Article paru dans Combattre pour le socialisme n° 13,
septembre 2003
Schröder annonce "l’année des
(contre)réformes" ("Agenda 2010")
Grâce à 6 017 voix, le Spd, classé 1er
parti aux législatives du 22 septembre 2002 devant la Cdu-Csu, a pu former un
gouvernement qui ressemble au précédent : une coalition entre le parti
ouvrier bourgeois et le parti bourgeois des Verts. Schröder, président du Spd,
a succédé à lui-même, élu par 305 députés Spd et Verts sur 595 exprimés. Son
discours de politique générale au Bundestag a été direct :
"Plusieurs
acquis et règles de l’Etat-providence doivent être réexaminés à la lumière des
réalités d’aujourd’hui."
Significativement, le ministère du travail dirigé
par W. Riester, issu des rangs de l’appareil syndical a été substitué un
‘super-ministère’ de l'Economie et du Travail, dirigé par W. Clement, étiqueté
proche du patronat et que Schröder avait accusé de jouer la ‘5ème
colonne’ de l'opposition, pendant la campagne électorale. Il a fait adopter par
le Bundestag les recommandations du rapport préparé par la commission Hartz,
sous le nom de ‘services modernes pour le marché du travail’.
Par exemple, les chômeurs célibataires doivent
accepter des emplois jusqu’à 200 km de leur domicile, avec un salaire égal à
80% de leur qualification, sous peine de suspension des indemnités de chômage,
pendant un délai qui peut atteindre 12 semaines. Dans chaque agence de
l’emploi, a été instaurée une ‘Personal-Service-Agentur’ qui met des chômeurs
de longue durée à la disposition des patrons. Pendant 6 semaines, le salaire
peut être limité au montant de l’allocation de chômage. La législation sur le
travail temporaire qui ‘limite’ l’intérim à 24 mois et interdit le recours
répétitif au même travailleur sera aboli. Etc. (Les commentateurs n’ont
pu s’empêcher de s’arrêter sur l’arrogance de la formulation même des
recommandations, avec l’usage du langage des ‘managers’ à l’anglo-saxonne,
comme ‘job-centers’, placement ‘quick’, ‘job-floater’, sans oublier le ‘Ich-Ag’:
littéralement "Moi-société anonyme").
Pour mettre en œuvre sa politique, le gouvernement
bénéficie du soutien de l’appareil syndical. Les dirigeants ont une nouvelle
fois refusé tout affrontement avec le gouvernement, à l’occasion des
négociations salariales dans la fonction publique, où le gouvernement est
directement partie prenante. Ce sera une augmentation de 4,4% sur 27 mois et le
rattrapage de 10% des salaires au détriment des fonctionnaires des Länder de
l’Est remis aux calendes grecques (2009 !). Quant au Spd, les 500 délégués
avaient voté en congrès à la quasi unanimité - un seul contre, une abstention -
le programme gouvernemental.
Pourtant, l’appareil syndical n’a pu, tout-à-trac,
accepter la totalité du programme du gouvernement. Ainsi, il a refusé le projet
formulé par Clement de restaurer une mesure du gouvernement Kohl qui avait
dispensé les entreprises de 10 salariés ou moins d’appliquer le droit de
licenciement, contre 5 salariés auparavant. Le gouvernement Schröder l’avait
supprimée en 1998. Alors que le sommet du Dgb, mais aussi une partie du Spd,
ont fait corps avec cette réaction, Schröder a dû désavouer son
‘superministre’. Simple manœuvre ! Schröder, pas moins qu'avant, cherche à
faire prendre en charge par les dirigeants des organisations syndicales sa
politique anti-ouvrière. Et ces derniers s’y soumettent autant qu’il est
possible. Il a repris l’opération ‘Pacte pour l’emploi’, opération de
négociation tripartite (gouvernement, dirigeants du Dgb et des principaux
syndicats, patronat).
Ce sont la bourgeoisie et ses exigences qui vont
provoquer la rupture. Lors de cette réunion, le 2 février, le Bda (Medef
allemand) présente ses revendications : pouvoir déroger, par la loi ou par
convention collective, à la convention collective; dispenser de la législation
sur les licenciements les entreprises jusqu’à 20 salariés; une réduction
massive du taux de cotisations sociales; il enjoint les ‘partenaires sociaux’ à
contenir les augmentations salariales en-dessous des gains de productivité; etc.
La direction du Dgb est prête à discuter sur tel ou
tel point, mais les patrons présentent les 6 points comme un tout
indissociable ! Ce que les dirigeants syndicaux rejettent, bien sûr !
Dernière tentative, le 3 mars. Le patronat est inflexible; les dirigeants
syndicaux ne peuvent évidemment reculer, mais, comme effrayés par l’impasse,
ils demandent un programme de relance. Refus de Schröder qui doit se résoudre à
congédier les ‘partenaires sociaux’.
‘On
a assez parlé, il est temps d’agir’, déclare le président du Bdi (la
Fédération des industriels allemands). Schröder a bien compris le message; lui
aussi annonce : ‘Le temps de la négociation est fini, maintenant, c’est
celui de l’action’. Le Frankfurter Allgemeine, un organe du capital
financier, exhorte Schröder à se comporter comme Thatcher après ‘l’hiver de
mécontentement’ de 1979. Les conditions politiques n’ont pas été aussi
favorables depuis longtemps. Le Spd subit, ce début février une déroute sans
précédent aux élections régionales en Basse-Saxe, fief du chancelier, et en
Hesse (1er test électoral depuis les législatives, concernant 10,5
millions d'électeurs, ses plus mauvais résultats de l'après-guerre). Le
secrétaire général du Spd, O.Scholz, a reconnu cette défaite ‘Le message est
clair, mais nous continuerons à poursuivre notre politique de réformes’.
“Aujourd’hui, nous exigeons des sacrifices de la société”
(Schröder, le 14 mars)
Les
mesures présentées ne sont pas inattendues. Ce qui ressort du discours de
Schröder au Bundestag, c’est leur ampleur, leur brutalité. Des pans entiers des
acquis du prolétariat sont mis en cause. Un ‘tabou est brisé’: la
formule prolifère dans les commentaires. Avec délectation. Aperçu de l’Agenda
2010.
