Victoire du PSOE aux élections législatives espagnoles
après huit ans de gouvernement
Aznar
Après les attentats du 11 mars 2004, les masses
espagnoles contre l’Union nationale derrière Aznar
Le 11 mars 2004, plusieurs bombes
explosaient dans des trains à Madrid, faisant près de deux cent morts, les
victimes sont des travailleurs, des étudiants.
Immédiatement, Aznar et son
gouvernement attribuaient les attentats à ETA, relayés en cela par l’ensemble
des dirigeants du mouvement ouvrier espagnols, mais aussi européen, par les
bourgeoisies européennes. Aznar, le Parti Populaire, comptaient utiliser les
attentats à leur profit lors des élections législatives qui devaient se tenir
quatre jours plus tard, élections qui s’annonçaient difficiles pour eux. Aznar va
tenter de réaliser l’Union nationale derrière lui.
Le lendemain des attentats une
manifestation d’Union nationale était organisée. Des millions d’espagnols y
participent, en tête Aznar, avec à ses côtés Zapatero (dirigeant du PSOE), les
dirigeants d’Izquierda Unida (coalition organisée autour du PCE), les
dirigeants des organisations syndicales UGT et CCOO, mais aussi Berlusconi et
Raffarin. Pourtant, en cours de journée des indices sont découverts, portant
les soupçons sur la « mouvance Al Quaeda »,
en même temps le porte parole de Batasuna dément la responsabilité d’ETA. Le
soir, lors des manifestations apparaissent des slogans, qui sont repris,
mettant en cause le véritable responsable des attentats, Aznar :
« Qui l’a fait ? », « Non à la guerre ! », et surtout
« La guerre c’est vous ! Les morts c’est nous ! ». La
présence du PP dans les manifestations est remise en cause par les masses
Le lendemain matin, un communiqué
d’Al Quaeda revendique l’attentat. Le gouvernement maintient sa version :
« il n’y pas de piste prioritaire ». Le gouvernement décrète le jour
de la veille des élections comme étant une « journée de
réflexion » : il est interdit de manifester.
Pourtant, au cours de la journée
des manifestations spontanées s’organisent, le soir les manifestants se
dirigent vers le siège du Parti Populaire :
« Ils
veulent savoir. "Avant de voter, nous voulons la vérité". Une
centaine de personnes se retrouvent, samedi 13 mars, dès 18 heures,
devant le siège du Parti populaire, à Madrid. Chaque métro déverse son nouveau
contingent de manifestants, indignés et désolés à la fois. (…)
Les slogans
mêlent les attentats et la guerre en Irak. "Aznar coupable, c'est toi
le responsable !", "Aznar canaille, on se verra à La Haye
!", et, de nouveau, "Non à la guerre !". (…)".
Les slogans reprennent : "Demain, nous votons et nous vous mettrons
dehors !»
A 21
heures, Mariano Rajoy dénonce des "rassemblements
illégaux". A minuit, à la Puerta del Sol, commence une cacerolada
gigantesque. (…) Sur plainte du PP, à deux heures, la Junte électorale rappelle
que les manifestations sont interdites la veille et le jour des élections. Dans
beaucoup d'autres villes, il se passe la même chose. A Barcelone, 7 000
personnes font trembler les vitres dans une immense cacerolada. Et encore à
Séville, à Grenade, à Bilbao, à Saragosse, à Gijon, à
Saint-Jacques-de-Compostelle, à Burgos... » (Le Monde, 16/03/04)
Le lendemain les rues sont noires
de monde, les Espagnols vont voter en masse. Alors qu’il va voter, Aznar est
pris à partie par des manifestants.
Au soir du 15 mars le PSOE arrive
en tête des élections, le PP et Aznar (bien qu’il ne se représentait pas) sont
battus. Le résultat des élections exprime le rejet d’Aznar, du PP ; des
masses de travailleurs et de jeunes se servent du PSOE pour chasser le PP et
ses représentants du pouvoir.
La victoire du PSOE : le résultat de la
mobilisation des travailleurs et des jeunes
|
2004 |
2000 |
1996 |
||||||
|
Nombre de voix |
% des Inscrits |
Députés |
Nombre de voix |
% des Inscrits |
Députés |
Nombre de voix |
% des Inscrits |
Députés |
PSOE |
10.909.687 |
31,95 |
164 |
7.918.752 |
22,96 |
125 |
9.425.678 |
28,65 |
141 |
Parti Populaire |
9.630512 |
28,20 |
148 |
10.321.178 |
29,92 |
183 |
9.716.006 |
29,53 |
156 |
Izquierda Unida |
1.269.532 |
3,72 |
5 |
1.263.043 |
3,66 |
8 |
2.639.774 |
8,02 |
21 |
CiU[1] |
829.046 |
2,43 |
10 |
970.421 |
2,81 |
15 |
1.151.633 |
3,5 |
16 |
ERC[2] |
649.999 |
1,90 |
8 |
194.715 |
0,56 |
1 |
167.641 |
0,51 |
1 |
PNV[3] |
417.154 |
1,22 |
7 |
353.953 |
1,03 |
7 |
318.951 |
0,97 |
5 |
Divers |
661.770 |
1,94 |
8 |
1.056.084 |
3,06 |
11 |
829.305 |
2,52 |
10 |
Participation |
77,21% |
68,71% |
77,38% |
La direction du PSOE ne voulait pas
de cette victoire : sa campagne était entièrement axée sur l’orientation
d’une « nouvelle voie », version espagnole de l’orientation de Blair,
et se maintenait toujours dans le cadre d’une « opposition loyale ».
Ce sont les réactions à la politique d’Aznar face aux attentats, sa
responsabilité, qui vont provoquer la mobilisation des masses.
Le soir des résultats, Zapatero
va maintenir son orientation de couverture du Parti Populaire et d’Aznar.
Ainsi, alors qu’au siège même du PSOE des militants crient :
« Demain, l’Espagne sera républicaine », « Les soldats à la
maison ! », ou encore « Aznar fasciste, Espagne
socialiste », Zapatero s’exprime « modestement » à la
télévision, où il exprime son « respect pour un rival digne » (Rajoy,
le successeur d’Azanar), auquel il se dit prêt à « tendre la main ».
