"Une nouvelle perspective" ( 2° partie ) :

L'impérialisme en crise

 

LA PROSPÉRITÉ, SES LIMITES, SES CONTRADICTIONS : AU BOUT LA CATASTROPHE

DU PLAN CARTER "AU PRIME RATE" À 21%

RIVALITÉS INTER-IMPÉRIALISTES

OÙ EN EST "L'UNION EUROPÉENNE"

UNE OFFENSIVE TOUT AZIMUT CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE

POUR LES ÉTATS UNIS SOCIALISTES D'EUROPE

SOUS LE FEU DE L'OFFENSIVE AMÉRICAINE

L'OMC, AUTRE CAVERNE DE BRIGANDS

 

LA PROSPÉRITÉ, SES LIMITES, SES CONTRADICTIONS : AU BOUT LA CATASTROPHE

Du point de vue du capital, le moment actuel s'inscrit dans une période de prospérité (depuis 1990) rarement égalée. Quelques indications : L'Expansion du 30 février au 5 mars 97 a publié une étude intitulée : "Le bilan de la croissance". On y lit :

"En 1997, neuf pays sur dix connaîtront la croissance : une conjonction aussi favorable ne s'était pas produite depuis vingt ans. La poussive Europe elle-même devrait être entraînée dans le tourbillon"

CROISSANCE EN 1997 (en % du PIB)

RICHESSE CRÉE EN 1996 (en milliards de dollars)

 

 

 

Lesotho

10,1%

Japon

177,8

Maroc

10%

États Unis

167,1

Chine

9,7%

Chine

72,3

Vietnam

9,2%

Corée du Sud

31,4

Malaisie

8,3%

Royaume Uni

24,4

Guinée Équatoriale

8%

Allemagne

22,6

Géorgie

8%

France

18,1

Chili

7,5%

Inde

17,9

Indonésie

7,5%

Brésil

17,5

Turquie

7,5%

Taiwan

16

"Sur les dix plus fortes croissances de 1996, quatre sont le fait de pays asiatiques. L'Asie se trouve également bien placé dans les richesses créées en 1996, la Chine occupant le troisième rang. Mais dans ce classement, les pays industrialisés gardent l'avantage". Selon la suite de cette enquête les raisons sont annoncées page 100.

Moteurs d'hier

Moteurs d'aujourd'hui

Le modèle des années 70....................................

et celui des années 90

On considérait à l'époque qu'un pays "sous-développé" avait besoin de trois ingrédients pour se développer :

Aujourd'hui, on explique la forte croissance des "pays émergents" par trois facteurs complètement différents, voire opposés aux préconisations des années 70 :

l'aide financière par des gouvernements riches et des organismes internationaux pour compenser un retard industriel,

la présence de l'investissement financier et industriel privé, plus efficace parce que plus exigeant que l'aide publique qui s'est quasi tarie,

Un engagement de l'État dans la production de biens de consommation et la construction d'infrastructures, pour garantir un développement équitable,

l'amaigrissement du secteur public par la privatisation des entreprises industrielles,

de nombreuses barrières tarifaires, pour interdire les importations et ainsi protéger l'industrie nationale de la concurrence des pays riches plus productifs.

l'ouverture au commerce international qui a créé de véritables machines exporter les biens industriels.

 

En réalité un processus classique en cas de crise du régime capitaliste, bien que freiné par les monopoles et la pratique politique (économie d'armement) a fini par s'imposer  : l'élimination massive du capital obsolète, une dévalorisation considérable du capital constant et de la valeur de la force de travail, d'où résulte une hausse nouvelle du taux de profit qui incite à des investissements, d'autant plus que la concurrence y pousse aussi. Dès lors, commence un nouveau cycle de l'économie capitaliste. C'est ce qui s'est produit et notamment aux États-Unis

Mais d'autres facteurs antérieurs doivent être soulignés. Il n'y a rien de fortuit à ce que l'offensive contre la valeur de la force de travail, les conquêtes et les acquis de la classe ouvrière s'engage pleinement à partir du début des années 1980. En Angleterre, le chômage est passé de 5,2% de la population active au début 1980 à plus de 12%. Aux États-Unis, il est passé de 5,5% au début 1980 à plus de 10% fin 1982.

Ce haut niveau de chômage a été un élément qui a contribué au succès des attaques de Thatcher et de Reagan contre les prolétariats de leurs pays, la réduction drastique, la liquidation de nombre de leurs garanties, de leurs conquêtes. Le succès de ces attaques a donné un avantage considérable aux capitalismes américain et anglais vis à vis de leurs concurrents impérialistes.

Pendant des années, l'impérialisme américain a considéré comme négligeables les déficits de ses balances commerciale et des comptes courants. L'impérialisme américain a comblé ces déficits en ayant recours au marché financier international. Cependant l'abondance de dollars a finalement entraîné sa rapide dépréciation. Au début 1976, un dollar égalait 2,75 DM, fin octobre 1978, il n'égalait plus que 1,78 DM. Continuer ainsi précipitait la dégringolade jusqu'à la catastrophe, avec comme implication la dissolution des échanges mondiaux. L'impérialisme américain dût réagir. En novembre 1978, Carter annonçait son "plan".

