Supplément à CPS n° 57, 14 juin 2015 :

« Combattre pour le socialisme » informe :

Une résistance à la soumission des dirigeants de la CGT
à la politique du gouvernement s'est exprimée
au Congrès de la CGT Finances Publiques (18 au 22 mai 2015)

 

C'est dans un contexte inédit que s'est ouvert ce congrès. En effet les 131.000 agents des finances sont aujourd'hui confrontés à une offensive sans précédent contre leurs garanties. Après la fusion entre l'ex DGI et l'ex DGCP qui s'est accompagnée d'un plan drastique de suppressions d'emplois (2 départs à la retraite sur 3 n'étant pas remplacés durant le quinquennat de Sarkozy), le passage à une deuxième étape de restructurations est mis à l'ordre du jour avec pour objectif de fusionner le maximum de services de base, de généraliser l'organisation en pôles départementaux ou même régionaux pour supprimer toujours plus de postes. Cette nouvelle étape de restructurations, intitulée « démarche stratégique », dont la mise en œuvre s'étend de 2013 à 2018, implique la remise en cause des garanties des agents, notamment les garanties d'affectation sur la résidence, en raison des regroupements programmés et l'organisation de la mobilité pour reverser le trop plein d'agents dans d'autres administrations. C'est bien pourquoi les agents de la Direction Générale des Finances Publiques sont en première ligne lorsque Mme Lebranchu énonce le 10 mars le programme du gouvernement pour la fonction publique d'État dans le cadre des négociations PPCR (« Parcours professionnels, carrières, rémunérations ») : la liquidation des règles de gestion pour leur substituer des lignes directrices, cadre beaucoup plus souple permettant aux directions locales de faire à peu près ce qu'elles veulent des agents, l'accélération de la politique de fusion des corps ainsi que la création de corps interministériels pour faciliter les transferts de personnels. Les agents de la DGFIP sont aussi sous la menace de la révision des missions, menace qui se concrétise durant le congrès avec l'annonce de la retenue à la source qui externalise le recouvrement de l'impôt sur le revenu, et de la réforme territoriale qui supprime des Directions Régionales (DRFIP) en fusionnant des régions.

C'est un moment de vérité pour la CGT Finances Publiques

Les agents de la DGFIP sont donc placés dans le collimateur. Cette situation inédite place le syndicat national CGT devant ses responsabilités. Il doit faire ce pourquoi il a été construit : défendre les statuts, les garanties nationales, les missions et les postes, les régimes indemnitaires. Cela nécessite qu'il se dresse contre l'offensive engagée par le gouvernement qui risque de mettre à bas l'ensemble des garanties des agents de la DGFIP, qu'il s'y oppose de toutes ses forces.

L'appareil syndical sur une orientation de prise en charge de plus en plus ouverte

Or, c'est dans la voie exactement inverse que la direction nationale du syndicat s'est engagée : celle d'une prise en charge de plus en plus ouverte de la politique gouvernementale. Elle se situe ainsi dans la continuité de sa devancière qui, à l'instar des autres directions syndicales, a soutenu la fusion entre la Direction Générale des Impôts et la Direction Générale de la Comptabilité Publique entre 2007 et 2012 . Au fil des ans des rapports de proximité étroite, de complicité se sont noués entre les équipes syndicales qui participent à longueur d'années aux groupes de travail, comités techniques et autres réunions de concertation sur le lourd chantier de la fusion des administrations et leurs homologues de la DG. C'est le dialogue social avec ce qu'il suppose de partenariat.

Après l'élection de Hollande et la nomination d'une nouvelle Direction Générale, les directions syndicales ont dénoncé une prétendue insuffisance du dialogue social, elles sont allées durant quelques mois jusqu'à cesser de participer au dialogue social informel. Ce n'était qu'une posture pour justifier leur volonté d'être associées encore plus étroitement au dialogue social qui constitue l'axe des gouvernements dirigés par Hollande, confère les trois conférences sociales de 2012, 2013 et 2014 qui ont toutes les trois accouché d'une contre réforme. C'est ainsi que dès que la DGFIP en a appelé au dialogue social pour mettre en œuvre la nouvelle étape de restructurations, toutes les directions syndicales ont répondu présent et permis le bon déroulement du dialogue social dans ce cadre dès la deuxième partie de l'année 2013. Depuis, c'est une succession ininterrompue de groupes de travail et autres Comités Techniques au niveau national qui ont pour seul effet de démoraliser les agents en leur donnant le sentiment qu'un mouvement irréversible est engagé et qu'ils ne peuvent rien faire contre la Démarche Stratégique. Dans ces conditions, les dirigeants de la CGT ont beau jeu de dire que la DG estime avoir un boulevard devant elle concernant les restructurations. Ouvert par quoi, par qui, sinon par le dialogue social auquel participent les dirigeants syndicaux.

