Victoire du PSOE aux élections législatives espagnoles

après huit ans de gouvernement Aznar

 

Après les attentats du 11 mars 2004, les masses espagnoles contre l’Union nationale derrière Aznar


Le 11 mars 2004, plusieurs bombes explosaient dans des trains à Madrid, faisant près de deux cent morts, les victimes sont des travailleurs, des étudiants.

Immédiatement, Aznar et son gouvernement attribuaient les attentats à ETA, relayés en cela par l’ensemble des dirigeants du mouvement ouvrier espagnols, mais aussi européen, par les bourgeoisies européennes. Aznar, le Parti Populaire, comptaient utiliser les attentats à leur profit lors des élections législatives qui devaient se tenir quatre jours plus tard, élections qui s’annonçaient difficiles pour eux. Aznar va tenter de réaliser l’Union nationale derrière lui.

Le lendemain des attentats une manifestation d’Union nationale était organisée. Des millions d’espagnols y participent, en tête Aznar, avec à ses côtés Zapatero (dirigeant du PSOE), les dirigeants d’Izquierda Unida (coalition organisée autour du PCE), les dirigeants des organisations syndicales UGT et CCOO, mais aussi Berlusconi et Raffarin. Pourtant, en cours de journée des indices sont découverts, portant les soupçons sur la « mouvance Al Quaeda », en même temps le porte parole de Batasuna dément la responsabilité d’ETA. Le soir, lors des manifestations apparaissent des slogans, qui sont repris, mettant en cause le véritable responsable des attentats, Aznar : « Qui l’a fait ? », « Non à la guerre ! », et surtout « La guerre c’est vous ! Les morts c’est nous ! ». La présence du PP dans les manifestations est remise en cause par les masses

Le lendemain matin, un communiqué d’Al Quaeda revendique l’attentat. Le gouvernement maintient sa version : « il n’y pas de piste prioritaire ». Le gouvernement décrète le jour de la veille des élections comme étant une « journée de réflexion » : il est interdit de manifester.

Pourtant, au cours de la journée des manifestations spontanées s’organisent, le soir les manifestants se dirigent vers le siège du Parti Populaire :

« Ils veulent savoir. "Avant de voter, nous voulons la vérité". Une centaine de personnes se retrouvent, samedi 13  mars, dès 18  heures, devant le siège du Parti populaire, à Madrid. Chaque métro déverse son nouveau contingent de manifestants, indignés et désolés à la fois. (…)

Les slogans mêlent les attentats et la guerre en Irak. "Aznar coupable, c'est toi le responsable !", "Aznar canaille, on se verra à La  Haye !", et, de nouveau, "Non à la guerre !". (…)". Les slogans reprennent : "Demain, nous votons et nous vous mettrons dehors !»

A 21  heures, Mariano Rajoy dénonce des "rassemblements illégaux". A minuit, à la Puerta del Sol, commence une cacerolada gigantesque. (…) Sur plainte du PP, à deux heures, la Junte électorale rappelle que les manifestations sont interdites la veille et le jour des élections. Dans beaucoup d'autres villes, il se passe la même chose. A Barcelone, 7  000 personnes font trembler les vitres dans une immense cacerolada. Et encore à Séville, à Grenade, à Bilbao, à Saragosse, à Gijon, à Saint-Jacques-de-Compostelle, à Burgos... » (Le Monde, 16/03/04)

Le lendemain les rues sont noires de monde, les Espagnols vont voter en masse. Alors qu’il va voter, Aznar est pris à partie par des manifestants.

 

Au soir du 15 mars le PSOE arrive en tête des élections, le PP et Aznar (bien qu’il ne se représentait pas) sont battus. Le résultat des élections exprime le rejet d’Aznar, du PP ; des masses de travailleurs et de jeunes se servent du PSOE pour chasser le PP et ses représentants du pouvoir.


La victoire du PSOE : le résultat de la mobilisation des travailleurs et des jeunes

 

2004

2000

1996

 

Nombre de voix

% des Inscrits

Députés

Nombre de voix

% des Inscrits

Députés

Nombre de voix

% des Inscrits

Députés

PSOE

10.909.687

31,95

164

7.918.752

22,96

125

9.425.678

28,65

141

Parti Populaire

9.630512

28,20

148

10.321.178

29,92

183

9.716.006

29,53

156

Izquierda Unida

1.269.532

3,72

5

1.263.043

3,66

8

2.639.774

8,02

21

CiU[1]

829.046

2,43

10

970.421

2,81

15

1.151.633

3,5

16

ERC[2]

649.999

1,90

8

194.715

0,56

1

167.641

0,51

1

PNV[3]

417.154

1,22

7

353.953

1,03

7

318.951

0,97

5

Divers

661.770

1,94

8

1.056.084

3,06

11

829.305

2,52

10

Participation

77,21%

68,71%

77,38%

 


La direction du PSOE ne voulait pas de cette victoire : sa campagne était entièrement axée sur l’orientation d’une « nouvelle voie », version espagnole de l’orientation de Blair, et se maintenait toujours dans le cadre d’une « opposition loyale ». Ce sont les réactions à la politique d’Aznar face aux attentats, sa responsabilité, qui vont provoquer la mobilisation des masses.

Le soir des résultats, Zapatero va maintenir son orientation de couverture du Parti Populaire et d’Aznar. Ainsi, alors qu’au siège même du PSOE des militants crient : « Demain, l’Espagne sera républicaine », « Les soldats à la maison ! », ou encore « Aznar fasciste, Espagne socialiste », Zapatero s’exprime « modestement » à la télévision, où il exprime son « respect pour un rival digne » (Rajoy, le successeur d’Azanar), auquel il se dit prêt à « tendre la main ».