Jusqu’à
présent, les allocations de chômage sont versées pendant 12 à 32 mois (en
fonction de l’âge et de la durée de cotisations antérieures) correspondant à
67% des revenus antérieurs nets (s’il a des enfants). Après il a droit, pour
une période illimitée, à l’assistance-chômage, payée par le budget fédéral,
éventuellement augmentée d’une aide sociale, payée par les municipalités.
Désormais, les allocations de chômage ne seront versées que pendant 12 mois (18
pour les plus de 55 ans). Les fins de droits (1 800 000 chômeurs le
sont depuis plus d’un an) devront se contenter de l’aide sociale (qui ‘absorbe’
l’assistance-chômage) : une sorte de Rmi. "Vae victis!"
(Malheur aux vaincus !), entendait on dans la Rome antique. ‘Malheur aux
chômeurs’. Schröder en donne une formulation moderne, ‘citoyenne’, du haut de
sa tribune, au Bundestag :
‘Il
ne sera permis à personne de vivre aux dépens de la communauté : ceux qui
refuseront un emploi raisonnable devront s’attendre à des sanctions’.
Le droit de licenciement (jusqu’à 5 salariés) sera
flexibilisé, les protections contre les licenciements remises en cause dans les
très petites entreprises. Schröder informe les ‘partenaires sociaux’
récalcitrants – les organisations syndicales, bien sûr ! – s’ils
refusaient "d’assouplir" les conventions collectives - qu’il
légiférerait en ce sens. Dans un pays où la convention collective de branche
(qui n’est pas nationale mais signée au niveau du Land) est un élément essentiel
de ligne de défense de la classe ouvrière, c’est à une des revendications les
plus obstinées du patronat que Schröder s’apprête à donner satisfaction.
Quant au système de santé, des coups très durs sont
annoncés. Le principe est simple : se faire soigner coûtera cher pour
beaucoup et plus cher pour tous les malades (consultations médicales,
hospitalisation, réduction de prestations…). On entend ces commentaires
amers : à l’annonce de la fin du remboursement des soins dentaires,‘désormais,
on reconnaîtra les riches à leur bouche, comme dans les pays arriérés !
’
Les indemnités de congé-maladie seront, d’ici 2007,
à la charge exclusive des travailleurs, les patrons étant désormais exonérés.
Les choses n’ont d’ailleurs pas tardé.
Le 21 juillet, un accord sur ces mesures a été
paraphé entre la ministre en charge et l’ancien ministre de Kohl, représentant
"l’opposition" parlementaire Cdu-Csu-libéraux. Pour faire bon poids,
Schröder a présenté un plan substantiel d’aide aux capitalistes du bâtiment.
Depuis, la politique en faveur directement des capitalistes a été accentué. En
juillet, Schröder annonce que le plan fiscal - 10% de baisse de l’impôt sur le
revenu - sera mis en œuvre un an plus tôt que prévu.
Au mois d’août, la commission Rürup, mise en place
par Schröder dès sa réélection, ‘a remis le résultat de ses travaux :
400 pages de sacrifices et, sans doute, encore plus pour ceux de demain.’,
selon Le Monde (30/8) qui rapporte la réaction des dirigeants
syndicaux : ‘C’est un désastre et une capitulation devant des traditions
qui ne sont pas les nôtres’. Parmi les propositions: la retraite à 67 ans.
Opposition à la ligne
Schröder
A la base du Spd, une opposition tente de se dresser
contre le cours gouvernemental, alors que la direction a convoqué un congrès
extraordinaire pour le 1er juin. Une douzaine de députés Spd se
range à ses côtés. Le 13 avril, les délégués au congrès régional du
Schleswig-Holstein remplacent le président par un opposant, présenté comme
adversaire résolu de la politique de G. Schröder. Le 14, le chef du groupe
parlementaire Spd, F. Münterfering convoque les députés contestataires. Le Ce
du Spd apporte son soutien à G. Schröder (28 pour, 4 contre, 4 absentions).
L’opposition va se manifester au grand jour le 1er
mai. Un million de personnes ont manifesté au total dans le pays, soit le
double de 2002, selon la Dgb (la confédération ouvrière). Dans cette
mobilisation, les manifestants veulent exprimer leur opposition à l’Agenda
2010. Ce sont les sifflements et les huées de 7 000 militants de la Dgb qui
accueillent Schröder à Neu-Anspach, près de Francfort. Prenant la parole après
lui, le chef de la Dgb, M. Sommer, doit prendre ses distances : “Je suis au
Spd mais je n'ai pas la même opinion que lui”. Ces propos rapportés par l’Afp
indiquent la nature de l’opposition des sommets de l’appareil syndical.
La Conférence du Spd à Hambourg, le 7 mai, rassemble
des militants ‘en quasi-insurrection’, selon les termes du Monde
(10/5). Des syndicalistes huent Schröder à son arrivée; à l’intérieur, son
intervention est plusieurs fois interrompue. “Ce n’est pas pour instituer ces
mesures que nous avons été élus”, martelait un avocat, vieil adhérent du Spd et
responsable d’une section locale. Et un autre: on a besoin de réformes, mais
pas sur le dos des travailleurs.
La douche froide
Le 1er juin, Schröder obtient 90% des
votes des délégués au congrès extraordinaire. On estimait, quelques semaines
auparavant que l’opposition à la ligne Schröder représentait la moitié du Spd.
Schröder a joué du chantage à la démission. Les procédés bureaucratiques
n’expliquent pas tout. Les députés ‘oppositionnels’ ont signé un manifeste ‘Nous
sommes le parti’. Mais leurs propositions ne vont pas plus loin que le
rétablissement de l’impôt sur les grandes fortunes (‘Au lieu d’assainir les
budgets publics par la seule voie de réduction des dépenses, nous devrions
taxer les grandes fortunes’ – cité par Imprécor). Cette opposition
anti-libérale (‘Nous avons besoin d’accroître la demande des revenus faibles
et moyens, pour que la demande privée soutienne la conjoncture et crée des
emplois. Les droits des salariés ne sont pas un obstacle mais une précondition
pour un travail productif et qualifié…’) n’offre en rien une alternative.
Voilà pourquoi le chantage à la démission de Schröder - basta kanzler
(chancelier) ! – et le rappel des 16 ans d’opposition que le Spd a vécu
après la démission du chancelier Schmidt en 1982 ont si bien marché.
