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«On
ne peut aller de l’avant si l’on craint d’aller au socialisme « (Lénine) |
GROUPE
pour la construction du Parti et de l’Internationale ouvriers
révolutionnaires Supplément à CPS
n°76
– 23 mars 2020 http://socialisme.free.fr e-mail :
socialisme@free.f |
DÉclaration du
Groupe pour la construction
du parti
ouvrier révolutionnaire,
de l’internationale ouvriÈre rÉvolutionnaire
Le capitalisme est responsable du désastre provoqué par
l’épidémie du Covid-19 !
L’urgence absolue, c’est de combattre pour le socialisme à
l’échelle de la planète !
IMMÉDIATEMENT, EN FRANCE :
BRISER L’UNION SACRÉE !
FRONT UNIQUE CONTRE LA LOI DITE D’URGENCE SANITAIRE DE
DESTRUCTION DE TOUS LES ACQUIS OUVRIERS ET DES LIBERTÉS DÉMOCRATIQUES !
Une épidémie aux effets aussi
redoutables que prévisibles
L’épidémie
du coronavirus est désormais mondiale. Elle a atteint des centaines de milliers
d’êtres humains et a fait plusieurs milliers de morts. Elle commence à toucher des
pays tels que ceux d’Afrique, d’Asie où d’Amérique du Sud, où les conditions
sanitaires et d’hygiène sont si désastreuses que son développement y sera
inévitablement foudroyant et massivement meurtrier. Avec les catastrophes
d’ores et déjà annoncées, elle menace de faire sombrer dans la barbarie
l’immense majorité de la planète.
Le capitalisme obstacle absolu à
toute recherche et combat efficace contre la pandémie
Il
s’en faut de beaucoup que le développement du virus soit une fatalité « naturelle ». Il est le résultat mortifère du
mode de production capitaliste.
D’abord
parce que c’est le capitalisme qui a interdit et interdit encore tout
développement de la recherche scientifique permettant de combattre ce type de
virus.
C’est
ce qu’a expliqué à plusieurs reprises le virologue Bruno Canard, chercheur au
CNRS. Il a indiqué en quoi consistait son travail pour combattre le virus et
comment ce travail a été rendu impossible par les décisions politiques des
gouvernements :
«
La démarche est très simple : comment anticiper le comportement d’un virus
que l’on ne connaît pas ? Eh bien, simplement en étudiant l’ensemble des
virus connus pour disposer de connaissances transposables aux nouveaux virus,
notamment sur leur mode de réplication. (...)
L’Europe
s’est désengagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction
du contribuable (ndlr : ou
plutôt, au nom de la réalisation du profit qui n’était plus immédiatement
possible à partir du moment où la forme précédente du virus avait reflué).
Avec
mon équipe, poursuit le scientifique, nous avons continué à travailler sur les
coronavirus, mais avec des financements maigres et dans des conditions de
travail que l’on a vu peu à peu se dégrader. »
Et
Bruno Canard conclut en opposant à la misère à laquelle les recherches en
virologie ont été réduites :
«
J’ai pensé au Crédit Impôt Recherche, passé de 1,5 milliard à 6 milliards
annuels (soit deux fois le budget du CNRS) sous la présidence Sarkozy.
J’ai
pensé au Président Hollande, puis au Président Macron qui ont continué
sciemment ce hold-up qui fait que je passe mon temps à écrire des projets ANR (Agence nationale de la Recherche qui sélectionne et finance
les projets de recherche en fonction de leur rentabilité).
J’ai
pensé à tous mes collègues à qui l’ont fait gérer la pénurie issue du hold-up.
J’ai pensé à tous les projets ANR que j’ai écrits, et qui n’ont pas été
sélectionnés. (…)
J’espère
par ma voix avoir fait entendre la colère légitime très présente dans le milieu
universitaire et la recherche publique en général. »
Un
véritable réquisitoire contre le mode de production capitaliste.
Non,
l’impuissance dans laquelle se trouve aujourd’hui la science pour combattre
efficacement l’épidémie n’est pas le fruit d’une incapacité de la science
elle-même. Elle est le résultat de la politique des gouvernements successifs au
service du capital auquel ils inféodent la recherche. Ce sont ces gouvernements
qui ont détourné les crédits pour la recherche scientifique en véritables
cadeaux fiscaux par milliards aux grands trusts capitalistes, politique que
l’actuel projet LPPR (loi de programmation pluriannuelle pour la recherche)
entend prolonger et amplifier en soumettant étroitement les financements de
projets à leur intérêt, pour le profit capitaliste le plus immédiat.