Pourtant, les résultats électoraux sont là. D’abord la participation est de 77,21%, contre 68,71% en 2000, elle retrouve le niveau de 1996 (année où le PP avait gagné les élections sur le fil). Le PSOE réuni 10,9 millions de voix, soit 31,95% des inscrits, trois millions de voix de plus qu’en 2000 et un million par rapport à 1996. C’est l’électorat traditionnel du PSOE qui s’est rassemblé derrière lui - alors qu’il s’était massivement abstenu en 2000 - mais aussi une partie de celui d’Izquierda Unida. Quant à Izquierda Unida, bien qu’étant le troisième partie en terme du nombre d’électeurs, elle confirme son recul. Par exemple en Andalousie, un des « bastions » d’Izquierda Unida, son recul continue (582.000 voix en 1996, 315 000 en 2000 et 285 000 en 2004). La place secondaire qu’occupe cette coalition de partis petits bourgeois ou d’extrême gauche (le SU, les Verts) et du PCE, s’explique d’abord par le fait que les masses se sont servis de leur parti traditionnel, le PSOE. Tout confirme, que le vote pour le PSOE a bel et bien été un vote de classe.

Mais, le vote PSOE reste limité, notamment par rapport à 1982. C’est la politique de la direction du PSOE qui en est responsable : les années que le PSOE a passé au pouvoir ne sont pas oublié, les travailleurs et les jeunes ne cherchaient pas à voter pour la « nouvelle voie » de Zapatero, mais pour chasser le PP et l’héritier d’Aznar.

De son côté, le Parti Populaire perd 1,7 millions de voix par rapport à 2000 (année où il avait réalisé un score historique et remporté la majorité absolue au Cortés). Mais il se maintien de façon honorable, il ne perd que 80 mille voix par rapport à 1996. Enfin, les nationalistes dits de « gauche » (notamment l’ERC en Catalogne double le nombre de ses voix par rapport à 2000), et victimes de la politique d’Aznar (le PNV au Pays Basque), se renforcent. Autant de voix perdus pour le PSOE, qui paye là son soutien entier à la « lutte contre le terrorisme » d’Aznar, à sa défense de « l’Espagne éternelle » : celle de la Monarchie (maintenue grâce à la constitution de 1978), de l’Eglise catholique et de l’Opus Dei.

 

Le résultat des élections ne prend pas seulement sa source dans la réaction aux attentats, cette mobilisation des masses s’appuie sur leur combat contre la politique d’Aznar, engagé à partir de 2001.


Après les élections de 2000 mains libres pour Aznar dans son offensive contre les masses espagnoles.


En avril 2000, après avoir passé quatre ans au pouvoir, le Parti Populaire d’Aznar remporte la majorité absolue au Cortès, la normalisation de l’Etat espagnol arrive à son terme, 26 ans après la chute du franquisme. Le première législature du PP, de 1996 à 2000, avait été marquée par des attaques sur tous les fronts contre les travailleurs, la jeunesse espagnols (voir CPS N°3, mars 2001), cela dans le plus grand « consensus » avec les directions des organisations syndicales, et avec le silence complice du PSOE. En Avril 2000, lors de son discours d’investiture, Aznar fixe les orientations suivantes à son futur mandat :

« Aznar propose un pacte à l’opposition (…).

M. Aznar a prévenu : " L'Espagne a encore des efforts à faire. " Pour cela, il prévoit une réforme du droit du travail, dans le sens d'une plus grande flexibilité et des facilités de licenciement, et " la convocation immédiate du " pacte de Tolède " (…).

De plus, le chef du gouvernement espagnol a annoncé la mise en place d'une délégation gouvernementale sur l'immigration, pour traiter " l'immigration avec une législation forte et en accord avec les possibilités d'accueil ". De même, il a prôné " l'idée d'une Espagne fondée constitutionnellement " sur la notion de " nation plurielle " et sur " l'importance de la mobilisation sociale et populaire contre l'ETA ".

(…), José Maria Aznar a souligné que l'Espagne se trouve aujourd'hui " devant une grande opportunité ", jugeant " qu'est arrivé le moment d'approcher le plein-emploi ", (…) de " réduire les dépenses publiques à moins de 40 % du PIB ", de "renforcer le rayonnement extérieur de l'Espagne. "

(…)Malgré la majorité absolue atteinte lors des dernières élections, José Maria Aznar a souhaité se montrer " ouvert au dialogue " et au " consensus ". » (L’Humanité, 27/04/2000)

 

Le PSOE va répondre présent, ses dirigeants déclarant qu’ « ils sont prêts, (…), « à tendre la main » à M. Aznar « pour en finir avec le fléau du terrorisme ». Voire à conclure d'autres accords ponctuels, si les appels au consensus « sont réels ». »

Dès l’automne 2000, le gouvernement engage son offensive en s’attaquant à l’enseignement public, il commence par la Loi Organique Universitaire (la LOU). Pour présenter cette loi il suffirait de laisser la parole à la Ministre de l’Education qui en 2001 déclarait d’une part que « les étudiants restent trop longtemps à l’Université », et d’autre part que

« les objectifs de stabilité qu’implique le passage à l’Euro et l’objectif à court terme de réduire à zéro le déficit public du Gouvernement marquent les limites claires au financement publique de système éducatif en général, et au niveau universitaire en particulier. »

En clair il s’agit d’expulser les étudiants de l’Université, de baisser drastiquement les budgets de l’enseignement supérieur ; les établissements se retrouvant divisés entre pôles d’excellence et établissements « poubelles ».

Pour cela la LOU met en œuvre une série de mesures : autonomie des universités, sélection à l’entrée et au court du cycle universitaire, accroissement du poids des communautés autonomes dans la gestion des universités à tous les niveaux, augmentation des frais d’inscription, last but not least, la création d’agences d’évaluation.

C’est une provocation pour les étudiants. Dès le printemps 2001 une première série de manifestations de lycéens ont déjà lieu contre les projets de réformes du gouvernement, et à l’automne c’est l’ensemble des étudiants qui engage le combat contre la LOU, n’empêchant pas pourtant qu’elle soit adoptée le 21 décembre 2001.