DU PLAN CARTER "AU PRIME RATE" À 21%

Mobilisation d'un fonds correspondant à 30 milliards de DTS (Droits de Tirages Spéciaux) ou en devises étrangères, tirage de 3 milliards de dollars sur le FMI, vente de 2 milliards de DTS, accord "SWAP" (crédits réciproques entre banques centrales à court terme, mais renouvelables en devises étrangères), 6 milliards auprès de la Bundesbank, 5 milliards auprès de la banque du Japon, 4 milliards auprès de la banque nationale Suisse , libellés en Marks, en Yens, en Francs suisses, donc remboursables dans ces devises.

Le taux d'escompte était porté de 8,5 à 9%, les taux des réserves obligatoires des banques sur les dépôts à terme faits à leurs guichets étaient considérablement abaissés, doublement des ventes d'or du Trésor américain : 1 500 000 dollars par mois au lieu de 750 000. Immédiatement, le dollar remontait par rapport à l'or et aux devises. mais quelques jours après la tendance à la dépréciation du dollar réapparaissait.

Les causes profondes de cette dévalorisation n'ont pas pour autant disparu. À partir de là, la spéculation contre le dollar et les autres monnaies en faveur de l'or s'est déchaînée. Le cours de l'or a continué à augmenter pendant l'année 1979. Il est passé de 240 dollars l'once en janvier à 500 en décembre. Pourtant le "prime rate" a été élevé au cours de cette année à 15,75%. En janvier 1980, c'est la panique : il faut 850 dollars pour une once d'or ; le dollar exprimé en DM atteint son plus bas niveau : 1,70. Le 2 avril 1980, le taux du "prime rate" est porté à 20%. En mars l'once d'or redescend à 474 dollars ; le cours du dollar exprimé en francs atteint 4,5, exprimé en DM, 1,769. La FED abaisse le "prime rate" à 11%. Nouvelle chute du dollar ; en septembre, il faut 920 dollars pour une once d'or, il ne vaut que 4 Francs et 1,74 DM. Fin 1980, le "prime rate" est porté à 21%.

Cette hausse a été indispensable pour attirer les capitaux flottants et spéculatifs aux États-Unis. En 1980, la hausse des prix atteint 19,6%. La différence entre la hausse des prix et le taux d'intérêts donne une idée du profit réel.

Dans le même temps, à l'occasion du renversement du Shah d'Iran, les émirs du pétrole ont déclenché une hausse du prix du pétrole brut. Entre 1979 et novembre 1980, il est passé de 14,5 dollars à 34 dollars le baril. C'était une ponction considérable sur la plus-value produite et réalisée dans les pays non producteurs de pétrole ( les États-Unis payent en dollars qu'ils émettent).

En 1980, une nouvelle crise émerge. Elle sera surmontée à partir de 1982 par un accroissement considérable des dépenses d'armement : le "remède" Reagan. Le déficit avait été financé jusqu'alors en grande partie par les émissions monétaires. À partir de 1978, lui succède une politique "monétariste". Elle consiste en un freinage de la circulation monétaire, de l'inflation de crédit et de plus en plus au financement des déficits par l'emprunt et corrélativement à la suppression des contrôles sur le capital financier.

Pourtant au cours des années suivantes, le dollar connaît une hausse spectaculaire. En 1984, il est passé de 2,52 DM en avril à 3,09 fin décembre. Les facteurs de cette hausse étaient la demande commerciale, les emprunts effectués par le Trésor des États-Unis, les besoins des pays endettés d'Amérique latine notamment, il paraissait profitable d'investir dans une économie alors rentable.

En 1985, un phénomène important s'est produit  : le dollar est parti à la hausse en raison de la spéculation. Le 26 février 1985, le dollar correspondait à 10,81 Francs et à 3,47 DM. Des déclarations de Paul Volker, président de la FED, entraînaient la baisse du dollar. En juillet, il glissait à 9 Francs et 3 DM. Le 22 septembre, à New-York, se réunissaient les Cinq pour mettre au point des mesures pour faire chuter le dollar. Le dollar tombait à la fin de l'année à 2,5 DM 7,70 Francs, 200 Yens soit environ 20% de baisse en un an. En 1986, il chutait à nouveau de 20%. Ce recul du dollar était soigneusement programmé "ordonné" au terme de l'accord conclu le 25 septembre 1985 entre les Cinq.

Ces années sont celles du développement des quatre "dragons" asiatiques : Singapour, Taiwan, Corée du Sud, Hongkong. Elles sont aussi celles de l'envol de la bourse. À partir de 1982, sous l'effet d'une libération de certaines contraintes, la bourse de New-York s'envole : le Dow Jones n'était qu'à 600 points. Il atteint 2 700 points le 25/03/87, soit une hausse de 450% entre 82 et 87. Mais le 27/10/87, c'est le krach. Il retombe à 1780 points.