Elle
est aussi le résultat des moyens plus que limités consacrés par les trusts
mondiaux de l’industrie pharmaceutique à la recherche sur les vaccins, car
comme l’indique Le Monde du 18 mars
2020 : « Les vaccins coûtent cher à développer, on parle de 2
milliards de dollars (1,82 milliard d’euros) pour le coronavirus, et rapportent
peu, puisqu’une ou deux injections suffisent à protéger. Les grands
laboratoires mondiaux et les jeunes pousses ne s’y aventurent que s’ils sont
soutenus par des fondations ou des États ».
La
colère est à son comble si l’on met en parallèle l’évolution des budgets
consacrés à la protection de la santé et les dépenses militaires : en
2018, après 4 années de hausse consécutives, ces dernières atteignaient 65
milliards en France, plaçant le pays dans le top 5 des pays ayant les plus
fortes dépenses militaires. En 2020, le seul chapitre « mission de
défense » représente plus de 40 milliards, alors qu’au chapitre recherche
et enseignement supérieur on en compte seulement 28,7, les seuls postes en
progression étant ceux de l’armée, de la police, de la justice et des services
du Premier ministre, alors que sont en recul : la recherche et l’éducation
nationale.
Le capitalisme et les gouvernements
à son service sont directement responsables de la détresse et de l’impuissance
dans laquelle sont plongées les masses de toute la planète face au virus
Les
travailleurs le découvrent avec stupeur : il est impossible de se procurer
le moindre matériel de protection contre le virus. Il n’y a ni gel
hydroalcoolique ni masque disponible. Les médecins, faute de tests en nombre
suffisant, ne peuvent dépister les malades. Les hôpitaux n’ont pas de
respirateurs en nombre suffisant et, d’ores et déjà, on sélectionne les malades
qui seront soignés et ceux que la pénurie de matériel de lits d’hôpitaux
condamnent à mourir.
C’est
le produit des décisions des gouvernements au service du capital financier
depuis des décennies.
Ces
deux dernières décennies, des dizaines et des dizaines de milliers de lits d’hôpitaux
ont été fermés. En France, il y a actuellement environ 400 000 lits
d'hospitalisation, soit une diminution de 100 000 lits en 20 ans (chiffre
de 2017). À cela, il faut ajouter que des lits disponibles ne peuvent être
utilisés faute de personnel. Valletoux, président de
la fédération hospitalière de France – qui n’est pourtant en rien un opposant
au gouvernement – remarquait à propos de l’ONDAM 2020 (Objectif national de
dépense de l’assurance maladie) qu’a fait adopter le gouvernement
Macron-Philippe dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité
sociale : « Ce décrochage de l'ONDAM hospitalier est une douche froide.
Je pensais que le gouvernement avait mesuré l'urgence d'apporter de l’oxygène
aux établissements de santé. Avec un ONDAM à +2,1% (/2019) et les 800 millions
d'économies demandées, nous repartons sur une période de diète alors que c'est
tout l'inverse qu'il aurait fallu pour sortir l'hôpital de la crise ».
Le
professeur Grimaldi, de l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris déclare avec deux
de ses confrères dans Le Monde du
12 mars :
«
On découvre, s’il était besoin, l’aberration d’un financement de l’hôpital
majoritairement par la tarification à l’activité : l’impossibilité d’avoir
des taux d’occupation des lits à 100%. Oui, il faut assumer d’avoir en
permanence, des lits disponibles. La crise actuelle met en exergue cette
nécessité. »
Les
travailleurs le découvrent là encore avec stupeur : des personnels
hospitaliers directement confrontés à la contagion doivent soigner sans masque
(Macron en a promis… pour 25 départements !) ou avec des masques périmés…
L’exploitation de la force de
travail jusqu’au bout au nom du profit,
la mise en danger cynique de la santé des travailleurs
On
s’étonne de toute part du retard des mesures prises contre l’épidémie. Buzyn,
ancienne ministre de la Santé de Macron, et à ce titre totalement responsable
de l’état de l’Hôpital public, déclare – suite à son exfiltration du
gouvernement (?) –: « J’avais dès la mi-janvier prévenu le gouvernement ».
Alors
pourquoi le « retard » ? Pourquoi en
Grande-Bretagne, Boris Johnson a-t-il développé la théorie selon laquelle il
valait mieux que la maladie se développe pour qu’ensuite la population soit
immunisée ? Les scientifiques en Grande-Bretagne ont établi qu’en vertu de
cette politique, entre 250 000 et 500 000 Britanniques étaient
condamnés à mourir du virus.