En ce qui concerne la réforme indemnitaire, l'appareil est allé encore plus loin. L'enjeu pour la Direction Générale était de réformer les régimes indemnitaires existant pour rendre le RIFSEEP (Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions , des sujétions, de l'Expertise et de l'Engagement Professionnel), le nouveau régime indemnitaire que le gouvernement veut appliquer à toute la fonction publique, applicable à la DGFIP. Il s'agit d'une attaque majeure contre les agents car l'application du RIFSEEP signifie la remise en cause des régimes indemnitaires DGFIP qui représentent une part importante des rémunérations (jusqu'à 1/3) et bénéficient à tous les agents de façon égalitaire en fonction de leur catégorie et de leur grade. Or les représentants CGT ont chaleureusement approuvé la réforme indemnitaire conduite par la DG début 2014 dans le groupe de travail convoqué à cet effet. Lors du Comité Technique national du 28/01/2014, ils n'ont pas eu de mots pour dire tout le bien qu'ils en pensent : ils déclarent qu'ils « se félicitent » de la suppression des anciennes indemnités sans être arrêtés par le fait que leur maintien s'opposait à l'application du RIFSEEP. En mai 2014, lors du Comité Technique national qui clôture la réforme indemnitaire, ils gratifient les représentants de la DG d'un « dialogue social de qualité » et vont jusqu'à parler d'une « issue trouvée par le haut ». En guise de sortie par le haut, la sortie se fait en rendant les régimes indemnitaires de l'ensemble des agents de la DGFIP compatibles avec le RIFSEEP, elle se traduit aussi pour les agents directement concernés par des pertes sèches de rémunération et le fait que les indemnités de substitution deviennent imposables (ce qui représente un supplément d'impôt pouvant atteindre des centaines d'euros).

En réalité la sortie par le haut est surtout pour ces partenaires sociaux de qualité qui obtiennent assez systématiquement des promotions (le lubrifiant du dialogue social).

Le copinage de la direction nationale de la CGT Finances Publiques avec la Direction Générale n'a d'égale que sa soumission à l'égard des bureaucrates de l'UGFF-CGT (Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires d'Etat de la CGT qui regroupe les syndicats nationaux et fédérations CGT de la fonction publique d'Etat). En effet, si dans le congrès de l'UGFF de 2013 les dirigeants de la CGT Finances Publiques ont dit non à la réforme des structures de l'UGFF par volonté de garder leurs postes, il n'en demeure pas moins qu'il est hors de question pour eux de s'opposer à l'orientation de la direction de l'UGFF, même si cette orientation conduit à la liquidation des fédérations et des syndicats nationaux en avalisant les fusions de corps, même si la direction de l'UGFF s'assoit sur les règles de gestion des agents de la DGFIP et se borne à une condamnation du RIFSEEP purement platonique dans la mesure où elle se prononce dans le même temps pour la parution de sa circulaire d'application (voir l'article paru dans Fonction Publique de novembre 2013). C'est pourquoi la direction de la CGT Finances Publiques a laissé les mains totalement libres à l'UGFF qui a tout fait pour échapper au contrôle de ses composantes et évité toute condamnation du rapport Pêcheur dans son congrès afin d'entrer sans aucun obstacle dans les négociations anti-statutaires.

Affaiblissement du syndicat et montée de la défiance

Il n'est pas étonnant qu'avec un tel bilan la CGT Finances Publiques ait vu ses résultats électoraux reculer très nettement aux élections professionnelles de décembre 2014 avec -3,5 points et connaisse une érosion nette de ses effectifs avec une perte de l'ordre de 800 adhérents en trois ans, soit approximativement – 7%.