En 1988, une reprise économique limitée a lieu, mais elle ne dure pas, et en 1989, se produit ce qui fut appelé un "mini krach" : le 13 octobre, le Dow Jones perdait 190 points. En 1990, Georges Bush succède à Reagan. Cette même année, le 17 janvier 1991, sous la direction de l'impérialisme américain "une foudroyante défensive" était déclenchée contre l'Irak qui avait occupé le Koweït.

L'essor économique du capital américain de 1990 a été favorisée par les coups portés au prolétariat des États-Unis. En août 1981, Reagan licencie collectivement douze mille contrôleurs de la navigation aérienne, sans que l'AFL-CIO réagisse. C'est un coup politique très dur porté au prolétariat américain dont les répercussions se perpétuent au cours des années. Où en sommes nous aujourd'hui ?

L'économie capitaliste engendre nécessairement de multiples déséquilibres, entre les différentes puissances impérialistes : États-Unis, Japon, Communauté européenne. Elle entraîne un chômage massif notamment en France et en Allemagne. Elle est encore très prospère parce qu'engendrant des hauts taux de profit. Pourtant d'ores et déjà, on perçoit ses limites qui résultent de la contradiction entre le caractère social de la production et l'appropriation privée des moyens de production.

La "prospérité" actuelle se prolongera peut-être encore, mais il faut en voir les conditions et ce qu'elle provoque et notamment une fantastique spéculation : le CAC40 est passé de 2000 points au 1/12/90 à 2512 points le 3/2/97. La perspective est évidente en raison des rapports de production capitaliste, une inéluctable crise de dislocation de la production jusqu'à une profondeur insondable. La spéculation conduit a un effondrement d'autant plus catastrophique qu'elle atteindra des sommets .La situation économique mondiale actuelle rappelle celle de l'année 1928.

RIVALITÉS INTER-IMPÉRIALISTES

La crise récurrente, la menace d'une crise disloquante avive les rivalités inter-impérialistes. À partir de la situation ouverte en 1989, l'impérialisme américain a pris l'initiative, remportant deux victoires, l'une au Moyen-Orient, l'autre dans les Balkans. Mais c'est sur tous les terrains que les USA se disposent. Trois axes majeurs vertèbrent leur offensive :

- le continent américain qui doit être une chasse gardée des États-Unis, tant économique que militaire,

- l'Asie Pacifique, où il s'agit de battre en brèche l'influence japonaise, contraindre le Japon à mettre fin à ses excédents commerciaux et financiers, rétablir l'hégémonie américaine sur le Pacifique,

- l'Europe, où la puissance acquise par l'Allemagne doit être muselée : faire reculer l'Allemagne au centre et à l'Est de l'Europe, empêcher que ne se constitue (sous contrôle allemand) un marché "fermé" européen, jouer des rivalités entre impérialismes européens.

Tenter "d'unifier" les forces productives dans le monde en réorganisant la division du travail selon ses besoins, assurer son hégémonie militaire et imposer sa domination politique : tel est l'objectif.

La bataille entre les impérialismes pour se subordonner les forces productives d'un certain nombre d'espaces économiques (pour réinvestir les espaces où le capital avait été exproprié) ne se mène pas à armes égales. L'impérialisme américain, en dépit de son déclin relatif d'après la deuxième guerre mondiale utilise la place économique politique et militaire qu'il a conquise durant cette guerre. C'est aussi cette "conception du monde" qui s'exprime dans l'idée de "globalisation" et de "mondialisation".

La dislocation de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites, celle de l'URSS posaient l'alternative révolution politique ou restauration capitaliste. Le fait que ce soient des organisation bourgeoises, petites bourgeoises, des fractions des bureaucraties qui aient pris le contrôle des mouvements révolutionnaires a finalement désarmé les travailleurs et permis la marche à la restauration capitaliste. Nécessairement il en a résulté des modifications importantes dans les rapports inter-impérialistes. En Europe, l'unification de l'Allemagne, l'annulation des limites politiques qu'imposaient à la RFA les séquelles de la défaite de l'impérialisme allemand ont permis à ce dernier d'affirmer sa position prépondérante parmi les puissances capitalistes européennes, à l'intérieur de l'UE. Cette question a été traitée en de nombreux articles de CPS et dans une des notes préparatoires à la IXème Conférence du Comité. Nous y renvoyons les militants du Comité.

Cette note traite également de "l'impérialisme américain reste la seule puissance mondiale". Il serait plus juste d'écrire que avec la dislocation de l'URSS, de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites, la marche à la restauration capitaliste "l'impérialisme américain est devenu la seule puissance mondiale", l'URSS faisait dans une certaine mesure contrepoids dans le monde à l'impérialisme US. De plus l'antagonisme des puissances impérialistes et de l'URSS contraignait l'impérialisme US à "ménager" les autres puissances impérialistes. Il a même été dans la nécessité d'impulser la reconstruction des autres puissances impérialistes, sa politique d'économie permanente d'armement a profité et renforcé les autres puissances impérialistes, surtout le Japon et l'Allemagne. Aujourd'hui l'impérialisme américain n'a plus cette contrainte. Il peut faire valoir pleinement ses intérêts au détriment des autres puissances impérialistes.

