Editorial de Combattre pour le Socialisme n°8 (90) du 27 mai 2002

 

 

Après le plébiscite de Chirac, dû au PS, au PCF, à la LCR, aux dirigeants syndicaux (CGT et FSU en tête),  une première échéance: les élections législatives.

Tout faire pour battre Chirac

et tout candidat des partis et organisations bourgeois

 

La garde rapprochée de Chirac …

… engage "au galop" (Raffarin) le programme du Medef

"Le bleu marine va redevenir à la mode" (Devedjian)

Chirac et le Medef en quête d'une majorité parlementaire bleu CRS

Retour sur les présidentielles: défaite du prolétariat dès le premier tour

Progression incontestable du Front National

Partout en Europe

Le Front Républicain, tapis rouge déroulé au candidat principal du grand Capital

PS, PCF, dirigeants syndicaux en rabatteurs électoraux de Chirac

Second tour: plébiscite triomphal pour Chirac

L'U.M.P., parti du président, fruit du plébiscite

Le PS et le PCF dans les législatives:  poursuite de la politique qui a mené à la défaite du premier tour et au plébiscite de Chirac…

… ainsi que de la part de la LCR, de LO et du PT

Sans attendre le résultat des élections, les dirigeants syndicaux apportent leur soutien  au gouvernement Chirac-Raffarin

Préparer le combat contre le gouvernement Chirac-Raffarin,  sur la ligne du front unique des organisations ouvrières

Législatives: notre position

Notre politique

 

La garde rapprochée de Chirac …


Dès le lendemain du plébiscite triomphal qu'a constitué pour lui le second tour de l'élection présidentielle, Chirac s'est appliqué à faire mentir les Hollande (PS ) et Hue (PCF) qui prétendaient au soir du 5 mai, pour couvrir la forfaiture qu'avait été leur position pour le vote Chirac, l'un:

 "Chirac est élu non sur un programme, mais sur un mandat simple : faire pleinement vivre la démocratie", (…) "La droite aurait tort de s'arroger la confiance de notre pays et de revendiquer l'essentiel du pouvoir".

et l'autre:

"Jacques Chirac ne peut se prévaloir d'un vote en faveur de sa personne ou de la politique qu'il se propose de conduire".

 

Le 6 mai, il nommait premier ministre Raffarin, qui a soutenu Chirac contre son chef de parti, Madelin. Choix révélateur.

Son parcours politique est susceptible de rallier aux candidats de l’UMP les couches les plus réactionnaires de l’électorat bourgeois, le monde réactionnaire des petits boutiquiers et des petits entrepreneurs dont une partie significative a voté Le Pen ou Mégret. Il fait office de bedeau ultra réactionnaire. C’est l’homme par lequel « La France d’en bas » peut enfin s’exprimer.

Il a dans un premier temps construit sa carrière politique dans le sillage de Monory, homme politique de la bourgeoisie de tradition « démocrate-chrétienne » et de Valéry Giscard d’Estaing. Raffarin s’affiche lui-même comme un catholique pratiquant, un homme dont la valeur essentielle est la famille, mais qui revendique aussi  « le sens du devoir, la glorification du travail, le dévouement à la nation ». En 1994, il rallie Jacques Chirac. En 1995, au titre de ses bons et loyaux services envers Chirac dans sa compétition avec Balladur, il obtient dans le gouvernement Chirac-Juppé le ministère des PME (ministre des PME, du commerce et de l’artisanat). Le Monde du 8 mai 2002 précise « C’est là que M. Raffarin se forge, sous l’œil de plus en plus intéresse du chef de l’État, cette image de « proximité » à partir de laquelle il ébauchera une méthode, la « nouvelle gouvernance ». Il défend les boulangers, s’en prend à la grande distribution, soigne la CGPME [Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises dont de nombreux dirigeants ne cachent pas leur sympathie pour le FN -ndlr], et délocalise périodiquement son ministère en province ». Devenu par la suite vice président de Démocratie Libérale mais menant campagne pour Chirac dés le premier tour, il a permis à ce dernier de jeter un pont vers le ralliement de Madelin et de ses troupes à l’UMP.

 

En janvier 2002, Jean-Pierre Raffarin a publié un ouvrage intitulé «  Une nouvelle gouvernance ». En ligne avec le MEDEF, il propose de « limiter le nombre des lois » et de « confier aux régions un pouvoir réglementaire ». A titre d’illustration, Raffarin suggère d’en finir avec l’Éducation nationale et de « transformer les rectorats en établissements publics régionaux » et de « promouvoir l’autonomie de gestion des établissements ». Jean-Pierre Raffarin se présente aussi comme un champion du « dialogue social ». A ce titre il est un chaud partisan des « référendums d’entreprise ».                    

 

Le Medef s'est bien sûr félicité de sa nomination:

"E-A.Seillière apprécie que le Premier ministre soit un homme de terrain, ayant l'expérience de l'entreprise. Homme d'écoute, Jean-Pierre Raffarin tranche avec les personnalités du gouvernement précédent." (nous soulignons)

 

Chirac, main dans la main avec Juppé, premier ministre officieux, a immédiatement composé lui-même le gouvernement, dont la composition vaut elle aussi en tant que telle déclaration de guerre contre le prolétariat et la jeunesse.

Y figurent nombre de proches de Chirac, tel que l'ex-"occident" Devedjian, avocat du président, JP Delevoye (Fonction Publique), ex-candidat malheureux du président à la présidence du RPR, D.de Villepin (Affaires Etrangères), ancien secrétaire général de l'Elysée, H.Gaymard (Agriculture), D.Perben ("Justice"), R.Bachelot (Ecologie), J-J.Aillagon (Culture) etc. On y trouve également des débauchés de l'UDF, anciens soutiens de premier ordre de F.Bayrou qui ont renié leur chef de file pour un maroquin (de Robien, Borloo).

 

Et que dire du nouveau ministre de l'économie et des finances, Francis Mer! En charge au moment de sa nomination d'un des groupes de travail de la "refondation sociale" au compte du Medef, F.Mer est le représentant direct du grand capital dans le gouvernement, licencieur patenté (ancien PDG d'Usinor dont il a conduit la privatisation en 1995, il a à son passif 70 000 suppressions d'emplois en 15 ans … période sur laquelle son groupe aura reçu 100 milliards de francs d'aides publiques).


… engage "au galop" (Raffarin) le programme du Medef


Tel gouvernement, tel programme. Sur Europe 1, le jeudi 16 mai, F.Fillon, en charge des affaires sociales, résumait:

"On a un projet. Tout le monde sait que nous voulons assouplir les 35 heures, régler le problème des régimes de retraite, abaisser les charges sur les bas salaires, mettre en place une assurance emploi. Nous allons mettre toutes ces propositions sur la table (...) parce que nous voudrions à l'avenir que l'Etat en fasse de moins en moins et les partenaires de plus en plus"

 

A ce catalogue de mesures réactionnaires, on doit ajouter la baisse de 5% de l'impôt sur le revenu annoncée par Chirac, mesure qui bénéficierait à hauteur de 70% aux 10% des foyers fiscaux les plus riches. Et encore: la "réforme de l'Etat" dont les axes sont avancés dans le livre cité de Raffarin, et dont J-P.Delevoye n'a pas fait mystère, recevant les directions syndicales les 16 et 17 mai, que tel était son objectif.

En réalité, le programme du gouvernement Chirac-Raffarin est, intégralement, celui du Medef. Sortant de Matignon le 17 mai, Seillière s'en félicitait:

" Nous sommes donc encouragés au terme de cet entretien que nous pourrons, comme nous le souhaitons et comme nous l'avons demandé depuis des années, contribuer dans un esprit de partenariat aux actions fondamentales de rénovation et de restructuration de notre pays pour sa réussite."

