Article publié dans Combattre pour le socialisme n°11 (93)  de mars 2003

 

Retraites, décentralisation : l'enseignement public et les personnels sont au centre de l'offensive gouvernementale.

 L'heure est au combat pour l'appel uni à la grève générale

Les personnels de l'enseignement public en première ligne


Le présent numéro de CPS aborde largement l'importance et la portée de la guerre qu'a engagée le gouvernement sur la question des retraites. Il démontre aussi nettement que l'objectif du gouvernement, de l'aveu même des dirigeants des organisations syndicales de la fonction publique, c'est détruire le code des pensions – objectif sur lequel le gouvernement Chirac-Juppé et son écrasante majorité parlementaire avaient reculé en novembre-décembre 1995.

 

Aujourd'hui comme alors, le corps enseignant, les personnels de l'enseignement public, occupent une place centrale dans l'issue du combat à venir. Au total, plus d'un million de fonctionnaires relèvent de l'éducation nationale, dont environ 730 000 enseignants du premier et second degré, des dizaines de milliers d'agents techniques et ouvriers. Potentiellement, c'est une force considérable.

 

C'est dire si la place qu'ils peuvent occuper dans le combat à mener contre le gouvernement UMP Chirac-Raffarin peut s'avérer déterminante. Et c'est sous ce rapport que doivent être appréciées les "journées d'actions" qui se sont multipliées ces derniers temps à l'initiative des appareils syndicaux: un dispositif délibéré d'éparpillement de cette force, de division corps par corps des personnels, qui accompagne les "négociations" et … le calendrier scolaire.

 

Rappelons qu'à partir du 5 avril, les enseignants rentrent de manière échelonnée dans les vacances de Pâques, qui s'achèvent pour les dernières académies début mai (calendrier de vacances dont on ne dira jamais assez qu'il est d'abord politique, contre le combat unifié des enseignants). Début mai, il ne restera a priori que deux mois pour mettre en échec l'opération de destruction du code des pensions que le gouvernement appelle "réforme des retraites". Et guère plus pour s'opposer à la loi  de "transferts de compétences" sonnant d'une certaine manière le glas du caractère national de l'enseignement public.

 

C'est dans la perspective de ces combats que doivent être appréciées les "journées d'action" et de grève appelées par les principales directions syndicales. Pour en rester aux principales: journées du 17 octobre, 26 novembre (le gouvernement "restant sourd" à la première, antienne bureaucratique que nos lecteurs appliqueront sans peine aux suivantes), manifestation nationale dimanche (!) 8 décembre, grève du 28 janvier, manifestation (retraites) le 1er février, grève le 18 mars et nouvelle grève et manifestations le 3 avril. Ce à quoi il faut ajouter les journées catégorielles en nombre incroyable, le plus souvent à l'appel des dirigeants du SNES, de celle des CPE le 5 septembre (ARTT) à celle annoncée pour les COPSY, TOS et autres MI-SE les 10 et 28 mars (avec "manifestation nationale"), en passant par les innombrables journées d'action(s) consacrées aux étudiants-surveillants (et plus si affinités), depuis novembre jusqu'au 6 février notamment.

A quoi se combinent les journées de grèves académiques sinon départementales appelées dans tel ou tel secteur, ou les initiatives du type "manifestation chez Raffarin dans le Poitou" qui fut appelée pour le 14 mars dernier par le seul syndicats des agents SNAEN-UNSA (ex-FEN).

 

Comme ils le font sur la question de la guerre en participant à l'union nationale derrière Chirac, les dirigeants des fédérations et syndicats de l'enseignement public ne poursuivent qu'un seul objectif en favorisant ces journées sans lendemain jusqu'à la nausée, la division, l'émiettement catégorie par catégorie des personnels devant une offensive pourtant générale: empêcher le combat d'ensemble de tous les personnels contre le gouvernement Chirac-Raffarin-Ferry. Pour preuve, la conclusion de l'appel des fédérations de la fonction publique - hormis la CFDT - à la grève pour le 3 avril :

« Pour obtenir l'ouverture de négociations et peser sur les choix du gouvernement, elles appellent l'ensemble des personnels à cesser le travail et manifester massivement le 3 avril.»

