka, 16,56 millions d'habitants, 420 dollars par habitant en 1988 et 2,8 % d'augmentation annuelle en moyenne du PNB entre 1980 et 1988 ; en Indonésie, 174,83 millions d'habitant, 430 dollars par habitant en 1988 et 1,3 % d'augmentation annuelle en moyenne du PNB entre 1980 et 1988 ; aux Philippines, 59,69 millions d'habitants, 630 dollars par habitant en 1988 et une baisse de 2,4 % annuelle moyenne entre 1980 et 1988.

La lecture de ces pourcentages est certainement fastidieuse. De plus il s'agit de statistiques et non d'une analyse économique. Mais elles établissent sans contestation possible que la reprise de l'économie capitaliste au cours de ces dernières années est inséparable d'une paupérisation générale, le plus souvent effroyable pour les grandes masses, principalement dans les pays semi‑coloniaux, mais pas exclusivement dans ces pays.

LA DROGUE

Combien est significative la croissance prodigieuse de la production et du trafic de drogues : selon les chiffres, retenus par l’ONU, production et trafic portent sur 500 milliards de dollars. Les principaux centres de production d'opium, dont est dérivée l'héroïne sont : le "croissant d'or" qui comprend l'Afghanistan, l’Iran, le Pakistan, et aussi l’Inde, le Népal ; le "triangle d'or" qui comprend la Birmanie, le Laos, la Thaïlande. La coca dont est dérivée la cocaïne est surtout produite en Amérique Latine : Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie.

L'opium est également produit, au Liban dans la plaine de la Bekaa et au Mexique. Le chanvre indien, ou cannabis, est produit aux Indes, en Thailande, au Népal, aux USA, au Mexique, en Colombie, en Jamaïque, au Liban, au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen, au Maroc, au Kenya. La plus grosse partie de la production d'opium est consommée en Asie même et le chanvre indien dans les pays où il est produit.

La production d'opium serait passée entre 1984 et 1988 de 1600 tonnes à 3 050 tonnes et celle d'héroïne de 55 à 105 tonnes. L'augmentation de la vente serait impulsée par les besoins de financement des "conflits locaux" d'Afghanistan, du Liban, de Birmanie, etc. La production de la cocaïne aurait doublé entre 1984 et 1988. Pourtant les prix payés en cours de ces cinq dernières années, aux paysans qui cultivent la coca, auraient été divisés par dix. Mais les prix du café se sont effondrés. Or, par exemple, à la suite de l'annonce du plan Bush de lutte contre la cocaïne, le prix de gros de celle‑ci serait passé de 12 000 à 23 000 dollars le kilo. En 1990 les productions d'héroïne et de cocaïne auraient fait un nouveau bond en avant.

TOUJOURS LES MEMES DESEQUILIBRES

Les déséquilibres de l'économie capitaliste n'ont pas été résorbés. Le budget, les balances commerciales et des comptes des Etats‑Unis restent déficitaires. Le déficit budgétaire y a atteint 161 milliards de dollars en 1989, dépassant de 25 milliards de dollars les limites fixées par la loi Gramm Rudman. Le déficit de la balance commerciale s'est situé à 113 milliards de dollars et celui de la balance des comptes courants à 122 milliards de dollars. Les déficits USA‑Japon, USA‑RFA ont été moindre entre 1988 et 1989 qu'ils n'étaient les années précédentes. Néanmoins la balance commerciale du Japon par rapport au reste du monde a été excédentaire de 71 milliards de dollars et celle de la RFA de 81 milliards de dollars, les balances des comptes courants étant à l'avenant. Par contre les balances des pays comme la France, l’Angleterre, l’Italie sont toujours massivement déficitaires.

Une tendance à une faible diminution des crédits militaires s'est manifestée. Ils n'en entretiennent pas moins une importante partie de l'activité de l'économie capitaliste. Le projet de loi des finances du gouvernement des USA pour 1991 prévoit que le budget militaire s'élèvera à 292 milliards (303 milliards si l'on tient compte des dépenses de nature militaire). Aux budgets militaires des grandes puissances impérialistes il faut ajouter les ventes d'armes sur le marché international spécialisé.

ENDETTEMENT, PARASITISME, PAUPÉRISME

La reprise de ces dernières années a directement dépendu d'un nouveau et gigantesque développement du crédit. Seule une injection massive de "nouvelles liquidités" a évité que le krach boursier d'octobre 1987 ne se transforme en crise, puis en krach bancaire et, de là, en crise économique générale? L'endettement a atteint des sommets inimaginables il y a dix ou vingt ans. Selon le sénateur Proxmire (démocrate du Wisconsin) :

"Jamais nous (les USA) n'avons eu une pareille situation dans le domaine de la dette. Nous savons tous que notre endettement national s'élève à 2 500 milliards de dollars. Peu de gens savent que l'endettement des ménages est plus élevé encore : il est supérieur à 3 000 milliards de dollars. Et celui de nos sociétés est de plus de 4 000 milliards de dollars. Jamais dans l'histoire de l'humanité une nation n'a été à ce point endettée". (et cela date déjà du début 1988). "

Fin 1989 la dette extérieure nette des USA s'élevait à 600 milliards de dollars. En l'état actuel, le capitalisme des USA a besoin annuellement pour financer l'activité économique du pays d'un apport de 140 à 150 milliards de dollars, venant de l'étranger. Or les Etats‑Unis d'Amérique restent la puissance capitaliste dominante, dont le poids économique et financier est déterminant pour l'ensemble du mode de production capitaliste. L'économie capitaliste est assise sur une montagne de dette.

L'endettement des pays semi‑coloniaux se situerait fin 1990 à 1300 milliards de dollars. Le service de la dette et lafuite des capitaux des pays endettés vers les grandes puissances impérialistes, capitaux, attirés par les hauts taux d'intérêt, s'élèveraient annuellement à 220 milliards de dollars. Les plans élaborés par le FMI et imposés aux pays endettés en contre‑partie du rééchelonnement de leurs dettes leur imposent des politiques d'austérité dont les ingrédients sont toujours les mêmes : réduction des importations, augmentation des exportations, réduction des déficits budgétaires et de la consommation des masses, ouverture à la pénétration du capital impérialiste, liquidation des entreprises non‑rentables, rentabilisation, privatisation, etc ... etc. D’où: chômage, misère, famine. Le "plan Brady" s'inscrit dans la politique du FMI. Il consiste à transformer les créances dépréciées des banques commerciales : soit en obligations émises par l'Etat des pays débiteurs ; soit en actifs dans ces pays ; soit à leur rachat par les États des pays endettés.

