(Article paru dans CPS nouvelle série °17 d’octobre 2004)

 

En Irak et au Moyen-orient : la «Pax americana» à l’œuvre

 


Le 28 juin 2004 – avec deux jours d’avance sur la date prévue – a eu lieu ce que Bush et ses alliés ont présenté comme la proclamation d’un «gouvernement intérimaire souverain» de l’Irak : le premier ministre de ce «gouvernement», Iyad Allaoui, n’est autre qu’un ancien collaborateur de Saddam Hussein passé au service de la CIA…

Vingt jours avant cette investiture - autant dire sur commande - l’ONU avait adopté à l’unanimité la résolution 1546 qui préparait et «légitimait» cette opération – signifiant du même coup l’alignement discret des impérialismes allemand et français derrière la coalition dirigée par les USA.

 

Le but de cette opération serait, à en croire les tartuffes de la diplomatie française et de la presse servile - récemment convertis à une approche plus pragmatique de la question irakienne - de préparer l’avènement d’un régime «démocratique» et «souverain» en Irak ; pourtant, ni Allaoui, ni ses mentors n’ont caché leur volonté d’atteindre les buts qu’ils se sont fixés en marchant… sur un tapis de bombes, au milieu d’un champ de ruines. Dès avant son investiture, les premiers mots d’Allaoui ont été des plus éloquents :

«Le gouvernement intérimaire est déterminé à faire face à ces éléments qui s’opposent à nos préparatifs pour les élections et à notre redressement économique» (Le Monde du 22 juin).

Deux mois plus tard, alors que les combats venaient à peine de cesser dans les ruines ensanglantées de Nadjaf, que les bombardements se poursuivaient quotidiennement (comme ils se poursuivent encore) à Fallouja, et qu’un peu partout l’Irak était mise à feu et à sang par les troupes impérialistes et «irakiennes», Colin Powell – un expert ès massacres de civils irakiens, fort de ses treize années d’expérience en la matière – précisait sa vision des choses :

«Lorsque l’insurrection aura été réduite au silence, le monde pourra constater que les irakiens ont pris en main leur propre destinée et se préparent à des élections qui déboucheront sur un gouvernement représentatif».

D’abord, «réduire au silence» toute opposition ; puis, une fois anéanti tout contradicteur… on parlera «démocratie» ! Voilà quels sont les objectifs de la coalition impérialiste : force est de constater que, plus d’un an et demi après le déclenchement de la seconde guerre du Golfe, cette coalition continue d’avancer dans l’écrasement systématique du peuple irakien.


une guerre coloniale


Est-il besoin de le rappeler ? L’intervention impérialiste contre l’Irak, programmée de longue date par Bush et consorts, lancée et dirigée par les USA, le 20 mars 2003, sous des prétextes qui ne trompaient pas même ceux qui feignaient d’y souscrire, a constitué le point de départ d’une guerre d’annexion, une guerre contre les peuples d’Irak, du Moyen-Orient et du Proche-Orient – guerre dont la situation actuelle est le prolongement.

Cette guerre s’inscrit dans le droit fil de la première guerre du Golfe (1991), de douze années d’embargo meurtrières et du plan de racket intitulé «Pétrole contre nourriture» - tous trois soutenus par l’impérialisme français - qui ont causé plus d’un million de morts.

 

Elle répond à un objectif précis, qui était déjà un de ceux de la guerre contre l’Afghanistan (2002) : permettre à l’impérialisme américain de réinstaller son étau sur cette région, étau brisé par le renversement de son fantoche iranien, le shah Pahlevi, en 1979, et s’assurer un contrôle direct sur les immenses réserves en pétrole et hydrocarbures de cette région. De leur côté, les principaux alliés de l’impérialisme américain dans cette affaire (les impérialismes anglais et italien) espèrent, en apportant leur contribution à cette boucherie, récupérer quelques bribes de leurs anciens empires coloniaux, perdus au lendemain de la seconde guerre mondiale.

 

Rappelons pour mémoire que les seules «armes de destruction massives» dont l’Irak ait jamais été détentrice sont celles qui lui ont été livrées complaisamment, au cours des années 1980, par… les impérialismes américains et français, dans le but de saigner les masses iraniennes et la minorité kurde du pays. Si Saddam Hussein est passé, d’un coup de baguette médiatique, du rang d’allié à celui de proie pour l’impérialisme américain, c’est d’abord que la situation mondiale des années 1990, marquée par la dislocation de l’URSS, à laissé à cet impérialisme les coudées plus franches que jamais, lui a permis d’agir avec une brutalité sans précédent et l’a dispensé d’avoir à en passer par des intermédiaires.

Une fois le régime vermoulu de Saddam Hussein renversé (et l’absence d’»armes de destruction massive» avérée), c’est à une population civile meurtrie, affamée et ruinée que s’en prennent aujourd’hui les forces de la coalition impérialiste. Et c’est essentiellement dans cet objectif - l’écrasement dans le sang de toute opposition au pillage de l’Irak - que le pseudo-»gouvernement» d’Allaoui a été constitué.


Un gouvernement fantoche …


Outre que ses membres ont tous fait l’objet d’une sélection méthodique de la part de l’impérialisme américain et qu’ils lui sont tous inféodés, force est de constater que le «gouvernement» Allaoui ne gouverne pas grand-chose.

