RAPPORT ADOPTE PAR LA VI° CONFERENCE (1-2-3 novembre 1991) DU "COMITE POUR
LA CONSTRUCTION DU PARTI OUVRIER REVOLUTIONNAIRE (LA RECONSTRUCTION DE LA IVe INTERNATIONALE) - SUITE
Pour la construction d’une internationale ouvrière révolutionnaire
SOMMAIRE:
données sur la destruction de la IVe internationale
l’immortalité n’existe pas, même pour les internationales
IIe internationale : le point de vue d’Engels
construire des partis marxistes
Pour une internationale ouvrière révolutionnaire
Bien apprécier ce qu’est le comité et face à quelle situation il est
On ne peut évidemment se contenter d’établir ce constat. Comment a-t-il pu se faire : que le révisionnisme se soit développé au sommet de la IV Internationale ; qu’elle ait explosé en 1953 ; que le révisionnisme ait pénétré le Comité international et l’ait détruit ; qu’il se soit emparé de "IVe Internationale-CIR", héritière du CORQI, et du PCI et les ait détruits en tant qu’organisations trotskystes ? Les réponses ne peuvent être recherchées que dans on ne sait quel signe indien ou dans les "méthodes" de fonctionnement de la IVe Internationale, du Comité international, du CORQI, de IVe Internationale-CIR et du PCI. Les sources ce sont : les relations politiques entre les classes et à l’intérieur aux problèmes et aux tâches politiques auxquels ces organisations ont été confrontées.
La IVe Internationale est née des plus grandes défaites du mouvement ouvrier.
Pendant des dizaines d’années, ses organisations ont été des organisations
"d’exilés" dans leur propre classe. La bureaucratie stalinienne a
réussi à anéantir physiquement tous les cadres révolutionnaires expérimentée et
notamment à liquider Trotsky, le fascisme à complété. Au commencement de la
guerre, une grande partie des dirigeants de la IVe Internationale a déserté.
Ceux qui sont restés ont généralement été exterminés au cours de la guerre. Les
dirigeants qui les ont remplacés étaient politiquement inexpérimentés. Leur
sélection ne provenait pas de leur insertion dans le combat politique au sein
de la classe ouvrière, du mouvement ouvrier, contre la bourgeoisie et la
bureaucratie du Kremlin. Ils étaient marginaux par rapport au prolétariat et à
ses combats. Il n’empêche qu’ils ont accompli pendant la deuxième guerre
mondiale et dans les années suivantes des tâches essentielles : défense de
l’internationalisme prolétarien ; lutte pour la IVe Internationale ;
défense (même si c’était souvent de façon formelle) de son programme ; action
militante pour la construction de ses partis. Ils l’ont fait de façon
imparfaite, insuffisante, voire mal, mais ils l’ont fait.
A la fin de la guerre, ils ont été confrontés à une situation imprévue :
la bureaucratie du Kremlin, son appareil international, les PC, sont sortis de
la guerre au zénith de leur puissance politique. Les partis traditionnels du
mouvement ouvrier PC et PS, les appareils syndicaux exerçaient alors et dans
l’immédiat après guerre, un contrôle quasi total sur la classe ouvrière. Les
organisations trotskystes sont restées marginales (dans l’ensemble) par rapport
à la classe ouvrière et dans le mouvement ouvrier. Ces conditions politiques
étant données, sous la protection politiques des partis traditionnels, sous
l’impulsion de l’impérialisme américain, le système capitaliste s’est
reconstruit. Dans les pays de l’est, la bureaucratie stalinienne et ses agences
ont contrôle et pris en main le processus de l’expropriation du capital qu’ils
ont achevé à partir de 1947-48. En Yougoslavie, c’est un parti d’origine
stalinienne qui a pris le pouvoir et exproprié le capital après une guerre
révolutionnaire. Quelques années plus tard la même chose s’est produite en
Chine.