Pourtant, les résultats
électoraux sont là. D’abord la participation est de 77,21%, contre 68,71% en
2000, elle retrouve le niveau de 1996 (année où le PP avait gagné les élections
sur le fil). Le PSOE réuni 10,9 millions de voix, soit 31,95% des inscrits,
trois millions de voix de plus qu’en 2000 et un million par rapport à 1996.
C’est l’électorat traditionnel du PSOE qui s’est rassemblé derrière lui - alors
qu’il s’était massivement abstenu en 2000 - mais aussi une partie de celui
d’Izquierda Unida. Quant à Izquierda Unida, bien qu’étant le
troisième partie en terme du nombre d’électeurs, elle confirme son recul. Par
exemple en Andalousie, un des « bastions » d’Izquierda Unida, son
recul continue (582.000 voix en 1996, 315 000 en 2000 et 285 000 en
2004). La place secondaire qu’occupe cette coalition de partis petits bourgeois
ou d’extrême gauche (le SU, les Verts) et du PCE, s’explique d’abord par le
fait que les masses se sont servis de leur parti traditionnel, le PSOE. Tout
confirme, que le vote pour le PSOE a bel et bien été un vote de classe.
Mais, le vote PSOE reste limité,
notamment par rapport à 1982. C’est la politique de la direction du PSOE qui en
est responsable : les années que le PSOE a passé au pouvoir ne sont pas
oublié, les travailleurs et les jeunes ne cherchaient pas à voter pour la
« nouvelle voie » de Zapatero, mais pour chasser le PP et l’héritier
d’Aznar.
De son côté, le Parti Populaire
perd 1,7 millions de voix par rapport à 2000 (année où il avait réalisé un
score historique et remporté la majorité absolue au Cortés). Mais il se
maintien de façon honorable, il ne perd que 80 mille voix par rapport à 1996.
Enfin, les nationalistes dits de « gauche » (notamment l’ERC en
Catalogne double le nombre de ses voix par rapport à 2000), et victimes de la
politique d’Aznar (le PNV au Pays Basque), se renforcent. Autant de voix perdus
pour le PSOE, qui paye là son soutien entier à la « lutte contre le
terrorisme » d’Aznar, à sa défense de « l’Espagne éternelle » :
celle de la Monarchie (maintenue grâce à la constitution de 1978), de l’Eglise
catholique et de l’Opus Dei.
Le résultat des élections ne
prend pas seulement sa source dans la réaction aux attentats, cette
mobilisation des masses s’appuie sur leur combat contre la politique d’Aznar,
engagé à partir de 2001.
Après les élections de 2000 mains libres pour Aznar
dans son offensive contre les masses espagnoles.
En avril 2000, après avoir passé
quatre ans au pouvoir, le Parti Populaire d’Aznar remporte la majorité absolue
au Cortès, la normalisation de l’Etat espagnol arrive à son terme, 26 ans après
la chute du franquisme. Le première législature du PP, de 1996 à 2000, avait
été marquée par des attaques sur tous les fronts contre les travailleurs, la
jeunesse espagnols (voir CPS N°3, mars 2001), cela dans le plus grand
« consensus » avec les directions des organisations syndicales, et
avec le silence complice du PSOE. En Avril 2000, lors de son discours
d’investiture, Aznar fixe les orientations suivantes à son futur mandat :
« Aznar propose un pacte
à l’opposition (…).
M. Aznar a prévenu :
" L'Espagne a encore des efforts à faire. " Pour cela, il prévoit une
réforme du droit du travail, dans le sens d'une plus grande flexibilité et des
facilités de licenciement, et " la convocation immédiate du " pacte
de Tolède " (…).
De plus, le chef du
gouvernement espagnol a annoncé la mise en place d'une délégation
gouvernementale sur l'immigration, pour traiter " l'immigration avec une
législation forte et en accord avec les possibilités d'accueil ". De même,
il a prôné " l'idée d'une Espagne fondée constitutionnellement " sur
la notion de " nation plurielle " et sur " l'importance de la
mobilisation sociale et populaire contre l'ETA ".
(…), José Maria Aznar a
souligné que l'Espagne se trouve aujourd'hui " devant une grande
opportunité ", jugeant " qu'est arrivé le moment d'approcher le
plein-emploi ", (…) de " réduire les dépenses publiques à moins de 40
% du PIB ", de "renforcer le rayonnement extérieur de l'Espagne.
"
(…)Malgré la majorité absolue
atteinte lors des dernières élections, José Maria Aznar a souhaité se montrer
" ouvert au dialogue " et au " consensus ". »
(L’Humanité, 27/04/2000)
Le PSOE
va répondre présent, ses dirigeants déclarant qu’ « ils
sont prêts, (…), « à tendre la main » à M. Aznar « pour en finir avec le fléau
du terrorisme ». Voire à conclure d'autres accords ponctuels, si les appels au
consensus « sont réels ». »
Dès l’automne 2000, le
gouvernement engage son offensive en s’attaquant à l’enseignement public, il
commence par la Loi Organique Universitaire (la LOU). Pour présenter cette loi
il suffirait de laisser la parole à la Ministre de l’Education qui en 2001
déclarait d’une part que « les étudiants restent trop longtemps à
l’Université », et d’autre part que
« les
objectifs de stabilité qu’implique le passage à l’Euro et l’objectif à court
terme de réduire à zéro le déficit public du Gouvernement marquent les limites
claires au financement publique de système éducatif en général, et au niveau
universitaire en particulier. »
En clair il s’agit d’expulser les
étudiants de l’Université, de baisser drastiquement les budgets de
l’enseignement supérieur ; les établissements se retrouvant divisés entre
pôles d’excellence et établissements « poubelles ».
Pour cela la LOU met en œuvre une
série de mesures : autonomie des universités, sélection à l’entrée et au
court du cycle universitaire, accroissement du poids des communautés autonomes
dans la gestion des universités à tous les niveaux, augmentation des frais
d’inscription, last but not least, la création d’agences d’évaluation.