 

Ce gouvernement des "fondés de pouvoir du Medef" (dixit J-M.Ayrault, PS) entend aussi reprendre la voie tracée par la "refondation sociale" pour liquider les acquis ouvriers, de l'association systématique et à tous niveaux des directions syndicales, à commencer par celles des confédérations CGT et FO, à sa politique.

Et là ne s'arrête pas le "galop" réactionnaire du gouvernement Chirac-Raffarin.


"Le bleu marine va redevenir à la mode" (Devedjian)


En matière de "sécurité", c'est-à-dire de répression et de renforcement de l'Etat bourgeois, le gouvernement a mis les bouchées doubles. Le secrétaire général du syndicat des CRS reprenait ainsi le 16 mai, pour exiger qu'il ne s'agisse pas que d'un effet d'annonce, les propos du ministre aux "libertés locales" (?) Devedjian:

"Depuis une semaine, j'ai remarqué que nous étions l'objet de toutes les attentions et que le bleu marine, paraît-il, va revenir à la mode"

 

"Le bleu CRS à la mode", voilà un bon résumé de la politique du gouvernement Chirac-Raffarin. Le simple fait que le ministre de la Sécurité intérieure, Sarkozy, soit protocolairement numéro 2 du gouvernement, ce qui est une nouveauté, indique quelle importance le gouvernement porte au renforcement de l'appareil de répression. En quelques jours ont été annoncés: la création de groupes régionaux coordonnant les services de police, de gendarmerie, des douanes et des finances (mais il n'en est pas prévu pour s'occuper du délinquant qui  occupe l'Elysée), le renforcement de la police dans les transports parisiens (lors d'une visite pour eux pleine d'exotisme de Sarkozy et Raffarin à la station Métro-RER des Halles). Plus spectaculaire: l'annonce par Sarkozy que les policiers de "proximité" allaient être équipés d'armes tirant des projectiles en caoutchouc… qui ne sont pas mortels à plus de cinq mètres de portée. Ces "flashballs", qui équipent déjà les "brigades anti-criminalité" réputées pour leur brutalité, sont aussi des armes conçues pour la répression des manifestations. Et en fin de compte, outre l'accroissement de l'arrogance et de la violence policières, le renforcement de la "bande d'hommes armés" qui sont le coeur de l'Etat est tournée contre les travailleurs, la jeunesse, contre leurs libertés démocratiques, contre leurs mobilisations en défense de leurs conditions de vie et de travail, ce à quoi précisément toute la politique des Chirac-Raffarin aboutit, avec la décomposition sociale et ses conséquences quotidiennes afférentes.

En tout état de cause, un des objectifs du gouvernement est de s'assurer que ne se renouvellent pas les rebellions qui se sont manifestées parmi les membres de l'appareil d'Etat fin 2001.

 

Le "bleu CRS" est la couleur hissée sur le pavois de la 5ème République avec le plébiscite de Chirac, et sert dans l'immédiat de drapeau de ralliement aux partis bourgeois pour les législatives. Combien significative est la mise en scène du Stade de France à l'occasion de la finale de la coupe de France de football, vraisemblablement montée de toutes pièces (comme souvent quand il est question en même temps de RPR et de Corses): s'en est suivie une apologie hystérique du drapeau national (celui des Versaillais, des massacreurs de la commune), et des propositions de loi (de Rudy Salles, député RPR des Alpes-maritimes) visant à créer le délit d'outrage au drapeau ou à l'hymne national, inexistant jusqu'ici.


Chirac et le Medef en quête d'une majorité parlementaire bleu CRS


Reste encore pour le gouvernement Chirac-Raffarin a obtenir une majorité parlementaire à sa botte pour avoir les coudées franches. Pour le gouvernement … et pour le Medef. Ce dernier a clairement pris parti en faveur d'une majorité chiraquienne à l'Assemblée, pièce décisive venant couronner celle existant au Sénat, et dans la plupart des Régions. Le 14 mai, le baron Seillière déclarait

" qu'une cohabitation bloquerait complètement la réforme de notre pays. La cohabitation est un mauvais mode de gouvernance.

Le président du MEDEF a souligné que le programme du Parti socialiste tranchait avec les propositions du candidat Jospin qui avait pris en compte certaines préoccupations du MEDEF. Le programme du Parti socialiste revient à des orientations surannées : cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; limitation des CDD ; maintien à l'identique du système des retraites. " Les cadeaux sociaux sont plus faciles à faire que la réforme. " Enfin, le programme du Parti socialiste ignore le dialogue social." (Point presse du Medef)

On ne saurait être plus clair.

 

Chirac et ses troupes partent certes avec un avantage fondamental : le plébiscite dont Chirac a été l'objet le 5 mai. Et ils préparent les législatives sur les brisées de l'Union nationale réalisée autour de Chirac: "à droite toute". Permet de le mesurer, outre les premières mesures du gouvernement, la position prise par Serge Lepeltier, président délégué du RPR, le 21 mai. Car celui-ci a affirmé quelques heures durant que les chiraquiens ne comptaient pas se retirer au second tour en cas de triangulaire et qu'il ne serait pas dérangé par l'élection de quelques députés FN. Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que Lepeltier a dit une nouvelle fois tout haut ce que le président Chirac et ses proches disent dans les couloirs et les alcôves. Et ceci découle directement des résultats des présidentielles.


Retour sur les présidentielles: défaite du prolétariat dès le premier tour


Le tableau ci-dessous donne les résultats des trois dernières élections à caractère national, présidentielles de 1995, législatives de 1997, présidentielles de 2002, par rapport aux exprimés et aux inscrits.


 

 

1995-%exp

1997- %exp.

2002 - %exp.

 

1995-%ins.

(abst 21,6%)

1997- %ins.

(abst 32,0%)

2002 - %ins.

(abst 28,4%)

P.S.

P.C.F.

Extr. Gauche

23,3%

8,6%

5,3%

25,5%

9,9%

2,2%

16,2%

3,4%

10,4%

 

17,7%

6,6%

4,0%

16,5%

6,4%

1,4%

11,2%

2,3%

7,2%

Total votes "ouvriers"

37,2%

37,6%

30,0%

 

28,4%

24,3%

20,7%

Div.g,

écol.

 

3,3%

3,1%

6,3%

7,6%

5,2%

 

 

2,5%

2,0%

4,0%

5,3%

3,6%

Sous-total

3,3%

9,4%

12,8%

 

2,5%

6,0%

8,9%

RPR

UDF + DL

Div.d

20,8%

18,6%

4,7%

16,8%

14,7%

4,6%

19,9%

10,7%

3,1%

 

15,9%

14,1%

3,6%

10,9%

9,5%

3,0%

13,8%

7,4%

2,1%

Sous-total

44,2%

36,2%

33,7%

 

33,6%

23,4%

23,3%

Divers

0,3%

1,8%

4,2%

 

0,2%

1,2%

2,9%

FN

MNR

15,0%

15,1%

16,9%

2,3%

 

11,4%

9,8%

11,7%

1,6%

Sous total FN-MNR

15,0%

15,1%

19,2%

 

11,4%

9,8%

13,3%

Total partis bourgeois

62,8%

62,4%

70,0%

 

47,8%

40,3%

48,4%

 

(Nota Bene: les "divers droite" sont en 1995 de Villiers (qui a appelé à voter Chirac en 1995 et 2002 et RPR-UDF au second tour en 1997); en 2002 Boutin, grenouille de bénitier issue de l'UDF et Lepage, écologiste tendance Juppé. Les "divers gauche" sont pour 2002 les candidats des deux partis qui ont composé le gouvernement de la "gauche plurielle", à savoir le Taubira (PRG) et Chevènement, quand bien même ce dernier a aussi cne partie de l'électorat Pasqua/de Villiers).