Le parasitisme n'a cessé de s'amplifier, les capitaux fictifs et flottants de croître, la spéculation de se développer, Ainsi les indices des bourses des valeurs ont retrouvé et dépassé les niveaux d'avant le krach boursier d'octobre 1987. Mais de brutales mini‑crises éclatent aux bourses de New­York et de Tokyo. Ce sont comme des secousses que des sismographes enregistreraient, qui annonceraient d'inéluctables et puissants séismes. A Tokyo, où la spéculation s'était particulièrement déchaînée ces dernières années, la bourse a chuté par bonds successifs de 25% environ entre le début de l'année et la fin avril.

Aujourd'hui plus qu'hier l'économie capitaliste engendre le paupérisme et le développe. Aujourd'hui plus qu'hier elle est minée dans ses fondements, elle est comparable à une termitière. Mais ça peut durer. Quand s'effondrera cet édifice vermoulu ? Quel événement, économique, financier, social ou politique, peut‑être contingent, le fera s'effondrer ? Impossible de le dire.

INSTABILITÉ DES GOUVERNEMENTS ET DES RÉGIMES BOURGEOIS

L'économie capitaliste dans son ensemble est extrêmement fragile. La société bourgeoise et ses systèmes de domination de classe le sont aussi. Dans les pays semi‑coloniaux, à commencer par l'arrière‑cour de l'impérialisme américain, l’Amérique Latine, les rapports politiques sont instables en raison fondamentalement des mouvements des masses et de la faiblesse des bourgeoisies nationales ou compradores. Ces dernières années ont été marquées par de puissantes explosions sociales et politiques ayant souvent un caractère révolutionnaire, lorsque ce n'étaient pas des mouvements révolutionnaires, voire des révolutions ouvertes. Sans en établir une liste exhaustive, le rapport politique adopté à la IVe Conférence du Comité les 11,12,13 novembre 1988 et publié dans le numéro spécial de CPS de novembre 1988, écrivait :

"Reagan n'a pas été en mesure de stabiliser l'impérialisme américain ce qui exigeait de stabiliser son immense zone d'influence dans les pays semi-coloniaux. Le processus de mouvements, crises, situations révolutionnaires, révolutions ouvertes se poursuit en Amérique Latine, au Moyen­-Orient, en Extrême‑Orient, en Afrique : chute des dictatures de Duvalier à Haïti, de Marcos aux Philippines, de la dictature militaire en Argentine, reflux de celle du Brésil, crise sociale et politique chronique au Pérou, succession de situations révolutionnaires en Bolivie, grands mouvements de masses au Chili ; instabilité politique au Mexique, explosion révolutionnaire au Soudan, puissants mouvements de masses en Tunisie, en Algérie, au Maroc, en Egypte. Et voici qu'en Birmanie la révolution déferle. Dans ces pays la crise économique a de terribles conséquences pour les masses. Elle aggrave encore leur surexploitation, dont la dette et les plans que le FMI impose sont des expressions particulièrement évidentes. Elle ébranle les faibles structures économiques et politiques. Elle affaiblît les bourgeoisies compradores ou "nationales" liées à l'impérialisme US ou (et) aux autres puissances impérialistes. On peut dire que la révolution y est en permanence à l'ordre du jour."

Depuis l'instabilité des rapports politiques s'est manifestée plus ou moins fortement et violemment au Vénézuela, en Argentine, au Mexique, au Pérou, au Brésil, au Chili, etc...Le 4 décembre 1988 Carlos Andrès Pérez était élu président de la République du Vénézuela. Le 2 février 1989 il prenait ses fonctions. Le Vénézuela est un pays fortement endetté pour lequel le FMI a élaboré un de ses plans classiques. Le 16 Carlos Andrés Pérez décidait d'appliquer ce plan. Le 27 des émeutes éclataient, Carlos Andrés Pérez décidait le couvre‑feu. Entre le 27 février et le 2 mars la répression provoquait la mort de 500 personnes. Pourtant à l'appel de la Centrale des Travailleurs Vénézuéliens le 18 mai la grande masse des travailleurs faisaient grève 12 heures.

Le 14 mai aux élections à la présidence de la République en Argentine, Raoul Alfonsin, dirigeant du parti radical, président sortant était battu par le candidat péroniste Carlos Menen. Raoul Alfonsin ne devait quitter le pouvoir que le 10 décembre. Après avoir été battu il a annoncé la mise en application d'un plan d'urgence dicté par le FMI. Le 21 mai des émeutes et des pillages de magasins eurent lieu et Alfonsin décréta l'état de siège. Bilan officiel : 14 morts. Alfonsin a démissionné peu après.

Au deuxième tour des élections présidentielles le 15 décembre, au Brésil, sans le trucage électoral, vraisemblablement Lula, candidat du PT, l'aurait emporté sur le candidat de la bourgeoisie Fernando Collor. Au Chili le 14 décembre Patricio Aylwin démocrate chrétien a été élu dès le premier tour contre le candidat du général Pinochet. Déjà le 6 juillet 1988, au Mexique, le candidat du PRI, Salinas, n'avait été élu président de la République qu'au prix d'une énorme fraude électorale.

Au Moyen‑Orient depuis près de deux ans et demi le peuple palestinien poursuit le mouvement de l’Intifada. En de nombreux pays d'Afrique noire, Libéria, Gabon, Côte d7voire, Bénin, d'importants mouvements de masses, de lycéens, ont déferlé contre le gouvernement et les régimes compradores hérités de l'époque coloniale. Au Népal de puissants mouvements ont récemment contraint le roi à faire des concessions démocratiques.

DE L'ANGLETERRE À LA SUEDE

Dans les pays capitalistes l'instabilité et la fragilité des gouvernements en place, voire des systèmes de domination de classe de la bourgeoisie sont non moins évidentes. Au Royaume‑Uni les récentes défaites électorales du Parti conservateur présagent de celle qu'il subira aux prochaines élections générales. La manifestation contre la "Poll tax", qui a eu lieu à Londres le 31 mars, pourrait bien annoncer des événements plus explosifs que la seule élection d'une majorité du Labor Party à la Chambre des Communes.

Au mois de février une crise politique a éclaté en Suède. Elle a mis à l'épreuve les relations entre les masses et le parti social‑démocrate qui de retour au pouvoir en 1986 a pris à nouveau en charge la gestion de l'Etat bourgeois et la défense du mode de production capitaliste.

Le 8 février les négociations salariales entre la centrale syndicale ouvrière ont abouti à un échec : le patronat se refusant à un ajustement général des salaires et n'acceptant que des discussions branche par branche. Le gouvernement social‑démocrate de I. Carlsson a alors décidé de présenter le 15 devant le parlement un programme d'austérité "pour lutter contre l'inflation". Ce plan comprenait : le blocage en 1990 et 1991 des salaires et, en principe, des prix, des loyers et des impôts locaux. Une marge de 6% était prévue pour l'augmentation des salaires en 1990 mais rien en 1991 et quelques pourcents pour les prix en fonction de l'augmentation de la TVA. Des amendes devaient frapper ceux qui auraient passé outre . La grève aurait été interdite.

