Intervention d’un délégué de la métallurgie
au 21ème congrès confédéral
de la CGT Force Ouvrière (Lille, 27 juin 2007)
Ce congrès s’ouvre alors que
vient d’être formé le gouvernement Sarkozy-Fillon, sans Juppé. Ce gouvernement,
appuyé sur la majorité UMP au Parlement, a entre les mains tous les pouvoirs.
Ce gouvernement veut détruire le
contrat de travail. Ce gouvernement veut remettre en question le droit de
grève, le régime des retraites. Ce gouvernement veut liquider l’assurance
maladie. Ce gouvernement veut privatiser l’Université. Ce gouvernement, c’est
le Conseil d’Administration des groupes du CAC40, c’est le fondé de pouvoir des
capitalistes français, qui l’ont salué avec « enthousiasme ».
Je veux rapporter ici la colère
avec laquelle de nombreux syndiqués des Métaux, ceux qui m’ont délégué à ce
congrès, ont pris connaissance des propos répétés du camarade Mailly selon
lesquels avec le gouvernement Sarkozy, « tout est possible, le pire comme le meilleur ». Non !
Non, camarade Mailly, non ! Avec ce gouvernement, ce qui est garanti,
c’est « le meilleur » pour le patronat et « le pire » pour
les ouvriers.
Il suffit de lire le menu de la
session extraordinaire de l’Assemblée bleu CRS. Le gouvernement Sarkozy-Fillon
veut dès l’été prendre sa revanche sur ceux qui ont infligé ces dernières
années aux capitalistes des revers encore cuisants.
Première cible, les cheminots,
les travailleurs des transports, en instaurant un service minimum qui remettra
obligatoirement en cause le droit de grève, service minimum assorti de la remise
en cause de piquets de grève, le tout dans l’objectif évident de pouvoir
liquider les régimes spéciaux de retraite plus tranquillement..
Et il faut le dire. Le projet de
loi sur le service minimum est un projet de loi anti-grève : l’obligation
de se déclarer deux jours avant ouvre la voie à toutes les pressions, la
possibilité de déplacer des agents c’est la porte ouverte à l’intervention de
« jaunes », le référendum, c’est un attentat contre le droit de
grève.
Deuxième cible, les étudiants, en
instaurant l’autonomie des universités qui n’est qu’un faux nom pour leur
privatisation rampante. En fait il s’agit de faire payer aux étudiants la
défaite du précédent gouvernement sur la question du CPE.
Ces lois sont accompagnées d’un
texte sur les « peines planchers » qui frappera directement et
durement les ouvriers grévistes, les manifestants, qui auraient le malheur de
tomber dans les filets de la police, tandis que pleuvent les cadeaux fiscaux
sur les propriétaires, les héritiers et les millionnaires. Et oui, camarades,
séquestrer un patron deux fois, ou bloquer l’entrée d’une usine, c’est trois
ans de prison.
Pour les bourgeois, le meilleur,
pour les cheminots, pour les étudiants, pour nous, camarades, le pire !
Et puis il y a la loi sur la
détaxation des heures supplémentaires. Si l’on veut savoir de quoi il s’agit,
il suffit de se reporter à la grève des salariés de Kronenbourg à Obernai. Les
heures supplémentaires leur y ont été imposées en nombre écrasant, suite à la
fermeture d’une autre usine et autres suppressions de postes. Leur lutte de
classe a démontré que cette loi que prépare le gouvernement est une loi
incitant à la surexploitation des salariés, une loi de baisse du prix de leur
force de travail, une loi s’opposant aux augmentations générales de salaires au
nom du « travailler plus » pour que les patrons gagnent plus. Pour eux, le meilleur, pour nous, le pire.
Cette loi est vantée comme étant
« en faveur de l’emploi »,
par un gouvernement qui s’apprête à supprimer par ailleurs 250 000 postes
dans la fonction publique, au nom de la réduction d’une dette illégitime, sans
cesse creusée par les cadeaux aux plus riches ! Le rôle de l’organisation syndicale, c’est
de réaffirmer que pour assurer le
droit au travail pour tous, la seule solution est la réduction massive du temps
de travail, la création des postes nécessaires de la fonction publique, le
retour aux 37,5 annuités pour tous. Ceci évidemment pose la question d’une
organisation de la production rompant avec la loi capitaliste du profit, pour
construire, par exemple, les logements sociaux nécessaires. C’est s’opposer aux
délocalisations, aux externalisations et non de les « accompagner »
comme le prônent la CES et la CSI.
Enfin, cette loi prévoit de
nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les patrons. Ces
exonérations, ces cadeaux, vont creuser encore le déficit de
l’assurance-maladie, passée de fait depuis 2004 sous contrôle de l’Etat. Et
c’est l’Etat qui gère le salaire différé, collectif, des travailleurs, alors
qu’il devrait être géré par les seules organisations syndicales. Et voilà qu’on
nous annonce des « franchises » sur l’accès aux soins. Les patrons
sont dispensés de payer, les salariés … de se soigner. Pour eux, le meilleur,
pour nous, le pire.
On ne peut comprendre dans ces
conditions que la direction confédérale se dise « rassurée » sur le
perron de l’Elysée, se satisfasse de la « méthode » adoptée par
Sarkozy. Car en effet, quelle est cette méthode ? C’est d’associer les
organisations syndicales à l’application de sa politique, notamment au travers
de conférences successives dont le calendrier a été réécrit au fil des
rencontres avec les représentants des confédérations, au point d’arriver à un
véritable « agenda partagé ».
Des camarades se gaussent du
syndicalisme de la « chaise vide », comme ils disent. Qu’ils tirent
le bilan du syndicalisme de la « chaise pleine ! Depuis 10 ans, c’est
le plein de contre-réformes !