Au cours du mois de juin, le manifeste va réunir 20
000 signatures de membres du Spd, loin des 10% des 670 000 membres nécessaires
pour organiser un référendum permettant de remettre en cause la ligne de la
direction. Beaucoup de membres du Spd ‘votent avec leurs pieds’ : 20 000
adhérents l’ont quitté depuis le début 2003.
“Echec historique de l’Ig Metall”
Le 2 juin – au lendemain du congrès
extraordinaire du Spd - l’Ig Metall engage un mouvement de grèves dans les Länder
de l’Est pour l’alignement de la durée de travail appliquée dans les länder de
l’ouest (35 heures hebdomadaires en moyenne), les 310 000 métallos et
électrotechniciens de l’ex-Rda étant au régime des 38 heures. Le 28 juin, K.
Zwickel, dirigeant de l’Ig Metall, annonce l’arrêt du mouvement.
Le patronat allemand a refusé toute concession,
utilisant la menace de ‘délocalisation’ dans les pays proches de l’Allemagne et
qui seront intégrés en 2005 à l’Union européenne, si la mobilisation
continuait. Il bénéficie du soutien ouvert du gouvernement Schröder-Verts.
Quand K. Zwickel déclare ce jour : ‘la triste vérité, c'est que la
grève a échoué’, tout le capital allemand exulte. Schröder n’est pas en
reste : ‘Je suis très content que la grève soit terminée’. ‘Défaite
en rase campagne d'Ig Metall ! Du jamais vu depuis 50 ans !’ (Les
Echos - 8/7/2003)
En 1990, le gouvernement Kohl avait décidé, pour
mener à bien la réunification, d’accorder la parité entre le mark de l’ex-Rda
et le mark de la République fédérale; malgré l’opposition de la Bundesbank (et
celle du Spd), qui voulait fixer le change en fonction du rapport des
productivités entre les nouveaux Länder et ceux de l’Ouest, c’est-à-dire du
simple au double. Ce taux aurait provoqué une chute brutale du pouvoir d’achat.
C’est par crainte de réactions des masses laborieuses que Kohl a estimé
nécessaire d’accorder ces concessions politiques. "L’unification
monétaire" n’a pas pourtant aligné le pouvoir d’achat des nouveaux Länder.
Dans les années suivantes, à la suite de puissantes mobilisations dans la
métallurgie et dans le secteur industriel en 1991, les travailleurs,
bénéficiant d’un écho favorable des masses de l’ensemble de l’Allemagne ont
obtenu les promesses de l’Etat et des patrons de leur accorder progressivement
les mêmes conditions qu’à l’Ouest. Ces engagements ne seront que partiellement
tenus, alors que la logique du taux de profit a abouti à un immense chômage, et
dans certains endroits, à de véritables déserts industriels. En 2003, c’est
bien dans ces Länder de l’Est que le patronat a voulu l’épreuve de force et il
s’est vu offrir ce retentissant succès.
“Enfin,
ça bouge en Allemagne”. La Frankfurter Allgemeine Zeitung jubile après ce
“week-end mémorable. (…) Le gouvernement fédéral décide de baisser les impôts
et Ig Metall échoue dans sa tentative d'imposer par la grève les 35 heures en
Allemagne de l'Est”. Selon Courrier International, ce journal rappelle
également les récents congrès des sociaux-démocrates et des Verts, au cours
desquels “la gauche gouvernementale a décidé de réformer l'Etat-providence et
de libéraliser le marché du travail ”. Quant au quotidien économique
Handelsblatt, ce qui est peut-être plus important encore : la défaite du
puissant syndicat Ig Metall . Trois semaines plus tard, K.Zwickel anticipe son
départ de la présidence, prévu pour le prochain congrès fixé en octobre.
Crise dans la direction de
l’Ig Metall
Ce n’est pas K.Zwickel qui a dirigé la grève pour
les "35 heures". C’est le n° 2, J. Peters, prévu pour lui succéder à
la présidence. Dès l’annonce de la grève, la campagne menée contre le syndicat
et sa direction redouble de violence et se concentre contre J. Peters. Passons
sur les attaques patronales. La direction du Spd a pris toute sa place.
Jusqu’au gouvernement : le ministre de l'intérieur en personne, O.Schilly,
a qualifié – sur la chaîne publique - Peters d'indigne “d’occuper une
fonction de dirigeant syndical responsable”. Le fait essentiel est que
l’appareil syndical s’est déchiré. Deux pôles s’affrontent.
Peters représente le cours “traditionaliste”.
Dans l’affaire des '35 heures', il ne fait que revendiquer l’alignement sur les
conditions obtenues dans la partie ouest. Encore, cet objectif doit être
atteint en … 2009. Il veille, comme traditionnellement, à n’engager qu’une
mobilisation limitée : “grèves d’avertissement” d’abord, des débrayages
d’une heure pendant plusieurs semaines; le mouvement est engagé dans le Land de
Saxe, puis étendu, au bout de 2 semaines, à Berlin et au Brandebourg. 11 000
grévistes, selon Le Monde, le 23/6, 7 230 selon Libération du
24/6 (quelques sites de production de pièces détachées pour automobiles et
d’ascenseurs) qui rapporte les “menaces” de J. Peters : “Si on ne
trouve pas un accord d'ici à la fin de la semaine (la grève aura commencé
depuis 4 semaines !), a nous allons étendre la grève à l'Ouest”.
A l’autre pôle, les “modernistes”, représentés par
B. Huber, le concurrent de J. Peters à la succession de Zwickel. Contre l’avis
de celui-ci, l’appareil a désigné le 1er. Il s’agit de la fraction
de l’appareil prête à se soumettre le plus étroitement aux besoins du
capitalisme national, par exemple les membres des Conseils d‘entreprise. Ils
sont naturellement alliés au gouvernement et à sa politique de prise en charge
de ces besoins, s’affirment “constructifs” avec le gouvernement. La ligne de
partage entre les 2 fractions dépasse la question des “35 heures”.
La résistance d’un syndicat tel que l’Ig Metall
hypothèque le succès des objectifs du gouvernement Schröder. Le plus grand
syndicat du monde ne doit pas sa force qu’à son nombre (2,6 millions de
métallurgistes et de travailleurs du textile en 2002), mais surtout parce qu’il
organise au cœur de la classe ouvrière dans le pays qui dispose de la plus
puissante métallurgie et secteur manufacturier d’Europe.
