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Rapport International adopté par la 2ème (13ème) conférencedu Cercle pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire.(publié dans Combattre pour le Socialisme n°10 de décembre 2002)
Première partieImpérialisme: un tournant s'engage
La situation économique se tend L'ensemble de la sphère financière est ébranlée Krachs, crises, et faillites en série Tournant dans la politique économique de l'impérialisme américain Retour sur le tournant du début des années 80 "Il n'y a pas de situation sans issue pour la bourgeoisie" (Lénine) L’impérialisme US s’implante en Afghanistan et dans toute l’Asie centrale Un axe général de combat contre les libertés démocratiques, de renforcement des Etats bourgeois Prédominance de l'impérialisme US mais pas de mono-impérialisme L'Union Européenne à la veille d'échéances importantes Pas de "super-impérialisme", l'impérialisme n'a pas retrouvé une seconde jeunesse
Deuxième partie.Eléments d'appréciation de la situation du prolétariat mondial
La dégénérescence du mouvement ouvrier se poursuit Italie, Angleterre, Espagne, Grèce: la capacité de résistance du prolétariat se manifeste
Les dernières estimations officielles sur la situation économique fournies par l'OCDE indiquent que la récession en 2001 a été plus forte que prévu, et ce simultanément dans les trois plus grandes puissances capitalistes, les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne.
Comme nous l'avions écrit sur l'instant, les attentats du 11 septembre ne sont en rien responsables de cette récession des principales économies mondiales. Au contraire, le seul trimestre où la croissance américaine a été positive est le dernier de l'année. C'est en fait la loi de la valeur, la baisse tendancielle du taux de profit qui s'est à nouveau exprimée avec force dès la fin de l'année 2000 dans l'industrie américaine tout d'abord, avant que de s'étendre à l'ensemble de l'économie de ce pays. En témoignent les chiffres (ceux-ci sont du Fmi et datent de septembre) sur la progression de l'investissement (formation brute de capital fixe - FCBF), dont la progression est directement liée au taux de profit:
2000 2001 2002 E-U 5.5% -2.7% -2.2% Ja 3.2% -2.3% -5.2% All 2.5% -5.3% -4.8% Fr 8.3% 2.7% 0.1% GB 1.9% -0.4% -1.9% Italie 6.5% 2.4% 0 %
A noter que pour 2002, l'investissement n'a pas encore repris. Les éléments de croissance des PIB pour début 2002 sont pour l'instant de nature "technique", liée aux variations de stocks, plus qu'à un nouvel élan dans l'accumulation du capital. Au deuxième trimestre 2002, selon les chiffres de septembre de l'OCDE, la production industrielle des principaux pays s'établissait ainsi (nb: indice 100 en 1995):
% du total 2000 2001 2002 (T2) USA (32.4%) 127.4 122.5 122 Jap (16.1%) 105.4 97.8 96.4 All (9.1%) 117.2 117.8 115.5 Fr (5.1%) 116.3 117.1 117.2 GB (5.0%) 105.8 103.5 100 Ita (6.1%) 107.8 106.5 103.9
Et encore: la note mensuelle de juillet du CCF affirme que le taux d'utilisation des capacités de production aux USA serait autour de 75% sur l'ensemble de 2002 (contre 80-82% dans les années 1996-2000). L'investissement serait en baisse pour 2002 de 5,5%, donc bien plus que ne l'annonce le FMI. Autant dire que l'année 2002 ne se présente pas, c'est le moins, sous de brillants auspices. Il n'y a cependant pas lieu de se perdre en conjectures. Constatons simplement que la "reprise" qu'attendent comme sœur Anne les éminents économistes n'est pas encore au rendez-vous. Et qu'en particulier, le secteur des nouvelles technologies, tant vanté, a connu une crise terrible de surproduction et de surspéculation.
Mais cette récession nette et générale dont l'économie mondiale peine à sortir n'est pas un fait isolé. C'est à juste titre que notre IX° conférence d'avril 1997 écrivait: "la situation économique mondiale rappelle celle de l'année 1928". Conséquence du ralentissement économique, qui s'y conjugue: les marchés financiers mondiaux sont depuis des mois à la baisse. Le tableau ci-dessous donne l'évolution du cours des actions (source OCDE, indice 100= 1995)
1999 2000 2001 été 2002 sur un an USA 213 221 208 167 -20,7% Japon 100 112 87 73 -18,1% Allemagne 204.9 260.3 196.4 134.3 -29.4% France 234.6 321.7 260.1 183.4 -28.1% G-B 168.4 178.5 147.8 111.9 -23.1% Italie 246 319 259 190 -25.7%
Le cours des actions évoluant notamment en fonction des dividendes servis ou attendus (du rapport de ceux-ci et du cours de l'action comparé au taux d'intérêt moyen) et ceux-ci étant eux-mêmes liés aux profits réalisés, il n'est pas étonnant que le cours des actions ait baissé et baisse encore en relation avec la baisse des profits.
De ce fait, la récession de 2001, à la différence de celle du début des années 90, ébranle profondément toute la masse de capital fictif (actions, titres, monnaies) accumulée depuis des années et en particulier depuis les années 80 comme contrepartie permettant la poursuite de l'accumulation du capital, en fait une extension prodigieuse du système de crédit pour permettre de repousser les limites intrinsèques de la production capitaliste (propriété privée des moyens de production et d'échange, frontières nationales).
Ainsi, nous indique Le Monde (23/02/2002): "En moins de quatre ans, l'endettement des entreprises mondiales a plus que doublé". Le secteur des télécommunications et d'Internet a été particulièrement touché. Mais, continue Le Monde: "la vague de l'endettement est allée bien au delà du secteur des nouvelles technologies. Entre 1998 et 2001, les dettes du groupe Fiat sont passées de 17 à 35 milliards d'euros, sans compter celles liées au groupe Montedison dont Fiat est désormais l'actionnaire majoritaire." Finalement: "une grande partie de la croissance des groupes a ainsi été financée à crédit". Cette masse de capital fictif a été développée et utilisée comme exutoire aux difficultés du capital réel à se mettre en valeur dans le cycle de la production (se reporter si nécessaire à l'article paru dans le n°76 de CPS pour de plus amples développements). Mais son développement a été le moyen de financement du mode de production capitaliste, l'expression autant que le moyen d'un recours apparemment sans limite au crédit pour repousser les limites de l'économie capitaliste "le moyen le plus puissant de faire dépasser à la production capitaliste ses propres limites et en fait un des véhicules les plus efficaces des crises et de la spéculation" (Marx).
Dans une situation marquée par la baisse ou même la stagnation du taux de profit, cet endettement devient un fardeau quasi insupportable et aussi un facteur de baisse des marchés boursiers. Dans un article intitulé "l'endettement des sociétés tétanise les marchés et les banques", Le Monde (28/09/2002) décrit: "Des listes circulent sur les marchés pour repérer les groupes les plus endettés, donc les plus fragiles. Les analystes s'alarment du niveau des dettes, du déséquilibre patent de certains bilans".
Le dégonflement, même partiel, de la bulle financière, causé in fine par l'évolution du processus de la production marchande, ne peut qu'aggraver à son tour les difficultés à relancer la machine, inscrivant à l'ordre du jour faillites, contraction du crédit [à noter que les investissements directs à l'étranger – IDE - ont fondu de 50% à l'échelle mondiale], endettement terrible des entreprises dont les "actifs" fondent comme neige au soleil. Les conséquences premières se traduisent pour le prolétariat: licenciements, et nouveaux coups contre la valeur de sa force de travail.
Il suffit de se reporter à ce qui s'est passé au Japon: la chute des deux-tiers de l'indice Nikkei entre 1989 et 1992 a catalysé une situation de stagnation économique depuis maintenant dix ans. Rien ne permet d'exclure que cette situation se généralise – pas plus qu'un krach boursier violent. Or, nous avions relevé dès le numéro 76 (ancienne série) de CPS qu'une limite dans le mode de financement du mode de production capitaliste, du parasitisme considérable qu'il génère à son stade impérialiste, semblait proche. En effet, après l'aplatissement de la sphère financière au Japon entre 1989 et 1992, les crises n'ont cessé de s'enchaîner à un rythme accéléré. Ce fut d'abord la crise mexicaine de 1995, l'effondrement du peso et l'incapacité du Mexique à faire face à son endettement, qui conduisit l'impérialisme US à injecter via le Fmi des dizaines de milliards de dollars. Puis en 1997, l'ensemble des "dragons" et "tigres" du sud-est asiatique, touchés notamment par une crise de surproduction dans le domaine des composants informatiques et réceptacles (comme le fut ensuite le secteur des "nouvelles technologies") d'investissements étrangers massifs, ces pays, présentés comme un nouvel eldorado capitaliste, furent touchés par une crise économique et financière majeure. En 1998, c'était le tour de la Russie (crise du rouble et suspension du paiement de la dette) et du Brésil (et à sa suite l'Argentine, surtout après la dévaluation du real brésilien). Puis venaient la Turquie, l'Argentine (2001) et cette année encore la bourgeoisie du Brésil n'a dû son salut, temporairement, qu'à une nouvelle intervention du FMI (tandis que l'Uruguay devait fermer son système bancaire).
Et l'Etat japonais a connu pour sa part, pour la première fois, un échec dans l'émission des obligations qui financent une dette galopant vers les 150% du PIB – tandis qu'il a été amené, le 19 mars dernier, à abaisser ses taux courts à 0,02% !
Autrement dit: les "signaux d'alarme" indiquant qu'une limite à la cavalerie financière approchait se sont succédés et rapprochés ces dernières années. Mais ce sont d'autres et tout aussi sérieux signaux que les faillites spectaculaires, d'abord de la banque Barings, mais plus récemment de sociétés comme Enron (plus grosse faillite de l'histoire des Etats-Unis), Worldcom, de plusieurs banques japonaises, ou de semi-faillites de géants à l'échelle française tels que Vivendi Universal ou France-Telecom. C'est dans ce cadre qu'est intervenu, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, un nouveau cours dans la politique économique impulsée par l'impérialisme américain. En quelques jours, les "principes" du précédent tournant en la matière, celui "monétariste" des années 80, ont été mis de côté. Le Financial Times du 6 octobre 2001 commentait cette amorce de tournant ainsi: "On peut valablement soutenir que, dans la mesure où la globalisation signifie des contraintes à l'action des gouvernements et la diffusion des valeurs du marché sous l'inspiration des Etats-Unis, le courant s'est renversé."