C’est une provocation pour les
étudiants. Dès le printemps 2001 une première série de manifestations de
lycéens ont déjà lieu contre les projets de réformes du gouvernement, et à
l’automne c’est l’ensemble des étudiants qui engage le combat contre la LOU,
n’empêchant pas pourtant qu’elle soit adoptée le 21 décembre 2001.
Le mouvement étudiant contre la LOU (octobre novembre
2001) :
la première mobilisation massive contre la politique d’Aznar depuis 1996.
Le combat s’engage en octobre
alors que la LOU entre dans sa phase parlementaire, c’est le Syndicat des
Etudiants qui est à l’initiative de la première journée d’action dont vont
s’emparer les étudiants : le 25 octobre ils sont massivement en grève et
les manifestations rassemblent plus de cent milles étudiants. Suite à cette
journée de grève les syndicats de l’enseignement supérieur UGT et CCOO vont
appeler à une journée d’action pour le 7 novembre avec le SE, ce dernier
appelant également à une journée d’action pour le 14 novembre.
Malgré tous les obstacles mis
devant le combat des étudiants, la participation est sans équivalent depuis des
années. Le 7 on compte plus de 200 000 manifestants, 500 000 le 14, et à St
Jacques de Compostelle ou Séville les étudiants et enseignants, votent la grève
illimitée, qui dure quelques semaines. Nouvelle journée d’action le 28 novembre
à l’appel du SE, mais entre temps l’UGT et les CCOO ont appelé à une
manifestation nationale à Madrid pour le 1° décembre, à laquelle se joint le
SE ; elle va rassembler 300 milles personnes, les dirigeants du PSOE et
d’IU vont la rejoindre, au dire des directions syndicales c’est la
manifestation la plus importante dans
l’enseignement, depuis 20 ans. La semaine suivante la grève des universités
gagne la Castille et Léon, ainsi que les Canaries. Mais, face à l’absence
d’appel des directions syndicales à la grève générale, à une centralisation du
combat contre le gouvernement, le reflux va rapidement se faire sentir. Ainsi,
alors que la LOU doit être adoptée le 21 décembre aux Cortés, le SE appel à une
nouvelle journée d’action la veille et ne cherche à aucun moment à organiser le
combat contre le vote de la loi aux Cortés. A aucun moment cette perspective
n’a été avancée.
Pourtant, le combat des étudiants
va poser ouvertement la question de défaire le gouvernement Aznar et cela pour
la première fois depuis 1996. Malgré la défaite marquée par l’adoption de la
loi, la « paix sociale » dont bénéficiait le gouvernement depuis 1996
- grâce à l’appui des directions ouvrières – a été rompue. Le mouvement des
étudiants aura été le bourgeon des combats qui s’engageront ensuite.
Le « decretazo »
et la grève générale du 20 juin 2002 :
un affrontement entre le prolétariat et le gouvernement sans précédent depuis
des années.
Au printemps 2002, le
gouvernement Aznar annonce l’adoption d’un décret loi (procédure d’urgence dans
la Constitution) de remise en cause profonde de l’assurance chômage. Voilà le
contenu du décret, le « decretazo », ratifier par le gouvernement le
25 mai 2002:
« (…) un texte qui réduit
les allocations de chômage et aggrave la précarité du travail. Désormais, le
travailleur au chômage sera obligé d'accepter n'importe quel emploi proposé par
l'INEM (ANPE) dans un rayon de 30 kilomètres de son domicile, même si le
salaire est inférieur aux allocations perçues. S'il refuse une fois, il verra
ses allocations réduites de deux mois. Deux refus et il sera puni de quatre
mois. Trois refus, les allocations seront suspendues. Ceux qui ne travaillent
que neuf mois de l'année ne pourront plus percevoir d'allocation les trois mois
où ils ne travaillent pas. Un travailleur licencié qui conteste la mesure verra
son salaire suspendu dès le licenciement jusqu'au jugement. Le texte prévoit
également que les patrons ne payeront plus le plein salaire s'ils recrutent une
personne de plus de cinquante-deux ans car elle pourra continuer de toucher ses
allocations. Et ainsi de suite. » (L’Humanité, 22/06/2002).
Ajoutons à cela la
suppression du régime indemnitaire agricole s’appliquant aux travailleurs
saisonniers d’Andalousie et d’Extremadure (soit plus de 300 000 travailleurs).
Le
« dialogue social » garant de la « paix social » n’est plus
de mise, il s’agit pour le gouvernement d’infliger une défaite décisive aux
prolétariats, en s’appuyant sur l’avantage de sa majorité absolue.
Face à
la brutalité de cette attaque, les directions des CCOO et de l’UGT ne peuvent
faire autrement que d’appeler à une journée de grève générale, le 20 juin,
veille du sommet européen de Séville, alors que le gouvernement convoque le
parlement à partir du 13 juin, dans une procédure d’urgence pour ratifier le
« decretazo ». Mais, les organisations convoquent cette grève générale
en réclamant la réouverture du dialogue social. Fidalgo, le secrétaire général
des CCOO l’explique au journal Le Monde :
« Le gouvernement Aznar a
jusque-là joui d’une paix sociale notable. José Maria Fidalgo le reconnaît. (…)
José Maria Fidalgo aborde avec
plus de réticences l’autre problème qui à ses yeux, a pesé lourd :
l’attitude du gouvernement face à cette grève et les multiples tentatives
menées pour occulter le conflit. « Aznar est têtu, il répète : ″ce que je dis, je le fais″. Nous aussi sommes conscients qu’il faut des réformes,
mais nous voulons des réformes négociées
[souligné par la rédaction]. Tout ce que l’on demande est qu’ils retirent ce
décret sur les allocations chômages et négocient. (…) Il y a des signaux de
dérive de ce pouvoir (…). J’espère que cette grève le fera
réfléchir. » » (Le Monde, 21/06/2002)
De son
côté le gouvernement met en place son propre dispositif contre la grève
générale. S’appuyant sur un accord de 1996 sur les « conflits du
travail », il impose un service minimum extrêmement large, par ailleurs il
tente de restreindre la portée de la grève : ainsi, à une heure du matin
(!), le 20 il déclare que la grève est un échec, à 8 heures Aznar déclare qu’il
n’y a pas eu de grève générale.
