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Quand Le Monde calomnie les trotskystes

 


Cps 8 a publié un Droit de réponse, adressé au Monde par Combattre pour le Socialisme, à la suite d’un article publié dans son édition du 30/3 par C. Nick, auteur d’un livre sur “ les trotskystes ” - La 1ère phrase du livre - “ Les trotskystes sont partout ” - donne la “ tonalité ”, en évoquant la publication “ Je suis partout ”, où Brasillach, “ dès les années 30, s’exprime avec violence contre la ‘’mainmise judéo-démocratique’’, vante les mérites de Franco et de Mussolini, s’extasie devant Hitler… ” (M. Winock, in Le siècle des intellectuels), et s’en donnera à cœur joie pendant la guerre ! - Dans cet article, Nick cite des extraits du numéro de Combattre pour le socialisme consacré à Stéphane Just, qui - pour lui - prouverait que “ ces trotskystes choisissaient le Sto plutôt que le maquis ” !

Nick et son livre, “ Les trotskystes ” ont été tournés en dérision dans le Monde par L. Mauduit, journaliste au Monde, ancien membre du PCI et par R. Morder, membre de la LCR, pour ne s’en tenir qu’à la lecture de ce journal. L. Mauduit écrit, par exemple :

“ Et chapitre après chapitre, presque page après page, il en va ainsi : petites et grandes erreurs, omissions, imprécisions, contrevérités, rumeurs invérifiées s’accumulent, sur un ton qui n’est pas celui, froid, de l’historien. Le ‘‘ trotskysme est un léninisme et le léninisme enfantera toujours des Staline, Mao, Pol Pot et Ceauscescu’’, s’emporte C.Nick. ” (Le Monde – 8/3/2002).

Le Monde lui a offert une place généreuse, 2 pleines colonnes. Dans cet article, “ Nick essaie de faire diversion sur ses errements ” - comme l’écrit sobrement R. Morder (Le Monde – 5/4) – sur plus d’une colonne. Et brusquement, il attaque Stéphane Just en citant notre publication. Avec ce commentaire :

“ En faut-il d’autres (noms, exemples) pour prouver aux trotskystes borgnes que leur passé n’est pas plus ou moins glorieux que celui de François Mitterrand ?

Le Droit de réponse note d’abord que:

“ utiliser la réquisition de Stéphane Just au Sto en 1943 pour prouver quoi que ce soit sur les trotskystes est une imbécillité; en 1943, Stéphane Just n’était pas encore trotskyste. Il a adhéré à la 4ème Internationale en 1947. ”

Stéphane Just au “ passé pas plus ou moins glorieux que ” le décoré de la Francisque par Pétain en décembre 1943, ami fidèle, jusqu’à la mort de celui-ci, de Bousquet, secrétaire général à la police (ministre de l’Intérieur) de Vichy, “ bourreau des Juifs de France ” (M. Rajsfus), alias “ l’homme qui riait avec les nazis ” ?

La calomnie n’est pas nouvelle. Vivant, Stéphane Just - et son frère Jacques - pour “ garantir (leur) honorabilité ” contre la calomnie, disposaient, face au Pcf, de la meilleure garde, celle des ouvriers de l’Atelier central de Championnet, le “ Boulogne-Billancourt ” de la Ratp (cf. document ci-joint)

On supposera que Nick n’a pas osé poursuivre cet infâme rapprochement. Sinon, il aurait rappelé, entre autres, que Stéphane Just et Mitterrand sont demeurés, chacun, fidèles à leur combat, qui, en devenant le ministre de l’Intérieur, engageant les forces de répression contre les masses algériennes combattant pour leur indépendance, et Stéphane Just, avec le Pci, en soutenant cette juste guerre. Mais cette comparaison entre les trotskystes et Mitterrand n’est qu’une mise en jambe.

C’est que Nick – voyez vous ! - a eu, entre ses mains, la thèse de J-P. Cassard sur “ les trotskystes en France pendant la 2ème guerre mondiale ”, publiée autrefois par la Vérité, organe du PCI, et, comme s’il dressait un procès-verbal de carence, écrit qu’“ il n’y a rien sur le génocide ”, pour nous amener, au bout d’une démarche tortueuse, à sa conclusion, mise en exergue dans son article : “ Oui, j’écris que pour les trotskystes, la question de l’antisémitisme est un détail ”. Au-delà d’une mensongère et stupide affirmation, c’est l’apparentement avec la formulation de Le Pen – “ Les chambres à gaz … je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la 2ème Guerre mondiale ” qui indigne.

Le Monde n’a jamais donné suite au droit de réponse.


 

La déontologie du Monde.


