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Article paru dans Combattre pour le Socialisme  n°2 (84) de janvier 2001

 

Le mouvement du prolétariat serbe et la chute de Milosevic

 

5 octobre 2000: Milosevic chassé de la présidence de la RFY


Le 5 octobre, onze jours après les scrutins présidentiel et législatif du 24 septembre en RFY, dans lesquels Milosevic avait été battu, le prolétariat et la jeunesse serbe se rassemblent à Belgrade et envahissent le parlement fédéral en balayant les forces de police fidèles au régime. Milosevic est contraint de quitter la présidence de la RFY.

  Le 7 octobre, Kostunica, candidat de "l'opposition démocratique serbe" (ODS), a été  reconnu vainqueur de l'élection présidentielle par Milosevic, qu'il a rencontré tranquillement à Belgrade. Il est investi président de la RFY par le même parlement pris d'assaut deux jours plus tôt.

  Le 24 octobre, alors que le mouvement du prolétariat et de la jeunesse de Serbie s'était centralisé sur le mot-d'ordre "dehors Milosevic !", un "gouvernement de transition" pour la Serbie est constitué avec comme premier ministre, M.Minic, du "parti socialiste de Serbie"(SPS) de Milosevic.

Cette situation concentre l'ensemble des problèmes politiques auxquels est confronté le prolétariat dans ce pays.


16 mois après l'agression impérialiste contre la RFY (Serbie-Monténégro)


La chute de Milosevic survient 16 mois après la fin de l'agression impérialiste contre la RFY qui a laissé le pays totalement ruiné, la quasi totalité des usines détruites et le prolétariat socialement disloqué.

  Rappelons que les 77 jours de frappes réalisées sous direction américaine, avec le concours du gouvernement de la coalition PS-PCF-Verts-MDC-PRG, firent des dégâts considérables : 3 300 tués dont 1 500 civils, 15 000 blessés… 4 milliards de dollars de pertes, 45 ponts détruits.

A quoi on doit ajouter les dommages dans les hôpitaux, la destructions d’usines chimiques, dispersion dans la nature d’agents toxiques qui empoissonneront certainement plus les peuples des Balkans que les soldats de l'OTAN.

Si la guerre, les sanctions économiques imposées par les puissances impérialistes à la Serbie de 1992 à 1995 et de 1998 à la chute de Milosevic, ont gravement détérioré la situation du prolétariat, cela a également nettement fragilisé le régime.  En fait, depuis la guerre menée par l'OTAN en 1999, le régime de Milosevic est en sursis.


Dix ans après l'accession de Milosevic au pouvoir


Milosevic a accédé au pouvoir sur la base de la répression au Kosovo (Etat d'urgence décrété en 1989, suppression de l'autonomie de la province peuplée à 90% de Kosovars et à 10% de Serbes et Monténégrins). Il brandit alors l'étendard du nationalisme serbe, pour lequel le Kosovo est une pierre de touche. Il s'inscrit ainsi dans le processus de dislocation en cours de la Yougoslavie sur la ligne de la constitution d'une "Grande Serbie"  (Serbie et Kosovo, Slavonie et Krajina en Croatie, majeure partie de la Bosnie).

  Il instaure à cette fin en Serbie un régime bonapartiste policier dont l'exacerbation du nationalisme est le ferment, étouffant autant que possible, mais pas totalement, les libertés démocratiques, disciplinant autour de lui la bureaucratie et les couches petites-bourgeoises de Serbie.

Dix ans après, l'échec de Milosevic est total. De la "Grande-Serbie", il ne reste qu'une "République Fédérale de Yougoslavie", ruinée, n'ayant comme prolongement qu'un accord de coopération avec la "République Serbe de Bosnie". Des centaines de milliers de Serbes ont dû fuir la Croatie. L'impérialisme US l'a amputée de fait du Kosovo. Le Monténégro agite périodiquement la menace de la sécession. La RFY est encerclée par les troupes impérialistes stationnées au Kosovo et en Bosnie et dans l'ancienne République Yougoslave de Macédoine.

Dans une ultime fuite en avant, cherchant à profiter des conséquences terribles sur le prolétariat Serbe de ces dix années et notamment celles de la guerre impérialiste du printemps 1999, Milosevic convoque des élections législatives et présidentielle pour le 24 septembre.


Milosevic tente un coup de force


Le 6 juillet 2000, le parlement fédéral, largement dominé par le SPS de Milosevic et la "gauche unie" de son épouse, adopte des amendements à la constitution prévoyant notamment l'élection du président au suffrage universel. C'est une tentative de coup de force. Cela permet à Milosevic de briguer un nouveau mandat (renouvelable une fois) alors qu'il devait partir en 2001. En même temps, Milosevic fait adopter des amendements renforçant le pouvoir fédéral, en fait, le sien.