Dès le 2 avril 2004, le secrétaire d’Etat américain à la Défense, P. Wolfowitz, annonçait la couleur :

«Il n’y aura aucun changement dans notre déploiement militaire entre le 30 juin (date initialement prévue pour la proclamation du gouvernement intérimaire, ndlr) et le 1er juillet, sinon que nous serons là-bas à l’invitation d’un gouvernement souverain irakien, qui nous demandera (sic ! ndlr) de rester jusqu’à ce que les tueurs, comme ceux qui ont commis les atrocités à Fallouja, soient mis hors d’état de nuire.»

Les compétences du gouvernement d’Allaoui ? La résolution 1546 de l’ONU précise qu’il s’»abstient de prendre des décisions qui influent sur le destin de l’Irak au-delà de la période intérimaire (qui s’étend jusqu’à décembre 2005, ndlr)». En d’autres termes : il gère ce que les troupes d’occupation lui permettent de gérer et s’abstient de toute autre décision. Néanmoins, la «constitution transitoire» entrée en vigueur avec l’instauration du gouvernement Allaoui, stipule que l’Islam est religion d’Etat en Irak et qu’aucune loi ne peut contrevenir à ses principes. «In god we trust»...

 

La nature des relations entre ce gouvernement et les troupes de la «force multinationale» d’occupation ? Cette dernière, comme l’a dicté Wolfowitz, est «invitée» par Allaoui… mais elle reste «habilitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer au maintien de la sécurité et de la stabilité en Irak». De même, un «observateur» américain est «invité» à assister à toutes les délibérations gouvernementales…

Les ressources de ce «gouvernement» ? Elles dépendent à 95% des revenus pétroliers du pays… mais l’exploitation, l’entretien et la commercialisation de l’or noir sont intégralement assurés par des compagnies américaines. Par ailleurs, 5% de ces revenus sont retenus par l’ONU au titre du «dédommagement» de l’intervention militaire contre le Koweit… Mais encore : le supplément économique du Monde du 29 juin 2004 nous apprend que c’est sur un compte de la banque de réserve fédérale américaine que sont versés ces fonds, les virements étant effectués en Irak «en fonction des besoins» !

Etrange conception de la «souveraineté» et de l’»hospitalité» que celle de l’impérialisme américain, qui implique que ses «hôtes» lui accordent toute licence en matière de saccage sur leur propre sol, sont sommés de l’associer à toutes leurs délibérations… et le laissent disposer à loisir de toutes leurs ressources ! Ces pratiques portent des noms : annexion, occupation, colonialisme. Le «gouvernement» Allaoui, rassemblement de satrapes, est inspiré en droite ligne des mœurs qui prévalaient sous l’empire ottoman, puis sous le joug des colons britanniques – lorsque les puissances coloniales s’appuyaient sur les chefs tribaux et sur les divisions entre les peuples asservis pour asseoir leur domination.


…Et pourvoyeur de chair à canon


Mais, s’il n’a de «souverain» que le nom, le «gouvernement» fantoche d’Allaoui n’en remplit pas moins une fonction précieuse : apporter le concours de nombre de dignitaires irakiens à la constitution d’une police et d’une armée «irakiennes», subordonnées en pratique aux armées d’occupation. A l’instar des troupes sénégalaises, éthiopiennes ou indiennes qui étaient autrefois envoyées en première ligne pour défendre les intérêts des bourgeoisies coloniales, les troupes irakiennes en cours de formation ne sont rien d’autre que des supplétifs au service des troupes impérialistes, de la chair à canon.

Dès avant la nomination d’Allaoui, le «gouverneur provisoire» américain de l’Irak, P. Bremer, avait pu mesurer l’intérêt de tels auxiliaires contre la population civile de Fallouja : pour pallier au retrait des troupes d’occupation, ordonné le 3 mai (et présenté frauduleusement par certains oulémas sunnites comme une victoire militaire), un «bataillon de Fallouja» avait été constitué… dont les officiers revêtaient encore l’uniforme vert olive des troupes de Saddam Hussein. Cette opération a permis aux troupes impérialistes de pilonner et de bombarder «tranquillement» la ville et ses habitants, tandis que la partie la plus délicate et dangereuse des opérations, le «maintien de l’ordre» au sol, était assumée par d’autres.

Satisfait par ce test, l’impérialisme américain entend, avec le «gouvernement» d’Allaoui, étendre cette expérience sur une grande échelle. Il n’était pas indifférent, dans ce sens, que le chef du gouvernement fantoche fût un ancien cadre du parti Baas, au pouvoir sous Saddam Hussein : car c’est à partir de ce qui restait de l’ancien appareil d’Etat («40 à 55% d’anciens soldats» selon Allaoui), que sont constituées les «nouvelles» troupes… et malgré toute la haine qu’engendre l’appareil répressif embryonnaire du gouvernement fantoche, Allaoui peut compter sur un autre allié : la misère épouvantable qui afflige l’immense majorité de la population irakienne.

«Les attaques contre les forces de police sont fréquentes en Irak. Au point que le métier de policier est sans doute devenu le plus dangereux du pays. Pourtant, les volontaires continuent de se presser aux portes des centres de recrutement (…) Plus que l’idéal de démocratie et de sécurité vanté par les panneaux, c’est le chômage galopant et la promesse d’un salaire pourtant peu élevé (entre 200000 et 500000 dinars, 80 à 200 euros par mois) qui suscitent les candidatures.» (Le Monde du 16/9/2004)

Très vite – le temps pour lui de s’accorder les pleins pouvoirs en matière de «sécurité» - Allaoui est passé aux travaux pratiques.