Les analyses, les textes précédents, les articles de CPS ont suffisamment développé la politique de "règlement des conflits régionaux" pratiqués par l'impérialisme US et la bureaucratie du Kremlin, la guerre impérialiste contre l'Irak, l'étranglement du peuple palestinien, la guerre en Yougoslavie et le rôle que l'impérialisme US a joué, pour qu'il soit nécessaire de redévelopper à nouveau. Il suffit de rappeler ici ces événements.

Les militants se référeront aux deux premières parties de "À propos de la mondialisation du capital" et à la contribution à la discussion portant sur l'impérialisme pour tout ce qui concerne l'évolution et la politique économique des puissances impérialistes depuis 1945. De même en ce qui concerne la soi-disant "mondialisation du capital" ils se reporteront aux trois parties du texte "À propos de la mondialisation du capital". Et pour tout ce qui concerne le "gigantesque parasitisme, l'énorme déficit, l'endettement colossal, les rivalités inter-impérialistes", les militants du Comité trouveront les indications nécessaires dans les mêmes textes.

OÙ EN EST "L'UNION EUROPÉENNE"

CPS a analysé moment après moment la constitution de la CEE, de "l'Union européenne", il a analysé les traités de Maastricht et leurs contradictions. "L'UE" s'approche d'une échéance : celle de la constitution de la monnaie unique, mais il s'agit aussi d'adapter les institutions européennes. C'est ainsi que s'est ouverte à Turin le 29 mars 1996 une Conférence intergouvernementale. Officiellement, il s'agit de compléter le traité de Maastricht pour doter l'UE d'une véritables politique extérieure de sécurité commune et de rendre les institutions européennes plus efficaces dans la perspective de l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO). En 1994, la démocratie-chrétienne et le gouvernement allemands avaient avancé la proposition d'une Europe avec un noyau dur, c'est à dire un cercle étroit composé de l'Allemagne, de ses vassaux et englobant, ficelant la France. En vain Balladur avait fait la contre-proposition d'une Europe en cercles différenciés, dont un cercle militaire.

Mais dix-huit mois ont passé : la crise économique, qui avait semblé s'achever en Europe à la suite de la reprise, limitée, aux États Unis, revient en force, en Allemagne en particulier. En quelques mois et de façon apparemment imprévue par les dirigeants allemands, l'Allemagne s'enfonce dans la "récession." . La réalisation des critères de Maastricht est compromise ; or un échec de l'Union économique et monétaire serait "déstabilisant" pour tout le système financier international. La recherche d'un compromis s'impose donc entre la France et l'Allemagne. Celles-ci mesurent en outre les conséquences de leur rivalité au sein de l'ex-Yougoslavie, dont les USA ont tiré profit

Du côté français, un document rendu public le 20 février 1996 synthétise les positions du gouvernement français, après qu'il eût été discuté en particulier avec Delors, Jospin et Hue. Sur certains points, le document va dans le sens des désirs allemands. La France propose "d'introduire des voix au Conseil tenant compte des facteurs démographiques et économiques, et de la contribution financière des États membres". Cette proposition donnerait le plus grand nombre de voix à l'Allemagne. Cette proposition ouvre la voie à une seconde qui abandonne la vieille position gaullienne d'élargir de champ des décisions pouvant être prises par vote", le vote reflétant alors la force de chacun. Il s'agit de réduire la place des "petits pays" en particulier de ceux voués à être dominés (Sud et Est de l'Europe), la France postulant à pouvoir les dominer aux côtés de l'Allemagne : une association de brigands. Ainsi est faite la proposition de réduire les effectifs de la Commission (au nom de l'efficacité des débats) alors que chaque pays y est aujourd'hui présent ; tous les pays n'auraient plus droit à un commissaire.

En même temps, les prérogatives des États sont soigneusement préservées par ces propositions. Ce document témoigne donc de la recherche d'un compromis avec l'Allemagne : acceptation d'une Europe à deux vitesses tout en préservant la totalité de ses prérogatives d'État.

L'Allemagne a, de son côté, besoin de l'Union européenne ; c'est devenu pour elle un instrument de domination de l'Europe, de pénétration de nouveaux marchés ; l'UE doit être un dispositif politique qui lui permette de réaliser ce qu'elle a, en d'autres temps, tenté avec les "Panzer divisions". Autre chose est d'y parvenir. C'est pour ces raisons qu'à l'ouverture de la Conférence de Turin, la France et l'Allemagne défendaient des positions communes sur certains sujets mais que le consensus était loin d'être total : cela annonçait de difficiles négociations ultérieures.

Réunis le 13 avril 1996 à Vérone, les ministres des finances des 15 gouvernements ont décidé de créer un nouveau SME qui, à partir de 1999, aurait pour rôle de stabiliser le cours des monnaies qui ne feront pas partie immédiatement de l'Union monétaire (et qui risquent d'être nombreuses...). D'entrée de jeu, la Grande Bretagne rejette le dispositif : il n'est pas question pour eux d'y adhérer. On aura donc ainsi, sur le plan monétaire, une Europe à trois vitesses : les pays utilisant la monnaie unique, ceux relégués dans le SME, et ceux qui ne veulent pas du SME... ou ne peuvent même pas y prétendre.