« Pourquoi
les autorités sanitaires ont-elles, dans ces pays, décidé de ne suivre ni les
recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ni l’exemple
chinois de lutte contre l’épidémie ? En décidant de laisser l’épidémie
suivre son cours et d’attendre samedi 14 mars pour tenter de l’arrêter en
fermant tous les lieux publics non indispensables, les pouvoirs publics
français ont, sans le dire, accepté l’idée qu’une part importante de la
population va être, dans les prochains mois, infectée par le coronavirus. Avec
à la clé, à tout le moins, probablement, des dizaines de milliers de personnes
décédées dans l’Hexagone. » interroge un
journaliste du Monde.
Mais
ce même journaliste poursuit : « “Pour sauver des vies, nous devons réduire la transmission. Cela
signifie qu’il faut trouver et isoler le plus grand nombre de cas possibles, et
mettre en quarantaine leurs contacts les plus proches”, vient de déclarer le
directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, avant
d’ajouter : “Même si vous ne pouvez pas arrêter la transmission, vous
pouvez la ralentir et protéger les établissements de santé, les maisons de
retraite et d’autres espaces vitaux – mais
seulement si vous testez tous les cas suspects.” »
À
l’évidence, aujourd’hui, de nombreux pays, à commencer par la France, ont
renoncé à tester « tous les cas suspects ». Pour la France, les chiens de
garde « experts », sélectionnés par le gouvernement et les
médias à son service, qui hantent les plateaux de télévision, s’acharnent à
expliquer qu’il est inutile de généraliser le test et de porter un
masque !
La
raison est simple : il fallait jusqu’au bout « quoi qu’il en
coûte » (Macron) que
tournent les entreprises. Il fallait jusqu’au bout que les conditions de la
réalisation du profit soient maintenues. Plus cyniquement encore, le
journaliste conservateur britannique Jeremy Warner a vanté les mérites de la
pandémie de coronavirus qui « tue principalement les personnes
âgées ». « Sans aller trop dans le détail, d’un point de
vue purement économique, le coronavirus pourrait même s’avérer légèrement
bénéfique à long terme en éliminant principalement les personnes âgées
dépendantes.»
Catastrophe sanitaire, catastrophe
économique
La
catastrophe sanitaire donne à la catastrophe économique qui était déjà en
gestation une accélération foudroyante. Car il est important de
préciser : l’épidémie a précipité et amplifié la crise économique. Elle ne
l’a pas créée.
Dès
2019, la production industrielle était partout en recul (y compris aux
États-Unis), la croissance brutalement freinée en Chine, la récession amorcée
au Japon, la stagnation en Allemagne, etc. Les plumitifs de la bourgeoisie ont
évidemment tout intérêt à faire du coronavirus la cause unique de la récession
pour camoufler que les racines de cette crise sont beaucoup plus profondes,
dans le système capitaliste lui-même, dans la crise de surproduction. Les
interventions des banques centrales n’ont pu contenir la crise ouverte en 2008
qu’en nourrissant un accroissement de l’endettement des États et des
entreprises. Dans un contexte de croissance extrêmement faible, cette
accumulation de dettes constituait déjà une lourde menace. Dans le contexte de
coup d’arrêt brutal et généralisé provoqué par le coronavirus, cet
enchevêtrement de dettes se révèle explosif.
La Bourse a plongé partout dans des proportions énormes (en
un mois, le CAC 40 est passé de 6111 points à 4000 points). Partout, les
gouvernements annoncent la récession dont ils sous-estiment grossièrement
l’ampleur d’ailleurs. On mesure ce que signifierait pour les travailleurs
l’indexation des retraites sur la «
croissance » par exemple – objet de la réforme des retraites. Des
secteurs entiers sont sinistrés (transport aérien, tourisme, hôtellerie,
automobile, etc.). La chute du prix des matières premières, en premier lieu du
pétrole, annoncent pour les populations des pays producteurs qu’elles seront
précipitées dans le dénuement absolu, voire dans la famine pure et simple.
Aujourd’hui, les gouvernements annoncent des plans de relance
pharaoniques.
États-Unis : les
propositions de Trump coûteraient pas moins de 850 milliards de dollars
(772 milliards d'euros). Soit davantage que les 787 milliards de dollars
débloqués lors de la crise financière de 2008.