Le mouvement étudiant contre la LOU (octobre novembre 2001) :
la première mobilisation massive contre la politique d’Aznar depuis 1996.


Le combat s’engage en octobre alors que la LOU entre dans sa phase parlementaire, c’est le Syndicat des Etudiants qui est à l’initiative de la première journée d’action dont vont s’emparer les étudiants : le 25 octobre ils sont massivement en grève et les manifestations rassemblent plus de cent milles étudiants. Suite à cette journée de grève les syndicats de l’enseignement supérieur UGT et CCOO vont appeler à une journée d’action pour le 7 novembre avec le SE, ce dernier appelant également à une journée d’action pour le 14 novembre.

Malgré tous les obstacles mis devant le combat des étudiants, la participation est sans équivalent depuis des années. Le 7 on compte plus de 200 000 manifestants, 500 000 le 14, et à St Jacques de Compostelle ou Séville les étudiants et enseignants, votent la grève illimitée, qui dure quelques semaines. Nouvelle journée d’action le 28 novembre à l’appel du SE, mais entre temps l’UGT et les CCOO ont appelé à une manifestation nationale à Madrid pour le 1° décembre, à laquelle se joint le SE ; elle va rassembler 300 milles personnes, les dirigeants du PSOE et d’IU vont la rejoindre, au dire des directions syndicales c’est la manifestation la  plus importante dans l’enseignement, depuis 20 ans. La semaine suivante la grève des universités gagne la Castille et Léon, ainsi que les Canaries. Mais, face à l’absence d’appel des directions syndicales à la grève générale, à une centralisation du combat contre le gouvernement, le reflux va rapidement se faire sentir. Ainsi, alors que la LOU doit être adoptée le 21 décembre aux Cortés, le SE appel à une nouvelle journée d’action la veille et ne cherche à aucun moment à organiser le combat contre le vote de la loi aux Cortés. A aucun moment cette perspective n’a été avancée.

 

Pourtant, le combat des étudiants va poser ouvertement la question de défaire le gouvernement Aznar et cela pour la première fois depuis 1996. Malgré la défaite marquée par l’adoption de la loi, la « paix sociale » dont bénéficiait le gouvernement depuis 1996 - grâce à l’appui des directions ouvrières – a été rompue. Le mouvement des étudiants aura été le bourgeon des combats qui s’engageront ensuite.


Le « decretazo » et la grève générale du 20 juin 2002 :
un affrontement entre le prolétariat et le gouvernement sans précédent depuis des années.


Au printemps 2002, le gouvernement Aznar annonce l’adoption d’un décret loi (procédure d’urgence dans la Constitution) de remise en cause profonde de l’assurance chômage. Voilà le contenu du décret, le « decretazo », ratifier par le gouvernement le 25 mai 2002:

« (…) un texte qui réduit les allocations de chômage et aggrave la précarité du travail. Désormais, le travailleur au chômage sera obligé d'accepter n'importe quel emploi proposé par l'INEM (ANPE) dans un rayon de 30 kilomètres de son domicile, même si le salaire est inférieur aux allocations perçues. S'il refuse une fois, il verra ses allocations réduites de deux mois. Deux refus et il sera puni de quatre mois. Trois refus, les allocations seront suspendues. Ceux qui ne travaillent que neuf mois de l'année ne pourront plus percevoir d'allocation les trois mois où ils ne travaillent pas. Un travailleur licencié qui conteste la mesure verra son salaire suspendu dès le licenciement jusqu'au jugement. Le texte prévoit également que les patrons ne payeront plus le plein salaire s'ils recrutent une personne de plus de cinquante-deux ans car elle pourra continuer de toucher ses allocations. Et ainsi de suite. » (L’Humanité, 22/06/2002).

Ajoutons à cela la suppression du régime indemnitaire agricole s’appliquant aux travailleurs saisonniers d’Andalousie et d’Extremadure (soit plus de 300 000 travailleurs).

 

Le « dialogue social » garant de la « paix social » n’est plus de mise, il s’agit pour le gouvernement d’infliger une défaite décisive aux prolétariats, en s’appuyant sur l’avantage de sa majorité absolue.

 

Face à la brutalité de cette attaque, les directions des CCOO et de l’UGT ne peuvent faire autrement que d’appeler à une journée de grève générale, le 20 juin, veille du sommet européen de Séville, alors que le gouvernement convoque le parlement à partir du 13 juin, dans une procédure d’urgence pour ratifier le « decretazo ». Mais, les organisations convoquent cette grève générale en réclamant la réouverture du dialogue social. Fidalgo, le secrétaire général des CCOO l’explique au journal Le Monde :

« Le gouvernement Aznar a jusque-là joui d’une paix sociale notable. José Maria Fidalgo le reconnaît. (…)

José Maria Fidalgo aborde avec plus de réticences l’autre problème qui à ses yeux, a pesé lourd : l’attitude du gouvernement face à cette grève et les multiples tentatives menées pour occulter le conflit. « Aznar est têtu, il répète : ce que je dis, je le fais″. Nous aussi sommes conscients qu’il faut des réformes, mais nous voulons des réformes négociées [souligné par la rédaction]. Tout ce que l’on demande est qu’ils retirent ce décret sur les allocations chômages et négocient. (…) Il y a des signaux de dérive de ce pouvoir (…). J’espère que cette grève le fera réfléchir. » » (Le Monde, 21/06/2002)

 

De son côté le gouvernement met en place son propre dispositif contre la grève générale. S’appuyant sur un accord de 1996 sur les « conflits du travail », il impose un service minimum extrêmement large, par ailleurs il tente de restreindre la portée de la grève : ainsi, à une heure du matin (!), le 20 il déclare que la grève est un échec, à 8 heures Aznar déclare qu’il n’y a pas eu de grève générale.