Si c’est Nick qui a commis l’article, c’est Le Monde qui l’a publié, a refusé le droit de réponse et porte la pleine responsabilité de la calomnie déversée contre les trotskystes. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. Le Monde reste bien le successeur du Temps, “ la bourgeoisie faite journal ”, selon l’expression de Léon Trotsky.

Ce journal était aux mains des Maîtres des forges – dont le patron des patrons, M. Seillière, est le représentant actuel de la dynastie du plus célèbre, de Wendel - flanqué de la Banque Rothschild. En décembre 1933, avec l’appui de l’ambassadeur de France, son directeur rendait visite à Hitler, chancelier depuis janvier (le 1er camp de concentration était ouvert le 22 mars). En pleine crise de Munich (1/9/1938), copiant le Times anglais, il soutenait Hitler “ champion de la paix. (…) On n’a aucune raison de mettre en doute sa sincérité. ” (La chambre des députés approuvera l’accord de Munich – 73 Pcf, 1 Sfio et 1 ‘modéré’ votant contre). Mais à la Libération, Le Temps disparaît pour indignité nationale : Il s’est sabordé 72 heures après le délai fixé ! Sur décision de de Gaulle, Le Monde est créé en novembre 1944 pour lui succéder (comité de rédaction et locaux compris).

Le “ grand journal d’information ” est né, qui, selon un adage, dit la vérité sur les petites choses, pour mieux mentir surs les grandes. Illustration : quand une forteresse volante lâche sur Hiroshima, le 6 août 1945, la 1ère bombe atomique, Le Monde titre : “ Une révolution scientifique. Les Américains lancent leur 1ère bombe sur le Japon ”. En écho au célèbre et bref “ Le chassepot a fait merveille ”, télégraphié à Napoléon III, pour annoncer l’écrasement des troupes de Garibaldi, en octobre 1867 ? Le Monde préfère parfois, comme le reste de la presse d’ailleurs, le silence. Ainsi, pas un mot sur le terrible bombardement d’Haïphong, en novembre 1946, par les troupes françaises !

Fidèle allié de la caste bureaucratique du Kremlin contre les révolutionnaires, le “ grand journal d’information ” refuse une publicité, payante, pour le Samizsdat, édité par la Vérité (n°546 – novembre 1969) sous le titre : La voix de l’opposition communiste en Urss. “ Parce qu’il n’est pas question de faire connaître ceux qui, en Urss, combattent la bureaucratie au nom du communisme ”.

La perspicacité politique du successeur du Temps est devenue proverbiale depuis cette pontifiante analyse sur “ la France (qui) s’ennuie ” (Le Monde – 15/3/1968), quelques semaines avant mai 1968. Mais évoquer Le Monde n’est pas toujours aussi réjouissant ! Dans un livre au titre explicite : “ Le Monde : un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur le génocide rwandais ”, de terribles charges ont été portées, dans ces termes : “ …un journal qui mériterait plutôt qu’on innove en matière de jurisprudence en le poursuivant, lui, pour complicité de génocide ” (prologue, page 8).

Enfin, tout lecteur du Monde a en tête ce dessin de Plantu – qui vaut éditorial – sur 3 colonnes à la une du numéro daté du 25 avril représentant une foule sympathique (dans la signalétique du dessinateur, cela se mesure au nombre de souris !) portant une banderole “ Votez Chirac ”, face à un Le Pen, rogue, et à ses côtés – pour n’avoir pas appelé à voter Chirac au 2ème tour de la Présidentielle – Laguiller (Lutte ouvrière) et Blondel (secrétaire général de la Cgt-Fo), les 3 en uniforme et brassard évocateurs de sinistre époque !


Les trotskystes et le Sto


Dans La Vérité, clandestine, n°43 – 31/3/1943, les trotskystes donnaient leur position :

“ Partir, est-ce trahir ? Pour la révolution européenne

Sous le titre ‘‘ Partir, c’est trahir ’’, La Voix du Peuple, organe ouvrier contrôlé par le Parti Communiste, préconise contre les déportations ‘‘ un seul moyen, la résistance : et non celle préconisée par les pantouflards, les trembleurs prétendant que l’ouvrier partant pour les bagnes hitlériens peut très bien continuer la lutte là-bas en discutant avec les Allemands en accentuant chez eux la démoralisation. ’’ Il y a là une critique et une caricature de la campagne que mène contre la soi-disant relève inlassablement, La Vérité.

Ce que nous disons réellement.