Peters s’est prononcé contre l’Agenda 2010. Il a
promis un automne “chaud”. On a vu ce que vaut le combat promis par Peters.
Mais, la base de l’appareil cherche à faire écho aux aspirations des
travailleurs - 80% des syndiqués, 9 600 métallos, avaient voté pour la grève
dans les länder de l’est – et de cela la fraction Peters doit tenir compte.
“
“ En Angleterre, c'est M. Thatcher qui a détruit les syndicats. En
Allemagne, nous le faisons tout seuls ”. Cette remarque désabusée d'un
ancien dirigeant d'Ig Metall, citée par Der Spiegel résume l'état d'esprit au
sein du monde syndical allemand, depuis la grande humiliation enregistrée il y
a 10 jours. Les défections du syndicat se sont multipliées (88 000 depuis le
début 2003), mais, si les métallos ont le cœur serré, une partie de la base
n’entend pas se laisser dominer par l’abattement.” (Les Echos, 8/7)
Fin août, la 1ère partie du congrès
de l’Ig Metall a bien sûr élu la nouvelle direction du syndicat, le tandem
convenu entre les courants - J. Peters président et B. Huber vice-président,
seuls candidats – mais avec respectivement 66% et 67% des votes (le précédent
président, Zwickel, avait obtenu 88% des votes en 1999). Un exceptionnel vote de
défiance de la part d’un tiers des délégués (sans qu’on sache dans quelle
mesure, ces oppositions se recouvrent) !
Les résultats des
législatives du 22 septembre 2002
Le Spd, seul parti ouvrier (bourgeois), a reculé
sensiblement, en pourcentage d’exprimés, (-2,4%) par rapport aux législatives
de 1998, alors que le pourcentage de votants a diminué de 3,1%. Il est probable
que les électeurs qui ont manqué au Spd se sont réfugiés dans l’abstention,
même si le vote de l’allié du Spd, les Verts, ont progressé de 1,9%. Il faut
rappeler que le vote Spd en 1998 était lui-même inférieur aux suffrages obtenus
avant 1980 : 42,7% des exprimés en 1969, 45,8% en 1972, 42,6% en 1976 et
42,9% en 1980 ; alors que la participation était supérieure (jusqu’à 91,1%
en 1972).
% d'exprimés |
Participation |
Spd |
Pds |
Verts |
Cdu/Csu |
Fdp |
Extdr |
Autres |
1990 |
77,8% |
33,5% |
2,4% |
5,0% |
43,8% |
11,0% |
2,1% |
2,2% |
1994 |
79,0% |
36,4% |
4,4% |
7,3% |
41,4% |
6,9% |
1,8% |
1,8% |
1998 |
82,2% |
40,9% |
5,1% |
6,7% |
35,1% |
6,2% |
3,3% |
2,7% |
2002 |
79,1% |
38,5% |
4,0% |
8,6% |
38,5% |
7,4% |
1,0% |
2,0% |
Certains ont présenté le résultat obtenu par le Spd
comme “miraculeux”. Début mai, un sondage ne créditait-il pas la Cdu-Csu de 41%
des intentions de vote, contre 31% pour le Spd ?
Début 2000, la Cdu était considérée comme “au
bord de la débâcle” Le scandale des caisses noires touchait jusqu’à Kohl qui devra,
malgré 25 ans de présidence, démissionner de la présidence d’honneur de ce
parti; et aussi, le président en place, Schaüble. Cette crise faisant suite à
l’effondrement de la Démocratie chrétienne italienne, Libération
(24/1/2000) affirmait que la Démocratie chrétienne était en voie de disparaître
du paysage politique européen, à l’exception de J-M. Aznar en Espagne.
Schröder montait en défense de la Cdu; il
signait une “tribune libre” publiée par Le Monde (30-31/1/2000),
titrée : “La crise d’un parti n’est pas une crise d’Etat.” (…)
“Je pense que la Cdu trouvera la force de
faire le ménage chez elle afin de surmonter ce scandale. Mon parti, le Spd, y a
d’ailleurs un intérêt objectif…”. Il déclarait : “Notre système
politique repose au moins sur 2 grands partis populaires. L’effondrement de la
Cdu pourrait être le début de la haiderisation de la scène politique…”
On craignait donc un processus à l’autrichienne,
avec l’émergence d’un Haider national, R. Schill, le “juge sans pitié” de
Hambourg, dont le score (19,4%), “(fera) courir un frisson dans tout le pays”
(Libération – 25/9/2001) après les élections du land de Hambourg. Mais,
aux législatives de 2002, le Parti de Schill a échoué (avec 0,8% et 4,2% dans
son Land). Les organisations d’extrême droite, elles aussi, se sont
électoralement évaporées. (Le faux Haider d’Hambourg a, d’ailleurs, décidé
récemment de disparaître de la politique.)
Le Spd a payé 4 ans de soutien au gouvernement
Schröder-Fischer. Dans les dernières semaines, face à la guerre impérialiste
qui se précisait contre l’Irak, le net refus affirmé par Schröder d’y faire
participer l’Allemagne a sans aucun doute joué en faveur des candidats Spd.
Pour mesurer le recul électoral du Spd, il faut le comparer à l’effondrement du
Parti socialiste et au total du vote pour les partis et organisations ouvrières
en France.
La presse bourgeoise française, dans son
ensemble, a insisté sur le recul du Spd en cherchant à prouver sa dépendance
par rapport aux Verts. Elle a ovationné leur chef : “Joshka superstar”
(Le Monde), “Fischer, le Vert qui a fait gagner Schröder” (Le
Figaro) “Le seul vainqueur est le parti écologiste” (Les Echos).
Soutien sans faille à un
gouvernement de défense de l’impérialisme allemand
Après la réunification de l’Allemagne, la Cdu
puis le gouvernement formé par le Spd et les Verts ont défendu les nouvelles
ambitions de la bourgeoisie allemande. La question de la guerre en est le
terrain le plus accompli. En 1995, pour la 1ère fois depuis 1945, le
Bundestag a autorisé l’intervention, au titre d’opérations militaires, de
l’armée allemande hors de la zone de l’Otan (en ex-Yougoslavie, suite aux
accords de Dayton). 45 députés Spd ont voté pour. 4 Verts aussi. Depuis le début
2002, le gouvernement Spd Verts a élargi le champ d’intervention de la
Bundeswehr avec l’envoi de soldats en Afghanistan, sous couvert de l’Onu. Quant
à l’Irak, la position adoptée par le gouvernement est celle qu’il estime
conforme aux intérêts de son impérialisme (cf. Cps 12). La politique
défendue par le Spd a été formulée par J. Fischer au nom du nouveau
gouvernement (en octobre 1998) : “Il ne s’agit pas de faire une
politique étrangère “verte”, il s’agit de faire la politique étrangère
de la République fédérale d’Allemagne…”. On peut substituer
“social-démocrate” à “verte”.
