Irak : à nouveau
l’union nationale derrière Chirac
Le
conseil national du Parti Socialiste, préparatoire au prochain congrès qui doit
se tenir du 16 au 18 mai 2003 à Dijon, s’est réuni le 15 mars 2003. A
l’ouverture de ce conseil, lequel avait pour objet d’enregistrer les motions
qui seront soumises au vote suite à la première phase de la discussion ouverte
depuis le 15 janvier dernier, le PS a confirmé sa position sur la question de
l’Irak. Unanimes, les membres du conseil national, quelle que soit la motion
qu’ils défendront lors de la deuxième phase de la préparation du congrès, ont
apporté leur soutien quasi inconditionnel à Jacques Chirac sur la question de
l’Irak.
Le
PS a appelé à nouveau à manifester contre la guerre le 15 mars en signant,
entre autres avec la FSU, la CGT, le PCF… et la LCR qui tient à garder toute sa
place dans le front républicain et l’union nationale, un appel
revendiquant :
« Nous
appelons les autorités françaises et le Parlement à utiliser tous les moyens en
leur pouvoir pour empêcher la guerre contre l’Irak jusqu’à l'usage du veto de
la France au Conseil de Sécurité de l’ONU. »
Près
de 10 mois après le 21 avril 2002, c’est une fois de plus un véritable appel à
l’union nationale derrière Chirac. Après avoir été érigé en dernier rempart
pour la défense de la république face à Le Pen, Chirac se voit maintenant promu
champion de la lutte pour la paix. Par ce biais, c’est un soutien
inconditionnel que le PS apporte à la politique de l’impérialisme français. Il
faut souligner que Lionel Jospin, redevenu depuis le 21 avril 2002 au soir un
militant « comme les autres »,
mesurant les enjeux pour la bourgeoisie française, n’a pas voulu être en reste.
Dans une tribune publiée au Figaro, en
date du 28/02/03, choisissant à cette
occasion d’« être utile» (titre
faussement modeste de sa longue tribune publiée dans Le Monde du 1/02/03), il apportait son soutien à Chirac et au
gouvernement en écrivant, à propos de la diplomatie française :
« Elle
est jusqu’à maintenant pertinente puisqu’elle repose sur une appréciation
réaliste de la capacité de menace de l’Irak et qu’elle prône le respect des
principes de la vie internationale ».
Dans
le même registre, celui du soutien du PS à la politique de ses maîtres
impérialiste, il faut noter celui apporté au déploiement de nouvelles troupes
françaises en Côte d’Ivoire. Dans ce contexte, le PS déplore seulement l’échec « total de la diplomatie
française » en regrettant que le gouvernement ne soutienne pas le
« camarade Laurent » Gbagbo.
Au
moment où le gouvernement Chirac-Raffarin engage le deuxième phase de son
offensive contre le prolétariat, avec au centre le combat pour faire aboutir la
contre réforme des retraites, ces soutiens à Chirac, confortant toute sa
légitimité en tant que président de la cinquième république, sont déterminants.
Ils cristallisent le refus du PS d’ouvrir une perspective politique aux masses
face au gouvernement et sa volonté de jouer le rôle d’une opposition
"loyale et constructive".
Face au gouvernement
Chirac-Raffarin
Dés
sa constitution, le gouvernement Chirac-Raffarin et la majorité UMP, en étroite
concertation avec le MEDEF, s’appuyant sur la collaboration des dirigeants de
centrales syndicales ouvrières et enseignantes qui refusent de rompre la
« concertation » sur leur politique et de la combattre, ont engagé la
première phase de leur offensive contre les masses. Au menu, avec la
préparation du budget 2003, annonçant la réduction massive des postes de
fonctionnaires et les coupes sombres dans toutes les dépenses sociales,
l’aggravation de la loi Aubry avec la loi Fillon, les lois Perben et Sarkozy
renforçant considérablement l’appareil répressif, la loi sur la
décentralisation, la liquidation du statut des MI/SE, la préparation du terrain
politique pour la mise en œuvre de la contre-réforme des retraites, le
lancement de la privatisation d’EDF-GDF…. Face au gouvernement Chirac-Raffarin,
le PS s’est situé sur le terrain de l’opposition constructive et loyale,
indiquant qu’il jugerait la politique du gouvernement sur les actes et au cas
par cas, et annonçant qu’il était prêt à voter à l’Assemblée Nationale les
mesures qui iraient dans le bon sens.
L’exemple de la loi Sarkozy
Cette
ligne d’opposition loyale, dans le respect des institutions de la cinquième
république et des lois républicaines, a été illustrée d’une manière
particulièrement crue lors des débats sur les lois Perben et surtout Sarkozy.
Dés le mois d’août Julien Dray, en avant-garde, déclarait à propos du projet de
loi sur la sécurité intérieure, «Le rôle
de l’opposition n’est pas d’adopter une démarche de rejet systématique » et
il poursuivait : « S’il y a eu
débat au sein du PS, entre l’abstention ou le rejet lors de l’examen du projet
de loi sur la sécurité, c’est que les intentions du gouvernement en matière
idéologique étaient moins nettes que pour la justice. Le rôle de l’opposition
n’est pas de nier la réalité d’un problème ni d’adopter une démarche de rejet
systématique… ». (Le Monde du 9/08/02).