Malgré
le cadre fixé par les directions syndicales et le gouvernement, la grève et les
manifestations du 20 juin sont massives (17% de grévistes selon le
gouvernement, 84% pour les syndicats) : la quasi-totalité de l’industrie
est en grève, les débrayages sont très important dans le bâtiment, l’enseignement
public et même les transports (malgré le service minimum). Les manifestations
vont rassembler autour de deux millions de travailleurs.
La
puissance du prolétariat s’exprime contre la politique d’Aznar, la question de
balayer son gouvernement en lui imposant une défaite décisive se pose
ouvertement, à une échelle sans précédents depuis longtemps en Espagne. Mais,
les appareils gardent le contrôle, pendant l’été ils sont à la manœuvre pour
sauver la mise à Aznar.
Le « rectificazo »
va permettre au gouvernement de reprendre le dessus.
En
août, le PSOE et IU dépose un recours contre le décret loi, pour
« inconstitutionnalité ». En octobre alors que les directions
convoquent une nouvelle journée d’action le 5, le gouvernement présente à
nouveau le décret aux Cortès, après qu’il ait été soumis à amendement suite aux
discussions avec les directions syndicales.
Le 5
octobre, 500.000 travailleurs manifestent à Madrid contre le
« decretazo », mais pour les directions syndicales il s’agit de se
placer dans le dispositif du gouvernement : le 7 ils rencontrent le
Ministre du Travail. A la sortie de l’entrevue le Ministre déclare : « Nous
nous sommes engagés dans une voie, que l’on n’appellera pas dialogue social
(…), mais débat et rapprochement. » (El Mundo, 08/10/2002) Le même
journal publie un article avec le titre : « L’UGT et les CCOO
apprécient les changements substantiels apportés par Zaplan au
« decretazo » », et explique que « les deux chefs
syndicaux ont assuré que les changements (…) pourraient augurer un premier pas
dans la reprise du dialogue social. »
Le
nouveau décret, amendé par les directions syndicales, rétablie un certain
nombre de droits significatifs pour les chômeurs : retour aux conditions
antérieures d’indemnisation des chômeurs « intermittents », révision
à la baisse de la nouvelle définition de « l’emploi convenable »,
mais reste le maintien de la suppression du régime des travailleurs agricoles.
C’est donc cette nouvelle mouture du « decretazo », surnommé
« rectficatzo » par El Pais, qui va être adopté aux Cortés le 18
octobre. Le même jour, pour compléter le dispositif de couverture du
gouvernement, les CCOO appellent à une grève générale dans l’agriculture, en
Andalousie… pour le mois de novembre.
Alors
qu’il aurait été possible d’infliger une défaite décisive au gouvernement en
lui imposant de retirer son projet de loi, les directions ouvrières vont
l’aider à reculer en bon ordre, lui permettant de poursuivre son offensive
contre le prolétariat et la jeunesse.
A nouveau le combat des enseignants et des étudiants
contre les réformes- destruction de l’enseignement public.
La loi
organique dite de « qualité de l’enseignement » (la LOCE) a été
présentée en Conseil des ministres le 11 mars 2002, elle se retrouve devant les
Cortés à partir du mois d’octobre, et elle est adoptée le 31. Cette loi
organique s’attaque à l’ensemble de l’enseignement public, de l’école
maternelle au lycée. Elle renforce la sélection à tous les niveaux, notamment
en réinstaurant un examen final du second degré, la « revalidad »,
alors que la sélection à l’entrée de l’Université existe également. Elle
instaure des « parcours » ou « itinéraires » au collège,
l’autonomie et la mise en concurrence des établissements (notamment entre
l’enseignement public et privé) sont renforcées, tous comme l’aide à
l’enseignement privé (le plus souvent catholique), etc.…Le point le plus
contesté de la LOCE sera le renforcement de l’enseignement religieux, contrôlé
par l’épiscopat, qui existait déjà dans l’enseignement public grâce au concordat
signé entre Franco et le Vatican, que la constitution a maintenu.
A
nouveau les étudiants, les lycéens, puis les enseignants vont exprimer leur
volonté de combattre le gouvernement. En mars 2002, à l’appel du SE les
étudiants et les lycéens font massivement grève, ils manifestent par dizaine de
milliers dans toute l’Espagne, quelques jours avant que le texte de la LOCE
soit présenté au Conseil des Ministres. En septembre les manifestations contre
la LOCE s’intensifient. Finalement les directions des syndicats de
l’enseignement appellent à une journée de grève générale pour le 29 octobre.
Mais elles demandent l’amendement du texte, « afin de créer un texte
fruit d’une véritable négociation. » (Tract de la Fédération
enseignante UGT, majoritaire)
Malgré
ce cadre interdisant la possibilité d’affronter le gouvernement pour lui
arracher le retrait du texte, la grève va être massive : entre 65% et 80%
de grévistes, selon les communautés autonomes, chez les enseignants et jusqu’à
90% pour les élèves (lycéens et étudiants). Les manifestations vont être
également importantes. Mais le gouvernement peut maintenir le cap et adopte la
LOCE.
Le mouvement des masses espagnoles contre
l’intervention impérialiste contre l’Irak.
Les
différents mouvements de mobilisations de travailleurs et de jeunes contre la
politique gouvernement vont atteindre leur point culminant au moment de
l’intervention impérialiste contre l’Irak de février à mars 2003. Auparavant, à
partir du mois de décembre, suite au naufrage du pétrolier Prestige sur les
côtes de la Galice, des dizaines de milliers d’espagnols, en Galice, mais aussi
à Madrid ou Barcelone, vont défiler au cri de « Aznar démission ».
