Supplément à « combattre pour le socialisme » n° 62 (université) - 10 octobre 2016 :

Une offensive majeure contre la jeunesse étudiante :

« Université : l’exécutif entérine le sélection à l’entrée du master »

(Le Monde du 5 octobre 2016)

Comment combattre ?

 

Un accord « historique »

Le Monde dit les choses clairement et sans fard. Un accord « historique », c’est ainsi que le président de la Conférence des Présidents d’Université (CPU), Jean-Louis Salzmann, a salué l’accord signé le 4 octobre 2016. Cet accord, avalisé par la CPU et les organisations syndicales enseignantes et étudiantes représentées au CNESER, instaure de fait la sélection à l’entrée en master. Il est le produit de longs mois d’une concertation qui a débuté en avril 2016 à l’initiative du gouvernement, sous la pression de la CPU. La ministre de l’éducation Vallaud-Belkacem se félicite d’un « compromis à l’allemande ». En aucun cas il ne s’agit d’un compromis. C’est en réalité une capitulation totale de la direction de l’UNEF, des organisations syndicales enseignantes (FSU, SNESup…).

Une première étape a été franchie par un décret du 25 mai 2016 qui autorise pour 40 % des masters, soit 1300, la sélection à l’entrée en master 2 à l’issue du master 1. Il s’agissait dans un premier temps de mettre fin à l’imbroglio juridique qui avait conduit le conseil d’État, en février 2016, face à la multiplication des recours, à condamner des universités qui avaient pratiqué une sélection entre les masters 1 et 2. Face à cette première attaque, la direction de l’UNEF a totalement capitulé. William Martinet a seulement déploré « une liste des masters 2 sélectifs moins limitative que prévue ». Il avalisait donc de fait le principe d’une sélection entre masters 1 et 2. Mais pour la CPU et le gouvernement cette première mesure, effective depuis la rentrée universitaire 2016, ne faisait pas le compte. Le président de la CPU a obtenu qu’un nouveau cycle de concertation soit ouvert afin de « passer très vite à l’étape 2 sur la sélection dans tous les masters ». Le secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, l’a entendu. Il a déclaré « pour moi le mot de sélection n’est pas un gros mot ». La direction de l’UNEF s’est félicitée de l’initiative du gouvernement : « C’est la première fois qu’on a un cadre de discussion et la garantie du gouvernement de ne pas passer en force contre les étudiants » (Les Échos du 24 août 2016).

L’accord du 4 octobre instaure le principe d’une sélection à l’entrée de tous les masters. Le code de l’éducation serait ainsi modifié : « Les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année de deuxième cycle. L’admission étant subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat ». Ce n’est plus ni moins que la remise en cause du droit d’un étudiant de s’inscrire dans le master de son choix. Selon les termes de l’accord, « le droit à la poursuite des études reste garanti ». C’est une tartuferie. Comme l’indique très clairement Vallaud-Belkacem dans une interview aux Échos au lendemain de l’accord, un étudiant recalé se verrait alors proposer, « à sa demande », trois propositions de formation « dont au moins une proposition concernera l’établissement dans lequel l’étudiant aura obtenu sa licence ​ou à défaut un établissement de la région. Ces propositions devront offrir, ​​dans la mesure du possible, une mention compatible avec le projet professionnel de l’étudiant. ». En clair, les recalés seraient orientés vers des masters déqualifiés qui ne correspondent en rien à leurs aspirations et à leur parcours ou qui, au mieux, les contraindraient à déménager ou encore tout simplement à renoncer à poursuivre leurs études ! En effet avec ce projet de loi, les présidents auraient toute latitude pour concentrer leurs moyens en professeurs, en personnels, financiers, vers les « meilleurs » stages sur les masters de « prestige », réservées à une petite élite, les autres filières, où s’entasseront la majorité des étudiants, marcheront avec des bouts de ficelle et distribueront des diplômes sans aucune valeur sur le marché du travail. En réalité c’est la fermeture de nombreux masters ainsi qu’une réduction des places disponibles qui est programmée. L’objectif véritable de la bourgeoisie se dévoile au passage, d’une remarque en apparence anodine, mais remplie de cynisme : « Ce droit peut être immédiat – dans l’année universitaire qui suit sa licence – ou différé si, et seulement si, l’étudiant décide de prendre une année de césure. ».

Un objectif majeur de la bourgeoisie : éjecter la jeunesse de l’enseignement supérieur

L’éditorialiste du journal du capital, Les Échos, jubile :

« Ça n’est assurément pas le grand soir, mais c’est une réelle avancée symbolique. Après des semaines de négociations, gouvernement, présidents d’université et syndicats d’étudiants sont parvenus à se mettre d’accord sur une réforme des masters qui introduira la sélection des étudiants dès la première année (M1) de ce bloc d’étude, et non au beau milieu du cursus comme cela était jusqu’ici pratiqué. Bien sûr, le mot lui-même n’est jamais employé (…), l’histoire retiendra que trente ans après les manifestations contre la loi Devaquet ‑ du nom de ce ministre qui voulait introduire une sélection dès l’entrée à l’université ‑ un embryon de réponse aura enfin été apporté à l’une des crises récurrentes de l’enseignement supérieur : celle de ne pouvoir accueillir tout le monde dans des conditions acceptables » (Les Échos du 3/10/2016).