L'Etat est intervenu directement en injectant des dizaines de milliards de dollars dans l'économie. Une nouvelle impulsion aux budgets d'armements à été donnée (et la toute nouvelle loi de programmation militaire française s'inscrit dans ce cadre). Ce sont ainsi des dizaines de milliards de dollars qui ont été injectés. Après deux années d'excédents, le déficit budgétaire se creuse et devrait atteindre pour 2002 2,6% du PIB, près de 200 milliards de dollars. Mêmes limitées, il a mis en œuvre certaines mesures de protectionnisme (acier, …) Dans le même temps, les taux d'intérêts à court terme ont été ramenés en un an de 6 à 1,75%, leur niveau de 1961, un niveau nul comparé à l'inflation. Objectifs: élargir encore le recours au crédit et sauver les marchés boursiers (en limitant la fuite des capitaux vers les placements obligataires).
Ainsi, les vannes du crédit sont grandes ouvertes. Les déficits budgétaires et l'endettement repartent après avoir été, l'un annulé, l'autre réduit sur la fin des années 90, grâce à l'impressionnante phase de croissance qu'ont connue les USA. Cette politique ressemble fort à celle empruntée par la bourgeoisie japonaise après l'éclatement de la bulle spéculative, les taux d'intérêts à court terme y sont aujourd'hui quasiment à zéro, et les plans de relance se sont succédés. Mais le Japon, premier épargnant de la planète, n'est pas les Etats-Unis. Le tournant engagé (en tout cas pour l'instant) aux USA a une tout autre portée et signification.
Il faut rappeler le rôle décisif que joue l'économie américaine dans l'économie mondiale. C'est en effet son rôle de "locomotive" dopée par un taux d'exploitation accru de la force de travail qui a permis notamment de limiter les dégâts de la crise économique de l'Asie du sud-est en 1997-1998, empêchant une récession mondiale (que nous avions nous-mêmes annoncée prématurément) de s'enclencher. Dans le même temps, prenant en charge sur ses épaules le fardeau de la poursuite de l'accumulation du capital à l'échelle mondiale, l'impérialisme américain a vu ses déficits courants croître vertigineusement, le déficit de sa balance des paiements passant de 105 milliards de dollars en 1995 à 480 maintenant. Conjuguée aux bas taux d'intérêts, à la chute des investissements directs aux USA, la baisse tendancielle du dollar a repris. Certes c'est un instrument de l'impérialisme US face à ses concurrents, mais c'est d'abord l'expression de la possibilité de l'effondrement économique, conséquence de ces déséquilibres insoutenables à terme.
Leur rôle décisif en matière économique n'en est que renforcé. Le tournant engagé – mais il peut encore être reporté, la prudence s'impose – a des conséquences sur l'ensemble de la planète. Il est utile de se souvenir quelles furent les conditions politiques du précédent tournant en matière de politique économique. La politique "monétariste", des hauts taux d'intérêts, a été empruntée, aux USA d'abord, devant le risque de dislocation du système économique mondial suite à la vague d'inflation de la fin des années 70, la chute vertigineuse du cours du dollar, conséquences des déséquilibres fondamentaux du mode de production capitaliste qui venait d'avouer sa propre faillite en renonçant à toute convertibilité du dollar en or (août 1971). L'administration Carter portait les taux d'intérêt au dessus de l'inflation et rompait avec la politique des "déficits sans pleurs", déficits que venaient couvrir la planche à billet, l'émission à flot continu de dollars. Cette politique visait à attirer les capitaux flottants pour couvrir ces déficits.
La crise économique des années 1980-1982 en fut profondément aggravée (rappelons qu'alors, le Pib des USA baissa de 5% entre l'été 81 et l'automne 82). S'en suivit également une première crise financière d'ampleur dans les pays dominés, incapables dès lors de faire face à l'endettement qu'ils avaient eux aussi contracté dans les années 60 et surtout 70.
La "relance" de l'économie américaine va s'appuyer en particulier sur un accroissement inouï des dépenses militaires avec l'administration Reagan. Le budget de la défense va passer de 135 milliards en 1980 à 285 milliards en 1985, 385 milliards en 1988. Le "libre échange", c'est à dire l'ouverture à grande vitesse des marchés étrangers aux capitaux et marchandises américains, va être relancé au travers du GATT puis plus tard de l'OMC.
Mais développement du parasitisme financier, du militarisme, n'auraient pas suffi. C’est une modification dans les rapports politiques à l'échelle internationale qui a finalement assuré un retour à la croissance (jusqu'à la crise du début des années 90). Bien que le prolétariat livre encore de grands combats dans les années 80, l'impérialisme va parvenir à faire refluer la vague révolutionnaire des années 70 et reprendre l'initiative politique. C'est aux USA le signal donné par le licenciement massif des contrôleurs aériens, suivi d'une véritable guerre contre les droits des travailleurs. C'est en Grande-Bretagne l'arrivée au pouvoir du gouvernement Thatcher et notamment la défaite de la grande grève des mineurs. C'est encore le coup d'état de Jaruzelski en Pologne contre la révolution politique. C'est aussi la venue au pouvoir dans la plupart des pays d'Europe de gouvernements de fronts populaires qui parviendront à faire refluer les masses dans leurs pays. Ce sera, plus tard, l'écrasement du prolétariat et de la jeunesse chinoises en 1989. L'offensive du Capital à l'échelle mondiale aboutira au succès historique pour l'impérialisme qu'est la dislocation de l'URSS sans que s'engage la révolution politique, en 1991, suivie de la restauration du capitalisme. Ce sont ces conditions politiques qui ont permis à l'impérialisme de surmonter provisoirement sa crise récurrente, l'impasse historique de son mode de production, ce qui se concentre dans l'élévation du taux de profit. A cet égard, le tableau ci-dessous, donnant l'évolution du "taux de profit" (courbe basse) et de l'investissement (courbe haute) , extrait du rapport du FMI de septembre 2002, est éclairant:
Ce rappel permet de comprendre ce qu'annonce l'engagement du tournant dans la politique économique aux USA intervenant après des crises à répétition frappant partout sur la planète. Il n'y pas de situation sans issue pour la bourgeoisie, l'issue se trouvant toujours en dernier recours dans de nouvelles agressions contre le prolétariat mais aussi dans de violentes crises purgeant le système capitaliste autant que faire se peut à son époque impérialiste, où l'économie est sous la coupe d'immenses mastodontes industriels et financiers.
Est à l'ordre du jour une nouvelle phase d'agression généralisée contre les masses, leurs conditions d'existence et de travail, le renforcement de l'exploitation, de l'oppression, la lutte de l'impérialisme pour se soumettre les marchés qui lui échappent encore, en l'occurrence le marché chinois. Faute de parvenir à ces objectifs, s'ouvrirait une situation qui dans un premier temps risquerait fort de ressembler à celle qui prévaut au Japon depuis dix ans, une lente décomposition, une stagnation économique sans qu'aucune classe ne parvienne à s'ouvrir une issue.
Une chose est que l'aboutissant inéluctable de toute la situation économique soit l'effondrement de l'ensemble de l'économie capitaliste, de la dislocation du commerce mondial et des échanges. Autre chose est la certitude que les capitalistes n'entendent pas arriver à cet état de chose sans qu'ils aient tout tenté pour l'éviter. C'est à cette aune que doit être appréciée l'agressivité redoublée avec laquelle l'impérialisme combat aujourd'hui. Il y a un an se produisaient les attentats qui ont détruit le World Trade Center. Tout en condamnant ces actes de terrorisme, nous avions dès l’abord mis en avant la responsabilité totale de l’impérialisme américain dans ces attentats, d’une part en les situant comme conséquence de l’ensemble de sa politique au proche et Moyen-Orient, et, rapidement, en mettant en question sa responsabilité directe dans ces attentats. Sur ce dernier point, même maquillés en accusation de « négligence », une moisson de faits est venue confirmer que les services secrets, l’appareil d’Etat, ont, pour le moins, une part importante de responsabilité dans ce qui fut le deuxième attentat contre le World trade Center (après la bombe posée dans ses sous-sols dans les années 90).
Et c’est l’évidence que l’impérialisme US a largement exploité cet attentat et continue de le faire pour engager une nouvelle étape de son offensive politique et militaire pour renforcer sa prédominance sur l’ensemble de la planète, y compris face aux autres impérialismes – ainsi que pour lutter contre son propre prolétariat.
Aujourd’hui, plus de dix ans après l’effondrement de la bureaucratie du Kremlin et après que l’impérialisme US soit devenu la seule puissance mondiale, la « lutte contre le terrorisme » sert d’arme de premier choix pour lui permettre d’intervenir partout où bon lui semble et comme bon lui semble, et en s’affranchissant de plus en plus ouvertement des règles et habitudes issues de quarante années de « guerre froide ». La guerre éclair menée contre l’Afghanistan, qui a abouti à la mise en place d’un protectorat colonial dans ce pays, la guerre annoncée avec une totale impudence contre l’Irak, en sont les expressions les plus nettes. Avec le succès politique qu'a été la guerre contre l'Afghanistan (décidée dès avant les attentats du 11 septembre), l'installation d'un protectorat à Kaboul, l'impérialisme américain s'est ouvert l'accès aux immenses ressources pétrolières et gazières des Républiques de l'ex-URSS en Asie centrale, accès dont les conséquences de la révolution de 1979 en Iran le privait. Le principal reproche adressé aux talibans était de n'avoir pu pacifier complètement le pays et permettre ainsi le passage en toute sécurité d'Oléoducs.