" les députés de la chambre haute de l'Assemblée Fédérale seront désormais élus au suffrage universel direct et non par les parlements de Serbie et du Monténégro. Ceci va considérablement réduire l'influence politique de la petite république côtière, beaucoup moins peuplée que la Serbie. Les deux républiques ont les mêmes droits constitutionnels mais, avec l'élection au suffrage direct du président et du parlement, le Monténégro, avec une population de 650 000 habitants, ne pèsera pas lourd face aux 8 millions d'habitants de la Serbie "(Le Monde du 8 juillet 2000).

 Il s'agit de durcir encore le caractère autoritaire du régime, d'étouffer le Montenegro. Car, explique encore Le Monde :
"Depuis l'élection, en 1997, de M. Djukanovic à la présidence monténégrine, les relations entre le Monténégro et la Serbie sont tendues. Le président monténégrin, un ancien protégé de M. Milosevic, accuse ce dernier d'être responsable de l'isolement international de la Yougoslavie. Sous sa direction, le Monténégro réclame depuis longtemps un rééquilibrage de ses relations avec la Serbie, menaçant d'aller vers l'indépendance s'il ne l'obtient pas".


Pour les puissances impérialistes, USA en tête, une occasion de se débarrasser de Milosevic


Depuis la fin de la guerre qu'elles ont menée contre la RFY en 1999, les puissances impérialistes, Etats-Unis en tête, ont multiplié les initiatives de soutien aux formations d'opposition à Milosevic. La première des tâches consistait à parvenir à former une opposition unie. Pour cela:
"Les occidentaux exerçaient des pressions, tentaient de pousser les différentes composantes vers un consensus. Des réunions étaient organisées au Monténégro, à Dubrovnik, bientôt à Budapest, où les Etats-Unis, privés d'ambassade à Belgrade, mettaient en place une mission spéciale chargée de la Yougoslavie (...). Ces efforts allaient s'intensifier après l'annonce par Slobodan Milosevic, en juillet dernier, de la tenue d'une élection présidentielle fédérale, pour la première fois au suffrage universel (...).

Les Etats-Unis débloquaient d'importantes aides financières: le chiffre de 70 millions de dollars a été mentionné par le Washington Post (...)" (Le Monde  du 21 octobre).

  Les résultats ne se font pas attendre: pendant l'été 2000 "l'Opposition démocratique de Serbie" (ODS), coalition de 18 formations d'opposition à Milosevic, est formée et désigne un candidat unique pour les élections présidentielles, Kostunica. Le 18 septembre, les ministres des affaires étrangères de L'Union européenne publient "un message au peuple serbe " dans lequel ils appellent à voter contre Milosevic. A la veille des élections, les sondages donnent 20 points d'avance à Kostunica.


"L'Opposition Démocratique de Serbie"


Pourtant le programme de Kostunica se situe sur une orientation de soumission totale aux puissances impérialistes, ouvertement contraire aux intérêts du prolétariat. Sur le terrain du chauvinisme il n'a rien a envier à Milosevic. La presse de "l'opposition" elle-même l'appelle "le nationaliste en tenue de soirée ".

Le programme de gouvernement de l'ODS se donne notamment comme objectifs: "La réintégration de la Yougoslavie et de la Serbie dans les institutions internationales (pacte de stabilité en Europe du sud-est, FMI, Banque mondiale, Union européenne) ", "l'accès aux investissements et capitaux étrangers ", "la baisse des dépenses publiques", "la libéralisation des prix", des "privatisations massives " .

Sur ce dernier point, le groupe d'économistes "G17" qui a servi de "boîte à idées" à l'opposition précisait, dans une brochure intitulée "final account" publiée au lendemain des bombardements: "La coexistence de deux formes de propriétés - étatique et « sociale » [les guillemets sont dans l'original] caractérisent l’économie yougoslave. Ces formes ne peuvent pas servir de bases à une structure motivante nécessaire à l’économie de marché.

Seuls des privatisations radicales et un cadre légal et institutionnel général pour le secteur privé, en particulier les PME, peuvent être le pilier pour la reconstruction et le développement de l’économie yougoslave, avec un intérêt direct pour les capitaux étrangers…".