 


Le premier fait marquant de ce premier tour, c'est la chute des voix se portant sur les partis et organisations du mouvement ouvrier. La débâcle électorale des deux principaux partis ouvriers traîtres et dégénérés, le PS et le PCF, qui s'est traduite par l'élimination de Jospin dès le 21 avril, n'est pas compensée par les voix des organisations "d'extrême-gauche". Le score du PS est aussi désastreux que celui obtenu lors des législatives de 1993, c'est dire. Quant à celui du PCF, il n'est même pas possible de chercher une comparaison. Hue perd quasiment les deux tiers de ses voix en sept ans. C'est tout simplement le bilan de cinq ans de gouvernement de "gauche plurielle" au service du Capital qui s'exprime, bilan sur lequel CPS s'est assez largement exprimé pour qu'il ne soit pas besoin d'y revenir une nouvelle fois. Il suffit de citer les congratulations de de Robien à Gayssot, lors de la passation de pouvoirs au ministère des transports: "je te (sic!) félicite du travail que tu as accompli depuis cinq ans"… 

Ont au contraire largement prospéré sur ce bilan réactionnaire les formations bourgeoises membres de la "gauche plurielle" dont la progression est tout à fait significative.

 

Une fraction de l'électorat ouvrier s'est reporté sur les candidats "d'extrême-gauche", principalement LO et la LCR, le PT ayant eu un score à la mesure de son appel à ne pas voter, même pour lui. Relevons que le candidat de la LCR a été fortement propulsé dans les dernières semaines de la campagne, bénéficiant d'une "sympathie" médiatique qu'il faut mettre en rapport avec la campagne de calomnies qui se déversait dans le même temps sur Lutte Ouvrière. La candidature O.Besancenot a été largement utilisée pour faire pièce à celle d'Arlette Laguillier, limiter l'ampleur du vote se portant sur cette dernière. Mais le vote LO, LCR et PT confondus manifeste à l'évidence la recherche par une fraction réelle mais limitée du prolétariat et de la jeunesse d'une issue politique. Si ce mouvement est demeuré limité, c'est naturellement par l'absence de réponse de ces organisations à la question centrale: quel pouvoir, quel gouvernement, - dans quoi s'inscrivait leur refus préventif et commun d'appeler le cas échéant à voter PS au deuxième tour contre le candidat principal de la bourgeoisie Chirac- et le refus d'ouvrir la perspective du combat pour le parti ouvrier révolutionnaire.

 

Mais la hausse de l'abstention, un record pour un premier tour d'élections présidentielles, s'explique d'abord (pas uniquement) par une forte abstention ouvrière. Pour de larges secteurs du prolétariat, de la jeunesse, cela manifeste avant tout un profond désarroi politique.

 

Doit être pris enfin en considération le fait qu'une fraction importante de l'électorat ouvrier, dans des proportions équivalentes à celles de 1995, a continué de voter pour le candidat du Front National, d'autant que tous les autres partis y régressent dans le même temps. Ce sont le PS, le PCF, et les dirigeants syndicaux qui portent l'entière responsabilité de cette situation qui voit le FN arriver en tête dans nombre de villes ouvrières. Leur politique de trahison systématique des intérêts ouvriers depuis la victoire électorale de mai-juin 1981, leurs années de "gestion honnête et loyale" du capitalisme en crise, a provoqué un immense désarroi, une grande confusion politique qui a jeté nombre de travailleurs dans les bras du démagogue raciste Le Pen.

 

Deuxième fait marquant: dès le 21 avril au soir, Chirac pouvait jubiler. Il savait avoir gagné. Que son résultat du premier tour soit aussi médiocre que ceux qu'il a réalisé à chacune de ses candidatures précédentes ne change strictement rien à l'affaire. Cela dit, les partis traditionnels de la 5ème République (RPR-UDF-DL) ont stagné dans ces élections à leur niveau (par rapport aux inscrits du premier tour des élections de législatives de 1997). Est en cause leur crise sous-jacente, dont la racine est leur échec à entraîner derrière eux les couches réactionnaires de la société sur l'axe de la réalisation des objectifs fondateurs de la 5ème République contre le mouvement ouvrier et les libertés démocratiques. Partant, est aussi en cause la situation difficile de l'impérialisme français, impérialisme de troisième ordre, soumis dans certains secteurs à une concurrence intenable (ce qui s'était exprimé notamment lors de la ratification du traité de Maastricht). A cet égard, il est significatif qu'une partie non négligeable de l'électorat traditionnel du RPR se soit porté dès le premier tour sur le FN (ou le MNR), constitué précisément pour renouer avec ces objectifs. C'est ce mouvement qui a assuré la progression du FN par rapport à 1995/97. Mais disons-le: le plébiscite de Chirac au deuxième tour lui donne de nouveaux moyens pour tenter de résorber partiellement la crise de représentation politique de la bourgeoisie, et sa politique depuis sa réélection vise en priorité à récupérer les voix du FN.


Progression incontestable du Front National


Le troisième fait marquant de ces élections est en effet le succès politique remporté par le FN, matérialisé par l'accession de Le Pen au second tour. Ce succès est évidemment d'abord dû à la débâcle électorale de Jospin. Mais il n'en demeure pas moins que le FN réussit à reprendre la place incontournable qui était la sienne notamment lors des régionales de 1998, et que la scission organisée au compte du RPR par Megret et une grande partie de l'appareil avait nettement amoindrie – ce qui s'était vu lors des municipales de 2001. Rappelons que cette scission était sous-tendue par l'objectif (de Mégret) de faire du FN un parti "respectable", avec lequel RPR et UDF puissent s'allier sans risquer de mettre le feu aux poudres dans un prolétariat et une jeunesse spontanément hérissés par la nature du FN. Ironiquement, lors de la campagne, Megret, rejeté dans ses offres de service aux partis de la 5ème République après les avoir servi lors de la scission, a par contre-coup développé une campagne immonde de racisme bien plus ouvert que celle de Le Pen.

 

Le Pen profite largement de l'inversion du calendrier électoral décidée par Jospin. C'est assez cohérent, somme toute: cette inversion visait à réaffirmer la primauté du président sur l'Assemblée, dans la logique de la constitution de la 5ème République. Elle a du coup favorisé l'aspirant-bonaparte par excellence qu'est Le Pen contre son ex-lieutenant félon Megret, nettement moins crédible dans ce rôle. Ce qui n'exclut pas qu'aux législatives, le MNR puisse dans bien des cas (au plus grand profit des chiraquiens) affaiblir considérablement le FN et lui interdire ici ou là d'accéder au second tour des élections (et réciproquement dans les bastions du MNR).

 

A joué également l'impossibilité de Pasqua d'obtenir les signatures nécessaires à sa candidature, ce que tant Pasqua que Le Pen - et on peut les croire - ont attribué à Chirac, ce dernier souhaitant bien sûr un second tour entre lui et Le Pen.

 

Mais le Front National a d'abord profité de la campagne "sécuritaire" ultra-réactionnaire menée à grand renfort de médiatisation outrancière par Chirac et ses alliés, terrain sur lequel Le Pen prospère et a capté une part de l'électorat traditionnel RPR-UDF.