La direction de la IVe Internationale et les directions de ses sections se sont
révélées incapables théoriquement et politiquement de réajuster les analyses et
pronostics faits au début de la guerre et caricaturées pendant et à la fin de
la guerre. De la méthode d’analyse marxiste ils sont tombés dans le schéma
idéologique. C’est ainsi qu’ils ont considéré qu’une fois proclamée, en 1938,
et après qu’elle ait été reconstruite pendant la guerre et immédiatement après
la guerre : la IVe Internationale et ses partis étaient définitivement
structurés comme "Parti mondial de la révolution prolétarienne" ;
que sa direction et les directions de ses partis étaient les "directions
de rechange" derrière lesquelles les prolétariats ayant fait l’expérience
de la bureaucratie du Kremlin, de son appareil international, des partis
social-démocrates et socialistes, des appareils syndicaux, finiraient bien par
se ranger. La IVe Internationale et ses partis étaient édifiés. Il
"suffisait" qu’ils prennent de la chaire et des muscles. De là les
statuts de la IVe Internationale adoptés au "IIe congrès mondial" et
le fonctionnement résultant de la contradiction entre la réalité et la fiction.
C’est de la contradiction entre la réalité et la fiction qu’est né et s’est
développé le révisionnisme, le pablisme. Lorsque les schémas idéologiques se
sont effondrés, que la IVe Internationale, ses partis ont été de crise en
crise, que l’impérialisme s’est restructuré, que le capital a été totalement
exproprié dans les pays de l’est de l’Europe, qu’après avoir résisté au
Kremlin, la bureaucratie yougoslave s’est tournée vers l’impérialisme, que sous
la direction du PC chinois, la guerre révolutionnaire s’est terminée
victorieusement en Chine, que la guerre froide a tendu tous les rapports
politiques à un point extrême, la direction de la IVe Internationale a craqué.
Le révisionnisme pabliste s’est cristallisé et il a entrepris son œuvre de
destruction de la IVe Internationale et de ses organisations.
En résistance au révisionnisme pabliste s’est formé le Comité International de la IVe Internationale. Ses limites et ses faiblesses ont été soulignées plus haut. Les différentes sections composant le Comité International n’ont pas échappées, à ses erreurs d’appréciation, à l’inexpérience et à la façon dont leurs directions avaient été de facto sélectionnées. L’absence de vie internationale et de direction véritable du CI a favorisé le particularisme de ses sections et cela à tous égards en fonction de la situation économique, sociale et politique de chaque pays et de son évolution, de la situation internationale et de son évolution : par rapport à la classe ouvrière, aux relations politiques du mouvement ouvrier, aux traditions des prolétariats de chaque pays et aussi à l’histoire et la situation propre de chaque section, sans omettre l’existence ou non de section pabliste.
Il n’est évidemment pas possible d’analyser dans ce rapport pour chaque section
l’ensemble et la combinaison de ces données. Mais prenons un exemple. Il est
évident que l’empirisme anglo-saxon, la situation dominante de l’impérialisme
américain, l’absence de tradition politique propre de la classe ouvrière
américaine, l’isolement du SWP qui était axé immédiatement après la guerre sur
"la révolution américaine" et au contraire a subi le mac-carthysme,
expliquent beaucoup quant au comportement, au fonctionnement, à la vie du SWP
et de sa direction, à la sélection de celle-ci et à son évolution ultérieure.
On pourrait y examiner de même l’évolution de la SLL, de l’organisation
argentine de Moreno et de sa fraction bolchevique. Quant à la section
française, la brochure "Comment le révisionnisme s’est emparé de la
direction du PCI" fourni des éléments qui permettent d’avoir une
appréciation. Nous y renvoyons les camarades.
A l’échelle internationale, une donnée est fondamentale : pour les forces
qui pouvaient être gagnées à la IVe Internationale, à son programme, à ses
organisations, qui se libéraient de la subordination du Kremlin, à son appareil
international (les PC), des partis social-démocrates et socialistes, des appareils
des centrales syndicales, les avatars successifs du CI, du CORQI, de "IVe
Internationale-CIR" ont fait que le centre révisionniste, le SU, a
pourtant semblé toujours être la IVe Internationale. A quoi il faut
ajouter : dans les pays capitalistes dominants, des explosions à caractère
révolutionnaire, comme celle de mai-juin 1968, se sont produites, elles
posaient la question du gouvernement, du pouvoir. Mais les prolétariats
n’étaient pas pris à la gorge. Comme sous-produits de leurs combats, ils ont
même arraché des réformes sociales importantes comme la Sécurité Sociale,
l’assurance chômage, en France par exemple. Les appareils syndicaux, notamment
celui de FO, s’en sont appropriés l’origine et la réalisation (le fameux
"grain à moudre" de Bergeron) alors qu’ils ont tout fait pour les
rendre acceptables pour le capital et les atrophier. Pendant les "trente
glorieuses", les quelques années qui ont suivi, dans les grandes
puissances impérialistes, le capital disposait des moyens lui permettant de faire
des concessions à la classe ouvrière, à la population laborieuse, à la
jeunesse.