Les élections du 24 septembre:
le prolétariat et la jeunesse de Serbie veulent le départ de Milosevic


Milosevic voit la défaite arriver. Il tente une manœuvre dont il est coutumier: le trucage électoral. Le Kosovo (comme lors des élections présidentielles serbes de 1997) mais aussi le Monténégro, où les partisans de Djukanovic refusent d'aller voter, doivent servir de réserve de bulletins frauduleux. Mais cela n'y fera rien. Le scrutin du 24 septembre est marqué par une forte participation de 70%. La commission électorale centrale, organe du pouvoir, donne les résultats suivants: 48,9% des voix pour Kostunica, contre 38,6% à Milosevic. Aucun candidat n'ayant obtenu de majorité absolue, un second tour doit avoir lieu. Il est fixé pour le 8 octobre. Mais l'ODS conteste les résultats officiels, en donnant Kostunica vainqueur dès le premier tour avec 52% des voix.

  Cependant, l'ODS n'exige pas que Milosevic s'en aille immédiatement, conformément à ce que le prolétariat et la jeunesse ont exprimé à travers leur vote. Kostunica demande un nouveau comptage des voix. Il est soutenu en cela par l'Union européenne, présidée à ce moment par la France. L'ensemble des puissances impérialistes saluent la victoire de Kostunica et s'adressent à Milosevic pour qu'il ne joue pas la "politique du pire". Tout est fait pour que les choses se passent "dans la légalité", c'est à dire sans remettre en cause l'appareil d'Etat et en limitant la mobilisation du prolétariat.

  Mais dans la semaine du 24 septembre au 1er octobre un mouvement de manifestations pour que Milosevic quitte le pouvoir gagne l'ensemble du pays. Libération note: "Les slogans sont toujours les mêmes:"Gotov je" ("Il est fini") ". Le mercredi 27 septembre, 200 000 manifestants sont rassemblés à Belgrade. Le 29 septembre, Kostunica s'adresse aux manifestants de la capitale. Il réitère sa demande d'un nouveau décompte des voix et ajoute même qu'il s'agit d'un "geste de bonne volonté "!

  Le prolétariat, la classe ouvrière, la jeunesse, eux, n'entendent faire preuve d'aucun acte de "bonne volonté" à l'égard du régime pourri de Milosevic. Le prolétariat, la classe ouvrière, interviennent activement, deviennent la force de frappe autour de laquelle va se rassembler l'ensemble de la population laborieuse, contre Milosevic.


La classe ouvrière s'engage: De le grève des mineurs de Kolubara...


Le 28 septembre, les mineurs de Kolubara cessent le travail et constituent leur comité de grève. Leur revendication: que Milosevic s'en aille. Le Monde du 21 octobre relate:

"Mercredi 4 octobre, le régime dépêche sur place le chef d'état major de l'armée, Nebojsa Pavkovic, pour tenter de faire plier les grévistes qui menacent l'approvisionnement des centrales thermiques. Non seulement les mineurs tiennent bon mais ils reçoivent le soutien de milliers d'habitants de la région qui prennent la direction de la mine (...). Kolubara fait alors tâche d'huile. Le pays est quasiment paralysé. ". 

  Le jeudi 28 septembre et le vendredi 29, les grèves ont gagné l'ensemble du pays. C'est notamment le cas dans le sud du pays, à Nis et Cacak, villes dont les municipalités sont tenues par l'opposition, ainsi que dans le centre, à Kraljevo. "L'ODS", après avoir lancé une consigne de "désobéissance civique", appelle à une "grève générale" qui doit commencer le lundi 2 octobre, mais qui, en réalité, est déjà un fait. Le mardi 3 octobre, "l'ODS" convoque une manifestation à Belgrade pour le 5 octobre. M. Marjanovic, premier ministre serbe publie un communiqué menaçant: "Le gouvernement serbe va prévenir et punir toute tentative d'activité subversive anti-serbe et anti-yougoslave...".

  L'opposition se veut rassurante et se défend d'être responsable de quelque "activité subversive" que ce soit. Jankovic, vice-président du "Parti démocratique de Serbie", présidé par Kostunica, répète: "Nous voulons une transition légale". En clair: la manifestation convoquée pour le 5 octobre n'a pas pour but de chasser Milosevic par les moyens de la lutte de classe du prolétariat. La mobilisation que veut l'ODS doit être limitée et uniquement lui permettre de convaincre Milosevic de partir. A tel point qu'un général rallié à l'opposition témoigne (Le Monde du 21 octobre): "Nous avons demandé aux grévistes de Kolubara et d'ailleurs de rester sur place, de ne pas venir à Belgrade ".