La direction de la centrale syndicale L.O. se déclarait d'accord sur ce plan. Mais depuis la fin de l'année 1989 des "grèves sauvages" se déroulaient, dont celle du secteur bancaire. Les 150 000 employés et fonctionnaires des services communaux, la branche la plus importante de L.O. (la moins payée également) s'apprêtait à  débrayer le 14 février pour arracher des augmentations de salaires. Si ce plan avait été adopté, à partir du 15 il en aurait coûté aux grévistes une amende pouvant aller de 200 à 5 000 couronnes (une couronne égale à peu près un franc ) par gréviste.

Malgré un premier recul (l'abandon de l'interdiction de faire grève et son remplacement par la médiation obligatoire) le 15 février le gouvernement Ingvar Carlsson était battu au parlement par 190 voix contre 153, les verts et surtout les députés communistes du VPK, qui le soutenaient depuis 1988 ayant voté contre. Les partis bourgeois ont été incapables de s'entendre pour former un gouvernement. La social‑démocratie n'a pas accepté de former un gouvernement avec les "centristes". Plutôt que de dissoudre le parlement le même Carlsson a donc été chargé de former le nouveau gouvernement, un gouvernement SD minoritaires. Derrière ces tractations il y a la crainte des partis bourgeois d'avoir à affronter la classe ouvrière. Le nouveau gouvernement Carlsson bénéficie du soutien du parti communiste (VPK) et de la neutralité du parti du centre. Le ministre des finances du précédent gouvernement a été éliminé. Le blocage des salaires et la suspension du droit de grève ont disparu du programme d'austérité, tandis que sont maintenus le blocage (théorique) des prix, des loyers et des impôts communaux.

LA GRECE

Autres exemples d'instabilité et de fragilité des gouvernements et institutions bourgeoises : la Grèce, l'Espagne. En Grèce aux élections législatives du 18 juin 1989, le PASOK, au pouvoir depuis octobre 1981, a supporté les conséquences électorales de sa politique de défense, contre les masses, du capitalisme en crise et aussi des scandales. Il n'a obtenu que 125 sièges (‑36) sur les 300 sièges du Parlement. Il a perdu la majorité absolue en députés qu'il détenait depuis 1981. Mais la Nouvelle Démocratie de Constantin Mitsotakis n'a pas obtenu la majorité absolue : 145 sièges (+19). Le "Rassemblement de la gauche et du progrès", nouvelle coalition qui regroupe le PC et diverses formations dites de gauche, a obtenu 28 sièges, alors que le PC n'en avait obtenu que 13 aux élections précédentes de juin 1985. A eux deux le PASOK et le PC détenaient encore la majorité parlementaire. Mais le 1er juillet le PC a décidé de faire partie du gouvernement que Tzannis Tzannétakis, vice président de la Nouvelle Démocratie a formé. Ce gouvernement s'est donné pour tâche "d'assainir la vie politique", c'est à dire de mener une campagne politique d'enfer contre le PASOK (effectivement impliqué dans maints scandales) avant qu'il soit procédé à de nouvelles élections. A cette fin nombre de commissions parlementaires ont été constituées.

Le 5 novembre de nouvelles élections législatives ont eu lieu. La Nouvelle Démocratie a obtenu 148 sièges (+3), le PASOK 128 sièges (+3) et la coalition regroupée autour du PC 21 sièges (‑7). Le PC a payé sa participation au gouvernement bourgeois contre le PASOK. Au lendemain de ces élections le PASOK, le PC et la Nouvelle Démocratie ont formé un gouvernement d'union nationale dirigé par Xénophon Zolotas, ancien gouverneur de la Banque Centrale. De nouvelles élections ont eu lieu le 8 avril 1990. La Nouvelle Démocratie a obtenu 150 sièges (+2) le PASOK 123 sièges (4). La coalition rassemblée autour du PCG 19 sièges (‑2). Des candidats communs de la coalition dirigée par le PCG et du PASOK 4 sièges. Constantin Mitsotakis a formé un gouvernement de la Nouvelle Démocratie, le ralliement du seul député élu sous l'étiquette Diana lui donnant la majorité absolue au parlement. Il a fallu plus d'un an, un gouvernement de coalition entre le PCG et la Nouvelle Démocratie, un gouvernement d'Union Nationale entre la Nouvelle Démocratie, le PASOK, le PCG, pour que le PASOK et le PC perdent la majorité absolue à la chambre. Encore aujourd'hui le parti de la bourgeoisie n'a qu'une seule voix de majorité. C'est dire combien la bourgeoisie grecque est politiquement faible face aux masses.

L’ESPAGNE

En Espagne la grève générale de 24 heures du 14 décembre 1988, réalisée à l'appel commun des directions de l'UGT et de la CCOO, a montré quelle était la disponibilité du prolétariat de l'Etat espagnol au combat. Mais cette grève sans perspective politique gouvernementale ne pouvait déboucher sur le mouvement nécessaire pour arracher la satisfaction des revendications. Cependant, la classe ouvrière a prouvé que, les conditions en étant réunies, elle engagerait la bataille nécessaire. Pendant 7 ans le gouvernement Gonzalès s'est mis totalement au service de la monarchie héritière du franquisme et de la bourgeoisie. Il a frappé les masses à leur compte. Pourtant, la bourgeoisie ne dispose toujours pas des moyens de gouverner directement, un de ses partis dirigeant le gouvernement. Les élections anticipées l'ont illustré : il y a toujours une majorité de députés du PSOE et du PCE aux Cortès. En effet les résultats des élections du 29 octobre 1989 ont été les suivants : PSOE 176 sièges (‑8), sur 350 sièges ; le parti populaire (conservateur) 106 sièges (+1); la "gauche unie" dirigée par le PCE 17 sièges (+7). La liaison entre la grève générale de 24 heures du 14 décembre 1988 et l'existence d'une majorité PSOE‑PCE aux Cortès peut ouvrir la perspective politique gouvernementale dont les masses ont absolument besoin, il faut exiger de la majorité PSOE‑PCE des Cortès : qu'elle "décrète" les "Cortès sont souverains" ; qu'elle proclame la République ; qu'elle forme un gouvernement émanant de cette majorité, responsable devant elle, comptable seulement devant les masses.

L'instabilité et la fragilité du gouvernement Mitterrand‑Rocard‑Durafour‑Soisson et de la Ve République sont aussi grandes, sinon plus que celles des gouvernements et des régimes politiques des pays dont il vient d'être question.

Naturellement pas plus que ses prédécesseurs le Président Bush n'est en mesure de faire de l'Etat des Etats‑Unis, l'Etat fort et hautement centralisé dont a besoin l'impérialisme américain : liquidation des traditions démocratiques, du pouvoir des Etats ; subordination de la Chambre et du Sénat, au pouvoir gouvernemental ; briser la Centrale syndicale l'AFL‑CIO et ses organisations.»

