Article paru dans Combattre pour le Socialisme n°76 (janvier 1999)

 

Les dirigeants des syndicats de l'enseignement public ont empêché la jonction des lycéens et des enseignants contre le gouvernement et sa politique

 

 


Par centaines de milliers

Dans un mouvement spontané, massif, les lycéens au mois d’octobre ont objectivement mis en cause la politique du gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli. La création de postes d’enseignants, la baisse des effectifs par classe, l’enseignement partout de toutes les options, l’attribution aux établissements scolaires des moyens nécessaires à des conditions d’études décentes, ces revendications légitimes entrent en contradiction avec les mesures inscrites dans le budget 1999 pour l’enseignement, entrent en contradiction avec la " réforme des lycées ", avec toute la politique du gouvernement.

 

Que ces centaines de milliers de jeunes aient eu la force de s’engager témoigne sans aucun doute de processus à l’œuvre dans toute la jeunesse et dans la population laborieuse, qui a soutenu le mouvement des lycéens. Mais, à cause de l’appui éhonté des directions syndicales enseignantes au gouvernement, le protégeant sans cesse, accompagnant sa politique et la faisant passer, ce mouvement n’a pas été victorieux. Aussi, il faut tirer les enseignements de cette bataille pour préparer les suivantes.

Le gouvernement maintien le cap

Tandis que les manifestations et les grèves de lycéens, parties du sud de la France, s’étendent et enflent en un mouvement national, le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli ose affirmer que c’est là un soutien à sa politique, une pression pour accélérer sa mise en œuvre. Cette escroquerie vise à désamorcer le mouvement, à le déclarer sans objet.

Et si cela s’avérait impossible, il s’agit de l’instrumentaliser en bélier contre le cadre national des programmes du second degré, des statuts des enseignants, des diplômes et des qualifications, et en premier lieu pour faire passer la "réforme" des lycées qui concourt à ces objectifs.

" J’écoute ce mouvement et je suis souvent en phase avec ce qu’expriment les lycéens. Ce qu’ils disent aujourd’hui est du même ordre que ce qu’ils ont exprimé lors de la consultation conduite par P. Meirieu. (...) La réforme des lycées était une urgence, je l’ai devancée et elle se mettra en place. " (Allègre au Monde, 11 octobre)

 

Grâce à l’appui des dirigeants des syndicats de l’enseignement public qui ont paralysé les enseignants, le gouvernement a imposé la baisse des salaires des professeurs du second degré, lancé la " Charte " contre l’école primaire (voir CPS n°75). Comme les directions syndicales poursuivent leur collaboration active et ouverte avec lui, il entend tirer parti de ses succès à la rentrée et applique son programme, en tous points conforme aux intérêts de la bourgeoisie française.

Ainsi, les représentants de toutes les centrales syndicales, dont la FEN et la FSU, siègent à la première des six réunions de " concertation pour parvenir à un diagnostic partagé " sur l’avenir des retraites (L. Jospin, Le Monde, 9 octobre).

 

Le 15 octobre, alors même que 500 000 lycéens manifestent partout en France, sont promulgués les décrets disloquant le mouvement des nominations des enseignants du secondaire. C’est un coup sévère contre les statuts nationaux, la voie vers le recrutement local des enseignants.

 

Ces décrets réalisent une première application de la " réforme " des lycées et le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli se sent la force de passer à l’étape suivante de sa mise en œuvre. Il trouve au PCF des relais enthousiastes :

" L’effort d’éducation (est rendu) encore plus prioritaire. Cela n’a pas échappé au gouvernement, qui a avancé les pistes d’une réforme et consulté les lycéens à ce sujet au printemps dernier. (...) La révision des programmes et le recrutement d’enseignants contractuels d’ici à la Toussaint, c’est bien. Mais ce n’est pas assez. "

(L’Humanité,  13 octobre)

 

La " réforme " des lycées organise la diminution des heures d’enseignement dans toutes les matières et toutes les filières, le budget 99 la cadre. Donc, la satisfaction des revendications des lycéens exige le retrait de la " réforme " des lycées, le rejet du budget.

Pour les obtenir, la jonction des lycéens avec les enseignants était indispensable: elle dépendait expressément de la réalisation du Front Unique des syndicats de la FSU, de la FEN, de la CGT, de FO, rompant avec le gouvernement, organisant le combat pour arracher le rejet du budget de l'Education nationale, le rejet de la " réforme " des lycées.