... au rassemblement du prolétariat à Belgrade le 5 octobre


Malgré les ordres des chefs de l'opposition, le 5 octobre, des centaines de milliers de manifestants se rassemblent à Belgrade. La cour constitutionnelle sur ordre de Milosevic annule l'élection présidentielle. Mais il est déjà trop tard et Milosevic, en réalité, n'a plus les moyens d'utiliser la répression qui était le corollaire d'une telle "annulation".

A 15 heures, enfonçant les rangs de la police, les manifestants envahissent le parlement fédéral, puis précédés d'une pelleteuse venue de la ville ouvrière de Caçak, ils enfoncent et prennent le siège de la télévision, la voix de Milosevic.

  A 16 heures, les orateurs de l'opposition annoncent:"Nous proclamons le nouveau président, V.Kostunica ". C'est au crédit du prolétariat, de la classe ouvrière et de la jeunesse de Serbie qu'il faut inscrire la chute de Milosevic. Ils ont été la force sociale déterminante. En prenant d'assaut le parlement, ils ont posé directement la question du pouvoir.


Le prolétariat veut en finir avec le régime de Milosevic


Dès le début de leur mouvement, dans l'ensemble du pays, les ouvriers commencent à chasser les directeurs d'usines liés à Milosevic. Le 15 octobre, dans la ville de Nis, 70% des directeurs d'entreprise avaient été changés. Partout dans le pays se produisent des évènements identiques. Krstic, maire de Nis, explique:

" Les ouvriers et les syndicalistes se sont organisés. Ils sont allés voir le directeur, un militaire, et ont exigé sa démission. Un état-major de crise a été formé. Tous les syndicats et quelques membres de la direction y siègent. Dans chaque atelier, par un vote à bulletin secret, les ouvriers désignent leurs représentants à l'assemblée de l'usine. Celle-ci élira ensuite le conseil d'administration, qui choisira le directeur".

Bien que se mouvant dans des formes héritées de la propriété "sociale", dans l'autogestion initiée par Tito, ces processus indiquent qu'est à l'immédiat ordre du jour, au moment de la chute de Milosevic et de la grève générale,  la constitution de véritables conseils ouvriers, leur fédération à l'échelle nationale, posant sa candidature au pouvoir.

Mais pour cela, il faut au prolétariat un programme clair, sur un terrain de classe. C'est ce qui lui manque cruellement, et qui explique que l'ODS ait pu même utiliser le mouvement de la classe ouvrière pour ses propres besoins et le faire rentrer très rapidement, après les débordements précédant le 5 octobre, dans le lit de la "légalité" du régime mis en place sous Milosevic.


Une "transition légale"


Tout depuis le 24 septembre, y compris la manifestation du 5 octobre, été préparé par l'"ODS" de manière à éviter que s'ouvre une crise de l'appareil d'Etat, une crise révolutionnaire.

Pour cela, l'opposition savait pouvoir compter sur toute une partie de l'appareil d'Etat qui, officiellement ou non, avait lâché Milosevic. Ainsi Le Monde  du 21 octobre informe: "Depuis des semaines, des contacts discrets ont aussi été noués avec l'armée et la police (...) Il y a plusieurs mois déjà que l'opposition sent le vent tourné (...) Certes, en 1991, Milosevic n'avait pas hésité à sortir les chars dans les rues de Belgrade pour mater des manifestants d'opposition. Mais les temps ont changé. L'armée (...) a mal digéré la défaite du Kosovo. Le moral des troupes est au plus bas. L'ODS en a d'ailleurs une idée assez précise depuis les élections du 24 septembre, puisque les casernes ont massivement voté contre Milosevic ".

  L'état major lui-même est traversé par ce mouvement. D'anciens généraux du temps de la guerre contre la Croatie et en Bosnie, tel M.Perisic limogé en 1998, mais aussi l'ancien chef des services secrets serbes, J.Stanisic, sont partisans de l'opposition. Une partie de l'appareil d'Etat, de l'ancienne bureaucratie, a décidé de lâcher Milosevic, tirant le bilan de ses dix ans de pouvoir.


De la désagrégation de la Yougoslavie aux accords de Dayton


Durant la décennie 1980-90 les questions nationales, que la fédération yougoslave n'a pu régler s'avivent avec le développement de la crise économique. "L'autogestion", met en concurrence les travailleurs, les entreprises, les régions, constituant une véritable transition vers le rétablissement du capitalisme. L'économie yougoslave est morcelée, les pouvoirs locaux, politiques et financiers, se renforcent considérablement. La bureaucratie et son parti finissent par éclater. En Slovénie, en Croatie, Républiques les plus riches de la Yougoslavie, les bureaucrates locaux se font "indépendantistes" avec le soutien politique financier de l'impérialisme Allemand réunifié. En Serbie, Milosevic veut transformer la Fédération Yougoslave en instrument exclusif de la bureaucratie Serbe.

