Supplément à C.P.S n° 80. -(2
novembre 2021)
La crise sanitaire
met à l’ordre du jour
l'actualité du combat pour le socialisme
La
dégradation chronique du système sanitaire a encore démontré sa dangerosité
face à la 4ème vague de Covid19 qui a mortellement frappé les
Antilles cet été.
Avec 427 morts en Guadeloupe et 358 en Martinique
entre le 1er mars
et le 30 août 2021, les îles antillaises ont largement rattrapé la métropole en
nombre de décès dus au coronavirus.
Face au débordement du système de santé, les
soignants appelés en renfort ont découvert une situation sordide, allant
jusqu’à devoir refuser l’accès aux soins intensifs à tous les patients âgés de
plus de 60 ans s’ils déclaraient ne serait-ce qu’un antécédent minime
(hypertension artérielle), à trier les patients qui pouvaient bénéficier de
dispositifs d’administration d’oxygène à haut débit (réservés aux patients les
plus jeunes du fait de la tension sur ces équipements pourtant indispensables),
à faire de la réanimation jusque dans les selfs des hôpitaux.
Notons que le CHU de Guadeloupe avait été ravagé par
un incendie en novembre 2017. Vingt mois plus tard, en juin 2019, plusieurs
services étaient toujours logés dans des locaux provisoires, que le personnel
jugeait inadaptés. Le CHU était alors confronté à de grosses difficultés
budgétaires, avec notamment une dette de près de 49 millions d'euros
auprès de ses fournisseurs. « Ça fait vingt mois qu'on attend, il faut que
les travaux soient vraiment enfin enclenchés. On a encore l'air qui est
rafraîchi par des machines situées au niveau des sorties de secours »,
déclarait Gaby Clavier, ancien secrétaire général de l’Union Générale des
Travailleurs de Guadeloupe. Plus grave encore : de l'eau coule dans les
bâtiments quand il pleut. « Il faut avoir un parapluie pour aller vers la
morgue », racontait le 29 juillet 2020 un employé au micro de la chaîne de
télé locale ETV. La stratégie des autorités sanitaires a jusqu’à
maintenant été de repousser les travaux de réfection des locaux en attendant
l’ouverture du nouvel hôpital. Ce dernier est actuellement en cours de
construction au nord de Pointe-à-Pitre (et qui, au passage, compte un nombre de
lits diminué par rapport à l’établissement existant), mais voit sa date de livraison
sans cesse repoussée, pour l’instant fixée à 2024.
La politique d’austérité que le gouvernement a
persisté à faire peser sur l’hôpital public malgré la crise sanitaire continue
d’aggraver la dégradation de l’offre de soins, avec à la clé une impossibilité
de s’adapter convenablement aux afflux massifs de malades qui sont les lots
répétés de la crise sanitaire.
En effet, l’état financier des établissements de
santé fin 2019 publié récemment par les services du ministère révèle une
situation d’asphyxie avec une chute de l’investissement qui passe de 10 %
des produits bruts d’exploitation en 2010 à 3,9 %. Cette situation
inquiète même le président de la Fédération hospitalière de France qui déclare
que ce niveau est « insuffisant pour assurer à la fois le
renouvellement des installations, les opérations de rénovation lourde et le
financement de l’innovation technologique. »
Il suffit d’explorer les comptes pour découvrir que
chaque année, les hôpitaux versent 1 milliard d’euros d’intérêts aux
banques auxquels s’ajoute 1 milliard d’euros d’économies demandées chaque
année pour soi-disant « équilibrer les comptes de la Sécurité
sociale ».
Rappelons que ce sont les plans
« Hôpital » 2007 et 2012 qui ont consacré la dépendance des hôpitaux
au système bancaire en privilégiant « le levier de la dette pour
financer un plus grand nombre d’opérations ».
Le résultat est sans appel : la dette des
hôpitaux a explosé en 15 ans (de 8,3 milliards d’euros en 2002 à
29,8 milliards en 2016). La rationalisation des coûts a entraîné la
fermeture de 7 % des hôpitaux entre 2013 et 2017, d’une maternité sur
trois entre 1996 et 2016, la suppression de 100 000 lits en 20 ans (plus
de 15 %).
Cette austérité n’épargne pas les services de
réanimation : si le nombre de lits de réanimation a globalement stagné
entre 2013 et 2019 (passant de 5 369 à 5 433 selon un récent rapport
de la Drees, soit une hausse de 1,2 %), la situation sanitaire n’a pas
changé la donne. Le secrétaire général de la Société française d’Anesthésie et
de réanimation (SFAR) déclarait ainsi en janvier 2021 : « Clairement,
il n'y a pas eu d'ouverture de lits […] Ouvrir de nouveaux lits en
réanimation, ça coûterait un pognon de dingue et ça ne servirait à rien en
dehors des crises. Et puis même si on nous donnait 2 milliards
d'euros, on ne pourrait pas créer 2 000 lits de réanimation. On n'a pas de
quoi les faire tourner. On n'a pas assez d'infirmiers et d'infirmières pour
faire tourner le système de santé en France. Il n'y a pas eu d'ouverture de
lits de réanimation, car ce n'était pas une demande d'anesthésie et réanimation
françaises et ce n'était pas une demande du ministère. Ce qu'il faut, c'est
qu'on soit capable de s'adapter, de se redéployer. C'est pour cela qu'on a
plutôt cherché à avoir une structure adaptative. »
Cette stratégie d’« adaptabilité » des
soignants tant vantée par une partie du corps médical, on en connaît le
résultat : pour les patients, des services de soins intensifs éphémères
créée dans les salles de réveil et jusque dans les selfs des hôpitaux lors de
la dernière vague de la crise aux Antilles, au mépris de la lutte contre les
infections nosocomiales (entre autres), et pour les soignants, des burn-out et toutes formes de chantage pour les forcer à
exercer dans les unités Covid où ils ne veulent plus mettre les pieds.