Mais la guerre impérialiste contre l'Afghanistan revêt une dimension plus vaste. Relevons-en ici deux aspects. Tout d'abord, l'impérialisme américain a subi en 1979 une véritable défaite politique, avec l'engagement de la révolution prolétarienne en Iran – qui succédait à celle subie au Vietnam et s'ajoute à la chaîne de crises et mobilisations révolutionnaires. Là, alors que des conseils ouvriers authentiques s'étaient constitués, le régime du Shah, véritable pilier américain à la bordure du Moyen-Orient, s'est effondré. S'est engagé alors une véritable sainte-alliance contre-révolutionnaire: l'Irak a été armé jusqu'aux dents et lancé à l'assaut de l'Iran par les grandes puissances impérialistes, Etats-Unis et France en tête. Pendant huit ans, les masses en Iran (et en Irak) ont ainsi subi une saignée atroce. De son côté la bureaucratie du Kremlin lançait une intervention contre-révolutionnaire en Afghanistan. Le résultat immédiat de ces efforts conjugués (bien que conflictuels) a été que les mollahs en Iran ont pu faire refluer le mouvement des masses et restreindre puis annuler une à une les conquêtes principales de la Révolution de 1979. Mais pour autant, l'Iran n'a pas réintégré le giron de l'impérialisme. La mise en coupe réglée de l'Afghanistan sera une aide précieuse pour l'impérialisme dans cette voie. D'autant plus que cette guerre a été une guerre de terreur contre les masses, et qu'à ce titre elle conforte les régimes les plus oppresseurs de la région, le régime militaire pakistanais issu d'un coup d'Etat en 1999 et qui fait face à de continuelles luttes de la classe ouvrière, le régime Khatami en Iran qui a de facto mené la répression contre le soulèvement parti de la jeunesse étudiante à l'été 1999. Deuxième aspect: ce n'est pas un à-côté de la guerre contre l'Afghanistan que de voir les troupes américaines s'implanter – certainement durablement – dans plusieurs républiques d'Asie centrale issues de l'ex-URSS, à la barbe des autorités du Kremlin qui ont vainement cherché à l'empêcher. Avec cette implantation militaire en Asie centrale, au Pakistan, les dollars se sont mis à couler à flots pour certains régimes (allègement de la dette pakistanaise, crédits massifs à l'Ouzbékistan notamment). C'est un plan d'ensemble de mainmise sur l'Asie centrale qui est mis en œuvre. Néanmoins, on doit rappeler qu'il n'est et ne sera pas de solution durable pour l'Asie centrale, le sous-continent Indien, dans le cadre des frontières artificielles héritées du colonialisme britannique, dans le cadre de la tutelle des grandes puissances impérialistes. En témoignent les rixes guerrières entre le Pakistan et l'Inde au sujet du Cachemire, comme l'instabilité persistante en Afghanistan même. La seule perspective historique permettant d'ouvrir une issue positive, d'assurer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, est celle de la République Socialiste Fédérative des Indes, une fédération socialiste d'Asie centrale ou encore du Moyen-Orient.
C’est sur cette perspective que CPS rappelait en janvier 2002 ce qu’a été notre position dès l’engagement de l’intervention impérialiste, soit septembre 2001 : « L'appréciation des conséquences de la guerre impérialiste contre l'Afghanistan ne peut laisser de place au doute: l'intérêt du prolétariat mondial était dans cette guerre l'échec de l'impérialisme, de se situer en défense de l'Afghanistan et des masses de la région. Cela passait évidemment par une lutte politique, le résultat sur le seul terrain militaire étant couru d'avance, lutte politique autour des mots d'ordre exprimant concrètement ce que serait l'échec de l'intervention impérialiste: le retrait immédiat et inconditionnel des troupes impérialistes, le boycott de l'intervention, la dénonciation des résolutions de l'ONU, mots d'ordre qui pour leur succès exigeaient que soit réalisé le front unique des organisations ouvrières. » (notes sur la situation internationale – janvier 2002) Au travers de la « lutte contre le terrorisme » , l'impérialisme américain développe une politique d'une grande agressivité tout azimut. Et d'abord au Moyen-Orient. La guerre que le gouvernement Bush junior prépare contre l'Irak (après celles contre la Serbie et celle contre l'Afghanistan, en moins de trois ans!) en témoigne. Cette guerre serait une "guerre préventive", excusez du peu! Et il faut considérer l’état de pourrissement de l’Irak, au million de morts attribués à l’embargo, aux bombardements soutenus dont ce pays continue d’être la victime depuis 1998. Quels que soient les prétextes avancés, qui pourront varier, les objectifs de l'impérialisme US sont clairs: achever la mise en coupe réglée de la région commencée par la guerre de 1991 en faisant sauter le régime de Saddam Hussein … et s'assurer le contrôle de ses immenses ressources pétrolières. Il est à noter que l’ensemble des puissances impérialistes ne s’est pas aligné d’emblée derrière les objectifs de guerre des USA, d’autant qu’une guerre contre l’Irak signifierait qu’un nouveau cran est franchi : de simples « soupçons » autorisent une agression armée américaine, avec ou sans l’ONU (Bush junior dixit). Au final, l’impérialisme US imposera ses décisions.
Au Moyen-orient on doit ajouter notamment les Philippines, dans lesquelles l’armée américaine s’est engagée dans des opérations militaires d’envergure, et l’Amérique latine où le dit « plan Colombie », justifié par la lutte contre le « narco-trafic » et le « terrorisme » marque un pas en avant dans l’engagement militaire de l’impérialisme US dans le cône andin. Pour avoir un panorama complet du renforcement de l’impérialisme US, on doit ajouter : son implantation durable dans les Balkans depuis qu’il a pris les commandes des mains françaises et allemandes dans l’ex-Yougoslavie en 1995, ses appétits grandissants en Afrique sub-saharienne, révélés à l’occasion de la chute des régimes pro-français au Rwanda et dans l’ex-Zaïre, sans parler du pacifique sud où l’Australie a proclamé l’occasion de l’intervention au Timor qu’elle entendait jouer le rôle de bras droit des Etats-Unis dans la zone. Bien qu’anecdotique, quel symbole que ce soient les mêmes Etats-Unis qui soient intervenus pour régler le conflit opposant l’impérialisme espagnol au Maroc cet été ! Le martyre du peuple palestinien, les coups redoublés qu’il subit depuis les attentats du 11 septembre 2001, mettent à nu ce que recouvre l’offensive impérialiste sous couvert de « lutte contre le terrorisme ».
Ceux-ci sont intervenus dans une situation déjà plus que difficile. Rappelons que les accords d’Oslo-Washington, accords se définissant eux-mêmes comme transitoires, avaient atteint leur limite. Ils ont abouti à un recul profond de la lutte nationale du peuple palestinien. Dans le cadre de l’OLP, ses organisations nationalistes ont commencé par renoncer à la souveraineté sur 78% du territoire de la Palestine historique en reconnaissant l’Etat sioniste d’israël. Ces mêmes organisations, et en premier lieu le Fatah, se sont engagés à devenir les gardiens des ghettos attribués aux Palestiniens par ces accords, « l’Autorité palestinienne » étant presque entièrement occupée à faire accepter leur sort misérable aux masses palestiniennes et d’abord en rajoutant la répression « palestinienne » à celle de l’occupant sioniste (et que des policiers palestiniens aient ouvert à l’occasion le feu sur les soldats de l’armée sioniste n’y change rien).
Appuyé sur le premier succès historique, l’Etat colonial d’Israël a engagé une nouvelle phase de son combat pour l’expulsion du peuple palestinien à partir de la provocation qu’était la visite de Sharon sur l’esplanade des mosquées. Progressivement, et surtout à partir du 11 septembre, les enclaves palestiniennes ont été réoccupées quand bon lui chantait par son armée. Les destructions d’habitations ont repris de plus belle, et le massacre des Palestiniens a encore crû en intensité (que l’on pense à Jénine), ponctué par le meurtre ou l’arrestation des dirigeants palestiniens, dont le principal dirigeant du Fatah pour la Cisjordanie, et principale figure de l’opposition à Arafat, M.Bargouthi. L’Etat sioniste a même entamé la liquidation de l’autorité palestinienne, cherchant visiblement à s’en débarrasser maintenant qu’elle ne lui est plus guère d’utilité. Comme nous l’écrivions dans les « notes » de janvier 2002 : «(…) l'Autorité n'a d'autre perspective: soit elle pourra servir à museler la lutte des palestiniens au compte d'Israël, soit elle perdra tout crédit dans cette voie et sera liquidée par les gouvernements de l'Etat sioniste. » Dans tout ce processus, le gouvernement Sharon-Pérès reçoit un appui total du gouvernement américain, qui se charge d’interdire à quiconque d’interférer avec ses intérêts dans la région (même si ceux-ci peuvent parfois diverger avec ceux de l’Etat d’Israël).
On ne peut tirer un trait sur la résistance du peuple palestinien, appuyée sur le soutien des masses du Moyen-orient et d’Egypte. Mais comme nous le relevions en janvier 2002 : On voit à quel point l'Etat d'Israël a progressé dans la voie qui fut toujours la sienne: mater et expulser les Palestiniens, poursuivre la colonisation de la Palestine. Dans cette voie, on ne peut exclure que, suite à une nouvelle provocation (rappelons en effet que la création du Hamas par exemple fut largement impulsée par les services secrets israéliens pour faire pièce au Fatah), Israël impose de nouveaux reculs historiques aux Palestiniens, et éventuellement entame une nouvelle étape en procédant à la liquidation de l'Autorité palestinienne, et surtout avec elle des organisations nées de la lutte de ce peuple pour sa libération nationale. Le 22 décembre, le ministre israélien des infrastructures évoquait carrément la "déportation" des "Arabes israéliens" qui soutiendraient les opérations contre Israël.