Plus encore : quelle différence entre ce futur SME et l'actuel qui n'existe guère puisque les bandes de fluctuations offrent au total un écart possible de 30% (sans compter les dévaluations) ? Selon le président de l'Institut Monétaire européen, ces marges de fluctuations seront "relativement larges", sans doute aussi larges que celles de l'actuel SME fantomatique. La vraie différence porte sur deux points, qui sont essentiels :

- dans l'actuel (et précédent) SME, les monnaies se définissent les unes par rapport aux autres (c'est un panier de monnaies référentielles) ; le prochain SME sera soumis à l'Euro, la monnaie dominante (donc à l'Allemagne et à ses alliés).

- par contre, en cas de crise monétaire, le soutien de l'Euro aux monnaies en faillite ne sera pas automatique : la soumission, mais sans engagement réciproque. La Tribune Desfossés du 16 avril 96 explique cela avec une joyeuse brutalité, dans un article titré "La Bundesbank remet l'Europe monétaire sur les rails".

Bien évidemment, rien n'indique que le dispositif se mettre effectivement en place. Une autre possibilité est que le dispositif devienne réalité et vole en éclats aussitôt après. Mine de rien, les dirigeants allemands ont prévu l'hypothèse et entendent pouvoir sauver "leur" monnaie si la monnaie commune sombrait : le dispositif d'impression de la monnaie "commune" prévoirait (cela reste à confirmer) une marque nationale nettement visible.

Ainsi, plus le dispositif d'Union avance, et plus il apparaît qu'il tourne le dos à toute Union, impossible au demeurant dans le cadre du capitalisme. C'est en fonction des développements de la crise économique, financière et monétaire, un dispositif sans cesse renégocié sur la base des seuls rapports de forces et qui vise à asservir les pays les plus faibles aux impérialismes dominants, l'Allemagne en tout premier lieu, sans que jamais ne cesse la concurrence la plus féroce entre les différentes bourgeoisies protégées par leur état respectif.

Dans ce cadre conflictuel, les différenciations économiques tendent à s'accroître, ainsi que le reflète l'évolution des différentes monnaies au cours des dernières années l'écart se creusant de 25 à 30% en 4 ans entre les monnaies "fortes" et les monnaies européennes les plus faibles.

UNE OFFENSIVE TOUT AZIMUT CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE

Tout capitalisme en crise est conduit à redoubler ses attaques contre sa propre classe ouvrière. Dans le cadre de l'Union européenne et de la compétition brutale que s'y livrent les impérialismes européens, l'ampleur de ces attaques est démultipliée (la compétition à l'échelle mondiale pèse également fortement). Chaque jour, ce sont de nouvelles mesures qui sont annoncées, partout les mêmes : à la baisse du pouvoir d'achat et aux licenciements s'ajoutent désormais, dans toute l'Europe, la destruction d'acquis antérieurs : liquidation de la protection sociale et des retraites, multiplication des statuts précaires, flexibilité et annualisation du temps de travail, liquidation du statut des fonctionnaires et des fonctionnaires eux-mêmes quand ils ne relèvent pas strictement de l'appareil d'État, liquidation de la protection juridique des travailleurs et des indemnités de chômage, liquidation des systèmes scolaires largement ouverts jusqu'alors...

Dans cette offensive, les bourgeoisies et gouvernements ont l'appui des dirigeants des syndicats ainsi que des partis sociaux démocrates, staliniens et issus de l'appareil stalinien international.

POUR LES ÉTATS UNIS SOCIALISTES D'EUROPE

À l'Union européenne comme à tous les traités et accords mis en oeuvre en Europe par les divers impérialismes, les révolutionnaires opposent la lutte pour la révolution prolétarienne, le gouvernement ouvrier, le pouvoir ouvrier, l'expropriation des capitalistes, l'organisation de la production selon un plan élaboré et réalisé sous contrôle ouvrier répondant aux immenses besoins des masses, la constitution des États Unis Socialistes d'Europe.

- Cette perspective vaut également pour les États de l'Est de l'Europe et pour ceux des Balkans.

- Parce qu'il n'y a pas de "capitalisme européen" unifié, intégré, mais des capitalismes nationaux qui défendent chacun leurs intérêts spécifiques, le combat de chaque prolétariat des pays membres de la CEE doit être dirigé contre le gouvernement et l'État bourgeois qui le domine, contre le capital, la bourgeoisie de son propre pays.

Ne pas situer ce combat sur cet axe reviendrait à protéger cet État. Cela ne signifie pas l'isolement de chaque grand combat de classes. Tout combat d'un des grands prolétariats européens débouchant sur une situation révolutionnaire enclenchera vraisemblablement une puissante vague révolutionnaire dans l'ensemble des États bourgeois d'Europe.

SOUS LE FEU DE L'OFFENSIVE AMÉRICAINE

L'offensive américaine, en particulier contre les divers impérialismes européens et l'Union européenne, ne se relâche pas. Elle est conduite par la bande, en cherchant à casser les reins à ceux des pays dominés qui s'appuyaient - ou tenteraient de s'appuyer - sur un ou des pays impérialistes européens pour échapper à la volonté d'hégémonie des États-Unis : sont visés en premier lieu l'Irak, l'Iran, la Libye, Cuba. La manoeuvre consiste à obliger les autres impérialismes européens à participer, à s'associer à cette offensive: le schéma est celui de la guerre contre l'Irak.

