Article publié dans
Combattre pour le socialisme n°11 (93) de mars 2003
Retraites,
décentralisation : l'enseignement public et les personnels sont au centre de l'offensive
gouvernementale.
L'heure est au combat pour
l'appel uni à la grève générale
Les personnels de
l'enseignement public en première ligne
Le présent numéro de CPS aborde largement
l'importance et la portée de la guerre qu'a engagée le gouvernement sur la
question des retraites. Il démontre aussi nettement que l'objectif du
gouvernement, de l'aveu même des dirigeants des organisations syndicales de la
fonction publique, c'est détruire le code des pensions – objectif sur lequel le
gouvernement Chirac-Juppé et son écrasante majorité parlementaire avaient
reculé en novembre-décembre 1995.
Aujourd'hui comme alors, le corps enseignant, les
personnels de l'enseignement public, occupent une place centrale dans l'issue
du combat à venir. Au total, plus d'un million de fonctionnaires relèvent de
l'éducation nationale, dont environ 730 000 enseignants du premier et
second degré, des dizaines de milliers d'agents techniques et ouvriers.
Potentiellement, c'est une force considérable.
C'est dire si la place qu'ils peuvent occuper dans
le combat à mener contre le gouvernement UMP Chirac-Raffarin peut s'avérer
déterminante. Et c'est sous ce rapport que doivent être appréciées les
"journées d'actions" qui se sont multipliées ces derniers temps à
l'initiative des appareils syndicaux: un dispositif délibéré d'éparpillement de
cette force, de division corps par corps des personnels, qui accompagne les
"négociations" et … le calendrier scolaire.
Rappelons qu'à partir du 5 avril, les enseignants
rentrent de manière échelonnée dans les vacances de Pâques, qui s'achèvent pour
les dernières académies début mai (calendrier de vacances dont on ne dira
jamais assez qu'il est d'abord politique, contre le combat unifié des
enseignants). Début mai, il ne restera a priori que deux mois pour mettre en
échec l'opération de destruction du code des pensions que le gouvernement
appelle "réforme des retraites". Et guère plus pour s'opposer à la
loi de "transferts de
compétences" sonnant d'une certaine manière le glas du caractère national
de l'enseignement public.
C'est dans la perspective de ces combats que doivent
être appréciées les "journées d'action" et de grève appelées par les
principales directions syndicales. Pour en rester aux principales: journées du
17 octobre, 26 novembre (le gouvernement "restant sourd" à la
première, antienne bureaucratique que nos lecteurs appliqueront sans peine aux
suivantes), manifestation nationale dimanche (!) 8 décembre, grève du 28
janvier, manifestation (retraites) le 1er février, grève le 18 mars
et nouvelle grève et manifestations le 3 avril. Ce à quoi il faut ajouter les
journées catégorielles en nombre incroyable, le plus souvent à l'appel des
dirigeants du SNES, de celle des CPE le 5 septembre (ARTT) à celle annoncée
pour les COPSY, TOS et autres MI-SE les 10 et 28 mars (avec "manifestation
nationale"), en passant par les innombrables journées d'action(s)
consacrées aux étudiants-surveillants (et plus si affinités), depuis novembre
jusqu'au 6 février notamment.
A quoi se combinent les journées de grèves
académiques sinon départementales appelées dans tel ou tel secteur, ou les
initiatives du type "manifestation chez Raffarin dans le Poitou" qui
fut appelée pour le 14 mars dernier par le seul syndicats des agents SNAEN-UNSA
(ex-FEN).
Comme ils le font sur la question de la guerre en
participant à l'union nationale derrière Chirac, les dirigeants des fédérations
et syndicats de l'enseignement public ne poursuivent qu'un seul objectif en
favorisant ces journées sans lendemain jusqu'à la nausée, la division,
l'émiettement catégorie par catégorie des personnels devant une offensive
pourtant générale: empêcher le combat d'ensemble de tous les personnels contre le
gouvernement Chirac-Raffarin-Ferry. Pour preuve, la conclusion de l'appel des
fédérations de la fonction publique - hormis la CFDT - à la grève pour le 3
avril :
« Pour
obtenir l'ouverture de négociations et peser sur les choix du gouvernement,
elles appellent l'ensemble des personnels à cesser le travail et
manifester massivement le 3 avril.»