Les grandes manœuvres

Or, une occasion s’offrait d’opérer cette jonction, puisque le gouvernement présentait à l’Assemblée, le 21 octobre, son projet de budget de l'Education nationale, concentré de sa politique. La revendication : "À bas le projet de budget de l'Education nationale !" contenait toutes les autres, en particulier celle du retrait de la "réforme" des lycées. Elle pouvait centraliser le mouvement des lycéens qui réclamaient des postes, des moyens, et lui donner un débouché.

Elle répondait également à l’aspiration des enseignants à engager le combat contre le gouvernement et sa politique, pour bloquer l’offensive qu’il déchaîne contre les personnels.

Les directions des syndicats enseignants de la FSU (le SNES au premier chef), de la FEN, de FO et de la CGT avaient la responsabilité d’appeler les enseignants et les lycéens à manifester à l’Assemblée, le jour du vote, pour imposer aux députés PS et PCF le rejet du projet de budget de la baisse des salaires, de zéro création de poste d’enseignant, de la diminution des crédits de remplacement des professeurs, de la suppression de milliers de postes aux concours de recrutement, de la liquidation de 3 300 postes de surveillants, de la multiplication des emplois-jeunes, de la mise en place de la " réforme " des lycées.

 

Parce qu’ils protègent le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli, bureaucrates adultes et jeunes bureaucrates s’y sont refusés; ils se sont au contraire disposés pour interdire que les enseignants fassent irruption. Ils ont organisé l’isolement des lycéens.

 

En septembre, le SNES, le SNEP, le SNUIPP (FSU), le SE (FEN), l’UNSEN (CGT), flanqués du SGEN (CFDT) et du SNCL-FAEN, avaient décidé une " journée d’action " pour le 20 octobre, dont voici l’alléchant descriptif :

" Initiatives dans chaque établissement, organisation commune d’heures d’informations syndicales, forums, assemblées générales et actions de refus des heures supplémentaires qui peuvent aller jusqu’à la grève d’une journée. Au niveau national, les organisations syndicales font une demande d’audience auprès du ministre de l'Education nationale pour présenter la plate-forme commune. Elles demanderont à être reçues par l’ensemble des groupes parlementaires pendant la période du débat du budget de l'Education nationale. "

 

En clair : que les enseignants restent dans leurs établissements pour faire même, si ça leur chante … "la grève (locale) d'une journée"; que jamais le gouvernement ne soit désigné pour ce qu’il est, l’ennemi à vaincre; que PS et PCF puissent tranquillement voter le budget préparé par le gouvernement bourgeois qu’ils soutiennent.

Parce que le mouvement des lycéens pouvait constituer un formidable appel d’air pour les enseignants, et pour empêcher qu’il trouve le chemin de l’Assemblée nationale, l’étouffoir du 20 octobre est ressorti du placard.

 

Autoproclamée " coordination " lycéenne et reçue par Allègre à la fin de la manifestation parisienne du 15 octobre, la FIDL s’empresse de s’y associer :

" ‘Le budget de l’éducation sera voté mercredi 21. Ce jour-là, nous rencontrerons le ministre sur la démocratisation de la vie au lycée’, précise Loubna Méliane, avant de déclarer que la FIDL appelle à la journée de manifestations du mardi 20 octobre. " (Le Monde, 17 octobre)

 

Un appel à cette même journée pare-feu sort également de la deuxième " coordination ", qui se réunit à Jussieu le 15 octobre (Libération, 16 octobre).

 

Dans un communiqué, la direction du SNES appelle les enseignants " à être avec leurs élèves selon les modalités qu’ils définiront eux-mêmes : manifestations, débrayages, etc. ". M. Vuaillat précise :

" C’est une indication que nous donnons aux collègues, mais c’est à eux de prendre la décision. " (Le Monde, 18 et 19 octobre)

 

Décidément, quand les bureaucrates font mine de " laisser la base décider ", c’est qu’ils l’ont déjà ficelée bien serré : atomisation établissement par établissement, morcellement en manifestations locales, la veille du vote du budget de l'Education nationale, négation de l'appel à la grève générale de l’enseignement public, à la manifestation nationale à l’Assemblée le jour du vote pour dicter au PS et au PCF le rejet du budget et la satisfaction des revendications.