Telle est la situation dramatique qui est produite par l'engagement de la "lutte anti-terroriste" par les puissances impérialistes. Face à celle-ci, il faut réaffirmer: aucune solution n'est possible au Proche-Orient qui ne passe par la destruction de l'Etat raciste et colonial d'Israël, la tenue d'une Assemblée Constituante fondant la République Unifiée de Palestine, Assemblée Constituante ayant comme condition le retour des réfugiés palestiniens, le peuple palestinien recouvrant son pays en totalité. Seules les masses palestiniennes peuvent ouvrir cette issue, dans la perspective d'un gouvernement ouvrier et paysan, d'une Fédération socialiste du proche et Moyen-Orient.
Dans l'immédiat, aucune tâche n'est plus urgente que de briser l'isolement du peuple palestinien face à la répression. C'est pourquoi la responsabilité des organisations issues du mouvement ouvrier, partis et syndicats, est d'appeler à de gigantesques manifestations devant les ambassades d'Israël pour exiger l'arrêt de la répression et défendre le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. Les attentats du 11 septembre et la « lutte anti terroriste » ont servi partout aux impérialismes pour procéder au renforcement des Etats bourgeois, de leur cœur que sont les forces de répression, et à la restriction des libertés démocratiques. C’est bien entendu le cas aux USA. Renforcement des pouvoirs d’investigation des agences fédérales, fichage accru des citoyens, mise en place de tribunaux d’exception, légalisation des arrestations arbitraires, tout y passe, sans compter le climat d’hystérie patriotique et de chasse à toute pensée dissidente. C’est dans le même temps un levier pour la centralisation de l’Etat fédéral, problème récurrent pour la bourgeoisie américaine.
Mais c’est tout autant le cas en Europe. De la loi Vaillant en France à la remise en cause du droit d’asile en Grande-Bretagne, Allemagne, Autriche, partout les Etats bourgeois se renforcent. C’est en Espagne que le gouvernement est allé le plus loin, avec l’arrestation de syndicalistes lors de la grève générale du 20 juin d’abord, puis, surtout, l’interdiction du parti basque Herri Batasuna, accusé formellement, même pas de soutenir, mais de ne pas condamner les attentats de l’ETA. Un parti indépendantiste avec une influence réelle au pays basque est ainsi privé du droit de manifester, est chassé de ses locaux, interdit de toute existence légale, suite à un vote du parlement (le PSOE votant « pour » et le PCE s’abstenant avec la coalition « IU » - Gauche Unie) et à une décision judiciaire. C’est un précédent des plus graves : l’Etat bourgeois décide qui a le droit de s’exprimer. Sans aucunement prendre en charge le cours meurtrier et réactionnaire de l’ETA, la responsabilité du mouvement ouvrier international est, en défense des libertés démocratiques élémentaires, de se prononcer pour la levée immédiate de cette interdiction.
En Italie, il faut noter que les dirigeants de la CGIL ont été publiquement accusés par le gouvernement Berlusconi de collusion avec le « terrorisme ». Là, comme en France d’ailleurs, la criminalisation de la simple action revendicative syndicale a franchi un palier. La guerre contre l’Afghanistan et les masses d’Asie centrale et du Moyen-Orient a amplifié un certain nombre d’évolutions déjà engagées en matière de rapports entre les impérialistes, outre ce qui a été relevé plus haut : le renforcement de la prédominance de l’impérialisme américain, quand bien même celui-ci n’est pas devenu et ne peut devenir une espèce de "mono-impérialisme". L'opposition de Schröder, représentant autant que Stoiber de l'impérialisme allemand, à toute intervention contre l'Irak, même avec mandat de l'ONU, indique clairement la volonté de cet impérialisme de poursuivre son renforcement, après qu'il ait participé à la guerre de destruction de la Serbie en 1999 (sa première guerre depuis 1945). La guerre contre l'Afghanistan avait aussi permis de le relever, bien que la puissance américaine en ait été le trait dominant. Reprenons encore ici les « notes sur la situation internationale » : « (…) on doit relever que tant l'Allemagne que le Japon ont saisi la guerre contre l'Afghanistan pour s'affirmer d'avantage, eux aussi. L'impérialisme allemand par la voix du chancelier Schröder soulignait dans un entretien au Monde du 29 octobre 2001 que sa disponibilité à fournir des soldats par milliers marquait: "une nouvelle qualité à notre engagement", précisant que cet engagement était une conséquence de la réunification de l'Allemagne. Quant au Japon, il a changé sa constitution ventre à terre pour introduire la possibilité d'interventions militaires, non seulement pour le "maintien de la paix" comme jusqu'ici, mais encore au nom de la "lutte anti-terroriste", catégorie autrement plus vaste et malléable.
Le contraste est fort avec la position de l'impérialisme français, presque humilié à plusieurs reprises, d'abord pour n'avoir envoyé qu'avec plusieurs mois de retards son seul porte-avions dans l'océan Indien, puis pour avoir vu ses soldats parqués en Asie centrale sans avoir le feu vert américain pour rentrer en Afghanistan, sans parler de la tenue de la conférence internationale sur l'Afghanistan à Bonn. » La situation au sein de l'Union Européenne est aussi marquée par les rivalités inter impérialistes. Lors de la guerre contre l'Afghanistan, l'Humanité, dans son édition du 26 novembre 2001, s'en alarmait: "L'Allemagne sous l'impulsion du chancelier Schröder souhaite désormais haut et fort son grand retour sur la scène politique et militaire mondiale. Non seulement elle revendique un poste au Conseil de sécurité de l'ONU (avec le soutien bavard de Blair et celui, plus discret, des Américains, qui ont pesé pour que la conférence interafghane se tienne à Bonn et non à Paris) mais elle veut imposer son mode institutionnel à l'Union en liaison avec le rythme de l'extension de l'UE aux pays d'Europe centrale et orientale où elle est économiquement chez elle."
Cette guerre impérialiste a été une nouvelle expression du fait que l'Union Européenne n'a rien à voir avec l'unité européenne.
Précisément, l’Union Européenne est à un tournant de son développement. Les échéances de l’élargissement à l’Est de l’Europe se précisent, et avec elles celle de la révision des règles de fonctionnement de l’Union Européenne. Les grandes manœuvres ont déjà commencé, notamment autour de la question de la PAC dont l’impérialisme allemand semble avoir obtenu qu’elle soit remise en cause à compter de 2004, arguant de l’intégration de la Pologne à l’Union Européenne. On peut émettre un pronostic : quels que soient les avatars des négociations inter-impérialistes sur la PAC comme sur la constitution européenne, le processus d’élargissement et la modification profonde du fonctionnement de l’UE amèneront inéluctablement au renforcement de l’impérialisme allemand, d’autant que les premiers pays candidats à l’intégration sont les plus subordonnés à l’Allemagne, à commencer par la République tchèque .
Par ailleurs, au sein même de l’Union Européenne, et d’autant plus pour les pays touchés par son élargissement, le processus de domination des grandes puissances capitalistes sur les autres va se renforcer, à l’image de la semi-colonisation de la Tchéquie aujourd’hui. S’il n’y a pas une économie européenne (de l’Union), la mise en concurrence, encore renforcée par la mise en place de l’euro puis de l’euro fiduciaire, conduit inéluctablement à la liquidation de pans entiers d’industrie dans les pays les moins concurrentiels, ou à leur mise sous tutelle par les grands groupes capitalistes allemands et français notamment.
Un autre point doit être rappelé, en raison notamment de la multiplication des « euro manifestations » par les appareils syndicaux, mais aussi du succès politique incontestable que représente la mise en place de l’Euro pour les capitalismes européens. Même renforcée politiquement par la mise en place de l'Euro, l'Union Européenne (à plus forte raison si celle-ci s'élargit à brève échéance, ce qui accroîtra "l'Europe à plusieurs vitesses" qui est déjà un fait avec l'existence en son sein de la zone Euro) reste un cadre de collaboration contradictoire entre les puissances capitalistes d'Europe, et d'abord l'Allemagne et la France. Les circulaires, directives, etc. résultent de compromis entre elles qui expriment les rapports de force inter-impérialistes sur le vieux continent. Elles ne s'appliquent qu'autant que les impérialismes européens y trouvent leur compte. C'est évidemment le cas en matière de déréglementation sociale. Mais aussi parce que tous trouvent plus d'avantages à maintenir ce cadre, même quand il leur est ponctuellement défavorable, qu'à le briser. Et ils peuvent aussi le refuser quand ils l'estiment nécessaire (ainsi la convention de Schengen a-t-elle été suspendue momentanément par l'Italie ou l'Espagne afin de rétablir les contrôles aux frontières pour interdire la venue de manifestants à Gênes ou Barcelone). La mise en place de l'Euro s'est aussitôt traduite par une relative paralysie en matière de politique monétaire du côté de la Banque Centrale Européenne, pour la raison simple qu'il n'est pas possible de faire évoluer les taux d'intérêts de manière rapide quand la monnaie en question est partagée par des pays aux économies aussi disparates que l'Allemagne, la France, l'Espagne ou la Grêce.
Les appareils syndicaux, les partis traditionnels propagent à qui mieux mieux le discours selon lequel "c'est la faute de l'Europe". Ils proposent aux prolétariats de se situer dans ce cadre pour "y peser". Le résumé de cette duperie a été fourni par les manifestations organisées à l'occasion du sommet de Nice, en décembre 2000, la manifestation principale se tenant au lendemain d'une session … de l'Assemblée Nationale lors de laquelle fut votée l'autorisation au gouvernement de transposer une foule de directives par voie d'ordonnances (notamment: le travail des enfants à compter de treize ans sous certaines conditions, l'alignement du régime mutualiste sur celui des assurances privées). Le siège du pouvoir reste dans chaque pays, et pas à Bruxelles.
Ce qui n'empêche pas que les classes ouvrières d'Europe ne sont pas indifférentes à la question de l'Union Européenne, cadre où s'épaulent les bourgeoisies d'Europe pour combattre de concert, chacune dans son pays, contre les acquis ouvriers. Aucune politique favorable aux classes ouvrières ne peut être menée sans rompre avec l'Union Européenne et ses instances, ses traités et sa monnaie. C'est inconditionnellement que nous sommes contre l'Union Européenne, Maastricht, Amsterdam et l'Euro (de la même manière que nous sommes inconditionnellement contre la Cinquième République).