Par
la suite, à l’instigation notamment de Julien Dray et Michel Vaillant, ces
derniers défendant que le projet de loi reprenait en partie le programme de
Jospin en la matière (programme lui-même inspiré par Julien Dray dont
l’ambition suprême en cas d’élection de Jospin était d’obtenir un poste de
secrétaire d’État au sein du ministère de l’intérieur). Avant la discussion du
projet devant le Sénat, Le Monde du
8/11/03 rapporte : « Le maire de Montpellier, Georges Frêche, et
celui de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, vont plus loin. « Si la gauche avait fait
la moitié de la loi Sarkozy, Jospin aurait été élu », affirme le premier,
convaincu que « plus on attaquera la loi Sarkozy , plus on donnera
des voix à la droite. ». « Nous n’avons pas été assez pointilleux sur
la sécurité », juge le second.
Ainsi
c’est de peu que le PS, après l’arbitrage de François Hollande, décidera
finalement de voter contre le projet. Mais dans le même temps, il a tout fait
pour éviter que s’organise un véritable combat contre ce projet de loi liberticide
et policier. C’est après de longues tergiversations que le PS a contresigné un
appel rejetant le projet de loi – appel qui, par ailleurs, n’ouvrait aucune
perspective de combat effectif – en exigeant que soit retiré le passage suivant
« Celle-ci [la confiance des
citoyens- ndlr] est déjà entamée dans
certaines situations ; elle le sera encore plus si les forces de l’ordre
sont utilisées non plus comme les garantes de la paix publique, mais de manière
agressive, comme gardienne d’un ordre social injuste ». Jean-Christophe
Cambadélis justifiait cette exigence ainsi : « Un parti de gouvernement
ne peut pas accepter la stigmatisation de la police » (Le Monde du 8/11/03).
Lors
du vote à l’Assemblée nationale, fin janvier, le PS a finalement voté, ainsi
que le PCF, contre… tout en approuvant, ainsi que le PCF, un amendement déposé
par un député UDF instituant un délit d’outrage au drapeau tricolore et à
l’hymne national, délit passible de six mois de prison et de 7500 euros
d’amende.
Après la réélection triomphale
de Chirac
Le
PS a joué un rôle central dans l’élection à caractère plébiscitaire de Chirac.
Au nom du front républicain, Jospin s’étant lamentablement retiré de la
« vie politique », les dirigeants du PS se sont sans attendre engagés
dans l’appel à voter Chirac. Dans cet exercice, les dirigeants de la défunte
Gauche Socialiste, Julien Dray et Jean-Luc Mélenchon se sont particulièrement
distingués, affirmant que plus Chirac aurait de voix au second tour, plus il
serait affaibli par la suite. Lors des élections législatives qui ont suivi, le
PS a, si l’on compare en nombre de sièges de députés aux élections législatives
de 1993, évité le pire malgré l’élection d’une majorité bleue CRS à l’Assemblée
Nationale. Il a conservé 141 sièges en en perdant 107 (il n’en avait conservé
que 57 en 1993), mais n’ayant plus aucun député dans 43 départements. De plus,
certains de ses leaders, figures de proue au sein des gouvernement dirigés par
Jospin, subissaient des échecs retentissants. Il s’agissait en particulier de
Martine Aubry à Lille, au cœur du fief de Pierre Mauroy, inspiratrice de lois
du même nom, lesquelles ont constitué une attaque majeure contre les acquis de
la classe ouvrière en permettant la généralisation de la flexibilité et en
ouvrant la voie à la liquidation du droit du travail (le gouvernement
Chirac-Raffarin a conservé les lois en Aubry en se contentant de les aggraver
avec la loi Fillon en faisant sauter les derniers verrous en matière de
référence à une durée hebdomadaire moyenne de la durée du travail et en
élargissant les possibilités de recours aux heures supplémentaires non payées).
Mais aussi de dirigeants du PS tel Pierre Moscovici, candidat dans une
circonscription réputée « imperdable », celle de Sochaux-Montbéliard,
ou de Vincent Peillon, porte-parole du PS et l’un des principaux responsables
de l’élaboration du programme du candidat Jospin.
Une
fois la première onde de choc passée, est venue l’heure des premiers bilans… et
des premières manœuvres au sein de l’appareil pour se préparer à la nouvelle
donne compte tenu du retrait de Jospin. Sans vergogne, à peine le deuil levé,
les "présidentiables" se sont tout de suite préoccupés de leur
avenir.
L’un
des premiers à annoncer ses intentions a été Laurent Fabius, tentant de se
présenter immédiatement comme l’homme providentiel du moment et revendiquant le
poste de porte-parole du parti ou la présidence du groupe socialiste à
l’Assemblée Nationale. François Hollande ayant donné son accord à de telles
éventualités, une petite crise a secoué la direction du PS. Les partisans
d’Henri Emmanuelli ont quitté le secrétariat national, suivis en cela par Marc
Dolez, secrétaire de la puissante fédération du Nord. Martine Aubry a menacé de
les imiter, tandis que Jean-Luc Mélenchon était ramené de justesse au bercail
par Julien Dray. Finalement, la crise a été résorbée lors du conseil national
du 29 juin 2002. Laurent Fabius a hérité du statut très honorifique de numéro
2, Vincent Peillon est resté porte-parole jusqu’à sa démission en janvier 2003
et Jean-Marc Ayrault a conservé la présidence du groupe PS à l’Assemblée
Nationale.