Allemagne : les entreprises confrontées à des problèmes de trésorerie
pourront obtenir des prêts auprès de la banque publique KfW. À cet effet, Berlin
débloque 93 milliards d’euros supplémentaires, dotant ainsi la banque de
quelque 550 milliards d’euros de fonds en tout. « Il n’y a pas de plafond aux montants de prêts que KfW peut accorder », a souligné le ministre des
finances, promettant dans la foulée des allégements fiscaux et des reports
d’impôts.
France : 45 milliards d'euros, dont une large
part provenant d’un nouveau pillage des caisses de la Sécurité sociale, à
travers les dispenses de cotisations sociales : c'est le montant du plan
de soutien économique immédiat qui mélange des mesures de trésorerie et des
mesures budgétaires à débourser immédiatement ; 300 milliards d'euros, c'est le
montant de la garantie de l'État sur les prêts bancaires ; 1 000 milliards
d’euros, c’est le montant de la garantie des prêts bancaires par les puissances
publiques européennes.
Et après une première intervention sans aucun effet, Lagarde
au nom de la BCE vient d’annoncer la mise à disposition de 750 milliards
d’euros.
L’argent
doit couler à flots pour « sauver les entreprises » et « calmer les marchés ». Mais pas pour tout le monde : le
FMI vient de refuser un prêt à l’Iran et au Venezuela ! Le gouvernement
français, quant à lui, envisage même de nationaliser Air France, moyennant sans
doute un subventionnement confortable des actionnaires privés. Le gouvernement
allemand évoque aussi les nationalisations.
Les
gouvernements de la bourgeoisie redécouvrent les recettes de 2008 quand Bush
nationalisait General Motors et le gouvernement britannique quelques-unes de
ses plus grandes banques. Brutalement, les sacro-saintes règles agitées contre
la classe ouvrière depuis des décennies (en premier lieu la réduction des
déficits publics) sont abolies et n’ont plus cours.
Mais
d’où vient l’argent ? La vérité est que les gouvernements, les banques
centrales s’apprêtent à procéder à de la création monétaire à une ampleur
inédite, en clair à faire fonctionner la « planche
à billets ». Avec quelle efficacité ?
Les
dernières annonces de Lagarde ont certes, au moment où est rédigée cette
déclaration, stoppé la débandade de la Bourse. Pour combien de temps ? Car
les causes profondes de l’effondrement boursier n’ont nullement disparu. Chacun
a en tête le scénario possible pour ne pas dire probable : faillites
d’entreprises en série, augmentation brutale des dettes irrécouvrables, krach
bancaire, sans exclure une inflation galopante, et in fine disparition en fumée, y compris pour les travailleurs de
leurs maigres dépôts bancaires.
En
tout cas, il y a une certitude. Après l’épidémie, les gouvernements de la
bourgeoisie s’apprêtent à une offensive contre les conditions d’existence du
prolétariat sans commune mesure avec toutes les attaques antérieures
– pourtant considérables : liquidation du droit aux études, nouvelle
et violente attaque contre la santé publique, brutale baisse du pouvoir
d’achat, chômage de masse, etc. C’est ce que Macron a d’ores et déjà annoncé
dans son allocution du 16 mars pour qui sait lire entre les lignes : «
Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours
d’avant. »
Du
reste, l’offensive a déjà commencé partout à l’échelle mondiale. 70 000
travailleurs ont déjà été licenciés en une semaine aux États-Unis. La mise au
chômage partiel se traduira en France par une baisse de salaire de 16%,
et la partie la plus exploitée du prolétariat (CDD, « auto-entreprise », travailleurs ubérisés) va être
réduite au dénuement le plus total. Mais ce n’est rien à côté de ce qui
s’annonce avec le projet de loi dite «
d’urgence sanitaire » que Macron entend faire adopter.
État
policier et bonapartisme
C’est
dès maintenant que les gouvernements prennent au nom de la lutte contre
l’épidémie les mesures les plus radicales contre les libertés démocratiques.
Les mesures annoncées par Castaner correspondent en France à l’État d’urgence
proclamé par Trump aux USA. Le gouvernement envisage le recours à l’armée pour
suppléer police et gendarmerie. D’ores et déjà, la rue appartient aux seules
forces de répression.