Selon La Voix du Peuple, des ‘‘ pantouflards ’’ et des ‘‘ trembleurs ’’ envisagent qu’on ‘‘ peut très bien ’’ continuer la lutte là-bas – comme s’ils avaient choisi d’abandonner la lutte ici, comme s’ils avaient soudain découvert un prétexte à ne pas poursuivre la résistance. Les ‘‘ pantouflards’’, les ‘‘ trembleurs ’’, voilà qui est aussi ridicule qu’injurieux à l’égard du Poi qui a, le 1er, donné des mots d’ordre de résistance ici et là-bas, comme, en général, de la classe ouvrière.

Le Parti ouvrier internationaliste ne tremble ni devant la répression ni devant ceux les injures de ceux pour qui la lutte ouvrière est devenue un accessoire de la résistance nationale à la manière gaulliste. Il a ses morts, nombreux, tombés sous les balles des bourreaux nazis. Il a ses militants emprisonnés. Il ne tremble et il regarde l’avenir avec confiance. Il sait que la lutte qu’il mène vaut seule d’être menée, car elle conduit à la libération définitive de l’humanité, la Révolution socialiste internationale.

Quant aux travailleurs qui partent en Allemagne, eh bien non ! Ils n’ont pas choisi la déportation, ils ne cherchent pas de prétexte. Nous leur avons dit et nous disons encore : Résistez avec vos moyens ! Mais si vous devez partir, alors ne partez pas en vaincus. Vous n’êtes pas vaincus, car là-bas la lutte continue contre vos oppresseurs qui sont aussi les oppresseurs du peuple allemand ! et ce programme est compris par la classe ouvrière.

Des traîtres ?

Si celui qui part est un traître, bien qu’il ne parte que contraint et forcé, alors il y a des dizaines de milliers de ‘‘ traîtres ’’ dans la classe ouvrière dans notre pays : l’Allemagne est emplie de ‘‘ traîtres ’’ de ce genre, qui y ont été par la Gestapo et les gouvernements bourgeois de toute l’Europe.

Pourquoi, d’ailleurs, ceux qui travaillent ici pour les Allemands – et tous les ouvriers français travaillent plus ou moins directement pour eux – ne seraient-ils pas des traîtres à ce compte là ? (…)

Le texte poursuit en rappelant les leçons du Manifeste communiste :

On a reproché aux communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur prendre ce qu’ils n’ont pas… ”

Le “ Service du travail obligatoire ” a été instauré, le 15 février, 2 semaines après la défaite retentissante de l’armée allemande à Stalingrad. Il avait été amorcé par une loi du 3/9/1942. On peut lire dans le fac simile de la Vérité clandestine/1940-1944 (Edi) comment, dès septembre 1942, les trotskystes ont appelé à la mobilisation contre la relève : “ Les ouvriers français ne seront pas les esclaves du fascisme ”. La Vérité fait connaître les grèves contre les réquisitions. “ A bas la déportation ouvrière ! En Bretagne, comment ils sont partis ”, le poing levé chantant l’Internationale, inscrivant sur les wagons “ A bas Laval ! ”, “ A bas Hitler ! ” “ A bas Pétain ! ” (n°39 – 15/12/1942).

Au même moment, le Pcf apostrophe les ouvriers :

“ Les Français qui vont travailler en Allemagne sont des traîtres et des imbéciles. (…) Ils se feront écrabouiller par les bombes de la Raf. Ca, ce sera bien fait pour eux. ”

(début octobre 1942, reproduit dans La guerre des papillons, d’A. Rossi).


“ Halluciné ”… par ses propres trucages


“ Pourquoi – s’interroge Nick - ces trotskystes choisissaient le Sto plutôt que le maquis ? Résister, c’était ‘‘défendre la liberté et la démocratie britannique, c’est-à-dire les intérêts de la banque Hambro et Cie de la City de Londres.’’ (…) Hallucinant, mais je n’y peux rien. ”

Les trotskystes prôneraient-ils la passivité ? un neutralisme ? la collaboration peut-être ? Pourquoi les trotskystes ont-ils été si férocement réprimés par les nazis et leurs alliés ? Pourquoi l’acharnement des staliniens à les éliminer physiquement ? (Dans son livre, Nick note l’existence d’un maquis très actif, gagné au trotskysme…).

La Vérité n°6 du 15/11/1940, que Nick cite, en maniant allègrement les ciseaux sans l’indiquer, commence en fait ainsi :

“ Les Balkans sont dans la guerre. Les ouvriers et les paysans de la Grèce fascistes vont défendre la liberté et la démocratie britannique, c’est-à-dire les intérêts de la banque Hambro et Cie de la City de Londres. ”

En janvier 1943, écrit R. Dazy dans “ Fusillez ces chiens enragés !…/ Le génocide des trotskystes ”, quand les perspectives de victoire et de libération commençaient d’éclaircir la nuit de l’Occupation, Le Prolétaire, organe clandestin des trotskystes en Grèce, versait une douche froide sur les enthousiasmes :

“ La participation de l’Urss à la guerre n’en change pas le caractère impérialiste… Les Anglo-Américains vont venir rendre à la bourgeoisie grecque le pouvoir étatique. Les exploités n’auront fait qu’échanger un joug contre un autre ”.