Le 'chancelier des patrons' n’a jamais fait mentir
son sobriquet. Sans vergogne, il avait affirmé au journal Le Monde
(20/11/1999) :
“Je ne pense pas, ou plutôt je ne pense plus,
qu’il soit souhaitable d’avoir une société sans inégalités."
“Schröder entrera-t-il dans l’histoire comme le
‘libéralisateur’ du capitalisme allemand ?” (Les Echos –
02/2000)
En février 2000, le gouvernement Schröder-Fischer se
vantait d’avoir adopté “la plus importante réforme fiscale” de l’histoire de la
Rfa. Elle prolongeait les mesures initialisées dès 1998 par O. Lafontaine (le
dirigeant de la gauche du Spd, qui sera ultérieurement débarqué du gouvernement
après une campagne du patronat l’accusant de complaisance envers les
revendications ouvrières). Le gouvernement s’est appliqué à baisser massivement
l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu. Si, formellement, tous les
assujettis bénéficient de baisse d’impôt, le vrai cadeau est destiné aux riches
(le taux maximum devait passer de 53% à 45%).
“Un tournant de l’histoire de l’Allemagne…” La
mesure qui a amené cet éloge du Monde (16-17/7/2000), c’est
l’exonération, à partir de 2002, des plus-values réalisées sur la cession de
participation détenues dans les groupes allemands. Jusqu’alors, elles étaient
imposés à un taux compris entre 40 et 50%. Le président du directoire de
Siemens s’est exclamé :
“La
réforme fiscale est clairement un pas dans la bonne direction. Elle va même
beaucoup plus loin que ce à quoi je m’étais attendu.”
Quand la majorité chrétienne-démocrate
et libérale au Bundesrat (représentant des Länder) a rejeté le projet, le grand
capital l’a rappelée à l’ordre : “Nous avons besoin maintenant de la
réforme fiscale.” (déclaration publique du patron de Bayer le 12/7/2000);
le 14, le Bundesrat l’adoptait!
Premières attaques contre le
régime des retraites
La contre-réforme ( “la réforme
vraiment historique des assurances retraite”, selon Schröder) adoptée en
2001 comporte 2 volets. D’une part, une réduction, année par année, du taux de
pension de retraite par rapport au salaire grâce à une indexation appropriée. D’autre
part, l’instauration des fonds de pension privés, dont la mise en place doit
beaucoup aux directions syndicales (celle de l’Ig Metall, qui affirmait
initialement son opposition de principe, a négocié avec la fédération de
branche avant même le vote de la loi !)
Après le plan d'assainissement
budgétaire, décidé en 1999, et la réforme fiscale, c’est le 3ème
“chantier de grande envergure” du gouvernement pour “rénover l’Allemagne”. L’hommage
qu’ont su lui rendre les représentants du grand capital vaut bien un long
réquisitoire. A titre d’exemple : “Il faut reconnaître que M. Schröder
se dépense beaucoup pour mettre en place les réformes qui, depuis longtemps,
étaient en souffrance” (le président du directoire de DaimlerChrysler
Aerospace à La Tribune du 10/2/2000)
Gouvernement du chômage.
Lors
de la formation de son gouvernement en 1998, Schröder avait déclaré que s’il ne
réussissait pas à ramener, en 2002, le nombre de chômeurs à 3,5 millions (soit
8,4% ! au bout de 4 ans !), il ne mériterait pas d’être réélu. A
l’approche des élections, le chômage s’élevait à 4 millions. Chômage de masse.
Il atteignait même – en moyenne – 17,7% dans les Länder de l’Est. Le
gouvernement a constitué une commission d’“experts”, sous la direction du
directeur du personnel de Volkswagen (P. Hartz) avec la mission de rendre ses
conclusions avant les législatives. On en a vu la teneur. Schröder a obtenu
l’unanimité de la direction du Spd sur les propositions. Mais plus encore, il a
besoin de la caution des dirigeants syndicaux, qui lui accorderont sans
réserve : non seulement un représentant de l’Ig Metall et un de Ver.di y
ont siégé, mais ont adopté le rapport et ses recommandations.
Le Pacte pour l’emploi, la
formation et la compétitivité, “engagement moral”… pour les appareils syndicaux
Le Pacte pour l’emploi a été lancé par Schröder,
peu après la formation de son gouvernement. Les
réunions régulières au sommet réunissent le Chancelier et 6 ministres; les
responsables patronaux et les présidents du Dgb et des 3 grandes fédérations,
Ig Metall, Ig Bce et Ver.di. Le 1er sommet a fixé les
principaux objectifs retenus : une baisse durable des cotisations sociales
à travers une “réforme” de la protection sociale, une réduction-flexibilisation
des horaires, une réduction des heures supplémentaires, la promotion du temps
partiel, une amélioration et flexibilisation des possibilités de départ en
préretraite…
“Le principal résultat du Pacte a été la conclusion de
“ déclarations communes ” (qui) n’ont pas la portée de convention
collective (…) et qui entraînent un engagement essentiellement moral.”
(extrait du “1er bilan du Pacte de l’emploi”, Institut Ires –
juillet 2001)
Si formellement les dirigeants syndicaux restent fidèles à
certains principes comme le refus de toute concertation sur les salaires avec
le gouvernement (“souveraineté des tarifs”), donc dans ce cadre, par glissements
successifs, ils cèdent progressivement aux revendications patronales (par
exemple, sur les clauses d’ouverture permettant l’“adaptation” des conventions
collectives aux entreprises, “modération salariale”).