Les interventions des différents impérialismes accentuent les contradictions à tel point qu'elles débouchent sur la guerre. En 1991, l'impérialisme allemand pousse les gouvernements de Croatie et de Slovénie à proclamer leur indépendance et la reconnaît unilatéralement.

  De leur côté, les gouvernements français et anglais soutiennent le gouvernement Serbe, soucieux de bloquer l'offensive de l'impérialisme allemand. L'impérialisme US, intervient ultérieurement quant à lui en soutenant le gouvernement bosniaque, mais sans intervenir directement sur le plan militaire. Mais en février 1994, profitant de l'échec des impérialismes européens à trouver un compromis et imposer un règlement de la guerre, le gouvernement américain intervient directement.

Le rapport de force militaire en est sensiblement modifié au profit des gouvernements bosniaque et croate.

Mais l'impérialisme américain réalise que son point d'appui bosniaque est bien faible: en fait, la Bosnie, Yougoslavie en miniature, n'est pas viable une fois la Yougoslavie démantelée. Aussi les USA parviennent-ils à un accord avec Milosevic (que Clinton qualifiera "d'homme de paix"), et utiliseront le pivot Serbe pour contrecarrer à leur tour l'influence allemande dans les Balkans. C'est un tournant fondamental qui va vite amener le règlement de la guerre.

  Les accords de Dayton de 1995 découlant de ce changement d'alliance vont entériner: les massacres commis par les milices Serbes de Bosnie et l'armée "fédérale" dans les enclaves bosniaques; les massacres et l'expulsion des Serbes d'autres parties de la Bosnie et de Croatie.

Les Serbes de Bosnie gardent le contrôle de 49% de la Bosnie-Herzegovine, "entité serbe de Bosnie" qui aura le droit de nouer des liens privilégiés avec la Serbie elle-même. Mais c'est déjà, de fait, pour Milosevic, l'abandon de son projet de "grande Serbie" tandis que les USA transforment la Bosnie dans son ensemble en protectorat, y envoient des milliers de soldats pour la mettre en coupe réglée. Pourtant, comme l'écrivait le n°62 de CPS, après l'accord de Dayton: "d'autres soubresauts sont inévitables. La "pax americana" ne peut être qu'un état d'instabilité permanente marquée par de nouveaux conflits ".


Milosevic incapable de maîtriser la situation


A partir de 1996 la population du Kosovo se radicalise, en lien avec le mouvement révolutionnaire qui secoue l'Albanie en 1997. Face à la répression féroce que mène le gouvernement serbe contre les Kosovars depuis des années, la revendication d'indépendance gagne du terrain. L'UCK, l'armée de libération du Kosovo, apparaît et est largement soutenue par la population.

Dans un premier temps, les forces impérialistes, en particulier les USA,  comptent sur Milosevic pour régler la question selon les méthodes de la "paix des cimetières". D'autant que le combat des Kosovars pour leur droit à disposer d'eux-mêmes pourrait être un facteur de déstabilisation de tous les Balkans.

  De plus Milosevic est contesté en Serbie même. Le 3 novembre 1996, Milosevic et son parti, le SPS, remportent les élections à l'assemblée fédérale et la majorité absolue des sièges. Pourtant, deux semaines plus tard, une coalition de partis d'opposition, partis bourgeois, remporte les élections municipales dans 38 villes dont Belgrade. Milosevic fait annuler une partie des résultats, notamment à Belgrade. Une vague de manifestations se lève aussitôt et va durer pendant 80 jours. Sur les conseils de l'impérialisme américain, Milosevic recule et, le 11 février 1997, admet la victoire de l'opposition dans 14 villes où les résultats avaient été invalidés.

  Les partis de l'opposition sont regroupés dans une coalition, Zajedno ("Ensemble"). Cette dernière est composée du Mouvement du renouveau serbe (SPO) de Draskovic, du Parti démocratique (DS) de Djindjic, de l'Alliance civique serbe (GSS) de Pesic. Tous sont des partis nationalistes, restaurationnistes, pro-impérialistes. Dès après les élections les partis de l'opposition se déchirent pour récupérer les postes de maire. Les masses refluent.