Le processus de destruction de la IVe Internationale et, en dernier lieu, du PCI et de IVe Internationale-CIR, en tant qu’organisations trotskystes, combattant sur le programme de la IVe Internationale, est foncièrement différent de celui du passage de la IIe Internationale, de la IIIe Internationale et de leurs partis du côté de la défense de l’ordre bourgeois. La IIe Internationale et ses partis sont devenus les expressions politiques de l’aristocratie ouvrière qui s’est formée à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle dans les pays impérialistes dominants. L’exploitation du monde par ces puissances a donné les moyens aux bourgeoisies de ces pays de concéder à certaines couches de "leurs" prolé tariats d’importantes miettes du festin impérialiste (Lénine). La IIIe Internationale et ses partis ont été subordonnés à la bureaucratie du Kremlin dont elles sont devenues l’instrument international. Dans les deux cas se sont formées des bureaucraties qui ont dénaturé ces Internationales et leurs partis.
En ce qui concerne la IVe Internationale, il n’y a pas de couche sociale
particulière dont elle serait devenue l’expression politique, il ne s’est pas
formé de bureaucratie l’ayant dégénérée. Il s’agit tout simplement d’une
adaptation et d’une soumission aux appareils bureaucratiques déjà existants,
staliniens, social-démocrates, syndicaux. Ainsi "l’appareil" du PCI
est une projection de celui de FO, un instrument de l’appareil de FO qui a
domestiqué et détruit le PCI. Par la médiation de Lambert principalement, une
osmose a eu lieu. L’appareil de la LCR est induit des bureaucraties contrôlant
et se soumettant le mouvement ouvrier.
Il est a peu près inévitable qu’une tendance à attribuer aux
"méthodes" la responsabilité de la destruction de la IVe
Internationale et notamment de IVe Internationale-CIR" et du PCI en tant
qu’organisations trotskystes. Vieux refrain, mais dont l’air et les paroles ne
sont que des bruits de crécelle. C’est ainsi que la naissance, le
développement, la victoire en URSS de la bureaucratie du Kremlin ont été
attribués aux "méthodes" du bolchevisme qui auraient généré cette
bureaucratie et, par extension, la subordination au Kremlin de la IIIe Internationale
et de ses partis. "Les méthodes" sont le produit d’une situation
politique ce qui ne veut pas dire qu’elles n’aient pas d’importance. Nous
renvoyons les camarades aux articles de L. Trotsky sur le bolchevisme et le
stalinisme.
Vraisemblablement des camarades seront choqués par le constat que : la
liquidation, en tant qu’organisation trotskyste du PCI et de IVe
Internationale-CIR, c’est-à-dire combattant sur le programme, est le coup final
porté de la IVe Internationale en tant qu’organisation. C’est pourtant la
réalité. Ni le SU, ni la LIT, ni les multiples débris qui prétendent être ou
représenter, ou construire ou reconstruire la IVe Internationale, ne sont la
IVe Internationale fidèle à son programme ou n’en assument la continuité, comme
l’ont assumés le CI, le CORQI, IVe Internationale-CIR. Il faudra construire une
nouvelle Internationale Ouvrière Révolutionnaire.
Aucune organisation ouvrière, aucun parti
ouvrier, aucune Internationale n’est immortelle. Pour ne prendre que les
Internationales:
La première Internationale, l’Association Internationale des Travailleurs, a été fondée le 28 septembre 1864 dans un meeting international tenu à St-Martin’s Hall de Londres. Au contraire de ce que prétend Lambert et son ami politique Hébert, pour lequel la seule véritable internationale a été la Ière Internationale, ce ne fut pas le nec plus ultra de ce qui peut se concevoir comme Internationale ouvrière. Elle a correspondu à une période de constitution d’organisations ouvrières les plus diverses, à une reprise du mouvement de la classe ouvrière, écrasée au cours des années 1848-1852. Elle a concrétisé un premier effort pour doter le prolétariat mondial d’une organisation internationale. Mais à son origine, elle était extraordinairement composite : très très peu de marxistes ; des organisations trade-unionistes, proudoniennes, anarchistes ; des démocrates petits-bourgeois, des coopérateurs bourgeois ; des personnalités d’organisations philanthropiques, éducatives ; des mazziniens, etc... Mais son apport au mouvement ouvrier international a été décisif pour sa construction, grâce notamment à Marx et à Engels. Elle n’a pas pour autant été immortelle en tant qu’organisation. Ainsi, en 1872, Engels et Marx ont poursuivi le combat à l’intérieur de l’AIT contre Bakounine et les anarchistes. En conclusion du texte "Les prétendues scissions dans l’Internationale", ils écrivaient :
"L’Anarchie, voilà le grand cheval de bataille de leur maître Bakounine... (Il) proclame l’anarchie dans les rangs des prolétaires comme le moyen le plus infaillible de briser la puissante concentration des forces sociales et politiques entre les mains des exploiteurs, sous ce prétexte (...) demande à l’Internationale au moment où le vieux monde cherche à l’écraser, de remplacer son organisation par l’anarchie...