Ce que stigmatise Nick, c’est ne pas avoir adopté la politique du Parti Communiste Grec “ la libération nationale aux côtés de nos grands alliés ” (Cahiers Léon Trotsky n°23, page 46)

C’est au nom de la “ démocratie ” et de la “ liberté ” de l’union nationale “ contre le fascisme ” que le Pc grec, agence directe de Staline, a mené – depuis 1936 – et poursuivra une terrible répression (600 trotskystes liquidés sur ordre du bureau politique), participe à la mise en place du gouvernement Papandréou et au retour de la monarchie haïe, isolera le soulèvement révolutionnaire d’Athènes, et finalement ordonnera le désarmement des troupes de l’Elas qu’il contrôle politiquement, les livrant à la répression. C’est ainsi que Churchill put “ sauver la Grèce du communisme ” et réaliser “ enfin son plan d’écrasement de la révolution grecque (…) et empêcher ce qu’il appelait la victoire du trotskysme nu et triomphant, avec un ricanement de complicité en direction de Staline ” (ibidem).


“ La guerre impérialiste et la révolution prolétarienne ” (Le Manifeste d’alarme)


Rédigé par L. Trotsky, il donne la position de la 4ème internationale, qui l’adopte dans la Conférence d’Alarme, le 26 mai 1940, sur la guerre impérialiste (qui n’était pas encore mondiale). Il analyse la cause principale de la guerre – comme de tous les autres maux sociaux – chômage, coût élevé de la vie, fascisme oppression coloniale – qui réside dans la propriété privée des moyens de production et dans l’Etat bourgeois qui repose sur ces fondements. Il souligne que l’avertissement de Lénine – “ sans une série de révolutions victorieuses ”, une nouvelle guerre impérialiste est inévitable – est désormais une tragique vérité.

“ La cause immédiate de la guerre est la rivalité entre les empires coloniaux anciens et riches – Grande-Bretagne et France, et les pillards impérialistes attardés : Allemagne et Italie ”.

“ Le patriotisme officiel n’est que le masque des intérêts des exploiteurs. Les ouvriers conscients jettent au loin ce masque avec mépris. Ils ne défendent point la patrie bourgeoise, mais les intérêts des exploités et des opprimés de leur propre pays et du monde entier. Les thèses de la 4ème Internationale affirment : au mot d’ordre réactionnaire de la ‘‘défense nationale’’, il est nécessaire d’opposer le mot d’ordre de la destruction révolutionnaire de l’Etat national. A l’asile d’aliénés de l’Europe capitaliste, il est nécessaire d’opposer le programme des Etats-Unis socialistes d’Europe, comme étape dans la voie des Etats-Unis socialistes du Monde. Non moins mensonger est le mot d’ordre d’une guerre de la démocratie contre le fascisme… ”

Il faut défendre l’Urss, “ défendre une conquête aussi colossale que l’économie planifiée contre la restauration des rapports de production capitalistes. Ceux qui ne peuvent défendre les anciennes positions n’en conquerront jamais de nouvelles. (…) Seule la révolution mondiale peut sauver l’Urss pour le socialisme. Mais la révolution mondiale entraîne inévitablement l’éviction de l’oligarchie du Kremlin. ”

Quant aux pays coloniaux et semi-coloniaux, “ la lutte menée pour leur Etat national et indépendant et par conséquent “ la défense de la patrie ” est différente de celles des pays impérialistes. Le prolétariat révolutionnaire du monde entier accorde un soutien inconditionné à la lutte de la Chine ou de l’Inde pour leur indépendance nationale. ”…

Que faire ?

“ Ce Manifeste est adopté au moment où, après avoir accablé la Hollande et la Belgique et écrasé la 1ère résistance des troupes alliées, les armées allemandes sont en train de rouler comme une marée de feu vers Paris et la Manche. A Berlin, on se hâte de fêter la victoire. (…) Mais la classe ouvrière n’est-elle pas, dans les conditions actuelles, obligée d’aider les démocraties contre le fascisme allemand ? Telle est la question que se posent de larges cercles petits-bourgeois pour qui le prolétariat ne demeure toujours qu’un instrument auxiliaire aux mains de telle ou telle fraction de la bourgeoisie. Nous rejetons cette politique avec indignation. Il existe naturellement une différence entre les régimes politiques dans les sociétés bourgeoise tout comme il y a une différence de confort entre les divers wagons d’un train. Mais quand l’ensemble du train se voit précipité dans un abîme, la distinction entre la démocratie décadente et un fascisme meurtrier disparaît en face de l’effondrement tout entier.