 

Pourtant, non seulement les personnels de l’enseignement public sont tous visés par la liquidation du code des pensions que veut faire passer le gouvernement UMP, mais encore, l’enseignement public et ses personnels sont au centre d’une offensive générale, dont une échéance de première importance va être la loi de transfert de compétence qui, comme la « réforme des retraites », doit passer au parlement avant l’été.


Décentralisation : plan social sans précédent contre les personnels…


Le 28 février, à Rouen, Raffarin annonçait publiquement quels seraient les transferts de compétence engagés durant le printemps et l’été, à la réunion portant conclusion des « assises des libertés locales ».

 

Dans l’enseignement il s’agit de transférer les TOS, les CO-psy, les médecins scolaires, les assistantes sociales aux régions et départements, ainsi que l’ensemble de la formation professionnelle. Un véritable « plan social » de suppression de 110 000 postes dans la fonction publique d’Etat !

S’adressant directement par courrier aux personnels TOS (techniciens, ouvriers et de service), le ministre se voulait rassurant : chacun pourrait garder son statut, quoique la fonction publique territoriale soit « attrayante ». Ceux qui garderaient leur statut se verraient placés en « détachement de longue durée ».

 

S’il ne s’agissait que de cela, la décentralisation signifierait déjà une division sans précédent entre les personnels de l’enseignement public, et une division pérenne au sein des corps concernés. Ce serait déjà un coup violent contre l’enseignement public. « Attrayante », la fonction publique territoriale l’est, assurément. Pour la bourgeoisie. Voilà en effet des « fonctionnaires » qui peuvent se retrouver sans poste et sans salaire, des « fonctionnaires » que l’on peut chasser, des fonctionnaires dont les conditions de travail ne sont plus vraiment définies collectivement mais à l’échelle de la collectivité locale de rattachement. En soi, le transfert des TOS, des COPSY aux régions et départements (suivant leur lieu d’exercice !) est une opération de pulvérisation de corps entiers de l’enseignement public, de leur statut.

 

Mais en réalité, personne ne peut croire que les régions et département, même avec un transfert budgétaire de l’Etat, se mettraient à rémunérer 110 000 fonctionnaires de manière durable.  A l’évidence, le transfert aux régions des tâches de nettoyage et de restauration n’ont qu’une seule signification : la privatisation, l’ouverture de ces marchés particulièrement juteux aux compagnies spécialisées, les négriers du nettoyage, les industriels de la restauration.

 

Il en irait de même pour les conseillers d'orientation, comme l'indique Raffarin:

" Le réseau des missions locales, des PAIO, des CIO, des COPSY sera réorganisé pour en faire un outil plus efficace"

La même logique de "restructuration" industrielle guide la fusion des DDASS avec les services sociaux de l’enseignement public. Quant à la médecine scolaire, pas besoin d’être devin : c’est la fin qui s’annonce, avec les conséquences parfois dramatiques sur les enfants des familles les plus pauvres en particulier dans les écoles primaires, au plus grand bénéfice de la médecine de ville. Au passage, la décentralisation signifierait la mort des allocations logement dont bénéficient des centaines de milliers d'étudiants:

" Les grandes agglomérations pourront assurer la responsabilité du logement étudiant." (Raffarin)


… une opération de destruction du caractère national de l’enseignement


Mais ce n’est pas tout. Le transfert annoncé de personnels tels que les Copsy (conseillers d’orientation psychologues) et avec eux des C.I.O., celui de l’ensemble de la formation professionnelle aux régions est particulièrement significatif. Raffarin l’a justifié en disant le 28 février que les régions connaissaient mieux les débouchés, le marché du travail. Il s’agit donc de son propre aveu d’adapter, de soumettre, l’offre de formation au patronat, via les conseils régionaux.