Malgré le cadre fixé par les directions syndicales et le gouvernement, la grève et les manifestations du 20 juin sont massives (17% de grévistes selon le gouvernement, 84% pour les syndicats) : la quasi-totalité de l’industrie est en grève, les débrayages sont très important dans le bâtiment, l’enseignement public et même les transports (malgré le service minimum). Les manifestations vont rassembler autour de deux millions de travailleurs.

La puissance du prolétariat s’exprime contre la politique d’Aznar, la question de balayer son gouvernement en lui imposant une défaite décisive se pose ouvertement, à une échelle sans précédents depuis longtemps en Espagne. Mais, les appareils gardent le contrôle, pendant l’été ils sont à la manœuvre pour sauver la mise à Aznar.


Le « rectificazo » va permettre au gouvernement de reprendre le dessus.


En août, le PSOE et IU dépose un recours contre le décret loi, pour « inconstitutionnalité ». En octobre alors que les directions convoquent une nouvelle journée d’action le 5, le gouvernement présente à nouveau le décret aux Cortès, après qu’il ait été soumis à amendement suite aux discussions avec les directions syndicales.

Le 5 octobre, 500.000 travailleurs manifestent à Madrid contre le « decretazo », mais pour les directions syndicales il s’agit de se placer dans le dispositif du gouvernement : le 7 ils rencontrent le Ministre du Travail. A la sortie de l’entrevue le Ministre déclare : « Nous nous sommes engagés dans une voie, que l’on n’appellera pas dialogue social (…), mais débat et rapprochement. » (El Mundo, 08/10/2002) Le même journal publie un article avec le titre : « L’UGT et les CCOO apprécient les changements substantiels apportés par Zaplan au « decretazo » », et explique que « les deux chefs syndicaux ont assuré que les changements (…) pourraient augurer un premier pas dans la reprise du dialogue social. »

Le nouveau décret, amendé par les directions syndicales, rétablie un certain nombre de droits significatifs pour les chômeurs : retour aux conditions antérieures d’indemnisation des chômeurs « intermittents », révision à la baisse de la nouvelle définition de « l’emploi convenable », mais reste le maintien de la suppression du régime des travailleurs agricoles. C’est donc cette nouvelle mouture du « decretazo », surnommé « rectficatzo » par El Pais, qui va être adopté aux Cortés le 18 octobre. Le même jour, pour compléter le dispositif de couverture du gouvernement, les CCOO appellent à une grève générale dans l’agriculture, en Andalousie… pour le mois de novembre.

 

Alors qu’il aurait été possible d’infliger une défaite décisive au gouvernement en lui imposant de retirer son projet de loi, les directions ouvrières vont l’aider à reculer en bon ordre, lui permettant de poursuivre son offensive contre le prolétariat et la jeunesse.


A nouveau le combat des enseignants et des étudiants
contre les réformes- destruction de l’enseignement public.


La loi organique dite de « qualité de l’enseignement » (la LOCE) a été présentée en Conseil des ministres le 11 mars 2002, elle se retrouve devant les Cortés à partir du mois d’octobre, et elle est adoptée le 31. Cette loi organique s’attaque à l’ensemble de l’enseignement public, de l’école maternelle au lycée. Elle renforce la sélection à tous les niveaux, notamment en réinstaurant un examen final du second degré, la « revalidad », alors que la sélection à l’entrée de l’Université existe également. Elle instaure des « parcours » ou « itinéraires » au collège, l’autonomie et la mise en concurrence des établissements (notamment entre l’enseignement public et privé) sont renforcées, tous comme l’aide à l’enseignement privé (le plus souvent catholique), etc.…Le point le plus contesté de la LOCE sera le renforcement de l’enseignement religieux, contrôlé par l’épiscopat, qui existait déjà dans l’enseignement public grâce au concordat signé entre Franco et le Vatican, que la constitution a maintenu.

A nouveau les étudiants, les lycéens, puis les enseignants vont exprimer leur volonté de combattre le gouvernement. En mars 2002, à l’appel du SE les étudiants et les lycéens font massivement grève, ils manifestent par dizaine de milliers dans toute l’Espagne, quelques jours avant que le texte de la LOCE soit présenté au Conseil des Ministres. En septembre les manifestations contre la LOCE s’intensifient. Finalement les directions des syndicats de l’enseignement appellent à une journée de grève générale pour le 29 octobre. Mais elles demandent l’amendement du texte, « afin de créer un texte fruit d’une véritable négociation. » (Tract de la Fédération enseignante UGT, majoritaire)

 

Malgré ce cadre interdisant la possibilité d’affronter le gouvernement pour lui arracher le retrait du texte, la grève va être massive : entre 65% et 80% de grévistes, selon les communautés autonomes, chez les enseignants et jusqu’à 90% pour les élèves (lycéens et étudiants). Les manifestations vont être également importantes. Mais le gouvernement peut maintenir le cap et adopte la LOCE.


Le mouvement des masses espagnoles contre l’intervention impérialiste contre l’Irak.


Les différents mouvements de mobilisations de travailleurs et de jeunes contre la politique gouvernement vont atteindre leur point culminant au moment de l’intervention impérialiste contre l’Irak de février à mars 2003. Auparavant, à partir du mois de décembre, suite au naufrage du pétrolier Prestige sur les côtes de la Galice, des dizaines de milliers d’espagnols, en Galice, mais aussi à Madrid ou Barcelone, vont défiler au cri de « Aznar démission ». Après les attentats du 11 septembre 2001, Aznar va s’engager totalement derrière l’impérialisme américain dans sa « guerre contre le terrorisme », martelant « qu’ETA et Al Quaeda c’est la même chose ». Quand l’impérialisme américain commence ses préparatifs pour déclencher une nouvelle guerre contre l’Irak, Aznar va le suivre pieds à pieds, tenant son engagement du début de la législature : « renforcer le rayonnement extérieur de l’Espagne ». Il s’agit pour Aznar d’aller jouer dans la cour des grands, de donner une nouvelle place à « l’impérialisme » espagnol : le 31 janvier 2003, Aznar signe la lettre des huit dirigeants européens en faveur d’une guerre immédiate contre l’Irak et le 16 mars Aznar est invité aux côtés de Bush et Blair au sommet des Açores, sommet qui va lancer l’intervention impérialiste. Aznar obtient sa promotion de leader de la « nouvelle Europe ».