Après les attentats du 11 septembre 2001, Aznar va s’engager totalement
derrière l’impérialisme américain dans sa « guerre contre le
terrorisme », martelant « qu’ETA et Al Quaeda c’est la même
chose ». Quand l’impérialisme américain commence ses préparatifs pour
déclencher une nouvelle guerre contre l’Irak, Aznar va le suivre pieds à pieds,
tenant son engagement du début de la législature : « renforcer le
rayonnement extérieur de l’Espagne ». Il s’agit pour Aznar d’aller jouer
dans la cour des grands, de donner une nouvelle place à
« l’impérialisme » espagnol : le 31 janvier 2003, Aznar signe la
lettre des huit dirigeants européens en faveur d’une guerre immédiate contre
l’Irak et le 16 mars Aznar est invité aux côtés de Bush et Blair au sommet des
Açores, sommet qui va lancer l’intervention impérialiste. Aznar obtient sa
promotion de leader de la « nouvelle Europe ».
Le 15
février une journée internationale d’action « pour la paix », mais
avant tout en soutien de l’ONU, réunie plusieurs millions de manifestants à
travers le monde, qui exprimeront, mais de façon déformée, leur rejet de
l’agression impérialiste. C’est en Espagne que ce rejet va s’exprimer le plus
clairement. C’est un mouvement de fonds contre la politique d’Aznar, le nombre
de manifestants en est difficile à évaluer : de trois à sept millions
selon les sources. De telles manifestations n’ont eut lieu qu’à deux reprises
en Espagne : en 1981, suite à une tentative de coup d’Etat et en 1997,
contre ETA. C’est le mouvement inverse à 1997 qui se produit, l’Union Nationale
derrière Aznar n’est plus à l’ordre du jour, les masses espagnoles se dressent
contre lui.
De
février à avril, la mobilisation va être quasi-permanente. Le 21 mars les
armées impérialistes commencent les bombardements massifs sur l’Irak ; en
Espagne, de nouvelles manifestations se tiennent, le gouvernement en est la
cible directe :
« A Madrid, de 5000 à
8000 personnes s’étaient rassemblées, vers 20 heures, près de l’ambassade des
Etats-Unis. Parmi les slogans, on pouvait entendre « Aznar canaille, on se
reverra à La Haye ». Vers 22 heures, des groupes ont tentés de se diriger
vers le siège du PP, mais aussi vers le Congrès (…).
Les forces de l’ordre ont
alors chargé à plusieurs reprises, tirants des balles de caoutchouc (…).» (Le
Monde, 23/03/2003).
Le
lendemain, à l’issue d’une réunion d’un cabinet de crise, le Ministre de l’Intérieur
s’en prend aux « minorités violentes et radicales », déclarant que
les manifestations sont « illégales, puisque non autorisées. ». Une
« marche sur la Moncloa » (le siège du gouvernement) était prévue, elle est annulée au dernier moment suite aux « incidents »
de la veille. Les manifestations du 22 mars sont massives : trois millions
de manifestants selon les organisateurs (quelques centaine de milliers selon la
police ( !!!)).
Au
cours de la guerre, de nouvelles manifestations ont lieu, notamment à l’appel
de SE : les étudiants font grève, tandis que l’UGT appel une journée à une
grève tournante de deux heures et que les CCOO font mieux avec une grève de 15
minutes. Aznar est toujours désigné : le 10 avril, cent mille étudiants
manifestent, en tête des manifestions une banderole porte le slogan :
« Arrêtons la guerre. Démission du gouvernement du PP », le 14 avril,
100 milles personnes manifestent à Madrid « pour exiger le retrait des
troupes de la coalition, la démission d’Aznar et la fermeture des bases de
l’OTAN. » (Le Monde, 15/04/2004). Aznar tient bon, il enverra un
contingent en Irak, pour une mission dite « humanitaire ».
Au mois
de mai, les élections régionales et municipales suivaient, c’était l’occasion
pour le prolétariat et la jeunesse d’exprimer le rejet du gouvernement Aznar et
du PP.
Les élections municipales et régionales de mai
2003 : une victoire pour Aznar.
« Mais le PP est loin d'avoir subi la
déroute que laissait entrevoir le rejet massif des Espagnols à l'appui
inconditionnel du gouvernement Aznar aux Etats-Unis, lors de la guerre en Irak.
Le malaise né de la grève générale de juin 2002 et aggravé par la
mauvaise gestion de la catastrophe écologique du Prestige, en Galice, s'est
finalement peu traduit dans les urnes. (…)
Le Parti populaire a remporté
une bataille emblématique en obtenant la majorité absolue à la mairie de Madrid
(…).
Si les socialistes devancent
le PP de 200 000 voix à ces élections municipales et si le PP a perdu
près de 6 % de ses électeurs depuis les municipales de 1999, il conserve
toutefois plus de conseillers municipaux que les socialistes et a obtenu plus
de voix dans 29 grandes villes comme Valence, Malaga ou Valladolid. Les
socialistes gouverneront 13 villes, trois de moins qu'en 1999. Ils devront chercher
des alliances auprès des partis régionalistes à Séville et à Saragosse. Les
socialistes catalans gardent Barcelone, mais perdent cinq sièges. Le PP
gouvernera également la majorité des communautés autonomes, gagnant même les
Baléares. » (Le Monde, 27/05/2003)
Dans la
communauté autonome de Madrid, grâce à l’appoint des conseillers d’IU, le PSOE
va prendre la région, mais seulement pour cinq mois. Suite à l’exclusion de
deux députés de PSOE, des élections sont réorganisées en octobre et le PP
remporte brillamment les élections et le PSOE perd deux cent milles voix.
Ce
recul des socialistes espagnols se confirme lors des élections régionales de
Catalogne de novembre 2003. Ce qui va également apparaître c’est une
progression des nationalistes de « gauche ». Ces élections vont être
une défaite pour le PSC, qui, bien que se trouvant en deuxième position,
derrière CiU, perd dix sièges et plus de cent mille
voix. Le PP est l’un des seuls parti à gagner des voix.