 

Le Front National n'est pas un parti bourgeois "comme les autres". Dirigé par des nostalgiques du fascisme et de Pétain, il est la pointe avancée de la Réaction en France, et à ce titre son succès sert de point d'appui considérable aux mesures anti-immigrés, liberticides et policières prises par les gouvernements successifs de la Cinquième République. En pratique, son "programme" est à quelques virgules près le programme du Parti Républicain aux USA, y compris en matière d'avortement, de peine de mort, d'immigration … et de baisses des charges. Car le FN est avant tout au service du grand Capital, quand bien même son ossature vient de tous ceux dont les pieds ont été écrabouillés par la Cinquième République et la crise économique, de l'OAS aux patrons de PME. Pour qui en douterait, il suffit de considérer son revirement spectaculaire sur la question de l'Euro entre les deux tours. Après que le Medef ait signifié qu'il était hors de question de sortir de l'Europe et de la monnaie unique, J-C.Martinez d'abord, Le Pen ensuite, ont tout simplement opéré un virage à 180 degrés sur ce point.

 

Parti de type particulier, ultra-réactionnaire et raciste, le FN n'est pas pour autant un parti fasciste. Il ne dispose pas de troupes de choc prêtes à affronter le prolétariat (et dans ce domaine, il a aussi été affaibli par le scission d'avec le MNR mégretiste). Mais il constitue une base jusqu'ici solide pour s'engager dans cette voie si les circonstances s'y prêtaient.


Partout en Europe


Comment ne pas noter que certains traits saillants des présidentielles se lisent aussi dans la situation d'autres pays d'Europe. Les défaites électorales des partis socialistes et sociaux-démocrates, des partis ouvriers-bourgeois, se sont enchaînées ces derniers mois, ils ont perdu le pouvoir dans des pays comme l'Italie, l'Autriche, plus récemment le Portugal et ce mois de mai la Hollande. Les raisons sont fondamentalement les mêmes qu'en France: la prise en charge toujours plus affirmée des intérêts de leurs bourgeoisies respectives, la dégénérescence politique sans cesse plus voyante de ces partis.

 

Dans nombre de pays également se développent des partis aux traditions certes différentes mais qui tous se situent sur une ligne ultra-réactionnaire, anti-immigrés et fort critiques notamment vis-à-vis de l'Union Européenne. Au Danemark, en Autriche, demain en Hollande, en Italie surtout (avec tant l'Alliance Nationale que la Ligue du Nord), ces partis ont été intégrés dans les coalitions gouvernementales dans lesquelles ils servent de béquilles aux principaux partis bourgeois. Tous expriment, de manières diverses, les difficultés de fractions significatives de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie face à l'accroissement incessant de la concurrence à l'échelle internationale, à la concentration et centralisation du Capital en de moins en moins de mains depuis les années 80, aussi face aux conséquences du développement de l'Union Européenne. Tous expriment la direction qui serait immanquablement prise dans chaque pays en cas d'aggravation prononcée de la situation économique mondiale.

 

Nous n'en sommes pas là. Mais les mesures protectionnistes de "guerre économique" prises par le gouvernement Bush junior, et les éventuelles rétorsions européennes, les discussions sur un éventuel non-respect du "pacte de stabilité", s'inscrivent dans un contexte où la reprise économique constatée est extrêmement fragile, dans la mesure où elle ne procède pas ni ne s'accompagne pour l'instant d'une croissance des investissements productifs, décisifs dans le mode de production capitaliste. La bulle spéculative boursière quant à elle n'a pas repris son expansion même si elle n'a pas connu de contraction aussi importante qu'on pouvait le penser (et la politique menée aux USA de déficit budgétaire et de baisse radicale des taux d'intérêt n'y est pas pour rien). Autrement dit, toutes les charges explosives restent en place et l'avenir immédiat reste plus qu'incertain.

 

Raison de plus pour que le gouvernement Chirac-Raffarin soit aussi agressif que possible contre la classe ouvrière, appuyé sur une éventuelle majorité parlementaire. Mais dans cet objectif, il dispose du point d'appui considérable qu'a été le plébiscite de Chirac organisé dès le soir du premier tour par le PS, le PCF, les dirigeants syndicaux (CGT et FSU en tête, et encore l'UNEF).


Le Front Républicain, tapis rouge déroulé au candidat principal du grand Capital


A partir du 21 avril au soir, à la notable exception de Lionel Jospin dans un premier temps, l'ensemble des représentants du PS et du PCF, la direction confédérale CGT, la direction FSU, et à leur traîne celle de l'UNEF, appelaient à voter Chirac. Le communiqué de la direction confédérale CGT du 22 avril affirme:

"Cette situation lourde de menaces pour le monde du travail en matière de droits, de libertés, de progrès social, de démocratie conduit la CGT à appeler ses militants et ses organisations à tout mettre en œuvre pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen : son résultat lors du deuxième tour de l'élection le 5 mai prochain doit être le plus bas possible."

 

Cela revient à faire de Chirac le garant des "droits, libertés" du "monde du travail", et même celui du "progrès social"! Contrairement à ce qu'affirme le rapport fait par Le Digou lors du CCN des 15 et 16 mai, affirmant alors:

. "Syndicalement, nous n'avons pas de responsabilités dans les résultats catastrophiques du premier tour. Mais nous avons d'immenses responsabilités pour bâtir des solutions",

la direction confédérale CGT comme celle de FO, de la FSU, de l'UNEF, portait une responsabilité immense pour le résultat du premier tour, en n'appelant pas à voter contre les candidats de la bourgeoisie, pour les candidats des partis et organisations du mouvement ouvrier.

 

Mais à la défaite du premier tour s'est ajoutée une défaite politique pour toute la classe ouvrière: la mise en place d'un "front républicain" avec comme objectif le plébiscite de Chirac. S'est enclenchée une campagne hystérique dans laquelle ont été stigmatisés en particulier Lutte Ouvrière, qui refusait d'appeler à voter Chirac, ou encore la direction confédérale FO. Cette dernière, bien que ne faisant pas mystère de son soutien à la candidature Chirac au second tour, se refusait en effet à se dépouiller des habits élimés de "l'indépendance syndicale", de "l'apolitisme", si utiles en tant de circonstances à la bourgeoisie quand il s'agit d'interdire à la classe ouvrière de poser la question décisive du pouvoir. Elle n'appelait donc pas formellement à voter Chirac.

 

C'est au nom du "danger fasciste" que PS, PCF, mais aussi la LCR (cette dernière allant jusqu'à exclure un groupe de militants qui s'opposaient à la consigne de vote pour Chirac) les dirigeants du mouvement ouvrier traditionnel ont soutenu le candidat du grand Capital. Or, même dans l'hypothèse où le FN eût été un parti fasciste, cette position n'en aurait pas moins été une trahison. On peut se souvenir qu'en 1932, la social-démocratie allemande ne présenta pas de candidat aux présidentielles en Allemagne et se rallia dès le premier tour au maréchal Hindenburg pour faire "barrage à Hitler".  Quelques mois après, Hindenburg nommait Hitler chancelier.

 

Pour ce qui est du présent, chacun sait qu'en Italie, au Danemark, en Autriche, les équivalents locaux de Chirac gouvernent en alliance avec les partis les plus réactionnaires, tout comme ils se préparent à le faire en Hollande. Chacun sait ou devrait savoir qu'il n'y a pas de ligne de démarcation entre RPR/UDF et FN/MNR sur les questions essentielles. L'encadrement du FN et du MNR a été puisé parmi les cadres des partis de la 5ème République. Dans les années 80, non seulement de nombreuses alliances électorales ont eu lieu entre ces partis, mais encore c'est dans les mêmes cercles qu'ils élaboraient leur programme (citons le club de l'horloge). Alors (en juin 1985), Chirac peut dire: 

"il y a un type, Le Pen, que je ne connais pas et qui n'est probablement pas si méchant qu'on le dit. Il répète  certaines choses que nous pensons, un peu plus fort et un peu mieux, en termes plus populaires".