« L’orientation » décentralisée transformerait les conseillers d’orientation en sergents recruteurs des entreprises et pourvoyeurs de stages. Les lycées professionnels, déjà liés étroitement au patronat par le gouvernement précédent avec la création des « lycées des métiers » passeraient entièrement sous sa coupe (sauf les enseignants stricto sensu, au moins à cette étape). Carte scolaire, carte des formations, la Région - et donc ses notables et capitalistes – déciderait de tout.

 

En passant, c’est une première marche franchie aussi vers la destruction des conventions collectives nationales et leur « négociation » et conclusion au niveau des régions, qui se dessine. Car telle est bien la finalité de la décentralisation, comme CPS l’a déjà expliqué.

 

Mais l’enseignement professionnel, les services d’information et d’orientation, ne seraient pas les seuls touchés. Car dans les valises de la décentralisation se trouve un arsenal de mesures pour soumettre les enseignements, les diplômes, et donc aussi les enseignants, au desiderata des barons régionaux.

Citons encore Raffarin:

" parce que l'éducation est l'objet de demandes sans cesse croissante, elle doit s'ouvrir à de nouveaux acteurs et renforcer une logique de qualité. Celle-ci ne pourra être mise en œuvre uniquement par le biais de règles uniformes, décidées à Paris."

 

En réalité, il s’agit de briser le cadre de l’enseignement, des horaires, des programmes, faire gérer les établissements scolaires par les patrons, les élus locaux, les notables, à tous les niveaux

.-L’enseignement primaire ? Sont à l’ordre du jour des regroupement d’écoles, pour en faire des EPLE dotés d’un vrai chef d’établissement et soumis beaucoup plus efficacement aux consignes locales, et permettant d’opérer en douceur des suppressions de classes et de postes de professeurs des écoles

- L’enseignement secondaire ? A titre « expérimental » (on connaît la chanson), les conseils d’administration seront " rénovés, en laissant une plus large place aux parents d'élèves et aux élus". A terme, le président du CA pourrait différer du chef d’établissement, et gérer directement les personnels transférés » ou « détachés ». Comme dans les entreprises privées.

Ces nouveaux CA auraient une gestion « globalisée » des moyens qu’ils répartiraient en fonction de leur projet.

"Ils disposeront de moyens globalisés qui leur permettront d'adapter leur offre éducative, dans le respect des programmes nationaux.."

On retrouve ici au niveau des établissements (au moins dans le secondaire sinon dans le primaire à terme) la même logique qui va prévaloir au niveau du budget de l’Etat avec la réforme de l’ordonnance de 1959 : les moyens sont attribués en étant dissociés des postes dont l’évolution (à la baisse !) peut ainsi s’opérer à toute vitesse.

 

C'est de franchir un pas substantiel vers la casse des diplômes nationaux dont il s'agit, coup porté à tout le prolétariat. D'une part , dans l'enseignement professionnel, puisqu'il serait totalement contrôlé par les Régions. Mais dans les établissements scolaires "rénovés" comme dit Raffarin, la "pédagogie" serait " plus efficace et plus adaptée aux situations locales" tandis qu'il y aurait : "une plus grande implication des collectivités dans la gestion des moyens.". Ce qu'inaugure la création du statut d'assistant d'éducation, sur lequel nous reviendrons.

 

Garantissant cette destruction du caractère national des diplômes et de l'enseignement, la transmutation des rectorats eux-mêmes, devenant des auxiliaires des conseils régionaux et non plus des instances émanant du ministère:

"Nous voulons expérimenter une nouvelle organisation du niveau académique, où le recteur aura les moyens de décider où il pourra dialoguer en permanence avec ses partenaires locaux et où il pourra demander aux établissements de s'engager sur des objectifs de qualité."

 

Enfin l'Université, où il s'agirait de pousser à leur terme les conséquences du dispositif E.C.T.S.