Salaires : “Un
tournant des stratégies syndicales, notamment de l’Ig Metall”
“La déclaration du 4 janvier 2000
(à l’issue du 5ème sommet) précise les exigences d’une
“ politique orientée vers la création d’emplois et le moyen terme ”. Cette
fois-ci, le texte négocié prévoit explicitement de prolonger la durée des
conventions salariales et d’orienter les salaires en fonction des gains de
productivité, excluant implicitement de compenser un éventuel surcroît de
l’inflation. Il s’agit donc d’un renoncement à la sacro-sainte formule
syndicale selon laquelle des salaires conventionnels doivent compenser, au
minimum, l’inflation et les progrès de productivité. En contrepartie, les
employeurs et le gouvernement acceptent d’utiliser, au cas par cas, les préretraites
comme un moyen de la politique d’emploi, à condition d’éviter des charges
supplémentaires aux assurances sociales. Cette concession répond à la
revendication, formulée par l’Ig Metall en octobre 1999, d’une retraite
facultative à 60 ans. L’Ig Metall renonce, à son tour, à faire figurer
l’expression ‘retraite à 60 ans’ dans le texte. Cet accord est vécu comme un
tournant des stratégies syndicales, notamment de l’Ig Metall.” (Ires)
Le 11 janvier, alors que devait s’engager la
négociation sur le renouvellement des conventions collectives salariales de la
branche, la direction de l’Ig Metall a annoncé sa “recommandation” : 5,5%
pour 2000 (12 mois). Le 28 mars, dernier jour de la “trêve sociale”, que la
direction syndicale a bien respectée, conformément aux pratiques
traditionnelles, elle annulait les grèves d’avertissement prévues pour le
lendemain et signait un accord en Rhénanie du Nord-Westphalie, le land pilote
choisi cette année. Une hausse des salaires de 5,1% est convenue sur 2 ans (3%
au 1/5/2000; 2,1% au 1/5/2001). L’Ig Metall abandonnait la revendication de la
retraite à 60 ans (une préretraite progressive est instaurée à partir de 57
ans). Satisfaction de la fédération patronale :
“Nos entreprises ont, pour les 2 prochaines
années, un répit salarial et une base de calcul stable. En même temps, elles
ont l’assurance que les réductions du temps de travail sont exclues pour les 3
prochaines années”.
Ce n’est pas la 1ère fois que les
dirigeants syndicaux ont signé pour moins que les revendications minimales.
Mais, en 2000, la “modération salariale” est apparue comme l’application
délibérée des “déclarations communes” adoptées dans le cadre du Pacte sur
l’emploi. La direction de l’Ig Bce (la fédération de la chimie dont le
président est souvent accusé de jouer les “bras prolongés du chancelier”),
avait même anticipé de 3 mois l’expiration de la convention de branche pour
signer un accord avec application dans les Länder d’ouest, prévoyant une hausse
de 4,2% sur 21 mois (2,2% au 1/6/2000; 2% au 1/6/2001).
En janvier 2002, la convention collective arriva
donc à nouveau à échéance dans la métallurgie. Quelques jours auparavant, le 8ème
sommet du Pacte s’était conclu sans avancée pour le patronat. Jusqu’au plus haut
niveau de l’appareil syndical, on devait publiquement reconnaître que les
travailleurs ont “fait assez d'efforts de retenue” ces dernières années
et méritent enfin “un plus réel” (le président du Syndicat des services
Ver.di). L’Ig Metall annonçait qu’il revendiquait 6,5% d’augmentation
salariale… et, quelques semaines plus tard, le syndicat du Land pilote signera
pour 7,1% mais sur 2 ans (4% à compter du 1/6 et 3,1% au-delà du 1/6/2003, +
une prime exceptionnelle de 120 euros). Le capital financier – présentement,
par la voix du Credit Suisse 1st Boston – donnait son avis :
“Dans la mesure où la productivité dans
l'industrie a crû ces dernières années de 3,5% par an, l'accord est, sur le
fond, supportable”. Une dépêche de l’Afp (16/5/2002) précise pourquoi
“les employeurs ont quelques raisons d'être satisfaits. L'accord introduit
un élément de flexibilité en prévoyant une clause de sortie pour les
entreprises particulièrement fragiles. Le président d'Ig Metall a également
promis que son syndicat allait approfondir sa réflexion sur la question”.
L’appareil
contre-révolutionnaire syndical neutralise la classe ouvrière.
“Etes-vous prêts à accepter la grève pour éviter
une hausse salariale trop forte ?”. A la question du journaliste de La
Tribune (20/2/2000), le président du directoire de Siemens, grand patron
s’il en est, avait répondu :
“Nous
n’avons plus les moyens de résister à une grève”. Il avait poursuivi :”
Les dernières années ont montré qu’en cas de grève, l’opinion publique relayée
par la presse prenait aussitôt la défense des grévistes”.
Il n’est pas exagéré de dire qu’avant même l’annonce
initiale de la revendication salariale par l’Ig Metall, le capital financier
était sur le qui-vive. Pour Les Echos (12/1/2000), “ce n’est pas un
hasard si l’économiste en chef de la Banque centrale européenne a appelé (la
veille de l’annonce) devant une commission économique du Parlement européen,
à une politique salariale modérée”, situant la place des ouvriers de la
métallurgie allemande en Europe :
“…L’issue
de ce bras de fer (entre patronat et syndicat de la métallurgie) semble plus
important que jamais : avec la création de la monnaie unique, l’accord
salarial dans la métallurgie allemande ne devrait pas seulement avoir comme
habitude un rôle pilote en République fédérale, mais entraîner aussi des
conséquences pour l’ensemble de la zone euro. (…) Nul doute qu’en cas de hausse
jugée trop importantes, les banquiers centraux seraient tentés d’augmenter à nouveau
leur taux d’intérêt directeur.”
“La grève civilisée”
On connaît la suite. C’est l’œuvre des responsables
syndicaux, leur savoir-faire pour ligoter le puissant prolétariat
allemand : on donne le change en mettant en avant d’importantes
revendications (au moins salariales).