 

Quant au SE-FEN, il tente de maquiller son action constante de protection du gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli en… " respect du mouvement des lycéens ":

" Nombre de revendications étant convergentes, le syndicat a soutenu les mouvements lycéens. Il a relayé leurs demandes et, quand il était sollicité, leur a apporté l’aide nécessaire. Mais, pour ne pas dénaturer leur action, il a refusé d’appeler les enseignants à la grève. "

 (L’Enseignant, n°9 novembre 98)

Deux "coordinations" contre

le comité central de la grève

des lycées

Dés que le mouvement des lycéens a pris corps, les partis et les organisations politiques qui soutiennent le gouvernement ont travaillé à le chapeauter, pour qu’il échoue.

 

Le 14 octobre, la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), rejeton du PS, fabrique de toutes pièces une prétendue coordination, avec l’aide de l’UNEF-ID. Elle désigne une délégation baptisée 'représentative', chargée de rencontrer Allègre, à la fin de la manifestation du lendemain. Ses jeunes membres sont déjà de vieux routiers de la participation-collaboration avec le gouvernement : ainsi L. Méliane siège au Conseil supérieur de l’éducation.

" Elle reste convaincue que la consultation Meirieu sur les lycées allait dans le bon sens. La plupart des délégués de la FIDL sont élus dans les comités nationaux ou académiques de la vie lycéenne et, à ce titre, ont participé activement à la consultation Meirieu au printemps. "

 (Le Monde, 16 octobre)

 

La FIDL essaie d’enfermer le combat des lycéens dans le " dialogue " avec le gouvernement qu’elle protège, pour lui interdire de l’affronter et de le vaincre. On peut lire dans ce même numéro du Monde :

" Dans le hall qui mène aux bureaux ministériels, les grands frères étudiants de l’UNEF-ID, font les cent pas. Venus soutenir leurs cadets, ils se montrent optimistes sur la suite de la négociation et sur la capacité de la FIDL à canaliser le mouvement. "

 

Le 15 octobre, à Jussieu, se réunissaient 200 lycéens, qui dénonçaient ces manœuvres de la FIDL, sa prétention à représenter le mouvement et à le diriger. Ils formaient une deuxième " coordination " ; il y en aura bientôt une troisième, autour des lycéens de Bordeaux et d’autres villes, refusant de rallier la n°1 parce que tenue par le PS, et la n°2, version " gauche plurielle ".

À Jussieu donc, au soir des imposantes manifestations dans 349 villes de France, militants des JC, de la LCR, de LO, du PT ou de la CNT commençaient leur assemblée par ..." une minute de silence pour la casse " (Libération, 16 octobre) et la finissaient par l’appel à la journée d’action du 20... Représentants conformes de la " gauche plurielle ", ils n’ouvraient donc aucune perspective aux lycéens mobilisés.

 

Une fois encore a manqué une organisation révolutionnaire de la jeunesse, qui aurait combattu sur l’orientation : À bas le budget le l'Education nationale ! Retrait de la " réforme " des lycées ! Pour obtenir satisfaction, grève générale des lycées ! Pour la réaliser, partout, assemblées générales et élections de délégués contrôlés par les grévistes ; constitution des comités de grève, se centralisant en une coordination nationale, véritable direction de la grève, s’adressant aux directions syndicales de la FSU, de la FEN, de FO, de la CGT, pour qu’elles appellent les enseignants à la grève générale, à une gigantesque manifestation lycéens-enseignants le 21 octobre à l’Assemblée nationale.

 Le " plan d'action immédiat pour l'avenir des lycées "

À cause du concassage sciemment organisé par les appareils des syndicats en protection du gouvernement, la veille de la présentation du budget, 280 000 lycéens manifestent le 20 octobre, sans perspective, ville par ville, souvent encadrés par la police et les bureaucrates. Le lendemain, Allègre déclare :

" Après la consultation Meirieu et le succès du colloque de Lyon, après le débat devant les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat, les lycéens ont dit clairement qu’ils voulaient que la réforme des lycées se mette en place au plus vite. "

 