Londres, le 5 mars 1872."
Au congrès de la Haye, le 6 septembre 1872, Engels a proposé et fait voter
une résolution transférant le Conseil Général de l’Internationale à New York,
c’est-à-dire la mettant en sommeil. Le Conseil Général dissoudra la Ière
Internationale en 1875. La défaite de la Commune de Paris a pesé sur toutes les
classes ouvrières européennes et impulsé le développement des forces centrifuges
au sein de la Ière Internationale. Marx et Engels ont alors estimé qu’elle ne
pouvait plus être qu’un obstacle à la constitution d’organisations et de partis
ouvriers marxistes dans chaque pays. La Ière Internationale est morte de la
conjonction d’une situation objective devenue, après la défaite de la Commune
de Paris, défavorable au prolétariat et de son hétérogénéité théorique et
politique.
La IIe Internationale a été constituée en 1889 à Paris pendant l’exposition universelle. A l’origine, Engels n’était pas partisan alors de la constituer. Il était avant tout, pour construire dans les différents pays des partis marxistes selon la méthode de construction du parti ouvrier socialiste d’Allemagne. Dans la préface qu’il a écrit en 1894 en vue de la republication de la brochure de Marx "Les luttes de classes en France 1848-1852", Engels expliquait :
"L’histoire a montré clairement (qu’en 1848-1852) l’état du développement économique sur le continent était encore bien loin d’être mûr pour la suppression de la production capitaliste ; elle l’a prouvé par la révolution économique qui depuis 1848 a gagné tout le continent et qui n’a véritablement acclimaté qu’à ce moment la grande industrie en France, en Autriche, en Hongrie, en Pologne et dernièrement en Russie et fait vraiment de l’Allemagne un pays industriel de premier ordre - tout cela sur une base capitaliste, c’est-à-dire encore très capable d’extension en 1848... Alors c’étaient les nombreux Evangiles fumeux de sectes, avec leurs panacées, aujourd’hui c’est la seule théorie de Marx universellement reconnue, d’une clarté transparente et formulant de façon tranchante les fins dernières de la lutte... aujourd’hui (c’est) la seule grande armée internationale de socialistes, progressant sans cesse, croissant chaque jour en nombre, en organisation, en discipline, en clairvoyance et certitude de victoire. Même si cette puissante armée du prolétariat n’a toujours pas atteint son but, si, bien loin de remporter la victoire d’un seul grand coup, il faut qu’elle progresse lentement de position en position dans un combat dur, obstiné, la preuve est faite une fois pour toutes qu’il était impossible en 1848 de conquérir la transformation sociale par un simple coup de main."
Trois aspects de la pensée de Engels, à ce moment, se dégagent de cette
citation :
1) Les conditions économiques pour que le prolétariat prenne le pouvoir
n’étaient pas mûres en 1848, car le capitalisme recelait de vastes possibilités
de développement et en 1894 encore Engels ne dit pas que ce développement est
terminé ;
2) Il souligne l’essor des partis marxistes pour marteler "il s’agit
aujourd’hui de construire des partis marxistes".
3) Il montre que le moment est encore celui de la progression de "position
en position", c’est-à-dire que le temps de la révolution n’est pas encore
venu.
Dans cette même préface, Engels fait l’éloge de la façon dont se construit le parti ouvrier social-démocrate allemand : par le bulletin de vote, la conquête de sièges parlementaires, de municipalités, etc...