Par ses victoires et ses bestialités, Hitler provoque naturellement la haine aiguë des ouvriers à travers le monde. Mais entre cette haine légitime des ouvriers et l’aide apportée à leurs ennemis plus faibles mais non moins réactionnaires, il y a un abîme infranchissable. ”

“ Pouvons nous être appelés militaristes ? – Oui, dans un certain sens. Nous sommes des militaristes révolutionnaires socialistes prolétariens. ” (Léon Trotsky, le 12/6/1940 – discussion avec des visiteurs du Swp)

Le manifeste poursuit : “ Les ouvriers doivent apprendre les arts militaires. ”

“ La militarisation des masses s’intensifie chaque jour davantage. Nous rejetons la grotesque prétention de supprimer la militarisation par de creuses protestations pacifistes. Toutes les grandes questions seront décidées dans un prochain avenir, les armes à la main. Les ouvriers ne craindront pas les armes, au contraire, ils apprendront à s’en servir. Les révolutionnaires ne se séparent pas plus du peuple pendant la guerre que pendant la paix. Un bolchevik s’efforce de devenir non seulement le meilleur syndiqué mais aussi le meilleur soldat.

Nous ne désirons pas permettre que la bourgeoisie pousse sur les champs de bataille à la dernière heure des soldats qui n’ont pas été entraînés ou l’ont été à demi. Nous réclamons que l’Etat fournisse immédiatement aux ouvriers et aux chômeurs la possibilité d’apprendre à s’exercer au fusil, à la grenade, au fusil automatique, au canon, à l’avion, au sous-marin et aux autres instruments de guerre. Des écoles militaires spéciales sont nécessaires en liaison avec les syndicats, de sorte que les ouvriers pourront devenir des spécialistes qualifiés de l’art militaire, capables d’assurer des postes de commandement.

Cette guerre n’est pas notre guerre

Dans le même temps, n’oublions pas que cette guerre n’est pas notre guerre. En opposition à la 2ème et à la 3ème Internationales, la 4ème Internationale édifie sa politique non pas sur le sort des points de vue militaires des Etats capitalistes, mais sur la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile des ouvriers contre les capitalistes, sur le renversement des classes gouvernantes de tous les pays, sur la révolution socialiste mondiale. Les défaites sur le front, la destruction des capitaux nationaux, les occupations de territoires, la ruine des Etats individuels ne représentent de ce point de vue que des épisodes tragiques dans la voie qui mène à la reconstruction de la société moderne. Indépendamment du cours de la guerre, nous remplissons notre tâche fondamentale; nous expliquons aux ouvriers l’opposition irréconciliable de leurs intérêts et des intérêts du capitalisme assoiffé de sang; nous mobilisons les exploités contre l’impérialisme; nous travaillons à l’union des ouvriers de tous les pays belligérants et neutres; nous appelons à la fraternisation des ouvriers et des soldats dans chaque pays ainsi qu’à la fraternisation des soldats avec les soldats du côté opposé du front; nous mobilisons les femmes et les enfants contre la guerre; nous poursuivons une préparation constante, persistante, infatigable de la révolution dans les usines, dans les manufactures, dans les villages, dans les casernes, au front et dans la flotte.

Tel est notre programme. Prolétaires du monde, il n’y a pas d’autre voie que celle de l’union sous le drapeau de la 4ème Internationale. ”


“ Je suis membre de la 4ème Internationale et je travaille à mettre fin à la guerre.
Nous luttons contre le capitalisme pour la fraternisation du monde entier. (…)
Rejoignez la 4ème Internationale… 

(appel de soldats allemands,
publié dans Zeitung für soldat und arbeiter im Westen, n°2 – été 1943)


Cet article n’a pas pour objet d’analyser comment les trotskystes ont mis en œuvre la politique définie par la conférence d’alarme. La Vérité n°583, organe du Comité central de l’Oci (septembre 1978), sous la responsabilité politique de Stéphane Just, a montré les forces et les faiblesses des trotskystes pendant la guerre, leurs oscillations; comment à l’opportunisme des uns (Comités français de la 4ème Internationale) a répondu souvent le sectarisme d’autres (Comités communistes internationalistes). “ Il faudra nombre de crises et de conflits pour que les jeunes et plus âgés apprennent de leurs propres expériences et des leçons de la lutte des classes ” (page 189).