  Cette situation permet à Milosevic de se ressaisir. En juillet 1997,  il est élu président de la RFY par le parlement fédéral. Fin 1997, les élections législatives et présidentielles en Serbie sont marquées par une abstention massive. Cela profite au Parti radical (SRS) de Seselj, organisation fascisante, qui obtient 85 sièges sur 250 au parlement. Le SPS en conserve 110. Seselj arrive en tête au second tour de l'élection présidentielle. Mais l'élection est invalidée du fait d'un taux de participation inférieur à 50%. Finalement, en décembre, le candidat de Milosevic, Milutinovic, est élu.

  Mais la situation est loin d'être stabilisée, notamment au  Kosovo, malgré la répression. Finalement, en 1999, les USA décident de prendre les choses en main devant l'incapacité de Milosevic de "régler" la question du Kosovo. C'est la conférence de Rambouillet, lors de laquelle il est proposé à Milosevic d'accepter l'entrée "pacifique" de forces d'occupation militaire en RFY. Milosevic refuse de signer ce qui serait pour lui un arrêt de mort. Clinton déclenche alors l'offensive militaire contre la RFY, dont un objectif collatéral est, si possible, de remplacer Milosevic par un "interlocuteur" plus docile.

La guerre se solde par l'occupation du Kosovo par les troupes impérialistes, la Serbie est ravagée. De l'intérieur même de l'appareil d'Etat serbe s'élèvent des voix reprochant à Milosevic de mener le pays à la ruine et d'être responsable de l'isolement international de la RFY, de l'embargo, qui étranglent l'économie.

 

Un pays en ruine où le "processus de privatisation (...) est interrompu"


A cela s'ajoute l'incapacité de Milosevic à réaliser le programme de privatisations que l'impérialisme, mais aussi les différentes fractions de l'ancienne bureaucratie, exigent.

Les Echos dressent le tableau suivant:

"L'économie serbe est en ruine: malgré un strict contrôle des prix, l'inflation, sans atteindre les records historiques de 1992 - quand elle se comptait en milliard de pour cent -, galope allègrement au dessus de 100%. La dette extérieure atteint 12 milliards de dollars, soit trente fois les réserves officielles et dix années d'exportations (...). Les infrastructures sont en déliquescence (...) ".

  Surtout, notait déjà le Bilan du monde,  dans son édition de 1999, "le processus de privatisation (...) a été interrompu". L'Expansion (23 novembre-7 décembre 2000) a consacré un article à la Serbie dans lequel on peut lire un témoignage d'un négociateur de Lafarge, groupe capitaliste français:

"Même si c'est une question politique difficile pour le gouvernement, les privatisations signeront la fin du modèle des entreprises sociales. Sinon les sociétés étrangères ne viendront pas "..

  Les privatisations massives qu'exigent les bourgeoisies impérialistes impliquent des dizaines de milliers de licenciements. C'est ce à quoi se sont engagés Kostunica et l'ODS. Sur cette orientation l'Union européenne d'abord, puis les USA, ont levé les sanctions contre la Serbie. Depuis l'UE a débloqué des centaines de millions de francs.

  Mais pour appliquer le programme de privatisation, "ouvrir" l'économie Yougoslave (ce qu'il en reste), il faut faire refluer le prolétariat. Ce qui commençait par préserver l'appareil d'Etat au lendemain de la prise du parlement le 5 octobre.


"A Belgrade, les têtes ne roulent pas dans la sciure "(Le Monde, 10 octobre 2000)


C'est ainsi que le journal Le Monde   présente la séance du parlement fédéral du 7 octobre au cours de laquelle Kostunica est désigné président de la RFY. On y lit:

"(...) l'atmosphère de cette réunion, samedi, au palais des congrès de Belgrade, n'avait rien de révolutionnaire. Pour preuve que l'on assiste à une transition politique, certes mouvementée, plutôt qu'à une révolution, tous les députés de la coalition de gauche - le parti socialiste (SPS) de Slobodan Milosevic et la Gauche unie (JUL) - élus le 24 septembre étaient présents, à l'exception de la plus célèbre d'entre eux (...) Mirjana Markovic, l'épouse du président déchu ".

Certes, précise Le Monde, les députés de Milosevic ont bien tenté "un coup d'esbroufe", mais "finalement, le nouveau pouvoir a été tranquillement investi dans la soirée (...) ".