"Dans l’agitation électorale (le suffrage universel) nous a fourni un moyen qui n’a pas d’égal pour venir en contact avec les masses populaires là où elles sont encore loin de nous, pour contraindre les partis à défendre devant tout le peuple leurs opinions et leurs actions face à nos attaques ; et, en outre, il a ouvert à nos représentants au Reichstag une tribune du haut de laquelle ils ont pu parler à leurs adversaires au Parlement ainsi qu’aux masses au dehors, avec une toute autre autorité et une toute autre liberté que dans la presse et les réunions. A quoi servait au gouvernement et à la bourgeoisie leur loi contre les socialistes si l’agitation électorale et les discours des socialistes au Reichstag y faisaient continuellement des trouées ?
Mais par cette utilisation efficace du suffrage universel, un tout nouveau
mode de lutte du prolétariat était mis en œuvre et il se développa rapidement.
On trouva que les institutions d’Etat où s’organise la domination de la
bourgeoisie fournissent encore de nouveaux tours de main au moyen desquels la
classe ouvrière peut combattre, ces mêmes institutions d’Etat. On participa aux
élections aux différentes diètes, aux conseils municipaux, aux conseils des
prud’hommes, on disputa à la bourgeoisie chaque poste à l’occupation duquel une
partie suffisante du prolétariat avait son mot à dire. Et c’est ainsi que la
bourgeoisie et le gouvernement en arrivèrent à avoir plus peur de l’action
légale que de l’action illégale du parti ouvrier, des succès des élections que
ceux de la rébellion."
Engels n’était pas, pour autant, devenu un parlementariste, un réformiste.
Il restait un révolutionnaire. Pour lui, les positions ainsi conquises ne
pouvaient être considérées que comme des bastions, des points d’appui pour
l’inévitable et nécessaire révolution prolétarienne, la préparation à la
révolution prolétarienne : "le droit à la révolution n’est-il pas
après tout le seul "droit historique" réel."
Engels estimait qu’il ne fallait pas renouveler la constitution d’une
Internationale hétérogène comme l’avait été la Ière Internationale, mais réunir
les conditions d’une internationale marxiste par la construction de partis
marxistes.
Trotsky a mis en valeur le rôle organisateur de la IIe Internationale et de ses
partis (voir l’IC après Lénine). Plus haut il a été souligné que, ainsi que
Lénine devait l’analyser, la IIe Internationale et ses partis avaient fait
faillite, comme organisations combattant pour la révolution prolétarienne et le
socialisme, en raison de ce qu’ils sont devenus la représentation politique
d’une aristocratie ouvrière bénéficiant des miettes tombées de la table des
puissances impérialistes exploitant le monde entier.
La IIIe Internationale a surgi de la Révolution et de la vague révolutionnaire qui a déferlé à la fin de la première guerre mondiale et dans l’immédiat après guerre. En Suisse, à Zimmervald, en septembre 1915, à Krenthal en avril 1916, deux conférences internationales se sont tenues. Elles ont réuni les oppositions à la guerre dans les partis socialistes et les organisations syndicales. A vrai dire, ces oppositions à la guerre étaient fort mélangées et hétérogènes. Tout en votant le manifeste issu de la conférence de Zimmervald, Lénine soumit à celle-ci une résolution et il tint à marquer ses réserves vis à vis du manifeste. Sa résolution proclamait "guerre civile et pas paix sociale". Elle fut rejetée.
Ces conférences, dans la mesure où le parti bolchevique fit entendre sa
position "transformation de la guerre impérialiste en révolution
prolétarienne", "défaitisme révolutionnaire" peuvent être
considérées comme des jalons vers la IIIe Internationale. Trotsky a défini dans
sa critique du projet de programme de l’Internationale Communiste, qui devait
être soumis au 6e congrès de l’IC, lequel s’est tenu en 1928, les tâches, les
stratégies et la tactique du Parti mondial de la révolution prolétarienne, que
les quatre premiers congrès 1919, 1920, 1921, 1922 de la IIIe Internationale
avaient déjà dégagées et commencées à formuler. La dégénérescence de la
révolution russe a entraîné celle de la IIIe Internationale et de ses partis
(voir plus haut).
Le programme de transition, "l’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale" le spécifie "la IVe Internationale est née de grands événements de l’histoire" mais ces événements ce furent les plus grandes défaites que la classe ouvrière internationale ait subies. Grâce à Trotsky, la IVe Internationale a rassemblé tout le capital théorique et politique d’un siècle de lutte de la classe ouvrière, de combats, d’action politique pour, au travers les Ière, IIe, IIIe Internationales, construire les organisations dont le prolétariat a besoin pour prendre le pouvoir et édifier le socialisme. Elle a tiré les enseignements stratégiques et tactiques de la première période de la révolution qui va de la fin de la première guerre mondiale, de la révolution russe, aux terribles défaites de la décennie 30. Mais, contradictoirement, après l’assassinat de Trotsky, aucune direction à la hauteur des tâches que s’assignait la IVe Internationale ne s’est dégagée et constituée. Les raisons en ont été indiquées plus haut. La IVe Internationale est restée marginale. Finalement, la crise qui l’a disloquée en 1951 et 1953, n’a jamais été surmontée et résolue positivement, tel un cancer, a tué la IVe Internationale en tant qu’organisation trotskyste.