C’est le préambule du " texte remis le 21 octobre par le ministre de l'Education nationale aux organisations lycéennes et aux organisations syndicales " (L’US n°477, 24 octobre). Il établit que le gouvernement n’a pas bougé d’un iota : le ministre annonce…la poursuite de toute sa politique, contre la satisfaction des revendications des lycéens, à savoir: aucune création de poste d’enseignant (les 3 300 qu’il affiche sont, au budget, la régularisation de personnels déjà en poste en 97); mise à la disposition des établissements de 1 000 appelés du contingent " destinés à accomplir des missions d’animation et de surveillance " ; réaffirmation de la suppression de milliers d’heures d’enseignement (l'allégement des programmes et des emplois du temps prévus par la "réforme des lycées" qui est accélérée) ; emprunt de 4 milliards de francs à taux zéro consenti aux conseils régionaux, les lycéens attendront les locaux qui manquent; enfin relance tous azimuts de la participation-cogestion, au travers de la création de "conseils de la vie lycéenne".

 

De plus, ce plan engage la liquidation du statut des surveillants: tandis que 10 000 nouveaux emplois-jeunes entrent dans les lycées, où jusqu'ici ils n'étaient pas encore arrivés, 3 000 surveillants sont recrutés, à mi-temps et donc à demi-salaire, à la condition qu'ils préparent des concours. Objectif annoncé: qu'ils puissent remplacer les enseignants absents! Au lieu et place du rétablissement des 3 300 postes supprimés de MI-SE, c'est bien la liquidation de leur statut.

Le mouvement phagocyté

La FIDL, reçue le 21 par Allègre, confirme son allégeance. La coordination n°2 (appelée CIL) adopte ce jour-là une plate-forme (voir Le Monde du 24 octobre) qui n’exige pas le retrait du plan qu’Allègre vient de présenter au nom du gouvernement. Elle confirme ce refus de l’affronter par sa demande d’une " augmentation très nette du budget de l'Education nationale " : le CIL déclare qu’il faut amender ce qui ne l’est pas, qu’il faut faire pression sur le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet – Zuccarelli, qu'il faut financer d'avantage sa politique.

 

Cette orientation vise à impuissanter les lycéens, c’est une " opposition " constructive, du même genre que celle que pratique quotidiennement le PCF. On en trouve une autre mouture à la direction du SNES (syndicat majoritaire chez les enseignants du secondaire) qui commente ainsi le plan gouvernemental :

" À l’exception des lycées professionnels aucune concertation n’est annoncée. Le ministre semble rompre de fait les quelques discussions engagées et confirme ainsi le mépris dans lequel il tient les personnels du second degré et les représentants qu’ils se sont donnés. Les forums doivent être le moyen d’instaurer le dialogue réel sur le terrain et de renforcer les convergences avec les parents et les jeunes. " (L’US, 24 octobre)

 

Pas de rejet clair et net, aucun appel aux enseignants pour bloquer l’offensive brutale que représente le " plan d’action lycées ", refus de rompre avec le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli, telle est l’orientation traître des responsables syndicaux qui réclament toujours plus de " concertation ".

 

La voie lui paraissant ainsi dégagée, dans la nuit du 21 au 22 octobre, le gouvernement fait passer sans encombre son projet de budget de l'Education nationale. Trois jours plus tard, le PS tient colloque sur " l’école de l’égalité ". Echo de la mobilisation lycéenne, de la volonté de combattre des enseignants, Allègre y est sifflé. Mais le PS n'en apporte pas moins son soutien à l’agression généralisée contre les personnels de l’enseignement public et le droit aux études, en usant du vieux principe du fusible :

" Dissiper le malentendu, voire le malaise, créé par le mois d’agitation dans les lycées, tel était le leitmotiv de ces deux jours de travaux. Pourtant le colloque avait commencé dans une ambiance électrique, avec l’intervention du ministre de l’éducation nationale, fustigeant le ‘corporatisme’ des enseignants, considéré comme le principal obstacle à toute réforme du système éducatif. " (Le Monde, 27 octobre)

 

Le 29 octobre, sont publiés au B.O. les " aménagements ", en clair les réductions, des programmes des lycées. Pour en mesurer l’ampleur, il suffit de savoir qu’en classe de terminale S, cela correspond à la suppression de six à sept semaines de cours. Ces " allégements " anticipent la contre-réforme des lycées :

" L’application des nouveaux horaires élève associée à la suppression des modules permettrait l’économie de plus de 12 000 emplois sans toucher aux autres dédoublements, 26 000 sans aucun dédoublement. "

(L’US, 7 novembre)

 

Pendant les congés de Toussaint, plusieurs réunions des " coordinations " ont lieu, dont deux communes, ce qui au passage démontre qu'aucun de ces regroupements ne peut prétendre s'affirmer comme étant "la" représentation que les lycéens, reconnaîtraient comme leur, au contraire de ce que représentait la coordination étudiante en novembre-décembre 1986.