La
manœuvre de Fabius est apparue comme insupportable, d’une part à ses principaux
concurrents au sein du PS, tels Aubry et Strauss-Kahn, d’autre part à de large
couches du PS pour lesquelles il est catalogué comme étant la pointe avancée
des « modernes », partisans d’une orientation largement inspirée de
Tony Blair, et comme l’un des anciens ministres de Jospin parmi les plus
prompts à donner satisfaction aux exigences immédiates du MEDEF. C’est une
manœuvre de cet ordre qu’avaient aussi tenté Rocard et ses partisans en
1994 avant d’être déboulonnés de
direction du PS…par un bloc constitué à l’initiative d’Emmanuelli … et de
Fabius.
Dans
un premier temps, cette manœuvre a échoué. L’heure d’un véritable bilan sur les
causes de la défaite avait-elle sonné ?
Retour sur les causes de la
débâcle d’avril 2002
Les
causes de la défaite du PS d’avril 2002 et de l’éviction de Jospin dés le
premier de l’élection présidentielle sont parfaitement connues de tous. Le PS
et son candidat ont payé le prix de la politique anti-ouvrière menée depuis
1997. De la liquidation de l’Usine de Renault Vilvorde au rythme accéléré des
privatisations, en passant par les lois Aubry, le blocage des salaires, la poursuite
de la mise en œuvre du plan Juppé et de la réforme destruction de la sécurité
sociale, le maintien de la contre-réforme Chirac-Balladur des retraites du
secteur privé (qui, avec l’allongement à 40 ans de la durée de cotisation pour
obtenir une retraite à taux plein, a conduit à une baisse sans précèdent du
niveau des pensions, soit 20 % en moyenne), les attaques répétées contre
l’enseignement public à tous les niveaux, de l’enseignement primaire à
l’université, avec le lancement pour cette dernière de la « réforme »
ECTS et le soutien à la « refondation sociale » initiée par le MEDEF.
Il faut ajouter la collaboration conforme aux souhaits du Capital français avec
les autres impérialismes au sein de l’Union européenne afin de s’attaquer, dans
tous les domaines, aux acquis du prolétariat et de la jeunesse.
Cette
énumération est loin d’être exhaustive. On pourrait ajouter le fait que c’est
le gouvernent Jospin, avec la constitution du Comité d’Orientation des
Retraites (COR) qui a engagé le processus, poursuivi par le gouvernement
Chirac-Raffarin, dans la continuité du plan Chirac-Juppé, pour mettre en œuvre
la contre- réforme des retraites dont l’objectif immédiat est de remettre
fondamentalement en cause le code des pensions des fonctionnaires et les régimes
spéciaux des travailleurs des entreprises publiques.
En
avril 2002, des millions de travailleurs ont refusé de voter pour le candidat
du PS. Certains, parmi les couches les plus désespérées, jetés sur le pavé par
la politique du gouvernement, se sont tournés vers le démagogue Le Pen et le
FN.
Telles
sont les causes fondamentales des défaites électorales de 2002. Elles procèdent
avant tout de la politique de défense des intérêts de la bourgeoisie française
et du capital.
Cinq années de soutien à la politique
des gouvernements de la "gauche plurielle"
Le
dernier congrès du PS avant l’élection présidentielle s’est tenu du 24 au 26
novembre 2001. Ce congrès était celui de la préparation de la candidature
Jospin à cette élection. Il avait accepté sans la moindre protestation la
décision de Jospin d’inverser le calendrier des élections, donnant la primeur à
l’élection présidentielle sur les élections législatives. Il convient de
rappeler que la décision de Jospin avait été notifiée à la clôture du congrès
et n’avait pas été soumise à la discussion. Le PS avait obtempéré.
Seul
couac d’importance, alors que la « synthèse » était attendue et
annoncée (dans le jargon du PS, la synthèse signifie l’accord final sur une
motion unique), Henri Emmanuelli la rejetait au dernier moment, doublant ainsi
sur sa gauche la Gauche Socialiste de Mélenchon et Dray. Devant le refus de la
direction du PS et du gouvernement de rejeter l’accord sur l’UNEDIC instituant
le PARE (accord que les dirigeants de la CGT et de FO avaient refusé de
signer), il avait maintenu sa motion d’orientation. Ce fait, bien que sur une question relativement
marginale au regard de l’ensemble de la politique menée par les gouvernements
dirigés par Jospin depuis 1997, avait tout de même cristallisé la contradiction
fondamentale au sein du PS : un parti ouvrier bourgeois ultra dégénéré,
qui ne doit son existence en tant que parti qu’au fait que les masses n’ont pas
d’autres solutions que de l’utiliser dans leur recherche du combat contre la
bourgeoisie et au sein duquel se réfracte, en fonction des développement de la
lutte des classes, les combats du prolétariat et de la jeunesse.