À sa manière, l’éditorialiste donne la mesure de l’ampleur de l’attaque contre les étudiants. Le projet de Vallaud-Belkacem représente la plus importante tentative d’introduire la sélection à l’université depuis le projet de loi Devaquet en 1986. Certes, depuis des décennies, la sélection à l’université est effective. Elle s’opère d’une manière rampante. Cette année encore des milliers d’étudiants n’ont pas pu s’inscrire dans la filière de leur choix. Plus de 50 % des étudiants doivent se soumettre à un petit boulot pour financer leurs études. Après des années d’étranglement financier, la situation des universités se dégradent et elles n’ont plus les moyens d’assurer correctement les enseignements. Cyniquement, les présidents d’université tablent sur le fait que quelques semaines après la rentrée, confrontés à la gabegie organisée, nombre d’étudiants renoncent à leurs études. Mais cela est loin de suffire aux yeux des présidents d’université qui ont réclamé à cor et à cri cette sélection à l’entrée du master. C’est à la fermeture de nombreux masters ainsi qu’une réduction des places disponibles qu’il faut s’attendre. La ministre vend la mèche dans son interview aux Échos : « L’idée étant que ces derniers [les universités, NDLR] ne se mettent pas, par exemple, à réduire leurs capacités d’accueil ou leur offre de master. […] Certes, les universités sont autonomes pour fixer les capacités ». Tout est dit !

Le gouvernement Hollande-Valls-Vallaud/Belkacem-Baylet s’engage sur une voie où tous les gouvernements depuis plus de trente ans ont renoncé. Est restée gravée dans leur mémoire la défaite infligée à Chirac en 1986 sur le projet de loi Devaquet, par la grève générale des étudiants et par deux fois leurs manifestations centrales à l’Assemblée nationale, payée au prix fort de l’assassinat par les flics de Pasqua de Malik Oussékine. Les étudiants avaient alors imposé aux dirigeants de l’UNEF d’appeler à la grève générale et à la constitution d’une coordination nationale intégrant les syndicats pour organiser et centraliser la lutte.

Pour poursuivre, Vallaud-Belkacem en appelle au soutien direct des partis bourgeois en vue de la préparation de son projet de loi. Le sénateur UDI, Jean-Léonce Dupont a déposé une proposition de loi le 9 septembre instaurant la sélection en master. La ministre explique aux Échos qu’il « peut être vecteur s’il accepte qu’un amendement gouvernemental apporte, au sein de son texte, la solution qui aura été trouvé par la communauté universitaire. Elle a l’avantage de la rapidité ». Il est à noter que l’accord du 4 octobre, reprend les termes mêmes du projet de loi de Léonce Dupont !!!

Comment faire face à l’offensive du gouvernement ?

Une fois de plus, c’est par la collaboration et l’association des dirigeants syndicaux, en particulier ceux de l’UNEF à l’université, que le gouvernement a pu conclure l’accord du 4 octobre. La direction de l’UNEF ose présenter cet accord comme une victoire. Le communique du syndicat du 4 octobre affirme : « Le droit à la poursuite des études : une victoire d’ampleur pour les étudiants ». Lilâ Le Bas, la nouvelle présidente de l’UNEF, cherche à camoufler la capitulation et ment effrontément. Elle déclare « Nous nous réjouissons de voir cette barrière qui existait entre le master 1 et le master 2 déplacée et affaiblie ». Tout est dit : la sélection est intégralement « déplacée »… à l’entrée du master 1… tandis que celle entre le master 1 et le master 2 persiste puisque qu’elle n’est « qu’affaiblie ».

Le calendrier prévu par le gouvernement est le suivant : le 17 octobre présentation au CNESER du projet, sachant que l’approbation est acquise, les représentants des syndicats dans cette haute instance de participation de nature corporatiste étant partie prenante de l’accord du 4 octobre ; présentation d’un projet de loi à l’Assemblée nationale avant la fin de l’année pour mise en application à la rentrée universitaire 2017.

Faire face à l’offensive du gouvernement, c’est d’abord combattre sur l’axe :

       À bas la sélection ! Libre droit à tous les étudiants licenciés de s’inscrire dans le cursus complet du master qu’ils souhaitent !

       Abrogation du décret instaurant la sélection au terme de la première année de Master !

       Rupture de la concertation sur le projet de loi du gouvernement et sur son application ! À bas le projet de loi instaurant la sélection au terme de la licence ! L’UNEF doit retirer sa signature et appeler les organisations syndicales d’enseignant à faire de même. Boycott de la réunion du CNSER du 17 octobre !

Toutes les initiatives doivent être prises afin de s’organiser pour imposer aux dirigeants de l’UNEF cette orientation et qu’ils se prononcent pour un front uni des organisations syndicales d’enseignants à l’université.

 

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