Et à l'Union Européenne des capitalismes, qui cherche sans pouvoir jamais y parvenir à surmonter les limites des frontières nationales, des Etats nationaux, nous opposons les Etats-Unis Socialistes d'Europe, qui seront le produit du combat pour la prise du pouvoir dans chaque pays, du combat pour l'Internationale Ouvrière Révolutionnaire.
Une dernière chose : l'Union Européenne n'a par nature pas d'avenir à long terme. C'est au gré des fluctuations de la conjoncture économique qu'elle a avancé ou stagné. Et tout ralentissement voire une crise dislocatrice aurait des conséquences sévères sur l'UE, tendant en son sein les rapports à l'extrême. C'est ce qu'exprime la discussion en cours entre les grandes puissances capitalistes européennes autour du "pacte de stabilité" que la situation économique actuelle rend chaque jour un peu plus dur à tenir. Il faut enfin insister sur une dernière chose: l'agressivité décuplée de l'impérialisme US, la nouvelle offensive à l'échelle internationale dont la "lutte anti terroriste" est le bélier, n'effacent en rien le fait que le mode de production capitaliste est historiquement épuisé. Même dans ces conditions politiques relativement privilégiées, l'impérialisme US n'a pas été et ne sera pas capable d'instaurer un "ordre", une stabilité durable. Tout au plus peut-il comprimer les contradictions sous sa botte ici ou là. Pas plus qu'il ne peut maîtriser la marche à une crise économique dislocatrice.
Sans développer, prenons quelques exemples qui le soulignent. - Au Venezuela, l'impérialisme US a organisé un coup d'Etat pour se débarrasser de Chavez, qui présente le défaut majeur à ses yeux de prétendre mener une politique parfois indépendante, tant vis-à-vis de Cuba qu'au sein de l'OPEP. Bien que Chavez n'ait même pas cherché à se défendre, la réaction des masses populaires de Caracas à ce coup l'a fait échouer, et Chavez est revenu au pouvoir, plus conciliant que jamais envers ceux qui l'avaient renversé. - En Irlande du nord, les "accords de paix" avaient abouti à l'élection d'un parlement-croupion et à la mise en place d'institutions sensées garantir la pérennité de la division de l'Irlande et le contrôle de l'impérialisme britannique sur le nord de l'Ile. Ces institutions ont été suspendues pour la quatrième fois par Londres et des affrontements sporadiques ont repris. - En Afrique du Sud, alors qu'une nouvelle grève s'annonce pour octobre, le gouvernement ANC-Inkatha n'a toujours pas pu stabiliser durablement la situation. La fuite en avant du régime de Mugabe au Zimbabwe voisin, procédant à des expropriations désordonnées de fermiers blancs, indique que la question du combat pour le pouvoir noir est toujours à l'ordre du jour. - Et que dire de la décomposition sociale, du chaos qui caractérise les pays d'Afrique sub-saharienne, l'Algérie (cf. CPS), ou encore des pays tels la Colombie, la Russie, etc.
Selon les thuriféraires du régime capitaliste, la guerre menée contre l'Irak en 1991 devait marquer l'avènement d'un "nouvel ordre mondial". Pour sûr, il s'agissait de la première affirmation de la puissance de l'impérialisme US, devenu seule puissance mondiale avec l'effondrement de l'URSS. C'est d'ailleurs dans la même période que la notion de "globalisation", de "mondialisation" a pris son essor dans les cercles des économistes distingués, pour désigner ainsi un prétendu nouveau stade du capitalisme; en fait, pour affirmer la supériorité éternelle du capitalisme alors que s'achevait la décomposition de la bureaucratie du Kremlin.
Mais la fiction du "nouvel ordre mondial" a fait long feu. Et il n'existe pas de "globalisation" si l'on entend par là un nouveau stade du capitalisme. Le chant de la chouette s'élève au crépuscule. Certes, le mode de production capitaliste a passé cinquante et quelques années sans crise dislocatrice, retrouvant ainsi certains traits (en matière d'internationalisation de la circulation des capitaux) qui étaient les siens avant la première guerre mondiale. Mais il est face à l'échéance, qu'il combat pour repousser, d'un krach économique et financier majeur. Une nouvelle fois:
"Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres; elles ont même commencé à pourrir. Sans révolution prolétarienne, et cela dans la prochaine période historique, l'humanité tout entière est menacée d'être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c'est à dire au premier-chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise de l'humanité se réduit à la crise de direction révolutionnaire". (Programme de Transition)
L'ensemble des analyses de notre Cercle est cadré par l'appréciation générale portée lors de notre IX° Conférence (document "une nouvelle perspective"). La période qui avait été ouverte en 1968, de crise conjointe de l'impérialisme et du stalinisme, propice à la reconstruction du mouvement ouvrier sur l'axe de la révolution prolétarienne, s'est close après que la dislocation de la bureaucratie du Kremlin n'ait pas été suivie par le déploiement de la révolution politique (ce qui se concentre dans l'échec du combat pour reconstruire la IV° Internationale) et ait finalement débouché sur la restauration du capitalisme dans l'ex-URSS et les pays de l'est de l'Europe. C'est un cycle historique qui s'est clos, celui ouvert par la révolution d'octobre 1917, la prise du pouvoir par la classe ouvrière et son parti bolchévique.
En conséquence, le prolétariat mondial est rejeté politiquement loin en arrière, d'autant que ses organisations traditionnelles, traîtres et dégénérées, font tout pour lui interdire de remettre en cause le mode de production capitaliste.
Il s'ensuit une situation dans laquelle le prolétariat subit un recul politique et dans laquelle la bourgeoisie a pris l'initiative de la lutte des classes et mène une offensive généralisée contre la classe ouvrière, pour liquider ses acquis. Mais ce processus est progressif et irrégulier. Car l'impérialisme (époque des guerres et des révolutions) reste historiquement en crise, ne peut maîtriser la marche à une crise économique dislocatrice, et n'est nulle part capable d'écraser la classe ouvrière ni de lui interdire d'engager de puissants mouvements qui posent objectivement la question du pouvoir.
Lors de notre XI° Conférence, nous avions pris la situation politique ouverte en Indonésie par le mouvement de masse qui a fait choir Suharto comme illustration des traits de la situation, dans les termes suivants: " Bien sûr, l'avenir du prolétariat mondial ne peut être scruté dans le miroir déformant de l'Indonésie, mais il apparaît nettement que: - Une profonde crise porte effectivement en elle à la fois une aggravation considérable des conditions d'existence des masses et une radicalisation de la lutte des classes, d'autant que: - Même dans un pays comme l'Indonésie, en tout cas pour le moment, la bourgeoisie appuyée sur l'impérialisme n'a pas les ressources politiques d'écraser le prolétariat, de l'empêcher de lutter - Le prolétariat indonésien n'échappe pas au sort du prolétariat mondial: il est considérablement handicapé politiquement, quelle que soit sa puissance objective par ailleurs, il est désarmé face à la question du pouvoir, de l'issue politique, ce qui se concentre dans le fait qu'en Indonésie, pas plus qu'ailleurs, n'existe de parti ouvrier révolutionnaire."
Depuis la XI° conférence, deux mouvements d'ampleur des masses opprimées sont intervenus, celui qui a mené à la chute de Milosevic en Serbie et celui encore en cours en Argentine.
L'Argentine a connu quatre années de récession économique, dont le déclencheur fut la crise financière et économique partie d'Asie du sud-est en 1997, et notamment ses répercussions au Brésil. En décembre, après de nombreux coups déjà portés contre les travailleurs, cette récession s'est transformée en véritable krach économique, processus analysé dans CPS n°8, article auquel nous renvoyons les camarades, car il ne s'agit pas ici ni de le réécrire, ni de le compléter (sinon succintement), mais d'en dégager les traits saillants.
Le premier d'entre eux est qu'en Argentine, les masses ont fait tomber le gouvernement. Leur mouvement, d'abord sous une forme confuse de réquisition de nourriture, a pris comme tremplin de facto sur une journée de grève appelée par les trois centrales "syndicales". Le gel des comptes bancaires (les caisses des banques étant en fait vides), après celle de la baisse de 13% des salaires des fonctionnaires et des pensions, avait déjà mis le feu aux poudres. Redoublant de manifestations massives, prolongeant la grève bien au delà de ce que les deux CGT et la CTA ne l'entendaient, s'affrontant avec la police, défiant et vainquant la proclamation de l'état de siège, les masses argentines mettaient à bas le gouvernement De la Rua les 19 et 20 décembre.
Et maintenant? Après l'intermède aventuriste de la présidence Saa, Duhalde a été investi. Mais son gouvernement est profondément fragile. D'une part, parce que la situation économique après la dévaluation du peso ne cesse d'empirer. Après l'Argentine, c'est l'Uruguay qui a vu son système bancaire s'affaisser brutalement, les banques ayant été fermées au mois d'août, selon un scénario à l'Argentine, sauf que le FMI cette fois-ci (et derrière lui l'impérialisme US) s'est dépêché d'intervenir. D'autant que le prochain domino dont la chute est probable n'est autre que le Brésil, pays décisif économiquement pour tout le continent, qui frôle en permanence le défaut de paiement de sa dette, soit en termes moins galants: la faillite de son Etat. En bref, la bourgeoisie Argentine n'a toujours guère d'issue devant elle. Et, bien entendu, elle doit faire face au prolétariat dans son propre pays. Quand le gouvernement a violemment réprimé, le 26 juin dernier, les manifestations de piqueteros (deux tués d'une balle dans la tête à bout portant, quatre-vingt dix blessés), il a pu mesurer dans les heures et les jours suivants l'ampleur de la protestation (grèves, manifestation). Pour tenter de reprendre l'initiative politique qu'elle a perdu, de se redonner une légitimité politique, la bourgeoisie argentine a décidé d'avancer les élections présidentielles, qui sont maintenant prévues pour mars prochain.