Mais
au-delà de cet épisode, le congrès de Grenoble s’était conclu par un satisfecit
global accordé au gouvernement et à sa politique. Étant donné le discrédit
frappant Chirac, comme l’a confirmé son résultat lors du premier tour de
l’élection présidentielle, le PS tablait avec confiance sur une victoire de
Jospin lors de l’élection présidentielle.
Par
la suite, le PS, tous courants confondus, a laissé carte blanche à Lionel
Jospin pour élaborer son programme en tant que candidat du PS à l’élection
présidentielle. Martine Aubry avait été désignée par le congrès comme
responsable de l’élaboration du programme du PS, mais, dans les faits, seul
comptait celui que la garde rapprochée de Jospin allait mettre sur pied. De ce
point de vue, dès le lancement de sa campagne électorale, Jospin lors de ses
premières déclarations allait être très clair. Il affirmait : « je suis socialiste mais mon programme
n’est pas socialiste ». Et de fait, le programme de Jospin, candidat à
l’élection présidentielle, a été concocté par « des membres de l’aile « moderne » du PS » (Le Monde du 15/03/02) réunie autour de la formule « Une France plus active, sûre, juste,
moderne, forte » devenue par la suite « présider autrement ; une France plus juste » ; par
une équipe restreinte contrôlée par Dominique Strauss-Khan, Pierre Moscovici,
Alain Richard (digne héritier de Michel Rocard) et Vincent Peillon, lequel essaie
de se refaire aujourd’hui une virginité d’homme de la base. Ce programme a
provoqué de multiples réactions au sein de l’appareil intermédiaire du PS (Le Monde du 1/04/02 indiquait : « les socialistes veulent un programme
plus simple, plus court et plus à
gauche pour Lionel Jospin »).
Une tentative de sauver les
meubles
Après
l’élection de Chirac , dans la hâte, le programme du PS pour les élections
législatives a fait l’objet d’un « coup de barre à gauche ». A propos
du conseil national du 23/04/02, Libération
du 24/04/02 rapporte :
« Tirant
les leçons de l’échec de Lionel Jospin, le PS s’est donc efforcé de mettre la
barre à gauche dans l’optique des législatives des 9 et 16 juin. Une inflexion
précipitée mais sans heurts excessifs, le procès de l’influence
« sociale-libérale » des « modernes » Dominique
Strauss-Khan, Pierre Moscivici ou Laurent Fabius demeurant pour l’essentiel
implicite ».
A
la demande d’Henri Emmanuelli et de la Gauche Socialiste, des points comme le
refus de la privatisation des entreprises publiques comme EDF ont été ajoutés.
Mais les « modernes » ont fait de la résistance, obtenant que soient,
par exemple, maintenus le recours à « l’épargne salariale » pour le
financement des retraites ou le rejet de l’indexation des salaires sur
l’inflation. Libération du 24/04/02
faisait état ainsi des premières escarmouches
« « On
ne peut à la fois être à Davos et défiler le premier mai à Paris », a-t-il
résumé [Henri Emmanuelli – ndlr]. Autant de pierres jetées dans le jardin des
« modernes » Fabius et Strauss-Kahn. Si le premier s’est montré
ultraconsensuel, le second a défendu plus maladroitement sa « gauche
moderne » : « L’histoire a prouvé que Keynes a fait davantage
pour la classe ouvrière que Rosa Luxembourg » a lancé Strauss-Kahn en
déclenchant les huées de la salle. ».
On
connaît le résultat de ce "coup de barre à gauche": après
l’élection plébiscite de Chirac, la voie était ouverte à l’élection de
l’écrasante majorité UMP à l’Assemblée Nationale.
La préparation du prochain
congrès
Ces
premières joutes avant les élections législatives pouvaient laisser penser que
la discussion à l’occasion de la préparation du congrès allait donner lieu un
débat sous-tendu par la remise en cause, au moins partielle, de la politique
des gouvernements de la « gauche plurielle » dirigés par Jospin et
vertébrés par le PS. Cela d’autant plus que, dans la phase préparatoire au
dépôt des contributions, certains, comme Emmanuelli et Mélanchon, appelaient
déjà à « faire feu sur le quartier
général », c’est-à-dire la direction du PS regroupée autour de
François Hollande.
De
l’Université d’été du PS tenue à La Rochelle début septembre 2002 au conseil
national du 18 janvier 2003, conseil ayant pour objet l’enregistrement des
contributions générales et l’organisation de la préparation du congrès, les
reclassements se sont accélérés au sein du PS. La Gauche Socialiste, tout en
éjectant Julien Dray et ses partisans les plus proches, a fusionné avec le
courant animé par Henri Emmanuelli pour constituer un nouveau courant dénommé
« Nouveau Monde ». Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, associé à
Julien Dray dans un premier temps, avant que ce dernier ne se fasse à nouveau
éjecter, ont constitué un courant dénommé le « Nouveau Parti
Socialiste ». Dans le même temps, François Hollande engageait de grandes
manœuvres pour constituer autour de lui un « axe majoritaire »
susceptible de rassembler les ex-partisans du pôle Jospin-Rocard (organisé
autour d’Alain Richard, Jean-Christophe Cambadélis, Pierre Moscovici, Dominique
Strauss-Kahn), les partisans de Martine Aubry (toujours soutenue par Pierre
Mauroy), les partisans de Laurent Fabius.