On peut évidemment ressasser : "il faut reconstruire la IVe Internationale". Désormais ce serait simplement un acte de foi, l’affirmation mystique "hors de la IVe Internationale il n’est pas de salut". Comme les Ière, IIe et IIIe Internationales, la IVe Internationale a eu son histoire. Elle a rempli une fonction indispensable : sauvegarder les acquis théoriques et politiques dont il vient d’être question. Sur certains problèmes, ils ont même été enrichis au cours de la lutte contre le révisionnisme, pour assumer la continuité de la IVe Internationale, par exemple ceux de la révolution politique depuis que le processus qui y conduit a commencé en juin 1953 dans la partie est de l’Allemagne — avant que toutes les organisations qui se réclament d’elle ne succombent au révisionnisme. Un parti comme le POR de Bolivie avait réussi à devenir un parti exerçant une influence de masse. Des sections comme la SLL et l’OCI ont rassemblé des forces qui permettaient d’envisager la construction de véritables partis ouvriers révolutionnaires ayant une influence de masse. Mais, là aussi, la conjonction de la pression de la bourgeoisie, des bureaucraties parasitaires et contre-révolutionnaires des organisations ouvrières traditionnelles, partis et appareils syndicaux, du révisionnisme, les conséquences de l’éclatement de la IVe Internationale ont fini par l’emporter.
Pas plus le Comité que quoi que ce soit ne peut ressusciter la IVe
Internationale comme organisation combattant sur ce qui fut son programme, pas
plus que l’opposition de gauche ne pouvait ressusciter la IIIe Internationale
dont le constat de mort, comme organisation combattant pour la révolution
prolétarienne, a été dressé en 1933 par Léon Trotsky. Lors de sa proclamation,
en 1938, le programme de transition pouvait dire de la IVe
Internationale :
"La crise actuelle de la civilisation humaine est la crise de la direction
prolétarienne. Les ouvriers avancés réunis autour de la IVe Internationale
montrent à leur classe la voie pour sortir de la crise. Ils lui proposent un
programme fondé sur l’expérience internationale de la lutte émancipatrice du
prolétariat et de tous les opprimés en général. Ils lui proposent un drapeau
sans tache aucune.
Ouvriers et ouvrières de tous les pays : rangez-vous sous le drapeau de
la IVe Internationale. C’est le drapeau de votre victoire
prochaine !"
Aujourd’hui ce n’est plus le cas, le révisionnisme pabliste, l’extension du
révisionnisme jusqu’au PCI et à IVe Internationale-CIR, les implications
politiques que cela a eu et a plus que jamais, ont souillé son drapeau. Il
n’est plus celui des victoires prochaines ou lointaines, du prolétariat. Il
couvre maintenant la politique et les organisations qui agissent en flanc-garde
des partis et appareils syndicaux, agents de la bourgeoisie. Ceux qu’ils
couvrent se dressent en obstacles supplémentaires à la construction des partis
ouvriers révolutionnaires de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire dont le
prolétariat a besoin pour prendre le pouvoir et édifier le socialisme. Le Comité
doit affirmer désormais qu’il combat pour une nouvelle Internationale :
l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire, laquelle fera sienne tout l’acquis
théorique et politique des Ière, IIe et IIIe Internationales.
Mais il ne faut pas s’y méprendre, le Comité qui désormais devrait prendre le nom de "Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, pour la construction de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire", n’est pas une sorte de nouvelle opposition de gauche internationale. L’opposition de gauche internationale était dès son origine une fraction internationale. Le Comité est un regroupement internationaliste mais qui n’a pas de base internationale. C’est une organisation dont la dimension se limite à une échelle nationale. Il ne l’a pas voulu, mais cela s’est imposé à lui. C’est seulement du PCI que s’est dégagée une force politique, certes faible, mais réelle et politiquement claire. Ailleurs, il n’existe, au moment actuel, aucune force politique, même limitée, mais politiquement claire, combattant pour un parti ouvrier révolutionnaire, d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire. Le Comité a tenté de constituer un courant international se situant sur cette orientation, il n’y est pas parvenu. C’est pourquoi il ne fait pas parti d’un courant international ainsi situé. Pour l’instant des éléments pouvant en constituer un ne sont pas encore apparus.
