Editorial de C.P.S nouvelle série n°30 (112) du 29 septembre 2007

 

Sarkozy et son gouvernement ont déclaré la guerre aux travailleurs et à la jeunesse

L’urgence exige que les directions syndicales (CGT, FO, FSU)

- rompent la concertation avec le gouvernement Sarkozy-Fillon,

- décident et organisent le combat dans l’unité pour le vaincre et le chasser

 

Le « nouveau contrat social français » de Sarkozy : une véritable déclaration de guerre


Les 18 et 19 septembre, en deux discours salués par le Medef comme « fondateurs », Sarkozy a dévoilé ses batteries et indiqué comment et quand il allait ouvrir le feu sur le prolétariat et la jeunesse. Il a été fidèle à son premier discours en tant que président, où il annonçait (le 29 mai au Havre) : « Pour bousculer les contraintes, pour en trancher les nœuds, il faut frapper fort, il faut agir sur tous les fronts à la fois, il faut créer un effet d’entraînement, il faut une masse critique. ».

Le « nouveau contrat social français » de Sarkozy, s’il s’appliquait ainsi la bourgeoisie l’escompte, signifierait un bouleversement des conditions d’existence de l’immense majorité de la population, une détérioration durable des rapports politiques au désavantage des travailleurs.

 

En effet, d’ici neuf mois, Sarkozy entend rien de moins que détruire les régimes spéciaux, condition d’une nouvelle agression contre le régime général des retraites et des pensions ; remettre en cause le CDI tout en s’en prenant une nouvelle fois aux chômeurs ; en finir avec la définition légale de la durée du travail ; remettre en cause fondamentalement l’assurance-maladie, à commencer par l’instauration des « franchises », ainsi que l’hôpital public ; engager la casse du statut des fonctionnaires, et en particulier celui des enseignants, pour permettre d’amplifier les suppressions de postes, comme par exemple en fusionnant les Impôts et le Trésor Public. S’ajoute à ce programme réactionnaire d’une ampleur sans précédent l’application des lois votées cet été restreignant le droit de grève et engageant la privatisation des universités, ainsi que le durcissement d’une politique littéralement criminelle envers les travailleurs immigrés. Les prolétaires, les jeunes, sont en présence d’une véritable déclaration de guerre en bonne et due forme.

 

Mais si Sarkozy se lance ainsi « sur tous les fronts à la fois », pour tirer un trait sur les acquis découlant pour l’essentiel des situations révolutionnaires de 1936 et 1945, il n’en est pas moins évident que dans son plan de bataille, le premier bastion qu’il entend faire sauter, ce sont les régimes spéciaux de retraite, ceux-là même qui furent défendus avec succès par la grève générale de la SNCF et de la RATP en novembre-décembre 1995.


Leur priorité: faire sauter le verrou des régimes spéciaux, vers une nouvelle « réforme » des retraites


« La priorité, c'est de traiter la question des régimes spéciaux de retraites » a déclaré Sarkozy. Mais en quoi est-ce une priorité ? Pas, comme l’acceptent plus ou moins ouvertement les dirigeants syndicaux, pour des raisons de financement. Non seulement le poids des régimes spéciaux dans l’ensemble du financement des retraites est marginal, autour de 5%, mais encore s’il est question de financement, la réponse des organisations syndicales devrait être nette : que les patrons, que l’Etat, payent ! Ils sont responsables du chômage et des bas salaires de la classe ouvrière, qui déstabilisent les régimes de retraite bien plus que les considérants démographiques.

Accepter l’argument du « déficit des retraites» revient ni plus ni moins à renoncer à revendiquer des augmentations de salaires, à accepter que le patronat, l’Etat, ne payent pas. Comment l’accepter, au moment même où la majorité UMP vient de voter 15 milliards d’euros de cadeaux au patronat et aux grandes fortunes ?              

Et s’ils prétendent ne pas pouvoir payer, alors cela ne ferait que signifier que le régime capitaliste doit quitter la scène de l’histoire, incapable de garantir une existence digne à la grande majorité de la population.

 

Non, la « priorité » de Sarkozy est politique. Il le dit lui-même : son gouvernement veut, d’ici juin 2008, réaliser une nouvelle contre-réforme des retraites, avec notamment l’allongement à 41 ans de la durée de cotisation, mais aussi la remise en cause du calcul sur les six derniers mois dans la fonction publique ou du dispositif concernant les « longues carrières » (ce qui fait s’étrangler Chérèque, lequel avait mis en avant cette « concession » de Fillon, en 2003, pour justifier le soutien de son organisation au passage au 40 annuités dans le public). Sarkozy l’exprime sans détours : « on n'entreprendra pas une troisième réforme des retraites sans y inclure les régimes spéciaux ».

 

Plus encore : de même que le vote express de la « réforme » des universités (voir dans ce numéro) était autant un moyen de prendre la jeunesse scolarisée de vitesse qu’un signal adressé à la bourgeoisie que le gouvernement ne reculerait pas devant ces étudiants qui avaient eu l’audace, par le passé, de se mobiliser et de gagner contre le pouvoir, la destruction (« convergence ») des régimes spéciaux devant lesquels Chirac et Juppé avaient dû renoncer en 1995 est un préalable à tout le reste des attaques planifiées par Sarkozy. Si elle aboutissait, elle aurait forcément un effet démoralisateur qui rejaillirait sur l’ensemble du prolétariat français.

Voilà pourquoi c’est à marche forcée que Sarkozy a calculé son coup : « quinze jours de concertation » avec le ministre Bertrand, cette « concertation » devant aboutir à un texte-cadre, lequel serait décliné par d’autres négociations dans chacune des entreprises concernées, au premier rang d’entre elles la SNCF, EDF et la RATP.