Le 15 février une journée internationale d’action « pour la paix », mais avant tout en soutien de l’ONU, réunie plusieurs millions de manifestants à travers le monde, qui exprimeront, mais de façon déformée, leur rejet de l’agression impérialiste. C’est en Espagne que ce rejet va s’exprimer le plus clairement. C’est un mouvement de fonds contre la politique d’Aznar, le nombre de manifestants en est difficile à évaluer : de trois à sept millions selon les sources. De telles manifestations n’ont eut lieu qu’à deux reprises en Espagne : en 1981, suite à une tentative de coup d’Etat et en 1997, contre ETA. C’est le mouvement inverse à 1997 qui se produit, l’Union Nationale derrière Aznar n’est plus à l’ordre du jour, les masses espagnoles se dressent contre lui.

De février à avril, la mobilisation va être quasi-permanente. Le 21 mars les armées impérialistes commencent les bombardements massifs sur l’Irak ; en Espagne, de nouvelles manifestations se tiennent, le gouvernement en est la cible directe :

« A Madrid, de 5000 à 8000 personnes s’étaient rassemblées, vers 20 heures, près de l’ambassade des Etats-Unis. Parmi les slogans, on pouvait entendre « Aznar canaille, on se reverra à La Haye ». Vers 22 heures, des groupes ont tentés de se diriger vers le siège du PP, mais aussi vers le Congrès (…).

Les forces de l’ordre ont alors chargé à plusieurs reprises, tirants des balles de caoutchouc (…).» (Le Monde, 23/03/2003).

 

Le lendemain, à l’issue d’une réunion d’un cabinet de crise, le Ministre de l’Intérieur s’en prend aux « minorités violentes et radicales », déclarant que les manifestations sont « illégales, puisque non autorisées. ». Une « marche sur la Moncloa » (le siège du gouvernement) était prévue, elle est annulée au dernier moment suite aux « incidents » de la veille. Les manifestations du 22 mars sont massives : trois millions de manifestants selon les organisateurs (quelques centaine de milliers selon la police ( !!!)).

Au cours de la guerre, de nouvelles manifestations ont lieu, notamment à l’appel de SE : les étudiants font grève, tandis que l’UGT appel une journée à une grève tournante de deux heures et que les CCOO font mieux avec une grève de 15 minutes. Aznar est toujours désigné : le 10 avril, cent mille étudiants manifestent, en tête des manifestions une banderole porte le slogan : « Arrêtons la guerre. Démission du gouvernement du PP », le 14 avril, 100 milles personnes manifestent à Madrid « pour exiger le retrait des troupes de la coalition, la démission d’Aznar et la fermeture des bases de l’OTAN. » (Le Monde, 15/04/2004). Aznar tient bon, il enverra un contingent en Irak, pour une mission dite « humanitaire ».

Au mois de mai, les élections régionales et municipales suivaient, c’était l’occasion pour le prolétariat et la jeunesse d’exprimer le rejet du gouvernement Aznar et du PP.


Les élections municipales et régionales de mai 2003 : une victoire pour Aznar.


 « Mais le PP est loin d'avoir subi la déroute que laissait entrevoir le rejet massif des Espagnols à l'appui inconditionnel du gouvernement Aznar aux Etats-Unis, lors de la guerre en Irak. Le malaise né de la grève générale de juin  2002 et aggravé par la mauvaise gestion de la catastrophe écologique du Prestige, en Galice, s'est finalement peu traduit dans les urnes. (…)

Le Parti populaire a remporté une bataille emblématique en obtenant la majorité absolue à la mairie de Madrid (…).

Si les socialistes devancent le PP de 200  000 voix à ces élections municipales et si le PP a perdu près de 6  % de ses électeurs depuis les municipales de 1999, il conserve toutefois plus de conseillers municipaux que les socialistes et a obtenu plus de voix dans 29 grandes villes comme Valence, Malaga ou Valladolid. Les socialistes gouverneront 13 villes, trois de moins qu'en 1999. Ils devront chercher des alliances auprès des partis régionalistes à Séville et à Saragosse. Les socialistes catalans gardent Barcelone, mais perdent cinq sièges. Le PP gouvernera également la majorité des communautés autonomes, gagnant même les Baléares. » (Le Monde, 27/05/2003)

Dans la communauté autonome de Madrid, grâce à l’appoint des conseillers d’IU, le PSOE va prendre la région, mais seulement pour cinq mois. Suite à l’exclusion de deux députés de PSOE, des élections sont réorganisées en octobre et le PP remporte brillamment les élections et le PSOE perd deux cent milles voix.

 

Ce recul des socialistes espagnols se confirme lors des élections régionales de Catalogne de novembre 2003. Ce qui va également apparaître c’est une progression des nationalistes de « gauche ». Ces élections vont être une défaite pour le PSC, qui, bien que se trouvant en deuxième position, derrière CiU, perd dix sièges et plus de cent mille voix. Le PP est l’un des seuls parti à gagner des voix.

L’ERC, un parti « nationaliste », héritier de l’Esquerra Replubicana des années 1930, va doubler ses voix et passer de 12 à 23 sièges. Suite aux résultats, l’ERC met au centre de ses exigences pour participer au gouvernement de la Catalogne, « l’union de tous sauf le PP ». C’est en fait le parti de la petit bourgeoisie nationaliste de Catalogne : le point le plus important de son programme étant de réclamer que 25% des contrats publics soient accordés aux PME.