Contre l'Irak, la politique d'étranglement se poursuit : Saddam Hussein a été laissé en place pour écraser les masses ; et le pays, sa population, sont soumis à un embargo impitoyable. En janvier puis en juin 93, de nouveaux raids aériens ont été conduits contre l'Irak. Le 20 mai 1996, un aménagement de l'embargo décrété en 1990 a été décidé : "pétrole contre nourriture". Ce n'était qu'un simple aménagement, chaque "contrat" étant soumis à un accord préalable, mais déjà l'impérialisme français se réjouissait : les représentants des industriels français s'affairaient à Bagdad quand le 1er juillet, le gouvernement américain mettait son veto de fait à l'accord du 20 mai ; le conflit entre l'impérialisme américain et l'impérialisme français (qui s'accroche à ses positions) n'est pas terminé mais l'objectif des USA est clair : être reconnu par tous les gouvernements du Moyen-Orient comme le seul maître, briser ceux qui refusent de s'assujettir, conserver la haute main sur les immenses ressources pétrolières de la région, ne laisser aux autre impérialismes que des miettes, aux conditions des américains. Or l'Irak dispose d'immenses richesses pétrolières qui fascinent l'impérialisme français (entre autres) ; il possède les secondes réserves mondiales dont la bourgeoisie française attend beaucoup, et d'abord le paiement de l'énorme dette que le gouvernement irakien lui doit.

La loi Helms-Burton est un autre élément du dispositif américain. Signée le 12 mars 96 par Clinton, elle vise à renforcer l'embargo contre Cuba. Elle permet en particulier de refuser tout visa aux dirigeants d'entreprises non-américaines qui utilisent, à Cuba, des actifs anciennement expropriés. De même son article 3 autorise les anciens propriétaires cubains expropriés au moment de la révolution à attaquer en justice les entreprises (non américaines) utilisant leurs anciens biens. Autrement dit : non seulement l'État cubain - État ouvrier bureaucratisé - doit tomber (il est déjà aux abois), non seulement le capitalisme doit être pleinement restauré (cela a déjà commencé) mais il doit tomber dans l'escarcelle de l'impérialisme américain. Cuba fait pour lui, partie de ses chasses gardées. Or, aujourd'hui, 45% du commerce extérieur de Cuba se fait avec l'Union Européenne. La loi Helms-Burton se résume à : "dehors, les puissances européennes !". Ces dernières vont donc protester, font pression pour que Clinton ne signe pas l'article 3 déjà différé, annonce des représailles... Finalement, Bill Clinton reporte de six mois la signature de l'article 3. Ce n'est pas un recul ; c'est un bâton qui demeure brandi : l'Union Européenne (et le Canada, également visé) doivent accepter de renforcer le blocus contre Cuba, sinon Washington mettra en uvre l'article 3. Par ailleurs, depuis le 1er août 96, le reste de la loi s'applique, notamment l'article 4 qui a déjà frappé une société canadienne.

Surtout : le principe d'extraterritorialité de la loi Helms-Burton reste inscrit, qui bafoue les règles internationales jusque là codifiées par les différentes bourgeoisies pour ce qui concerne la circulation des biens et des personnes. Les "quinze" européens protestent, mais Clinton n'en a cure. Clinton se prépare à signer la loi suivante : la loi d'Amato. Signée le 5 août, elle vise la Libye et l'Iran. Plus exactement : elle vise les sociétés qui fournissent une technologie ou des équipements pour une valeur égale au moins à 40 millions de dollars à la Libye ou à l'Iran, deux pays accusés de soutenir le terrorisme. Sont particulièrement menacées des compagnies européennes : Elf, Shell, Agip, ainsi que Schlumberger et Technip. Dans les capitales européennes, c'est une levée de boucliers. Léon Brittan, vice président de la commission Européenne, menace : "La cohésion des quinze ne faiblira pas". (Le Figaro du 09/09/96) Mais le même journal rapportant les propos de Nicholas Burns, porte parole du département d'État, montre que la méthode américaine est la même qu'avec la loi précédente : la loi d'Amato, dit Burns, "nous permet d'avoir un degré de flexibilité pour décider ou non d'imposer des sanctions(...) si nous estimons que les pays impliqués prenaient effectivement des mesures efficaces contre l'Iran et la Libye."