  Ainsi s'exprime le fait que, si le prolétariat a envahi le parlement fédéral le 5 octobre, il ne l'a pas balayé politiquement. La "continuité de l'Etat" a pu être garantie. Dès le 5 octobre, des discussions ont lieu entre Kostunica et Milosevic pour la constitution d'un "gouvernement de transition". Kostunica, dans son discours d'investiture, a même pu appelé les élus à "travailler ensemble, en dépit des différences ". Un exemple. Une semaine après la chute de Milosevic, Radoman Bozovic, ancien premier ministre est pris à parti par la foule quand il tente de fuir en voiture. La société d’import-export qu’il dirige Gemex, est occupée par les 3000 salariés. Déjà, la DOS doit entrer en conflit avec le prolétariat : Kostunica condamne cette occupation et Covic, un des dirigeants de la DOS demande aux grévistes de reprendre le travail.


Un "gouvernement de transition" en Serbie


Le 4 novembre, Kostunica constitue son gouvernement à l'échelle fédérale sur le base d'un accord entre l'ODS et deux formations monténégrines. Mais le véritable enjeu se situe d'abord en Serbie. Un peu plus d'une semaine avant la constitution du gouvernement fédéral, le 24 octobre, le parlement serbe approuve la formation d'un "gouvernement de transition". Le journal Libération du 25 octobre écrit:

"Dirigé par le premier ministre Milomir Minic, du Parti socialiste de Serbie (SPS, de Milosevic), entouré de deux vice-premiers ministres - l'un issu de la coalition de Kostunica (...), et l'autre du Mouvement serbe de renouveau (SPO) (...) - ce gouvernement de transition restera en fonction jusqu'aux élections législatives anticipées qui devraient se tenir le 23 décembre prochain. La nouvelle direction gouvernementale est collégiale et aucune

décision ne pourra être prise sans l'accord de ces trois dirigeants. Chacun des quatre ministères clés, Justice, Finances, Information et Intérieur (...) sera dirigé par trois ministres, l'un du SPS, l'autre de la coalition DOS et le troisième du SPO ".

  Non seulement "les têtes de roulent pas dans la sciure", mais Kostunica va même jusqu'à gouverner avec Milosevic et son parti, leur laissant ainsi une série de positions dans l'appareil d'Etat et de production. C'est le prix à payer pour assurer la "continuité de l'Etat". Kostunica n'hésite d'ailleurs pas à le dire ouvertement à ceux qui, dans l'ODS elle-même, s'inquiètent du maintien des partisans de Milosevic:

"Des limogeages hâtifs de personnes à la direction de la police et de l'armée sont sans aucun doute contraires aux intérêts de l'Etat, car ils mèneraient inévitablement à la déstabilisation des institutions ".

A l'adresse du prolétariat, de la jeunesse, cela signifie: pas touche à Milosevic et aux siens!


Nouvelle victoire électorale pour Kostunica


Malgré son programme, l'ODS remporte largement les élections législatives en Serbie le 23 décembre. La coalition dirigée par Kostunica obtient 65% des voix, le SPS de Milosevic, 13%, la "Gauche unie" de son épouse est humilié avec 0,8%. En sièges, cela donne les résultats suivants: l'ODS obtient 176 députés, le SPS, 37. Le Parti radical serbe de V. Seselj et l'Union des Serbes, parti fondé par Arkan, chef emblématique des milice para-militaires serbes ayant sévi en Bosnie et en Croatie, assassiné l’année passée, auront à eux deux 37 députés.

Le gouvernement de coalition avec le SPS qui dirigeait la Serbie depuis le 24 octobre est remplacé. Mais l'orientation de Kostunica reste la même. Le premier ministre est Zoran Djindjic, dont Les Echos du 22 décembre rappellent: "son nationalisme ombrageux l'a conduit à nouer des accointances avec le régime Milosevic". Les tâches du nouveau gouvernement sont définies par Kostunica en ces termes:

" créer des institutions démocratiques et une économie de marché orientée vers le social ". 

  Il s'agit de poursuivre l'application du programme de l'ODS, en particulier mettre en oeuvre les projets de privatisation massive. Cette politique se heurte de plein fouet à la volonté du prolétariat de voir ses conditions d'existence améliorées. Depuis le 5 octobre, rien n'a changé de ce point de vue.

Le taux de chômage officiel est de 27% mais atteint en réalité 45%. Le pouvoir d'achat a été divisé par trois en dix ans. Le salaire moyen "s'élève" à 90 marks. A titre d'exemple, un enseignant gagne entre 80 et 200 marks par mois, c'est à dire le prix d'une paire de chaussures ou le loyer d'un petit appartement. Les coupures d'électricité sont courantes.

