Texte paru dans le numéro 1 de Combattre pour le Socialisme (octobre 1984)

Pourquoi ce bulletin

Le titre de ce bulletin " combattre pour le socialisme " et son exergue " On ne peut aller de l'avant si l'on craint d'aller au socialisme " situent clairement l'orientation des militants qui l’éditent. Militants trotskystes, ils estiment que plus que jamais le programme de fondation de la IVe internationale, programme intitulé " l'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe internationale " est actuel : " Sans révolution prolétarienne, et cela dans la plus prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d'être emportée dans une catastrophe ".

Le capitalisme roule vers l'abîme.

Depuis la dernière guerre mondiale, d'innombrables guerres " locales " ont eu lieu, dont la guerre qui oppose actuellement l’Irak et l'Iran est un nouvel exemple. En intervenant en Corée et au Vietnam, l'impérialisme américain a donné à ces guerres une densité destructive et une puissance meurtrière incroyable. La guerre que mène le Kremlin contre le peuple afghan est également terriblement dévastatrice et sanglante.

Depuis plus de dix ans, une crise économique et financière endémique distord l'économie capitaliste. Ces dernières années, elle s'est singulièrement aggravée. L'impérialisme US tente de la surmonter en ayant recours à des " overdoses " de crédits militaires. Leur financement exige la mobilisation des capitaux disponibles dans le monde. Ils le sont par des taux d'intérêt extrêmement élevé, ce qui entraîne la hausse du cours du dollar. Les pays endettés sont généralement les pays économiquement arriérés, dépendants et économiquement et financièrement, semi-coloniaux. La hausse des taux d'intérêt, du cours du dollar, se traduit pour eux par un véritable pillage de leurs, déjà, maigres ressources que la crise économique et financière a de plus, considérablement diminuées. Les autres puissances impérialistes voient leurs capitaux fuir aux USA, mais au moins, ils s'y investissent et rapportent des intérêts. En outre, leur capacité concurrentielle par rapport aux USA est améliorée par suite de la hausse du dollar, ce qui les avantage sur le marché mondial et leur permet même de pénétrer le marché des USA. La politique de l'impérialisme américain n'a toutefois pas relancé l'économie capitaliste dans son ensemble. C'est une fuite en avant, plus dure sera la chute.

Déjà, les pays semi-coloniaux subissent durement les conséquences de la crise et de la politique de " relance " de l'impérialisme US. Leur ruine, leur effondrement économique et financier est prémonitoire de ceux de l'économie capitaliste dans son ensemble. Les forces aveugles du mode de production capitaliste poussent irrésistiblement à la dislocation des rapports économiques et financiers internationaux et nationaux dont résultera une catastrophe sociale sans précédent et de gigantesques convulsions politiques.

Trotsky avait raison : " Le capitalisme n'a plus d'avenir, à moins qu'on considère comme telle l'agonie prolongée de la mort ".

Le socialisme c’est...

Le 10 mai 1981, la classe ouvrière, la population laborieuse française, ont, par leur vote, chassé du pouvoir Giscard d'Estaing. Ils ont élu président de la république Mitterrand, principal dirigeant du parti socialiste. Les 14 et 21 juin ils ont chassé de l'assemblée nationale nombre de RPR et d'UDF. Ils ont élu une majorité absolue des députés du PS et de nombreux députés membres du PCF. Ce vote était clair. La classe ouvrière, la population laborieuse chassaient du pouvoir les représentants du capital, les partis bourgeois. Elles y portaient les représentants de partis qui se réclament du socialisme, du communisme. Elles signifiaient ainsi ce que leurs instincts et leur expérience de classe leur avaient appris : " pour aller de l'avant il faut s'engager sur la voie qui mène au socialisme ".

Mais que veut dire " s'engager sur la voie qui mène au socialisme " ? La question doit être posée. L'honneur n'est-il pas revenu au prolétariat russe de commencer la révolution prolétarienne mondiale ; de prendre en octobre 1917, sous la direction du parti bolchevique, le pouvoir, d'exproprier les capitalistes et les grands propriétaires fonciers et de réaliser ainsi les conditions d'un essor extraordinaire de la production sociale ? Et pourtant qu'en est-il advenu?

La révolution russe, l’Etat ouvrier ont dégénéré, entraînant également la dégénérescence de l'internationale communiste. Une bureaucratie privilégiée, parasitaire et contre-révolutionnaire, la bureaucratie du Kremlin, a chassé du pouvoir le prolétariat. Elle a monopolisé le pouvoir politique, elle a transformé l’IC et les PC en instruments de sa politique internationale. Elle a joué un rôle contre-révolutionnaire sans exemple dans le passé. De plus, dans les pays où le capital a été exproprié, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le mouvement des masses n'a pu instaurer le pouvoir des ouvriers et des paysans. Reflets et conséquences de l'existence et du rôle de la bureaucratie du Kremlin, des bureaucraties privilégiées, parasitaires et contre-révolutionnaires ont également monopolisé le pouvoir politique.