Pourtant, non seulement les personnels de
l’enseignement public sont tous visés par la liquidation du code des pensions
que veut faire passer le gouvernement UMP, mais encore, l’enseignement public
et ses personnels sont au centre d’une offensive générale, dont une échéance de
première importance va être la loi de transfert de compétence qui, comme la
« réforme des retraites », doit passer au parlement avant l’été.
Décentralisation : plan
social sans précédent contre les personnels…
Le 28 février, à Rouen, Raffarin annonçait
publiquement quels seraient les transferts de compétence engagés durant le
printemps et l’été, à la réunion portant conclusion des « assises des
libertés locales ».
Dans l’enseignement il s’agit de transférer les TOS,
les CO-psy, les médecins scolaires, les assistantes sociales aux régions et
départements, ainsi que l’ensemble de la formation professionnelle. Un
véritable « plan social » de suppression de 110 000 postes dans la
fonction publique d’Etat !
S’adressant directement par courrier aux personnels
TOS (techniciens, ouvriers et de service), le ministre se voulait
rassurant : chacun pourrait garder son statut, quoique la fonction publique
territoriale soit « attrayante ». Ceux qui garderaient leur statut se
verraient placés en « détachement de longue durée ».
S’il ne s’agissait que de cela, la décentralisation
signifierait déjà une division sans précédent entre les personnels de l’enseignement
public, et une division pérenne au sein des corps concernés. Ce serait déjà un
coup violent contre l’enseignement public. « Attrayante », la
fonction publique territoriale l’est, assurément. Pour la bourgeoisie. Voilà en
effet des « fonctionnaires » qui peuvent se retrouver sans poste et
sans salaire, des « fonctionnaires » que l’on peut chasser, des
fonctionnaires dont les conditions de travail ne sont plus vraiment définies
collectivement mais à l’échelle de la collectivité locale de rattachement. En
soi, le transfert des TOS, des COPSY aux régions et départements (suivant leur
lieu d’exercice !) est une opération de pulvérisation de corps entiers de
l’enseignement public, de leur statut.
Mais en réalité, personne ne peut croire que
les régions et département, même avec un transfert budgétaire de l’Etat, se
mettraient à rémunérer 110 000 fonctionnaires de manière durable. A
l’évidence, le transfert aux régions des tâches de nettoyage et de restauration
n’ont qu’une seule signification : la privatisation, l’ouverture de ces
marchés particulièrement juteux aux compagnies spécialisées, les négriers du
nettoyage, les industriels de la restauration.
Il en irait de même pour les conseillers
d'orientation, comme l'indique Raffarin:
"
Le réseau des missions locales, des PAIO, des CIO, des COPSY sera réorganisé
pour en faire un outil plus efficace"
La
même logique de "restructuration" industrielle guide la fusion des
DDASS avec les services sociaux de l’enseignement public. Quant à la médecine
scolaire, pas besoin d’être devin : c’est la fin qui s’annonce, avec les
conséquences parfois dramatiques sur les enfants des familles les plus pauvres
en particulier dans les écoles primaires, au plus grand bénéfice de la médecine
de ville. Au passage, la décentralisation signifierait la mort des allocations
logement dont bénéficient des centaines de milliers d'étudiants:
"
Les grandes agglomérations pourront assurer la responsabilité du logement
étudiant." (Raffarin)
… une opération de
destruction du caractère national de l’enseignement
Mais ce n’est pas tout. Le transfert annoncé de
personnels tels que les Copsy (conseillers d’orientation psychologues) et avec
eux des C.I.O., celui de l’ensemble de la formation professionnelle aux régions
est particulièrement significatif. Raffarin l’a justifié en disant le 28
février que les régions connaissaient mieux les débouchés, le marché du
travail. Il s’agit donc de son propre aveu d’adapter, de soumettre, l’offre de
formation au patronat, via les conseils régionaux.
