Comment briser l'offensive généralisée du gouvernement UMP Chirac-Raffarin contre le prolétariat et la jeunesse
A couvert de l'Union nationale, le gouvernement fait
la guerre aux travailleurs et aux jeunes.
Au moment même où l'ensemble des appareils du mouvement
ouvrier (partis, directions syndicales) s'alignent derrière la politique de
"paix impérialiste" de Chirac pour le Moyen-Orient, au moment même où
Raffarin peut se féliciter en conséquence à l'Assemblée nationale (le 18 mars)
de "l'unité de toute la nation derrière les positions de la France,
défendues par le Président de la République", le
gouvernement Chirac-Raffarin a engagé au travers de sa "réforme"
destructrice des régimes de retraite, une nouvelle phase, cruciale, de la
guerre à outrance contre le prolétariat – et notamment les travailleurs de la
fonction publique.
François Hollande, premier
secrétaire du PS, pouvait toujours affirmer le 11 mars dernier que, tout en
soutenant "la position de la France contre une guerre en Irak",
il entendait "être offensif sur la politique intérieure et maintenir
son rôle d'opposant au gouvernement". La réalité est que le soutien
apporté à Chirac dans la défense des intérêts de l'impérialisme français au
Moyen-Orient et sur la scène internationale permet de mesurer ce qu'est le
"rôle d'opposant" du PS: une opposition de sa majesté. Hollande – comme
Buffet et les directions syndicales, tous au diapason de Chirac sur la question
irakienne – clament leur refus total de mettre en cause l'existence du
gouvernement. Celui-ci s'en réjouit: "
"Cette crise va favoriser les choses en créant un réflexe d'union
nationale"(propos rapportés par le Monde du 20/03).
Or, la question que pose la
brutalité croissante de l'offensive contre les masses laborieuses et la
jeunesse est celle du gouvernement Chirac-Raffarin, du combat contre lui, pour
lui infliger une défaite majeure. Si l'on prend le calendrier des prochains
mois, que Raffarin peut à ce jour se vanter de "tenir à la semaine
près", sont en effet prévus:
- la "réforme des
retraites" de destruction du code des pensions, des régimes spéciaux et
avec eux de nouveaux coups contre le régime général, qui doit être votée au
plus tard en juillet au Parlement.
- les lois de
"décentralisation", lois organiques et lois de "transfert de
compétences" aux collectivités territoriales qui marqueraient le
démantèlement de pans entiers de la fonction publique, des corps de
fonctionnaires d'Etat – transferts devant être votés dans la foulée de la
"réforme des retraites"; un bond en avant dans la politique de
démantèlement de l'enseignement public et des universités.
- A l'automne, un budget de
suppression en masse de postes et de sabrage des crédits sociaux en tout genre
dont les premières annulations de crédits déjà annoncées (pas pour les capitalistes!) ne sont qu'un avant-goût.
- Encore à l'automne, une
nouvelle "réforme de la Sécurité Sociale", dont les premiers éléments
(rapport Chadelat) indiquent qu'elle doit être d'une
ampleur équivalente à ce que fut le plan Juppé de 1995: s'en prendre
fondamentalement au droit aux soins.
- Concomitamment à cette
"réforme" de la Sécurité Sociale et à la décentralisation:
le "plan hôpital 2007" qui devrait franchir - avec la loi de
financement de la sécurité sociale - un palier qualitatif vers la mise en pièce
de l'hôpital public..
- D'ici décembre, la
conclusion des "négociations interprofessionnelles" sur le droit du
travail en matière de licenciements, licenciements dont la canonnade incessante
rythme la politique gouvernementale.
Voilà le cortège ultra-réactionnaire
qui s'avance et dont la "réforme des retraites" ouvre la marche,
celle dont Fillon dans Le Parisien du 26/02 résumait l'enjeu:
"le
gouvernement perdrait toute espèce d'autorité s'il reculait".