Les
masses laborieuses adoptent les mesures de protection, pour ce qui est en leur
pouvoir, contre la diffusion de l’épidémie. Elles sont disposées à entendre les
recommandations des autorités scientifiques dans ce but. La question n’est pas
là. C’est au contraire le gouvernement et les capitalistes qui mettent en
danger la santé de la population laborieuse et des retraités. Mais en réalité,
Castaner et le gouvernement ont vu dans les circonstances présentes le moyen de
renforcer l’État policier dont les derniers mois ont montré la mise en
place : remise en cause du droit de manifestation, arrestations et
répression violente, irruption des flics dans les lycées…
Sans
aller jusqu’à la mise en œuvre immédiate de l’article 16 de la constitution
bonapartiste de la Ve République par lequel le président s’arroge
tous les pouvoirs, Macron a annoncé un pas dans cette direction. Il a convoqué
l’Assemblée nationale pour adopter une loi permettant au gouvernement de
légiférer par ordonnance pour tout ce qui relève de la crise, autrement dit de
légiférer par ordonnance sur toute chose.
Loi
d’urgence sanitaire : la liquidation pure et simple du code du travail et
des libertés démocratiques
Citons
quelques extraits de la loi.
Liquidation des libertés démocratiques :
« La déclaration de l’état
d’urgence sanitaire donne pouvoir au Premier ministre de prendre par décret
pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, les mesures générales
limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de
réunion… »
Liquidation du droit du travail, de toute garantie en matière
de Sécurité sociale, et liée au statut de la Fonction publique :
«
En matière de droit du travail, de droit de la Sécurité sociale et de droit de
la fonction publique [le gouvernement a
désormais le pouvoir de :]
modifier
les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur
d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des
congés payés, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos
affectés sur le compte épargne-temps du salarié, en dérogeant aux délais de
prévenance et aux modalités d’utilisation définis par le livre 1er
de la troisième partie du code du travail, les conventions et accords
collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;
permettre
aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la
nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit
aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la
durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;
aménager
les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs
missions définies au titre II du livre VI de la quatrième partie du code du
travail et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et définir
les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les
travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu
par le code du travail ».
Union
nationale
Macron
avait besoin pour cela de la réalisation de l’Union nationale. Au niveau des
partis politiques, il l’a obtenue sans difficulté. En deux jours, les 19 et 20
mars, le sénat et l’Assemblée nationale ont adopté le projet de loi de finances
rectificative. Il a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale (575
votants sur 575 inscrits). Les ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald
Darmanin, se sont félicités après le vote de l’« esprit de concorde » qui a prévalu. Au Sénat, il a
été voté par 327 voix pour, zéro contre et 16 abstentions.
Quant
au projet d’instauration de l’état d’urgence sanitaire, il a été adopté au
Sénat par 252 voix pour, 2 contre et 90 abstentions, les élus PCF et PS
s’abstenant (excepté un contre pour le PS). À l’Assemblée nationale, ce projet
de loi l’a été par 510 pour, 37 contre et 28 abstentions. Les députés PS se
sont abstenus. Ceux du PCF et de LFI ont voté contre, essentiellement parce
qu’ils n’avaient pas obtenu que l’état d’urgence soit reconduit tous les douze
jours au lieu d’une instauration immédiate pour deux mois. D’ailleurs,
Mélenchon a cru nécessaire de préciser : « Nous serons toujours au rendez-vous de l'intérêt général » mais
resterons « une opposition, sans acrimonie ».
Mais Macron a aussi et surtout besoin du plein appui des
appareils syndicaux, c’est le sens de la suspension (pour quelques mois) du
décret sur l’indemnisation chômage et du projet de loi Retraites.
Le
dernier communiqué de la CGT le lui apporte de la manière la plus claire :
« La crise sanitaire extrêmement grave que traverse le monde et, notamment,
notre pays amène à prendre des mesures indiscutables pour protéger la santé des
citoyens ». Indiscutables, donc, sont les mesures prises par le
gouvernement.
Et
la direction de la CGT propose ses services pour s’associer pleinement à leur
mise en œuvre : « La CGT demande solennellement que les organisations
syndicales et patronales ainsi que le gouvernement listent ensemble les
entreprises essentielles à la continuité de notre vie ».
La
mise en œuvre s’est faite sans délai. Le même jour, tous les appareils
syndicaux (ceux de la CGT et de FO notamment) rencontraient le MEDEF, la CPME,
l’U2P donc la totalité du patronat et adoptaient le communiqué commun : «
Dans le contexte de crise sanitaire majeure (…) qui appelle à prendre les
mesures indispensables à son endiguement, elles entendent affirmer ainsi le
rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective ».