Avec cette loi, le gouvernement peut sanctionner qui il veut, quand il veut. L'objectif est aussi, comme pour l'Irak, de limiter strictement les exportations de pétrole, selon les besoin, et en protégeant leurs propres intérêts pétroliers, ceux de l'Arabie Saoudite, du Koweit, etc... L'arme de l'embargo, celle des sanctions sont utilisées pour fixer volumes de production et prix au niveau correspondant à leurs intérêts. Il s'agit de contrôler l'ensemble du marché mondial du pétrole. Autre chose est d'y parvenir. Les autres impérialismes ne peuvent pas ne pas tenter de desserrer l'étau. Quelques jours après la signature de la loi d'Amato et en dépit des pressions américaines, le gouvernement turc signe avec l'Iran un énorme contrat gazier, s'élevant à 20 milliards de dollars sur 22 années, arguant du fait que formellement il ne tombe pas sous le coup de la loi d'Amato, lequel Amato s'indigne. Le Figaro exulte: "un véritable pied de nez des turcs à leur protecteur américain". Le gouvernement américain n'entend pourtant pas en rester là. (D'autant qu'il est possible qu'en sous main un ou des impérialismes européens aient "aidé" la Turquie, laquelle demande avec insistance à intégrer l'Union européenne).

Autre expression de ces rivalités : le 30 juillet, à Paris, s'est tenue une réunion des ministres du G7 consacrée au terrorisme. Le gouvernement américain, là encore, entendait faire avaliser sa politique. Du côté français, ce fut une fin de non recevoir : chaque pays, selon son ministre, doit conserver une marge de manoeuvre dans ses choix en matière de " lutte anti terroriste". Ces quelques récents épisodes préfigurent des oppositions entre impérialismes d'une toute autre ampleur. En outre, ces oppositions se doublent de conflits entre pays impérialistes et pays semi-coloniaux dont certains disposent d'une réelle marge de manoeuvre : on a vu l'exemple de la Turquie, le cas particulier d'Israël... mais il y en a nombre d'autres.

Les récentes négociations sur la non-prolifération des armes nucléaires ont illustré l' impossibilité pour les impérialismes dominants, notamment les USA et la France, de se réserver le monopole de ce type d'armes : celles-ci sont non seulement possédées par Israël (les USA avaient laissé faire, ceci n'étant pas "officiel") mais par d'autres États qui refusent la discipline que veulent leur imposer les États-Unis avec l'appui du gouvernement français : l'Inde et le Pakistan en tout premier lieu.

Le gouvernement américain ne peut vraiment "discipliner" ces États que s'il a le soutien sans faille des autres impérialismes : c'est loin d'être le cas. La coopération entre impérialismes est de plus en plus conflictuelle.

L'impérialisme français, par exemple, devenu impérialisme de troisième rang, expulsé de nombre de ses positions (Irak, Liban, Serbie...) s'accroche comme un beau diable, non par souci de sa "gloire" passée mais parce qu'il y va de la place et de l'avenir du capitalisme français. Au printemps 96, le voyage de Chirac au Proche-Orient, puis de son ministre Hervé de Charette, les prises de positions du gouvernement français... se présentant comme soucieux des intérêts palestiniens, ré-activant une politique "arabe" héritée du gaullisme (que Mitterrand avait délaissée au profit d'une politique des "États arabes"), avaient constitué pour le gouvernement syrien un point d'appui pour refuser l'accord sur le Golan que les gouvernements américain et israélien veulent faire accepter.

Autre zone de conflit entre les impérialismes français et américains : le Rwanda et le Burundi, par centaines de milliers de morts tutsis et hutus interposés.

On peut multiplier les exemples. Le fait que nul impérialisme ne puisse aujourd'hui envisager une confrontation armée avec les États Unis ne les empêche pas d'entretenir des conflits qualifiés de "secondaires", d'utiliser comme chair à canon les armées de peuples dominés : l'impérialisme n'a pas cessé d'être le principal facteur de guerre. On peut dès lors ramener à leur juste place les pseudo "institutions-internationales" et leur soi-disant pouvoir : l'ONU demeure une "caverne de brigands" dominée par l'impérialisme américain, l'OMC de création récente en est une autre.

L'OMC, AUTRE CAVERNE DE BRIGANDS

Crée en janvier 1995, l'Organisation Mondiale du Commerce a succédé au GATT. L'OMC n'a de pouvoir que ce que veut bien lui reconnaître chaque État ; ses règles reconnaissent aux pays membres la possibilité de décider des mesures restrictives commerciales quand "la défense des intérêts nationaux l'exige" Dans les faits, l'OMC est bien un lieu de marchandage où les plus forts imposent leur loi.

En février 1996, Le Figaro s'exclamait à son sujet : "l'année de vérité ! 1996 sera déterminante pour l'Organisation mondiale du commerce", et d'évoquer les deux premiers grands dossiers à régler : celui des télécommunications, dont le marché est estimé à plus de 500 milliards de dollars ("ce marché astronomique donne la mesure des appétits des grands opérateurs et équipementiers"), et celui des transports maritimes. Autre dossier: celui des services (ces deux dossiers s'ajoutant à celui des services financiers). Quatre mois plus tard, tout était réglé, et l'OMC avait fait preuve de ses "pouvoirs"... Le Figaro titrait alors :"Transport maritime : naufrage d'une négociation. Échec pour l'Organisation mondiale du commerce. L'accord international sur le transport maritime ne verra probablement pas le jour avant la fin du siècle. Les américain l'ont torpillé".