L'IMPÉRIALISME N'EST PAS UN TIGRE EN PAPIER

L'impérialisme n'est pas pour autant un "tigre en papier" et principalement l'impérialisme américain. Et il bénéficie de l'appui inconditionnel de la bureaucratie du Kremlin. Il est important de noter les modifications des rapports entre l'impérialisme américain, les autres impérialismes et la bureaucratie du Kremlin. Jusqu'à l'avènement de Gorbatchev, la coopération contre‑révolutionnaire entre eux était conflictuelle. Désormais, la bureaucratie du Kremlin est inconditionnellement au service de l'impérialisme. Elle a souscrit à tous les diktats de l'impérialisme américain que ce soit dans la course aux armements et pour le "règlement des conflits régionaux", pour utiliser le langage de Reagan. En Angola et en Namibie, l'appui de la bureaucratie du Kremlin a permis à l'impérialisme américain d'obtenir une "solution" conforme à ses intérêts. En Afrique du Sud, l'appui du PC sud africain qui joue un rôle déterminant dans l'ANC, donne les moyens au gouvernement De Klerk, au prix de concessions secondaires et formelles, sous la couverture de négociations, de désarmer politiquement le peuple noir et d'organiser de véritables massacres. La bureaucratie du Kremlin a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que triomphe au Nicaragua la réaction pro‑impérialiste. Elle s'apprête à livrer Cuba. De plus, faute de direction révolutionnaire, d'authentiques mouvements révolutionnaires s'enlisent, sont contenus, refluent, lorsqu'ils ne se terminent pas par des massacres: Haïti, les Philippines, la Birmanie. Mais tout cela n'existe pas pour Seldjouk.

LA BUREAUCRATIE CONFORTE L'IMPÉRIALISME

Dans un complément au rapport international, paru dans le BI n° 1 préparatoire au 35e congrès du PCI, il est écrit à propos de "La crise actuelle du Moyen‑Orient":

«La forme prise par les événements dans cette région manifeste qu'il n'y a pas de maîtrise des processus en cours par l'impérialisme et Gorbatchev. Qu’y a‑t‑il à l'origine de la situation ? D'abord et avant tout, la crise au Moyen‑Orient est l'expression de la dislocation de l"'ordre" de Yalta et Potsdam, ouverte le 9 novembre 1989 par la chute du mur de Berlin, dans les développements révolutionnaires mondiaux qui l'ont précédée. En particulier, ceci se manifeste dans la fin du partage des rôles entre Moscou et Washington pour assurer la "stabilité" de la région. Mais il faut souligner d'emblée qu'à la base de la crise dans la région, il y a l'action des masses, à savoir la persistance de la révolution palestinienne. Il faut le souligner : la révolution palestinienne ne se développe pas de façon linéaire, elle a reçu bien des coups et connu bien des reculs et bien des massacres de la part de toutes les forces coalisées. Mais en même temps, elle a été le ferment de la mobilisation révolutionnaire des masses dans toute la région, donc de l'instabilité chronique de la déstabilisation de tous les régimes réactionnaires du Moyen‑Orient. Son prolongement, d'une certaine manière, a été la révolution iranienne. »

Un point est certain : la lutte du peuple palestinien contre l'Etat d'Israël, pour retrouver son pays et détruire cet Etat, la révolution en Iran, ont déstabilisé cette région du monde à l'équilibre toujours fragile. Mais la crise actuelle au Moyen-Orient ne découle pas "logiquement" "de la dislocation de l"'ordre" de Yalta et de Potsdam" ainsi que l'entend le rédacteur de ce texte. Premièrement, l'expédition militaire américaine au Moyen‑Orient n'est pas une improvisation. Les administrations Carter, Reagan, Bush ont préparé depuis plus de dix ans, depuis la chute du régime du Chah, une telle éventualité. Deuxièmement, encore fallait‑il que cette expédition soit nécessaire et possible. La presse américaine a révélé que la diplomatie américaine avait dupé Saddam Hussein en lui laissant croire que l'armée américaine n'interviendrait pas s'il occupait le Koweit (voir "Le Monde Diplomatique" d'octobre, article signé CJ).

Mais encore fallait‑il que l'impérialisme américain puisse politiquement réaliser son opération militaire. Pour ce faire, il avait absolument besoin de la couverture politique du Kremlin, ne serait‑ce que pour obtenir des autres puissances impérialistes réticentes qu'elles s'engagent. En d'autre temps, lorsque la coopération contre‑révolutionnaire restait conflictuelle, il ne l'aurait pas obtenue. La bureaucratie entendait, alors, maintenir les positions qu'elle occupait dans le monde. Elle ne cédait pas la place facilement à l'impérialisme US, que ce soit au MoyenOrient ou ailleurs, tout en pratiquant une politique contrerévolutionnaire (Irak, Syrie). Aujourd'hui, elle est purement et simplement aux ordres, ce qui conforte l'impérialisme américain.

"Un renforcement de la domination US" est un des sous‑titres du texte du SI de IVe Internationale‑CIR. Mais d'où vient ce renforcement ? Précisément de l'alignement inconditionnel de la bureaucratie du Kremlin. Les positions de l'impérialisme français dans le monde sont menacées de toute part : en Afrique l'impérialisme américain s'implante dans les ex-colonies françaises; en Europe l'unification allemande donne une nouvelle puissance à l'impérialisme allemand qui va dominer de plus en plus la CEE réduisant l'impérialisme français au rôle de second couteau ; la "dépression" économique fait ressortir sa faiblesse économique. Aucun doute n'est permis : une guerre au Moyen‑Orient assurerait l'hégémonie de l'impérialisme américain dans cette région du monde et en éliminerait l'impérialisme français et pas seulement lui. L'alignement inconditionnel de la bureaucratie du Kremlin sur Washington concourt à ce que l'impérialisme français, et pas seulement lui, s'incline devant les exigences de l'impérialisme américain. De même il aide à ce que, aux USA, soit surmonté le "syndrome du Vietnam".

Quant aux divisions à l'intérieur de l'impérialisme américain, elles se situent dans le cadre d'une politique commune : faire capituler Saddam Hussein, établir la présence militaire américaine au Moyen‑Orient. Si Bush engage la guerre, tous se réaligneront. A moins que l'année US subisse de gros revers, ce qui créerait une nouvelle situation politique, pas seulement au Moyen‑Orient mais en Europe, aux USA et dans le monde.

LES SOUTIENS DE L'ORDRE BOURGEOIS

Le rapport présenté devant le Conseil Général de IVe Internationale-­CIR et le complément de rapport qui est paru dans le BI n° 1 préparatoire au 35e congrès du PCI, donnent l'impression que Seldjouk vend la peau de l'ours avant de l'avoir tué. A moins que, ne voulant pas qu'il soit tué, il le déclare mort.