Dans les conditions de la guerre et de la débâcle du mouvement ouvrier, la répression accentuée, la clandestinité, une crise aiguë frappe la section française de la 4ème Internationale. Avant la guerre, les trotskystes se trouvaient comme exilés dans leur propre classe. Désormais, les militants sont, pour la plupart, des jeunes, éparpillés. Mais, la cause déterminante de la faiblesse politique est l’assassinat de Léon Trotsky. Parce que son rôle de dirigeant est demeuré irremplaçable.

Les trotskystes n’ont pas sombré. Ils ont combattu, et ils furent les seuls, sur le terrain de l’internationalisme prolétarien. Des dizaines de soldats allemands sont organisés. Arbeiter und soldat sera diffusé, qui deviendra l’organe de la section allemande. Les trotskystes allemands seront exterminés; les militants “ français ” raflés, eux mêmes condamnés à mort par les staliniens dans les camps nazis.

Dans les pires conditions, les trotskystes conservèrent leur fidélité. A la libération du camp, les “ communistes internationalistes de Buchenwald (4ème Internationale) ” font une déclaration qui se termine ainsi :

“ Pour la révolution socialiste panallemande, contre le démembrement de l’Allemagne; fraternisation révolutionnaire avec les prolétaires des troupes d’occupation; pour une Allemagne des conseils dans une Europe des conseils; pour la révolution socialiste mondiale ! ”


“ L’antisémitisme est aujourd’hui l’une des convulsions les plus malignes du capitalisme 
(Programme de transition)


Marx a été qualifié d’‘antisémite’, voire d’inspirateur des génocides du 20ème siècle ! En se perpétuant, le mode de production capitaliste a engendré la barbarie, dont l’extermination des Juifs a été une forme extrême. Et c’est la décadence du capitalisme, à son stade impérialiste, qui a certainement affadie la formule d’Engels, appelant l’antisémitisme comme “ le socialisme des imbéciles ”, la qualifiant de “ variété déviante du socialisme féodal, et nous n’avons rien à voir avec lui. ” Mais aucune élucubration ne pourra effacer que Marx et Engels ont combattu les persécutions des Juifs.

En février 1846, une insurrection victorieuse, à l’initiative des démocrates-révolutionnaires, met en place à Cracovie un gouvernement révolutionnaire, écrasé au bout de quelques jours, après avoir aboli les droits féodaux et adopté un manifeste qui s’adresse aux “ frères israélites ” : “ La révolution vous reçoit dans son sein, et vous assure, comme aux fils de la même famille, les droits de l’homme. Elle vous salue comme enfants de la patrie dignes de partager, sans aucune restriction, le bénéfice de l’égalité des droits ”. 2 ans après, Engels prononce un vibrant discours : “ A Cracovie (…), point de scrupules; on attaquait les 3 puissances à la fois; on proclamait la liberté des paysans, la réforme agraire, l’émancipation des juifs, sans se soucier un instant si cela pût froisser ou non tel ou tel intérêt aristocratique ” et – après avoir indiqué la différence avec l’insurrection de 1830, dirigée par les grands propriétaires fonciers – conclut : “ Jusqu’en 1846, nous avions un crime à venger; dorénavant, nous avons à soutenir des alliés, et nous le ferons ”.

Après tout, si Marx et Engels, Trotsky aussi, ont été traités d’’‘antisémite’’, Lénine a été qualifié d’agent de l’impérialisme allemand !

Il est significatif que c’est en ces termes que se conclut le chapitre du Programme de transition sur “ la lutte contre l’impérialisme et contre la guerre ” :

“ Avant d’étouffer ou de noyer dans le sang l’humanité, le capitalisme empoisonne l’atmosphère mondiale par les vapeurs délétères de la haine nationale et raciale. L’antisémitisme est aujourd’hui l’une des convulsions les plus malignes du capitalisme.

La dénonciation intransigeante des préjugés de race et de toutes les formes et nuances de l’arrogance et du chauvinisme nationaux, en particulier de l’antisémitisme, doit entrer dans le travail quotidien de toutes les sections de la 4ème internationale comme le principal travail d’éducation dans la lutte contre l’impérialisme et la guerre. Notre mot d’ordre fondamental reste : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ”.