Veyrier, pour FO, avait précédemment décidé d’établir une
sorte de record dans l’inféodation à Macron dans sa déclaration du 16
mars : « le président de la République met – à juste titre – l’accent
prioritaire et avec force sur les mesures indispensables à endiguer l’épidémie
de Coronavirus ». Tout le reste est du même tonneau : « FO se
félicite » (deux fois), « l’apaisement et la sagesse l’emporte
»... « L’effort massif de l’État en faveur de la préservation de
l’économie et des emplois est confirmé »... « on ne peut que
souligner et approuver pleinement l’hommage rendu aux personnels soignants,
sapeurs-pompiers et aux personnels de la sécurité civile ». N’en jetez
plus ! Dans son communiqué en date du 19 mars, signé Veyrier, le projet n’est
évoqué qu’en ces termes : « La Confédération FO a pris
connaissance du projet de loi d’urgence sanitaire, qui prévoit plusieurs
ordonnances dont il faudra aussi être vigilant ».
La direction de la FSU n’entend pas être en reste, promettant
de faire le job pour que les fonctionnaires se soumettent sans barguigner aux
exigences du gouvernement : « Dans cette période difficile, les agent-es de la Fonction publique sont particulièrement mobilisé-es, leur engagement et leur disponibilité dans
l’effort collectif sont importants et ce malgré les difficultés matérielles
qu'ils et elles rencontrent pour faire correctement leur travail ».
Le
mercredi 18, le matin une réunion a eu lieu entre le Premier ministre,
Philippe, Le Maire, sa collègue du travail, Pénicaud, celui de la santé, Véran,
et les leaders syndicaux et patronaux (Le
Monde du 19/3). Les dirigeants se comportent ainsi comme courroie de
transmission du pouvoir, et plus encore, le font savoir. Voici le début d’un
communiqué de la confédération CGT publié le 18 mars : « Face à la
crise sanitaire liée au coronavirus, des mesures exceptionnelles ont été
prises. Nous vous en rendons compte ici. Suite à la réunion qui s'est tenue au
ministère du travail, voici l'ensemble des premières mesures dont on peut
rendre compte : Le ministre de l’économie a chiffré les mesures
gouvernementales, etc. ».
Une nouvelle fois, implacable leçon : pour affronter et battre le
gouvernement, il faut briser l’obstacle contre-révolutionnaire que constituent
les appareils dirigeants des organisations ouvrières. Et s’organiser pour.
Ce n’est que dans les organisations syndicales de la Santé
directement confrontées à cette situation que transparaît la colère des
travailleurs contre la situation qui leur est faite. Ainsi s’exprime la CGT de
l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) le 11 mars :
« Des directions de l’AP-HP osent faire
passer l’idée “qu’en temps de guerre, les soldats doivent aller au front !
”(...)
Non,
nous ne sommes pas en guerre ! Nous sommes dans le 5e pays le plus
riche du monde, où l’épidémie serait gérable si la santé n’avait pas été prise
uniquement sur le critère de la rentabilité et du libéralisme. (...)
Si
l’épidémie de coronavirus est une cause nationale, le système libéral doit être
mis à contribution et les activités libérales mises au service de tous et tout
de suite.
Le
gouvernement va-t-il réquisitionner ?
-
les établissements et les lits privés pour se mettre à la disposition d’une
cause nationale
-
les médecins libéraux au lieu de faire des appels à leur volontariat. Va-t-il
en période de crise sanitaire, supprimer la notion de dépassements
d’honoraires, pour un libre accès aux soins pour toutes et tous ?
-
les laboratoires et/ou cabinets de radiologie privés afin d’assurer l’afflux
des dépistages et pour les diagnostics les entreprises de production des
matériaux médicaux et pharmaceutiques pour l’urgence sanitaire.
Le
gouvernement va-t-il interdire et suspendre l’activité privée au sein des
hôpitaux publics afin de transférer tous les moyens au service de la
population ? ; Pendant que le gouvernement et les médias aux ordres
surfent sur le coronavirus, celui-ci restreint les libertés de manifestations
ou de circulation, on ne parle plus de la contestation à la politique de Macron
et de sa loi adoptée à coup de 49.3. Il faut éradiquer les virus “Libéralovirus” et “Macronavirus”.
Ils sont nocifs pour notre santé ».