L’ERC,
un parti « nationaliste », héritier de l’Esquerra Replubicana des
années 1930, va doubler ses voix et passer de 12 à 23 sièges. Suite aux
résultats, l’ERC met au centre de ses exigences pour participer au gouvernement
de la Catalogne, « l’union de tous sauf le PP ». C’est en fait le parti
de la petit bourgeoisie nationaliste de Catalogne : le point le plus
important de son programme étant de réclamer que 25% des contrats publics
soient accordés aux PME.
C’est
donc avec ce parti et avec une coalition catalane proche d’IU, que le PSOE va
s’allier pour prendre la tête du gouvernement Catalan. Bien que s’appuyant sur
une défaite du PSC, la formation de ce gouvernement de coalition
PS-IU-nationaliste présageait pour Aznar et le PP, la formule qui aurait pu
sortir des élections législatives. Ce sont les rapports politiques qui
existaient en Espagne à la veille des élections. Les revers du PSOE
s’expliquaient d’abord par son soutien sans faille aux aspects les plus
réactionnaires de la politique d’Aznar.
La lutte menée contre les droits du peuple Basque,
toujours l’axe de « l’Union Sacrée » derrière Aznar.
Au nom
la « lutte contre le terrorisme » Aznar et la direction du PSOE ont
mené une lutte sans merci contre les libertés démocratiques des nationalités
espagnoles, et en particulier contre celles du peuple Basque. Cette
« lutte » est l’instrument utilisé par les différentes bourgeoisies
européennes pour s’attaquer aux libertés démocratiques.
En
décembre 2000, un « pacte contre le terrorisme » est signé entre le
PSOE et la PP :
« [Le PSOE] a
franchi un nouveau cran en décembre 2000, en signant avec le Parti Populaire un
pacte “ contre le terrorisme ”, qui affirme:
"Nous voulons
affirmer notre ferme intention de faire échouer la stratégie terroriste (…) et
défendre le droit des Basques et de tous les espagnols à vivre en paix et en
liberté" (Le Monde, 11 décembre 2000).
De son côté Aznar a
déclaré :
"C’est un grand
exercice de responsabilité et de cohérence, pour la défense des libertés et de
notre cadre commun de convivialité." (idem)
En réalité, cet accord
représente l’alliance du PSOE et du PP pour le renforcement de l’Etat policier
et monarchiste, de la répression contre les droits du peuple basque. »
(CPS N°3, mars 2001)
Deux procédures vont entériner ce
pacte : d’une part une procédure judicaire engagée par le juge Garzon
contre Batasuna pour « ses liens avec ETA », d’autre part une
procédure législative d’interdiction de Batasuna :
« Le lundi 26 août, le
parlement espagnol réuni en session extraordinaire à l'initiative du
gouvernement Aznar votait l'interdiction de Herri Batasuna, organisation
nationaliste basque espagnole considérée comme le "bras politique"
d'ETA. Ce résultat était obtenu avec le vote positif des députés du parti
socialiste espagnol et l'abstention de ceux du parti communistes. Dans la
soirée même, Aznar envoyait la police évacuer le siège central de Batasuna à
Pampelune. Dans la foulée, plus d'une vingtaine de locaux et de permanences,
notamment de San Sebastien et de Bilbao, étaient évacués à coups de matraques.
Un délégué d'un syndicat lié à Batasuna était blessé à Bilbao. Une importante
manifestation de défense d'Herri Batasuna a été violemment réprimée par la
police.
La loi sur les partis
politiques adoptée par le parlement le 4 juin 2002, dont l'interdiction de
Herri Batasuna est une conséquence, prévoit qu'il suffit dorénavant au tribunal
suprême d'être sollicité par le gouvernement, par cinquante députés ou
sénateurs, pour décider d'interdire un parti politique qui "tendrait
(sic!) à miner le système démocratique (re-sic!) ou
apporterait un soutien actif ou tacite (re-re-sic!) au terrorisme ". En
fait, par "système démocratique " il faut entendre la monarchie
espagnole, le gouvernement du parti populaire, parti dont les racines
politiques remontent au franquisme et, plus généralement, le régime bourgeois,
la propriété privée des moyens de production.
Ainsi l'organisation Herri
Batasuna est interdite non pour avoir approuvé les attentats commis par l'ETA
mais pour ne les avoir pas condamnés publiquement! Rien d'étonnant à ce que le
département d'Etat américain ait approuvé le gouvernement Aznar. Il s'agit de
la même politique que celle de l'administration Bush, en particulier depuis le
11 septembre 2001: sous couvert de "lutte contre le terrorisme" une
offensive brutale contre les droits démocratiques, pour le renforcement de
l'appareil répressif, contre le prolétariat et le jeunesse. Le gouvernement
Aznar cherchant tout particulièrement à reprendre l'offensive politique après
la grève générale d'une journée du mois de juin. » (CPS n°9, octobre 2002)
Pour finir, en mars 2003, la
dissolution de Batasuna est effective, ses élus sont interdits de se présenter
aux élections. En avril 2004, le porte parole de l’organisation, Arnaldo Otegi,
est condamné à 15 mois de prison et huit d’incapacité à exercer une charge
publique pour un délit d’ « apologie du terrorisme ».
Pas une seconde l’Union nationale
n’aura été rompue, mais les dirigeants de PSOE vont aller encore plus loin dans
leur soutien au gouvernement Aznar. Ainsi, en mai 2001 ils signent un
« pacte d’Etat de réforme de la Justice », qui permet au PP d’adopter
toutes une série de lois sécuritaires dont l’axe est : « balayer la
rue des petits délinquants ». A nouveau, en 2002, les députés du PSOE
voteront une loi du gouvernement sur l’immigration, visant à chasser les
immigrés clandestins (alors que des centaines meurent chaque année en cherchant
à traverser le détroit de Gibraltar), et à restreindre leurs droits.
Un « dialogue social » quasi ininterrompu.