En témoigne des dégâts de cette politique, la
situation dans la réanimation médicale de l’hôpital Nord de Marseille, qui a
accueilli cet été un grand nombre de patients Covid, et où plus d’une vingtaine
de soignants est actuellement en arrêt maladie pour protester contre les
conditions de travail et les mauvaises relations avec l’équipe médicale.
Le
« Quoiqu’il en coûte » pour le patronat, l’austérité pour le système
de santé
Cet ascétisme imposé à l’hôpital dénote avec la débauche
de moyens mis en branle par le gouvernement français pour venir au secours de
son patronat national, ébranlé par la mise à l’arrêt transitoire de toute une
partie de l’économie du fait de la crise sanitaire.
Ainsi, après les 230 milliards d’euros débloqués
depuis mars 2020 en soutien au capital, le gouvernement annonçait à la fin
septembre 2021 un nouveau plan de 30 milliards d’euros.
Les résultats sont là puisque d’après Le Monde
du 5 août 2021, « La plupart des multinationales françaises
ont affiché, au premier semestre, une activité et des bénéfices sans précédent
[…] BNP Paribas, premier établissement de crédit de la zone euro, a même
réalisé le meilleur résultat trimestriel de son histoire entre avril et
juin […] Les entreprises prospères avant la crise le sont davantage
aujourd’hui, les autres ayant tenu grâce au soutien massif, à travers le
dispositif de chômage partiel et les prêts garantis par l’État. » Le ministère des finances
conduit par Bruno Le Maire ne boude pas son plaisir face à cette reprise.
Mais s’il n’y a pas égalité entre la santé de la
sphère financière et celle de l’économie réelle (en témoigne la diminution de
la part de la France dans le commerce extérieur), cette équivalence est encore
moins valable pour ce qui concerne le sort réservé aux travailleurs : la
santé de l’économie dépend toujours plus de leur surexploitation, rendant
nécessaire pour le patronat une réforme de la sécurité sociale, un nouveau plan
d’exploitation pour la jeunesse, le décret sur l’assurance chômage et bien sûr
la réforme des retraites dont la remise en place dans toute sa violence est
annoncée au plus tard à la suite de l’élection présidentielle de 2022.
Dans ce contexte d’ouverture des vannes pour
soutenir le patronat à coup de milliards, voici le bilan des courses pour
ce qui concerne le système hospitalier après plus de 2 ans de crise, qui
résulte de l’application des conclusions du « Ségur de la santé ».
Rappelons que ce dispositif est le produit d’une négociation-concertation
associant le gouvernement, le patronat et les syndicats et a abouti au dernier
ensemble de mesures s’appliquant au monde de la santé.
Il devait consister, selon la communication
officielle, en un plan d’investissement (« sans précédent » d’après
Jean Castex) de 19 milliards et la revalorisation des salaires d’une
partie des soignants (1,5 millions d’entre eux) de 183 euros nets par
mois.
Pour comprendre en quoi le Ségur de la santé
constituait en réalité une attaque maquillée contre les travailleurs de la
santé en pleine crise sanitaire, il faut revenir sur le détail des mesures
contenues dans ce plan :
Une
communication frauduleuse autour de la revalorisation de la rémunération des
professionnels de santé
Concernant la revalorisation salariale de 183 €
bruts accordée à une partie des travailleurs de la santé, qualifiée
« d’engagement historique » par le gouvernement, il faut également
comprendre qu’elle n’a rien en réalité d’exceptionnelle si l’on prend en compte
le niveau particulièrement bas de la rémunération des professions de santé
(médecins non compris).
En effet, selon un classement établi par l’OCDE en
2019, les salaires des infirmières et infirmiers hospitaliers français
arrivaient à la 23e place sur 33 si l’on tient compte du coût de la vie,
avec en moyenne « 42 400 dollars brut annuels »,
soit environ 3 250 euros brut par mois, en 2015.
Mais cette moyenne cache en réalité des disparités
importantes : en 2020, un infirmier en soins généraux touchait en
début de carrière 1 827,55 euros bruts, hors primes, selon les chiffres
du site emploi des collectivités territoriales, soit presque deux fois moins.
Un autre élément doit faire relativiser ce chiffre,
car d’après un rapport de la Drees publié en 2002 : « En 2000,
plus du quart des salariés du secteur hospitalier travaillent à temps partiel ;
90 % d’entre eux sont des femmes. Globalement, les salariés à temps
partiel perçoivent une rémunération mensuelle inférieure en moyenne de
34 % à celle d’un salarié à temps complet. »
Ce même rapport indique également que les
rémunérations moyennes à temps complet étaient globalement inférieures
d’environ 15 % pour le personnel soignant de catégorie intermédiaire et de
19 % pour les agents de service dans le secteur privé lucratif par rapport
au secteur hospitalier public.
Ainsi, l’enquête « emploi » de l’INSEE
publiée en mars 2001 révèle des salaires mensuels déclarés par les travailleurs
de la santé. Elle met en lumière une situation de précarité généralisée,
puisqu’en intégrant tous ces facteurs, le salaire moyen réel des infirmiers
(privé et public confondu) s’élevait à 1 740 €, quand il n’était que
de 1 330 € pour les aides-soignants et de 1 080 € pour les
agents de service hospitaliers.
Par ailleurs, les revalorisations salariales
considérées comme « importantes » par les employeurs permettent de
justifier d’un certain nombre de « contreparties » (présentées comme
telles) afin d’entériner et d’aggraver la politique de flux tendu pour la
gestion des équipes : le protocole prévoit ainsi « des
dispositifs d'annualisation du temps de travail » pour l'ajuster aux « variations
de l'activité tout au long de l'année à l'intérieur de cycles hebdomadaires
compris entre 32 heures et 40 heures », « la mise en
place de forfait jours pour les agents volontaires », « la
réduction à 11 heures de la durée du repos quotidien ».