Le
18 janvier 2003, pas moins de 18 contributions générales étaient soumises à la
discussion. Toutefois, Le Monde du
18-19/01/03 commentait : « Les
socialistes se divisent dans les textes, mais peu sur les idées ». Cette appréciation comprend sa part de
vérité… mais reste par ailleurs très incomplète. Car, sur fond de
« principes » communs et d’orientation commune, il est incontestable
que s’affirment certains clivages qui ne sont pas sans importance au sein du
PS, en relation avec les développements possibles de la lutte des classes.
Dans un cadre commun…
Quand
Le Monde affirme que les « socialistes » se divisent « peu sur les idées », il dit
vrai ... et se rassure ! Le dénominateur commun a toutes les contributions
générales peut être résumé en quelques lignes. Toutes se placent dans le
contexte de l’économie de « marché», en clair du mode de production
capitaliste et de la propriété privée des moyens de production. Toutes
déplorent cependant l’anarchie et la sauvagerie du fonctionnement de l’économie
de « marché » et chacune fait preuve d’une imagination débordante en
matière de mise en place d’instances de « régulation » à tous les
niveaux permettant d’amoindrir ou de contrôler la « mondialisation
libérale » et cela dans tous les domaines (santé, environnement,
spéculation financière, « éthique sociale », « développement
durable » etc.). Rien n’échappe à la sagacité des
« socialistes » et, en résumé, le remède miracle consisterait à
constituer pour chaque grande question des instances internationales,
européennes, voire nationales afin de contrecarrer, par l’expression
démocratique des « citoyens », les « excès » du marché.
Dans ce contexte, toutes les gammes sont possibles sur le rôle de l’État en
matière économique, la politique fiscale, le partage du travail, la
concertation avec les organisations syndicales en matière de politique
salariale, l’élargissement de l’Union européenne sachant que, sur ce point, les
clivages qui s’expriment au sein de la bourgeoisie française trouvent un écho
au sein du PS, etc.
Comme
point de départ, la plupart des contributions qui comptent, y compris celle du
« Nouveau Monde », se réclament du bilan positif ou « plutôt
positif » des cinq années des gouvernements de la « gauche
plurielle » avec Jospin Premier ministre.
Alors
comment expliquent-elles la défaite d’avril 2002 ? On peut résumer à ce
qui suit : Ce n’est pas fondamentalement la politique anti-ouvrière des
gouvernements de 1997 à 2002 qui a conduit à la défaite de Jospin et du
PS. C’est plutôt le manque de
communication sur les « valeurs » des socialistes, le manque
« d’écoute » des citoyens, « l’incompréhension » des
aspirations de l’électorat populaire et,
parfois, pour les plus radicaux, « les imperfections » des
lois sur les 35 heures ou encore le « déficit » de démocratie et le
manque d’implication et de liens avec le « mouvement social ». Bref,
à longueur de contributions, des « histoires » à dormir debout, à
peine réactualisées par rapport à celle contées après les défaites du PS de
1986 et 1993. Dans ce cadre commun, faire une exégèse détaillée du contenu de
ces contributions est un exercice fastidieux et inutile, d’autant plus que
chacun sait qu’elles ne sont que chiffons de papier destinés le temps de la
préparation du congrès à chaque clan, courant, écurie de candidat potentiel, à
compter ses forces et négocier sa place au sein de la direction du PS.
… des contradiction bien
réelles
Ce
cadre commun n’exclut pas pour autant que des éléments de différenciation
s’expriment par le biais des motions et des contributions. Sur les 18
contributions générales présentées initialement, 13 se sont ralliées à une
motion présentée par François Hollande et fortement amendée par Martine Aubry.
La contribution déposée en son nom par François Hollande en janvier 2003 avait
un objectif : rallier tous les partisans d’un « axe
majoritaire » en cristallisant un compromis et un cessez-le-feu entre les
écuries des futurs candidats du PS à l’élection présidentielle… dans
l’hypothèse où Jospin ne tenterait pas un « come-back », ce qui n’est
pas exclu. L’avenir le dira.
La
contribution initiale de Hollande était suffisamment floue pour rendre possible
cette opération. Elle supposait comme préalable aucune remise en cause
fondamentale de la politique des gouvernements de la « gauche
plurielle ». Aussi elle affirmait :
«
Ce n’est pas pour avoir été insuffisamment à gauche que nous avons perdu. C’est
pour ne pas avoir été à l’écoute des Français. Mobilisés dans une lutte
convaincante contre le chômage (35 heures, emplois jeunes …), soucieux de
soutenir la croissance et fiers d’y parvenir, absorbés par la gestion de
l’urgence avec des succès incontestables (CMU, APA, PACS, parité…), nous avons
manqué de vigilance face à la précarité du travail, au niveau des salaires, à
la dureté de la vie des plus modestes. Nous n’avons pas pris toute la mesure de
l’insécurité, comme de l’exaspération populaire devant l’irrespect de la règle
commune… Ce n’est pas principalement notre bilan qui a été jugé, c’est
l’absence de visibilité d’un véritable projet. ».