S’appuyant sur les premiers
accords signés entre le gouvernement Gonzalez et les directions syndicales,
notamment le « pacte de Tolède » sur les retraites de 1995, donnant
les grandes lignes des futurs contre-réforme des régimes de retraite, le
gouvernement Aznar va dès 1996 s’appuyer sur le « dialogue social »
pour avancer dans sa politique contre les droits des travailleurs. Ainsi,
l’Espagne qui était connue comme étant « la championne d’Europe » en
terme de nombre de journées de grèves, va connaître à partir de 1996 une baisse
ininterrompue de ces statistiques et ce jusqu’en 2001 ; avec en même un
nombre de signatures d’accords et de
pactes « sociaux » record. Sous la première législature du PP jamais
autant d’accords n’auront été signés en Espagne. En 2000, à peine Aznar a-t-il
repris ses fonctions, qu’un nouveau cycle de négociations s’ouvre : il
s’agit de renouveler les accords de 96 et de 97 qui couraient sur une période
de quatre ans.
Les négociations vont durer huit
mois. Sur l’emploi, le patronat sait qu’il est appuyé par Aznar et le PP, il
demande donc une capitulation en rase campagne aux directions syndicales. Les
patrons décident la rupture des négociations le 2 mars 2001, le dirigeants des
CCOO explique le lendemain que : « s’il y avait eut possibilité
d’un accord, nous serions restés toute la nuit. » (El Mundo, 02/03/2001) Le gouvernement adopte alors un décret
loi reprenant l’ensemble des revendications patronales : c'est-à-dire
l’aggravation de l’accord de 1997. Ce décret loi permet de faire du temps
partiel un instrument de flexibilité à disposition des patrons, les
« contrats de développement des emplois stables » de 1997 (contrat au
rabais, facilitant les licenciements) sont étendus à la quasi-totalité des
nouveaux embauchés, il met en place des exonérations de charges sociales, etc.…
Le gouvernement marque un coup, sa majorité absolue lui permet de se passer de
l’accord des directions syndicales, sans pour autant renoncer au
« dialogue social ».
Le 9 avril la direction des CCOO
signe avec le gouvernement et les organisations patronales un accord sur les
retraites, cela après 9 mois de négociations. Cet accord va compléter celui de
1996 : pour l’essentiel il incite les travailleurs de 65 ans et plus à
poursuivre leur activité, elle pousse les retraités (qui touchent une retraite
de misère) à reprendre une activité, qu’ils peuvent cumuler avec leur pension,
enfin elle instaure un régime de retraites complémentaires. Le gouvernement va
présenter cet accord comme un moyen de lutter contre la « fraude »,
c'est-à-dire le travail au noir des retraités.
Pour sa part, suite à l’adoption
du décret loi de mars 2001, la direction de l’UGT va déclarer « qu’ils
iront aux tables de négociations ouvertes pour « les fermer » et que
le gouvernement « a réglé le dialogue social » » (El Mundo 07/04/2001). Elle menace d’appeler à la grève
générale. Alors que l’accord sur les retraites est sur le point d’être conclu,
la direction de l’UGT « désavoue » son négociateur, et ne signe pas
l’accord. Cette crise est incontestablement une manifestation du fait qu’il
existe alors chez les travailleurs une volonté d’engager le combat contre le
gouvernement.
Qu’en est-il des menaces de la
direction de l’UGT d’appeler à la grève générale ? Elles ne vont pas faire
long feu : c’est l’organisation d’un premier mai « unitaire »,
avec les CCOO, puis l’appel à une journée d’action en Galice, le 15 juin.
Malgré ce cadre totalement disloqué, les travailleurs de Galice vont exprimer
massivement leur volonté de combat, provoquant une crise à l’intérieur même de
l’appareil régional des CCOO, dont la direction appelait à ne pas participer à
la journée d’action.
Pourtant, aussitôt le
gouvernement appel à ouvrir de nouvelles négociations pour renouveler un accord
interprofessionnel sur la négociation collective signé en 1997. Les directions
de l’UGT et des CCOO répondent à nouveau présent et signent un accord avec les
patrons, à la mi-décembre 2001:
« (…) l’accord affirme qu’à la
fois la modération salariale et la flexibilité interne des entreprises (…) sont
les facteurs favorables à la compétitivité et à la création d’emploi. »
(« Les enjeux du dialogue social en Espagne », IRES, 2003).
Cet accord sera renouvelé, fin janvier 2003.
La politique des directions
syndicales va paver la voie au gouvernement Aznar.
Le Parti Populaire au pouvoir : une dégradation
continue des conditions de vie des masses espagnoles.
« En huit ans, le produit
intérieur brut (PIB) a progressé de 31,6 % (…). Côté finances publiques,
l'assainissement s'est concrétisé depuis l'adoption, en 1999, de la loi de
stabilité budgétaire, et la politique du « déficit zéro » est devenue réalité.
Les administrations centrales (Etat et sécurité sociale) ont même dégagé un
excédent de 0,6 % du PIB en 2003 (…). A l'actif de la politique
gouvernementale, il faut aussi signaler la réduction de la dette publique,
ramenée à 52 % du PIB fin 2003 contre 55,2 % un an plus tôt.
Des centaines de milliers de
nouveaux emplois ont certes été créés (…), mais les deux tiers d'entre eux
n'offrent aucune garantie de durée. Il y a dix ans, le taux de précarité de
l'emploi était de 32 % ; il est encore aujourd'hui de 30,70 %, (…).
Au regard du niveau de vie
qu'exige notamment le coût exorbitant du logement, les salaires demeurent très
bas. Le salaire minimum n'est que de 516 euros par mois, contre 1 100 euros
pour la moyenne européenne, à peine plus que la moyenne des retraites, 509
euros mensuels (…).
(…) la vie de tous les jours
est devenue difficile pour le commun des salariés avec des factures
d'électricité, de téléphone, d'accès à Internet comparativement plus élevées
que dans bien d'autres pays européens. Parallèlement, les ménages doivent
financer quantité de dépenses de santé et d'éducation que ne fournissent pas
les pouvoirs publics, obligation leur étant faite de recourir à l'assurance
privée et de délaisser l'école publique alors que l'enseignement supérieur perd
chaque année un peu plus de sa qualité. L'absence de prestations familiales et
de crèches publiques est criante alors qu'il faut attendre plus de trois mois
pour avoir une place à l'hôpital.