" Il faut des universités fortes, insérées dans le tissu local, qui puissent rivaliser avec les grandes universités d'Europe et d'ailleurs. Pour cela, un projet de loi sur l'autonomie des universités sera déposé au Parlement, comme l'a souhaité la Conférence des présidents d'université. Il leur donnera enfin la pleine maîtrise de leurs moyens de fonctionnement et progressivement de leur patrimoine. Il leur donnera aussi la capacité de contracter avec les collectivités, qui déjà les financent largement."


Rien n'est encore joué


Le 17 mars, le parlement réuni en congrès a adopté la révision constitutionnelle introduisant la décentralisation, le droit à l'expérimentation des collectivités territoriales. Des lois organiques (sur le référendum local et l'encadrement des expérimentations doivent suivre). Mais, pour les enseignants comme pour d'autres catégories de fonctionnaires (Equipement, etc.), tout se concentrera dans la loi portant sur les "transferts de compétences". Sans cette loi (prévu à ce jour pour … les lendemains de la fermeture des principaux établissements scolaires), rien ne peut être fait.

Le gouvernement le sait. Après avoir brutalement énoncé sa politique le 28 février, Raffarin en appelait aussitôt au "dialogue social".

 

Vu l'ampleur des mesures annoncées, la tâche des directions syndicales n'est pas aisée. Aussi ont-elles par exemple boycotté … après s'y être rendues, une première réunion sur le sujet le 14 mars. Les termes du communiqué doivent être pesés avec soin:

" La totalité des organisations syndicales de l'Education Nationale a quitté la séance de discussions sur la décentralisation convoquée par les Ministres de l'Education en présence du Ministre des Libertés locales et du représentant du Ministre de la Fonction publique.

 

Elles avaient massivement exigé qu'une éventuelle discussion ne se limite pas aux modalités de transfert, alors qu'elles en refusent le principe, mais permette de remettre à plat l'ensemble du dossier sans a priori, afin que soit respecté l'engagement du Premier Ministre affirmant que rien ne serait fait contre les personnels.

 

Les Ministres affirmant dès le début qu'il n'y aurait pas de retour en arrière sur les principes, la discussion n'a pu que tourner court les organisations syndicales refusant le cadre qui leur était imposé."

 

On a bien lu. Elles ont "exigé qu'une éventuelle discussion ne se limite pas aux modalités de transfert". Donc qu'elle les inclue. Toutes les considérations suivantes sont dès lors futiles. "L'éventualité" de "discussions" avec un gouvernement fossoyeur de l'enseignement public est envisagée. Et qu'on comprenne bien: ce sont "les ministres" qui, ne respectant pas la parole de Raffarin qui font "tourner court" le dialogue social que ces directions continuent de réclamer. La seule revendication qu'elles adressent au gouvernement, c'est qu'il leur donne les moyens de collaborer.

 

Mais d'autres aussi se portent au secours de la direction des organisations syndicales. Alors que le congrès du SNES se tient en plein dans cette phase d'agression particulièrement brutale, que la réaction des délégués, réfractant celle des enseignants, pouvait être particulièrement vive, dans les trois congrès de la Région Parisienne du SNES, une motion a été adoptée avec le soutien des militants du PT et de la LCR dans ce syndicat. Ceux du PT l'ont même diffusée dans les manifestations du 18. Belle illustration de l'expression "radicalisme de façade", la conclusion vaut d'être citée, car c'est ainsi qu'il s'agit pour ces messieurs dames de faire barrage au combat des enseignants.

 

La motion adoptée par le congrès SNES de Versailles le 17 mars – jour de la tenue du Congrès à Versailles, se conclut:

" Le SNES refuse tout transfert de mission et de personnels hors de la fonction publique d'Etat, refuse les expérimentations  (…) " et " se prononce pour le retrait du projet de réforme constitutionnelle visant à mettre en place la décentralisation"

Il faut le faire. On aura donc attendu que le vote de la loi constitutionnelle ait eu lieu, pour, quelques minutes avant, en demander le "retrait". Et, sur une telle lancée: pas un mot sur la loi en projet de "transfert de compétences".