Pour la défense des régimes spéciaux de retraite, la responsabilité des directions syndicales est totale


Cela pose au premier chef la responsabilité des directions syndicales CGT et FO de ces entreprises, mais aussi des directions confédérales, lesquelles en outre siègent (ainsi que celle de la FSU) au Conseil d’Orientation des Retraites, lequel, Sarkozy l’a rappelé, sera chargé de préparer le « rendez-vous » de 2008.

 

Et qu’ont-elles fait face à l’annonce d’une « réforme » hyper-rapide des régimes spéciaux ? Tous les secrétaires confédéraux se sont rendus chez Sarkozy lors du week-end précédant sa déclaration de guerre, ce à quoi ils les avait conviés afin de … mieux la préparer ! Et surtout, aucune ne se prononce pour la défense des régimes spéciaux, B.Thibault réclamant simplement : « il faut négocier pour trouver d'autres solutions sur l'ensemble des retraites » (Ouest-France du 21 septembre). Et, ajoute-t-il : « il va falloir penser à la mobilisation des salariés » (sic !). Le Monde du 18 septembre informait pour sa part : « A sa sortie de l'Elysée, Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, s'est déclaré prêt à discuter des régimes spéciaux " si le chef de l'Etat ne passe pas en force, s'il ne met pas les gens avec une épée dans le dos et que le gouvernement accepte de discuter sereinement, en prenant le temps nécessaire ».

Du côté du PS, Sarkozy ne rencontre aucune opposition de principe, car, dit son porte-parole Benoît Hamon « la réforme est donc nécessaire mais elle doit être négociée et construite avec les partenaires sociaux »… et que dire des encouragements ouverts de M.Valls qui joue les perroquets de Sarkozy !

 

A la SNCF, au sortir d’une rencontre tenue le 19 septembre, cinq fédérations décident d’appeler à la grève… un mois plus tard, le 17 octobre, avant de montrer le peu de cas qu’ils font de cet appel en le décalant au 18 au prétexte de ne pas gêner la « journée du refus de la misère », d’inspiration catholique et petite bourgeoise.

Et pourquoi attendre un mois, laisser passer la « quinzaine » de concertation annoncée par Sarkozy ?

Selon le secrétaire fédéral FO : « la date peut sembler éloignée, mais ce temps laissé peut permettre à d'autres secteurs professionnels de décider de nous rejoindre dans l'action ». Le 20, les syndicats RATP se réunissent et décident « en attente de propositions du ministre du Travail » selon le secrétaire Unsa-Ratp, donc dans le cadre des négociations annoncées par Sarkozy, d’attendre le 28 septembre. Le 21, les fédérations de la fonction publique décident à leur tour qu’il est urgent d’attendre, donc de se revoir le 1er octobre, après la tenue de la première conférence sur la fonction publique. C’est-à-dire après l’engagement de la concertation avec le gouvernement ! Si la CGT-Energie appelle elle à la grève, rejointe le 28 par la plupart des syndicats de la Ratp (voir le supplément à CPS  reproduit dans ce numéro), et peut-être à la dernière minute par des fédérations de fonctionnaires, elle ne s’en préparent pas moins, comme leurs alter ego de la SNCF, à participer aux « négociations », au ministère le 27 septembre, puis dans chaque entreprise.

 

Par contre, les directions CGT et FSU appellent à manifester le samedi 13 octobre sur la « pénibilité ». Or c’est justement le prétexte au nom duquel Sarkozy a caractérisé « d’indigne » les régimes spéciaux. En mettant en avant eux aussi cette question, les appareils syndicaux s’insèrent dans le dispositif gouvernemental de remise en question de ces régimes, au prix éventuellement de quelques concessions mineures du patronat sur la pénibilité (quoique pour l’instant, ce dernier propose scandaleusement que ce soit l’assurance-maladie qui prenne en charge les conséquences humaines terribles que l’exploitation inscrit dans la chair du prolétariat).  

En 1995, le 10 octobre, une journée d’appel unitaire dans toute la fonction publique et les entreprises publiques avait permis aux travailleurs de mesurer leur force contre le gouvernement Chirac-Juppé et sa « réforme » de la Sécurité sociale. Elle était annonciatrice du grand mouvement de classe de novembre-décembre 1995, s’engageant à partir d’une autre journée d’action appelée par les appareils le 24 novembre. Ceux-ci ne l’ont pas oublié, et se disposent de façon à briser dans l’œuf toute tentative de résistance à la politique du gouvernement, tandis qu’ils collaborent à fond avec lui et le Medef dans leur entreprise de liquidation des acquis ouvriers.


Sarkozy laisse trois mois aux « partenaires sociaux » pour trouver des substituts au CDI


Particulièrement éclairantes à cet égard sont les négociations engagées depuis le 13 septembre entre les directions syndicales et le Medef sur la question du contrat de travail, négociation dont Sarkozy a rappelé le 18 septembre que :

 «  Le gouvernement tirera toutes les conséquences de ces négociations à la fin de cette année. Quand il y aura eu accord, la loi le consacrera. Là où il n'y aura pas eu accord, l'Etat prendra ses responsabilités. »

 

En faisant sa rentrée politique lors de l’université d’été du Medef, et en y reprenant à son compte le concept inventé par Parisot de « séparation à l’amiable », ou encore en se prononçant pour que la durée du travail ne relève plus de la loi mais soit décidée au niveau des branches et même des entreprises, Sarkozy a explicité ce que sont ses « responsabilités » : faire droit aux exigences du Medef. La « réforme du marché du travail » est d’ailleurs l’objectif essentiel de la lettre de mission adressée par Sarkozy à son ministre Bertrand.