Nadjaf : Allaoui et l’impérialisme mettent «l’armée du mahdi» au pas


Il n’a fallu que trois semaines à Allaoui, appuyé sur les troupes d’occupation, pour en finir avec ce qui apparaissait momentanément comme la principale force d’opposition à la mise en place de son gouvernement – bouclant de facto un «dossier» ouvert avant lui, au printemps, par le «gouverneur provisoire» Paul Bremer.

 Le 5 août, Allaoui massait ses troupes aux portes de Nadjaf, «ville sainte» où le dirigeant de l’armée du Mahdi, Moqtada Al Sadr, croyait être inattaquable. Le 20 août, le chef du bureau politique de l’armée du Mahdi à Bagdad se plaignait auprès de l’envoyé spécial du Monde du manque de reconnaissance d’Allaoui envers la servilité passée de son mouvement : «En juin, nous avions accepté de négocier et de cesser les combats. Nous les avons laissé entrer à Sadr-City en toute tranquillité, mais ils ont rompu la trêve en arrêtant nos hommes. Les arrestations et leur façon de traiter les irakiens sont à l’origine de la crise actuelle. Aujourd’hui, nous n’adoptons aucune stratégie particulière (sic ! ndlr). Nous ne discuterons pas avec l’occupant, et nous résisterons jusqu’à son départ.» (Le Monde des 22 et 23 août 2004). Une semaine plus tard, comme pour souligner le caractère incantatoire et circonstanciel de ces dernières outrances verbales, Al Sadr s’alignait sur toutes les exigences d’Allaoui.

Dans cette affaire, outre la puissance de feu monstrueuse des troupes d’occupation et le concours de ses nouvelles troupes, Allaoui a pu compter sur plusieurs soutiens politiques – à commencer par celui de l’ayatollah Al Sistani, principal représentant du clergé chiite qui, dès le début du bras de fer engagé par Allaoui, partait pour un problème cardiaque se faire soigner… à Londres, capitale d’un des pays de la coalition. Le même ayatollah a refusé, le 20 août, d’hériter du contrôle du mausolée d’Ali, comme le lui proposait l’armée du Mahdi en pleine débâcle : «Il y a une opération technique qui reste à accomplir, à savoir l’estimation de la valeur des biens du mausolée, parmi lesquels l’or, l’argent liquide et le mobilier» (Le Monde des 22-23 août 2004).


C’est encore ce grand malade que l’on disait vingt jours plus tôt à l'article de la mort, qui a négocié la capitulation d’Al Sadr à la fin du mois d’août. En réalité, derrière Al Sistani, c’est toute la répugnante hiérarchie féodale chiite qui, estimant qu’elle a davantage intérêt à collaborer avec la coalition impérialiste qu’à lui résister, a fait pression pour obtenir la soumission d’Al Sadr.

 

Mais le chef du «gouvernement intérimaire et l’Etat-major des troupes d’occupation ont pu compter sur un autre appui non négligeable : celui de l’Iran, très influent auprès des milices chiites qu’il a largement contribué à financer… car au moment même où Al Sistani organisait sa délégation à Nadjaf, le ministre iranien des affaires étrangères, Kamal Kharazi, offrait son aide à Allaoui : «Toute forme d’instabilité en Irak a un effet direct en Iran. La stabilité et le calme sont dans l’intérêt de la République islamique. De bonnes relations avec l’Irak bénéficieront à l’Iran.» (communiqué de l’agence iranienne Irna)

 

Fort de cette victoire écrasante, aussi bien militaire que politique, Allaoui a donc réussi à obtenir la collaboration pleine et entière de toute la hiérarchie chiite et sa participation docile, longtemps incertaine, à l’ensemble du «processus politique» contrôlé par les Etats-Unis.


Le «processus politique» se poursuit


Comme pour souligner encore davantage le fait que l’impérialisme américain n’entend pas perdre un seul instant dans le respect des échéances qu’il a fixées, c’est au moment même où les combats faisaient rage à Nadjaf, sous le bruit des bombes – et presque à portée des obus lancés par les partisans d’Al Sadr – que s’est tenue la «conférence nationale» sensée préparer l’organisation d’élections en janvier 2005. Annoncée le 28 juillet pour… le 31 juillet, cette conférence n’avait été reportée d’une quinzaine de jours qu’à la demande expresse du secrétaire général de l’ONU, K. Annan, dans le but d’y intégrer certains partis qui refusaient auparavant de s’y joindre. Encore faut-il préciser qu’aucune concession n’a été accordée aux réfractaires : ceux qui exigeaient en préalable que soient remplies «des conditions inacceptables comme un calendrier de départ des américains» (propos tenus par le porte-parole du gouvernement Allaoui, rapportés par Le Monde du 31 juillet 2004) se sont tout simplement aplatis devant la fin de non-recevoir qui leur a été opposée.