L'impérialisme est en crise : il n'est pas disloqué. La bureaucratie du Kremlin et son appareil international sont disloqués : ils ne sont pas morts. Jamais la coopération contre‑révolutionnaire n'a été aussi serrée. L'impérialisme, par peur du chaos, d'une situation non maîtrisée en URSS, soutient Gorbatchev. Dans les pays de l'Europe de l’Est, y compris dans la partie Est de l'Allemagne, l'impérialisme utilise les fragments des bureaucraties satellites qui demeurent implantés dans les appareils d'Etat l'armée, la police. Dans les pays capitalistes dominants comme l'Italie, la France, l'Espagne, la Grèce, etc... les PC restent les instruments du maintien de l'ordre bourgeois, dont le rôle est toujours très important, notamment au travers des organisations syndicales qu'ils contrôlent ‑bien qu'ils soient en crise. Naturellement les partis socialistes et social‑démocrates restent des garants de la société et de l'Etat bourgeois, lorsqu'ils n'exercent pas la fonction de "gérants honnêtes et loyaux du régime capitaliste" en crise. Il ne faut surtout pas oublier la part que prennent les appareils des organisations syndicales, dites réformistes, dans la défense de la société, de l'Etat bourgeois, du capitalisme, de l'impérialisme. Ainsi la CISL, FO qui en est membre, ont voté, à propos de l'Irak, résolution soutenant totalement l'intervention armée de l'impérialisme.

De même les organisations bourgeoises et petites bourgeoises des pays semi‑coloniaux dominés par l'impérialisme et où se, posent des questions nationales se survivent et cassent le combat anti­-impérialiste du prolétariat et des populations que l'impérialisme opprime et exploite.

CAPITULATION DE LA DIRECTION DE LA IVe INTERNATIONALE

Les rapports entre la classe ouvrière, la population laborieuse et les directions traditionnelles ne sont plus que qu'ils étaient au lendemain de la Ile guerre mondiale. Une profonde méfiance vis à vis d'elles ne cesse de se développer, leurs effectifs fondent comme neige au soleil, souvent, par millions, travailleurs et jeunes ne participent plus aux différentes sortes d'élections. Le mouvement ouvrier est entré dans un processus de crise et de décomposition. Cependant, jusqu'à présent, il n'y a pas de processus de recomposition du mouvement ouvrier sur un nouvel axe. Prenant conscience de décennies de trahison des organisations ouvrières (partis et syndicats) traditionnelles, travailleurs et jeunes ne s'engagent pas facilement en d'autres organisations. La classe ouvrière ne change pas d'organisations comme on change de chemise.

C'est ici qu'intervient la crise qui a disloqué la IVe Internationale. Alors que la classe ouvrière de la partie Est de l'Allemagne se soulevait en juin 1953 contre la bureaucratie du Kremlin et son agence Est allemande, que la classe ouvrière et la population laborieuse de Pologne se dressaient en 1956 contre cette même bureaucratie et son agence polonaise, que déferlait la révolution hongroise des conseils de novembre 1956 : l'heure de la IVe Internationale sonnait à condition qu'elle reste la IVe Internationale, fidèle à son programme. Au contraire, honteusement, les dirigeants d'alors de la IVe Internationale couvraient le flanc gauche de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites de la partie Est de l'Allemagne, de Pologne et de Hongrie. Sans doute la IVe Internationale, restant fidèle à son programme, ne serait‑elle pas du même coup devenue, subito presto, la direction internationale du prolétariat et ses partis les directions nationales. Mais une force politique internationale homogène aurait rallié à elle, le meilleur des forces dégagées par la crise de l'appareil stalinien et celles des autres appareils du mouvement ouvrier, jusqu'à influer sur le développement de la lutte des classes, au moins dans un certain nombre de pays et à l'échelle internationale. Elle serait devenue le pôle de regroupement et d'organisation des militants, des travailleurs, des jeunes cherchant la voie de la révolution sociale dans les pays où le capitalisme subsiste et celle de la révolution politique dans ceux où le capital a été exproprié. Toute la disposition des rapports entre les classes en aurait été modifiée, sans que l'on puisse dire ce qu'elle serait exactement. La crise de l'humanité, c'est‑à‑dire la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat, serait en voie d'être surmontée. Au contraire, la trahison de la direction de la IVe Internationale, réalisée au nom de la IVe Internationale, a fait éclater celle‑ci. Elle a dressé de nouveaux obstacles, et pas des moindres, à la solution de cette question clé.

Nous ne pouvons suivre les péripéties de la crise de la IVe Internationale ouverte depuis déjà près de quarante ans : c'est en 1951 que le révisionnisme liquidateur, le pablisme, a germé et triomphé à la direction de la IVe Internationale. Et ce n'est pas sans surprise que l'on lit en sous‑titre d'une section de "Eléments de rapport du secrétariat international de la IVe Internationale‑CIR" publiés dans le BI n° 1 préparatoire au 35e congrès du PCI "Mandel et Krivine franchissent le Rubicon". Ils l'auraient franchi en écrivant la brochure du SU récemment publiée "La IVe Internationale face à la phase finale de l'effondrement du stalinisme". Non : Mandel, Pablo et consort, alors dirigeants de la IVe Internationale ont "franchi le Rubicon" en juin 1953 lorsque contre la classe ouvrière et la population laborieuse de la partie Est de l'Allemagne ils se sont comportés en flancs‑gardes de la bureaucratie du Kremlin. Depuis le révisionnisme n'a cessé de gagner dans les organisations se réclamant de la IVe Internationale. Le Comité International de la IVe Internationale a été constitué en novembre 1953. Il avait à combattre contre le révisionnisme et pour la reconstruction de la IVe Internationale. Il n'a pas mené ce combat. En 1962‑63, une première crise amenait le SWP et l'organisation de Moreno à rompre avec lui et à former avec Mandel et autres le Secrétariat Unifié. En 1972, la SLL le faisait éclater. Déjà en 1951 le PCI avait combattu seul le pablisme révisionniste à l'intérieur de la IVe Internationale, dont il était exclu en 1952. Il a participé dès novembre 53 au Comité International. quand le CI a éclaté, le PCI (c'était alors l'OCI) a dû prendre en charge la tâche écrasante d'assurer la continuité de la IVe Internationale et le combat pour sa reconstruction.