 

Comme la politique traître des directions syndicales, des forces politiques qui vertèbrent la FIDL et le CIL, a déjà asphyxié le mouvement lycéen, elles se partagent le travail de bousille. À la rentrée des vacances, le mouvement est liquidé. La " journée d’action " du 5 novembre en est l’enterrement, 30 000 lycéens manifestent dans plusieurs villes ; à Paris, il y a plus de policiers que de manifestants.

 

En reprenant les termes mêmes du ministre, dans son numéro du 7 novembre, L’US proclame à sa manière que le gouvernement vient de marquer un point supplémentaire :

" Oui, le SNES veut des réformes

 Pour une nouvelle définition des services "

Les dirigeants du SNES, qui portent une responsabilité majeure dans l’échec du mouvement des lycéens, disent au gouvernement: Allez-y ! Aux enseignants : Le syndicat fera défaut !

Les coudées franches

Le gouvernement, qui a réchappé à la mobilisation des lycéens, intensifie l’application de sa politique au service du capital.

Il maintient la baisse des salaires des enseignants, par la réduction des indemnités des titulaires remplaçants du primaire, envisagée en juin et décidée maintenant :

" À la rentrée 99, l’ISSR ne sera plus versée les mercredis et dimanches. Pour les longs remplacements, seules les missions débutant depuis le 1er octobre y ouvriraient droit. Le SE est en complet désaccord. (...) La profession apprécie pourtant de manière contrastée la forme actuelle de l’ISSR. Une clarification s’impose. (...) Nous voulons qu’une négociation particulière soit ouverte sur ce dossier. " (L’Enseignant, novembre 98)

 

Bas les pattes ! Paiement intégral des indemnités ! Aucune baisse de salaire ! Abrogation du décret du 7 août l’instituant dans le secondaire et des circulaires la préparant dans le primaire! Voilà les mots d’ordre de défense des enseignants, ceux que le SE-FEN refuse de mettre en avant, prônant au contraire la " négociation " avec le gouvernement, l’assurant en fait de sa capitulation.

 

Le 17 novembre, le ministère publie la liste des postes offerts aux concours externes et internes de recrutement dans l'Education nationale : moins 12%, moins 2 901 postes. C’est une gifle aux lycéens, dont la première des revendications est la création des postes d’enseignants. C’est un coup dur pour les étudiants qui préparent ces concours, dans des conditions encore aggravées par la destruction du statut des MI-SE que contient le " plan d’action pour l’avenir des lycées ".

 

Dans tous les secteurs, des " expérimentations " travaillent à éclater le cadre national de l’enseignement public, les statuts des personnels et les acquis qui y sont rattachés. Ainsi, quatre académies (Versailles, Lille, Bordeaux, Pays de Loire) testent " des bassins de formation, pour mettre en cohérence écoles, collèges et lycées d’un même secteur et préparer la déconcentration du mouvement des enseignants du second degré. " L’inspecteur de l’académie Pays de Loire explique :

" Leur objectif est de mutualiser les ressources pour optimiser les moyens. Cela permettrait par exemple de titulariser sur deux établissements des enseignants (...) On peut aussi imaginer pour l’entretien des établissements, des équipes mobiles d’ouvriers professionnels. " (Ouest France, 25 novembre)

 

Le 26 novembre, Royal décline les mesures de mise en œuvre de la " relance de la politique d’éducation prioritaire " : redécoupage et révision de la carte des ZEP, création de REP (réseaux d’éducation prioritaire), c’est à dire de ZEP avec moins de moyens, dans lesquelles ne seront plus versées d’indemnités aux enseignants ; signature par les écoles d’un " contrat de réussite " intégrant un " contrat éducatif local ". C’est le cadre national de l’enseignement primaire qui volerait en éclats, c’est un boulevard ouvert aux pressions d’associations, de mairies et autres. Le contrat éducatif local trouve tout son sens avec la " charte pour l’école du XXIème siècle " qui se fixe de bouleverser les programmes, les rythmes scolaires, le métier d’enseignant (voir CPS n°75).