« L’orientation » décentralisée
transformerait les conseillers d’orientation en sergents recruteurs des
entreprises et pourvoyeurs de stages. Les lycées professionnels, déjà liés
étroitement au patronat par le gouvernement précédent avec la création des
« lycées des métiers » passeraient entièrement sous sa coupe (sauf
les enseignants stricto sensu, au moins à cette étape). Carte scolaire, carte
des formations, la Région - et donc ses notables et capitalistes – déciderait
de tout.
En passant, c’est une première marche franchie aussi
vers la destruction des conventions collectives nationales et leur
« négociation » et conclusion au niveau des régions, qui se dessine.
Car telle est bien la finalité de la décentralisation, comme CPS l’a déjà
expliqué.
Mais
l’enseignement professionnel, les services d’information et d’orientation, ne
seraient pas les seuls touchés. Car dans les valises de la décentralisation se
trouve un arsenal de mesures pour soumettre les enseignements, les diplômes, et
donc aussi les enseignants, au desiderata des barons régionaux.
Citons encore Raffarin:
"
parce que l'éducation est l'objet de demandes sans cesse croissante, elle doit
s'ouvrir à de nouveaux acteurs et renforcer une logique de qualité. Celle-ci ne
pourra être mise en œuvre uniquement par le biais de règles uniformes, décidées
à Paris."
En
réalité, il s’agit de briser le cadre de l’enseignement, des horaires, des
programmes, faire gérer les établissements scolaires par les patrons, les élus
locaux, les notables, à tous les niveaux
.-L’enseignement primaire ? Sont à l’ordre du
jour des regroupement d’écoles, pour en faire des EPLE dotés d’un vrai chef
d’établissement et soumis beaucoup plus efficacement aux consignes locales, et
permettant d’opérer en douceur des suppressions de classes et de postes de
professeurs des écoles
-
L’enseignement secondaire ? A titre « expérimental » (on connaît
la chanson), les conseils d’administration seront " rénovés, en
laissant une plus large place aux parents d'élèves et aux élus". A
terme, le président du CA pourrait différer du chef d’établissement, et gérer
directement les personnels transférés » ou « détachés ». Comme
dans les entreprises privées.
Ces
nouveaux CA auraient une gestion « globalisée » des moyens qu’ils
répartiraient en fonction de leur projet.
"Ils
disposeront de moyens globalisés qui leur permettront d'adapter leur offre
éducative, dans le respect des programmes nationaux.."
On
retrouve ici au niveau des établissements (au moins dans le secondaire sinon
dans le primaire à terme) la même logique qui va prévaloir au niveau du budget
de l’Etat avec la réforme de l’ordonnance de 1959 : les moyens sont
attribués en étant dissociés des postes dont l’évolution (à la baisse !)
peut ainsi s’opérer à toute vitesse.
C'est
de franchir un pas substantiel vers la casse des diplômes nationaux dont il
s'agit, coup porté à tout le prolétariat. D'une part , dans l'enseignement
professionnel, puisqu'il serait totalement contrôlé par les Régions. Mais dans
les établissements scolaires "rénovés" comme dit Raffarin, la
"pédagogie" serait " plus efficace et plus adaptée aux
situations locales" tandis qu'il y aurait : "une plus grande
implication des collectivités dans la gestion des moyens.". Ce
qu'inaugure la création du statut d'assistant d'éducation, sur lequel nous
reviendrons.
Garantissant
cette destruction du caractère national des diplômes et de l'enseignement, la
transmutation des rectorats eux-mêmes, devenant des auxiliaires des conseils
régionaux et non plus des instances émanant du ministère:
"Nous
voulons expérimenter une nouvelle organisation du niveau académique, où le
recteur aura les moyens de décider où il pourra dialoguer en permanence avec
ses partenaires locaux et où il pourra demander aux établissements de s'engager
sur des objectifs de qualité."