Pour aller plus loin dans la mise en place de
méthodes de management issues du privé, Olivier Véran a également insisté pour
développer un système de « prime d'intéressement collectif dans la
fonction publique hospitalière » : « La voie de la négociation locale devra
être privilégiée pour la définition d'objectifs prioritaires non financiers et
d'indicateurs de résultats collectifs intéressant l'ensemble des fonctions
exercées dans les établissements », tels que « la qualité
des soins, la qualité de l'accueil, la mise en place de projets améliorant les
organisations et l'aménagement du travail, l'optimisation de l'utilisation des
plateaux techniques », précise le projet d'accord.
Le fait que la mise en place de ce système de primes
soit voué à s’appuyer sur la « négociation locale » met au premier
plan la politique des organisations syndicales appelées à s’associer service
par service à la déréglementation complète des horaires de travail des
personnels hospitaliers. Cela fait du Ségur un outil d’intégration et de
dislocation des organisations syndicales. C’est pourquoi il est indispensable
de combattre la participation des directions syndicales à ces discussions et
exiger en même temps qu’elles dénoncent en bloc le projet du gouvernement.
La
politique de fermeture massive des lits d’hospitalisation poursuivie malgré la
crise
Quant à la politique de fermetures massives de lits
d’hospitalisation dans le cadre du « virage ambulatoire », elle a
bien sûr été poursuivie malgré la crise, et le Ségur de la Santé s’intègre
parfaitement dans ce processus.
Ainsi, après les revalorisations salariales des
professionnels de santé, Jean Castex a lancé en mars dernier la phase II du
Ségur de la santé.
L’enveloppe globale s’élève à 19 milliards d’euros
en englobant les 13 milliards d’euros prévus dans le plan « Investir
pour l’hôpital », présenté par Édouard Philippe et Agnès Buzyn en novembre
2019. Le Ségur de la santé ajoute à cette somme, qui n’était encore que très
partiellement engagée, 6 milliards d’euros, qui seront financés notamment
par un apport de même montant de l’Union européenne, dans le cadre du plan de
relance.
D’après le dossier de presse publié par le
gouvernement Castex en mars 2021, la dernière mouture du plan se décompose de
la façon suivante :
·
9 milliards sur 10 ans pour financer de nouveaux de nouveaux
investissements dans les établissements de santé et en ville, soit :
o 1,5 milliards pour
soutenir l’investissement courant des établissements
o 6,5 milliards pour appuyer
des projets de transformation de l’offre de soins
o 1 milliard de réserve
pour pallier les aléas sur 10 ans qui pourraient survenir pendant l’exécution
du plan
·
La reprise de la dette des hôpitaux à hauteur de
6,5 milliards d’euros
·
2 milliards d’euros pour la transition numérique des
établissements
·
1,5 milliard serviront à rénover ou créer des places dans les Ehpad en faisant évoluer les modes de prise en charges des
personnes âgées
Dans le cadre de la phase II du Ségur de la santé,
les décisions pour tous les projets dont le montant est inférieur à
150 millions d’euros sont déconcentrées dans les Agences Régionales de
Santé (ARS). Il s’agit de trois-quarts des crédits des 19 milliards.
Cette volonté de mettre les ARS au cœur des projets
de restructuration territoriale de l’offre de soin en lien avec les élus locaux
n’a rien d’anecdotique. Le Premier ministre a d’ailleurs affirmé savoir « que
nombre de collectivités territoriales, régions, départements, établissements de
coopération intercommunale souhaiteront contribuer directement ou indirectement
au financement de ces projets dans le domaine de la santé ». Le projet
de loi 4D devrait fournir le cadre de cette participation, en élargissant les
compétences des collectivités en matière de santé.
Or l’aménagement de l’offre de soin en France est
actuellement cadrée par l’exécution du plan « Ma Santé 2022 » mis en
place sous la direction d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, en novembre
2018. Celui-ci prévoit de restructurer l’offre de soins autour de 3 niveaux
appelés hôpitaux « de proximité », « de recours » ou
« de référence » (ces derniers correspondant aux CHU).
Dans le cadre de ce plan, les hôpitaux de proximité
n’auront pas « vocation » à pratiquer des actes de chirurgie ou
d’activités de maternité. La fermeture de ces services est donc prévisible dans
ces établissements, ce qui entraînera suppressions de postes et
restructurations. Par ailleurs, l’État s’octroie la liberté de fixer les
conditions d’obtention du label « hôpital de proximité » (missions,
modalités de gouvernance, organisation, fonctionnement) et prévoyait d’en
labelliser 500 à 600 d’ici 2022.
Ainsi, alors que 4 172 lits d’hospitalisation
avaient été fermés rien qu’en 2018, la tendance n’a fait qu’être ralentie par
la crise puisque ce sont 3 408 lits qui ont été supprimés en 2019 et
1 816 entre le 1er janvier 2020 et le 31 mars 2021. Au total, ce sont plus de 100 000
lits d’hospitalisation qui ont été fermés en France depuis les 20 dernières
années.
Il y a une réelle intrication entre les crédits
alloués par le gouvernement au titre du Ségur de la santé et le rôle des ARS
dans la restructuration de l’offre de soins qui conduit en réalité à la
fermeture massive de lits d’hôpitaux. Si cette restructuration est si gourmande
en financements, c’est qu’elle conduit à la construction de profusion de
nouveaux bâtiments pour la mutualisation des services, ou de « pôles
d’excellence » centralisés dans les CHU qui remplacent en réalité tout le
maillage de l’offre de soins de proximité supprimée par la mise en place du
plan « Ma santé 2022 ».