Le
gouvernement Macron-Philippe somme les ouvriers de continuer à aller travailler
au péril de leur vie
Il
est hors de doute que des communiqués comme celui-ci rencontreront un écho dans
le prolétariat. Ce dernier est confronté aux appels de Le Maire, de Pénicaud,
du gouvernement : « Il faut continuer à aller travailler, “coûte
que coûte” ». Philippe, Le Maire, Pénicaud ont rivalisé d’ardeur dans
les appels indécents et criminels aux ouvriers pour qu’ils aillent travailler
quand, dans le même temps, une révoltante campagne médiatique rend la
population responsable de l’accélération de la pandémie. Dans le secteur du
BTP, le gouvernement est même allé au-delà des exigences patronales dans
l’injonction adressée aux travailleurs, menaçant en termes à peine voilés de ne
pas payer le chômage partiel. Pénicaud s’est autorisée à insulter les
travailleurs, accusant de “défaitisme” ceux qui refusaient de risquer
leur vie et leur santé sur les chantiers.
Certains
contingents de la classe ouvrière cherchent à se mettre en mouvement
Pourtant
les premières réactions ouvrières se manifestent. Les ouvriers des
chantiers navals de Saint-Nazaire se sont mis en grève le 17 mars en demandant
la fermeture du site qui devait livrer le luxueux paquebot Celebrity Apex car ils refusent de travailler sans gel ni masque. Le 20, la
direction a dû annoncer « l'interruption
du travail pour le personnel des chantiers de l'Atlantique et pour les entreprises
co-réalisatrices dans ce secteur » rapporte Ouest-France. De même, des grèves ont eu lieu et
ont lieu dans plusieurs centres de distribution d’Amazon.
Ces
grèves répondent en écho à celle des métallurgistes italiens, dont la grève a
surgi spontanément contre le fait qu’on leur impose, au risque d’être
contaminés, de continuer à travailler dans les pires conditions, et ce alors
que le gouvernement a décrété un confinement total. La mise en œuvre immédiate
d’une concertation entre le gouvernement et les dirigeants de la FIOM et de la
CGIL (équivalent de la CGT en France) a visiblement toutes les peines du monde
à faire reprendre le travail.
Pour
le prolétariat, des exigences immédiates à mettre en œuvre en rupture totale
avec l’union sacrée
Dans
le combat contre l’épidémie, aucune confiance ne peut être accordée aux
responsables de la situation présente : les gouvernements au service du
capital financier, en France le gouvernement Macron-Philippe. La première
exigence à adresser aux directions syndicales est donc celle de la rupture de
l’union sacrée avec ce gouvernement, et donc qu’elles se prononcent contre la
loi donnant plein pouvoir à Macron et à son gouvernement.
Macron
a annoncé la « guerre »
contre « un ennemi invisible ». Mais « l’ennemi
invisible » de Macron-Philippe-Castaner n’est pas tant le virus que le
prolétariat lui-même.
Il
faut que ce dernier impose :
- réouverture immédiate de lits, embauche massive de
personnels soignants ;
- réquisition immédiate de tous les matériels disponibles (masques,
respirateurs, tests), y compris la « réserve stratégique » conservée
au service de l’appareil de répression, en particulier l’armée ;
- production massive de ce même matériel en réorientant sans
délai l’activité des entreprises. Les entreprises appropriées doivent être
réquisitionnées pour produire des masques, les entreprises de parfumerie (tel
LVMH) doivent être réquisitionnées pour produire du gel hydroalcoolique, etc. ;
- production de tous les produits indispensables au combat
contre la maladie (tests de dépistage, paracétamol, etc.) par l’industrie
pharmaceutique sous le contrôle des travailleurs et mise à disposition gratuite
aux services de santé, à l’hôpital public de toute cette production.
- dépistage gratuit généralisé ; organisation de la
mise en quarantaine par réquisition de tous les locaux disponibles ; mise
à disposition de masques pour toute la population
De telles mesures ne peuvent être prises que si les
travailleurs commencent à prendre les choses en main et exercent dans les secteurs
concernés le contrôle sur la production pour imposer que celle-ci soit
organisée en fonction des besoins immédiats de la population. Cela commence par les
personnels hospitaliers, à qui il revient de s'organiser avec leurs
organisations syndicales pour déterminer les besoins en masques, respirateurs,
lits et effectifs supplémentaires nécessaires pour faire face à la vague
épidémique tout en préservant leur santé.
De
la même manière, c’est à la classe ouvrière de définir dans quelles conditions
de sécurité peut être assurée la production, le transport et la distribution
des biens essentiels à la population, et quelles usines doivent être fermées
parce qu’elles ne correspondent en rien à la production de tels biens. Et dans
le cas de fermetures, doivent être garantis le maintien intégral du salaire et
des avantages acquis. Il faut appeler les travailleurs à s’organiser, en se
soumettant les organisations syndicales, pour faire prévaloir leurs exigences
face à la direction des entreprises, contrôler leur mise en œuvre.