Ont ainsi participé à cette conférence l’écrasante majorité des hiérarchies chiites et sunnites, des représentants de la «société civile» («notables», chefs tribaux et maffieux en tous genres), la plupart des «partis politiques irakiens» (essentiellement des regroupements à base ethnique ou confessionnelle aux noms évocateurs : «Conseil Supérieur de la Révolution Islamique Irakienne», «Entente Nationale», «Conseil Islamique», «Parti de la Daawa islamique», «Union Patriotique du Kurdistan», «Union Démocratique du Kurdistan»)… ainsi que le Parti Communiste Irakien, qui préconisait déjà, du temps de l’embargo meurtrier, qu’une invasion impérialiste serait un «moindre mal» pour les masses irakiennes.

Ce sont en définitive 1300 délégués, tous «désignés» par les bons soins d’une «commission préparatoire» à la botte – 300 délégués de plus qu’initialement prévu, tant se sont multipliées les factions désireuses de se tailler une place – qui se sont rassemblés, du 16 au 19 août, afin de cautionner la proclamation d’un «parlement intérimaire». Une collaboratrice du Monde a effectué un compte-rendu sidérant du déroulement de cette conférence :

«Le spectacle bigarré des délégués de toutes obédiences à la conférence nationale et la liberté de parole dont ils ont bénéficié pour discuter de toutes sortes de sujets, sont évidemment louables (…) Les débats au sein de la conférence n’ont néanmoins abouti à aucun engagement concret sur quelque sujet que ce soit (…)» (Le Monde du 20 août 2004)

C’est que cette «conférence» n’avait certainement pas été convoquée pour prendre quelque engagement que ce soit, ni la moindre décision : quant au «parlement intérimaire», dont 19 sièges avaient d’ores et déjà été réservés pour des collaborateurs sûrs de l’impérialisme américain (les anciens membres du «Conseil intérimaire» qui assistait P. Bremer avant la nomination d’Allaoui), ses 81 membres restants ont été «désignés» par la conférence sur la base d’une liste bloquée, établie à l’avance… et unique. Last but not least : ce “parlement” ne dispose de toutes façons d’aucune attribution autre que consultative (il est chargé d’»approuver le budget» et «interroger les ministres», il aura pour principale fonction d’être «consulté lors de l’organisation des élections»…). Tout comme le «gouvernement» d’Allaoui, il ne s’agit là que d’un paravent pour masquer la colonisation de l’Irak… et «légitimer» l’alignement de l’ONU, de Chirac, de Schroeder, de Poutine, et des Etats du Moyen-Orient.


L’impérialisme et Allaoui continuent le massacre


Fort des victoires déjà remportées, Allaoui pouvait déclarer, à l’issue du mois d’août, au sujet des villes du «triangle sunnite» rétives à son autorité :

«Il n’est pas question de négocier. Je rencontre ces gens et je leur explique qu’ils n’ont qu’une solution : respecter la loi. S’ils veulent se battre, nous nous opposerons violemment à eux, nous les éliminerons ou nous les traînerons devant la justice».

L'expérience a déjà prouvé que ce ton n'avait rien d'exagéré. Le 5 septembre, Allaoui a ordonné une rafle arbitraire à l’encontre des habitants de Latifiya : par centaines, les civils ont été arrêtés, humiliés, battus, terrorisés. Le 6 septembre, des bombardements particulièrement intensifs sont organisés contre Fallouja, déjà pilonnée quotidiennement depuis des mois, traumatisée par les massacres du printemps.

Dès la fin du mois d’août 2004, la ville de Samarra, saignée par le pilonnage continuel des troupes d’occupation, avait quant à elle commencé à hisser le drapeau blanc :

«L’accord semble a priori difficile à obtenir mais la ville a fini par accepter de rentrer dans le rang, à certaines conditions. Les Américains pourront entrer dans la ville pour superviser, aux côtés du conseil municipal, des travaux de développement et de reconstruction. En échange de leur sécurité, garantie par les chefs tribaux, ils devront cesser les raids aériens et indemniser les habitants qui ont perdu leurs maisons.» (Le Monde des 19-20 août 2004).

Ces concessions n’empêcheront pas les troupes américaines de lancer une énième offensive meurtrière contre la ville, à la fin du mois de septembre.

«Rends-toi ou meurs». Voilà ce qu’Allaoui propose dans le triangle sunnite et partout ailleurs dans le pays. Voilà la manière dont ses commanditaires et lui-même entendent préparer la «transition démocratique» de janvier 2005.

 

Qu'importe d’ailleurs pour eux le fait qu’éventuellement, les élections ne puissent pas avoir lieu dans tout le pays, faute d'avoir pu y imposer la pax americana d’ici là ! Voilà, exprimé de façon on ne peut plus claire, ce qu’en pense C. Powell : «Je pense que le scrutin  doit se dérouler sur tout le territoire, mais cela ne veut pas dire que tout le monde pourra voter ce jour précis (…) et l’on n’a pas besoin d’une participation à 100% !» (interview diffusée sur ABC le 26 septembre, reproduite dans Le Monde du 28/9/2004).

Qu’importe, en effet, que ce scrutin se tienne dans de «bonnes» ou de «mauvaises» conditions, puisque les candidats seront de toute manière ceux que l’impérialisme américain aura choisis, aux conditions que l’impérialisme américain aura posées, et que la «constitution» qu’ils rédigeront leur sera dictée par la puissance occupante ?