 

Et en 1998 encore, dans plusieurs régions, UDF et RPR acceptèrent de s'allier avec le FN. Un an avant, c'était le vote de la loi Debré, dont le promoteur, fidèle chiraquien, présentait l'esprit en ces termes:

"Est-ce que vous acceptez que des étrangers viennent chez vous, et ouvrent votre Frigidaire, se servent ?" "Non, bien naturellement !"

Rappelons encore les discours de Chirac sur le "bruit et l'odeur" (1991), la dénonciation (1979) du "parti de l'étranger et de l'abaissement de la France", l'assassinat de Malik Oussékine, la tuerie d'Ouvéa … Ces quelques rappels doivent suffire à convaincre que si les succès du FN permettent à l'ensemble de la bourgeoisie de durcir sa politique répressive et anti-émigrés, le maître d'œuvre de ce durcissement est et a toujours été le RPR.

 

Enfin, précisons que, même si Le Pen avait été en position de l'emporter, le vote Chirac n'aurait pas plus été un obstacle au Front National. La position de Lutte Ouvrière était singulièrement étrange sur ce point, Arlette Laguillier déclarant le 1er mai quant au second tour:

"Le Pen est le pire ennemi des travailleurs.  Mais c'est une escroquerie de le présenter comme pouvant être élu au deuxième tour. Rien que les voix de la droite du premier tour, c'est-à-dire celles de Chirac, de Bayrou et de Madelin représentent près de deux fois celles que Le Pen et Mégret ont obtenues. Pourquoi donc Chirac devrait-il être élu avec les voix de la gauche ? Celles de droite devraient lui suffire !"

 (…) Alors, le 5 mai, allez voter et, pour voter contre Le Pen sans plébisciter Chirac, mettez une enveloppe vide dans l'urne, votez blanc. Cela comptera autant qu'un vote Chirac pour écarter Le Pen et cela ne compromettra pas notre avenir."

 

Le vote blanc "comptera autant qu'un vote Chirac pour écarter Le Pen"? La formulation est plus qu'ambiguë.


PS, PCF, dirigeants syndicaux en rabatteurs électoraux de Chirac


Dès le soir du second tour, la jeunesse en de nombreux endroits descendait dans la rue par dizaines puis centaines de milliers les jours suivants. Il ne fait aucun doute que ces manifestations massives, comme l'affluence record aux manifestations du premier mai (deux millions de manifestants), était mues par le rejet du programme du FN, la volonté d'en découdre avec lui, de le battre. C'est d'ailleurs pour cette raison que tous les porte-parole des partis bourgeois n'ont pas tardé à condamner ces manifestations, leur opposant directement l'usage du bulletin de vote Chirac.

Une seule réponse permettait d'ouvrir une perspective politique à tous ceux qui voulaient et veulent balayer le Front National, celle que notre bulletin formule depuis des années:

"Qu'exige une lutte réelle contre Le Pen et le FN? Un accord de front unique entre le PS, le PCF, les syndicats qui, en commun, s'engagent à organiser l'action de masse qui interdirait à Le Pen et au FN le droit à la parole dans quelque lieu que ce soit. Mais évidemment cela n'a rien à voir avec la ligne de la "défense de la démocratie". "

(CPS n°41, février 1992).

A cet égard, la journée du premier mai revêtait une importance singulière. Dans notre supplément consacré au second tour, nous écrivions:

"Ainsi, le 1er mai au matin, Le Pen organise une démonstration à Paris. Dirigeants CGT, FO, FSU, UNEF, ainsi que le PS et le PCF, pourraient et devraient en appeler à la mobilisation des masses pour interdire par la force que ce rassemblement frontiste ne se tienne. C'est sur cette orientation que la défaite subie au premier tour de la présidentielle pourrait être pour le moins amoindrie.

Au lieu de cela, ils appellent, l'après-midi, à l'autre bout de Paris, à une manifestation dont la ligne est sans équivoque, celle que responsables du PS et PCF donnaient dès le 21 avril au soir: le vote Chirac."

Mais, sous l'action déterminée des bureaucraties syndicales, du PS, du PCF, et LCR, les manifestations ont été totalement entraînées au contraire par la ligne de "la défense de la démocratie", en réalité de la Cinquième République, par les consignes de vote matraquées en faveur de Chirac. Les vieilles directions traîtres ont livré les travailleurs à leur principal ennemi Chirac. Ceux qui s'opposaient à la consigne de vote Chirac ont été hués (comme Lutte Ouvrière), menacés dans les manifestations, tout comme ils étaient largement esseulés sur leur lieu de travail. L'Union nationale derrière Chirac a déferlé comme un rouleau compresseur: le plébiscite pouvait avoir lieu.


Second tour: plébiscite triomphal pour Chirac


Les résultats du second tour sont les suivants:


 

 

Second tour

Premier tour

 

 

Voix

% inscrits

% exprimés

Voix

% Inscrits

% exprimés

Dif. voix

Dif inscrits

Inscrits

40653471

 

 

41194689

 

 

 

 

Votants

32577810

 

 

29495733

 

 

 

 

Abstention

7968080

19,86 %

 

11693353

28,4 %

 

 

- 8,54 %

Blancs/nuls

1738849

4,28 %

 

995531

2,41 %

 

743318

+ 1,87 %

Exprimés

30818961

 

 

28498471

 

 

 

 

Chirac

25316647

62,27 %

82,15 %

5665855

13,75 %

19,88 %

19650792

+ 48,52 %

Le Pen / Mégret

5502314

13,53 %

17,85 %

5472430

13,28 %

19,20 %

29884

+ 0,25%

 


Pour Chirac, c'est un plébiscite miraculeux. Le voilà le président le mieux élu au second tour de toute l'histoire de la Cinquième République. Sans remonter jusqu'à Napoléon III, ce score rejoint celui obtenu par exemple lors du référendum pour la ratification de la constitution de la 5ème République, plébiscite suivant le coup d'Etat de de Gaulle, le 28 septembre 1958 lorsque le "oui" avait obtenu 66,3% des inscrits (79,4% des exprimés) et le non 17,2% (20,6%) des exprimés. Et effectivement, c'est la Cinquième République et le parti qui se réclame de son fondateur qui ont été ainsi plébiscités. PS, PCF, LCR et directions syndicales qui ont participé de ce plébiscite ont manifesté une soumission exemplaire et ont ouvert la voie à la politique réactionnaire du gouvernement Chirac-Raffarin et à un éventuel succès de celui-ci aux législatives.

 

Le nombre d'abstention a considérablement chuté (pour atteindre un niveau équivalent à celui du second tour des trois élections présidentielles précédentes), et le nombre de bulletins blancs et nuls n'a que peu augmenté. Autrement dit, il n'y a pas eu de remise en question massive de la consigne de vote pour Chirac au sein du prolétariat.

 

Quant au FN, comme toujours, le "front républicain" ne l'a pas fait reculer, au contraire. Non seulement Le Pen réalise un petit plus que l'addition des voix FN et MNR du premier tour, mais il a encore mordu sur une partie de l'électorat des partis bourgeois traditionnels, notamment celui de Démocratie Libérale, tandis qu'une partie des voix du MNR lui faisaient défaut (la scission n'a pas été oubliée).