LE PCI INFECTÉ À SON TOUR PAR LE RÉVISIONNISME

Or, le PCI et IVe Internationale‑CIR sont aujourd'hui à leur tour infecté par le révisionnisme. Exemple: depuis 1983 la direction du PCI proclame, urbi et orbi, qu'elle se situe sur "la ligne de la démocratie". Espérons qu'il n'est pas malséant de rappeler ce que Léon Trotsky en pensait:

« Pour ce qui est du capitalisme avancé, il a non seulement dépassé depuis longtemps les anciennes formes de propriété mais aussi l'Etat national et par conséquent aussi la démocratie bourgeoise. C'est en cela précisément que consiste la crise fondamentale de la civilisation contemporaine. La démocratie impérialiste pourrit et se désagrège. Le programme de la "défense de la démocratie" pour les pays avancés est un programme de réaction. La seule tâche progressiste est ici la préparation de la révolution socialiste internationale. Son but est de briser les cadres du vieil Etat national et d'édifier la société selon les conditions géographiques et techniques, sans douanes ni impôts médiévaux.

Cela ne signifie pas, encore une fois, une attitude d'indifférence envers les méthodes politiques actuelles de l'impérialisme : dans tous les cas où les forces contre-révolutionnaires tentent de revenir, de l'Etat "démocratique" pourrissant, ou arriéré, vers le particularisme provincial, vers la monarchie, la dictature militaire, le fascisme, le prolétariat révolutionnaire, sans prendre sur lui la moindre responsabilité pour la "défense de la démocratie" (elle n'est pas défendable) opposera à ces forces contre‑révolutionnaires une résistance armée, pour, en cas de succès, diriger son offensive contre la "démocratie" impérialiste.» ("Œuvres" ‑ tome 19, page 67).

LES DIFFÉRENTES CONFÉRENCES

La "ligne de la démocratie" (elle n'est pas défendable, écrivait LT) a été le pont politique jeté entre la direction du PCI et l'appareil de FO dont le caractère contre‑révolutionnaire n'est plus a démontrer. C'est de cet accouplement politique qu'est né l'aréopage qui dirige le MPPT, et le MPPT lui-même. Selon les mêmes "principes", la direction de IVe Internationale‑CIR a projeté une politique internationale de rassemblement d'éléments politiques les plus hétérogènes au cours de conférences internationales, de prétendue lutte contre "la dette" et les "plans de la CEE" dont les plus marquantes ont été celles de Caracas, de Lima et de Berlin. La conférence de Caracas a été totalement alignée, par sa composition et les textes qui en sont issus, sur les organisations castristes, staliniennes, bourgeoises et petites‑bourgeoises et sur l'orientation des castristes. La plupart des organisations présentes à Caracas n'ont pas même jugé bon de participer à la conférence de Lima. Le "Tribunal sur la dette" n'a été qu'une comédie grossière et ridicule, déconsidérantes. Quant à la conférence de Berlin, se reporter à la réponse de Lambert permet d'en juger:

«Nous proposons une entente. Si nous disions coordination, nous serions à un niveau trop élevé, convergence aussi... Il faut que la discussion se mène, il faut que l'expérience pratique ait lieu, il faut que le combat politique soit engagé, il faut que les liens se resserrent, pour que dans chaque endroit il y ait un pas en avant qui soit fait, et ce pas qui sera fait dans cet endroit doit être un pas pour tout le monde.

Alors, entente pour coordonner nos efforts, pour nous aider réciproquement pour les combats que nous menons dans chaque pays, pour que les combats de chaque pays deviennent le bien commun du combat de tous les pays dans lesquels nous sommes rassemblés. »

En clair: une "entente" parce qu'il n'y a aucun accord.

LA QUESTION GOUVERNEMENTALE

Le 15 octobre 1989, artificiellement, un organisme a été constitué : l'Alliance Européenne des Travailleurs (AET). Elle a appelé à la tenue d'une "conférence ouverte" qui devrait se tenir en janvier 91 à Barcelone. Il s'agirait d'aller vers "la reconstruction d'une véritable Internationale ouvrière des partis ouvriers indépendants de tous les pays". Et tout cela sans programme mais sur la base de déclarations générales et vagues où, par exemple, est préconisé "une grève générale de 24 heures dans toute l’Europe" contre "l'interdiction du travail précaire, arme majeure des capitalistes et des appareils pour détruire la classe ouvrière organisée, pour nier le droit des syndicats, refuser un avenir à la jeunesse". On sait ce qu'il en est advenu en France. Le MPPT, membre de l’AET, s'est aligné sur l'appareil FO qui en ne disant ni oui, ni non à l'accord dirigeants syndicaux‑CNPF sur le "travail atypique" à laissé les mains libres au gouvernement qui a fait adopter, sans coup férir, son projet de loi sur le travail précaire. Voilà sur quel "socle de granit" devrait s'appuyer la "nouvelle Internationale".

L'AET, la conférence de Barcelone et tout organisme qui en résulterait, sont des constructions qui procèdent de la même conception dont procède le MPPT. Le MPPT a un impératif catégorique : ne pas combattre pour le Front Unique des organisations ouvrières (partis et syndicats), ne pas ouvrir en termes saisissables par l'ensemble des travailleurs, une perspective gouvernementale en utilisant la méthode du programme de transition, la stratégie du gouvernement ouvrier et paysan. En France où il y a, à l'Assemblée Nationale, une majorité de députés du PS et du PCF, à l'évidence, à moins que le MPPT ne se propose de prendre lui‑même le pouvoir, c'est à cette majorité qu'il faut s'adresser : décidez de constituer un gouvernement du PS et du PCF sans les Durafour, Soisson et autres, sans ministres représentant les organisations et partis bourgeois. Selon le MPPT et la direction du PCI une telle formulation serait condamnable car depuis qu'il est au pouvoir et dirige des gouvernements de coalition avec des personnalités appartenant au personnel politique de la bourgeoisie, le PS trahit les intérêts des travailleurs. Par contre, les amis allemands du MPPT et de la direction du PCI formulent le mot d'ordre: gouvernement du SPD. Le SPD serait‑il moins traître à la classe ouvrière allemande que ne l'est le PS vis à vis des travailleurs français ? En réalité, il s'agit d'un simple prétexte : le mouvement naturel de la classe ouvrière, de la population laborieuse, lorsqu'elles se mobilisent, est d'exiger de leurs organisations traditionnelles qu'elles répondent à leurs aspirations et à leurs besoins, cela d'autant plus qu'elles ne disposent pas d'autres organisations et c'est dans ce processus qu'elles les submergent et les dépassent politiquement et organisationnellement.