Le Medef quant à lui a précisé ses desiderata lors de la première réunion avec les directions syndicales. Selon Le Monde du 14 septembre :

« La principale mesure concerne l'allongement de la période d'essai du CDI qui serait également doublée d'une autre période de "validation économique". (…) Sans aller jusqu'aux deux ans instaurés dans le cadre du contrat nouvelles embauches réservé aux entreprises de 20 salariés au plus, cette période pourrait atteindre de six mois à un an. (…)Le document patronal propose aussi d'instaurer une "période de validation économique répondant à l'incertitude économique de l'entreprise", succédant à la période d'essai»

Et encore:

« le Medef propose "la mise en place d'un CDI conclu pour la réalisation d'un objet précis". Calqué sur les contrats de mission à l'export ou contrats de chantier qui existent dans le bâtiment, ce CDI de projet verrait le motif de rupture, la fin du projet, fixé par avance, sans qu'il soit daté dans le temps.»

Dans ces conditions, avec ce super-CNE, le CDI serait évidemment réduit à la portion congrue.  Ce n’est pas tout. Selon Le Monde du 22 septembre :

« le Medef veut redéfinir les possibilités de modification des contrats et des conditions de travail. Toute proposition par le chef d'entreprise d'une modification du contrat, salaire, définition du poste, mobilité, etc. serait soumise au salarié qui, s'il n'a pas répondu dans "un délai défini", sera considéré comme l'ayant acceptée.

Si cette modification, non liée à une suppression d'emploi, "est refusée par le salarié, la rupture ne devrait alors pas être considérée comme un licenciement économique", ce qui exonérerait l'entreprise des charges qui y sont attachées. ".

 

Le soutien avéré de Sarkozy aux revendications patronales se traduit par l’organisation au niveau gouvernemental de pas moins de trois « conférences sociales » successives, cet automne, portant notamment sur le « coût du travail ».

Le but de ces conférences est d’associer les directions syndicales à la réalisation des objectifs du Medef. Certes, les dirigeants syndicaux s’en défendent, mais dans quels termes ! Mailly, interviewé dans Les Echos du 12 septembre, déclare par exemple: « Nous voulons démontrer que nous pouvons négocier et aboutir à des résultats, qui pèseront sur le gouvernement, mais pas à n’importe quel prix. Nous ne rechercherons pas la signature pour la signature. Nous entrons dans cette négociation de manière positive, avec une volonté de compromis. »

« Peser sur le gouvernement »?  Mais la « positive attitude » de Mailly l’amène, avant même que les négociations ne soient ouvertes, à déclarer dans la même interview : « Nous sommes prêts à donner une place supérieure à la conciliation dans le cadre de procédures prud’homales simplifiées. Pour cela, on pourrait raccourcir la durée des recours juridiques, ce qui serait à la fois plus sécurisant pour les patrons et pour les salariés. ». La direction de FO a beau dire, après cela, qu’elle s’oppose à la « séparation à l’amiable » revendiquée également par le patronat et Sarkozy, elle ne leur en ouvre pas moins grande la porte pour y parvenir !

 

Comment avoir une « attitude positive » avec un gouvernement qui déclare vouloir durcir les conditions d’accès à l’assurance-chômage, qui entend « sous quinze jours » dit Sarkozy, engager la fusion ANPE-Unedic à cette fin, pour mettre en place « avant la fin de l'année des procédures et des sanctions, à la fois plus efficaces, plus fermes et plus justes à appliquer lorsqu'un demandeur d'emploi refuse deux offres valables d'emploi ou une formation. » ? Malgré cela Mailly et ses pairs sont décidés à avoir une « volonté de compromis » avec un gouvernement dont le leader déclare de manière tonitruante au sujet des concertations : «Je serai ouvert sur les moyens et la méthode, mais je ne transigerai ni sur les objectifs ni sur les principes. »

D’un côté, c’est « pas de quartier », de l’autre, c’est l’air des « compromis ». Le résultat d’un tel refus d’organiser le combat contre le gouvernement Sarkozy, donc de rompre avec lui, de refuser de participer aux « conférences sociales » et de rompre les négociations avec le Medef serait couru d’avance : tout bénéfice pour le gouvernement Sarkozy-Fillon et les patrons.

Il n’en va pas autrement dans la fonction publique.


Le projet de budget, prélude à un coup de torchon sur le statut de la fonction publique


Le 26 septembre, le conseil des ministres a validé le projet de budget soumis à l’Assemblée nationale. Que la presse bourgeoise parle de « recul » (et à sa suite les appareils syndicaux) ne s’explique que parce que les promesses que Sarkozy a faites en matière de suppression de postes a mis les capitalistes en appétit. Car en réalité, ce projet budget bat tous les records en la matière 23 000 postes en moins – encore s’agit-il d’un plancher, puisqu’avec la Lolf, d’autres suppressions peuvent intervenir en cours d’année. Le tout au nom de la dette publique, dont il faut rappeler que pour les travailleurs, elle est totalement illégitime, creusée par des décennies de dépenses militaires parasitaires et d’aides directes au grand patronat, et servant à engraisser banquiers et spéculateurs associés.

 

L’enseignement public est particulièrement touché, surtout le second degré, en attendant le tour de premier degré l’an prochain avec la suppression de 15% des heures de cours annoncée par Darcos sous couvert de rythmes scolaires. Ceci n’empêche pas le secrétaire général de la FSU de saluer celui qu’on peut vraiment nommer son ministre de tutelle pour avoir « limité les dégâts », alors que, factuellement, il n’y a jamais eu autant de suppressions de postes dans l’enseignement, et que Darcos prévoit de les amplifier en procédant à des suppressions massive d’options, d’heures, ce que prélude la disparition programmée de la carte scolaire, pour aboutir dès la rentrée 2008 à la remise en cause du statut des enseignants (voir dans ce numéro).