 

Poursuivons:

"avec la FSU le SNES refuse la parodie de concertation que le gouvernement organise actuellement, et dont le seul objectif est la discussion des modalités de transfert de compétence et de personnel, comme il l'a fait en janvier et le 14 mars."

C'est la reprise intégrale du communiqué commun cité plus haut. Et après?

" Le SNES appelle les collègues à se mobiliser pour que ces projets soient bloqués. Il apporte son soutien et sa participation à la journée de grève du 27 mars des personnels "décentralisés", cette journée étant la première étape d'une mobilisation plus large."

La seule perspective offerte est – en séparant totalement cette question de celle des retraites – le soutien à une journée d'action des seuls personnels "décentralisés". C'est à dire à une initiative qui tourne par essence le dos à un vrai combat, d'ensemble, de toutes les catégories.

 

Ce qui a un air de déjà vu: c'est avec la même méthode qu'a été liquidé le statut des surveillants.


Tirer les leçons du combat des MI-SE


Premier statut à être attaqué par le gouvernement, avec la création du statut des "assistants d'éducation", le statut des MI-SE le fut dès la rentrée, ou presque. Durant plusieurs mois, les MI-SE ont cherché les moyens de se défendre, de défendre leur statut d'étudiant-surveillant, statut qui permet à des dizaines de milliers de surveillants de poursuivre leurs études ainsi. A partir de novembre, le projet de loi sur les "assistants d'éducation" était connu.

 

Fait important, tout comme ils l'ont fait le 14 mars dernier, les dirigeants syndicaux n'avaient pu, le 27 novembre 2002, que quitter les "négociations" en proclamant "il n'y a pas de base de discussion avec le gouvernement". Mais même alors ils réclamaient – comme aujourd'hui – l'ouverture de "véritables négociations". Et pour quoi? Pour "l'amélioration" du statut. Parler d'amélioration d'un statut en voie de liquidation est grotesque autant que scandaleux. Mais surtout c'est signifier: "négocions, changeons ce statut que vous voulez détruire". Qui ne reconnaît l'esprit de la déclaration commune sur la décentralisation et les transferts de personnels?

 

Mais dans plusieurs académies, comme Rennes, Nantes, la Corse, un réel mouvement de grève perdurait. Naturellement, les dirigeants syndicaux appelaient localement à "reconduire la grève localement là où les conditions sont réunies", selon la formule consacrée. C'est à dire, outre "d'appeler" les MI-SE à faire … ce qu'ils faisaient sans qu'on les y appelle, à ce qu'ils restent isolés. De nombreux collectifs académiques furent créés, le plus souvent à l'impulsion de militants SUD ou CNT, poursuivant de leur côté le travail d'isolement et de cordon sanitaire organisé par les dirigeants du SNES. Au lieu d'en appeler à la mobilisation unie de tous pour défendre les statuts de tous, de relier ceci à la loi constitutionnelle sur la décentralisation alors en discussion, d'ouvrir une perspective d'action unie de tous les personnels, par exemple d'une manifestation sur ce seul point à Paris, les surveillants étaient laissés à eux-mêmes. Les directions syndicales imposent des journées d’actions, les collectifs organisent les leur.

 

Les mêmes organisations gauchistes dirigeants les collectifs ont notamment participé à l'isolement en avançant des revendications tournées, elles, contre la défense du statut, en particulier celle de la "titularisation sans conditions de tous les aides-éducateurs", au lieu de la revendication élémentaire: "aucun licenciement d'aide éducateur".