 

Loin d'être une "baudruche" (Laguillier), le FN confirme au second tour son renforcement du premier. Il est d'autant plus en mesure de peser sur la politique du gouvernement Chirac-Raffarin, et de jouer un rôle important aux législatives, bien que ce terrain permette plus que les présidentielles aux conséquences de la scission FN/MNR de s'exprimer. Cela dit, tant Chirac de son côté que le PS et le PCF de l'autre, malgré leurs affirmations formelles, se sont disposés pour que le plébiscite du deuxième tour soit confirmé, dans la continuité du "Front Républicain".


L'U.M.P., parti du président, fruit du plébiscite


En ce qui concerne Chirac, son plébiscite lui a permis de réaliser un pas en avant significatif là où il n'avait cessé de se casser les dents depuis des années: la constitution d'un grand parti du président autour du RPR. Sans perdre une minute, Chirac a porté sur les fonts baptismaux l'Union pour la Majorité Présidentielle. Dans une opération rondement menée, l'UMP s'est mise en ordre de bataille pour les législatives, intégrant en son sein, outre le RPR, la totalité de Démocratie Libérale et une grande partie de l'UDF. A l'automne, la formation doit se transformer en parti. Fait significatif: Chirac semble avoir réussi à imposer au RPR de s'y dissoudre. D'ores et déjà, les candidats aux élections législatives ont dû s'engager sous la seule bannière UMP, qui bénéficiera donc seule du financement public.

 

Tout n'est pas aplani pour Chirac. Bayrou et quelques morceaux de l'UDF font de la résistance dans une centaine de circonscriptions. Mais l'UDF est presque déjà quasiment tuée par l'UMP. Sauf imprévu, Chirac (et Juppé qui tire les ficelles de l'UMP) a remporté un succès réel qui lui permet d'endiguer au moins pour un temps la crise de représentation politique de la bourgeoisie.

Autre objectif de la constitution de l'UMP: la présence d'un candidat unique ou presque dans des centaines de circonscriptions devrait permettre d'arriver dans les deux premières places lors du premier tour. Et par conséquent de profiter du hara-kiri annoncé des candidats du PS (et du PCF) en cas de triangulaire.


Le PS et le PCF dans les législatives:
poursuite de la politique qui a mené à la défaite du premier tour et au plébiscite de Chirac…


Pour préparer les élections, après de laborieuses tractations saupoudrées de parachutages grotesques, le Parti Socialiste a lancé la bannière de la "gauche unie", devant succéder à celle de la "gauche plurielle", de laquelle a été retranché le "Pôle Républicain" chevènementiste. De facto, et l'adjonction de quelques accents de "gauche" dans le programme du PS (celui de Jospin pour les présidentielles) n'y change rien: il s'agit de la poursuite de la politique d'alliance avec des formations bourgeoises. Dans une centaine de circonscriptions, le PS n'aura pas de candidat. Les Verts se voient remettre près de soixante-dix circonscriptions par le PS, les Radicaux une trentaine. Exemple: aux Ulis, en Essonne, le PS lors d'une cantonale partielle, une semaine avant le deuxième tour des présidentielles, a doublé son score au premier tour, atteignant près de 40%, battant à plate-couture le candidat MDC maire de la ville, P.Loridant. Aux législatives, il n'y a même pas de candidat PS, mais un dirigeant national des Verts. A noter: le PS a été bien plus dur avec le PCF dans les tractations qu'avec le faible Parti Radical de Gauche.

 

Ainsi, c'est une quasi-certitude qu'ensemble, le PS et le PCF font tout pour qu'il n'y ait pas de majorité PS-PCF à l'Assemblée, quoiqu'il arrive, et en particulier une prévisible remontée électorale du Parti Socialiste, de nombreux travailleurs cherchant à ne pas voir se renouveler le scénario du premier tour de la présidentielle et utilisant le vote PS pour manifester leur opposition à Chirac-Raffarin.

S'ajoute la poursuite du "front républicain" sans rivage à droite. En réponse aux propos de Serge Lepeltier cités plus haut dans cet éditorial, Vincent Peillon, porte-parole du PS, répondait:

"Nous dénonçons très fortement cette trahison du pacte qui a été passé avec les Français dans la présidentielle et qui n'augure pas de bons jours pour le camp du président Chirac".

"Nous, nous serons dans la continuité de ce qui a été toujours notre position" "S'il y a un risque de faire élire un député FN, nous nous retirerons".

 

Quelle fidélité exemplaire au "pacte" chiraquien (génuflexion devant le suzerain)! Le PS annonce par avance qu'il votera et appellera à voter UMP dans maintes circonscriptions au second tour.

 

L'alliance avec les formations bourgeoises sous le signe de la soumission aux exigences des capitalistes, l'absence de candidats des partis ouvriers traditionnels dans des dizaines de circonscriptions prolongent ce qui a été réalisé notamment aux régionales de 1998, aux municipales de 2001. La poursuite du "front républicain" derrière l'UMP chiraquienne prolonge la politique de protection systématique de Chirac et de l'institution présidentielle durant les cinq ans de gouvernement dirigé par Jospin. Tout ceci concentre la politique dont le rejet par les travailleurs est à l'origine de la défaite cinglante du candidat Jospin au premier tour des élections.

 

Quoiqu'ils affirment, le PS et, plus que jamais à sa traîne, le PCF, font tout pour perdre les élections, pour que Chirac les gagne. 


… ainsi que de la part de la LCR, de LO et du PT


On ne peut passer sous silence la politique des trois organisations LO, LCR, PT, qui ont obtenu ensemble (surtout les deux premières) plus de 10% des suffrages exprimés aux présidentielles (score électoral sans rapport toutefois avec leur implantation réelle).

 

Une nouvelle fois, le point commun décisif aux trois formations est que, comme les présidentielles, ils se refusent à appeler à voter pour les candidats des partis ouvriers traîtres au second tour. Il est pourtant clair, plus que jamais, que les travailleurs n'auront à ce moment d'autre issue, pour manifester leur opposition au gouvernement Chirac-Raffarin, pour combattre l'UMP et son sponsor officiel qu'est le Medef, que d'utiliser ce vote. En s'y opposant, objectivement, les trois principales formations qui se réclament frauduleusement du trotskysme en France concourent à l'élection d'une majorité chiraquienne à l'Assemblée, à donner à Chirac quasiment les pleins pouvoirs.

 

Lutte Ouvrière s'inscrit ouvertement dans cette perspective. Considérant le résultat des législatives comme acquis à l'avance, Arlette Laguillier dénonçait lors de la fête de LO:

"la gauche, qui a menti pendant cinq ans, et la droite, qui va mentir pendant les cinq années à venir"

C'est dire si elle s'accomoderait sans peine de la victoire de Chirac et Seillière.

 

Le Parti des Travailleurs, lui, a décidé qui plus est de faire campagne sur le thème de "l'Assemblée Constituante". Mais posons une simple question: si une Assemblée constituante était élue aujourd'hui, même à la proportionnelle, qui y aurait la majorité? Certainement pas ceux qui, comme dit le vouloir le PT, remettraient en cause l'Union Européenne et ses traités, en finiraient avec la Cinquième République. Mais surtout: il existait, durant les cinq dernières années, une majorité PS PCF à l'Assemblée nationale. Cette circonstance politique était plus qu'opportune pour développer une agitation sur la ligne d'imposer à cette majorité qu'elle décide de rompre avec la 5ème République, de constituer un gouvernement sans ministres bourgeois émanant d'elle – qu'elle revendique le pouvoir pour elle.