Mais c’est dans toute la fonction publique que les contre-réformes sont à l’ordre du jour immédiat, comme Sarkozy l’a rappelé dans son discours du 19 septembre : « pour 2008 le gouvernement s'en est tenu au non remplacement d'un fonctionnaire sur trois. Nous irons plus loin au fur et à mesure de l'avancée des réformes »

Ce que seront ces « réformes » est connu jusque dans le détail. Sarkozy les a exposées : en parallèle d’un véritable « plan de restructuration » dont la manifestation la plus évidente serait la liquidation de dizaines de milliers de postes avec la fusion Trésor/Impôts, il veut briser le « carcan des statuts ». Au programme : en finir avec les concours, individualiser les carrières et les augmentations de salaires pour en finir avec les augmentations collectives (ceux qui veulent gagner plus auraient à faire… plus d’heures !), aller vers un système où d’un côté on offrirait un « pécule »  pour faire partir les fonctionnaires (sorte de prime de licenciement déguisée), et de l’autre on proposerait aux nouveaux embauchés un … CDI de doit privé, « négocié de gré à gré ».

Le 19 septembre est déjà paru au JO un texte qui autorise la suppression de la notation, laquelle serait remplacée par un « entretien individuel ». Le ministre Woerth l’avait déjà dit en juillet: il s’agit de permettre aux « cadres » de « choisir leurs collaborateurs ». Ainsi, c’est toute la protection collective qui s’incarne dans les statuts qui serait liquidée, ce qui provoquerait un changement profond, politique, en faisant des fonctionnaires non plus des travailleurs qui doivent leur poste à un concours, mais à un petit chef. Bien que Sarkozy ait fixé comme objectif 2012, c’est dès 2008 qu’un « livre blanc » serait rédigé, dans la concertation avec les directions syndicales.

 

Voilà l’objectif des quatre conférences prévues tout au long du mois d’octobre sur la fonction publique, qui doivent préparer le terrain pour faire aboutir les projets destructeurs du gouvernement en y associant les directions syndicales. Ces conférences, sur les « valeurs » de la fonction publique se tiendront au moment même où le parlement sera saisi du budget de suppressions record de postes ! Or les appareils syndicaux, au lieu de combattre contre le budget, entendent toutes y participer. Tout en s’élevant verbalement contre « un dynamitage de tous les principes fondateurs de la Fonction publique» (Aschiéri, FSU) du statut annoncé par Sarkozy, les appareils syndicaux s’associent aux dynamiteurs. Pour discuter de l’endroit où poser les charges ?

La défense inconditionnelle du statut, pour laquelle ne se prononcent même pas les directions fédérales, exige au contraire le boycott de ces conférences.


 « Sarkozy veut entraîner les syndicats dans ses réformes » … jusqu’où ?


Ce titre d’un article du Monde du 20 septembre est évident au regard de ce qui précède. Encore faudrait-il préciser que ce sont les appareils syndicaux qui se laissent entraîner, que rien ne les contraint à s’engager ainsi. Les deux réformes maîtresses votées cet été, sur l’université et le service minimum, le soulignent.

Sur la première, dont le contenu est détaillé dans un article de ce numéro de CPS, ce sont ouvertement les élus syndicaux qui dirigent la plupart des conseils d’administration qui prennent en charge le basculement vers le statut d’autonomie, la marche à la privatisation et aux fondations à l’américaine, mais aussi une forme de casse du statut qui peut servir de laboratoire pour toute la fonction publique. Et au bout du compte, en mettant en œuvre cette loi qui généraliserait la concurrence entre les universités, ainsi qu’au sein des universités entre les personnels, et qui réduit la place qu’occupent jusqu’ici dans la cogestion universitaire les appareils syndicaux, les dirigeants au premier chef du SNESup-FSU créent les conditions de la liquidation de leur syndicat lui-même.

 

La loi sur le « service minimum », elle, est en fait une loi qui restreint considérablement le droit de grève. Elle impose à chaque travailleur de se déclarer, individuellement, gréviste 48 heures à l’avance pour pouvoir faire grève, niant le caractère collectif de la grève. Elle permet le déplacement de personnels pour « boucher les trous », au mépris des qualifications, ou encore impose un « médiateur », et enfin permet aux entreprises de transport – et le cas échéant aux conseils régionaux et départementaux dirigés par le PS - d’organiser des référendums sur la grève. Une telle atteinte au droit de grève met à terme en danger l’existence même des organisations syndicales. Or ce sont ces dernières qui sont « entraînées » par le projet à « négocier » à la fois un protocole de prévention des conflits du type de ceux adoptés à la RATP et à la SNCF avec l’assentiment des dirigeants syndicaux, notamment CGT-Cheminots ; et à la fois d’autres protocoles d’organisation du service minimum les jours de grève. Autrement dit, les dirigeants syndicaux sont invités à mettre en place eux-mêmes les barrages contre les grèves! Là aussi, c’est un processus de liquidation des organisations syndicales dans lequel Sarkozy veut les « entraîner », et que la réforme de la « représentativité » qu’il a aussi réaffirmée le 18 septembre doit permettre d’accélérer.

A cet égard, la position adoptée par la fédération FO-Transports le 18 septembre est symptomatique. La voici :

« FO Transports ne participera pas aux réunions de « négociations » sur l’application de la loi sur le service minimum (…)  ces discussions ayant pour seul objectif de transposer dans ces secteurs des décisions gouvernementales rejetées par toutes les organisations syndicales. Nos délégations quitteront donc définitivement ces réunions après avoir, dès l’ouverture, fait lecture d’une déclaration rappelant nos positions.