Les objectifs de la contre-réforme des retraites sont
parfaitement connus
Se réunissant le 17 mars, les
directions confédérales et fédérales CGT, FO et FSU, flanquées de l'UNSA
(implantation dans l'enseignement oblige), décidaient d'appeler à une "grande
journée de mobilisation, avec des manifestations et des arrêts de travail pour
l'amélioration et la garantie de notre système de retraite", répondant
ainsi à la demande de six des sept fédérations de fonctionnaires (toutes sauf …
la CFDT). Dans cet appel conjoint, les dirigeants syndicaux précisaient ceci:
" Il importe que les
salariés et les retraités dans l'unité, fassent à nouveau entendre leurs
exigences et cela pour peser sur les choix du gouvernement avant qu'il ne les
arrête"
Disons-le froidement:
cet objectif est un chef d'œuvre de duplicité. Tout le monde sait parfaitement
que le gouvernement a depuis longtemps arrêté ses "choix":
ce sont ceux du Medef, des capitalistes. Il suffisait pour s'en convaincre
d'avoir lu le programme de Chirac, d'avoir entendu les exigences du Medef
(Sarkozy –Guillaume - revendiquant sans se cacher le passage rapide à 42,5
annuités pour tous et "quarante et une tout de suite"), mais plus
encore d'avoir entendu le discours de Raffarin devant le Conseil Economique et
Social le 3 février.
Mettant les points sur les "i",
Fillon, chargé du dossier, interviewé dans Le Parisien du 26/02, a
pourtant été particulièrement prolixe, annonçant sa volonté de faire passer
"en priorité" les fonctionnaires à quarante annuités et de les
aligner sur le régime général, préalable à l'allongement "tous les cinq
ans" pour l'ensemble des travailleurs salariés, de la durée de
cotisation. Corollaire de la baisse brutale des pensions:
les fonds de pension.
Deux jours plus tard,
précision supplémentaire donnée par J-P Delevoye dans
France-Soir:
tous les régimes particuliers devraient subir le sort de celui d'EDF-GDF:
"Les régimes spécifiques,
comme ceux de la SNCF, d'EDF ou de la RATP, font partie du passif de ces
entreprises, c'est à elles de les faire évoluer (…)
Ces régimes doivent être intégrés
dans leur plan de développement afin que les entreprises publiques soient
capables d'assurer à la fois leur fonctionnement et le système de retraite qui
leur est lié."
Mais
leur fallait-il encore, le 17 mars, d'autres informations?
Le 12 mars, rencontrant le ministre de la Fonction publique, les dirigeants des
fédérations de fonctionnaires en avaient tout leur soûl, comme le confirme
l'interview de Bernard Lhubert, de la fédération CGT,
dans L'Humanité du lendemain:
"Le ministre, qui est
sous la pression des organisations syndicales [sans rire – Ndlr], propose de
travailler huit thématiques, toutes significatives du danger qui existe d'une
remise en cause des droits existants et d'une baisse considérable du niveau des
pensions.
Il avance la possibilité de
créer une caisse pour les fonctionnaires de l'Etat, proposition qui était déjà
d'Alain Juppé en 1995. Il cible la durée des cotisations, pour l'allonger de
37,5 à 40 ans. Il suggère la mise en place d'une décote ou surcote,
selon que le salarié candidat au départ a, ou non, atteint son nombre
d'annuités, ce qui signifie l'introduction du dispositif Balladur dans le
public.
Au nom de l'équité, le
ministre demande à examiner le salaire de référence pour le calcul des
pensions, qui est aujourd'hui basé sur les six derniers mois dans la fonction
publique et non sur les vingt-cinq meilleures années. Il aborde la question
incontournable de l'intégration des primes dans le calcul des droits, en
spécifiant que la mesure est trop coûteuse, et proposant la mise en place d'un
régime complémentaire, type AGIRC-ARCO.
Il demande à revoir la
péréquation, qui permet que les retraités bénéficient des évolutions de
carrière des actifs. Il veut revenir sur les avantages familiaux suite à
l'arrêt européen du 15 mars, qui stipule qu'il doit y avoir égalité de
traitement entre les hommes et les femmes.