Une situation dramatique


Il faut le remarquer : au moment même où ces massacres de masse ont lieu, la télévision, la radio, la presse française dans leur ensemble focalisent notre attention… sur les enlèvements d’occidentaux, les attentats, la démultiplication supposée des organisations «terroristes» en Irak. Procédé franchement raciste, mentalité coloniale.

La «résistance irakienne» ? Le porte-parole des oulémas sunnites – qui ne se font pourtant pas faute de collaborer du mieux qu’ils peuvent avec les troupes d’occupation – nous expose de quoi il retourne : «Nos statistiques montrent que les américains tuent quarante fois plus de civils que de combattants. Or, ces victimes appartiennent à des tribus : elles ont des pères, des frères, des fils, qui doivent ensuite venger leurs morts» (Le Monde des 19-20 août 2004).

La société irakienne est aujourd’hui dans un état de décomposition critique : plus de la moitié des irakiens est au chômage, un irakien sur six dépend d’un programme alimentaire public mis en place du temps de l’embargo. Quant au revenu moyen, il est passé de 3600$ par an en 1980 (avant l’éclatement de la guerre Irak-Iran, déjà inspirée par l’impérialisme américain) à 720$ par an en 2002 et… 420$ par an (35$ par mois !) en 2003. Pour la seule ville de Bagdad, les sans-abris représenteraient plus d’un million et demi de personnes ! Les masses irakiennes sont écrasées, affamées ; le prolétariat irakien est réduit à presque rien. Dans ce contexte qui a également été marqué, pendant des mois, par l’effondrement de l’ancien appareil d’Etat baasiste, n’émergent en fait de «résistance» que des bandes maffieuses, des milices privées, des groupuscules armés et manipulés par l’Iran, l’Arabie Saoudite ou la Syrie (pays qui ont tout intérêt à développer des liens étroits avec diverses factions irakiennes), avec ou sans le mythique label «Al Qaïda» si utile Bush et consorts.  L’Etat irakien détruit, toutes les «bandes d’hommes armés» qui agissent le font dans un même but : s’assurer une place à la table.

Des milices telles qu’en ont organisées les factions kurdes… sur lesquelles s’appuie l’impérialisme américain ; des milices telles que l’»armée du Mahdi», longtemps tolérée par l’impérialisme américain du fait qu’elle «assurait l’ordre» à Sadr City… et contribuera peut-être, demain, à pérenniser l’ordre colonial, puisque son chef s’est plié aux exigences d’Allaoui.

 

S’il ne fait aucun doute que le chaos qui règne en Irak perturbe aujourd’hui jusqu’au plan de pillage économique du pays, baptisé «opérations de reconstruction», le fait est qu’aucune force politique nouvelle ne s’est constituée sur le terrain de la défense des travailleurs irakiens, et pour le retrait des troupes d’occupation.


Une tentative de ramener le pays cinquante ans en arrière


La politique de colonisation de l’Irak par l’impérialisme américain vise à effacer des décennies d’histoire de ce pays, à instaurer un régime croupion et colonial comme il en existait en Irak avant 1958. Mai elle menace à court terme l’ensemble des peuples voisins. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter le «projet» de «Grand Moyen-Orient» désormais avancé par l’impérialisme américain: la mise en coupe réglée d’une région qui s’étend en fait… du Maghreb à l’Afghanistan et au Pakistan ! Tout récemment encore, le général en chef des forces d’occupation de l’Irak le déclarait sur la chaîne américaine NBC : «Les américains doivent se préparer à une longue guerre au Proche-Orient et en Asie centrale».

Dans l’immédiat, c’est l’Iran, qui s’est soustrait à la domination américaine depuis la révolution de 1979, qui se trouve dans la ligne de mire : et c’est le prétexte d’un programme d’enrichissement de l’uranium développé par ce pays qui est employé, aujourd’hui, pour préparer demain d’éventuelles agressions ou «résolutions» meurtrières de l’ONU. Plus fort encore que l’accusation de «détention d’armes de destruction massive» : l’Agence Internationale de l’Energie Atomique – officine qui ne fait que refléter la volonté des puissances impérialistes en la matière – a ainsi exigé de l’Iran qu’elle cesse ses recherches au prétexte qu’il «pourrait être utilisé à des fins militaires» (L’Humanité du 28 septembre). Infâme tartufferie, qui ne trouve rien à redire au programme nucléaire poursuivi «à des fins militaires» par Israël depuis des décennies, ni à l’arsenal monstrueux dont disposent les USA, la France, la Russie, et qui voudrait qu’en matière d’énergie l’Iran s’en tienne au XIXè siècle !

 

Mais l’impérialisme américain vient aussi de faire adopter par l’ONU – avec la collaboration très intéressée de l’impérialisme français – la résolution 1559 sur le Liban : la Syrie, qui occupe militairement ce pays depuis 1976 (à l’époque, ces troupes intervenues pour écraser les forces de l’OLP n’avaient soulevé aucune objection américaine), est sommée de rapatrier ses troupes à brève échéance ; les «milices armées» (le Hezbollah dirige la première d’entre elles) doivent désarmer au plus tôt. Il ne s’agit pas bien sûr de chasser un pays occupant et de balayer ses fantoches (le président Emile Lahoud en premier chef), mais de permettre à l’impérialisme américain et à l’impérialisme français – l’ancienne puissance coloniale au Liban – de mettre en place un régime à leurs bottes. Et ce régime ne pourrait être qu’un «ami» de l’Etat d’Israël, et durcirait encore le sort infligé aux centaines de milliers de palestiniens qui vivent encore au «pays du Cèdre», parqués dans des camps misérables pour la plupart d’entre eux.