Dans
ce cadre, il n’est pas étonnant que
tous les « éléphants » du PS aient décidé de se rallier à Hollande.
Laurent Fabius et ses partisans avaient mesuré qu’il était prématuré de tenter
dans l’immédiat une OPA sur le PS ; Dominique Strauss-Kahn, au nom de
l’ancienne garde rapprochée de Lionel Jospin, ne pouvait faire valoir dans
l’immédiat ses revendications ; Martine Aubry pouvait tenter de se refaire
une « santé politique » en conditionnant son ralliement au fait que
les deux premiers, taxés par une partie du PS de
« sociaux-libéraux », s’engagent sur une base programmatique « à
gauche ».
De
fait, lors du conseil national du 15 mars 2003, tout ce beau monde a trouvé un
compromis, ralliant « une vaste coalition qui englobe aussi bien le
libéral maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, que les animateurs de l’ex-Gauche
Socialiste, Julien Dray et Marie-Noëlle Lienemann. A une très large majorité,
les éléphants du PS (Jack Lang, Pierre Mauroy, Claude Estier), la quasi
totalité des anciens ministres du gouvernement Jospin (de Laurent Fabius et
Dominique Strauss-Kahn à Martine Aubry, de Claude Allègre à Élisabeth Guigou)
et les trois quarts des premiers secrétaires fédéraux ont choisi son
camp. » (Le Monde du 16/03/03). Pour que ce compromis soit possible,
Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ont dû avaler « des couleuvres
roses » commente Libération du 18/03/03, en indiquant par exemple : « avant
la présidentielle, Fabius dénonçait les « dépensophiles « et
les « étatolâtres ». Le voilà qui prône la
« réhabilitation » de l’impôt ». Dans le même ordre d’idées, la
motion Hollande s’oppose à l’ouverture du capital de EDF-GDF, cela à l’encontre
des positions défendues par Strauss-Kahn avant les élections.
Constituant
son axe majoritaire, François Hollande, soutenu par Martine Aubry, a été
contraint de « gauchir » - cela ne va pas très loin - sa motion, pour
tenir compte du fait que les leaders des deux autres motions, qui se disent
prêts à aller jusqu’au bout dans le combat pour la direction du PS, ont
incontestablement rencontré une certaine audience dans leur dénonciation des
« modernes » et des « sociaux libéraux ».
"Nouveau Monde" …
Telle
est la dénomination du nouveau courant qu’on constitué en septembre dernier
Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélanchon, le premier au nom de son courant
« Démocratie - Égalité », le second au nom de la « Gauche
Socialiste », dont Julien Dray a été éjecté avec une poignée de ses
partisans. Ce dernier déclarait que son « objectif
n’était pas de créer une nouvelle tendance mais d’orienter la majorité du PS
contre la mondialisation libérale, de créer un nouveau réformisme et, surtout,
de ne pas rester enfermé dans un
cercle de convaincus » (Libération
du 9/08/02). C’est au nom de la lutte au sein du PS contre « le social
libéralisme », Fabius et Strauss-Kahn étant les adversaires désignés, que
ce courant s’est constitué.
Henri
Emmanuelli s’est toujours situé dans des sensibilités du PS attaché au maintien
de ce parti en tant que parti ouvrier, sensibilités les plus perméables à la
réfraction, au sein du PS, des combats engagés par le prolétariat en défense de
ses acquis. C’est ainsi qu’au congrès de Grenoble, en 2001, sur la question de
la nouvelle convention de l’UNEDIC instituant le PARE, il avait été à l’origine
d’une certaine résistance à la politique du gouvernement.
En
1994, après la défaite retentissante du PS (dirigé par Rocard) aux élections
européennes, Emmanuelli a pris la direction du PS - soutenu pour la
circonstance par Fabius dont l’objectif était d’éliminer les rocardiens et les
partisans de Jospin de la direction - en s’appuyant sur les composantes de
l’appareil opposées au projet de Rocard de faire un pas supplémentaire dans la
liquidation du PS en le transformant en « mouvement »
(projet qui a en son temps avait le soutien des « rénovateurs » dont
François Hollande et Martine Aubry).
Ce
parcours n’en fait pas le dirigeant d’un courant « gauche » dans le
PS. Henri Emmanuelli est un fervent partisan de « l’économie de marché »,
comme les autres, capable des pires manœuvres opportunistes. En 1994 par
exemple, alors premier secrétaire du PS, il lança lors du congrès de Liévin un
vibrant appel en faveur de la candidature de Delors à l’élection
présidentielle, alors que ce dernier avait clairement affirmé que cette
candidature se situait en dehors du PS. Elle était propulsée par une partie de
la bourgeoisie contre la présence d’un candidat du PS aux élections. Face à
l’hostilité d’une grande partie du PS, Delors a dû renoncer et Jospin a su
profiter des circonstances pour opérer un premier come-back , soutenu par… ceux qui étaient les partisans de
Delors avant son retrait. En janvier 1995, Jospin était désigné candidat du PS
contre Emmanuelli. En octobre 1995, Emmanuelli était a éjecté de la direction
et remplacé par Jospin.