D'ailleurs, il suffit de rappeler les variations, depuis 1981, de la direction du PCI en ce qui concerne la question gouvernementale, pour se rendre compte de ce dont il s'agit. Entre 1981 et 1984, elle prétendait qu'il ne fallait pas mettre en cause le gouvernement Mitterrand‑Mauroy‑Fiterman‑Crépeau car, disait‑elle, les masses considèrent ce gouvernement comme étant leur gouvernement. Ensuite, elle a affirmé que le mot d'ordre ‑ manifestation à l'Assemblée Nationale, à l'appel des centrales syndicales, à un million et plus, pour exiger des députés du PS et du PCF qu'ils forment un gouvernement sans ministre bourgeois ‑ se situait hors de la lutte des classes réelle. Et bien sûr, le MPPT et la direction du PCI se gardent bien de mener campagne pour exiger des dirigeants syndicaux qu'ils rompent avec la participation en quittant ses organismes, à commencer par le Conseil économique et social national, les conseils économiques et sociaux régionaux et en rompant aussi avec l'essaim des organismes de participation qui existent dans les entreprises, les corporations, etc... Pourtant, ce serait la forme concrète de la rupture des organisations syndicales d'avec la bourgeoisie, l'appareil d'Etat et les gouvernements bourgeois, le A de l'indépendance de ces organisations vis à vis de l'ennemi de classe du prolétariat. Le MPPT et la direction du PCI se livrent à une gesticulation dérisoire: d'un seul coup apparaît le mot d'ordre d'une "constituante souveraine", puis ce mot d'ordre disparaît et il réapparaît quelques mois plus tard, pour à nouveau disparaître ; une formule prétendument algébrique a été trouvée : "gouvernement des travailleurs et des organisations" ‑ ce qui ne veut strictement rien dire, le néant est présenté ainsi qu'étant le sommet de la science politique.

QUELQUES RESULTATS

Les résultats de cette politique sont catastrophiques. Mamadou Dia, ancien premier ministre de Senghor au Sénégal, a été intégré au Conseil Général de IVe Internationale‑CIR. Intégriste musulman de toujours, il a rompu au moment de l'affaire Salman Rushdie. Moïse Moleiro, un des dirigeants du MAS‑MIR du Vénézuela, dont la direction s'est prononcée, au moment de la révolte populaire des 27, 28 février et 1er mars 1989 pour "le rétablissement de l'ordre", est toujours membre du Conseil Général. Monja Joana, du mouvement Monima, a rejoint ouvertement le camp de la bourgeoisie malgache. Une petite note en bas de page de Tribune Internationale n° 58 informe discrètement que: "le Parti Démocratique pour le développement s'est constitué récemment à partir des dirigeants syndicaux de l'ancien parti nationaliste Monima, en rompant avec lui". ‑ "La décision du congrès de l'organisation socialiste des travailleurs de se constituer en 1er congrès de fondation de Parti des Travailleurs d'Algérie" est montée en épingle par la direction de IVe Internationale‑CIR. Attendons pour apprécier d'avoir des renseignements plus précis. Par contre, il est possible d'avoir une appréciation sérieuse sur où en est l'organisation allemande adhérente à IVe Internationale‑CIR Internationale Sozialistische Arbeiter‑organisation ‑. L'un des sous‑titres du texte commun de Lambert et de Seldjouk proclame: "L'Allemagne : 10 mois de révolution". Ce texte explique :

«Nous avons en Allemagne, dans le cadre du tournant mondial de la situation, une expression particulière combinant la construction des Cercles pour une politique ouvrière indépendante dans toute l'Allemagne avec le combat à l'intérieur du Parti social‑démocrate allemand, puissant parti ouvrier bourgeois (dont la force et l'implantation n'ont rien de commun avec celles du PS français) où d'ores et déjà se dessinent fortement des différenciations. »

Résultat des courses : une déclaration du bureau politique de l'ISA qu'Informations Ouvrières n° 1498, semaine du 5 au 12 décembre publie, explique:

«L'Union des Cercles, que l'ISA a appuyée, a décidé de présenter des candidats dans trois Länders : Rhénanie-Westphalie, Saxe et Berlin, ainsi que des candidats indépendants à Francfort, Stuttgart. Pour présenter ces candidats l'Union des Cercles a rassemblée 8500 signataires. Le total des votes du 2 décembre pour nos candidats est de 5000 environ».

Cela, répétons‑le, après "10 mois de révolution", si on en croit Lambert et Seldjouk. Quelle faillite !

Où en sont donc le MPPT et le PCI ? Dans leur article, que publie le BI n° 3 préparatoire au 35e congrès du PCI, "le projet de rapport politique ne fait pas l'affaire", Langevin et Drut ont écrit :

«La situation du parti est mauvaise. L'absence de tout bilan sonne comme un double aveu : aveu que le parti s'enfonce, aveu d'impuissance à le tirer de ce mauvais pas qui dure. Mais plutôt que de mettre franchement les difficultés en débat, au CC d'abord et puis devant tout le parti, avec de premières propositions pour résoudre ces difficultés, le secrétariat a préféré celer la réalité. En effet, non seulement le parti dans son ensemble est tenu dans l'ignorance, mais le CC lui‑même est écarté de cette question : depuis des mois maintenant, plus aucun chiffre global n'est communiqué au CC (cotisations au parti, vente d'IO timbres du MPPT... etc).»

Plus loin :

«On ne peut affirmer que le MPPT traduit une réalité politique nouvelle (…) La réalité du MPPT ne marque en aucune manière un saut qualitatif dans la construction du parti. D’autant moins d’ailleurs que non seulement le MPPT ne s’est pas construit ( le nombre de timbres plafonne, les bons mois, globalement à peine au niveau des effectifs du PCI) mais encore que le PCI s’est numériquement ( et souvent politiquement) affaibli. »

Langevin et Drut n'ont pas été démentis.

LA QUESTION DU GOLFE

Il y a plus grave. La nature d'une organisation se révèle immanquablement dans les positions qu'elle prend et la politique qu'elle développe vis à vis de l'impérialisme en général et de l'impérialisme de son propre pays en particulier. Le MPPT en tant que tel n'a pris part à aucune campagne, à aucune démonstration, à aucune manifestation concernant l'intervention impérialiste au Moyen‑Orient. Surtout sur une question de cette nature, qui ne dit mot consent. Les membres de l'aréopage qui dirige le MPPT sont de fieffés pro-impérialistes. Ici s'affirme le lien avec l'appareil de FO.