Et c’est justement le peuple palestinien qui, avec les peuples d’Irak, subit le plus cruellement les conséquences de la politique impérialiste menée dans la région.


Le peuple palestinien : principale victime après les peuples d’Irak


Chaque victoire de l’impérialisme américain est une victoire pour l’Etat d’Israël : voilà une évidence qu’en quatre ans de massacres, n’importe quelle famille palestinienne a pu mesurer aux travers des rafles, bouclages, destructions, humiliations infligés par Tsahal, redoublés à la suite de chacune des guerres remportées par les troupes américaines et par leurs alliés.

 

C’est au lendemain de la première guerre du Golfe qu’avait été lancé le défunt «processus d’Oslo», dont l’Histoire montre désormais avec suffisamment d’évidence qu’il n’était rien d’autre qu’un processus d’anéantissement des organisations palestiniennes. En effet, en échange de la «reconnaissance» de l’Etat d’Israël par l’OLP, du caractère «inviolable» de ses frontières – c’est-à-dire l’abdication du combat pour le droit au retour de millions de palestiniens parqués dans des camps en Syrie, au Liban, en Jordanie... – Israël reconnaissait à l’OLP (et surtout à sa principale composante, le Fatah de Yasser Arafat)  le «droit»... de jouer le rôle d’»interlocuteur» des troupes d’occupation, de transformer ses miliciens en «policiers» chargés d’assurer l’»ordre» colonial et l’enfermement des palestiniens dans des lambeaux de territoires où ils étaient condamnés à croupir. La perspective de proclamer un «Etat palestinien» - qui n’aurait pu être dans ces conditions qu’une addition de ghettos – ne figurait pas sur le texte des accords Israël-OLP : Israël n’a d’ailleurs jamais cessé d’étendre ses colonies. Mais, une fois remplis les objectifs de ce dispositif, l’Etat d’Israël a décidé, par le biais de ses représentants, d’ouvrir une nouvelle phase d’anéantissement physique et politique du peuple palestinien : une provocation délibérée d’Ariel Sharon, en septembre 2000, suivie d’une vague de répression féroce contre les mouvements de protestation qui se sont ensuivis chez les palestiniens des deux côtés de la «frontière de 1967», ont permis aux sionistes d’en finir avec ces «accords» désormais inutiles.

 

La victoire, en 2002, de la coalition impérialiste contre l’Afghanistan, a offert un nouveau point d’appui à l’Etat d’Israël dans sa lutte contre le peuple palestinien : au nom de la «lutte contre le terrorisme», l’opération «Rempart» et toutes celles qui ont suivi ont eu pour objectif principal et revendiqué la liquidation de l’»Autorité palestinienne» en pleine déconfiture, l'arrestation ou l’élimination systématique des cadres palestiniens – mais aussi l’amplification des destructions, en prévision de nouvelles annexions.

Dernière née d'une série de prétendus "plans de paix" dont le principe est d'entériner systématiquement les nouvelles annexions effectuées par l'Etat d'Israël – et d’exiger à chaque fois davantage d’abdications de la part des dirigeants du Fatah – la «feuille de route», qui a été définie dans le prolongement direct de la guerre contre l’Irak, est d’ores et déjà caduque. En effet, Sharon n’a pas même respecté les maigres exigences qui lui étaient adressées (cesser les attaques contre les civils palestiniens, cesser de développer ses colonies, retirer «progressivement» des lambeaux de territoire «palestiniens»). Pourtant, pas plus que les accords d’Oslo, ce plan n’aura été infructueux du point de vue de l’Etat sioniste : en conditionnant une hypothétique «reprise des négociations» à l’écrasement de toute résistance palestinienne par une «Autorité» en loques, la feuille de route a justifié par avance toutes les exactions de Sharon. Qui plus est, l’impérialisme américain et l’Etat d’Israël sont parvenus à imposer la création d’un poste de «premier ministre palestinien», germe d’un déchirement profond au sein de l’»Autorité» et du Fatah.

C’est ce qu’ont illustré les évènements à Gaza cet été, expression au grand jour d’une crise qui sourdait au sein du Fatah depuis longtemps.


Le Fatah en pleine décomposition


Le 16 juillet, le chef de la police palestinienne et un officier sont enlevés par un groupe armé issu du Fatah ; à la suite de cet enlèvement, le «gouvernement» d’Ahmed Qoreï menace d’imploser. Mais les rafistolages proposés par Arafat – redistribution des postes de responsabilité sous l’égide de son propre cousin, Moussa Arafat – ne parviennent qu’à décupler la fronde à Gaza : dans la nuit du 17 au 18 juillet, un commissariat flambe à Khan Younis ; la nuit suivante, un autre poste est attaqué à Rafah. Les «Brigades des martyrs d’Al Aqsa», groupe armée issu du Fatah, revendiquent cette démonstration et organisent, dans les jours qui suivent, des démonstrations armées dans plusieurs villes de la bande de Gaza: «C’est un message clair adressé à Moussa Arafat le corrompu».