Le risque est qu'un certain
nombre d'avantages octroyés aux femmes, comme le droit de prendre sa retraite
au bout de quinze ans de cotisations avec trois enfants, disparaisse purement
et simplement. Enfin, le ministre invoque le besoin d'apporter des réponses
créatives pour sécuriser le système de financement."
Création d'une caisse de
retraite et d'un régime complémentaire, fin du calcul sur les six derniers
mois, passage à quarante annuités… c'est la liquidation du Code des pensions.
Chaque journée de concertation rapproche le
gouvernement de son objectif
De même que ses objectifs, le
calendrier du gouvernement est parfaitement connu. Après avoir installé un
groupe de travail réunissant à ses côtés l'ensemble des directions syndicales
et se réunissant très fréquemment, après avoir décliné celui-ci de manière à y
associer les directions des fédérations de fonctionnaires, et d'abord celle de
la FSU, une nouvelle concertation, plus large, courant avril doit avoir lieu.
Fin avril ou début mai, le projet de loi sera "dévoilé", si l'on ose
dire tant son contenu est éventé depuis des mois. Enfin, le Parlement "aura
le dernier mot" (Fillon dixit) fin juin voire même en juillet – date
déjà choisie par Balladur en 1993 pour s'en prendre au régime général.
Les
quelques semaines qui viennent sont donc décisives dans le combat en défense
des régimes particuliers de retraite, du code des pensions, et au travers elle
le refus de l'aggravation de la situation dans le régime général.
C'est
à partir de là qu'il faut apprécier ce que représente, en particulier dans ces
circonstances, la participation des dirigeants confédéraux au "groupe de
travail" du gouvernement après les discussions régionales dans les
Conseils Economiques et Sociaux.
Les
dirigeants confédéraux et fédéraux CGT, FO et FSU, sont
montés à bord du train du gouvernement, train dont ils connaissent le terminus
(la destruction des régime de retraite), le parcours, et les stations. Lors du
passage De celles-ci ils accompagnent le passage du train par des appels à des
journées d'actions comme celle du 3 avril. Les déclarations à la Blondel
prétendant mettre à l'immédiat ordre du jour le "retour aux 37,5
annuités pour tous" sont une couverture, de la participation aux
discussions. Le train gouvernemental ne peut être "détourné" de son objectif: il faut l'arrêter, et pour cela que les directions
des organisations dont c'est le rôle en descendent, qu'elles rompent avec le
gouvernement.
Mais,
bien qu'ayant proclamé (Thibault – CGT) que les discussions étaient "proches
du point de rupture", les dirigeants confédéraux et fédéraux les
poursuivent. "Proche de la rupture", mais du "bon" côté
gouvernemental et pas un pouce plus loin! Selon le
Figaro du 1er mars, Le Digou (CGT) a même déclaré lors de la première réunion du
"groupe de travail": "je suis à côté de la porte mais je n'ai
pas du tout l'intention de partir".
La signification politique de
la participation au "groupe de travail" signifie à l'adresse de
l'ensemble des travailleurs qu'il serait possible de trouver un accord avec le
gouvernement alors que celui-ci entend détruire les régimes des retraites.
Sinon, pourquoi discuter et non combattre?
Pour
les dirigeants syndicaux, il serait nécessaire de "réformer" les
régimes de retraite, "démographie" oblige. Mais la réalité est
simplement que l'Etat et les patrons veulent baisser le coût pour eux des
pensions et retraites, baisser le salaire indirect des travailleurs. Et que le
rôle des organisations syndicales face à une telle offensive n'est pas d'y
prêter leurs concours, de s'associer, mais bien de la combattre.
La
responsabilité des dirigeants confédéraux CGT et FO, des dirigeants de la
fonction publique FSU, CGT et FO, au lieu de contribuer à l'acheminement du
train gouvernemental, c'est de quitter le "groupe de travail" et
toutes instances de concertation avec le gouvernement sur les retraites, et de
lui lancer un ultimatum clair et net:
"retirez
votre "réforme" sans quoi nous appellerons à la grève générale au moins de la fonction et des entreprises
publiques, pour la défense inconditionnelle du code des pensions et des régimes
spéciaux, pour refuser tout trimestre de cotisation en plus, public comme privé".