Il n'est pas étonnant non plus que cela provoque des remous. En particulier parmi les représentants CGT de l'administration centrale qui se voient directement menacés d'intégration dans un corps interministériel des informaticiens et ne voient pas d'un bon œil la soumission de leur syndicat face à l'UGFF. C'est dans ces conditions qu'apparaît un courant de mécontentement organisé, dans les mois qui précèdent le congrès, qui associe des composantes hétérogènes, depuis les informaticiens de la centrale jusqu'à des pieds écrasés et des recalés de l'appareil. D'où la tendance de ce courant à poser les questions en termes de renouvellement du fonctionnement du syndicat national bien plus qu'en termes d'orientation.

C'est également la première fois que le rapport d'activité de la direction nationale obtient un taux d'approbation aussi faible puisqu'il atteint à peine 60% au lieu de 89% lors du précédent congrès, le reste se partageant entre les votes contre et les abstentions. Fait significatif, le vote contre est le fait de grosses sections : les Bouches du Rhône, Paris, le Rhône ainsi que de sections comportant un pourcentage importants d'agents frappés par la réforme statutaire (la Centrale) ou indemnitaire (les directions du contrôle fiscal). C'est donc dans un climat marqué par une montée de la défiance que s'ouvre le congrès.

À l'ouverture du congrès, le secrétaire général propose d'aller plus loin dans la prise en charge

Le discours inaugural du secrétaire général le mardi matin fait des phrases pour se donner une apparence radicale : le syndicat dit « mille fois non au RIFSEEP », il déclare que le gouvernement veut avancer dans ses remises en cause statutaires « au détour des négociations PPCR », sans pour autant soulever en quoi que ce soit la responsabilité de l'UGFF , car il y a des limites. Mais le contenu réel de ce discours est aux antipodes de cet écran de fumée. Il consiste à proposer d'aller plus loin sur la ligne de la prise en charge : c'est ainsi qu'il affirme : « nous avons besoin dans ce congrès d'un débat approfondi sur la question du maillage territorial, des services, quelle stratégie d'action, quelle démarche syndicale, telles sont les questions sur lesquelles nous croyons nécessaire que le congrès s'attèle » » ce qui fait écho à la nouvelle étape de restructurations qui remet en cause l'existence de services de pleine compétence sur tout le territoire et déclare « le congrès aura à donner un mandat autour de la question du dialogue social», ce qui est tout sauf neutre. A l'appui de ces propositions, il n'hésite pas à énoncer des contre vérités grossières en affirmant que le syndicat national n'a participé à aucun groupe de travail sur la démarche stratégique pour bien montrer que cela ne sert à rien de ne pas participer et présente la Démarche Stratégique comme faisant partie du passé - alors que dans les départements on en est à peine au stade où les directions font remonter leurs propositions de restructurations à la DG ! Il s'agit de marquer que le stade de l'opposition même formelle est dépassé et qu'il faut passer à autre chose. Cette autre chose n'étant rien d'autre que la prise en charge de l'adaptation des structures et du réseau (les restructurations) dans le cadre du dialogue social. Autrement dit, il faut arrêter de faire semblant, il faut y aller franchement. C'est la jurisprudence groupe de travail indemnitaire qui doit s'appliquer.

Toutefois l'appareil est incertain sur les réactions des délégués, il les appréhende à tel point qu'il limite le plus possible le débat général. C'est ainsi que le débat général est réduit à deux heures ou deux heures trente sur toute la durée du congrès. Concrètement les premiers délégués à s'exprimer disposent de 4 minutes, qui leur sont strictement mesurées, alors que les derniers intervenants verront leur temps de parole limité à 2 minutes et demi.

« Boycott, boycott, on n'entend que cela ... »

Malgré ces conditions et dans ce cadre, vont se produire des interventions qui posent les vrais problèmes. D'abord celle d'un délégué de Charente Maritime qui explique qu'il n'est pas possible de laisser l'UGFF continuer à « négocier » sur le cahier revendicatif du gouvernement contre les agents de la DGFIP et soumet au vote la motion suivante de l'AG de la Charente Maritime :

Camarades,

Notre congrès n’est pas, notre congrès ne peut pas être, un congrès de routine.

Ce gouvernement poursuit, amplifie et aggrave la politique de ses prédécesseurs. Aujourd’hui avec le PPCR, il engage la liquidation du statut de la fonction publique.