Le gouvernement, lui, a tiré les
leçons de sa défaite du C.P.E., qu’il a dû retirer face au mouvement étudiant
parce que l’UMP avait cru pouvoir se passer de la concertation. Une loi
« anti-CPE », dite de « modernisation du dialogue social »,
a fait suite à ce retrait : elle prévoit une concertation systématique
pour associer les directions syndicales à tout projet portant sur le droit du
travail.
Ainsi sur la question cruciale du
contrat de travail, Sarkozy et Fillon réaffirment ouvertement que, comme sur
tous les autres sujets, le rôle de la concertation doit être de paver la voie à
l’application de leur programme. Ce serait donc la prolongation de la
« délibération sociale » lancée par le Medef qui préparerait le
terrain, avant que se tienne une autre de ces « conférences » chargée
de la mise en musique de cette contre-réforme fondamentale pour les patrons,
sinon sa co-rédaction comme on vient de le voir pratiquer sur la question de
l’université. Le tout sous la menace de cette bombe à fragmentation contre le
syndicalisme ouvrier qu’est la réforme de « représentativité ». Pour
comprendre ce qu’il y a derrière la question de la « réforme de la
représentativité », il faut lire le livre de Parisot, la chef du Medef,
qui explique dans son livre : « Néanmoins, nous estimons que cette question de la représentativité est
seconde – nous ne disons pas secondaire. Elle est seconde parce qu’elle doit
être précédée d’un débat plus fondamental qui porte sur la légitimité d’un
syndicat. » La messe est dite.
Alors, face à ces menaces lourdes
qui s’accumulent contre les salariés, la première responsabilité de la
confédération c’est de préparer le combat contre le gouvernement
Sarkozy-Fillon, gouvernement au service du grand Capital, gouvernement des
intimes des Bouygues, Bolloré ou autres Lagardère.
Précisément, ce dernier s’est
enrichi par centaines de millions d’euros sur le dos des travailleurs d’Airbus.
Cette entreprise, pour nous autres de la Métallurgie, a une importance que
chacun comprend, et à l’annonce du plan « Power 8 », les premiers
débrayages spontanés nous ont donné l’espoir d’une grève totale, salutaire,
d’autant plus qu’avec des carnets de commande gonflés à bloc, les salariés
étaient en position de force. Une telle action aurait eu un retentissement
positif pour toute la classe ouvrière. Mais les directions syndicales d’Airbus
n’ont lancé aucun appel en ce sens. Pire encore, quand un mouvement de grève a
fini par se frayer un chemin, entre les deux tours de la présidentielle,
mouvement incluant syndiqués FO CGT et non syndiqués, la direction du syndicat
d’Airbus s’est battue pour faire cesser la grève, expliquant que c’est en
stoppant une grève qu’on pourrait obtenir satisfaction sur les
revendications ! Mais non, camarades, c’est exactement l’inverse. Jamais
la direction d’Airbus n’aurait négocié si il n’y avait pas eu des usines en
grève, si il n’y avait pas eu un risque de pénurie de pièces pour les autres
usines.
Quelques jours plus tard, la
direction de FO-Airbus recevait Sarkozy, qui a reçu, alors qu’il annonçait le
maintien de « power 8 », les
félicitations publiques des dirigeants du syndicat pour son élection.
Je rappellerai que pour sa part,
notre Syndicat des Métaux estime que l’indépendance syndicale, ce n’est pas
l’indifférence syndicale. Nous avons estimé qu’il était du devoir de notre
Confédération d’appeler à voter NON au Traité Constitutionnel Européen. Nous
avons a considéré que le devoir de la confédération était de faire barrage à
l’élection de l’enfant prodige du Medef en appelant à voter contre lui pour la
candidate du PS, sans apporter le moindre soutien à son programme. Dans de
telles conditions, Sarkozy a été élu. Mais aucune des mesures anti-ouvrières de
son programme n’ont la moindre « légitimité » du point de vue de la
défense des intérêts ouvriers. Pour un syndicaliste, la seule légitimité ce
sont les revendications des travailleurs salariés.
La
responsabilité de notre congrès confédéral, son énorme responsabilité, c’est
donc de préparer la CGT-Force Ouvrière, notre organisation syndicale, et les travailleurs de ce pays, à faire face à
cette offensive, pour la combattre. C’est d’appeler pour cela à la constitution
d’un front uni des organisations syndicales contre le gouvernement
Sarkozy-Fillon.
La
première mesure immédiate à même d’aider à enrayer l’offensive de Sarkozy et
ses hommes de main, c’est de refuser de participer aux
« forums », « table-ronde » et autres « délibérations
sociales », de se prononcer inconditionnellement pour la défense du CDI,
et donc de quitter sans délai les « négociations » sur le contrat de
travail ouvertes le 19 juin avec le Medef. C’est d’annoncer que la
confédération CGT-Force Ouvrière ne se rendra pas aux conférences mises en
place par le gouvernement comme autant de jalons dans sa marche réactionnaire.
C’est
que notre Confédération adopte comme mots d’ordre : boycott des
Conférences, boycott de la délibération sociale !
C’est
d’exiger le retrait du projet de loi sur le service minimum, cet attentat
contre le droit de grève, et d’annoncer le boycott des concertations de
branche et d’entreprise qui en découlent.
Voilà la responsabilité immédiate
de ce congrès, face à un président réactionnaire qui annonce vouloir
« effacer mai 68 », c’est à dire, l’essentiel de ce qui reste
des acquis ouvriers, mais aussi les organisations ouvrières elles-mêmes. C’est
notre ennemi, et il faut le traiter tel quel en engageant le combat
contre lui, dans l’unité des organisations syndicales.
Vers la section : interventions
militantes