EDF-GDF: contre le
"non" des agents, la concertation à l'œuvre
Nulle part on ne peut mesurer
aussi bien ce à quoi aboutit la concertation qu'à EDF-GDF, dont le régime de
retraites (celui de toute la branche) a été le premier pris sous le feu du
gouvernement.
Dans un premier
temps, après la puissante démonstration des agents, le 3 octobre 2002, la
"concertation" a permis d'associer la direction CGT à la définition
d'un protocole d'accord liquidant le régime spécial de la branche, en y créant,
comme le gouvernement se propose de le faire dans toute la fonction publique,
une caisse de retraite devant s'autofinancer en lieu et place d'un
"salaire d'inactivité" payé directement par l'entreprise (avec
augmentation immédiate des cotisations), "adossant" le régime
d'EDF-GDF sur le régime général, préparant ainsi l'allongement de la durée de
cotisation.
Mais, une première fois, en
décembre, le refus des agents, se manifestant sous la forme de motions et
pétitions adressées à la direction de la CGT Energie (et s'appuyant aussi sur
le refus de la fédération FO de participer aux négociations) interdisait à la
direction de celle-ci de signer le protocole. Pour se le permettre elle
demandait alors et obtenait sans peine de la direction que cette dernière
organise un référendum particulièrement anti-démocratique, seuls
les partisans du "Oui" pouvant en réalité s'exprimer. Une telle
méthode – que l'organisation syndicale des travailleurs abdique son
indépendance et fasse déterminer sa position par un référendum par nature
anti-démocratique - est fondamentalement destructrice pour le syndicalisme
ouvrier, et que la direction CGT l'ait demandé est un acte grave.
Dans le cadre de la
"campagne électorale" truquée ainsi enclenchée, Denis Cohen,
secrétaire fédéral de la CGT, prenait position pour le "oui" au
dernier moment – mais certains syndicats CGT avaient eux pris position pour le
"non". A 53% (60% parmi les travailleurs actifs), le protocole était
rejeté. La direction CGT subissait un camouflet. Pour la deuxième fois, les
travailleurs lui imposaient de ne pas signer. Preuve, valable au delà de la
seule branche énergie, que les travailleurs peuvent dicter leurs volontés aux
organisations syndicales.
Naturellement, le
gouvernement n'allait pas pour autant battre en retraite sans combattre. Raffarin
et Mer ont annoncé aussitôt qu'un projet de loi modifiant le statut d'EDF-GDF
(privatisation, régime des retraites) serait présenté avant l'été sur la base
de ce protocole. Mais, tout en mettant ainsi les agents d'EDF au défi de le
combattre, le gouvernement prend soin de les priver des instruments du combat.
Dans une lettre adressée à la direction en février, F.Mer se disait en effet
"sensible aux inquiétudes exprimées par les salariés" et demandait à
la direction d'organiser en conséquence … de "renforcer le dialogue",
en s'assurant que les "organisations patronales et syndicales soient
étroitement associées à ce processus" et "puissent formuler leurs
avis et propositions". Aussitôt la direction d'EDF-GDF annonçait la mise
en place d'un "groupe de travail" des signataires et d'une
"commission paritaire" ouverte à tous sur la question de
l'application du protocole. La direction fédérale CGT appelait alors, dans la
division, à une "journée d'action" pour le 12 mars, jour de la tenue de cette commission,
annonçant:
"Le 12 mars, les
organisations syndicales sont convoquées pour débattre de la mise en œuvre du
relevé de conclusions, sur des questions d’améliorations mais aussi sur la mise
en œuvre de la réforme du financement.