 

Mais la pomme de discorde brandie par les «brigades» de la bande de Gaza coïncide étrangement avec les exigences énoncées par la «feuille de route» : refonte des services de sécurité, extension des pouvoirs du «premier ministre» - ce qui revient à dire que l’Autorité palestinienne doit mieux fonctionner, mieux cadenasser les masses palestiniennes… et mieux rémunérer les milices armées.

La corruption ? Elle est, depuis l’origine, le sang et la moëlle de l’Autorité palestinienne. Alors que les camps palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont bouclés depuis quatre ans, que les destructions sont innombrables, que 60% des habitants de la bande de Gaza sont sans emploi et sans ressources, que l’Autorité ne vivote plus qu’à l’aide des subsides qui lui sont octroyés (en particulier par l’Union européenne) en contrepartie de l’acceptation servile des conditions posées par la feuille de route, elle devient d’autant plus voyante. Mais la corruption n’est que la conséquence d’une politique de soumission à l’Etat d’Israël que les «brigades des martyrs d’Al Aqsa» ne semblent pas remettre en cause. Bien au contraire : le seul courant politique qui ait semblé émerger de cette crise est celui de Mohammed Dahlan, ancien dirigeant de la «sécurité préventive» de l’Autorité palestinienne, au sujet de qui Le Monde du 19 août 2004 écrivait :

«De l’avis général, l’ancien chef du contre-terrorisme dans la bande de Gaza a profité de la supervision par son service du terminal de Karni, le point de passage obligé pour les marchandises palestiniennes vendues en Israël, pour engranger quelques commissions juteuses».

Dahlan, dont les liens privilégiés avec Israël lui valent d’être un des rares dirigeants du Fatah qui ne figure pas sur la liste des «terroristes» poursuivis par l’Etat sioniste, et dont la politique consiste à postuler au titre de futur geôlier appointé des palestiniens de Gaza.

La crise des mois de juillet-août illustre de manière dramatique l’état de décomposition du Fatah, verrouillé au sommet par une direction qui n’a pas été réélue depuis le début du processus d’Oslo, pourri de l’intérieur par dix ans d’osmose avec l’»Autorité palestinienne», disloqué par quatre années de massacres et de bouclage des territoires occupés – au point que les «brigades des martyrs d’Al Aqsa» de Cisjordanie se soient ouvertement désolidarisées de celles de Gaza – divisé en groupes de technocrates et en milices aux abois, prêtes à se vendre au plus offrant (au Hezbollah, à la Syrie, à Dahlan… ou directement à l’Etat d’Israël). Rien n’est plus significatif que l’absence de toute mobilisation populaire à Gaza, en réaction aux affrontements de l’été : les masses palestiniennes, harassées, rejettent de plus en plus largement le Fatah, en bloc. Quant à Arafat, qui s’est avéré incapable de contrôler la situation et n’a plus prise sur des pans entiers de son organisation, l’opinion de Sharon est qu’il a fait son temps.

Jamais l’Etat sioniste n’a été si près d’atteindre l’objectif de liquider les organisations palestiniennes pour leur substituer ses propres affidés, promus au rang de geôliers dans les ghettos infects où il compte parquer les restes du peuple palestinien.


Le «plan Sharon» et la «barrière de sécurité»


C’est fort de l’état de décomposition du Fatah, du délabrement de l’Autorité palestinienne dont il est le principal responsable, et surtout de l’appui inconditionnel de l’impérialisme américain plus fort que jamais dans la région, que l’Etat d’Israël peut s’abandonner plus que jamais à sa furie meurtrière.

 

D’une part, la construction d’un mur de 690 kilomètres de long, assorti d’un cortège d’expulsions, expropriations, destructions, qui achève de charcuter la Cisjordanie en bantoustans coupés du monde et plus que jamais à la merci de la répression israélienne, se poursuit sans qu’une réelle résistance – autre que l’organisation de grèves de la faim et l’envoi de suppliques à la «communauté internationale» complice de Sharon – ait pu être organisée par les masses palestiniennes.

D’autre part, le «plan de retrait» de Gaza, présenté par Sharon le 18 décembre 2003, qui ne se heurte qu’à la résistance… de la majorité de son propre parti, le Likoud, flanquée d’une myriade de groupes ultra-réactionnaires qui voient dans le démantèlement de 8000 colonies israéliennes (contre dédommagement, et dans la perspective d’un redéploiement en Cisjordanie !) une abdication du projet d’»Eretz Israël», le «Grand Israël» qui résulterait de l’expulsion (ou du génocide) de la totalité du peuple palestinien. Ce plan, s’il était appliqué, ne serait pourtant rien d’autre que la proclamation d’un ghetto palestinien d’un million d’habitants, dont l’accès à la mer serait condamné, les débris d’aéroport seraient rasés, les «frontières» avec Israël et l’Egypte seraient bouclées par des gardes armés jusqu’aux dents, les rues régies par des policiers soumis à l’Etat sioniste.

Mais que ce «plan» s’applique ou non, le fait est qu’il ne s’agit là «que» des dernières étapes, particulièrement cruelles, d’une offensive dont la conclusion ne peut être que l’anéantissement du peuple palestinien, tant la réalisation d’une «paix juste» au Proche-Orient, le droit au retour des millions de palestiniens expulsés de leur pays, suppose d’en finir avec l’Etat d’Israël, Etat raciste, colonial, instrument de l’impérialisme américain au Proche-Orient.