Où en est le prolétariat argentin? D'abord, il est profondément touché par le krach économique. Qu'il suffise de rapporter le fait que les enseignants argentins ont découvert que des milliers et des milliers d'élèves n'avaient pour toute nourriture, en dehors de la cantine scolaire … que de l'herbe. Le Monde du 28/06 donne les éléments suivants: "Le climat social se détériore de jour en jour alors qu'économiquement, l'Argentine agonise avec une chute de 18,3 % du PIB au premier trimestre, une baisse de près de 50 % des investissements par rapport à 2001 et un chômage qui touche plus de 40 % de la population, entraînant une paupérisation accélérée. Le système financier, frappé par une dévaluation de plus de 70 % de la monnaie nationale, s'est effondré. La journée de mercredi a été marquée par une nouvelle flambée du billet vert, avec un cours atteignant quatre pesos pour un dollar."
Dans le même temps, des éléments notables d'organisation des travailleurs sur leur propre terrain se sont développés, non sans contradiction, dans la mobilisation qui a renversé de La Rua. C'est ce qu'a montré le développement des Assemblées populaires de quartier, d'abord à Buenos Aires puis dans d'autres grandes villes. Mais nous avions noté dans CPS n° 8 que, d'une part: " (…) la participation de la classe ouvrière en tant que telle demeure très faible." Et d'autre part: "Dès l'apparition et le développement de ces organes nés des nécessités du combat, ceux-ci sont devenus un enjeu décisif de la lutte des classes en Argentine. La CTA, grâce à son discours "gauche", et l'Eglise catholique, ont lutté et luttent pour transformer ces assemblées de quartiers en association "d'entraide" de voisinage, et luttent avec une efficacité hélas certaine pour interdire aux partis politiques d'apparaître en tant que tels lors des manifestations convoquées par les assemblées populaires"
Le reflux de ces assemblées, que nous relevions déjà dans CPS, s'est pour le moment confirmé. Lors de la deuxième assemblée nationale de ces assemblées, fin août, n'étaient présentes avec des délégués mandatés qu'une soixantaine d'assemblées populaires. On ne peut l'ignorer. Par contre, un autre élément d'organisation de la classe ouvrière s'est développé: l'occupation des usines que les capitalistes ferment, où les travailleurs tentent de poursuivre eux-mêmes la production (plus d'un millier d'ores et déjà). Une première rencontre nationale des usines occupées s'est tenue les 22 et 23 juin. C'est bien sûr sur la base des licenciements de masse, de coups reçus, que se développe cette réaction. Mais s'ajoutent à cela les nombreuses grèves dans les transports, le téléphone, ainsi que la persistance du mouvement des piqueteros. Enfin, il est tout de même significatif que les revendications adoptées dans le cadre de ces éléments d'organisation soient clairement anti-capitalistes. On l'avait mentionné pour la première conférence des assemblées populaires, la rencontre nationale des usines occupées l'a confirmé, revendiquant explicitement l'expropriation du capital. A l'évidence, l'activité passée des organisations se réclamant du trotskysme en Argentine n'y est pas pour rien. Mais c'est un fait politique assez exceptionnel dans la période actuelle pour qu'il soit souligné.
Mais aujourd'hui encore, la classe ouvrière, l'ensemble des travailleurs d'argentine butent sur la question du pouvoir. Il s'agit de formuler une réponse positive à l'exigence sans cesse répétée "qu'ils s'en aillent tous". D'autant que les principales organisations se réclamant du trotskysme, soit s'inscrivent dans la perspective des élections convoquées par la bourgeoisie (rejetées explicitement par les rassemblements dont il est fait mention plus haut), soit maintiennent, non sans contorsions, le mot d'ordre "d'assemblée constituante" qui s'oppose de fait au combat pour le pouvoir ouvrier.
Aujourd'hui, un mot d'ordre du type: "congrès national ouvrier", regroupant les délégués des entreprises et des assemblées populaires, désignant un gouvernement qui prendrait les mesures d'urgence dont a besoin la classe ouvrière argentine permet d'y répondre positivement. [1] C'est dans le combat pour le pouvoir que la classe ouvrière argentine aura à construire ses syndicats et son parti, "une des tâches les plus vitales de l'heure: permettre aux travailleurs argentins de poser leur candidature au pouvoir et de mettre un terme à la catastrophe économique qui s'abat sur eux en organisant la production et le ravitaillement selon leurs besoins, expropriant le capital pour ce faire et mettant sur pied un plan de production et de distribution élaboré et contrôlé par les travailleurs eux-mêmes. Tel serait le chemin vers le gouvernement ouvrier, combattant pour le socialisme, dans la perspective d'Etats-Unis Socialistes d'Amérique Latine. Ajoutons enfin qu'outre la défense de cette perspective politique, la responsabilité du mouvement ouvrier en France est de dénoncer le pillage de l'Argentine notamment par les groupes capitalistes français, et, pour commencer, d'exiger l'annulation pure et simple de la dette publique Argentine." (CPS n°8) En Serbie, à l’automne 2000, c’est le prolétariat qui a été à la pointe du combat pour chasser Milosevic. Sans rentrer dans le détail (cf. CPS nlle série n°2), rappelons ici quelques éléments essentiels. Milosevic avait orchestré les élections présidentielles de sorte qu’elles servent à re-légitimer son régime. Mais, malgré des fraudes massives, il était battu dès le premier tour, et décidait alors de suspendre le processus électoral. En réaction à cette manœuvre, les masses de Serbie, ce qui reste dans ce pays de classe ouvrière, engageaient le combat pour en finir avec lui. Aux manifestations venait se combiner la grève générale (à partir des mineurs). Le parlement de Belgrade était pris d’assaut et incendié partiellement. La question du pouvoir était objectivement posée, d’autant qu’existaient des éléments d’organisation du prolétariat, notamment dans les usines, constitués aux fins d’épuration des cadres du régime.
Mais dans le même temps, rien ne servirait de nier que cette puissance qui s’est exprimée – même amoindrie considérablement par les ravages de l’intervention impérialiste - a été très vite utilisée comme une simple masse de manœuvre par « l’opposition démocratique de Serbie » (D.O.S., formée sous l'impulsion de l'impérialisme américain) pour s’emparer du pouvoir. Rappelons que le programme de celle-ci était entièrement tourné vers la satisfaction des demandes de l’impérialisme, des privatisations à l’adhésion à l’Union Européenne.
Symbole de cette situation : après que l’engagement du prolétariat eut conduit à la grève générale, à la prise d’assaut du parlement, Kostunica convenait d’une solution avec Milosevic, et le même parlement (où le parti de Milosevic est majoritaire) se réunissait afin de valider, dans la continuité de l’Etat, l’élection de Kostunica. Un dispositif transitoire était mis en place pour que la transition d’une équipe à l’autre se passe en douceur. Le mouvement du prolétariat s’arrêtait – quand bien même sa place constituait et constitue un frein objectif à la mise en œuvre des contre-réformes de la D.O.S.
Bien entendu, l’absence, au moins, de parti politique représentant la classe ouvrière, le poids d’années de régime bureaucratique, ne sont pas pour rien dans le fait qu’aucune revendication remettant en cause les objectifs des capitalistes ne soit apparue à une échelle de masse. Le fait est que le prolétariat n’a pu trouver les ressources politiques d’une expression indépendante.
A ce sujet, il est nécessaire que la conférence apprécie correctement l’erreur que nous avons commise dans CPS en avançant, avant de nous corriger, le mot d’ordre de Parti ouvrier en Serbie. La situation politique résumée ci-dessus nous avait conduit à avancer ce mot d’ordre. Mais ce serait tirer un trait radical sur toute l’expérience du mouvement ouvrier jusqu’à la destruction du PCY en tant que parti ouvrier, même dégénéré, et sa transformation en instrument de sélection de cadres pour la caste bureaucratique. Le sens de la correction que nous avons opérée, outre le constat qu’en Bosnie, par exemple, est apparu un parti social-démocrate se référant explicitement à celui existant avant la guerre mondiale, est surtout de dire que ce n’est pas à nous, vu ce que nous sommes, de décréter que la classe ouvrière de Serbie, ou d’autres pays étant passé sous la botte du stalinisme ou d’une de ses variantes, ne pourra pas renouer avec son passé, que l’existence d’un mouvement ouvrier pendant des décennies dans les Balkans est désormais lettre morte.. Le contraste saisissant entre la situation en Argentine et celle en Serbie, ou encore en Indonésie ou en Albanie, pour ne relever que ces puissants mouvements dans lesquels le désarmement politique du prolétariat est apparu de manière crue, n’est pas surprenant. Rappelons ici ce que Trotsky écrivait contre Staline dans la préface de la Révolution Permanente "Il n'est pas vrai que l'économie mondiale ne représente que la simple somme de fractions nationales similaires. Il n'est pas vrai que les traits spécifiques ne soient qu'un "supplément aux traits généraux", une sorte de verrue sur la figure. En réalité les particularités nationales forment l'originalité des traits fondamentaux de l'évolution mondiale."
Pour porter une appréciation d’ensemble sur la situation contrastée du prolétariat mondial, nous partons du fait que le prolétariat n’existe politiquement dans la société bourgeoise qu’au travers de ceux de ses acquis qui le structurent comme classe, au premier rang desquels ses organisations. Après tout, la prise en charge ouverte et revendiquée de la défense de l’ordre bourgeois, la reprise sans fard des revendications des classes capitalistes par les organisations ouvrières traditionnelles est un fait historiquement récent, indissolublement lié au processus de restauration du capitalisme et à l’échec du combat pour la Quatrième internationale. La restauration du capitalisme, la débâcle - qui a marqué la conscience des masses – de ce que fut l'URSS a permis une généralisation de ce que fut le congrès de Bad Godesberg pour le SPD en 1959. Et n’apparaissent pas à l’étape actuelle les éléments de recomposition du mouvement ouvrier sur un nouvel axe. La désynchronisation entre décomposition et reconstruction du mouvement ouvrier demeure un fait fondamental.