Enfin
l'Université, où il s'agirait de pousser à leur terme les conséquences du
dispositif E.C.T.S.
"
Il faut des universités fortes, insérées dans le tissu local, qui puissent
rivaliser avec les grandes universités d'Europe et d'ailleurs. Pour cela, un
projet de loi sur l'autonomie des universités sera déposé au Parlement, comme
l'a souhaité la Conférence des présidents d'université. Il leur donnera enfin
la pleine maîtrise de leurs moyens de fonctionnement et progressivement de leur
patrimoine. Il leur donnera aussi la capacité de contracter avec les
collectivités, qui déjà les financent largement."
Rien n'est encore joué
Le
17 mars, le parlement réuni en congrès a adopté la révision constitutionnelle
introduisant la décentralisation, le droit à l'expérimentation des
collectivités territoriales. Des lois organiques (sur le référendum local et
l'encadrement des expérimentations doivent suivre). Mais, pour les enseignants
comme pour d'autres catégories de fonctionnaires (Equipement, etc.), tout se
concentrera dans la loi portant sur les "transferts de compétences".
Sans cette loi (prévu à ce jour pour … les lendemains de la fermeture des
principaux établissements scolaires), rien ne peut être fait.
Le
gouvernement le sait. Après avoir brutalement énoncé sa politique le 28
février, Raffarin en appelait aussitôt au "dialogue social".
Vu
l'ampleur des mesures annoncées, la tâche des directions syndicales n'est pas
aisée. Aussi ont-elles par exemple boycotté … après s'y être rendues, une
première réunion sur le sujet le 14 mars. Les termes du communiqué doivent être
pesés avec soin:
"
La totalité des organisations syndicales de l'Education Nationale a quitté la
séance de discussions sur la décentralisation convoquée par les Ministres de
l'Education en présence du Ministre des Libertés locales et du représentant du
Ministre de la Fonction publique.
Elles
avaient massivement exigé qu'une éventuelle discussion ne se limite pas aux
modalités de transfert, alors qu'elles en refusent le principe, mais permette
de remettre à plat l'ensemble du dossier sans a priori, afin que soit respecté
l'engagement du Premier Ministre affirmant que rien ne serait fait contre les
personnels.
Les
Ministres affirmant dès le début qu'il n'y aurait pas de retour en arrière sur
les principes, la discussion n'a pu que tourner court les organisations
syndicales refusant le cadre qui leur était imposé."
On
a bien lu. Elles ont "exigé qu'une éventuelle discussion ne se limite
pas aux modalités de transfert". Donc qu'elle les inclue. Toutes les
considérations suivantes sont dès lors futiles. "L'éventualité" de
"discussions" avec un gouvernement fossoyeur de l'enseignement public
est envisagée. Et qu'on comprenne bien: ce sont "les ministres" qui, ne
respectant pas la parole de Raffarin qui font "tourner court" le
dialogue social que ces directions continuent de réclamer. La seule
revendication qu'elles adressent au gouvernement, c'est qu'il leur donne les
moyens de collaborer.
Mais
d'autres aussi se portent au secours de la direction des organisations
syndicales. Alors que le congrès du SNES se tient en plein dans cette phase
d'agression particulièrement brutale, que la réaction des délégués, réfractant
celle des enseignants, pouvait être particulièrement vive, dans les trois congrès
de la Région Parisienne du SNES, une motion a été adoptée avec le soutien des
militants du PT et de la LCR dans ce syndicat. Ceux du PT l'ont même diffusée
dans les manifestations du 18. Belle illustration de l'expression
"radicalisme de façade", la conclusion vaut d'être citée, car c'est
ainsi qu'il s'agit pour ces messieurs dames de faire barrage au combat des
enseignants.
La
motion adoptée par le congrès SNES de Versailles le 17 mars – jour de la tenue
du Congrès à Versailles, se conclut:
"
Le SNES refuse tout transfert de mission et de personnels hors de la fonction
publique d'Etat, refuse les expérimentations
(…) " et " se prononce pour le retrait du projet de réforme
constitutionnelle visant à mettre en place la décentralisation"
Il
faut le faire. On aura donc attendu que le vote de la loi constitutionnelle ait
eu lieu, pour, quelques minutes avant, en demander le "retrait". Et,
sur une telle lancée: pas un mot sur la loi en projet de "transfert de
compétences".