 

Le PT est contre cette orientation, respectant dans les faits le caractère réactionnaire de la constitution de la Cinquième République. C'est d'ailleurs contre cette orientation fidèle aux acquis de l'OCI/PCI, contre le combat pour que l'Assemblée nationale à majorité PS-PCF se déclare souveraine que la direction lambertiste du PCI a liquidé ce parti et purgé les militants trotskystes et constitué le PT en sabordant le PCI. Le baratin "démocratique" sur l'Assemblée constituante s'oppose à ce qu'une solution ouvrière à la question du pouvoir n'émerge, au combat sur la ligne du front unique des organisations ouvrières.

 

Quant à la LCR, qui cherche à pratiquer à son niveau une "extrême-gauche plurielle", intégrant dans ses candidats maintes personnalités tout à fait étrangères au mouvement ouvrier, sa campagne est d'emblée marquée par sa capitulation totale devant le "front républicain", par son appel à voter Chirac.


Sans attendre le résultat des élections, les dirigeants syndicaux apportent leur soutien
au gouvernement Chirac-Raffarin


Enfin, la responsabilité des directions syndicales dans ces élections est écrasante. Eux qui n'ont pas hésité (même à voix basse comme FO) à appeler à voter Chirac au second tour, eux qui voient le Medef faire ouvertement campagne pour l'UMP, ils n'appellent pas, une nouvelle fois, les travailleurs à s'opposer aux partis bourgeois. Ils prennent la responsabilité de placer une nouvelle fois lors du second tour, dans de nombreuses circonscriptions, le prolétariat hors de la scène politique.

 

Au contraire, ils sont déjà engagés à fond dans le "dialogue social" avec le gouvernement Chirac-Raffarin. Tous, alors qu'ils connaissent le programme réactionnaire de ce gouvernement, sont allés discuter avec Raffarin et Fillon le 17 mai.

Raffarin pouvait se féliciter

"le premier ministre a signifié combien il avait trouvé cette "journée constructive" et les "acteurs économiques très motivés par le dialogue social". Ils en ont "visiblement été privés pendant un certain nombre d'années et je les ai trouvés plein d'idées et plein de bonne volonté", a-t-il déclaré." (le Monde du 19 mai)

 

Et aussitôt il a proposé de rééditer l'opération du Medef connue sous le nom de "refondation sociale"

" M. Raffarin, a promis un "calendrier de discussions sur l'ensemble des thèmes de la négociations sociale" (id.)

 

Parmi les réactions des dirigeants syndicaux, il faut noter l'enthousiasme de Blondel sortant de Matignon:

"M. Raffarin est un homme qui sait recevoir et qui ne manque pas d'humour. (…) il a dit pendant la campagne "on relancera le dialogue social". Immédiatement il passe aux actes. Je le remercie, c'est bien."

 

Dans un entretien au Monde du 17 mai, entretien publié en guise d'éditorial dans FO-Hebdo, Blondel va plus loin:

" Je reverrais bien le scénario que de Gaulle avait utilisé en 1958, face aux partenaires sociaux, pour créer l’Unedic: vous avez six mois pour vous mettre d’accord, sinon je prends une initiative."

Pour Blondel, non seulement le gouvernement doit avoir des mois devant lui, mais encore, sur le principe de la "refondation sociale", les appareils syndicaux devraient lui ouvrir la voie, pour réaliser une initiative de l'ampleur de celle de la création de l'Unedic. Or celle-ci, intervenant au lendemain du coup d'Etat de de Gaulle, était un premier coup contre la Sécurité Sociale, première instance "paritaire", séparée du reste de la Sécurité Sociale alors unifiée. "

 

Empli de bonne volonté, Blondel précise encore quel souci il a des intérêts des capitalistes:

"Il faut trouver un équilibre entre les besoins des entreprises et les intérêts des salariés. Je ne veux pas que les patrons délocalisent, ni que les salariés des PME soient condamnés aux 39 heures. FO a signé des accords assouplissant le recours aux heures supplémentaires. Elles devraient être autorisées et négociées pour répondre aux besoins de la production et peut-être pas comptabilisées sur l’année.".

C'est un feu vert au gouvernement. Sans exagérer, il faut considérer que l'appareil FO vote Chirac pour les législatives. Il n'est pas le seul. Bernard Thibault déclarait en sortant de Matignon:

"il n'appartient pas aux organisations syndicales de dire à la place des citoyens si c'est avec ce gouvernement que nous allons devoir poursuivre le travail sur les questions économiques et sociales".

Ce qui veut dire, réserves de forme mises à part, qu'il l'envisage tout à fait sereinement!

 

Même son de cloche du coté des dirigeants fédéraux de la fonction publique, qui rencontraient Jean-Paul Delevoye le même jour. Ce dernier se félicitait au terme des entretiens:

"Personne n'a souhaité se battre sur l'immobilisme", s'est félicité M. Delevoye, qui a jugé "riches et denses" ses contacts avec des représentants syndicaux demandeurs de "visibilité sur la mission et le sens du service public". (id.)

 

Il n'est pas besoin d'aller plus loin pour constater : les dirigeants syndicaux sont tout simplement aller apporter leur caution et leur allégeance au nouveau gouvernement. Le fait d'aller engager le "travail avec lui" (Thibault) avant les législatives signifie tout bonnement qu'ils s'inscrivent dans la perspective de sa pérennité, et du "travail commun": ils votent Chirac.


Préparer le combat contre le gouvernement Chirac-Raffarin,
sur la ligne du front unique des organisations ouvrières


Cette caution des dirigeants confédéraux CGT et FO, de ceux de la FSU, est indispensable au gouvernement. Fillon le répétait encore le 19 mai sur France 3: "on ne cherchera pas à passer en force". Le "dialogue social", la collaboration avec les directions syndicales est le moyen par lequel les capitalistes entendent faire passer la politique qui répond à leurs besoins.

En résumé, la politique du gouvernement s'apparente à une super" refondation sociale":

Le Premier Ministre a marqué, comme d'ailleurs nous l'indiquons depuis des années, que la voie du dialogue social, de la rénovation, de la refondation sociale est la priorité nationale et que la conduite de la réforme de notre pays passe par là.

(Seillière, le 17 mai, nous soulignons)

 

Tout comme cette dernière, cela signifie que cette politique ne pourra être mise en place sans la pleine participation des dirigeants syndicaux.

 

De là découle une exigence claire et simple. Face au gouvernement Chirac-Raffarin, pour préparer le combat contre lui, la première des exigences est que les directions syndicales, à tous les niveaux et d'abord au niveau des confédérations, refusent toute discussion, toute négociation qui ne peut servir qu'à permettre l'application de son programme réactionnaire. D'ores et déjà, les dirigeants syndicaux devraient se prononcer contre toute participation aux discussions annoncées par Raffarin sur "les thèmes de négociation sociale".

 

Encore une fois, mentionnons l'exemple de l'Italie (voir l'article dans ce numéro). Face au gouvernement dirigé par Berlusconi incluant les nostalgiques mussoliniens de l'Alliance Nationale et la réactionnaire et xénophobe Ligue du Nord, la classe ouvrière a pu exprimer massivement sa force, parce que dans l'unité, dirigeants de la CGIL et de l'UIL, centrales ouvrières, "Démocrates de Gauche" et PRC ont été amenés à rompre le "dialogue social" avec le gouvernement, à appeler ensemble à une manifestation centrale et nationale à Rome en mars (plus de deux millions de participants), puis à une grève générale qui a paralysé le pays. Malgré les limites imposées par les appareils bureaucratiques italiens, qui ne sont pas moins traîtres et  dégénérés que leurs équivalents français, cela confirme qu’agir sur la ligne du front unique des organisations ouvrières est le moyen de lutte efficace contre les gouvernements à la solde du Capital.