La CGT ira à cette réunion à
partir des exigences des personnels et ce qu’ils ont exprimé le 3 octobre, dans
ses suites jusqu’aux 9 janvier et 1er février. Elle réaffirmera à
l’occasion de cette réunion, la nécessité de respecter la parole des agents et
exigera des négociations sur les revendications des agents." (communiqué du 13 février).
Que finalement la réunion
prévue n'ait pas eu lieu, suite à l'envahissement des locaux par les
manifestants, est une chose. Mais l'affirmation essentielle de la direction de
la CGT à EDF est qu'elle veut poursuivre le "dialogue social" et donc
ne pas combattre la Direction et le gouvernement. Voilà pourquoi elle se refuse
à s'engager sur la seule voie qui puisse mettre en échec le gouvernement au
lieu des journées d'action à répétition, corollaire de la poursuite du
"dialogue social", celle d'aller vers l'appel dans l'unité des
organisations syndicales à la grève générale d'EDF-GDF pour le retrait du
protocole de destruction du régime spécifique de la branche, celle de l'appel
dans l'unité à manifester à l'Assemblée pour le retrait du projet de loi
entérinant le protocole.
Est-il besoin de préciser que
ces conclusions ne sont pas limitées à la seule branche Energie?
Sans engager le combat contre le gouvernement, sans chercher à le vaincre, la
défaite est certaine – et la responsabilité pleine et entière d'engager ce
combat est celle des directions des organisations syndicales.
La décentralisation contre les corps de fonctionnaires d'Etat et
contre tous les travailleurs et la jeunesse
Le 17 mars, réuni en Congrès,
députés et sénateurs entérinaient la réforme constitutionnelle sur la
décentralisation. A cette occasion, l'orateur de l'UMP soulignait que la
décentralisation devait servir à "vaincre les résistances et les
archaïsmes". Quelques
jours plus tôt, le 28 février, à Rouen, Raffarin en concluant les "assises
des libertés locales" cernait quelle "résistances" il s'agit de
"vaincre": celle qu'opposent par leur seule
existence les corps de fonctionnaires d'Etat. Raffarin a en effet précisé nettement
quel seraient les contours des lois à venir (lois
organiques et lois portant sur les "transferts de compétences"). Il
s'agit dans un premier temps de supprimer 150 000 postes de fonctionnaires
d'Etat. Un "plan social" record, dont l'enseignement public est la
principale victime (voir l'article consacré à la question dans ce numéro de
CPS), à commencer par la totalité des personnels ouvriers et de service de
l'enseignement public, prélude à la privatisation pure et simple de leurs
missions. Avec la "réforme de l'Etat", la décentralisation doit
permettre de diminuer sensiblement, espère le gouvernement UMP, le nombre de
fonctionnaires.
Mais il faut y insister: la "décentralisation" – que le vote de
la loi constitutionnelle ne fait qu'engager – est un levier pour détruire
nombre d'acquis pour tous les travailleurs. Parmi les transferts de compétences
annoncés par Raffarin, ceux portant sur le domaine de la Santé sont
significatifs. D'une part, liquidation de la santé scolaire – fusionnée avec
les dispositifs existants dans les départements. Mais surtout – c'est un des
volets du plan "hôpital 2007" – la régionalisation de la carte
hospitalière et sanitaire serait réalisée. A la clé:
des fermetures en cascades de services publics de santé au profit du privé (notamment
via la généralisation de la tarification à l'acte) du privé, ou …du néant.
En matière de droit à
l'éducation, la décentralisation confie la totalité de l'orientation et des
formations professionnelles aux Régions, en réalité au patronat. Dans le même
temps sont annoncées des modifications de statut des établissements
secondaires, et primaires, une nouvelle loi sur l'autonomie des universités. Il
s'agit de franchir un pas décisif vers la destruction de tout caractère
national à l'enseignement et aux diplômes.
Ajoutons
enfin le transfert de la gestion du Rmi aux
départements – et sa transformation en "revenu minimum d'activité",
c'est à dire la mise au travail forcé des allocataires sous peine de perte de
cette allocation déjà minime; le transfert de la gestion des logements
étudiants aux départements (menaçant l'existence de l'ALS), et enfin le
transfert de la gestion transports en Ile de France à la région, et l'on
comprendra que la lutte contre les lois à venir, lois organiques et de
transfert est un enjeu pour tout le prolétariat.