Jean-Luc
Mélenchon est l’un des trois dirigeants fondateurs de la Gauche Socialiste avec
Julien Dray et Marie-Noëlle Lienemann (elle-même issue du courant rocardien et
l’une des précurseurs de la CSG et de la fiscalisation de la sécurité sociale).
Depuis sa constitution en 1991, la Gauche Socialiste a acquis au sein du PS une
réputation méritée : sous couvert d’un langage gauche, plutôt réservé aux
cercles internes, une pratique totalement opportuniste cherchant à jouer des
jeux d’alliances au sein du PS pour y faire sa place. En plus de 10 ans
d’existence de ce courant, les dirigeants de la Gauche Socialiste ont cherché a
s’allier avec toutes les composantes du PS, en leur trouvant à chaque fois des
vertus " de gauche". Jospin l’a bien compris: pour avoir la
« paix », il a su offrir à certains d’ente eux les strapontins
ministériels nécessaires pour les neutraliser. Ce fut notamment le cas pour
Mélenchon et Lienemann (au grand désespoir de l’intéressé, Julien Dray est
toujours resté sur le carreau, pas même au ministère de l’intérieur malgré tous
ses efforts pour faire état de sa spécialité : la lutte contre
l’insécurité et le renforcement des pouvoirs de la police et de la justice).
Bien entendu, Mélenchon, comme ses anciens associés, n’a pas d’autre
perspective historique que « l’économie de marché » et tape fort sur
la table pour affirmer ses intentions de la "réguler".
… vieilles recettes
Présentant
le 18 janvier 2003 devant le conseil national du PS la contribution générale du
nouveau courant Nouveau Monde, devenue depuis le 15 mars 2003 l’une des motions
soumises dans le cadre de la préparation du congrès, Henri Emmanuelli déclarait :
« Dans
le processus de domination qui s’est étendu sur une quinzaine d’années, une
vingtaine d’années (peu importe, les historiens feront le compte exact), je ne
suis pas certain que la social-démocratie ait offert la résistance nécessaire.
Non seulement elle n’a pas toujours résisté, mais parfois même elle a
accompagné, parfois même elle a précédé. Je ne parle pas de la
France [souligné par nous – ndlr],
je parle de quelques-uns de nos pays européens et, puisqu’on parlait ce matin
de la guerre, oui, il faut absolument qu’il se passe quelque chose au PSE,
qu’on ne soit pas identifiés en tant que socialistes aux positions de M. Tony
Blair, par exemple, parce que c’est insupportable. »
Dans
le cours du lancement de leur courant, Emmanuelli et Mélenchon n’ont eu de
cesse de rappeler qu’ils ne remettaient pas en cause les acquis des
gouvernements depuis 1997, caractérisés par eux comme les plus « à
gauche » en Europe depuis plusieurs années. Leur contribution
décrète :
« nul
ne conteste le caractère positif du bilan du gouvernement de Lionel Jospin.
Mais à côté des grandes réformes qui resteront dans l’histoire sociale de notre
pays, nous avons fait trop de concessions aux exigences libérales (baisse de la
fiscalité des stock-options, ouverture du capital de France Télécom, baisse des
impôts pour les classes supérieures, annualisation du temps de travail,
résignation de fait face aux
licenciements boursiers, acceptation du traité d’Amsterdam, prime à
l’emploi, etc.), et presque rien pour l’amélioration des conditions de travail
et de rémunération de l’immense majorité des salariés qui reste composée
d’ouvriers et d’employés. ».
On
pourrait rester pantois devant une telle dialectique ! Le gouvernement qui
resterait dans l’histoire du point de vue des conquêtes sociales… n’a presque
rien fait pour l’amélioration de la condition des salariés (pour dire la
vérité : il l’a considérablement aggravée avec, en particulier, les lois
Aubry).
Ainsi,
se situant dans le cadre politique commun de tous les dirigeants du PS, celui
de la défense du mode de production capitaliste, ceux du Nouveau Monde sont
incapables d’ouvrir la moindre perspective matérialisant concrètement les
« ruptures » qu’ils revendiquent. Il faut d’ailleurs souligner que la
dénomination même qu’ils ont retenue pour baptiser leur courant est
significative. Ils doivent ruser en utilisant les vieilles recettes des
prétendues « gauches » dans le PS : un verbiage d’apparence
radicale masquant une impuissance politique totale à rompre véritablement avec
la bourgeoisie, combiné à un opportunisme sans limite.
Toutefois,
en sonnant la charge contre les « sociaux-libéraux » et en reprochant
à François Hollande de ne pas les combattre, ils se font l’écho du rejet de la
politique du PS par les larges masses. Ils prennent date et nourrissent en cela
les inquiétudes des dirigeants du bloc constitué autour de François Hollande,
car ils sont susceptibles de cristalliser au sein du PS le regroupement de ceux
qui voudraient retrouver une certaine audience dans les masses pour que le PS
survive politiquement en tant que parti ouvrier et qui, de ce fait, sont
susceptibles de se faire l’écho de la résistance du prolétariat aux attaques du
gouvernement Chirac-Raffarin.
"Nouveau Parti
Socialiste" ?