Le Comité est place devant une situation où : la bureaucratie stalinienne,
son appareil international, les PC, les partis social-démocrates et
socialistes, les appareils des centrales et organisations syndicales sont en
crise ; où des couches de plus en plus importantes du prolétariat, de la
jeunesse se détournent de ces partis, de ces appareils et les rejettent. La
crise de l’impérialisme se poursuit et s’accentue, celle de la bureaucratie du
Kremlin explose. S’il y a dissymétrie entre le mouvement des prolétariats des
pays capitalistes dominants et ceux de la partie est de l’Europe et de l’URSS,
les rapports entre les classes sont loin d’être stabilisés en faveur de
l’impérialisme à l’ouest et la révolution politique affleure à l’est. Or,
pourtant, le prolétariat souffre de l’absence de perspective politique. Il est
politiquement désorienté. On peut parler de la grande misère politique du
prolétariat et la jeunesse. Il y a décalage, désynchronisme, entre la crise du
mouvement ouvrier et sa reconstruction sur un nouvel axe. La faillite de la IVe
Internationale comme organisation se situant et combattant sur le programme de
la révolution prolétarienne et sa transformation en nouvel obstacle à la
solution de la crise de la direction révolutionnaire jouent à plein. Cette
situation pèse et va certainement continuer à peser sur le Comité. Sa tâche
actuelle est de participer, tout autant que ses moyens le lui permettent, à la
vie politique, d’intervenir du côté du prolétariat, en avançant son orientation
politique dans la lutte des classes, de défendre les acquis théoriques et
politiques que le programme de la IVe Internationale et la lutte pour sa
continuité ont concentrés. Le Comité ne peut rêver et essayer de sauter
par-dessus sa tête en se prenant pour ce qu’il n’est pas. Il se briserait.
Bien entendu, le Comité ne considère pas que les militants du PCI, de IVe
Internationale-CIR, ou d’autres organisations se réclamant de la IVe
Internationale, sont, en tant que militants, perdus pour la construction du
Parti Ouvrier Révolutionnaire, de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire.
Ainsi, le Comité se préparera à participer aux processus qui, à plus ou moins
longue échéance, se développeront inéluctablement et qui aboutiront à la
reconstruction, sur un nouvel axe, du mouvement ouvrier.
Quant au fonctionnement et à la vie politique du Comité, ils doivent être
guidés par ce que Trotsky a écrit dans l’article :"Le centralisme
démocratique, quelques mots sur le régime du parti" (8 décembre 1937)
Tome 15 des Œuvres, pages 359, 360, 361, article qui sera la conclusion de ce
rapport.
"J'ai reçu, au cours des derniers mois,
d'un certain nombre de camarades qui semblent être jeunes et que je ne connais
pas, des lettres concernant le régime intérieur d'un parti révolutionnaire.
Certaines se plaignent du « manque de démocratie » dans votre organisation, de
l'autoritarisme des « chefs » et d'autres choses de ce genre. Des camarades,
individuellement, m'ont demandé de leur donner « une formule claire et
précise du centralisme démocratique » qui empêcherait des interprétations
erronées.
Il n'est pas facile de répondre à ces lettres.
Aucun de mes correspondants n'essaie seulement de démontrer clairement et
concrètement, sur des exemples, en quoi réside exactement le viol de la
démocratie. Par ailleurs, dans la mesure où moi, à l'extérieur, je puis en
juger sur la base de votre journal et de vos bulletins, la discussion dans
votre organisation a été conduite avec une liberté totale. Les bulletins
contiennent surtout des textes qui émanent des dirigeants d'une toute petite
minorité. On m'a dit la même chose de vos assemblées de discussion. Les
décisions ne sont pas encore prises. Elles le seront évidemment par une
conférence librement élue. En quoi se sont manifestés des viols de la
démocratie ? C'est difficile à comprendre. Parfois, si j'en juge par le ton des
lettres, c'est‑à‑dire surtout par le caractère informel des griefs, il me
semble que ceux qui se plaignent sont surtout mécontents du fait qu'en dépit de
la démocratie existante, ils se soient révélés n'être qu'une toute petite
minorité. Je sais par ma propre expérience que c'est désagréable. Mais y-a‑t‑il
là un viol quelconque de la démocratie ?