Socialisme ou barbarie
L’épouvantable
crise dans laquelle se trouve plongée la plus grande partie de la planète
dresse un réquisitoire sans appel contre la perpétuation du mode de production
capitaliste.
Nous
l’avons montré : cette crise ne relève pas de la fatalité naturelle, mais
de ce mode de production. Elle illustre en négatif l’urgence d’en finir avec un
mode de production basé sur le profit, qui n’est désormais possible qu’en
menaçant de la manière la plus immédiate la survie de l’humanité elle-même.
Elle met en évidence, à l’inverse, l’urgence d’un mode de production visant
exclusivement à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, tout en en
préservant le cadre : la nature elle-même.
Mais
un tel mode de production impliquant la maîtrise par l’humanité de ce qu’elle
produit et des conditions dans lesquelles elle le fait n’est possible que par
la socialisation des moyens de production, par l’expropriation du capital.
Cette socialisation des moyens de production suppose la mise en place de
véritables gouvernements ouvriers. Elle suppose que le prolétariat prenne le
pouvoir.
Plus
que jamais, l’alternative tracée il y a plus d’un siècle par Rosa Luxemburg est
la seule possible : socialisme ou barbarie.
Ce que nous montrent les événements présents, c’est que la
barbarie a pris de l’avance. La classe ouvrière, seule classe à même de
réaliser historiquement la tâche de renverser le capitalisme pour aller vers le
socialisme, a gardé toutes ses capacités de classe révolutionnaire. Même de
manière limitée, c’est ce que nous enseigne aujourd’hui la grève des
métallurgistes en Italie.
Mais
dans sa tâche historique, le prolétariat a pris un retard considérable. De ce
retard, il n’est nullement responsable. La responsabilité est exclusivement
celle des directions du mouvement ouvrier, ces directions qui, par exemple en
France, après avoir trahi le combat pour défaire Macron sur la
réforme-destruction des retraites, se vautrent aujourd’hui dans l’union sacrée
derrière celui-ci.
De toute la situation sourd l’urgence du socialisme. Mais
pour cette raison même, sourd l’urgence de la construction d’un véritable parti
ouvrier révolutionnaire en France, d’une internationale ouvrière
révolutionnaire à l’échelle mondiale. Avancer dans cette voie est une nécessité
absolue avant que le retard ne devienne irrémédiable, que la plongée dans la
barbarie ne soit une plongée sans retour.
C’est
pourquoi les militants regroupés autour de Combattre
pour le socialisme vous invitent à vous associer sans délai à cette tâche.
Le 20 mars 2020
Jamais
ce qu’écrivait Trotsky en 1935 n’avait revêtu une plus brûlante
actualité :
« Le révolutionnaire prolétarien
doit avant tout comprendre que le marxisme, seule théorie
scientifique de la révolution
prolétarienne, n'a rien de commun avec l'attente fataliste de la
"dernière" crise. Le marxisme
est par son essence même une direction pour l'action révolutionnaire. Le
marxisme n'ignore pas la volonté et le courage, mais les aide à trouver la voie juste.
Il n'y a aucune crise qui d'elle-même
puisse être "mortelle" pour le capitalisme. Les oscillations de la
conjoncture créent
seulement une situation dans laquelle il sera plus facile ou plus difficile au
prolétariat de renverser le capitalisme.
Le passage de la société bourgeoise à la société socialiste présuppose
l'activité de gens vivants, qui font leur propre histoire. Ils ne la font pas au hasard ni
selon leur bon plaisir, mais sous l'influence de causes objectives déterminées. Cependant, leurs propres
actions - leur initiative, leur audace, leur dévouement ou, au contraire, leur
sottise et leur lâcheté - entrent comme des anneaux nécessaires dans la chaîne
du développement historique.
Personne n'a numéroté les crises du
capitalisme et n'a indiqué par avance laquelle d'entre elles serait la
“dernière”.
Mais toute notre époque et surtout la
crise actuelle dictent impérieusement au prolétariat : Prends le
pouvoir ! Si, pourtant,
le parti ouvrier, malgré des conditions favorables, se révèle incapable de
mener le prolétariat à la conquête du pouvoir la vie de la société continuera nécessairement
sur les bases capitalistes - jusqu'à une nouvelle crise ou une nouvelle guerre, peut-être jusqu'au
complet effondrement de la civilisation européenne. » (Encore une fois, où va la France ?)
Directeur de la publication : Roland MICHEL ‑ Commission paritaire n°67187 ‑ N° ISSN : 0763790 X