Or les directions syndicales
n'ont en réalité pas levé le petit doigt contre le vote de la loi
constitutionnelle après avoir, bon an mal an, participé aux "assises des
libertés locales" qui ont frayé la voie à la tenue du congrès. Certes, le
vote de la loi constitutionnelle ne fait qu'engager les choses. Sans les lois
organiques et de transfert de compétences, la réforme constitutionnelle
resterait lettre morte. Mais le fait que les directions syndicales n'en aient même
pas exigé le retrait et s'apprêtent à négocier les transferts de personnels
augure mal de la suite: les travailleurs auront à leur
imposer qu'ils combattent pour le retrait des lois "organiques" à
venir - encore une fois qu'ils rompent avec le gouvernement Chirac-Raffarin, le
combattent.
47ème Congrès: la
direction confédérale CGT va au-devant des désirs des licencieurs, du
gouvernement
C'est à l'opposé de cette
orientation que se situe le 47ème congrès de la CGT qui se tient fin
mars à Montpellier. Depuis la disparition de l'appareil internationale du
stalinisme avec feu la bureaucratie stalinienne en URSS, congrès après congrès,
l'appareil CGT a ces dernières années donné le ton pour l'ensemble des
appareils syndicaux. La place particulière d'apparence plus
"radicale" qu'il a occupé des décennies durant dans la lutte des
classes en France a donné un relief tout particulier aux précédents congrès,
lors desquels elle a relégué d'abord au musée des accessoires la référence à la
lutte des classes et au combat pour en finir avec l'exploitation capitaliste,
puis (lors du 46ème congrès), s'est faite le chantre du "syndicalisme
de proposition" en lieu et place du prétendu "syndicalisme de
contestation".
Ce 47ème congrès
illustre et concrétise ce qu'il en est du "syndicalisme de
proposition". Alors que les licenciements se succèdent à un rythme
effréné, l'appareil confédéral a mis au
centre des discussions la proposition d'obtenir ce qu'elle nomme une
"grande avancée sociale", la "sécurité sociale
professionnelle ", et corrélativement la création d'un
"nouveau statut du travail salarié":
"que
tout salarié bénéficie quelles que soient les circonstances, d'un ensemble de
droits individuels, garantis au plan interprofessionnel, opposables à tout
employeur et transférables d'une entreprise à une autre : droit à
l'intégration dans un emploi, droit à la formation continue, droit à une
carrière professionnelle, droit au maintien d'un contrat de travail en cas de
suppression d'emploi, continuité des droits pour le calcul de la retraite,
droit à l'expression syndicale."
En conséquence, le
"contrat de travail" serait valable tout au long de la vie
professionnelle du salarié, garanti par une nouvelle branche de la sécurité
sociale, la "sécurité sociale professionnelle".
En termes crus: la direction
confédérale CGT propose de "socialiser" la précarité, les
licenciements, le chômage; elle appelle à s'en prendre à la notion même de
contrat de travail, et s'affirme par avance en faveur d'une "réforme"
de la Sécurité Sociale, au lieu de défendre les acquis des travailleurs et
leurs revendications au premier rang desquelles on trouve: "aucun
licenciement, aucune suppression d'emploi", revendication
contradictoire à celle d'une "sécurité sociale interprofessionnelle".
Alors que
tombent les plans de Metaleurop à Matra automobiles,
en passant par une multitude d'entreprises de la métallurgie, la position de la
direction CGT (saluée à l'avance par Seillière) c'est justifier les
négociations discrètes ou non (comme la participation, à la conférence pour
l'emploi du 18 mars) menées avec le gouvernement, sur la mise en pièce du droit
des licenciements (en application de la loi Fillon), des "règles" de
la négociation collective, tout comme elle discute avec le patronat (ainsi que
la direction FO) de la formation professionnelle.