“ Ce que tu fais, fais-le vite ! ”


Quelques semaines après l’adoption du programme (par la conférence de fondation de la 4ème Internationale, le 3/9/1938), Léon Trotsky, pour répondre à un agitateur fasciste, est amené à revenir sur la situation des Juifs :

“ … Il est possible d’imaginer sans difficulté ce qui attend les Juifs dès le début de la future guerre mondiale. Mais même sans guerre, le prochain développement de la situation mondiale signifie avec certitude l’extermination physique des Juifs. (…) Maintenant plus que jamais le destin du peuple juif – pas seulement leur destin politique, mais leur destin physique – est lié indissolublement lié à la lutte émancipatrice du prolétariat international. Seule une mobilisation courageuse des ouvriers contre la réaction, la constitution de milices ouvrières, la résistance physique directe aux bandes fascistes, une confiance en soi plus grande, activité et audace de la part des opprimés, peuvent provoquer un changement dans le rapport des forces, arrêter la vague mondiale de fascisme et ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de l’humanité.

La 4ème Internationale a été la 1ère à proclamer le danger du fascisme et indiquer la voie du salut. La 4ème Internationale appelle les masses populaires juives à ne pas se faire d’illusions et à affronter ouvertement la réalité menaçante. Il n’est de salut que dans la lutte révolutionnaire. Le “ nerf ” de la lutte révolutionnaire, comme celui de la guerre, c’est l’argent. Les éléments progressistes et perspicaces du peuple juif doivent venir au secours de l’avant-garde révolutionnaire. Le temps presse. Un jour, aujourd’hui, équivaut à un mois ou même à une année. Ce que tu fais, fais-le vite ! ” (article du 22/12/1938)

Il dénoncera, dans les 1ères pages du Manifeste d’alarme, “ l’intensification monstrueuse du chauvinisme, et particulièrement de l’antisémitisme… ” etc.

Il est nécessaire, mais difficile, de ne citer que partiellement Trotsky. Les citations précédentes sont volontairement choisies pour montrer que Léon Trotsky ne se limitait pas à “ expliquer le monde ”. Il s’appliquait à ouvrir, en toutes circonstances, une issue positive. Et il combattait avec acharnement pour.

Quelques jours avant le déclenchement de la 2ème guerre impérialiste, Hitler et l’ambassadeur de la “ démocratique ” république française – dans une ultime rencontre – se manifestèrent leur “ peur qu’il n’y ait en définitive qu’un seul vainqueur, Trotsky ”. Staline, lui, passa aux actes et fit assassiner Léon Trotsky le 20 août 1940.

Quant aux trotskystes pendant la 2ème guerre mondiale, il suffit de feuilleter les Vérités clandestines.


La Vérité, journal trotskyste clandestin sous l’occupation nazie


Ainsi, dès le 31/8/1940, ils publient et diffusent clandestinement le n°1 qui titre : “ A bas l’antisémitisme ! ! ! (…) Il faut organiser des groupes de défense ouvrière contre les bandes antisémites ! ”. Le 1/10/1941, le bulletin titre : “ L’antisémitisme, doctrine de barbarie ” (n°22 – 1/10/1941) et le 25/7/1942, le n°35 rapporte une collecte en faveur de travailleurs juifs renvoyés : “ Un beau geste de solidarité ”.

Autre exemple : la Vérité n°40 (15/1/1943), après avoir relaté “ le ‘‘cours’’ donné à la Sorbonne par le fasciste Labroue ” :

“ Les travailleurs, intellectuels comme manuels, approuveront lorsqu’il s’agira d’appliquer aux lâches persécuteurs des Juifs qui, aujourd’hui, s’en donnent à cœur joie, mais pour moins longtemps qu’ils ne pensent, la formule : Pour un œil, les 2 yeux; pour une dent, toute la gueule.

Fraternité des races. A l’heure où les nazis redoublent de violence contre les juifs, déportent et massacrent des hommes et des femmes sans défense, (…) à Arcachon, 400 ouvriers allemands de l’organisation Todt et 1 000 juifs français font la grève pour une meilleure nourriture : 10 Allemands et 25 Juifs sont fusillés, la grève n’en continue pas moins : les Juifs ayant été privés de nourriture, les Allemands partagent la leur avec eux… ”

Il est particulièrement ignoble d’imputer à Léon Trotsky et aux trotskystes une passivité, sinon pire, si on se réfère au “ détail ” que représenterait pour eux “ la question de l’antisémitisme ”.


 

***

Comme le rappelle notre Droit de réponse - Internationalistes, les trotskystes ont refusé de s’aligner derrière la bourgeoisie française qui cherchait avant tout à défendre son empire colonial et ses profits. Ils n’ont pas hurlé avec l’Humanité “ A chacun son boche ”, pas plus qu’ils n’avaient auparavant quémandé, comme le Pcf, la légalisation de leur presse auprès de la Gestapo.

La 4ème Internationale est sortie de la guerre avec un drapeau sans tâche.