 

Face à ce déferlement, les dirigeants des syndicats de l’enseignement public rivalisent de couardise et d’imagination pour laisser les mains libres au gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli  qu’ils soutiennent :

" Après l’encéphalogramme plat de l’ère Bayrou, c’est désormais le bouillonnement permanent et le foisonnement de chantiers en tous genres. De bons principes et objectifs louables, mais une démarche déconcertante. Les ministres peuvent se ressaisir. "

(La Lettre de l’Enseignant, n°5)

 

" Nous lançons également (après des " forums " et un questionnaire SOFRES) un ‘manifeste pour la qualité pour tous’ que nous proposons à la signature de personnalités du monde associatif, culturel, universitaire, syndical et qui devrait être la base d’une grande pétition nationale. D’ici les congés de Noël, poursuite des initiatives locales et, à compter de la rentrée de janvier, une ‘opération gel’ sera systématisée (...) gel des notes, gel du bénévolat, gel des effectifs et des heures supplémentaires. "

(L’US, 21 novembre)

Les enseignants, les personnels,  cherchent à bloquer l'offensive gouvernementale

La mobilisation massive des MI-SE (étudiants-surveillants) pour défendre leur statut (voir dans ce numéro de CPS), celles des enseignants des classes préparatoires, d’écoles de ZEP en témoigne: ce n’est pas la détermination, la volonté de se mobiliser qui fait défaut chez les personnels de l’enseignement public.

 

Pèse sur eux l’orientation de capitulation des dirigeants syndicaux, qui les privent de l’outil de défense que doit être le syndicat. Pour protéger le gouvernement bourgeois constitué autour du PS et du PCF, auxquels les appareils syndicaux sont étroitement liés, ces derniers alternent le camouflage des attaques, la demande incessante de discussions qui les associent à sa politique et les " journées d’action " à répétition, catégorie par catégorie pour épuiser les personnels.

Encore une fois: imposer la rupture avec le gouvernement

Les revendications des lycéens et des enseignants ne peuvent être satisfaites par le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli, parce que c’est un gouvernement bourgeois, gérant zélé des intérêts des capitalistes.

Pour défendre les enseignants, les personnels, leurs statuts, leurs salaires, le droit à l’instruction, il n’est pas d’autre voie que de combattre ce gouvernement, de le vaincre. Cela exige de s’organiser pour briser l’étroite collaboration des dirigeants des syndicats avec le gouvernement. Se défendre, c’est lutter pour imposer aux dirigeants de la FSU, de la FEN, de FO, de la CGT, et de leurs syndicats, qu’ils rompent avec le gouvernement Jospin - Gayssot - Chevènement - Voynet - Zuccarelli. Avec détermination, les militants qui combattent pour le socialisme doivent exposer quelle orientation est à même de conduire les enseignants à le battre :

 

Imposer aux dirigeants qu’ils se prononcent pour le rétablissement du mouvement national des nominations des enseignants du secondaire, la défense du statut des MI-SE, le rejet de la " réforme " des lycées, de " la charte " des écoles, qu’ils appellent au boycott de toutes les " expérimentations ", qu’ils boycottent toutes les réunions de concertation organisées par le gouvernement pour associer les syndicats enseignants à la mise en œuvre de sa politique.

 

Sur ces bases, il est de leur responsabilité de préparer la grève générale de l’enseignement public, pour défaire le gouvernement.

 

Le 2 décembre 1998

Additif

Depuis que cet article a été écrit, les enseignants ont pu découvrir, une fois partis en vacances (on n'est jamais trop prudent) la "réconciliation" entre les dirigeants du SNES et le gouvernement, Allègre. En fait de "réconciliation", la direction du SNES "plonge" en soutien à la contre "réforme" des lycées du gouvernement, qui comprend toujours la diminution massive des horaires, la dénaturation du métier d'enseignant, qui contient toujours d'importantes attaques contre les statuts (en particulier une part importante du service sera définie au niveau de l'établissement).

CPS aura l'occasion d'y revenir, mais il faut d'ores et déjà affirmer que ces événements confirment entièrement l'analyse contenue dans le présent article.

Le 26 décembre 1998


 

Haut

 

Retour à la section: université, lycées

 

Retour à l'accueil