Dans le même temps, au moyen
d'une réforme du système de cotisation, qui transiteraient d'abord par la
confédération avant d'être redistribuée, la direction confédérale veut se doter
d'un moyen de pression pour casser dompter et briser la structuration de la CGT
en syndicats et fédérations, pour accélérer le développement des structures
syndicales "régionales" ou de site. Assortie d'une "charte
syndicale", la tentative de faire main basse sur l'ensemble des cotisations
serait aussi un instrument pour faire taire les résistances internes à la
transformation de la CGT en "force de proposition", sur un modèle
inspiré directement par la ci-devant catholique CFDT.
Tout ceci ne va pas sans
provoquer des résistances au sein de la Confédération, jusqu'au sein de
secteurs de l'appareil mis sur la sellette par cette réorganisation, et plus
largement se faisant l'écho du refus par de nombreux syndiqués du cours de la
direction. Même contrôlé par l'appareil, la préparation du congrès en témoigne,
au vu de l'abondance des contributions de syndicats ou de fédérations
s'opposant parfois sans appel à la "réforme" des structures
confédérales. Pour résumer: ce n'est pas un hasard si le gouvernement attend
que soit passé le congrès de la CGT et que Thibault et ses acolytes aient fait
passer leur ligne avant de lever définitivement le voile sur sa "réforme
des retraites".
"L'année 2003 est une année désignée pour la
réforme" (Seillière)
A sa manière, le congrès de
la CGT concentre les nombreux problèmes politiques auxquels prolétaires et
jeunes sont confrontés, et en premier lieu la nécessité de se réapproprier
leurs organisations syndicales pour combattre, la nécessité d'imposer le front
unique des organisations ouvrières (partis, syndicats) contre le gouvernement
et sa politique. D'en finir avec les journées d'actions dispersées et à
répétition qui vont de pair avec la poursuite des négociations sur tous les
plans avec le gouvernement, et dont ce début de printemps offre une nouvelle illustration: 12 mars à EDF, 18 mars dans l'enseignement et
à la SNCF, 21 mars une journée d'action "pour l'emploi" et 3 avril
dans la fonction publique sur la question des retraites, deux jours avant le
début du "tunnel" des vacances scolaires de printemps.
De combattre pour qu'elles
adressent l'ultimatum au gouvernement: qu'il retire
immédiatement ses plans scélérats, sans quoi elles appelleront à la grève
générale.
Répétons-le:
avec son offensive contre les régimes de retraite, le gouvernement Chirac-Raffarin
engage une nouvelle phase de son action politique, celle des
"réformes" décisives. Le 18 mars, lors d'une conférence de presse,
E-A Seillière soulignait l'importance des mois qui viennent:
"Nous sommes très
impatients de ce que l’on s’engage dans la voie de la réforme. Nous en voyons
les prémices et nous aimerions que tout ceci se mette en œuvre avec énergie et
intensité. (…)2003 est une année désignée pour la
réforme puisque politiquement un gouvernement qui a une large majorité peut
agir, il n’y a pas d’élections en vue. "
Pour briser l'offensive
gouvernementale et patronale sur les retraites et combattre pour briser la
vague de licenciements qu'ils organisent, les travailleurs auront à imposer aux
directions syndicales qu'elles en finissent avec la concertation sur tous les
plans avec l'ennemi juré de la classe ouvrière qu'est le gouvernement
Chirac-Raffarin. Ils auront à leur imposer l'unité pour combattre ce
gouvernement, imposer le front unique des organisations ouvrières, syndicats
partis, contre la politique de Chirac-Raffarin, contre ce gouvernement.
Combattre sur cette
orientation, c'est nourrir la possibilité que surgisse un mouvement d'ensemble
du prolétariat ou de tel ou tel secteur, c'est indiquer la voie du combat pour
infliger une défaite, porter un coup d'arrêt à ce gouvernement, ce qui mettrait
immédiatement à l'ordre du jour la constitution d'un gouvernement issu du front
unique des organisations ouvrières.
Le 21 mars 2003