La position prise et la politique développée par la direction du PCI constituent de leur côté un alignement sur la politique de la direction du PCF. A quelles contorsions se livre la direction du PCI. Elle prétend que dès le 10 août 1990 le Secrétariat International s'est prononcé pour le retrait des troupes impérialistes du Moyen‑Orient. C'est faux. Ce texte ne lance aucun mot d'ordre, ne définit aucune tâche politique. Il se termine ainsi:

«Les travailleurs et les peuples du monde ne s' trompent pas. Déjà par exemple, en Algérie, des manifestations ont eu lieu contre l'intervention militaire de l'impérialisme américain au Moyen‑Orient. Elles sont une expression du fait que cette intervention destinée à préserver au Moyen-­Orient et au‑delà le monde de l'oppression et de l'exploitation celui où les grandes puissances financières peuvent mettre en coupe réglée les peuples et les travailleurs du monde, où les grandes compagnies pétrolières peuvent manipuler les prix à leur gré en fonction du profit, est un acte contraire aux intérêts des travailleurs et des peuples du monde entier. »

Ce n'est que la déclaration du Secrétariat International en date du 3 septembre 1990 qui, en titre, lance les mots d'ordre : "Tous les peuples sont contre la guerre" ‑ "Retrait des troupes impérialistes". Fait significatif : dans le n° 1485 d'IO, semaine du 5 au 12 septembre, cette déclaration du SI est seulement annoncée et le titre de la page 11 se réduit à "IVe Internationale (CIR). TOUS LES PEUPLES SONT CONTRE LA GUERRE". Enfin, le PCI s'abritera derrière un texte signé par 75 "intellectuels", dont Monseigneur Gaillot, des prêtres, etc..., patronné par le PCI, le PCF, le mouvement de la paix, les JC, la CGT, la LCR, etc... Ce texte se termine ainsi :

«Le samedi 20 octobre, en France, nous devons toutes et tous signifier clairement à ceux qui nous gouvernent que nous refusons la guerre et exigeons la recherche d'une solution négociée et le retrait des troupes françaises, américaines et britanniques. »

Ce qu'une résolution du comité central du PCI s'efforce de justifier en ces termes:

«Bien évidemment, la formulation "solution négociée" comprend une ambiguïté évidente. Mais l'essentiel, et qui pour nous est positif, c'est que sur la base de cet accord, le PCF soit amené à appeler à une manifestation dans l'unité, dont l'axe central est la lutte contre l'intervention armée, pour le retrait des troupes françaises. »

Non ! Il n'y a aucune ambiguïté. "Solution négociée" signifie obtenir la garantie du respect des intérêts de l'impérialisme et son maintien. Ensuite, il y aurait retrait des troupes. La direction du PCI, s'est alignée, prétendument au nom du Front Unique, sur la politique du PCF.

Le "Serment du 7 décembre contre la guerre dans Le Golfe" est, par sa forme et son fond, typiquement stalinien.

«Les peuples ne veulent pas la guerre. Ils savent qu'elle n'apporte jamais de solution satisfaisante, mais sème barbarie et l'injustice sur son passage.

Nous, femmes, hommes et jeunes épris de paix, prenons l'engagement ferme et solennel de tout mitre en oeuvre pour empêcher la guerre dans le Golfe qui vise à préserver des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Que ceux qui nous gouvernent et ont armé des dictateurs sachent qu'ils nous trouveront devant eux s'ils déclenchent les hostilités. Immédiatement et partout, nous descendrons dans la rue pour faire entendre notre colère.

Tous ensemble, nous faisons le serment de ne pas relâcher nos efforts aussi longtemps qu'une paix juste et durable ne sera pas assurée, aussi longtemps que n'auront pas été retirées les troupes américaines, françaises et britanniques.

Non, il n'y aura pas la guerre. Les peuples unis et solidaires ne le permettront pas.» Paris‑Meeting international du 7 décembre.

Images d'Epinal, fausse solennité, redondance, "serment bidon". Quant au fond :"une paix juste et durable" qui est évidemment la "paix" impérialiste. Celle‑ci "assurée", un jour ou l'autre, retrait des troupes. C'est une capitulation politique vis à vis du PCF. Elle ne sera certainement pas la dernière.

Les mots d'ordre à avancer sont simples et nets :

A BAS L'INTERVENTION MILITAIRE IMPÉRIALISTE AU MOYEN‑ORIENT

-A bas l'embargo, le blocus de l'Irak. –

-A bas les résolutions du Conseil de Sécurité.

-A bas la préparation à la guerre impérialiste.

-Retrait immédiat et inconditionnel des troupes françaises.

-Retrait immédiat et inconditionnel de toutes les troupes impérialistes.

Pour cela : Front Unique des organisations ouvrières et notamment syndicales (CGT, FO, FEN).

La politique de la direction du PCI et de IVe Internationale‑CIR aggrave la déconsidération dont souffre auprès des éléments les plus avancés de la classe ouvrière et de la jeunesse, la Ive Internationale en raison de la politique que suivent le Secrétariat Unifié et ses organisations. Elle contribue au désarroi des travailleurs et des jeunes, à leur profonde méfiance à l'égard de toute organisation.

DÉFENDRE EN TOUTE SITUATION ET TOUTE OCCASION LE PROGRAMME DE TRANSITION

En 1981, il était possible de construire en France directement à partir du PCI, une section française de la IVe Internationale ayant une influence de masse. La politique d'adaptation du PCI à l'Union de la gauche a alors liquidé cette possibilité. Désormais, il est vraisemblable que la construction d'un parti français de la IVe Internationale passe par des transitions de regroupement avec d'autres forces, d'autres courants que la crise du mouvement ouvrier dégagera, qui émaneront de la classe ouvrière, de la jeunesse. Encore faut‑il proposer et défendre dans l'intervention politique un programme et une politique. Ce programme, cette politique ne peuvent être que ceux qui sont inclus dans le Programme de Transition. Une fois encore, il faut le répéter: le programme de transition est un programme d'action et non l'ensemble du programme de la IVe Internationale. Trotsky, dans un texte daté du 12 avril 1938, précisait :

«Je souligne qu'il ne s'agit pas encore du programme de la IVe Internationale. Le texte ne contient ni la partie théorique, c'est‑à­-dire l’analyse de la société capitaliste et son stade impérialiste, ni le programme de la révolution socialiste proprement dite. Il s'agit d'un programme d'action pour la période intermédiaire.» ("Œuvres" Tome 17, page 135).

Trotsky préconisait de la proposer comme base pour la constitution d'un Labor Party aux Etats‑Unis. Il s'agit de construire un Parti Ouvrier Révolutionnaire et pas, comme au début du mouvement ouvrier, un simple parti ouvrier et encore moins un "parti indépendant" ce qui ne veut rien dire.

Sur le plan international, la reconstruction de la Ive Internationale passera, en raison du pablisme et ensuite du révisionnisme qui a pris la direction de IVe Internationale‑CIR, par des processus similaires. Tel est le sens qu'aurait la réunion et une "conférence ouverte". A ce niveau aussi la IVe Internationale‑CIR devrait défendre le programme de transition et proposer une politique qui en soit la projection.

Reproclamer aujourd'hui la IVe Internationale ce serait porter un nouveau coup à IVe Internationale‑CIR. Sa mission politique est d'assumer la continuité de la IVe Internationale. Ce coup pourrait lui être mortel parce que bloquant les processus nécessaires de la reconstruction. La reproclamation au moment actuel de la IVe Internationale serait une fiction.

La première condition, nécessaire mais insuffisante, à la reproclamation de la IVe Internationale, c'est de régler le contentieux théorique et politique qui, depuis 1950, n'a cesse de s'accumuler.

Le 21/12/1990

 

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