Ainsi, dans toute l'Europe, les conquêtes ouvrières fondamentales sont rongées et rognées, ce que le prolétariat, en particulier pour sa jeunesse et sa fraction immigrée, paie d'une dégradation constante de ses conditions de vie et de travail. Enumérer ici les divers exemples de mise en cause des régimes de retraite, les mesures accroissant la flexibilité, la privatisation ou l'étranglement des services essentiels serait entonner une longue litanie.
Mais dans le même temps, les partis issus du mouvement de la classe ouvrière considérés dans leur ensemble ne cessent d'avancer dans la défense affirmée et la mise en œuvre de cette destruction des conquêtes ouvrières. Toujours à l'avant-garde en la matière, Tony Blair et son New Labour se sont illustrés en février de cette année en allant s'acoquiner avec Berlusconi et Aznar pour défendre avec eux une plus grande "flexibilité du travail" au sein de l'Union européenne. Mais que dire de G.Schröder, surnommé en Allemagne le "camarade des patrons", ou sur le plan de la dilution des organisations elles-mêmes de la politique des dirigeants ex-PCI des "Démocrates de Gauche" en Italie…
Tous ces bureaucrates continuent régulièrement de se retrouver avec un des partis de l'impérialisme américain, le "parti démocrate", lors de "sommets de modernisateurs".
Les dirigeants des organisations syndicales ne sont évidemment pas en reste, d'autant qu'ils sont liés de mille et une manières à ceux des dirigeants des partis traditionnels. Au "syndicalisme de proposition" d'un B.Thibault fait écho le congrès des commissions ouvrières espagnoles qui, au lendemain des élections de 2000, a tressé des couronnes de lauriers à Aznar.
Reste à noter que ce processus n'a rien d'univoque. Dans de nombreux partis sociaux-démocrates, des résistances se manifestent contre le cours ouvertement pro-bourgeois de leurs principaux dirigeants. On a vu ceci se cristalliser par exemple au moment de l'élection à la mairie de Londres, lors de laquelle le candidat imposé par Blair a été rejeté d'abord par le Labour Party puis dans les urnes. Les articles parus dans CPS sur l'Allemagne ou encore l'Espagne montrent qu'il ne s'agit pas d'un phénomène isolé. Pour autant, cela n'inverse pas la tendance, d'autant que les dirigeants qui cherchent à utiliser pour leurs propres fins ce rejet se situent très clairement dans un cadre de soumission à l'ordre bourgeois, enrobé de toutes les phrases "gauche" nécessaires.
Ce mouvement général ne se limite pas à l'Europe. Il est particulièrement significatif de relever l'évolution du Parti des Travailleurs du Brésil, aujourd'hui aux portes d'une victoire électorale sans précédent, évolution résumée par les extraits suivants de Libération du 6 août titré " Au Brésil, des patrons qui votent «travailleur» Lula da Silva, l'ex-leader syndical, s'est trouvé des amis dans le patronat, qui lui est d'ordinaire si hostile. Il y a quelques jours, des industriels ont publié un manifeste soutenant sa candidature à la présidentielle d'octobre. Chef historique du Parti des travailleurs (PT), la plus grande formation de gauche et d'opposition au Brésil, Lula, qui a déjà essuyé trois défaites, est désormais en tête des sondages. Et, pour ces patrons, il est le meilleur candidat. (…) On est loin de 1989, quand le leader «pétiste» disputait sa première élection. Alors président de la puissante Fédération des industries de l'Etat de São Paulo (Fiesp), le plus riche du pays, Mario Amato avait lancé cette phrase célèbre : «Si Lula est élu, 800 000 chefs d'entreprise devront quitter le pays.» Mais Lula a changé. Au fil des vingt-deux ans d'existence du parti, l'aile plus modérée, à laquelle Lula appartient, a pris le pas sur les radicaux, les «chiites». Le discours a suivi. Le PT se veut plus fréquentable pour le «grand capital», contre lequel il prônait la «lutte» en 1980. (…) Ce manifeste vise à «vaincre l'hostilité du patronat» à l'égard du PT. Au moment où, pour la première fois, Lula est donné battu au second tour, par un candidat d'une gauche plus «soft», Ciro Gomes. «En affichant notre soutien à Lula, nous voulons briser un mythe selon lequel le patron ne vote pas pour lui, dit l'entrepreneur José Carlos de Almeida. La pétition va circuler dans tout le pays jusqu'aux élections. Notre but est de rallier un maximum de patrons, quelle que soit leur tendance politique». En cela, le parti espère bénéficier de la caution du sénateur José Alencar, à la tête du premier groupe textile du pays. Car Lula s'est reconverti à la Realpolitik. Alencar, membre du Parti libéral (PL), une formation de centre droit sinon de droite contrôlée par la secte de l'Eglise universelle du royaume de Dieu (alors que le PT est plutôt proche de l'Eglise catholique), est devenu son candidat à la vice-présidence. Lula a fini par sceller au prix de remous cette alliance jugée pourtant «contre-nature» au sein du PT. Mardi, Lula était invité par la Fiesp à présenter son programme. Aux 420 chefs d'entreprise présents, il a dit que «c'est souvent la peur qui fait les élections». Il a parlé aussi du «pacte social» qu'il entend mettre en place, s'il est élu : une concertation de tous les secteurs de la société sur les projets politiques du pays. «Lula a fait très bonne impression, assure un industriel. Mais n'allez pas croire que je le défends si je vous dis ça.»
Ajoutons que suite à l'intervention du FMI, le PT fait partie de ceux qui ont accepté, en échange du prêt, de s'engager par avance à payer la dette extérieure en cas de victoire électorale. Il n'en demeure pas moins qu'une victoire électorale du PT demeurerait une victoire politique de tout le prolétariat brésilien, qui cherchera pour cette raison à voter Lula malgré la présence discrète d'un candidat authentiquement bourgeois sur son "ticket", ce qui interdit d’émettre un vote de classe à l’élection présidentielle. Au Brésil comme ailleurs, malgré la dégénérescence de ses partis, la classe ouvrière n'a d'autre recours que de chercher à les utiliser pour poser la question du pouvoir, d'un gouvernement à elle. Il faut aussi apprécier la vague de défaites électorales subie par les partis socialistes ou sociaux-démocrates ces dernières années en Europe. Outre la France, les partis bourgeois ont remporté les élections en Italie (Berlusconi revenant par la grande porte après avoir été chassé en 1994), au Portugal, en Espagne (le PP issu du franquisme remportant pour la première fois la majorité absolue), en Hollande, au Danemark, en Norvège, etc. En septembre 2002, en Allemagne, le SPD a reculé nettement dans les élections, même si la CDU/CSU n'a pas gagné. Notons que le SPD a évité la défaite notamment en prenant position nettement contre toute intervention militaire contre l'Irak.
Il n'est guère besoin d'épiloguer sur les causes générales de ces défaites électorales: la politique que ces partis ont menée au compte de la bourgeoisie de leurs pays au gouvernement… mais encore le fait qu'ils ont eu les moyens politiques leur permettant de la mener, en d'autres termes que les classes ouvrières de ces pays n'ont pu trouver les ressources nécessaires pour l'interdire. Il faut par contre insister sur le fait que ces défaites succèdent à une situation où, après les élections françaises de 1997, la plupart des pays de l'Union Européenne avaient vécu des victoires électorales des mêmes partis. Tout en considérant que ces victoires traduisaient le fait qu'une fraction du prolétariat avait utilisé ses partis pour battre les partis bourgeois, nous n'avions pas considéré qu'elles marquaient – comme c'était le cas au début des années 80 – la reprise de l'initiative politique par les travailleurs, ni un resserrement des liens avec leurs partis traditionnels. Les faits nous donnent raison.
Le résultat est d'abord qu'au final, les partis bourgeois reviennent directement au pouvoir, disposent de moyens politiques certains pour mener leur politique réactionnaire – dans les limites que leur autorisent les rapports entre les classes, appuyés sur la démoralisation des masses que parviennent à propager les partis ouvriers traditionnels.
Là encore, cela posé, le processus n'est pas sans contradictions. En effet, la France n'a pas le monopole d'un vote parfois fort pour les partis d'extrême gauche (6% en Hollande, 3% au Portugal, presque 9% au Danemark, 12% en Norvège, etc. pour en rester aux dernières élections pour les parlements de ces pays). Ce vote manifeste l'aspiration de secteurs significatifs du prolétariat et de la jeunesse à l'ouverture d'une issue anti-capitaliste. Mais il n'y a pas à notre connaissance engagement significatif parallèlement d'un mouvement d'adhésion (ce qui est lié à la politique défendue par ces différentes organisations).
On peut reprendre ici les termes de la 5ème Conférence du Comité: "Il a fallu plus d'un siècle à la classe ouvrière pour construire ses organisations. Or progressivement elle s'aperçoit que ses organisations se sont adaptées à la société bourgeoise et la défendent, ou sont devenues des instruments de la bureaucratie du Kremlin pourrie et criminelle. Elle n'a pas d'autres instruments donc il lui faut s'efforcer de les utiliser. En même temps ce sont de formidables obstacles qu'il faut submerger et déblayer. Il faut reconstruire un mouvement ouvrier mais la classe ouvrière ne change pas d'organisation comme on change de chemise. Comme la jeunesse, elle en est venue à une méfiance profonde vis-à-vis de toute organisation. Elle a pour ainsi dire des réflexes anti-organisation. Il n'y a pas de génération spontanée, quelque chose surgissant du néant. C'est néanmoins du passé et du présent que surgira l'avenir, de l'ancien mouvement ouvrier surgiront les premiers éléments qui construiront le nouveau mouvement ouvrier avec les forces nouvelles émergeant du prolétariat et de la jeunesse."