C'est cette insécurité sociale
que seuls viennent pallier la solidité de la cellule familiale - où l'on
retrouve trois générations sous un même toit - et le recours au travail au noir
- un quart du PIB - (…). » (Le Monde, 02/03/2004)
Dès son investiture, Zapatero veut se placer dans la
continuité d’Aznar.
« José Luis Rodriguez Zapatero a reconnu
que, si le gouvernement de M. Aznar s'était "trompé sur des questions
essentielles", il a également "mis en marche des initiatives qui
ont contribué au progrès de l'Espagne". S'il n'a pas précisé
lesquelles, il est pourtant évident que le programme économique du nouveau chef
de gouvernement est celui qui s'inspire le plus de celui de ses prédécesseurs.
M. Zapatero a d'emblée mis en
relief le fait que "le critère qui guidera son action sera le principe
de stabilité budgétaire", le sacro-saint "déficit zéro"
que l'Espagne a maintenu depuis quatre ans. Il s'est également engagé à ne pas
augmenter la pression fiscale. » (Le Monde, 16/04/2004)
Dès le départ il va mettre au
centre de son discours la question de la « lutte contre le
terrorisme »: « Il a rappelé enfin qu'il avait été à l'origine du
pacte antiterroriste entre son parti et le Parti populaire et qu'il lui semble "possible
et nécessaire" d'aller plus loin et donc de convoquer immédiatement
toutes les forces parlementaires afin de déterminer une "stratégie
commune." » (Idem)
Là où il « rompt » avec
la politique d’Aznar, outre l’Irak, et comme conséquence de l’abandon de la
coalition dirigée par les USA, c’est sur la question de la « constitution
européenne ». Zapatero a annoncé qu’il se
ralliait aux positions des impérialismes français et allemand, ralliant en cela
l’opinion d’une fraction de la bourgeoisie espagnole, « proeuropéenne ».
Il promettait le retrait des troupes espagnoles d’Irak avec certaines
restrictions – avant la fin juin et seulement si il n’y avait pas de résolution
de l’ONU avant cette date – mais renforce le contingent espagnol en
Afghanistan, donnant le gage aux impérialismes dominants.
S’agissant de sa méthode
politique Zapatero se place dans les pas d’Aznar,
ceux du « consensus social et politique » :
« Il a ainsi expliqué que
son projet politique passe par "la volonté d'incorporer à toute
décision les vues apportées loyalement depuis d'autres perspectives politiques
pour obtenir le consensus le plus large". Cette volonté de dialogue
s'étendra aux agents sociaux, aux syndicats et aux organisations patronales
(…). » (Idem)
Le gouvernement Zapatero est investi le 16 avril, par 183 voix (PSOE, IU,
ERC et des petits partis « nationalistes »), contre 148 du PP.
La composition du gouvernement
est un gage donné à la bourgeoisie, affichant la volonté de Zapatero
de défendre ses intérêts. Même si ce gouvernement est présenté comme étant
celui du seul PSOE, il intègre plusieurs représentants de personnel de la
bourgeoisie par le biais de plusieurs commissaires européens, au premier rang
desquels on trouve Pedro Solbes, dont on a le portrait suivant :
« [Il] a déjà taquiné du
ministère de l'Économie de 1993 à 1996. (…) il a pour mission de redresser le
pays. L'austérité devient alors son credo, surtout quand elle est "
nécessaire pour le pays ". Pedro Solbes prend alors ses ciseaux et taille
allègrement dans les dépenses publiques (…). Pour Pedro Solbes, l'Europe libérale est un
temple sacré. Nommé en 1999 commissaire européen à l'économie, il mettra alors
tout son zèle au service du respect du pacte de stabilité, le petit doigt sur
la couture du pantalon. (…) Ce retour au pays semble faire également des
heureux dans les milieux financiers espagnols et européens. » (L’Humanité,
26/03/2004)
C’est
un étranger pour le PSOE, l’équivalent d’un Delors ou d’un Prodi.
Le prolétariat et la jeunesse doivent imposer leurs
volontés aux directions ouvrières : PSOE, UGT, CCOO.
La
direction du PSOE a donc tout fait pour que les résultats des élections ne
soient pas ceux qu’ils ont été, c'est-à-dire de chasser Aznar. Au contraire,
les dirigeants du PSOE ont tout fait pour le couvrir et ensuite se placer dans
sa continuité. Or, le prolétariat et la jeunesse se sont malgré tout servis du
PSOE contre Aznar et sa politique, ils ont brisé l’Union nationale, ce qu’ils
n’étaient pas parvenus à faire au cours des dernières années. Après les élections
ils ont continué à manifester pour le retrait des troupes espagnoles d’Irak,
pour s’assurer que soit tenu l’engagement de Zapatero.
Ainsi,
malgré son premier engagement, le premier acte du gouvernement Zapatero sera
d’annoncer, le 18 avril, le retrait des troupes d’Irak avant fin mai. C’est une
première victoire pour les masses espagnoles, les troupes espagnoles n’ont été
retirées d’Irak seulement parce que Zapatero y a été contraint.
L’élection
d’une majorité du PSOE – relative aux Cortès, mais réelle dans le prolétariat-
est donc un point d’appui pour le prolétariat et la jeunesse espagnols. Reste
pour eux à imposer leur volonté à cette majorité, comme cela a été fait pour le
retrait des troupes. Ce serait alors un moyen d’imposer la rupture du PSOE avec
la bourgeoisie, pour commencer en chassant du gouvernement Solbes et les
diffèrent commissaires européens, pour que se mette en place un gouvernement du
seul PSOE. Mais il s’agit aussi de la rupture du « pacte contre le
terrorisme », armes utilisées par la bourgeoisie contre les libertés
démocratiques, et de tous les autres « pactes d’Etat » signés par le
PSOE, la rupture avec la Monarchie. Il leur faut également imposer la rupture
des directions syndicales avec la bourgeoisie : qu’elles dénoncent les pactes
antisociaux signés depuis des années. Ce sont ces questions qui se sont poser
et vont se reposer au prolétariat et la jeunesse espagnole.