Et je ne pense pas non plus qu'il me soit
possible de donner sur le centralisme démocratique une formule qui, « une fois
pour toutes », éliminerait malentendus et interprétations erronées. Un parti
est un organisme actif. Il se développe au cours d'une lutte contre des
obstacles extérieurs et des contradictions internes. La décomposition maligne
de la II° et de la III° Internationale, dans les sévères conditions de l'époque
impérialiste, crée pour la IV° Internationale des difficultés sans précédent
dans l'Histoire. On ne peut les surmonter par une quelconque formule magique.
Le régime d'un parti ne tombe pas tout cuit du ciel, mais se constitue progressivement
au cours de la lutte. Une ligne politique prime sur le régime. Il faut d'abord
définir correctement les problèmes stratégiques et les méthodes tactiques afin
de pouvoir les résoudre. Les formes d'organisation devraient correspondre à la
stratégie et à la tactique. Seule une politique juste peut garantir un régime
sain dans le parti. Mais cela ne signifie pas, bien entendu, que le
développement du parti ne pose pas pour autant de problèmes d'organisation.
Mais cela signifie que la formule du centralisme démocratique doit finalement
trouver une expression différente dans les partis des différents pays et à des
étapes différentes du développement d'un seul et même parti.
La démocratie et le centralisme ne sont pas
dans un rapport constant l'une vis-à-vis de l'autre. Tout dépend des
circonstances concrètes, de la situation politique du pays, de la force du
parti et de son expérience, du niveau général de ses membres, de l'autorité que
la direction a réussi à s'assurer. Avant une conférence, quand il s'agit de
formuler une ligne politique pour la prochaine période, la démocratie l'emporte
toujours sur le centralisme. Quand le problème est l'action politique, le
centralisme se subordonne la démocratie. La démocratie réaffirme ses droits
quand le parti sent le besoin d'examiner de façon critique sa propre activité.
L'équilibre entre démocratie et centralisme s'établit dans la lutte réelle, est
violé à certains moments, rétabli de nouveau ensuite. La maturité de chaque
membre du parti s'exprime particulièrement dans le fait qu'il n'exige pas du
régime du parti plus qu'il ne peut donner. Celui qui définit son attitude à
l'égard du parti à travers les tapes qu'il a personnellement reçues sur le nez
est un piètre révolutionnaire. Il faut, bien entendu, lutter contre toutes les
erreurs individuelles de la direction, les injustices et le reste. Mais il faut
évaluer ces « erreurs » et ces « injustices », non en
elles-mêmes mais par rapport au développement du parti à l' échelle nationale
et internationale. Un jugement correct et le sens des proportions sont quelque
chose de très important en politique. Celui qui a tendance à faire d'une
taupinière une montagne peut faire bien du mal, à lui-même comme au parti. Le
malheur de gens comme Oehler,
Field, Weisbord et autres, c'est précisément qu'ils n'ont pas le sens des
proportions.
Il ne manque pas en ce moment de demi‑révolutionnaires,
épuisés par les défaites, redoutant les difficultés, de jeunes vieillards qui
ont plus de doutes et de prétention que de volonté de se battre. Au lieu
d'analyser sérieusement les questions politiques dans leur essence, ces gens‑là
cherchent des panacées, se plaignent du « régime » à toute occasion, réclament
à la direction des miracles ou essaient de dissimuler leur scepticisme intime
sous les caquetages ultra-gauchistes. Je crains que nous ne puissions pas en
faire des révolutionnaires. à moins qu'ils ne se prennent eux-mêmes en main. Je
ne doute pas, par ailleurs, que la jeune génération ouvrière sera capable
d'apprécier comme ils le méritent le programme et le contenu stratégique de la
IV° Internationale et qu'elle se ralliera à son drapeau en rangs toujours plus
nombreux. Tout véritable révolutionnaire qui révèle les erreurs du régime de
son parti devrait se dire d'abord : « Il nous faut recruter au parti une
douzaine d'ouvriers nouveaux. » Les jeunes travailleurs rappelleront à l'ordre
messieurs les sceptiques et marchands de griefs, les pessimistes. C'est
seulement sur cette voie qu'un régime du parti solide et sain pourra être
établi dans les sections de la IV° Internationale. "
Retour à la section : textes constitutifs du Cercle