Voilà donc la réalité de la situation dans le
système de santé et de l’action du gouvernement : des agents sous-payés,
un système financier qui tend vers l’effondrement et une offre de soins en
réduction constante qui remet en cause le droit à la santé de la population. La
piécette d’aumône accordée aux travailleurs de la santé est, toute honte bue,
qualifiée de « coup de pouce historique ». Quant aux
6,5 milliards de dette hospitalière reprise, ils sont en réalité
transférés à la CADES et c’est la population laborieuse qui va en supporter
l’amortissement via une prolongation d’un impôt appelé la CRDS. Qui plus est
les reprises de dettes se feront au cas par cas, par négociation avec les ARS
qui conditionneront les reprises de dettes au fait que le service hospitalier
applique la politique de restructuration des services hospitaliers impulsée par
le gouvernement.
En réalité, le projet politique du gouvernement pour
l’hôpital est tout entier résumé dans le discours d’introduction au Ségur
prononcé par Édouard Philippe le 25 mai 2020 : « la
crise exige de nous, non pas nécessairement de changer de cap, mais très
certainement de changer de rythme. ». C’est-à-dire la poursuite et
l’amplification du processus de privatisation du système hospitalier, de son
surendettement auprès des banques privées, de la politique de fermeture des
lits, et pour les soignants au quotidien la poursuite de la politique du
chiffre et d’un management digne des entreprises les plus exploiteuses avec à
la clé le salaire le plus misérable possible.
À noter qu’une phase III du Ségur serait en
préparation. Elle concernerait l’efficacité du système de soins et sa
simplification.
La
responsabilité des organisations syndicales ne doit pas être éludée
Il faut rappeler la responsabilité des organisations
syndicales qui ont adhéré autant qu’elles pouvaient au dispositif du
gouvernement, lui permettant d’aller aussi loin dans l’attaque que constitue le
Ségur de la Santé.
Encore aujourd’hui, loin de le dénoncer en bloc,
elles persistent à expliquer que « le Ségur ne va pas assez loin »,
demandant à ce que la revalorisation salariale concerne (au moins en partie)
d’autres catégories de personnels, mais ne remettant jamais en cause les
attaques contre les conditions de travail, ni la réorganisation de l’offre de
soins dissimulée derrière ce « financement massif » des
19 milliards.
En effet, le Ségur se disposait initialement comme
une « concertation » : le gouvernement fait mine d’ouvrir à la
discussion un projet qui est écrit d’avance, permettant de lier les
organisations syndicales à un plan de réforme qu’il aura donc défini avec elles
dans le cadre du « dialogue social ».
C’est pourquoi la concertation-négociation a
débouché sur un projet d’accord en deux parties où les signataires ne pouvaient
acter les concessions salariales que le gouvernement était obligé de faire aux
personnels hospitaliers sans avaliser les nouveaux coups portés contre
l’hôpital public et les garanties des personnels hospitaliers. En effet
l’objectif du Ségur était connu d’avance, annoncé à la fois très clairement par
le discours introductif d’Édouard Philippe (cf. supra), mais également par la
nomination à la tête de ce dispositif de Nicole Notat : ex-secrétaire de
la CFDT (1992-2002) et surnommée « la tsarine », elle est connue pour
avoir soutenu le plan Juppé en 1995 (attaque contre les régimes spéciaux,
allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires de 37,5 à 40 ans,
réforme de la sécurité sociale avec définition d’un objectif annuel des
dépenses de l’assurance maladie). Le plan a dû être en parti retiré devant la
mobilisation des travailleurs (à l’exception notable de la réforme de
l’assurance maladie), mais la politique de Nicole Notat a à ce point écœuré les
militants qu’une partie de la CFDT a scissionné pour aller fonder le nouveau
syndicat SUD-Santé. Depuis, Notat est devenue une technocrate conseillère
directe du patronat, notoirement proche des cercles du MEDEF et d’En Marche.
Ces derniers ont accompagné la
concertation-négociation avec le gouvernement par un dispositif de journées
d’actions disloquées dont le point culminant a été la journée d’action du 16
juin 2020 organisée pour donner une coloration revendicative à leur participation
jusqu’au bout aux discussions dans le cadre fixé par le gouvernement. Au final,
certaines directions ont signé, d’autres non, mais le gouvernement a pu se
prévaloir de la participation de tous les syndicats au Ségur afin de poursuivre
sa politique.
Et en 2021, les appareils syndicaux ont continué à
multiplier les journées d’action disloquées, permettant ainsi au gouvernement
de mettre en œuvre le Ségur.
Il n’est que de voir le dispositif de morcellement à
l’extrême des mouvements des soignants, applaudi par la CGT courant 2021 pour
comprendre le travail de sape auquel se livrent les appareils. Chaque
profession disposant de sa journée d’action sans lendemain :
·
Le 5 mai, les sage-femmes
·
Le 11 mai, les personnels de réanimation
·
Le 17 mai, les infimier.ère.s anesthésistes
·
Le 18 mai, les techniciens de laboratoire
·
Le 25 mai, les infimier.ère.s de bloc
opératoire
·
Autre journée d’action le même jour (sic) : les assistants de
régulation médicale
·
Le 10 juin, les psychologues…
Certaines de ces journées
d’action peuvent du reste être massivement suivies par les catégories
concernées. C’est le cas par exemple des journées d’action des sages-femmes. Il
est hors de doute qu’à la base de cette participation, se trouvent les
légitimes revendications de ces catégories, en particulier concernant les
augmentations de salaire, la nécessaire création de postes permettant une
diminution de l’écrasante charge de travail. Faute d’organisation par les
directions syndicales du combat rassemblant l’ensemble des travailleurs hospitaliers
sur les revendications communes (dont la première est le retrait du projet de
loi de financement de la Sécurité Sociale qui signifie blocage des salaires, et
continuation de la politique des suppressions de poste, de lits, la fermeture
de services), les travailleurs des différentes corporations cherchent leur
salut dans des mouvements catégoriels. Mais à ces justes revendications, les
associations corporatistes en rajoutent d’autres purement réactionnaires telle
la revendication de l’association corporative des sages-femmes de participer
aux « négociations » du secteur, « revendication »
clairement tournée contre les organisations syndicales ouvrières.