Poursuivons:
"avec
la FSU le SNES refuse la parodie de concertation que le gouvernement organise
actuellement, et dont le seul objectif est la discussion des modalités de
transfert de compétence et de personnel, comme il l'a fait en janvier et le 14
mars."
C'est
la reprise intégrale du communiqué commun cité plus haut. Et après?
"
Le SNES appelle les collègues à se mobiliser pour que ces projets soient
bloqués. Il apporte son soutien et sa participation à la journée de grève du 27
mars des personnels "décentralisés", cette journée étant la première
étape d'une mobilisation plus large."
La
seule perspective offerte est – en séparant totalement cette question de celle
des retraites – le soutien à une journée d'action des seuls personnels
"décentralisés". C'est à dire à une initiative qui tourne par essence
le dos à un vrai combat, d'ensemble, de toutes les catégories.
Ce
qui a un air de déjà vu: c'est avec la même méthode qu'a été liquidé le statut
des surveillants.
Tirer les leçons du combat
des MI-SE
Premier statut à être attaqué par le gouvernement,
avec la création du statut des "assistants d'éducation", le statut
des MI-SE le fut dès la rentrée, ou presque. Durant plusieurs mois, les MI-SE
ont cherché les moyens de se défendre, de défendre leur statut
d'étudiant-surveillant, statut qui permet à des dizaines de milliers de
surveillants de poursuivre leurs études ainsi. A partir de novembre, le projet
de loi sur les "assistants d'éducation" était connu.
Fait important, tout comme ils l'ont fait le 14 mars
dernier, les dirigeants syndicaux n'avaient pu, le 27 novembre 2002, que
quitter les "négociations" en proclamant "il n'y a pas de base
de discussion avec le gouvernement". Mais même alors ils réclamaient –
comme aujourd'hui – l'ouverture de "véritables négociations". Et pour
quoi? Pour "l'amélioration" du statut. Parler d'amélioration d'un
statut en voie de liquidation est grotesque autant que scandaleux. Mais surtout
c'est signifier: "négocions, changeons ce statut que vous voulez
détruire". Qui ne reconnaît l'esprit de la déclaration commune sur la
décentralisation et les transferts de personnels?
Mais
dans plusieurs académies, comme Rennes, Nantes, la Corse, un réel mouvement de
grève perdurait. Naturellement, les dirigeants syndicaux appelaient localement
à "reconduire la grève localement là où les conditions sont réunies",
selon la formule consacrée. C'est à dire, outre "d'appeler" les MI-SE
à faire … ce qu'ils faisaient sans qu'on les y appelle, à ce qu'ils restent
isolés. De nombreux collectifs académiques furent créés, le plus souvent à
l'impulsion de militants SUD ou CNT, poursuivant de leur côté le travail
d'isolement et de cordon sanitaire organisé par les dirigeants du SNES. Au lieu
d'en appeler à la mobilisation unie de tous pour défendre les statuts de tous,
de relier ceci à la loi constitutionnelle sur la décentralisation alors en
discussion, d'ouvrir une perspective d'action unie de tous les personnels, par
exemple d'une manifestation sur ce seul point à Paris, les surveillants étaient
laissés à eux-mêmes. Les directions syndicales imposent des journées d’actions,
les collectifs organisent les leur.
Les
mêmes organisations gauchistes dirigeants les collectifs ont notamment
participé à l'isolement en avançant des revendications tournées, elles, contre
la défense du statut, en particulier celle de la "titularisation sans
conditions de tous les aides-éducateurs", au lieu de la revendication
élémentaire: "aucun licenciement d'aide éducateur".