Cela ne prouve en rien contre la nécessité de s'engager sur la voie qui mène au socialisme, sur la nécessité du socialisme. Ces régimes n'ont pu s'établir qu'en raison de la brûlante nécessité d'exproprier le capital incapable d'assurer une nouvelle progression de la civilisation humaine ; en raison de l'effondrement des structures économiques et sociales que le capitalisme a provoqué en de nombreuses régions du monde ; en raison de l'isolement relatif dans lequel, le Kremlin et son appareil international ont réussi à maintenir le prolétariat de ces pays par rapport à ceux des pays capitalistes hautement développés ; en raison de l'absence de partis et d'une internationale révolutionnaires ayant une influence de masse. La cause profonde de l'existence de ces régimes c'est finalement le retard de la révolution prolétarienne mondiale, particulièrement dans les pays économiquement développés. Expropriation du capital, nouveaux rapports de production qui en résultent, cohabitent contradictoirement avec ces bureaucraties privilégiées parasitaires et contre-révolutionnaires. C'est pourquoi, celles-ci doivent disposer du monopole du pouvoir politique. Elles ne le peuvent qu'en privant de toutes les libertés, de tout droit politique la classe ouvrière et toutes les autres couches de la société. D'une certaine façon, cela prouve que Lénine avait raison lorsqu'il affirmait dans une formule lapidaire : " le socialisme, c'est le pouvoir des soviets plus l’électrification ". Le socialisme c'est : la démocratie ouvrière qui, à partir de l'abolition de la propriété privée des moyens de production, permet une croissance extraordinaire, sous le contrôle du prolétariat, de la production sociale et de la satisfaction des besoins sociaux.

Le mouvement vers le socialisme.

Les 10 mai, 14 et 21 juin 1981 le prolétariat français a remporté une grande victoire politique sur la bourgeoisie et les partis bourgeois. Certes, il a remporté cette victoire en utilisant le bulletin de vote. Elle ne s'inscrit pas moins dans une nouvelle période de lutte pour le pouvoir ouvrier, pour que s'ouvre la voie qui mène au socialisme. Le soulèvement révolutionnaire du prolétariat à l'est de l'Allemagne en juin 1953, la révolution hongroise des conseils ouvriers de novembre 1956, le mouvement révolutionnaire du prolétariat et du peuple polonais en cette même année 1956, a annoncé cette nouvelle période. Elle s'est ouverte en 1968. En France, la grève générale de mai-juin 1968 mettait en cause le pouvoir bourgeois. En Tchécoslovaquie, la classe ouvrière, les peuples, se dressaient contre la bureaucratie du Kremlin et ses agents. Ils combattaient pour l'indépendance nationale et la démocratie ouvrière. Les processus de la révolution sociale pour renverser la bourgeoisie, exproprier le capital, instaurer un gouvernement et le pouvoir ouvrier, sans engager sur la voie qui mène au socialisme et ceux de la révolution politique pour chasser les révoltes les bureaucraties privilégiées et parasitaire et contre-révolutionnaire, l'instauration d'un gouvernement, d'un pouvoir ouvrier, de la démocratie ouvrière pour établir la gestion sous le contrôle des travailleurs de l'économie planifiée, c'est-à-dire également pour s'engager sur la voie qui mène au socialisme, se rejoignaient.

Sans retracer ici l'enchaînement des combats que les prolétariats de l'est et de l'ouest ont mené depuis, rappelons : la grève des travailleurs polonais de la côte balte en 1970-1971, la révolution portugaise d'avril 1974, la défaite historique que l'impérialisme US a subie au Vietnam. Plus récemment, en juillet 1979 la révolution prolétarienne a balayé Somoza au Nicaragua, une situation révolutionnaire s'est ouverte en de nombreux pays d'Amérique centrale et une situation pré-révolutionnaire dans l'ensemble de l'Amérique latine. En août 1980, la grève générale en Pologne donnait naissance à Solidarnosc et ouvrait un nouveau chapitre de la révolution politique.

Depuis, les prolétariats de France, d'Espagne, de Grèce ont remporté d'importantes victoires politiques en chassant au cours d'élections les partis de la bourgeoisie du pouvoir. Ils ont porté au pouvoir les partis ouvriers pour qu'ils s'engagent sur la voie qui mène au socialisme, mais ceux-ci ont refusé de s'y engager.

La victoire de 1981 trahie.

Au lendemain des élections de 1981, Mitterrand a mis en place un " gouvernement d'union de la gauche ", le gouvernement Mitterrand-Mauroy-Fitermann-Crépeau. Sous son impulsion, le gouvernement a trahi les raisons pour lesquelles la classe ouvrière, la population laborieuse ont chassé Giscard, le RPR et l'UDF du pouvoir et ayant porté le PS et le PCF. Il s'est mis au service de la bourgeoisie et a rejeté sur les épaules des masses populaires les conséquences de la crise du régime capitaliste. Il a aidé de tout son pouvoir les capitalistes. Dès lors, les résultats électoraux du 17 juin 1984 ne sont pas étonnants. Par millions, les travailleurs se sont abstenus. Le PS a considérablement reculé. Le PCF a subi une très dure défaite.