Faute d'engagement de ce processus pour le moment, les partis sociaux-démocrates et socialistes, ceux issus de l'appareil international du stalinisme, restent les partis dominants du mouvement ouvrier, aussi traîtres et dégénérés soient-ils, mais dans le même temps la distanciation entre les masses et ces organisations atteint une ampleur sans précédent. Cependant ils les utilisent encore contre les partis bourgeois. Ces derniers mois, d'importants mouvements de grève et de manifestations ont eu lieu en Europe, au travers desquels le prolétariat a eu l'occasion de manifester sa puissance et de se dresser contre la politique des gouvernements bourgeois, en défense de ses revendications.
Le plus significatif est l'exemple italien. Contre la modification du droit des licenciements a eu lieu le 23 mars 2002 à Rome la plus importante manifestation depuis la guerre, rassemblant près de trois millions de personnes, avant que le 16 avril 2002 une grève générale de 24 heures ne paralyse totalement le pays. Ces grèves et manifestations avaient été appelées par les centrales syndicales ouvrières, et ralliées par les partis DS et PRC. En Espagne, là encore contre une contre-réforme du droit des licenciements, le 20 juin, la grève a été totale et trois millions de personnes ont manifesté à l'appel commun de l'UGT et des CCOO (commissions ouvrières). En Grande-Bretagne, le 17 juillet, à l'appel de l'ensemble des syndicats de leurs secteurs les travailleurs des collectivités locales, toutes activités confondues, étaient un million à faire grève pour des augmentations de salaires. Le lendemain, le métro londonien était mis à l'arrêt par une grève contre les privatisations. Enfin, en Grèce, en 2001, deux grèves massives, les 26 avril et 17 mai étaient convoquées par l'ensemble des dirigeants des syndicats, y compris ceux proches du PASOK au pouvoir, rejoints par les dirigeants du PC grec, pour le maintien de la retraite à 60 ans et du niveau des pensions. Une grève du même type contre le nouveau projet du gouvernement en la matière a eu lieu le 18 juin 2002.
On doit attacher une grande importance à ces grèves et manifestations, leur ampleur comme leurs limites, en relation avec ce que nous écrivions dans les conclusions "d'une nouvelle perspective": "pour l'instant, les prolétariats ne peuvent partir que de la défense de leurs conditions de travail et de vie pour engager le combat et non plus de l'acquis que représentait l'expropriation du capital en URSS et dans les pays de la partie est de l'Europe".
Tout d'abord, ces mouvements montrent que nous ne nous payons pas de mots quand nous affirmons qu'il faut fonder notre politique sur la possibilité de l'expression de la spontanéité du prolétariat et de la jeunesse.
Il est à cet égard significatif que, dans le même mouvement, les organisations syndicales concernées ont vu, au moins provisoirement, des milliers de travailleurs adhérer, par exemple dans les syndicats britanniques. Dans ces derniers, les dirigeants des syndicats les plus liés à la direction Blair du Labour Party ont parfois été défaites dans des élections internes, comme par exemple dans le syndicat des électriciens, celui des postiers, celui des transports ferroviaires. Lors du congrès des TUC, le 12 septembre, un texte s’opposant à la guerre contre l’Irak pour laquelle Blair venait de faire un plaidoyer dans le même congrès, a obtenu 40% des voix. Ajoutons que ce processus a des répercussions dans les partis politiques traditionnels. Même les "D.S." en Italie voient S.Cofferati, secrétaire général de la CGIL sur le départ, poser sa candidature à la direction des DS contre la direction sortante. A ce sujet, il faut rappeler: quand nous parlons de "gouvernement des organisations ouvrières", ou issu du front unique ouvrier, il ne s'agit pas d'un cache-sexe recouvrant le mot d'ordre du gouvernement des seuls partis ouvriers traditionnels. Il s'agit d'une formule algébrique désignant un objectif général, s'inscrivant sur la ligne du gouvernement ouvrier, dont la concrétisation peut prendre des formes inattendues, intégrant par exemple les organisations syndicales, en fonction des développements concrets de la lutte des classes dans tel ou tel pays.
En tout cas, constatons: c'est d'abord leurs organisations syndicales, plus faciles à saisir, que les travailleurs cherchent à utiliser. En Italie, de facto, la manifestation de mars et la grève d'avril et leur puissance sont le produit de la réalisation du front unique de ces organisations, auquel se sont adjointes les organisations politiques traditionnelles. A chaque fois, quand il semble aux travailleurs que la réalisation de l'unité de leurs organisations est possible, quand elles appellent ensemble à des actions centrales, la réponse des prolétaires est massive.
Pour autant, ces grèves ne signifient pas que le prolétariat aurait à cette étape repris l'initiative politique. Il suffit d'en mesurer l'aboutissement. En Italie, le 18 juillet, Berlusconi parvenait à arracher la signature des dirigeants de l'UIL sur la question de l'article 18 (cf. CPS nlle série n°8). Les travailleurs nouvellement embauchés dans les PME ne seront plus couverts par cet article, en "échange" d'une hausse fort modeste des crédits consacrés à l'augmentation de leurs allocations chômage. Partage du travail: la contre réforme du droit du travail a été rendue possible par la politique de la direction de la CGIL qui avait organisé en juin et juillet une série de grèves régionales tournantes de quatre heures, disloquant la puissance exprimée en mars et avril. En Angleterre, les dirigeants syndicaux ont signé un accord sur les salaires qui, s'il se traduit par des augmentations bien supérieures à celles initialement proposées par leurs employeurs aux agents des collectivités territoriales, est loin de la satisfaction des revendications initiales. En Grèce, après avoir reculé en 2001, le gouvernement dirigé par le PASOK a réengagé son offensive contre le régime des retraites, en procédant de manière différenciée selon les secteurs et l'âge des travailleurs, obtenant ainsi un soutien ouvert des dirigeants des syndicats liés au PASOK. En Espagne, avant même la grève générale, le gouvernement Aznar avait promulgué les décrets instaurant son super-PARE. Devant les difficultés suscitées par ce décret, le gouvernement Aznar est rentré dans un processus de négociation de celui-ci avec les directions syndicales.
En Europe, les appareils syndicaux constituent une aide irremplaçable pour la bourgeoisie.
Il n'en reste pas moins que ces mouvements confirment et appuient la nécessité de combattre sur la ligne du front unique des organisations ouvrières (syndicats mais aussi partis) contre les gouvernements au service du Capital et leur politique, sur la ligne de la rupture de ces organisations avec ces gouvernements, contre le "dialogue social". Ce qui ne fait qu'exprimer consciemment le processus inconscient à l'œuvre dans les mouvements mentionnés ci-dessus. C'est d'autant plus important qu'il faut bien considérer, surtout en ce qui concerne ce qui s'est passé en Italie, que ces différentes manifestations de la puissance du prolétariat indiquent par quel chemin la classe ouvrière cherche et cherchera à reprendre la voie du combat. C'est sur l'expression de celle-ci que nous devons être axés. Considérant d'une part, la nécessité vitale pour l'impérialisme d'amplifier son offensive à tous niveaux contre le prolétariat mondial et les peuples opprimés, poussé en cela par l'ensemble de la situation économique; d'autre part que le prolétariat, malgré les coups reçus et les reculs subis, garde une capacité de résistance et de combat décisive, on ne peut que s'attendre à une situation de plus en plus instable, chaotique, violente, jalonnée de grands affrontements entre les classes. C'est dans cette perspective qu'il nous faut reprendre les termes par lesquels nous concluions notre XI° Conférence: "Le fait que coïncide avec l'impasse historique du mode de production capitaliste un profond handicap politique de la classe ouvrière ne peut que déboucher sur une situation de plus en plus chaotique. Mais il est à la fois inévitable que, quelques soient les délais, l'ampleur de la dégénérescence du mouvement ouvrier, du désarroi politique de la classe ouvrière, les masses seront amenées à chercher une issue politique. Inéluctablement se dégageront les matériaux pour la reconstruction du mouvement ouvrier sur l'axe de la révolution prolétarienne, quand bien même la désynchronisation entre la décomposition du mouvement ouvrier et sa recomposition a créé une situation inédite. C'est dans cette perspective que doit se situer l'action du Comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire, de l'Internationale ouvrière révolutionnaire. Le Comité participera de ce bouillonnement, y interviendra sous toutes les formes possibles en défendant la nécessité de la construction du parti ouvrier révolutionnaire. Il fera de l'objectif de la construction du parti ouvrier révolutionnaire un mot d'ordre d'agitation et de construction de ce parti et participera à tous les processus qui vont dans ce sens. Il le peut, il le doit d'autant plus qu'il a une politique et un programme à proposer et à défendre.
Il s'agit pour lui de contribuer à ce que soit surmontée la crise de la direction révolutionnaire. Cela signifie que sa tâche est de défendre les acquis politiques hérités d'un siècle et demi de combat pour l'émancipation de la classe ouvrière, acquis politiques qui sont indispensables pour que le mouvement vers la reconstruction du mouvement ouvrier n'échoue pas.
C'est à partir de cet objectif que s'ordonne son orientation, son intervention dans la lutte des classes en France." Rapport rédigé au 28 septembre 2002, discuté et adopté à l'unanimité par la conférence le 11 novembre 2002.
[1] Ce rapport était déjà adopté lorsque nous avons appris que la deuxième assemblée nationale des travailleurs, qui rassemble des centaines de délégués des usines occupées, des assemblées populaires, du mouvement piqueteros, réuni les 28 et 29 septembre 2002, concluait la résolution adoptée ainsi: « Notre lutte est la lutte pour le pouvoir. Nous proposons qu’un congrès des assemblées populaires et des piqueteros, des syndicats combatifs, des usines en lutte, des organisations étudiantes et populaires, jette les bases d’un nouveau pouvoir politique populaire qui ouvre la voie à une solution ouvrière, anticapitaliste et anti-impérialiste, à la crise, balayant le piège électoral de Duhalde et le FMI par un nouvel Argentinazo (référence au mouvement des 19-20 décembre 2002).» |
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