Chirac s’aligne sur l’impérialisme américain


Ceux qui, au sein du mouvement ouvrier, ont défendu à la veille de la guerre contre l’Irak une orientation faite de suppliques à Chirac, à l’ONU, ont tout intérêt à taire ce fait : l’impérialisme français, à la suite de son «partenaire» allemand, a pris acte du fait que l’impérialisme américain avait remporté la partie en Irak. Tout comme ils s’étaient opposés à l’intervention militaire pour la seule raison qu’ils allaient y perdre l’essentiel de leurs accords commerciaux avec le régime de Saddam Hussein, les impérialismes français et allemand cherchent aujourd’hui à négocier leur soutien au gouvernement d’Allaoui en échange de quelques bribes du marché de la «reconstruction» irakienne.

C’est ainsi que, le 8 juin, l’impérialisme français a soutenu la résolution 1546 de l’ONU qui institue le «gouvernement» fantoche d’Allaoui. Mais encore : l’impérialisme américain réclame-t-il la révision de la dette irakienne ? Voilà, début juin, la réaction de G. Schröder : «Le Club de Paris doit négocier une remise substantielle des dettes de l’Irak (…) On est prêts à le faire, pour que le processus de reconstruction puisse démarrer, mais nous attendons aussi une contrepartie pour l’économie allemande». Chirac lui emboîte le pas et précise à l’intention des ambassadeurs français, réunis fin août à Paris : «La France est ouverte au dialogue avec les autorités irakiennes sur tous les sujets : sur la formation des forces de sécurité, sur les dettes, comme sur tout autre sujet touchant à la reconstruction et au bien être du peuple irakien.» De fait, en quelques mois, sont adoptés le principe d’une réduction de 50% de la dette irakienne et celui d’un encadrement par l’OTAN des troupes du «gouvernement» irakien.

De même, c’est main dans la main avec l’impérialisme américain que Chirac rêve de restaurer une partie de la tutelle coloniale française sur le Liban, par le biais de la résolution 1559, qu’il appuie les pressions contre l’Iran, ou qu’il a soutenu le principe de la «feuille de route» contre le peuple palestinien.

           

Avec le tournant discret opéré par les impérialismes français et allemand, l’ONU, assemblée réactionnaire, que d’aucuns présentaient comme un recours contre l’intervention en Irak, peut désormais servir les plans américains de colonisation de l’Irak.


Il n’y a d’issue que dans le combat contre l’impérialisme


Les conséquences dramatiques de l’intervention impérialiste en Irak ne peuvent que nous amener à cette conclusion : les prolétariats d’Europe et d’Amérique ont un rôle décisif à jouer contre la colonisation de l’Irak, le massacre du peuple palestinien, la soumission progressive de l’ensemble de cette région du monde aux intérêts impérialistes. En outre, chaque coup porté aux peuples d’Irak, de Palestine, constitue en définitive un coup porté aux travailleurs des pays occidentaux. C’est au compte d’une même logique – celle du maintien et de l’élévation du taux de profit des grands capitalistes – que sont organisés plans de pillage impérialistes, et offensive contre les acquis sociaux en France. Mais la situation intolérable qui est faite aux peuples d’Irak et au peuple palestinien est aussi l’expression la plus extrême, la plus crue et la plus éloquente de l’alternative posée par le mode de production capitaliste : socialisme ou barbarie.

 

Face à l’offensive monstrueuse contre l’Irak et l’ensemble des peuples du Moyen-Orient, du Proche-orient, de l’Asie Centrale, le coup le plus sérieux qui ait jamais été porté contre les troupes impérialistes est venu de la mobilisation des travailleurs espagnols, chassant Aznar et son gouvernement, se saisissant pour cela du vote pour le PSOE, imposant de fait le retrait des troupes espagnoles d’Irak. C’est de cet enseignement de la lutte des classes que propose de s’inspirer notre Cercle.

Combattre, en France, contre la colonisation de l’Irak, exige d’en finir avec la politique de subordination à Chirac, de suppliques à l’ONU qui est le credo des appareils du mouvement ouvrier : comme ils participent servilement à toute «concertation» sur le terrain de la politique gouvernementale en France, ils s’adaptent lamentablement à la politique étrangère de l’impérialisme français. Il faut les entendre entonner le chœur de « la cohésion nationale derrière notre diplomatie», à savoir derrière Chirac et ses tractations secrètes, au nom de la libération de ces deux otages qui les émeuvent plus que les tueries quotidiennes d’irakiens par centaines.

 

Combattre la colonisation de l’Irak exige au contraire de combattre les «résolutions» réactionnaires de l’ONU soutenues par Chirac ; elles exigent de combattre la politique de l’impérialisme français et le gouvernement Raffarin, ce qui commence par rompre avec lui. Dans ce sens, nous estimons nécessaire d’intervenir, partout où cela est possible, pour exiger des dirigeants du PS, du PCF, de la CGT, de FO, de la FSU et de l’UNEF, qu’ils se prononcent : contre la résolution 1546 de l’ONU ; contre l’encadrement apporté par le gouvernement Chirac-Raffarin, via l’OTAN, à la formation des troupes d’Allaoui, pour le retrait immédiat et inconditionnel des troupes d’occupation.


 


Le 29 septembre 2004

 

 

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