Tout cela pour aboutir à une journée d’action
commune à la fonction publique, le 15 juin 2021, appelé derrière le mot d’ordre
fourre-tout de « pour le pouvoir, d’achat, l’emploi, les missions
publiques : ensemble, faisons-nous entendre pour de réelles
avancées ». Journée d’action dont la réussite en termes de participation à
la grève et aux manifestations sera très modérée, et nulle en termes de
résultat politique.
La
course à la vaccination : la success story en
trompe l’œil des entreprises pharmaceutiques
À la croisée des chemins entre santé et finance, il
faut préciser la place particulière attribuées aux industries pharmaceutiques
au cours de la dernière période : c’est en effet une réelle mystification
à laquelle se sont prêtés les gouvernements bourgeois de l’intégralité des
grandes puissances pour tenter de faire croire que le salut commun résidait
dans le déblocage de fonds publics faramineux au bénéfice des groupes
financiers du secteur du médicament.
Il est particulièrement important de déconstruire
cette success story montée de toutes pièces qui
voudrait faire croire que des industries aussi vénales que les firmes
pharmaceutiques ont été capables de trouver en un an un remède miracle pour
la lutte contre le coronavirus moyennant des subventions massives. La
science médicale ne fonctionne tout simplement pas de cette manière.
Ce sont en effet les efforts réunis de dizaines de
chercheurs de toutes nationalités qui depuis plus de 20 ans travaillent à
développer les connaissances sur l’ARN messager et à imaginer les applications
médicales qui pourraient en découler. C’est cette collaboration universitaire
internationale de longue haleine qui a permis d’aboutir à la mise au point des
technologies qui sont utilisées par les vaccins contre le coronavirus.
Pourtant partout, et tout particulièrement en France
après la promulgation de la récente Loi de Programmation de la Recherche, les
chercheurs sont en but à une dégradation constante de leurs conditions de
travail, forcés de négocier chaque subvention avec un temps passé et une
énergie qui sont nécessairement pris sur l’avancée de leurs travaux. Concernant
la recherche fondamentale, son caractère essentiel est carrément nié par un
système qui ne juge que par le critère de ce qui est monétisable
à court ou moyen terme.
Les profits de ces recherches sur l’ARN messager ont
par la magie de la loi du marché été aujourd’hui complètement privatisés par
des entreprises à but lucratif qui s’en attribuent tout le mérite. Le résultat en est que la
production des vaccins n’est pas déterminée par les besoins de la population
mondiale en matière de lutte contre la pandémie mais par la possibilité donnée
aux trusts pharmaceutiques de réaliser des profits, et aux limites de la
solvabilité des acheteurs, ce qui explique largement la pénurie absolue de
vaccins dans les pays pauvres (c’est-à-dire dominés par les puissances
impérialistes).
C’est fort de cette communication mensongère que le
gouvernement français s’est permis d’annoncer en juillet dernier un plan de
7 milliards pour « l’innovation dans la santé » quasiment intégralement
dédié au soutien aux entreprises privées investissant dans la recherche
médicale : création de « clusters » permettant le renforcement
des synergies entre chercheurs, cliniciens et entrepreneurs, programme à
plusieurs milliards pour inciter des « superstars » françaises et étrangères de
la recherche à s’installer en France, plan de soutien aux start-up et PME de la
santé…
C’est clairement la volonté de mettre en place un
système où les universitaires et la recherche scientifique sont entièrement
subordonnés aux intérêts d’entreprises privées à but lucratif qui se dessine
derrière ce nouveau plan.
On peut pourtant rappeler l’histoire récente de
Sanofi, qui dans le cadre de la course au vaccin s’était vu en juin 2020
accorder un plan de soutien de 200 millions d’euros de la part du
gouvernement français et qui a annoncé quelques mois plus tard la suppression
de 1 700 emplois en Europe, dont 400 dans sa filière
Recherche & Développement. Cette entreprise n’a à ce jour
commercialisé aucune thérapeutique innovante contre la Covid-19, la perspective
de la mise au point par SANOFI d’un nouveau vaccin ayant pour l’instant sans
cesse été repoussée.
Une
communication autour de la vaccination minée par les conflits d’intérêts
Pour se dédouaner de la responsabilité qui lui incombe
dans la gestion de la crise sanitaire et des 115 000 décès qu’elle a
officiellement engendrés à ce jour, le gouvernement a une solution toute
trouvée : la reporter sur les comportements individuels avec la mise en
avant des sacro-saints « gestes barrières » et de la mise en place du
Pass sanitaire pour faire office
d’obligation vaccinale.
Ainsi, il n’est plus besoin de parler du sacrifice
permanent dont fait l’objet l’hôpital, puisque l’attention est sans cesse
détournée vers les individus récalcitrants qui refuseraient le port du masque
ou la vaccination.
Concernant cette dernière, elle fait l’objet d’un
gradient socio-économique évident : les territoires les plus pauvres
(notamment en Outre-mer) sont également les moins vaccinés. Or comment ne pas comprendre
les doutes d’un jeune des quartiers Nord de Marseille qui vit dans des espaces
à l’état de propreté déplorable, sans autre perspective que le chômage ou la
criminalité, agressé régulièrement par la police (meurtre de Souheil El Khalfaoui, tué le
4 août 2021 par un policier à la Belle-de-mai), qui se voit confiné,
puis restreint dans ses déplacements par un Pass
sanitaire, pour être finalement stigmatisé pour son refus de se faire
vacciner ? Est-ce si difficile de comprendre que la sensation de ces
populations d’être traités comme du bétail les conduisent à refuser une piqûre
dont ils ont une méfiance instinctive ?