 

C’est donc avec ce parti et avec une coalition catalane proche d’IU, que le PSOE va s’allier pour prendre la tête du gouvernement Catalan. Bien que s’appuyant sur une défaite du PSC, la formation de ce gouvernement de coalition PS-IU-nationaliste présageait pour Aznar et le PP, la formule qui aurait pu sortir des élections législatives. Ce sont les rapports politiques qui existaient en Espagne à la veille des élections. Les revers du PSOE s’expliquaient d’abord par son soutien sans faille aux aspects les plus réactionnaires de la politique d’Aznar.


La lutte menée contre les droits du peuple Basque, toujours l’axe de « l’Union Sacrée » derrière Aznar.


Au nom la « lutte contre le terrorisme » Aznar et la direction du PSOE ont mené une lutte sans merci contre les libertés démocratiques des nationalités espagnoles, et en particulier contre celles du peuple Basque. Cette « lutte » est l’instrument utilisé par les différentes bourgeoisies européennes pour s’attaquer aux libertés démocratiques.

 

En décembre 2000, un « pacte contre le terrorisme » est signé entre le PSOE et la PP :

«  [Le PSOE] a franchi un nouveau cran en décembre 2000, en signant avec le Parti Populaire un pacte “ contre le terrorisme ”, qui affirme:

"Nous voulons affirmer notre ferme intention de faire échouer la stratégie terroriste (…) et défendre le droit des Basques et de tous les espagnols à vivre en paix et en liberté" (Le Monde, 11 décembre 2000).

De son côté Aznar a déclaré :

"C’est un grand exercice de responsabilité et de cohérence, pour la défense des libertés et de notre cadre commun de convivialité." (idem)

En réalité, cet accord représente l’alliance du PSOE et du PP pour le renforcement de l’Etat policier et monarchiste, de la répression contre les droits du peuple basque. » (CPS N°3, mars 2001)

Deux procédures vont entériner ce pacte : d’une part une procédure judicaire engagée par le juge Garzon contre Batasuna pour « ses liens avec ETA », d’autre part une procédure législative d’interdiction de Batasuna :

« Le lundi 26 août, le parlement espagnol réuni en session extraordinaire à l'initiative du gouvernement Aznar votait l'interdiction de Herri Batasuna, organisation nationaliste basque espagnole considérée comme le "bras politique" d'ETA. Ce résultat était obtenu avec le vote positif des députés du parti socialiste espagnol et l'abstention de ceux du parti communistes. Dans la soirée même, Aznar envoyait la police évacuer le siège central de Batasuna à Pampelune. Dans la foulée, plus d'une vingtaine de locaux et de permanences, notamment de San Sebastien et de Bilbao, étaient évacués à coups de matraques. Un délégué d'un syndicat lié à Batasuna était blessé à Bilbao. Une importante manifestation de défense d'Herri Batasuna a été violemment réprimée par la police.

La loi sur les partis politiques adoptée par le parlement le 4 juin 2002, dont l'interdiction de Herri Batasuna est une conséquence, prévoit qu'il suffit dorénavant au tribunal suprême d'être sollicité par le gouvernement, par cinquante députés ou sénateurs, pour décider d'interdire un parti politique qui "tendrait (sic!) à miner le système démocratique (re-sic!) ou apporterait un soutien actif ou tacite (re-re-sic!) au terrorisme ". En fait, par "système démocratique " il faut entendre la monarchie espagnole, le gouvernement du parti populaire, parti dont les racines politiques remontent au franquisme et, plus généralement, le régime bourgeois, la propriété privée des moyens de production.

 

Ainsi l'organisation Herri Batasuna est interdite non pour avoir approuvé les attentats commis par l'ETA mais pour ne les avoir pas condamnés publiquement! Rien d'étonnant à ce que le département d'Etat américain ait approuvé le gouvernement Aznar. Il s'agit de la même politique que celle de l'administration Bush, en particulier depuis le 11 septembre 2001: sous couvert de "lutte contre le terrorisme" une offensive brutale contre les droits démocratiques, pour le renforcement de l'appareil répressif, contre le prolétariat et le jeunesse. Le gouvernement Aznar cherchant tout particulièrement à reprendre l'offensive politique après la grève générale d'une journée du mois de juin. » (CPS n°9, octobre 2002)

Pour finir, en mars 2003, la dissolution de Batasuna est effective, ses élus sont interdits de se présenter aux élections. En avril 2004, le porte parole de l’organisation, Arnaldo Otegi, est condamné à 15 mois de prison et huit d’incapacité à exercer une charge publique pour un délit d’ « apologie du terrorisme ».

Pas une seconde l’Union nationale n’aura été rompue, mais les dirigeants de PSOE vont aller encore plus loin dans leur soutien au gouvernement Aznar. Ainsi, en mai 2001 ils signent un « pacte d’Etat de réforme de la Justice », qui permet au PP d’adopter toutes une série de lois sécuritaires dont l’axe est : « balayer la rue des petits délinquants ». A nouveau, en 2002, les députés du PSOE voteront une loi du gouvernement sur l’immigration, visant à chasser les immigrés clandestins (alors que des centaines meurent chaque année en cherchant à traverser le détroit de Gibraltar), et à restreindre leurs droits.


Un « dialogue social » quasi ininterrompu.


S’appuyant sur les premiers accords signés entre le gouvernement Gonzalez et les directions syndicales, notamment le « pacte de Tolède » sur les retraites de 1995, donnant les grandes lignes des futurs contre-réforme des régimes de retraite, le gouvernement Aznar va dès 1996 s’appuyer sur le « dialogue social » pour avancer dans sa politique contre les droits des travailleurs. Ainsi, l’Espagne qui était connue comme étant « la championne d’Europe » en terme de nombre de journées de grèves, va connaître à partir de 1996 une baisse ininterrompue de ces statistiques et ce jusqu’en 2001 ; avec en même un nombre  de signatures d’accords et de pactes « sociaux » record. Sous la première législature du PP jamais autant d’accords n’auront été signés en Espagne. En 2000, à peine Aznar a-t-il repris ses fonctions, qu’un nouveau cycle de négociations s’ouvre : il s’agit de renouveler les accords de 96 et de 97 qui couraient sur une période de quatre ans.