Ce refus d’accompagnement s’exercera naturellement dans les entreprises où les militants FO refuseront toutes négociations. »

Sans s’illusionner sur la portée de cette prise de position, d’autant qu’elle ne se propose nullement d’être reprise par les autres fédérations, et donc qu’elle s’inscrit de fait dans un partage du travail avec les autres fédérations, à commencer par la CGT, elle montre que le combat contre la concertation sur laquelle « s’appuie » le gouvernement selon les termes mêmes de Raymond Soubie au Monde, est pleinement à l’ordre du jour.


L’exigence de la rupture avec ce gouvernement, du combat contre lui, peut se frayer un chemin


Face à ce gouvernement exceptionnellement brutal et arrogant, face à ce président qui affirme comme jamais depuis de Gaulle le caractère bonapartiste de la 5ème République et veut le renforcer plus encore dans la constitution, il faut être un bureaucrate syndical rassis pour ne pas ressentir un violent dégoût.

Inévitablement, une grande partie du prolétariat, de la jeunesse, malgré le matraquage des sondages (que les appareils exhibent à l’envi pour justifier leur soumission au gouvernement), assistent avec écoeurement ou colère à ces  « concertations » d’une ampleur sans précédent entre directions syndicales et gouvernement, complétées sur leur propre plan par les rencontres régulières avec le PS, voire le PCF. En effet, ils peuvent mesurer chaque jour l’ignominie de ce gouvernement de va-t’en-guerre, que ce soit contre le prolétariat ou au Moyen-Orient.

 

C’est ce qu’illustrent les « franchises médicales », que le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit instaurer, sous couvert de lutter contre la maladie d’Alzheimer. Il s’agit de faire payer aux travailleurs, à commencer par les plus pauvres, un déficit de l’assurance-maladie causé par le non-paiement des dettes de l’Etat et les exonérations dont bénéficient les patrons. Au-delà, cette nouvelle étape de déremboursement des soins ouvre pour Sarkozy la perspective, rappelée le 18, d’ouvrir plus largement le « marché » de la santé aux assurances privées – à cette fin, un « grand débat » devrait être organisé, pour se conclure très rapidement là encore, avant juillet 2008.

En même temps, le même projet de loi prend pour cible l’hôpital public notamment à travers la généralisation de la tarification à l’activité qui  détermine un taux de remboursement fixe  par pathologie, identique pour l’hôpital public et les cliniques privées. Or ces dernières par la surexploitation de leur personnel, ainsi que leur sous- qualification, ont des coûts en personnel plus faibles. Ainsi, les déficits dont souffrent déjà la grande majorité des hôpitaux publics vont s’accentuer, réglés toujours de la même manière : par les suppressions de centaines de postes, le licenciement massif des personnels précaires en particulier, et les restrictions. Et ce n’est qu’un début. Le gouvernement vient d’annoncer la tenue d’une concertation sur l’hôpital public sous la houlette de Larcher, sur les objectifs de laquelle le député B.Debré (majorité UMP –NC) vient de donner un éclairage en fixant l’objectif de fermer un hôpital sur trois !

Illustration : l’annonce par la direction de l’hôpital du Havre de la suppression de 550 postes sur cinq ans.

 

La persécution des travailleurs sans papiers bat son plein, entraînant déjà plusieurs décès en France – sans parler du sort terrible qui peut attendre ceux qui sont renvoyés par milliers dans le pays qu’ils ont dû fuir. La loi Hortefeux, assaisonnée par la majorité UMP à l’Assemblée de tests ADN, met de facto fin au regroupement familial en érigeant des conditions de ressources et de logement pour y prétendre que peu de travailleurs peuvent réunir. Elle y substitue une « immigration économique » qui n’est rien d’autre que la lointaine héritière de la traite négrière.

Le sinistre Hortefeux avait été précédé par la loi Dati sur la récidive, loi dont ce n’est pas l’un des moindres aspects qu’elle permette de jeter en prison quasi automatiquement les manifestants, les grévistes, plus largement tous ceux qui auraient eu maille à partir avec la police. Le parallèle s’impose avec l’annonce par Sarkozy devant le Medef qu’il allait dépénaliser le droit des affaires. La prison pour les prolétaires et la jeunesse, l’indulgence pour les bandits de grand chemin en costume cravate qui écument les conseils d’administration. A cela il faut ajouter le discours raciste tenu par Sarkozy en Afrique, dans lequel il évoquait avec mépris le « paysan africain » insensible à l’idée de « progrès », au contraire de la colonisation qui aurait eu à l’en croire tant de vertus. Où sur un autre plan le discours de madame Lagarde au parlement cet été lorsqu’elle y vanta son projet de loi déversant des milliards d’euros de cadeaux aux plus riches. Ce discours culmina en effet dans ce mot d’ordre qui est celui de toute la bourgeoisie française « c’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. (...) C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé !».

 

C’est sans doute un signe avant-coureur du rejet de la politique du gouvernement que la grève des ouvriers de Goodyear et Dunlop contre un projet de réorganisation du travail faisant « travailler plus » (les week-end et jours fériés) pour « gagner plus » (une aumône de 65 euros). Cette grève a abouti au boycottage du référendum que la direction organisait sur son projet, référendum annulé, ainsi que le projet, retiré, pour l’instant.  Rappelons aussi la grève de juin dernier dans l’usine Kronembourg d’Obernai (voir dans ce numéro l’intervention d’un délégué au congrès confédéral de FO). Les initiatives militantes que publie ce numéro en témoignent : le rejet de la concertation, la volonté du combat uni contre le gouvernement, peuvent se frayer un chemin, bousculer la politique des directions syndicales.