 

Dans ce dispositif, la manifestation nationale du 8 décembre sur des "revendications" qui n'en sont pas et noyant toutes les questions devait servir de conclusion. Mais en janvier, un nouvel élément venait fournir une possibilité de centraliser le combat de tous les personnels en défense des statuts: l'annonce du passage du projet de loi – dont le contenu a "évolué" suites aux discussions avec les dirigeants syndicaux - à l'Assemblée. Comme l'indique alors un texte signé dans six académies à notre initiative, la question est posée d'une manifestation centrale et nationale de toutes les catégories à l'Assemblée pour le retrait de ce projet de loi.

 

Le 6 février, lors d'une manifestation où les surveillants sont baladés dans Paris toute la journée tandis que les directions syndicales se sont présentées docilement au Conseil Supérieur de la Fonction Publique qui examine le projet, cette proposition est diffusée et discutée par des dizaines et dizaines de surveillants et emplois-jeunes.

Le 12 mars, une réunion à Paris de plusieurs représentants de collectifs académiques avec les représentants des directions syndicales accouche d'un texte caractérisant le projet d'assistant d'éducation comme une "agression contre toutes les catégories", et, s'adressant à "l'ensemble des personnels", se conclut en proposant que les signataires, soit les organisations syndicales : 

« décident d’appeler à la grève et à manifester nationalement à Paris, le jour du débat du projet de loi à l’Assemblée nationale… ».

 

Ce texte comporte dans le même temps tout l'attirail nécessaire à annihiler ce mot d'ordre. Mais là n'est pas l'essentiel. Le lendemain, les dirigeants SNES, FERC-CGT, avec le SGEN et l'UNSA Education, se réunissent à Paris. Ils décident d'enterrer cet appel et d'utiliser la journée de grève du 18 mars pour s'opposer au combat des surveillants pour briser leur isolement. Malgré d'ultimes tentatives pour passer par dessus ce barrage (voir l'appel publié dans ce numéro), et sous couvert de la comédie parlementaire jouée par le Parti Socialiste (3000 amendements…) le projet devrait maintenant être voté. Le 18 mars, ce qu'il reste des "collectifs" de surveillants défilent en opposition aux organisations syndicales sous la houlette des organisations anti-syndicales que sont la CNT et Sud-éducation. Or précisément, la question de l'unité des organisations syndicales contre le gouvernement et sa politique , du combat pour sa réalisation, est fondamentale.


Les élections professionnelles ont rappelé que les syndicats étaient incontournables


Pour qui douterait de la nécessité pour les enseignants et l'ensemble des personnels de briser la résistance des appareils syndicaux pour que les syndicats jouent leur rôle, celui d'instruments de combat des enseignants, les élections professionnelles apportent une réponse claire.

 

Malgré le tassement de leur influence, malgré leur perte relative en voix, les organisations syndicales de l’enseignement réalisent toujours des scores significatifs. Les personnels ont encore voté majoritairement pour les syndicats de catégorie, non pas pour approuver leur politique – comme en témoigne par ailleurs la baisse relative de leurs scores – mais pour marquer leur attachement à ce que le gouvernement veut détruire: le statut. A cet égard, le mouvement politique qu'est SUD progresse (écho sans doute de la progression de l'extrême gauche aux élections présidentielles), mais de manière très limitée. Les syndicats FO de l'enseignement, malgré leur discours radical, restent marginaux et baissent.

 

Encore faut-il détailler. Dans le premier degré, Le SNU-IPP progresse légèrement en pourcentage (frôlant les 44%) mais perd des voix, comme toutes les organisations syndicales enseignantes majeures. Le SE poursuit lui sa baisse (32% en 1996, 27,5% en 1999, 24,2% en 2003). Reste qu'on ne peut le considérer comme liquidé en tant que syndicat enseignant, quand bien même sa place au sein de l'UNSA via la filiale "éducation" ne peut qu'aboutir là.