L'article indiquait :"Troisième échec depuis sa création par l' OMC, les négociations sur le transport maritime tournent à la confusion. Tous les efforts menés par l'Union européenne, le Japon et bien d'autres pays se sont heurtés à un véritable mur américain. (...) après les services financiers et les télécommunications les pourparlers sur les transports maritimes ont tourné court."

Le journaliste précisait également (peut-être à l'intention de ceux qui voient l'État se dissoudre dans l'océan du capital "mondialisé"...) que c'était à la demande expresse du capital américain que le représentant (américain) de l'État (américain) avait imposé sa volonté : "les milieux maritimes américains s'étant prononcés clairement contre toute évolution susceptible d'accroître la concurrence, l'administration s'est contentée de disqualifier les propositions sur la table, renonçant à soumettre la moindre offre de libéralisation."

Autre souci pour l'OMC: la tendance de plus en plus marquée à la mise en oeuvre "d'accords régionaux", lesquels ne vont pas dans le sens de l'ouverture, de l'unification du marché mondial mais dans le sens de sa segmentation, chaque impérialisme essayant de se constituer des chasses plus ou moins gardées, de verrouiller des marchés: sorte de colonialisme indirect par bourgeoisie compradores interposées... La politique américaine en Amérique Latine en est l'illustration. Preuve par l'inverse, les déboires de l'APEC montrent que ces "accords régionaux" sont inviables dés lors que s'y affrontent deux grands impérialismes.

L'APEC, instance de "coopération économique Asie-Pacifique" représente dix-huit Etats, 40% de la population mondiale, 56% de la richesse mondiale". Mais les divergences fondamentales d'intérêts, en particulier entre USA et Japon l'un et l'autre membres de l'APEC, paralysent cette instance. Selon Le Monde du 17 novembre 1995 rendant compte du sommet de l'APEC à Osaka, c'est "l'enlisement" et "la paralysie". Le protectionnisme japonais à l'égard de son agriculture a conduit à l'affrontement entre les "alliés" du Japon sur cette question (Chine, Corée du sud, Taïwan, Philippines, Malaisie) et ceux des Etats Unis (Australie, Canada, Nouvelle Zélande, Thaïlande...). Un "compromis" masquant les désaccords sera finalement trouvé mais "cette controverse n'en aura pas moins révélé de graves divergences sur la mission de l'APEC. Les japonais et la plupart des asiatiques n'y voient qu'un forum de consultations, les américains veulent en faire une enceinte de négociations commerciales. Là où Tokyo suggère une coopération, Washington entend forcer la marche de la libéralisation : à ses yeux l'APEC n'a jamais été qu'un instrument d'ouverture des marchés asiatiques en "expansion".

Font obstacle à cette volonté américaine "la pression des forces protectionnistes internes" de nombre d'Etats asiatiques, et les intérêts japonais. Ainsi le premier ministre malaisien avait allumé un contre-feu en proposant la création de l'EAEC (East Asian Economic Caucus) excluant donc les USA et ses principaux alliés. De toute évidence, ce premier ministre se souvient que l'APEC a été initiée par les USA pour faire pièce à l'ASEAN...

Certes, depuis une dizaine d'année, l'ouverture du marché mondial s'est nettement accrue, la libre circulation des capitaux est réelle, la division mondiale du travail s'est renforcée, mais nous sommes toujours à l'époque de l'impérialisme, non dans une nouvelle époque : l'organisation du marché mondial est toujours caractérisée par la domination de quelques grands impérialismes sur le reste de la planète, la rivalité, la confrontation entre ces impérialismes eux-mêmes, et par le rôle plus important que jamais des différents États.

Les quelques éléments suivants l'attestent: Entre 1985 et 1994, le rapport entre le développement du commerce mondial et la croissance du PIB a progressé trois fois plus vite qu'au cours de la décennie précédente. Parallèlement, les investissements étrangers directs ont vu leur part doubler dans le PIB total. Mais selon les termes d'un récent rapport d'une agence de l'ONU, la "croissance" depuis 1980 se fait selon une "polarisation accrue du monde", en termes économiques : 15 pays, surtout asiatiques, ont connu une "croissance exceptionnelle" mais à l'inverse 90 pays, la majorité de la planète, ont vu leur situation empirer. En outre, pour l'essentiel, la "croissance" rapide de cette quinzaine de pays se fait sous le contrôle et au profit des grands impérialismes dont les monopoles y délocalisent et sous-traitent une part de leur production.

Quant aux exportations des pays dominés, elles sont soigneusement encadrées et limitées selon les exigences des divers impérialismes : mesures anti-dumping, protection de l'agriculture, accords multifibre (AMF)... On considère ainsi que les contingents découlant de l'AMF équivalent à une taxe à l'exportation allant de 16% à 48%, qui s'ajoutent aux droits de douane sur ces produits qui sont parmi les plus élevés sur les biens manufacturés. D'une manière générale, ces derniers sont soumis à des taxes au moins double que celles qui frappent les matières premières à destination des grands centres industriels impérialistes.

Telle est la réalité du marché mondial à l'époque de l'impérialisme, alors même que se développent les contradictions qui le disloqueront.


Une nouvelle perspective ( 3° partie )

 

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