Mitterrand a alors formé un nouveau gouvernement, le gouvernement Mitterrand-Fabius-Crépeau qui poursuit, en l'aggravant, la politique du précédent. Le PCF a refusé d'y participer et de lui voter que " la confiance ", sans pour autant ouvrir une issue. " L'union de la gauche " éclate.

Sous la dictée toujours plus directe et brutale de la bourgeoisie et de ses partis, le gouvernement Mitterrand-Fabius-Crépeau va encore plus loin dans ce sens. Si rien ne vient interrompre ce cours cela signifie : accentuation du chômage, baisse du pouvoir d'achat, mise en cause de tous les acquis et conquêtes de la classe ouvrière, de la population laborieuse et de la jeunesse. L'aboutissement est prévisible : aux prochaines élections à l'assemblée nationale, qu'elles soient anticipées ou non, abstentions massives des travailleurs, retour à une majorité de députés UDF et RPR, plus quelques " lepénistes ", démission de Mitterrand, et élection d'un nouveau président soit UDF, soit RPR ; nouveau gouvernement des partis bourgeois, le tout sur le fond de la division entre le PS et le PCF.

Ce cours peut être renversé.

Ce cours peut être renversé si " l'on ne craint pas d'aller au socialisme ". Il y a toujours une majorité de députés du parti socialiste et du parti communiste français à l'assemblée nationale. Ils peuvent décréter : l'assemblée nationale est souveraine ; elle décide que le gouvernement doit émaner d’elle et répondre devant elle ; elle fait droit aux revendications des travailleurs ; elle garantit le droit au travail pour tous et le pouvoir d'achat de tous ; elle annule toutes les réformes réactionnaires de la Ve république ; elle fait appel aux travailleurs à et s’appuie sur eux ; pour résoudre la crise économique elle décide un plan de production dans le but de satisfaire les besoins immenses des masses populaires, plan élaboré et réalisé sous le contrôle des travailleurs et elle procède aux expropriations des grandes sociétés capitalistes qui seront nécessaires pour financer et réaliser ce plan. Telles sont quelques-unes des mesures que la majorité des députés PS et PCF à l'assemblée nationale pourrait prendre.

Mais les députés du PS et du PCF ont couvert la politique du " gouvernement de l'union de la gauche ". Le Ceux du PS soutiennent le nouveau gouvernement. Le PCF ne participe pas au nouveau gouvernement. Mais il n’ouvre aucune voix, sinon celle de la division et de l'impuissance qui ne peut qu'aider l’UDF et le RPR à reprendre le pouvoir.

Alors pour imposer la volonté des masses exploitées il reste un moyen : préparer les conditions d'une manifestation massive à un million et plus devant l'assemblée nationale pour dicter aux députés du PS et du PCF que nous avons élus nos volontés. Tout ce qui va dans ce sens et positif.

Pour un parti ouvrier révolutionnaire combattant pour le socialisme.

Contribuer à ce que les travailleurs de ce pays s'engagent sur " la voie qui mène au socialisme " et, à ce qu’ils s'insèrent dans ce grand mouvement qui anime le prolétariat international et tend également à s'engager sur " la voie qui mène au socialisme ", à ce qu’ils se dotent des moyens indispensables pour aller vers le socialisme : voilà pourquoi nous publions ce bulletin " combattre pour le socialisme ".

Qui sommes-nous ?

La plupart d'entre nous avons été exclus du parti communiste internationaliste au cours et à la suite de son 28ème congrès, sous un prétexte aussi absurde que mensonger. D'autres ont quitté le PCI il y a plusieurs mois ou plusieurs années. C'est que nous sommes en profond désaccord avec l'orientation que sa direction imprime au PCI. Depuis 1981 elle se refuse à mettre en cause le gouvernement Mitterrand a mis en place et à montrer qu'un autre gouvernement est possible. Elle affirme " il faut rétablir la démocratie ", il s'agit du parlementarisme bourgeois, et s'oppose à l'orientation " On ne peut rien résoudre si l'on craint d'aller au socialisme ". À l'activité pour la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire combattant pour le socialisme elle oppose la construction d'un " parti des travailleurs " sans programme sinon celui de " la démocratie ", dans lequel, inéluctablement, le PCI se dissoudrait. Elle refuse absolument de mettre en avant un programme d'action anticapitaliste et de combattre pour ce programme. Pour notre part, nous estimons que sur l'orientation " s’engager sur la voie qui mène au socialisme " il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire qui doit se prononcer pour le renversement inconditionnel de la Ve république, de ses institutions et militer pour la république ouvrière et socialiste. Un programme d'action anticapitaliste est indispensable à un tel parti. Un tel parti sera un apport décisif à la reconstruction de l'Internationale, dont le prolétariat mondial a besoin pour combattre et vaincre le capital, les bureaucraties parasitaires, s’emparer du pouvoir et dans le cadre de la démocratie ouvrière, construire le socialisme.

Nous ne passons pas pour autant le PCI " aux profits et pertes ". Mais pour le redresser politiquement et organisationnellement, et si ce n'était pas possible pour regrouper le meilleur de ses militants, leur offrir une issue positive, il n'est d'autre moyen que de s'organiser et d'intervenir publiquement pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire combattant pour le socialisme.

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