Dans ce dispositif, la manifestation nationale du 8
décembre sur des "revendications" qui n'en sont pas et noyant toutes
les questions devait servir de conclusion. Mais en janvier, un nouvel élément
venait fournir une possibilité de centraliser le combat de tous les personnels
en défense des statuts: l'annonce du passage du projet de loi – dont le contenu
a "évolué" suites aux discussions avec les dirigeants syndicaux - à
l'Assemblée. Comme l'indique alors un texte signé dans six académies à notre
initiative, la question est posée d'une manifestation centrale et nationale de
toutes les catégories à l'Assemblée pour le retrait de ce projet de loi.
Le 6 février, lors d'une manifestation où les
surveillants sont baladés dans Paris toute la journée tandis que les directions
syndicales se sont présentées docilement au Conseil Supérieur de la Fonction
Publique qui examine le projet, cette proposition est diffusée et discutée par
des dizaines et dizaines de surveillants et emplois-jeunes.
Le 12 mars, une réunion à Paris de plusieurs
représentants de collectifs académiques avec les représentants des directions
syndicales accouche d'un texte caractérisant le projet d'assistant d'éducation
comme une "agression contre toutes les catégories", et, s'adressant à
"l'ensemble des personnels", se conclut en proposant que les
signataires, soit les organisations syndicales :
« décident
d’appeler à la grève et à manifester nationalement à Paris, le jour du débat du
projet de loi à l’Assemblée nationale… ».
Ce texte comporte dans le même temps tout l'attirail
nécessaire à annihiler ce mot d'ordre. Mais là n'est pas l'essentiel. Le
lendemain, les dirigeants SNES, FERC-CGT, avec le SGEN et l'UNSA Education, se
réunissent à Paris. Ils décident d'enterrer cet appel et d'utiliser la journée
de grève du 18 mars pour s'opposer au combat des surveillants pour briser leur
isolement. Malgré d'ultimes tentatives pour passer par dessus ce barrage (voir
l'appel publié dans ce numéro), et sous couvert de la comédie parlementaire
jouée par le Parti Socialiste (3000 amendements…) le projet devrait maintenant
être voté. Le 18 mars, ce qu'il reste des "collectifs" de
surveillants défilent en opposition aux organisations syndicales sous la
houlette des organisations anti-syndicales que sont la CNT et Sud-éducation. Or
précisément, la question de l'unité des organisations syndicales contre le
gouvernement et sa politique , du combat pour sa réalisation, est fondamentale.
Les élections
professionnelles ont rappelé que les syndicats étaient incontournables
Pour qui douterait de la nécessité pour les
enseignants et l'ensemble des personnels de briser la résistance des appareils
syndicaux pour que les syndicats jouent leur rôle, celui d'instruments de
combat des enseignants, les élections professionnelles apportent une réponse
claire.
Malgré le tassement de leur influence, malgré leur
perte relative en voix, les organisations syndicales de l’enseignement
réalisent toujours des scores significatifs. Les personnels ont encore voté
majoritairement pour les syndicats de catégorie, non pas pour approuver leur
politique – comme en témoigne par ailleurs la baisse relative de leurs scores –
mais pour marquer leur attachement à ce que le gouvernement veut détruire: le
statut. A cet égard, le mouvement politique qu'est SUD progresse (écho sans
doute de la progression de l'extrême gauche aux élections présidentielles),
mais de manière très limitée. Les syndicats FO de l'enseignement, malgré leur
discours radical, restent marginaux et baissent.
Encore faut-il détailler. Dans le premier degré, Le
SNU-IPP progresse légèrement en pourcentage (frôlant les 44%) mais perd des
voix, comme toutes les organisations syndicales enseignantes majeures. Le SE
poursuit lui sa baisse (32% en 1996, 27,5% en 1999, 24,2% en 2003). Reste qu'on
ne peut le considérer comme liquidé en tant que syndicat enseignant, quand bien
même sa place au sein de l'UNSA via la filiale "éducation" ne peut
qu'aboutir là.