À cela s’ajoute l’existence de véritables déserts
médicaux dans les quartiers pauvres, avec le fait qu’une large part de la
population de ces quartiers n’a pas de médecins traitants (30 % de la
population de Seine Saint-Denis selon les données du conseil départemental). Un
article récent du Monde indiquait récemment qu’aux Mureaux
pour une ville de plus de 20 000 habitants il y avait en tout et pour
tout… 4 généralistes. Or le médecin généraliste est le plus souvent celui
par lequel passe le message sur la nécessité de se faire vacciner.
Et ce ne sont pas les arguments d’un gouvernement
qui n’a pas reculé devant l’usage récurrent du mensonge dans sa communication
au cours de la crise, allant jusqu’à qualifier les masques et les tests PCR
d’inutiles lorsque cela l’arrangeait pour masquer la pénurie, qui sont à même
de réduire cette méfiance. Encore moins ceux des trusts financiers pharmaceutiques
avides de profits qui n’ont pas non plus reculé devant la mise en danger de la
vie des patients par le passé, lorsque les profits en jeu le justifiaient.
Concernant la communication du gouvernement, il faut
noter qu’elle s’appuie depuis plusieurs mois (et moyennant des honoraires
copieux) sur le cabinet de conseil McKinsey, spécialiste notamment des
opérations de fusion acquisition du secteur pharmaceutique et condamné pour son
implication aux États-Unis dans la promotion des médicaments anti-douleurs dérivés de la morphine dont la
surconsommation a été à l’origine de la mort de 250 000 personnes dans ce
pays entre 1999 et 2019.
Concernant les profits des entreprises
pharmaceutiques, il est à noter que la société Pfizer estime elle-même ses
bénéfices pour la seule année 2021 à hauteur de 22 milliards d’euros. Un
chiffre qui s’approche du PIB de la Jamaïque et qui pourrait être encore majoré
par la nécessité d’une troisième dose vaccinale.
Cet imbrication des conflits d’intérêts ne peuvent
que miner la communication autour de la vaccination et freiner l’accroissement
de la couverture vaccinale.
Dans ce contexte, il est urgent de lever les brevets
sur les vaccins pour supprimer les profits faramineux et scandaleux que font
certains capitalistes sur le dos d’une maladie mortelle et ainsi permettre un
débat clarifié et authentique sur les bénéfices et les risques de la
vaccination.
Cette levée des brevets ne peut que s’intégrer dans
le cadre du combat pour la nationalisation sans indemnité ni rachat, l’expropriation
sous contrôle ouvrier, des industries pharmaceutiques, revendication. qui seule
pourrait permettre que la production et la diffusion des produits de santé
échappent à la loi du profit et qu’ils puissent être mis gratuitement et
équitablement à la disposition de toute la population.
L’accès
à la vaccination doit être une possibilité pour chaque être humain sur la
planète
Il est en effet inutile de nier que le vaccin étant
un médicament, son emploi n’est par définition pas dénué de risques. Mais il est
fort à considérer que l’évolution de l’épidémie dans les pays et territoires
qui sont massivement vaccinés tend à prouver l’efficacité de la vaccination
pour combattre le virus. Il s’agit même probablement de la seule arme
véritablement efficace connue à ce jour en l’absence de stratégie curative
disponible pour les malades les plus graves.
Il est dans ce contexte particulièrement cynique de
ne pas considérer que la vaccination est un bien commun de l’humanité et
qu’elle doit s’efforcer de la mettre à disposition de chaque individu.
La Tunisie a un faible taux de vaccination
(18 % de la population a un schéma vaccinal complet au
29 août 2021), elle a connu une vague de Covid19 particulièrement
meurtrière cet été avec une saturation complète de l’offre de soins allant même
jusqu’à l’épuisement des réserves d’oxygène médical.
À ce jour près de 4 milliards de doses de
vaccins anti-Covid ont d'ores et déjà été injectées dans le monde, mais
seulement 0,3 % de ce total ont été administrés dans les 29 pays les plus
pauvres du monde, où se trouvent pourtant 9 % de la population mondiale.
Y a-t-il des vies sur la planète qui comptent si peu
pour qu’elles puissent être sacrifiée aussi aisément ? Est-il moral de
continuer à permettre de faire des profits sur une pandémie qui se traduit
officiellement plus de 4,54 millions de décès dans le monde ? Et ce
au mépris d’une inefficacité de la production des vaccins, puisque l’offre des
entreprises privées est régulièrement dépassée par la demande, conduisant à un
accroissement des prix …
Par deux fois la France s’est opposée devant
l’Organisation Mondiale du Commerce à la levée des brevets sur les vaccins
contre la Covid19. Il a fallu finalement le revirement de la nouvelle
administration Biden aux États-Unis qui s’est déclarée le 5 mai 2020
favorable à la levée des brevets pour qu’à la suite de nombreux gouvernements
des grandes puissances mondiales, Macron se mette soudainement à défendre cette
proposition, tout en faisant part cyniquement de ses « doutes » sur
les capacités des pays les plus pauvres à assurer la production des vaccins.
« Vous pouvez transférer la propriété
intellectuelle à des fabricants pharmaceutiques en Afrique : ils n’ont pas
de plateforme pour produire de l’ARN messager » (E. Macron lors d’un
discours à l’OMS, le 23 avril 2020). Pour le chef de l’État, deux
priorités prévalent aujourd’hui : « le don de doses à court
terme », et la production « en partenariat avec les pays
pauvres » pour qu’ait lieu ce
transfert de technologie.
Notons que le plus gros producteur mondial du vaccin
Astra Zeneca, le Serum Institute of India, se trouve non pas au sein de l’Union Européenne
mais bien comme son nom l’indique dans l’ouest de l’Inde, à 4 heures de
route de Bombay. Si l’on considère la totalité des vaccins anti-Covid, la
France n’arrive qu’en 5ème position des pays producteurs, derrière la Chine, l’Inde, l’Allemagne
et les États-Unis.