Alors que sa situation économique se détériore, l’impérialisme français est isolé en Europe


« Je veux 3% », a déclamé un Sarkozy, toujours aussi ivre de puissance et de lui-même, dans l’avion qui le ramenait de Budapest, le 14 septembre. Mais la réalité économique n’a que faire des adeptes de la méthode Coué.  Elle s’est d’abord manifestée par plusieurs révisions à la baisse des prévisions de croissance du PIB français pour 2007, prévisions qui aujourd’hui sont toutes en dessous des 2%. L’Insee a publié le 28 septembre les chiffres de la croissance au second trimestre : +0,3% seulement, ce qui n’empêche pas le gouvernement d’adopter un projet de budget basé sur des prévisions un tiers supérieures aux estimations, donc un budget délibérément truqué.

 

La réalité de la situation du capitalisme français est apparue en plein lumière à Porto, lors du sommet des ministres des finances de l’Union. « J’en ai pris plein la figure » aurait dit C.Lagarde en rentrant à Paris. Le fait est que le sommet s’est préoccupé selon la presse du « cas français », notamment de l’aggravation constante des déficits publics et de l’endettement, ainsi que du renoncement du gouvernement Sarkozy-Fillon aux engagements pris en matière de finances publiques par le gouvernement Chirac-Villepin. Ce « cas », Sarkozy l’a aggravé en cherchant dans la politique de la BCE le responsable tout trouvé des difficultés économiques à venir, l’accusant de faire le jeu des « spéculateurs » contre les « investisseurs », et demandant à mi-mot une baisse des taux d’intérêts. La réponse de Junker, président de l’eurogroupe, montre dans sa teneur à quel point Sarkozy est isolé au sein de l’Union Européenne : « je ne commente pas les propos tenus en l’air », tandis que de son côté le président de la Bundesbank qualifiait de « nulle » la valeur des propos du président français.

Si ces propos tranchants font cruellement ressortir l’absence de toute opposition sérieuse à Sarkozy sur la scène politique française, ils soulignent d’abord que les autres impérialismes européens, à commencer par l’impérialisme allemand, ne suivent pas le gouvernement Sarkozy-Fillon quant à la nécessité de faire baisser le cours de l’euro, renvoyant les capitalistes français à leurs propres problèmes de « compétitivité », c’est-à-dire invitant Sarkozy à redoubler de coups contre la classe ouvrière.  Eux le savent : les récriminations de Sarkozy sont d’abord un aveu de faiblesse, faiblesse qui peut se mesurer à l’aune de l’ampleur du déficit des échanges commerciaux de la France.

Elles sont loin, les rodomontades mégalomaniaques de Sarkozy qui se vantait d’avoir « sauvé l’Europe », excusez du peu, grâce au « traité simplifié » remplaçant la « constitution européenne ». Il s’avère aujourd’hui que ledit traité n’est toujours pas rédigé, et que par exemple le gouvernement allemand s’oppose à l’Elysée sur la question de la place accordée dans ce futur texte à … la Banque Centrale Européenne !

 

Ces tensions se manifestent alors même que l’impérialisme français au sujet duquel une économiste de la Société Générale déclarait début septembre : « c'est la désolation du côté de la production et des exportations » va faire face, comme l’ensemble de l’économie mondiale, à une conjoncture une nouvelle fois menaçante.


Crise financière…


Cet été, à partir de la mi-juillet, les marchés financiers sont entrés dans une phase de crise, de brusques soubresauts, de chutes et rechutes du cours des actions. L’origine immédiate de cette phase de baisse était la défaillance d’organismes spécialisés dans le crédit immobilier, ou, devrait-on dire, dans l’escroquerie des travailleurs les plus pauvres aux Etats-Unis, qui leur ont « vendu » des prêts d’accès à la propriété immobilière en sachant qu’ils ne pourraient pas les rembourser. Ce sont 1 à 3 millions d’entre eux aujourd’hui qui, selon un sénateur américain, pourraient être jetés à la rue.

Ces défaillances des organismes de prêt immobilier se sont propagées à l’ensemble du secteur bancaire, dans la mesure où toutes les grandes banques sont engagées sur ce « marché » des emprunts immobiliers à risque – bien qu’aucune banque n’ait été en mesure de mesurer l’ampleur des pertes qu’elle subirait sur ce véritable marché de la dette des ménages américains. Cette implication des banques, qui constituent le cœur du système capitaliste, a déclenché une véritable crise du crédit, dont la manifestation a été la hausse brutale du taux auquel ces institutions financières se prêtent entre elles. En clair : les banques ne se font plus confiance entre elles !  Autre manifestation de cette crise: la fuite des capitaux vers les valeurs refuges : obligations d’Etat, or, matières premières. Relevons notamment l’embrasement spéculatif des céréales, lequel présage des famines dans les pays dominés, où le morceau de pain pourrait devenir un luxe inabordable pour la majorité de la population.

 

Plusieurs interventions massives des banques centrales américaine et européenne ont été nécessaire pour éviter que ce resserrement des conditions du crédit n’entraîne d’importantes faillites bancaires, sans éviter pour autant que, notamment en Allemagne ou régnait une atmosphère de panique après la défaillance de la banque IKB, suivie d’autres, défaillances camouflées par l’intervention du gouvernement et de la Bundesbank. On a ainsi entendu un responsable de la bourse allemande parler de « la crise financière la plus grave depuis 1931 ». La huitième banque britannique, « Northern Rock », spécialisée dans l’immobilier, a été sauvée par l’ouverture de lignes de crédits par la banque d’Angleterre (c’était la première intervention de ce genre de toute son histoire), alors qu’on voyait des scènes évoquant la crise de 1929… ou celle de 2001 en Argentine, des épargnants souvent d’origine populaire faisant la queue en masse pour retirer leurs économies avant qu’elles ne s’évaporent.