Dans le second degré – collèges et lycées - (où Sud
dépasse les 5%), le SNES tombe à 51% (55% en 1999, 57% en 1996). A noter que
dans l'enseignement professionnel, au terme d'une campagne où il a dénoncé
régionalisation et soumission au patronat, le SNETAA exclu de la FSU est resté
en tête (33% contre 42% en 1999). Le syndicat scissionniste créé par la
direction FSU est resté très faible (8,5%). La CGT recule légèrement (de 24% à
23%).
Le
combat des enseignants et de tous les personnels ne peut passer par dessus la
réalité: le combat pour imposer aux directions syndicales les volontés des
personnels demeure absolument incontournable. S'y refuser ne reviendrait qu'à
vouer l'ensemble des personnels au sort des surveillants.
En défense du code des
pensions, en défense du statut:
combattre pour l'appel uni à la grève générale de l'enseignement public
Depuis
des mois, dans le prolongement de leur appel à voter Chirac en mai dernier, les
appareils syndicaux développent une politique visant à démoraliser les
enseignants et les personnels, visant à casser leur potentiel de combat à coup
de journées d'actions à répétition, catégorielles quand ce n'est pas
académiques.
Depuis
des mois, leur volonté de poursuivre à tout prix le dialogue social, leur refus
de rompre avec le gouvernement le plus réactionnaire depuis des décennies, ont
considérablement rapproché le gouvernement Chirac-Raffarin-Ferry de son
objectif, de la réalisation d'objectifs fondamentaux pour la bourgeoisie
française aussi bien sur les retraites que sur la
"réforme"-démantèlement de l'enseignement public.
Et
pourtant, rien n'est encore fait. En 1993, quelques mois après l'élection de la
majorité RPR-UDFla plus écrasante qu'il soit, les enseignants du premier degré
imposaient l'appel uni des syndicats à la grève le 17 décembre contre
l'abrogation de la loi Falloux. Cette mesure de financement sans limite des
établissements privés et confessionnels, première d'un train de contre-réformes
réactionnaires planifiées par le gouvernement Balladur-Pasqua, était retirée
alors qu'un million d'enseignants et parents d'élèves manifestaient à Paris le
16 janvier. Etait ainsi ouverte la voie à d'autres mouvements, à commencer par
celui contre les C.I.P., ou "Smic-jeunes", deux mois après. En
novembre-décembre 1995, quelques mois après l'élection de Chirac, les
enseignants faisaient massivement grève et manifestaient par centaines de
milliers, et, aux côtés des travailleurs de la SNCF, de la RATP, de la Poste,
des hôpitaux, notamment, obtenaient le retrait de la partie du plan Juppé
détruisant les régimes particuliers de retraite. En février mars 2000, depuis les instituteurs et professeurs des
écoles du Sud de la France aux professeurs de lycées professionnels en passant
par toutes les catégories, les enseignants engageaient l'un des pus importants
mouvements qui l'ait été contre le gouvernement Jospin de "gauche
plurielle".
Aujourd'hui,
face aux attaques conjointes du gouvernement contre le code des pensions et des
statuts, contre les "réformes" des retraites et de la
décentralisation, il n'est d'autre solution et issue que de combattre sur la
ligne d'imposer aux directions des organisations syndicales de l'enseignement
public, des fédérations (FSU, FO, CGT) et des syndicats nationaux y compris
ceux issus de l'ex-FEN:
-
qu'ils exigent le retrait de la "réforme des retraites" et se
prononcent pour le maintien sans condition du code des pensions
-
qu'ils rejettent la décentralisation/démantèlement de l'enseignement, pour la
défense des statuts
-
qu'en conséquence ils rompent toute discussion, concertation avec le
gouvernement sur ces questions et en particulier qu'ils prennent position pour
le boycott du groupe de travail gouvernemental sur les retraites
-
qu'ils adressent dans l'unité l'ultimatum au gouvernement: "retirez ces
contre-réformes immédiatement, sans quoi nous appellerons à la grève générale
de l'enseignement public".
Il
s'agit maintenant de prendre les initiatives nécessaires pour organiser une
force combattant dans l'enseignement public sur cette ligne.