A ce propos le journal Libération  du 28 décembre rend compte des évènements suivants:

"Cette subite aggravation de la situation énergétique survient au lendemain de la retentissante victoire aux législatives de Serbie de la DOS, une coalition de 18 partis (...). Déjà ils se trouvent confrontés au mécontentement d'une population soulagée par la fin de l'ère Milosevic mais impatiente de vivre mieux tout de suite. A Nis, dans le sud de la Serbie, des habitants plongés depuis des heures dans le noir et privés de chauffage, sont sortis dans la rue pour ériger des barricades avec des bennes à ordures".

  La situation est identique dans tout le pays et des évènements similaires s'y produisent.Ainsi s'exprime l'opposition radicale entre la politique de Kostunica, de l'ODS etles aspirations du prolétariat. Mais, ce dernier, pour s'ouvrir une perspective, doit se doter d'une orientation et d'organisations sur un terrain de classe, sans quoi, il verra une nouvelle fois son mouvement confisqué et instrumentalisé par des forces politiques pro-bourgeoises.


Une orientation politique pour le prolétariat de Serbie


Ces derniers jours ont fleuri à Belgrade des autocollants à l'initiative de l'OTPOR, organisation étudiante constituée sur la base des mouvements de 1996-1997 contre Milosevic. On y voit, stylisée, la pelleteuse emblématique du 5 octobre 2000 avec le slogan "Attention, nous vous regardons". C'est certain: même encadrée, utilisée et confisquée par l'ODS, la mobilisation de la population laborieuse et de la jeunesse contre Milosevic n'est pas effacée. L'ODS sait que la situation, étant donné leur programme, est lourde d'affrontements. Manque au prolétariat une perspective politique.

  Le prolétariat, la classe ouvrière de Serbie ne peuvent se résoudre à voir leurs conditions d'existence se dégrader encore. Immédiatement, des mesures d'urgence doivent être prises, telles que:

- contre la vie chère: indexation des salaires sur les prix (échelle mobile)

- paiement de la totalité des arriérés de salaire

  Contre l'ODS et son programme, il faut exiger

- aucune privatisation, pas un seul licenciement, pas une seule suppression de poste

  Pour remédier à la situation catastrophique de l'économie en Serbie, pour reconstruire les usines, pour en finir avec les coupures de courant, il faut un plan de reconstruction, de production et de distribution élaboré et réalisé sous contrôle ouvrier.

  Mais Kostunica et l'ODS, le gouvernement dirigé par Djindjic, ne satisferont jamais ces revendications: il est nécessaire de les combattre. Tout leur programme y est opposé. Ils sont soumis à l'impérialisme:

 "Je sais que mon pays a trois constitutions: la constitution yougoslave, les accords de Dayton et la résolution 1244 de l'ONU (occupation du Kosovo, Ndlr)". (Kostunica, 24 novembre 2000)

Les comités de travailleurs ("état-major de crise") qui se sont formés dans le pays doivent être transformés en véritables comités d'usine, se fédérer à l'échelle locale pour constituer la base des conseils ouvriers. Les bureaucrates, partisans de Milosevic, mais aussi ceux de l'ODS, doivent être écartés. Les ouvriers doivent désigner leurs propres représentants dans une fédération des conseils ouvriers à l'échelle nationale. Celle-ci doit prendre le pouvoir et liquider ainsi la constitution de Milosevic que Kostunica veut préserver.

  Mais, en Serbie, comme dans l'ensemble des Balkans, aucune alternative positive pour le prolétariat ne peut être ouverte, aucune question nationale ne peut être résolue, sans remettre en cause la domination impérialiste, sans combattre les dispositifs mis en oeuvre sous l'égide de l'ONU ou de l'OTAN, qui ont disloqué le prolétariat de la région, tracé des frontières de sang entre les peuples.

- Retrait immédiat de toutes les troupes impérialistes des Balkans, que ce soit au Kosovo, en Bosnie dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine ou en Grèce!

- Dénonciation des accords de Dayton et de la résolution 1244 de l'ONU qui organise l'occupation du Kosovo, droit à l'indépendance du Kosovo.

  La seule perspective correspondant aux intérêts des prolétariats de la région, c'est la Fédération socialiste des Balkans, elle-même constitutive des Etats-unis socialistes d'Europe, respectueuse du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Pour combattre sur une telle orientation, le prolétariat de Serbie a besoin de sa confédération syndicale et d'un parti ouvrier, indépendants de l'appareil d'Etat, du SPS de Milosevic et de l'ODS de Kostunica. Ainsi serait ouverte la voie pour la construction d'un véritable parti ouvrier révolutionnaire.

 

Le 3 janvier  2001

 

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