Les négociations vont durer huit mois. Sur l’emploi, le patronat sait qu’il est appuyé par Aznar et le PP, il demande donc une capitulation en rase campagne aux directions syndicales. Les patrons décident la rupture des négociations le 2 mars 2001, le dirigeants des CCOO explique le lendemain que : « s’il y avait eut possibilité d’un accord, nous serions restés toute la nuit. » (El Mundo, 02/03/2001) Le gouvernement adopte alors un décret loi reprenant l’ensemble des revendications patronales : c'est-à-dire l’aggravation de l’accord de 1997. Ce décret loi permet de faire du temps partiel un instrument de flexibilité à disposition des patrons, les « contrats de développement des emplois stables » de 1997 (contrat au rabais, facilitant les licenciements) sont étendus à la quasi-totalité des nouveaux embauchés, il met en place des exonérations de charges sociales, etc.… Le gouvernement marque un coup, sa majorité absolue lui permet de se passer de l’accord des directions syndicales, sans pour autant renoncer au « dialogue social ».

Le 9 avril la direction des CCOO signe avec le gouvernement et les organisations patronales un accord sur les retraites, cela après 9 mois de négociations. Cet accord va compléter celui de 1996 : pour l’essentiel il incite les travailleurs de 65 ans et plus à poursuivre leur activité, elle pousse les retraités (qui touchent une retraite de misère) à reprendre une activité, qu’ils peuvent cumuler avec leur pension, enfin elle instaure un régime de retraites complémentaires. Le gouvernement va présenter cet accord comme un moyen de lutter contre la « fraude », c'est-à-dire le travail au noir des retraités.

Pour sa part, suite à l’adoption du décret loi de mars 2001, la direction de l’UGT va déclarer « qu’ils iront aux tables de négociations ouvertes pour « les fermer » et que le gouvernement « a réglé le dialogue social » » (El Mundo 07/04/2001). Elle menace d’appeler à la grève générale. Alors que l’accord sur les retraites est sur le point d’être conclu, la direction de l’UGT « désavoue » son négociateur, et ne signe pas l’accord. Cette crise est incontestablement une manifestation du fait qu’il existe alors chez les travailleurs une volonté d’engager le combat contre le gouvernement.

Qu’en est-il des menaces de la direction de l’UGT d’appeler à la grève générale ? Elles ne vont pas faire long feu : c’est l’organisation d’un premier mai « unitaire », avec les CCOO, puis l’appel à une journée d’action en Galice, le 15 juin. Malgré ce cadre totalement disloqué, les travailleurs de Galice vont exprimer massivement leur volonté de combat, provoquant une crise à l’intérieur même de l’appareil régional des CCOO, dont la direction appelait à ne pas participer à la journée d’action.

Pourtant, aussitôt le gouvernement appel à ouvrir de nouvelles négociations pour renouveler un accord interprofessionnel sur la négociation collective signé en 1997. Les directions de l’UGT et des CCOO répondent à nouveau présent et signent un accord avec les patrons, à la mi-décembre 2001:

« (…) l’accord affirme qu’à la fois la modération salariale et la flexibilité interne des entreprises (…) sont les facteurs favorables à la compétitivité et à la création d’emploi. » Les enjeux du dialogue social en Espagne », IRES, 2003). Cet accord sera renouvelé, fin janvier 2003.

La politique des directions syndicales va paver la voie au gouvernement Aznar.


Le Parti Populaire au pouvoir : une dégradation continue des conditions de vie des masses espagnoles.


« En huit ans, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 31,6 % (…). Côté finances publiques, l'assainissement s'est concrétisé depuis l'adoption, en 1999, de la loi de stabilité budgétaire, et la politique du « déficit zéro » est devenue réalité. Les administrations centrales (Etat et sécurité sociale) ont même dégagé un excédent de 0,6 % du PIB en 2003 (…). A l'actif de la politique gouvernementale, il faut aussi signaler la réduction de la dette publique, ramenée à 52 % du PIB fin 2003 contre 55,2 % un an plus tôt.

Des centaines de milliers de nouveaux emplois ont certes été créés (…), mais les deux tiers d'entre eux n'offrent aucune garantie de durée. Il y a dix ans, le taux de précarité de l'emploi était de 32 % ; il est encore aujourd'hui de 30,70 %, (…).

Au regard du niveau de vie qu'exige notamment le coût exorbitant du logement, les salaires demeurent très bas. Le salaire minimum n'est que de 516 euros par mois, contre 1 100 euros pour la moyenne européenne, à peine plus que la moyenne des retraites, 509 euros mensuels (…).

(…) la vie de tous les jours est devenue difficile pour le commun des salariés avec des factures d'électricité, de téléphone, d'accès à Internet comparativement plus élevées que dans bien d'autres pays européens. Parallèlement, les ménages doivent financer quantité de dépenses de santé et d'éducation que ne fournissent pas les pouvoirs publics, obligation leur étant faite de recourir à l'assurance privée et de délaisser l'école publique alors que l'enseignement supérieur perd chaque année un peu plus de sa qualité. L'absence de prestations familiales et de crèches publiques est criante alors qu'il faut attendre plus de trois mois pour avoir une place à l'hôpital.

C'est cette insécurité sociale que seuls viennent pallier la solidité de la cellule familiale - où l'on retrouve trois générations sous un même toit - et le recours au travail au noir - un quart du PIB - (…). » (Le Monde, 02/03/2004)


Dès son investiture, Zapatero veut se placer dans la continuité d’Aznar.