 

28 septembre 2002

 

Annexe 1 : droit de réponse adressé au Monde

 

Dans votre édition du 30/03, vous publiez un article de C.Nick, qui cite des extraits du bulletin "Combattre pour le Socialisme". Selon monsieur Nick, le numéro de notre bulletin consacré à Stéphane Just, l'un des principaux dirigeants de l'OCI/PCI, fondateur de Combattre pour le Socialisme, prouverait que "ces trotskystes choisissaient (sic!) le S.T.O. plutôt que le maquis". N'acceptant pas cette calomnie de ce que fut le combat des trotskystes durant la guerre, de la mémoire de Stéphane Just, et qu'on utilise le bulletin que je dirige pour ce faire, je tiens à préciser ce qui suit.

1) Utiliser la réquisition de Stéphane Just au S.T.O. en 1941 pour prouver quoi que ce soit sur les trotskystes est une imbécillité: en 1943, Stéphane Just n'était pas encore trotskyste. Il a adhéré à la IV° Internationale en 1947.

2) Pas plus Stéphane Just que sa génération de jeunes ouvriers, et parmi eux des militants trotskystes, n'ont "choisi" le S.T.O. Ils ont été déportés, contraints, et seul monsieur Nick – qui n'est certes pas historien - peut s'imaginer que le "choix du maquis" existait pour l'immense majorité des 650 000 ouvriers requis.

3) Le "choix" effectué par les trotskystes durant la seconde guerre mondiale fut de combattre avec les leurs, leur classe, dans les usines, avec les déportés du STO jusque ceux expédiés dans les camps (jusqu'à Buchenwald, où exista aussi une cellule trotskyste – "plutôt que de choisir (re-sic!) la résistance", monsieur Nick?), aussi dans les maquis (où ils furent parfois assassinés sur ordre de Staline), et encore avec les travailleurs allemands sous l'uniforme, créant des regroupements au sein de l'armée allemande d'occupation grâce à la publication  Arbeiter und Soldat. Combattant l'hitlérisme, le gouvernement de Pétain, les trotskystes ont payé pour cela un lourd tribut (cf. le tome 2 des  Congrès de la 4ème Internationale réalisé par Rodolphe Prager). Les amalgamer à des "collabos" est répugnant.

4) Internationalistes, les trotskystes ont refusé de s'aligner derrière la bourgeoisie française qui cherchait avant tout à défendre son empire colonial et ses profits. Ils n'ont pas hurlé avec l'Humanité "A chacun son boche", pas plus qu'ils n'avaient auparavant quémandé, comme le PCF, la légalisation de leur presse auprès de la Gestapo.

Ce fut l'honneur des trotskystes que d'agir en communistes internationalistes dans ces circonstances terribles. Il est d'autant plus inacceptable que M.Nick se serve dans les colonnes de votre journal de notre bulletin et du nom de Stéphane Just pour tenter de le salir.

Olivier Lestang,
Directeur de publication de Combattre pour le Socialisme

 

Annexe 2 Pétition des travailleurs de l'atelier de Championnet de la RATP

 

Les travailleurs soussignés du département de la Mécanique de l'atelier central, conscients d'exprimer l'opinion de l'ensemble des ouvriers des autres départements de Championnet, indignés par l'article paru dans le journal de la section du 18° arrondissement du parti Communiste Français: 'le travailleur de Championnet', ont condamné de tels procédés dans la pétition suivante:

 

"Périodiquement un journal édité sous la responsabilité du PCF (section du 18°) se permet de diffamer nos camarades JUST. Si, pour la plupart, nous ne partageons pas leurs convictions politiques, nous n'en sommes que plus à l'aise pour nous porter garants de leur honorabilité.

 

" Nous ne contestons pas au parti Communiste Français le droit d'émettre des critiques politiques ou philosophiques "dont la discussion peut être très féconde". Ce que nous contestons, c'est l'emploi de méthodes calomnieuses.

 

" C'est ainsi par exemple que l'organe des cellules animé d'un sectarisme mensonger attaque Stéphane JUST sur son attitude pendant la guerre. Or, Stéphane JUST, déporté du travail, a même subi l'Arbeitslag pour son attitude anti-nazi.

 

" A ce sujet, Stéphane Just attend toujours la composition d'un Jury d'honneur qu'il avait réclamé lors d'une précédente attaque.

 

" Nous demandons à tous ceux qui condamnent de tels procédés de manifester leur sympathie à nos camarades JUST en exigeant que de tels faits préjudiciables à l'union des travailleurs ne se reproduisent plus.

Vendredi 19 juillet 1957

(Suivent les signatures de 46 travailleurs de l'atelier)

 

 

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