 

Dans le second degré – collèges et lycées - (où Sud dépasse les 5%), le SNES tombe à 51% (55% en 1999, 57% en 1996). A noter que dans l'enseignement professionnel, au terme d'une campagne où il a dénoncé régionalisation et soumission au patronat, le SNETAA exclu de la FSU est resté en tête (33% contre 42% en 1999). Le syndicat scissionniste créé par la direction FSU est resté très faible (8,5%). La CGT recule légèrement (de 24% à 23%).

 

Le combat des enseignants et de tous les personnels ne peut passer par dessus la réalité: le combat pour imposer aux directions syndicales les volontés des personnels demeure absolument incontournable. S'y refuser ne reviendrait qu'à vouer l'ensemble des personnels au sort des surveillants.


En défense du code des pensions, en défense du statut:
combattre pour l'appel uni à la grève générale de l'enseignement public


Depuis des mois, dans le prolongement de leur appel à voter Chirac en mai dernier, les appareils syndicaux développent une politique visant à démoraliser les enseignants et les personnels, visant à casser leur potentiel de combat à coup de journées d'actions à répétition, catégorielles quand ce n'est pas académiques.

 

Depuis des mois, leur volonté de poursuivre à tout prix le dialogue social, leur refus de rompre avec le gouvernement le plus réactionnaire depuis des décennies, ont considérablement rapproché le gouvernement Chirac-Raffarin-Ferry de son objectif, de la réalisation d'objectifs fondamentaux pour la bourgeoisie française aussi bien sur les retraites que sur la "réforme"-démantèlement de l'enseignement public.

 

Et pourtant, rien n'est encore fait. En 1993, quelques mois après l'élection de la majorité RPR-UDFla plus écrasante qu'il soit, les enseignants du premier degré imposaient l'appel uni des syndicats à la grève le 17 décembre contre l'abrogation de la loi Falloux. Cette mesure de financement sans limite des établissements privés et confessionnels, première d'un train de contre-réformes réactionnaires planifiées par le gouvernement Balladur-Pasqua, était retirée alors qu'un million d'enseignants et parents d'élèves manifestaient à Paris le 16 janvier. Etait ainsi ouverte la voie à d'autres mouvements, à commencer par celui contre les C.I.P., ou "Smic-jeunes", deux mois après. En novembre-décembre 1995, quelques mois après l'élection de Chirac, les enseignants faisaient massivement grève et manifestaient par centaines de milliers, et, aux côtés des travailleurs de la SNCF, de la RATP, de la Poste, des hôpitaux, notamment, obtenaient le retrait de la partie du plan Juppé détruisant les régimes particuliers de retraite.  En février mars 2000, depuis les instituteurs et professeurs des écoles du Sud de la France aux professeurs de lycées professionnels en passant par toutes les catégories, les enseignants engageaient l'un des pus importants mouvements qui l'ait été contre le gouvernement Jospin de "gauche plurielle".

 

Aujourd'hui, face aux attaques conjointes du gouvernement contre le code des pensions et des statuts, contre les "réformes" des retraites et de la décentralisation, il n'est d'autre solution et issue que de combattre sur la ligne d'imposer aux directions des organisations syndicales de l'enseignement public, des fédérations (FSU, FO, CGT) et des syndicats nationaux y compris ceux issus de l'ex-FEN:

- qu'ils exigent le retrait de la "réforme des retraites" et se prononcent pour le maintien sans condition du code des pensions

- qu'ils rejettent la décentralisation/démantèlement de l'enseignement, pour la défense des statuts

- qu'en conséquence ils rompent toute discussion, concertation avec le gouvernement sur ces questions et en particulier qu'ils prennent position pour le boycott du groupe de travail gouvernemental sur les retraites

- qu'ils adressent dans l'unité l'ultimatum au gouvernement: "retirez ces contre-réformes immédiatement, sans quoi nous appellerons à la grève générale de l'enseignement public".

 

Il s'agit maintenant de prendre les initiatives nécessaires pour organiser une force combattant dans l'enseignement public sur cette ligne.


 

Le 21 mars  2003

 

Haut

 

Retour à la section: enseignement

 

Retour à l'accueil