 

Ce que la Banque d’Angleterre a fait pour sauver « Northern Rock », c’est ce que les banques centrales américaine, européenne et autres, ont fait en injectant des centaines de milliards de crédits à court terme, pour sauver l’ensemble du système financier. Mais ces interventions n’ont même pas suffi à endiguer la crise du système de crédit. Il a fallu pour juguler au moins provisoirement la crise financière que la réserve fédérale américaine baisse significativement ses taux de base, ceux auxquels les banques lui empruntent. Alors la crise financière s’est momentanément calmée. Mais elle couve encore. Ainsi a-t-on appris le 27 septembre que « la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale des Etats-Unis continuent à mettre à la disposition des marchés frappés par la crise financière des liquidités très importantes, selon les chiffres diffusés jeudi. » (Dépêche Reuters). Et aussitôt les banques espagnoles, allemandes et autres nient avoir eu recours à ces facilités (ce qui est invérifiable), de peur de voir le cours de leur action chuter aussitôt… la confiance règne ! C’est clair : rien n’est réglé, un krach financier est toujours à l’immédiat ordre du jour.


… et marche à la récession : c’est le capitalisme qui est « en faillite »


Mais quelle est la raison de l’éclatement de cette crise ? C’est le ralentissement global de l’économie américaine, lequel s’est amorcé avant même qu’éclate la crise du logement. Il est d’une importance décisive de le saisir. Lors de sa première conférence en avril dernier, notre Groupe avertissait que « il serait hâtif de penser que le tournant dans la politique économique qui a été enclenché aux Etats-Unis à partir de 2001 a d’ores et déjà été digéré » et qu’à cet égard, « les mois à venir seront décisifs ». Ce pronostic est vérifié.

 

Rappelons que la crise économique entamée en 2000 aux Etats-Unis, et accélérée en 2001, avait été surmontée par une politique économique rompant de fait avec le monétarisme : baisse des taux d’intérêts au plus bas, recours à des déficits gigantesques. L’injection massive de crédits à bon marché dans l’économie lui a permis de repartir, tout en créant de nouvelles masses de capital flottant et spéculatif qui ont nourri de nouvelles bulles spéculatives, tout particulièrement dans les matières premières et le logement. Mais encore fallait-il que le taux de profit aux USA remonte suffisamment pour prendre le relais de cette injection massive de crédits, et permettre que s’engage un nouveau cycle de croissance lequel aurait permis d’offrir des débouchés au capital. Mais précisément, l’investissement productif n’a pas pris le relais. Le prix Nobel d’économie Joseph Stieglitz le résumait en ces termes dans  les Echos du 20 août :

« Le fort surinvestissement des années 90 ayant été l’une des causes de la récession, la baisse des taux n’a pas tellement stimulé l’investissement. L’économie a prospéré, mais essentiellement parce que les familles américaines ont été incitées à s’endetter davantage ».

C’est dans ces circonstances que la surproduction effrénée de logements (les capitalistes produisent toujours comme si la capacité de consommation des masses était illimitée, tout en la restreignant eux-mêmes pour produire à moindre frais) s’est heurtées aux limites du marché, même si ces dernières avaient été repoussées par l’utilisation de ces crédits « subprime » sans scrupules. Mais cette crise du secteur du logement est à son tour un catalyseur de la récession qui s’annonce aux Etats-Unis pour 2008 (A.Greenspan la considère comme quasi certaine). En effet, la capacité d’emprunt des ménages américains (déjà les plus endettés de la planète), y compris pour les crédits à la consommation, est appréciée selon le cours de marché de leur bien immobilier. Or, au second trimestre, si la croissance américaine est apparue forte, elle reposait d’abord sur la consommation des ménages.

 

La baisse vertigineuse des prix de l’immobilier, conjuguée avec le fait que le taux de profit reste insuffisant, augure d’une crise brutale. Ses répercussions sur l’ensemble de l’économie mondiale, pour laquelle les exportations vers le marché américain sont décisives, seront considérables. A cela il faut ajouter que la baisse des taux d’intérêts américains ne peut qu’accélérer la baisse du cours du dollar, à la limite d’un krach monétaire, avec des effets déstabilisants sur toute l’économie mondiale

 

Lors d’une visite en Corse, François Fillon a déclaré « je suis à la tête d’un Etat en faillite ». Ce que la crise financière dévoile, c’est que c’est l’ensemble du mode de production capitaliste qui est en faillite. L’endettement généralisé et massif des Etats, des particuliers couverts de dettes, est caractéristique d’un système qui a utilisé toutes les ressources du crédit, de véritables traites de cavalerie, pour repousser les échéances qui le menacent, pour empêcher que les contradictions insurmontables qui sont les siennes n’éclatent en un souffle dévastateur. Depuis des décennies, l’intervention grandissante des Etats dans l’économie, d’abord sous la forme particulièrement destructrice de l’économie d’armement, a été nécessaire pour limiter l’ampleur des crises. Mais ces interventions dévorent plus que tout ce que l’économie capitaliste mondiale produit, et ont généré une dette qui a servi de base à la construction d’un invraisemblable château de carte fait de capital flottant, fictif, et spéculatif, qui représente aujourd’hui nominativement plusieurs fois la richesse mondiale.

Le seul moyen, aujourd’hui comme hier, pour l’ensemble des classes capitalistes de la planète d’éviter une fois encore que la « faillite » soit prononcée, d’empêcher que, face à la réalité économique, l’élastique qu’est pour eux le système du crédit ne se rompe, et que le château de carte ne s’effondre, c’est de faire retomber tout le poids de leur crise récurrente sur le dos des prolétariats de leurs propres pays. Seule l’intensification de l’exploitation, de l’oppression sous toutes ses formes peut permettre au Capital de grignoter un nouveau sursis. N’est-ce pas là le résumé le plus concentré du programme du gouvernement Sarkozy-Fillon, dont la rapidité fait écho à la situation particulièrement dégradée du capitalisme français par rapport à ses principaux concurrents ?