 « José Luis Rodriguez Zapatero a reconnu que, si le gouvernement de M. Aznar s'était "trompé sur des questions essentielles", il a également "mis en marche des initiatives qui ont contribué au progrès de l'Espagne". S'il n'a pas précisé lesquelles, il est pourtant évident que le programme économique du nouveau chef de gouvernement est celui qui s'inspire le plus de celui de ses prédécesseurs.

M. Zapatero a d'emblée mis en relief le fait que "le critère qui guidera son action sera le principe de stabilité budgétaire", le sacro-saint "déficit zéro" que l'Espagne a maintenu depuis quatre ans. Il s'est également engagé à ne pas augmenter la pression fiscale. » (Le Monde, 16/04/2004)

Dès le départ il va mettre au centre de son discours la question de la « lutte contre le terrorisme »: « Il a rappelé enfin qu'il avait été à l'origine du pacte antiterroriste entre son parti et le Parti populaire et qu'il lui semble "possible et nécessaire" d'aller plus loin et donc de convoquer immédiatement toutes les forces parlementaires afin de déterminer une "stratégie commune." » (Idem)

 

Là où il « rompt » avec la politique d’Aznar, outre l’Irak, et comme conséquence de l’abandon de la coalition dirigée par les USA, c’est sur la question de la « constitution européenne ». Zapatero a annoncé qu’il se ralliait aux positions des impérialismes français et allemand, ralliant en cela l’opinion d’une fraction de la bourgeoisie espagnole, « proeuropéenne ». Il promettait le retrait des troupes espagnoles d’Irak avec certaines restrictions – avant la fin juin et seulement si il n’y avait pas de résolution de l’ONU avant cette date – mais renforce le contingent espagnol en Afghanistan, donnant le gage aux impérialismes dominants.

S’agissant de sa méthode politique Zapatero se place dans les pas d’Aznar, ceux du « consensus social et politique » :

 

« Il a ainsi expliqué que son projet politique passe par "la volonté d'incorporer à toute décision les vues apportées loyalement depuis d'autres perspectives politiques pour obtenir le consensus le plus large". Cette volonté de dialogue s'étendra aux agents sociaux, aux syndicats et aux organisations patronales (…). » (Idem)

 

Le gouvernement Zapatero est investi le 16 avril, par 183 voix (PSOE, IU, ERC et des petits partis « nationalistes »), contre 148 du PP.

La composition du gouvernement est un gage donné à la bourgeoisie, affichant la volonté de Zapatero de défendre ses intérêts. Même si ce gouvernement est présenté comme étant celui du seul PSOE, il intègre plusieurs représentants de personnel de la bourgeoisie par le biais de plusieurs commissaires européens, au premier rang desquels on trouve Pedro Solbes, dont on a le portrait suivant :

«  [Il] a déjà taquiné du ministère de l'Économie de 1993 à 1996. (…) il a pour mission de redresser le pays. L'austérité devient alors son credo, surtout quand elle est " nécessaire pour le pays ". Pedro Solbes prend alors ses ciseaux et taille allègrement dans les dépenses publiques (…).  Pour Pedro Solbes, l'Europe libérale est un temple sacré. Nommé en 1999 commissaire européen à l'économie, il mettra alors tout son zèle au service du respect du pacte de stabilité, le petit doigt sur la couture du pantalon. (…) Ce retour au pays semble faire également des heureux dans les milieux financiers espagnols et européens. » (L’Humanité, 26/03/2004)

C’est un étranger pour le PSOE, l’équivalent d’un Delors ou d’un Prodi.


Le prolétariat et la jeunesse doivent imposer leurs volontés aux directions ouvrières : PSOE, UGT, CCOO.


La direction du PSOE a donc tout fait pour que les résultats des élections ne soient pas ceux qu’ils ont été, c'est-à-dire de chasser Aznar. Au contraire, les dirigeants du PSOE ont tout fait pour le couvrir et ensuite se placer dans sa continuité. Or, le prolétariat et la jeunesse se sont malgré tout servis du PSOE contre Aznar et sa politique, ils ont brisé l’Union nationale, ce qu’ils n’étaient pas parvenus à faire au cours des dernières années. Après les élections ils ont continué à manifester pour le retrait des troupes espagnoles d’Irak, pour s’assurer que soit tenu l’engagement de Zapatero.

 

Ainsi, malgré son premier engagement, le premier acte du gouvernement Zapatero sera d’annoncer, le 18 avril, le retrait des troupes d’Irak avant fin mai. C’est une première victoire pour les masses espagnoles, les troupes espagnoles n’ont été retirées d’Irak seulement parce que Zapatero y a été contraint.

L’élection d’une majorité du PSOE – relative aux Cortès, mais réelle dans le prolétariat- est donc un point d’appui pour le prolétariat et la jeunesse espagnols. Reste pour eux à imposer leur volonté à cette majorité, comme cela a été fait pour le retrait des troupes. Ce serait alors un moyen d’imposer la rupture du PSOE avec la bourgeoisie, pour commencer en chassant du gouvernement Solbes et les diffèrent commissaires européens, pour que se mette en place un gouvernement du seul PSOE. Mais il s’agit aussi de la rupture du « pacte contre le terrorisme », armes utilisées par la bourgeoisie contre les libertés démocratiques, et de tous les autres « pactes d’Etat » signés par le PSOE, la rupture avec la Monarchie. Il leur faut également imposer la rupture des directions syndicales avec la bourgeoisie : qu’elles dénoncent les pactes antisociaux signés depuis des années. Ce sont ces questions qui se sont poser et vont se reposer au prolétariat et la jeunesse espagnole.


 

Le 18 mai 2004

 

 

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[1] Convergencia y Unio, partis Catalan

[2] Gauche Républicaine Catalane.

[3] Parti National Basque.