Cette position d’Emmanuel Macron est
particulièrement hypocrite : s’affichant en héros volant au secours des
pays pauvres il ne remet en aucun cas en cause les profits des industries
pharmaceutiques, la levée des brevets sur les vaccins étant pour l’instant une
option qui semble loin de pouvoir se réaliser. En effet, le dernier vote à
l’OMC en juin dernier a abouti à un nouveau rejet de la proposition grâce
notamment au vote négatif de l’Union européenne, du Royaume-Uni ou encore de la
Suisse.
Par ailleurs, la politique du don de vaccins par les
grandes puissances est également une aubaine pour les firmes qui les produisent
puisque les pays riches se chargent d’acheter leurs produits pour les fournir
aux plus pauvres.
Le résultat a cependant de quoi dépiter, en témoigne
le bilan du dispositif Covax mis en place sous
l’égide de l’OMS en avril 2020 pour garantir « une distribution équitable
des vaccins » : celui-ci prévoyait initialement l’acquisition de près
de 2 milliards de doses d’ici à la fin de 2021, dont au moins
1,3 milliard de doses pour les pays à revenu faible ou intermédiaire. Or
au 8 juin 2020, moins de 82 millions de doses avaient été
livrées dans 129 pays, dont près de 54 millions dans 80 pays éligibles à
la garantie de marché Covax, selon les données
de l’Unicef. Le retard était estimé en juin 2021 à la bagatelle de
190 millions de doses par rapport au calendrier initial.
Une déclaration de l’OMS du 16 septembre estime
que l’Afrique va manquer de presque 500 millions de doses par rapport à
l’objectif mondial de 40 % de vaccinés à la fin de l’année. Ne disposant
pas d’autant de doses que prévu, Covax va expédier en
Afrique environ 150 millions de vaccins de moins que ce qui était prévu.
D’où la conclusion soulignée par l’ONG Oxfam : « Au
rythme actuel de vaccination, il faudrait cinquante-sept ans aux pays à
faibles revenus pour atteindre le même niveau de protection que celui des pays
du G7. C’est moralement inacceptable, mais aussi contre-productif
étant donné le risque posé par les mutations du coronavirus. »
C’est ce contexte qui a conduit l’Organisation
Mondiale de la Santé à dénoncer cet été la volonté des grandes puissances dont
la France d’avancer vers une 3ème dose de la vaccination : « Nous
pensons clairement que les données actuelles n'indiquent pas que les rappels
sont nécessaires », a déclaré la scientifique en chef de l'OMS, Soumya
Swaminathan, lors d'une conférence de presse à
Genève. D'un point de vue « moral et éthique », il n'est
également pas bon à ses yeux que les pays riches injectent la
troisième dose « quand le reste du monde attend sa première
injection ».
Bref, le coronavirus et ses petits mutants ont encore
de beaux jours devant eux…
Un
« Pass sanitaire » qui n’a de sanitaire que
le nom
Mis en application par la loi du 5 août 2021
« relative à la gestion de la crise sanitaire, adoptée après une course de
vitesse législative au cœur de l’été, le « passe sanitaire » est la
dernière invention du gouvernement pour tenter de maquiller sa politique et
stigmatiser les personnes qui refusent de se faire vacciner.
Cherchant à imposer l’obligation vaccinale de façon
déguisée et hypocrite, le gouvernement a mis en place ce qui est appelé le
« passe sanitaire » consistant essentiellement en un QR code utilisé
comme laissez-passer dévolu aux « vaccinés », pendant que les
« non-vaccinés » n’auraient plus accès à toute une série de lieux de
la vie courante, voire même pourraient voir leur contrat de travail et leur
rémunération « suspendus ». C’est là une mesure relevant de ce qui
semble être la réponse universelle de ce gouvernement à toute question
sociale : la répression policière et la surveillance de plus en plus intrusive
de chacun dans sa vie quotidienne.
Les sanctions en cas de non-présentation du prétendu
« passe sanitaire » vont jusqu’à six mois d’emprisonnement et
3 750 € d’amende (un an de prison et 9 000 euros d’amende
pour un patron de bar qui refuserait de contrôler ses clients). C’est là une
horreur sociale si l’on se rappelle une nouvelle fois que les populations les
moins vaccinées sont également les plus pauvres.
Il faut le dire, ce « passe » n’a de
sanitaire que le nom, tant même son périmètre d’application est
illogique : il est par exemple particulièrement cynique de considérer
qu’il s’applique aux lieux culturels accueillant plus de 50 personnes, mais pas
aux centres commerciaux de moins de 20 000 m². D’ailleurs, le texte
précise que depuis le 8 septembre, il n'est plus requis dans les centres
commerciaux des départements où le « taux d'incidence » est inférieur
à 200 / 100 000 habitants et en décroissance continue depuis au
moins début septembre. Autant dire qu’une telle dérogation n’est pas à l’ordre
du jour pour les lieux de sport ou de culture…
Concernant le système de santé, ce système est tout
simplement une catastrophe : le passe est imposé pour les patients
nécessitant des soins programmés, au risque de créer une réelle barrière les
poussant à retarder lesdits soins. Pour les soignants, la suspension sans
salaire mis en place à partir du 15 septembre pour ceux qui ne disposeraient
pas du passe, en plus de constituer un chantage odieux, risque de mettre encore
plus en tension les équipes du fait des absences ainsi générées.
Il s’en est fallu de peu que la possibilité d'un
licenciement en cas de défaut de vaccination au Covid au bout de deux mois,
initialement voulue par le gouvernement, soit maintenu. Elle a été supprimée
par le débat parlementaire, qui a toutefois permis d’avaliser une loi
particulièrement liberticide. Toutefois la suspension du contrat de travail
avec interruption du salaire a été entérinée dans la loi.