L’ennemi qu’il faut combattre et vaincre : le gouvernement Sarkozy-Fillon
Pour stopper son offensive, les dirigeants syndicaux doivent rompre avec lui et préparer la grève générale


La situation économique ne peut que pousser le gouvernement Sarkozy-Fillon a accélérer encore son offensive. Mais quatre mois après sa victoire électorale, même si Sarkozy pousse les traits bonapartistes de la Ve République au paroxysme, même si le rythme de ses annonces, les médias à sa botte, visent à étourdir les travailleurs, ce gouvernement a un besoin crucial du soutien des appareils syndicaux, devant les échéances décisives qui se profilent dans les mois qui viennent, à commencer par la question des régimes spéciaux.

Que les appareils syndicaux soient prêts à le soutenir entièrement dans la mesure où ils préservent leur place de « partenaire sociaux » reconnus et gardant ainsi accès aux prébendes gouvernementales, la lecture du présent éditorial ne peut laisser de doute à ce sujet.

 

Mais la politique des appareils est renforcée par le fait que Sarkozy ne rencontre nulle opposition sur le terrain directement politique. Le Parti Socialiste s’enfonce dans une crise potentiellement explosive, une fois passées les municipales, et s’inscrit dans le sillage de la campagne de Royal, ce que Hollande (cité par Le Monde du 20 septembre) résume à sa façon: «La bonne réaction c'est de faire des propositions sur les retraites, l'offre de soins ou encore la modernisation négociée du contrat de travail avec des contreparties pour les salariés. Le PS doit avoir une vision modernisatrice : ne pas apparaître comme conservateur mais réformateur. » 

En clair, c’est un programme d’accompagnement de la politique de Sarkozy. Quant à Fabius, il faut relever qu’il est sorti d’un long silence en le justifiant ainsi : « un nouveau pouvoir s'est installé, j'ai trouvé normal de le laisser faire ses armes ». Le « laisser faire » !

Travaux pratiques : de multiples membres du PS sont associés directement à cette politique. Ainsi Lang, dans la commission chargée de « présidentialiser » encore davantage la constitution, Rocard dans celle chargée de préparer la casse du statut d’enseignant, Attali et autres Strauss-Kahn, propulsé par Sarkozy à la tête du FMI (pour un salaire annuel de 500 000 dollars). A l’Assemblée, le PS a accepté, en prenant la commission des finances, de s’immerger dans le cadre du budget de Sarkozy-Fillon, qui concentre toute sa politique.

Le PCF, lui, tiraillé chaque jour un peu plus entre des forces centrifuges, et effaré à la perspective des prochaines municipales, a réuni sur une même tribune lors de la fête de l’Humanité les formations de l’ex-gauche plurielle, flanquées de la LCR, réactivant un collectif, « ripostes », constitué au moment du C.P.E. Réuni au soir du discours de guerre de Sarkozy, suivant la position défendue par Hollande à la fête de l’Humanité de ne pas « s’enfermer » sur la question des régimes spéciaux, ce « collectif » (moins la LCR) décida d’appeler, contre les franchises, à « quatre heures » de « débats », le 29 septembre. C’est un nouveau feu vert à Sarkozy.

 

Mais malgré ces obstacles nombreux, la nécessité urgente du combat contre le gouvernement Sarkozy-Fillon et ses commanditaires du Medef peut l’emporter. Il faut pour cela une orientation qui permette de briser ces obstacles.

Elle ne peut être que celle du combat en direction des directions syndicales, du PS et du PCF pour leur imposer qu’ils rompent avec le gouvernement Sarkozy-Fillon et le Medef, cessent les concertations avec lui, et lui opposent un front uni pour le combattre et le vaincre, qu’elles préparent la grève générale pour porter un coup d’arrêt à cette offensive généralisée de liquidation des acquis ouvriers.

 

Que le PS, le PCF, les dirigeants syndicaux ne le veuillent pas est évident. C’est qu’ils sont indissolublement liés au régime capitaliste, à la bourgeoisie. Ils rivalisent à qui mieux-mieux de « propositions » s’inscrivant dans ce cadre, acceptant comme des maux inéluctables le chômage et la misère qu’engendrent le maintien du capitalisme, formulant leurs propres propositions de « réformes » pour ne pas appeler à la défense inconditionnelle des acquis face à l’offensive de la bourgeoisie.

Mais il faut tabler sur le mouvement des masses, le nourrir, car lui seul peut mettre en échec la politique des sommets syndicaux, des partis issus du mouvement ouvrier, traîtres et dégénérés, dont l’aboutissant serait un recul historique pour les travailleurs et la jeunesse.

 

Le nourrir, c’est aussi et enfin développer la politique à même de répondre aux besoins et aspirations du prolétariat, des jeunes, cette politique anticapitaliste que mènerait un gouvernement révolutionnaire, expropriant les grands groupes capitalistes pour assurer le droit au travail par la diminution massive du temps de travail sans diminution de salaire jusqu’à l’embauche de tous les chômeurs, expropriant les banques afin d’impulser un plan de production guidé non plus par la loi du profit mais par les besoins des masses, à commencer par le logement, un gouvernement qui dénoncerait la dette publique et créerait les postes nécessaires dans le secteur public, bref un gouvernement s’engageant dans la voie du socialisme, des Etats-Unis Socialistes d’Europe.

 

C’est sur cette perspective, et dans le mouvement de résistance au gouvernement de Sarkozy et sa politique que s’inscrit la politique du Groupe pour la construction de l’indispensable Parti ouvrier révolutionnaire.


 

Le 29 septembre 2007

 

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