Ceci se traduit aujourd'hui par le combat sur la ligne de la rupture du "dialogue social" et de la "concertation" des organisations ouvrières (syndicats, partis) avec le gouvernement Chirac-Raffarin, pour le front unique contre celui-ci.


Législatives: notre position


Mais la première échéance contre le gouvernement Chirac-Raffarin est celle des élections législatives. Bien que cela soit le plus probable, il n'est pas encore acquis que l'UMP obtiendra la majorité à l'Assemblée. Contre le gouvernement, contre la bourgeoisie et ses partis, les travailleurs, les jeunes, n'ont et n'auront d'autre ressource dans ces élections que d'utiliser de nouveau, même avec dégoût, le vote pour leurs organisations traditionnelles dégénérées, le PS et le PCF.

 

Le contenu de ce vote sera à l'évidence contradictoire avec le programme que défendent ces partis. Il sera le moyen sur le terrain électoral qu'aura la classe ouvrière de se manifester comme classe. Même si Chirac devait obtenir sa majorité, il est clair que plus nombreux seront les suffrages portés sur les candidats des partis et organisations ouvriers, plus le prolétariat et la jeunesse seront encouragés à lutter par leurs propres méthodes et sur leur propre terrain contre le gouvernement Chirac-Raffarin.

 

C'est pourquoi notre Cercle prend la position suivante pour les législatives:

- au premier tour: vote pour le candidat du parti et organisation ouvrière de son choix

- au second tour, vote pour celui ou celle de ces candidats encore en lice

 

En tout état de cause: pas une voix pour les formations politiques de la bourgeoisie, y compris celles au profit desquelles le PS ou le PCF se sont retirés (Verts, PRG), accord que notre Cercle dénonce, tout comme il dénonce le retrait annoncé des candidats PS et PCF au profit de l'UMP ou de l'UDF et autres en cas de triangulaire dans laquelle pourrait être élu un candidat du FN ou du MNR.

 

Cette position est une composante du combat contre le gouvernement Chirac-Raffarin, sur l'axe du front unique des organisations ouvrières, sur l'objectif politique d'un gouvernement sans représentant des formations bourgeoises issu de ce front unique, pouvant être une transition vers un véritable gouvernement ouvrier.


Notre politique


Inéluctablement, le prolétariat, la jeunesse, seront amenés à engager le combat contre le gouvernement Chirac-Raffarin. Nul n'a oublié le puissant mouvement de novembre-décembre 1995. Il faut miser sur la spontanéité des masses, son expression. Nourrir cette spontanéité, lui donner un débouché politique exige, autant que possible, de formuler, dans l’activité politique quotidienne, les réponses aux problèmes auxquels le prolétariat et la jeunesse sont confrontés.

La défense des intérêts du prolétariat, de la jeunesse,  implique que soient défendues notamment les revendications suivantes:

 

* augmentation des salaires, rattrapage du pouvoir d’achat perdu depuis 1982, garantie des salaires par l’application de l’échelle mobile des salaires ;

* interdiction de tout licenciement ; pas une suppression de poste dans la fonction publique et remplacement poste pour poste des départs en retraite

* contre toute privatisation

* abrogation des lois "Aubry" d'ARTT, réduction du temps de travail pour tous, sans flexibilité ni perte de pouvoir d'achat. Contre toute annualisation, retour à l'horaire hebdomadaire.

* interdiction d’expulser des logements qu’ils habitent ceux qui ne peuvent plus en payer les loyers, réquisition des logements et locaux inoccupés pour loger les sans logis (SDF) ; expropriation des organismes privés de logement et leur gestion sous contrôle ouvrier.

* abrogation du plan Juppé de destruction de la sécurité sociale et de l'hôpital public. Annulation de toutes les “réformes” réactionnaires réalisées par les gouvernements qui se sont succédés depuis quinze à vingt ans et plus (enseignement, etc.).

* Droit de vote pour les travailleurs immigrés à toutes les élections.

* Défense inconditionnelle du régime des retraites par répartition, retour à 37,5 annuités pour tous, défense inconditionnelle du code des pensions.

 

Toutes ces revendications, et d'autres encore, posent la question du pouvoir, du gouvernement. Leur satisfaction impose que les dirigeants syndicaux les défendent, rompent avec le gouvernement et le patronat en cessant de participer à tous les organismes et réunions de "participation", de "cogestion", de "dialogue social" avec le gouvernement et le patronat, à tous les niveaux. Qu'ils réalisent avec le PS, le PCF, le front unique contre le gouvernement. Qu'ils combattent pour un gouvernement issu du front unique.

 

Le n°61 de Combattre Pour le Socialisme, publié après le mouvement de novembre décembre 1995 concluait:

 

"Loin de soumettre travailleurs et jeunes aux appareils des organisations syndicales, à leurs directions, au PS et au PCF, à leur politique, cette orientation les dresse contre eux. Elle participe du processus qui conduit à la submersion des appareils syndicaux, des partis ouvriers traditionnels, qui mène à la constitution d’organismes regroupant et organisant le prolétariat comme classe, à son regroupement sur un nouvel axe.

C’est en participant, en impulsant ce processus que peut être construit l’indispensable Parti Ouvrier Révolutionnaire pour que finalement le prolétariat prenne le pouvoir.


En s’orientant ainsi, le prolétariat et la jeunesse peuvent remporter d’importantes victoires, bouleverser la situation politique. Un autre gouvernement peut accéder au pouvoir, dont les rapports politiques du moment, la politique, le programme détermineront la nature. Mais il ne faut pas entretenir d’illusions : aucun gouvernement ne satisfera durablement les revendications des travailleurs et de la jeunesse, ne sera vraiment un gouvernement ouvrier s’il ne s’attaque au régime capitaliste déliquescent, à l’État bourgeois et ne s’appuie directement sur le prolétariat regroupé et organisé comme classe dans ses propres organismes.


Il est nécessaire d’exproprier, sans indemnité ni rachat, la bourgeoisie de la possession des moyens de production, des banques, des établissements de crédit, de la grande distribution, des moyens de transports, etc… qu’ils soient étatisés, que, sous le contrôle de la classe ouvrière soit élaboré et réalisé un plan de production visant à satisfaire les besoins des masses.


Il faut s’engager sur la voie qui mène au socialisme.


Cette orientation est évidemment inséparable d’une politique faisant fond sur la lutte de classe des prolétariats d’Europe et du monde et qui impulse leurs combats pour prendre le pouvoir. Un de ses objectifs doit être la réalisation et la construction des États Unis Socialistes d’Europe.

 

Appliquer dans l’action politique cette orientation c’est “préparer la suite”, c’est agir de sorte que la vague suivante déferle le plus puissamment et le plus loin possible, sans cacher que la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie, en France, en Europe et dans le monde — compte tenu des conditions politiques actuelles (absence de direction révolutionnaire) dans lesquelles elle se déroule, de ses enjeux — se poursuivra pendant des années et des années avant qu’elle ne se conclut définitivement.


En dernière analyse, son issue dépendra de la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire. Rassembler, organiser pour qu’ils se construisent, telles sont les tâches de notre Comité. Mais il est impossible de les accomplir sans être partie prenante de la lutte de classe du prolétariat, des luttes de la jeunesse en formulant et en défendant la politique qui vient d’être esquissée et qui doit être précisée et concrétisée à chaque moment."


 

Le 25 mai 2002

 

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