On respecte scrupuleusement la “paix sociale”…
Libération (2/5/2002) a rapporté comment la direction de l’Ig
Metall avait préparé la “grève” de mai 2002 :
“La
grève qui doit débuter le 6 dans la métallurgie suivra un nouveau concept,
celui de la “ grève flexible ”, a annoncé l'Ig Metall. Les grèves
seront tournantes, touchant tour à tour différentes entreprises, dont les
grands constructeurs automobiles du Bade-Wurtemberg, mais pour une journée
seulement, dans un 1er temps. L'objectif est d'éviter les ruptures
de production en cascade, entraînant des mises à pied ruineuses pour un grand
nombre de salariés en amont ou en aval des entreprises en grève. Le 1er
jour de grève, 56 800 salariés de 20 entreprises du Bade-Wurtemberg seront
appelés à débrayer. Le 7, 14 autres seront mobilisés (22 entreprises). Le 8
sera “ journée des Pme ”... et ainsi de suite, prévoit l'Ig Metall,
tout en gardant l'espoir que les négociations reprennent et aboutissent très
vite après le début de la grève. La région de Berlin-Brandebourg ne devrait
être appelée à rejoindre la grève qu'en 2ème semaine, s'il devient
nécessaire d'augmenter encore la pression…”
C’est côté cour. Mais côté jardin, le 1er
jour, K. Zwickel, président du syndicat, devant les employés d’une usine :
“Il
ne s'agit pas pour nous de faire une longue grève, il s'agit d'obtenir un bon
résultat. A partir de maintenant nous sommes prêts à négocier”.
B. Huber, le nouveau n°2 de l’Ig Metall, dirigeant
alors du syndicat dans le Land qui avait négocié l’accord, a défendu ce qu’il
appelle la ‘’ grève civilisée” (sic !) :
“Je
ne suis pas partisan des affrontements à mort comme au Moyen Age. Pour moi, le
syndicalisme, ce n'est pas tout ou rien. On sait d'avance qu'après la grève, il
faudra bien continuer à travailler ensemble. Et les conflits du 21ème
siècle ne doivent pas être menés comme au 19ème siècle.” (Libération
- 17/5/2002)
Il faut en prendre acte : la classe ouvrière,
et d’abord dans son cœur, les métallos, n’a pas trouvé, à ce jour, les moyens
de briser le carcan bureaucratique. Si dans certaines circonstances, les
travailleurs protestent contre la fin des mouvements, cela n’a pas gêné
l’appareil.
La seule rébellion d’ampleur est négative : la chute
du nombre de syndiqués. Le Dgb comptait 11,8 millions d’adhérents après la
réunification en 1994, moins de 10 millions en 1994 et 7,9 millions lors du
congrès de 2002. Encore faut-il tenir compte du demi-million d’adhérents amenés
par l’adhésion d’une fédération autonome lors de la constitution du syndicat
Ver.di avec 4 fédérations du Dgb.
“Le pays à la productivité la plus élevée ‘’
La bourgeoisie allemande se plaint régulièrement
de subir des coûts salariaux record, chiffres à l’appui. Un chargé de mission,
choisi par le gouvernement pour ses compétences – il est présenté comme “une
des plus grandes figures du monde des affaires allemand” - rétorquait (en
1999) : “Lorsqu’on critique les coûts salariés, il faut voir que
l’Allemagne est le pays à la productivité la plus élevée”.
Selon l’expert Allemagne de l’Ocde (qui tient
ses informations de source officielle allemande), “la compétitivité,
dangereusement effritée au début des années 1990, s'améliore à nouveau depuis
1995 (la modération des syndicats allemands ces dernières années y étant pour
beaucoup).” (Libération - 18/12/2002). C’est dans cette réalité
qu’il faut apprécier le taux d’exploitation de la classe ouvrière allemande.
Le combat efficace des
patrons contre les conventions collectives… grâce à la cogestion
L’affiliation aux conventions collectives n’est pas
obligatoire. Le nombre de salariés couverts diminue : 76% dans l’ouest de
l’Allemagne en 1998 et 70% en 2000 (respectivement 63% et 55% à l’est), selon
une étude de l’Ires (mars 2003). Elle a abouti à la conclusion qu’un quart
seulement des entreprises industrielles (y compris non affiliées) et la moitié des
banques respectent entièrement les conventions collectives. L'Ires commente:
“Les
conventions collectives ont cessé de s’appliquer avec une force évidente; ce
n’est plus briser un tabou que de s’en écarter. Les acteurs professionnels,
eux-mêmes, via toute une gamme de clauses d’ouverture et de détresse, ont créé
des possibilités de dérogation par rapport aux minima conventionnels (…) dans
toutes les branches. S’y ajoute le nombre croissant de “pactes pour l’emploi”
signés au niveau des entreprises; avec ou sans l’accord des acteurs de branche,
ils suspendent des acquis conventionnels en échange de promesses
d’investissement et/ou de garanties de préservation de l’emploi pour une durée
déterminée. Les clauses de détresse et d’ouverture semblent désormais faire
partie intégrante du paysage conventionnel, tout comme les pactes locaux pour
l’emploi. Mais il ne faut pas oublier les transgressions plus ou moins tacites
des conventions collectives, en dehors de toute négociation ou tout accord, qui
constituent probablement le gros des déviations.”
“Ce n’est pas un point de vue majoritaire à l’Ig Metall”
Pour autant, la résistance du prolétariat à la destruction
des acquis s’exprime dans les syndicats, qui restent des syndicats ouvriers,
comme le montre la réponse du “moderniste” Huber, le partisan de la “grève
civilisée” (article déjà cité), à la question : En contrepartie des 4%
vous avez dû accepter une possibilité de décrochage des entreprises en
difficulté. N'est-ce pas le début de la fin du système allemand des conventions
de branche ?
Il avait répondu :
“Le fait est que la situation des entreprises est
souvent très différenciée. Je suis personnellement pour aller vers plus de
possibilités de différenciation, selon la situation des entreprises. Mais ce
n'est pas là un point de vue majoritaire à l'Ig Metall. Et pour un tel projet,
il faut rassembler derrière soi plus qu'une simple majorité…”
“Le grand malade de l’Europe”
D’autres pays, la France, notamment, sont pointés
comme “homme malade de l’Europe”, selon l’expression traditionnelle. Mais, par
sa place en Europe - la 1ère au plan économique (un quart du Produit
intérieur brut de l’Union européenne) et dominant au plan politique, malgré les
efforts contraires de la France - l’Allemagne, en récession ou la frôlant
depuis 2 ans, inquiète plus que tout autre les capitalismes européens. Sommé de
régler la question du déficit public et de l’endettement croissant qui s’en
suit, au moins pour respecter les critères du “Pacte de stabilité” que
l’impérialisme allemand, en phase avec la France, avait fixé, Schröder répond.
A l’occasion de la préparation du budget 2004 (selon les termes de l’Afp), il
s’en est pris à certains pays européens qui accusent la France et l’Allemagne
de laisse filer leurs déficits et exigent des sanctions financières contre eux.