Parmi
les opposants déclarés à l’axe majoritaire de François Hollande, il y a les
partisans de la motion impulsée par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon au nom
du courant Nouveau Parti Socialiste. Après avoir été éjecté de la Gauche
Socialiste, Julien Dray a fait partie de cette aventure… avant de se faire
éjecté une fois de plus, en perdant cette fois une grande partie du dernier
carré de sa garde rapprochée. Julien Dray voulait conduire ses
« amis » Montebourg et Peillon à se préparer à s’intégrer dans la
future majorité au moins au moment du congrès. Ces derniers ne l’entendent pas
ainsi et affirment qu’ils souhaitent se maintenir en opposition à la direction
actuelle. Le courant Montebourg-Peillon est propulsé par certains cercles de la
bourgeoisie. Son credo, qui cadre toute son orientation, est le combat pour le retour à une république
parlementaire bourgeoise classique, la « démocratie » étant présentée
comme le remède miracle permettant aux « citoyens » de limiter les
cataclysmes engendrés par le capitalisme sauvage.
Ce
courant s’appuie sur la popularité acquise par Montebourg - dont le personnage
fleure le radicalisme bourgeois de la troisième république - dans son
obstination à vouloir faire traduire Chirac en justice, malgré l’opposition
farouche de la plupart des dirigeants du PS et de Jospin lui-même.
Ce
qu’il adviendra de cette initiative, nul ne le sait. Mais il n’en reste pas
moins qu’elle se situe sur une ligne de dénaturation du PS en tant que parti
ouvrier et qu’elle ressemble fort aux initiatives passées, dont celle de Laurent
Fabius, de transformer le PS en grand parti démocrate à
« l’américaine ». Il semble que l’obstination de Peillon et de
Montebourg à se maintenir coûte que coûte dans l’opposition à la direction du
PS est d’abord motivée par la volonté politique de faire tout ce qui est
possible pour que le PS cesse totalement d’être un parti lié à la classe
ouvrière et se transforme en parti des « citoyens ».
A
la surprise générale, Marc Dolez, premier secrétaire de la puissante fédération
du Nord a décidé de maintenir sa motion. Pourtant celle-ci ne se démarque pas
dans son contenu de celle conduite par François Hollande. Elle met l’accent sur
la dénonciation des méthodes bureaucratiques de l’appareil du PS : il est
probable que cette initiative résulte d’une remise ne cause du soutien apporté
par Pierre Mauroy à Martine Aubry dans la région Nord - Pas de Calais.
La bataille des retraites
Le
congrès du PS se tiendra du 16 au 18 mai prochain, au moment où en toute
probabilité l’offensive du gouvernement Chirac-Raffarin pour faire passer la
réforme destruction des retraites battra son plein et aura pris toute son
ampleur. Sur ce plan, il est instructif, deux mois avant le congrès, d’examiner
en quels termes les différentes motions soumises à la discussion abordent la question.
Il
convient tout d’abord de souligner qu’au nom du PS, François Hollande a répondu
positivement à l’initiative de Raffarin de s’entretenir de la question avec les
représentants de tous les partis politiques. Le 9 janvier dernier, il s’est
rendu à Matignon pour donner son avis. Dans la continuité de l’initiative de
Jospin avec la constitution du Comité d’Orientation des retraites, aucun des
leaders des différentes motions soumises à la discussion ne remet en cause la
nécessité d’une « réforme ». A ce stade, aucune de leur motion
respective ne se prononce clairement pour le maintien des 37, 5 annuités pour
les fonctionnaires et les personnels des entreprises publiques, pour le
maintien du code des pensions de la fonction publique, pour la défense des régimes
spéciaux.
La
motion conduite par François Hollande se situe totalement sur le terrain de la
politique du gouvernement cadrée par Chirac : affirmation de préserver la
retraite par répartition, droit à la retraite à 60 ans, renégocier certains
régimes au cas par cas pour tenir compte de la « pénibilité des
métiers », aucune remise en cause de la réforme Balladur de 1993. Elle se
distingue formellement de la politique affichée par Chirac par le rejet de
« tout engagement quel qu’il soit dans les fonds de pension ». C’est
sur ce même registre que se situent les motions du Nouveau Parti Socialiste et
de Marc Dolez. Quant aux dirigeants du Nouveau Monde, ils écrivent :
« Pour nous il est
exclu que le débat sur les retraites aboutisse à une quelconque remise en cause
des acquis sociaux »
tout
en ajoutant :
« Sur cette question,
nous voulons respecter la capacité de négociation des partenaires sociaux, sous
la réserve que tout accord ne trouverait sa légitimé que s’il était signé par
des organisations syndicales représentant la majorité des salariés ».
Décidément,
la volonté de rupture avec le "libéralisme" affichée par les
dirigeants du Nouveau Monde à des limites très étroites et bornées!
Mais
quelles que soient les positions affichées par les motions et contributions
pour le prochain congrès du PS, il ne fait aucun doute que la « bataille
des retraites », dans la mesure où les fonctionnaires et les travailleurs
des entreprises publiques pourront engager véritablement le combat contre le
gouvernement Chirac-Raffarin, se réfractera au sein du PS.