Pour l’instant, la loi impose l’utilisation du passe
sanitaire jusqu’au 15 novembre. Mais l’exécutif dit « ne pas
exclure » sa prolongation, de même que celle de l’état d’urgence sanitaire
qui doit se terminer le 31 décembre 2021. Et début octobre, le
porte-parole du gouvernement, Gabriel ATTAL, envisageait que le « passe
sanitaire » puisse être reconduit jusqu’à l’été 2022 !
Le ministre de la Santé a annoncé le
16 septembre, que les suspensions concernaient actuellement quelques
3 000 personnels de santé. Il s’est empressé d’ajouter, non sans un
certain dédain que ces suspensions concernait « essentiellement du
personnel des services supports », « très peu de blouses blanches »,
ajoutant : « la
continuité des soins a été assurée ». On peut poursuivre la pensée du
ministre pour lui : finalement, à quoi bon conserver ces 3000 emplois puisque
l’hôpital peut tourner aussi facilement sans eux ?
Au-delà de l’arrogance d’un tel discours, on peut en
plus remarquer qu’il ne correspond pas à la réalité : d’après des
informations issues de la CGT, l’éviction des soignants non vaccinés a tout simplement
été éludée aux Antilles devant le nombre de personnels concernés, et en
métropole certains services ont bien été impactés par les suspensions, avec
notamment la nécessité de revoir à la baisse les programmes opératoires comme à
Montpellier ou encore la mise hors-service de la seule neurologue en poste à
l’hôpital de Soissons.
Notons par ailleurs que cette possibilité pour
l’employeur de sanctionner un employé par une suspension de son contrat de
travail, donc son salaire, sans que ce dernier ait la moindre possibilité de
recours ni accès à une indemnisation telle qu’une allocation chômage s’il
démissionne, crée un précédent sans équivalent en termes de réglementation du
travail.
Comment
combattre ?
La lutte contre la désorganisation du système de soins
implique la dénonciation en bloc du dispositif issu du Ségur de la Santé et de
la politique de fermetures massives de lits d’hôpitaux, poursuivie malgré la
crise sanitaire. Les organisations syndicales doivent systématiquement rompre
la concertation et quitter les instances qui discutent des modalités
d’application de ce plan, dénoncer cet accord pourri et alerter les
travailleurs du danger qu’elle représente, afin de préparer le combat contre ce
plan et pour la satisfaction des revendications.
La lutte pour la défense inconditionnelle des
libertés démocratiques impose de revendiquer l’abrogation de la loi du
5 août 2021 instituant le « passe sanitaire », pour un
débat scientifique honnête, clair et basé sur les connaissances établies par la
science sur les avantages et les inconvénients de chacun des vaccins, libéré de
tout conflit d’intérêt lié aux profits faramineux actuellement dégagés par les
entreprises pharmaceutiques.
Cette revendication ne peut en aucun cas passer par
accepter de manifester au côté de mouvances ennemies du mouvement ouvrier,
telles que les Gilets Jaunes,voire les diverses
mouvances d’« extrême droite » qui actuellement battent le pavé au
côté de complotistes et « Antivax »
en tout genre en osant se poser en défenseurs de « la liberté »,
sinon des libertés des travailleurs.
Cette situation de confusion politique généralisée
et d’affaiblissement tragique du mouvement ouvrier, l’incapacité de ce dernier
à défendre efficacement les mots d’ordre et revendications exprimant les
intérêts de classe des travailleurs, sont étroitement liés à la politique des
directions de ses organisations, à commencer par les organisations syndicales,
dont les dirigeants ont participé à chaque étape de la mise en œuvre de la
politique du gouvernement, chaque fois qu’elles y ont été conviées (par les
concertations autour du Ségur ou en refusant de condamner en bloc et d’exiger
l’abrogation de la loi du 5 août 2021).
C’est pourquoi les militants de notre groupe
combattent dans ces organisations syndicales, sur leurs lieux de travail, pour
aider les travailleurs à se rassembler pour obliger les directions syndicales à
rompre avec la politique du « dialogue social » et à organiser le
combat efficace pour les revendications.
Cela étant, les développements erratiques de
l’épidémie en sont la démonstration : la lutte efficace contre la pandémie
ne pourra être effective sans une vaccination massive de la population mondiale
et donc l’organisation de la production intensive des vaccins pour leur mise à
disposition gratuite au compte de chaque être humain sur la planète.
Les appareils du mouvement ouvrier rejoignant la
position de gouvernements bourgeois réactionnaires tel que le gouvernement
indien de Modi ont mis en avant la « revendication » de la levée des
brevets. Mais la levée des brevets est inefficiente si elle ne s’accompagne pas
de la nationalisation sans indemnité ni rachat, sous contrôle ouvrier, des
instruments de production et de diffusion des produits médicaux, c’est à dire
des trusts pharmaceutiques, pour mettre les vaccins à la disposition de
l’humanité toute entière. Sinon il ne peut s’agir que d’un rideau de fumée pour
cacher que le combat efficace contre la pandémie exige d’engager le combat pour
l’expropriation du capital, à commencer par les industries du médicament. Car
c’est là la principale leçon politique qui se dégage de la pandémie. Elle a une
portée générale : pour mettre fin aux fléaux qui frappent l’humanité, pour
permettre à l’humanité de maîtriser sa relation à la nature, pour permettre de
résoudre la question du chômage de masse et celle de la famine qui ravage des
dizaines de pays il faut qu’à l’échelle internationale de véritables
gouvernements ouvriers prennent le pouvoir, qu’ils exproprient les grands
moyens de production et d’échange pour mettre en œuvre des plans de production
élaborés et réalisés sous contrôle ouvrier, il faut aller vers le socialisme.
«
Prenez
contact ! A.E.P.S. 1bis, rue GUTENBERG, 93100 MONTREUIL
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de la publication : Roland MICHEL Commission
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