Rappelant le cas de l’Espagne et la croissance de son Pib de 0,7% au 2ème
trimestre, il a souligné : “C’est bien joli, mais ce n’est pas
difficile quand plus de 1% de son Pib est fourni par les aides de Bruxelles
auxquelles l’Allemagne contribue à hauteur de 25%.” En interpellant la
Commission européenne, Schröder se justifie, également, auprès de sa propre
bourgeoisie, qui estime insuffisantes les attaques anti-ouvrières. Personne,
d’ailleurs, n’a estimé devoir rappeler combien l’Union européenne et l’euro ont
bénéficié au capitalisme allemand comme à chacun.
On comprend l’enthousiasme des bourgeoisies
européennes devant la “défaite historique” du l’Ig Metall, dont elles
découvrent l’“invincibité” depuis sa reconstitution après-guerre. Pour Les
Echos, cela prouve que les “blocus (syndicaux) peuvent être levés”.
Pour Le Monde, les contre-réformes, annoncées
par Schröder, “décrispent le débat économique européen”.
Les victoires électorales des partis bourgeois en
France, Aznar, Berlusconi et autres, mais aussi le gouvernement Blair – jusqu’à
présent incontournable pour la bourgeoisie anglaise – et l’offensive, victorieuse,
contre les acquis fondamentaux des classes ouvrières stimulent les bourgeoisies
européennes. En Allemagne, le gouvernement Schröder-Fischer doit tenir compte
d’une majorité Cdu-Fdp à la 2ème Chambre, représentants des Länder.
Non seulement, cette situation ne freine pas la politique anti-ouvrière de
Schröder mais la facilite et l’aiguise. Certains milieux vont jusqu’à suggérer
la reconstitution d’une “Grande coalition” (désignant le gouvernement Spd-Cdu,
de 1966 à 1969, sous la présidence de l’ex-nazi-dénazéifié, Kiesinger; auquel
la petite coalition entre le Spd et les libéraux ont succédé dans les
gouvernements des chanceliers Spd, Brandt puis Schmidt, jusqu’en 1982).
Pour un gouvernement du seul
Spd
L’article sur l’Allemagne dans Cps77 (6/4/1999),
écrit quelques mois après les législatives de 1998, se terminait ainsi :
“En
1996, face à l’offensive généralisée de la bourgeoisie et de son gouvernement,
la question du pouvoir a commencé à affleurer, dans le prolétariat, dans les
termes: il faut chasser le gouvernement Kohl !
Lors
des élections de 1998, les masses laborieuses ont fourni la réponse possible
avec l’organisation dont elles disposent, le Spd : vote massif en faveur du Spd;
les partis bourgeois sont défaits et le gouvernement Kohl chassé.
Le
Spd a immédiatement constitué, avec les Verts, un gouvernement au service du
capital qui s’est rapidement mis en ordre de bataille. Cela pèse sur les
masses, d’autant que cela apparaît comme un engrenage inévitable pour la classe
ouvrière en Europe.
Pour
se défendre contre les remises en cause de ses conditions d’existence qu’exige
la défense du mode de production capitaliste et arracher les revendications, le
prolétariat aura à combattre et battre ce gouvernement. Dans ces affrontements,
pour les préparer, il lui faudra se dresser contre les appareils syndicaux, les
dirigeants du Dgb, leur imposer qu’ils rompent avec le gouvernement et le
patronat - qu’ils soutiennent sans réserve -, avec la “ cogestion ”
sous toutes ses formes, et d’abord leur imposer la rupture des
“ négociations ” préparant le “ pacte de solidarité ”.”
On l’a constaté : l‘affrontement avec
l’appareil n’a été qu’ébauché. La presse française en a donné quelques rares
aperçus. Ainsi, au congrès de l’Ig Metall d’octobre 1999, c’est sous les
sifflets des jeunes que Schröder était accueilli. Mais l’appareil a détourné
politiquement l’hostilité des jeunes métallos. Un responsable du
syndicat intervint : “Nous voulons une autre politique mais pas
d’autre gouvernement. (…) Le syndicat ne fera rien qui pourrait aider
les conservateurs. C’est une question de tactique politique. Il ne commettra
pas l’erreur de mettre des milliers de gens dans la rue, même si cela ne serait
pas difficile vu l’humeur actuelle”.
A l’intérieur du Spd, l’“opposition” avortée a
affirmé qu’elle appuie “notre gouvernement dirigé par le Spd et notre
chancelier Schröder”.
A quelques mois des législatives de 2002, pour
mobiliser l’électorat ouvrier, Schröder, au congrès du Dgb, croyait bon
d’insister sur les “gestes forts” de son gouvernement en leur
faveur; citant, en particulier, le rétablissement du droit au maintien
intégral du salaire lors des arrêts maladie (financé par les employeurs) et à
celui à la protection contre le licenciement. Comme l’a rappelé la revue de
l’Ires, “la 1ère mesure avait déclenché, en 1996, une vague de
grèves spontanées sans précédent depuis le début des années 1970; la 2ème
avait provoqué le retrait des syndicats du 1er pacte pour l’emploi
mis en place par le chancelier Kohl.”
Ce mouvement a été bloqué depuis la constitution du
1er gouvernement Spd-Verts. Le prolétariat allemand a subi des
reculs, pas de défaite. Il est confronté à des attaques sans précédent depuis
longtemps. Il faut faire fond sur sa volonté de défendre ses acquis, sa
puissance d’organisation, la conscience qu’il en a. On peut reprendre en
conclusion celle de l’article cité :
“Compte
tenu des relations politiques, le prolétariat sera poussé à contraindre le Spd
à rompre avec les partis bourgeois, des Verts au Cdu et Fdp (et Pds !), à tous
les niveaux, à revendiquer qu’il forme un gouvernement du seul Spd, soutenu par
le Dgb, avec la volonté d’obtenir que ce gouvernement satisfasse les revendications.
Il
lui faut ouvrir cette voie. Dans la lutte de classe et les conflits inévitables
avec les appareils syndicaux et le Spd, pour une nouvelle génération de
militants issue des rangs de la classe ouvrière, mais surtout de la jeunesse,
la question du parti révolutionnaire nécessaire à un véritable gouvernement
ouvrier, un gouvernement révolutionnaire, redeviendra à l’ordre du jour.”