Camarades,

Aujourd’hui c’est au niveau fonction publique que les attaques fondamentales nous sont portées. C’est au niveau fonction publique aussi que nous devons combattre.

C’est pourquoi notre AG de Charente-Maritime a adopté le 7 avril, à l’unanimité des 51 présents la motion qui suit, et dont je demande qu’elle soit soumise au vote du congrès :

MOTION votée par l’A.G. de section de la CGT Finances publiques de Charente Maritime (17) le 7 avril 2015 : ]

Les « négociations » dites sur « les Parcours Professionnels, les Carrières et les Rémunérations » (« PPCR ») se sont ouvertes sur l'annonce du maintien du blocage des traitements jusqu'en 2017. Non seulement c'est donc dans le cadre de l'attaque la plus lourde contre nos rémunérations, la plus grave depuis 80 ans, qu'elles se sont ouvertes, mais plus ces « négociations » avancent, plus le gouvernement dévoile ouvertement ses projets vis à vis des fonctionnaires, et plus notre syndicat a de motifs de s'alarmer.

Il y a eu le projet d'accord sur la vie au travail que ni la CGT, ni FO, ni la FSU, ni Solidaires n'ont signé tellement son contenu réel est à l'opposé des intérêts des fonctionnaires.

Il y a surtout le RIFSEEP (« Régime Indemnitaire Fonctions Sujétions Expertise et Engagement Professionnel ») qui, remettant en cause les principes de la fonction publique de carrière et introduisant l'aléa et l'individualisation d'une partie de la rémunération en fonction du poste occupé et de la manière de servir, montre clairement là où le gouvernement veut en venir.

Il y a maintenant le projet énoncé lors de la séance de « négociation » du 27 janvier de supprimer les règles de gestion qui protègent les agents de l'arbitraire et leur assurent une égalité de traitement et de les remplacer par « des lignes directrices de gestion » qui en sont la négation pure et simple car comme l'explique lui-même le gouvernement : « il ne s'agit pas de créer des garanties statutaires nouvelles mais de donner des marges de manœuvre aux gestionnaires ».

Et puis la confirmation de la volonté gouvernementale dans ces pseudo négociations de passer à la vitesse supérieure sur les fusions de corps et les corps interministériels, ce qui remet en cause les statuts particuliers, leurs garanties et s'inscrit dans une politique de développement de la mobilité pour accompagner les restructurations.

Il s'agit d'une offensive méthodique contre le statut général de la fonction publique, et les statuts particuliers des corps nationaux, qui en sont les concrétisations.

Les négociations dites PPCR s'inscrivent totalement dans le cadre de la politique générale de ce gouvernement de soumission aux exigences patronales, qui, pour ce qui concerne la fonction publique, signifie le blocage permanent des traitements, les coupes budgétaires massives, la révision des missions et la remise en cause des garanties statutaires.

Le congrès de la CGT Finances publique n'accepte pas la remise en cause des règles de gestion, des statuts particuliers nationaux et des régimes indemnitaires des agents de la DGFIP !

Il n'accepte pas de voir tout l'édifice des garanties des agents de la DGFIP menacé d'être mis à bas et les principes de la fonction publique de carrière remis en cause.

Le gouvernement table sur la participation des directions syndicales pour réaliser contre les agents de la DGFIP et les fonctionnaires ce que les gouvernements précédents, de Chirac à Sarkozy, n'ont pas réussi à faire.

C'est pourquoi notre congrès s'adresse à la direction de l'UGFF-CGT pour dire :

Il est hors de question de continuer à participer à des réunions qui se tiennent sur le cahier revendicatif du gouvernement contre les fonctionnaires, contre les agents de la DGFIP.

Sortez de ces pseudos négociations !

Prononcez-vous pour le maintien intégral des règles de gestion nationales, pour le maintien des statuts particuliers, pour le maintien des principes de la fonction publique de carrière et appelez à la mobilisation des fonctionnaires sur cette base !

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Camarades,

Bien évidemment, la CGT ne doit pas signer le texte qui sera soumis en définitive par LE BRANCHU. Mais je voudrais dire ici qu’il y a une très grande différence entre « retenir son stylo » et engager un réel combat pour faire retirer le texte d’une contre-réforme particulièrement destructrice.

Il ne suffit pas de ne pas signer, si l’on a participé à toutes les réunions, de bout en bout de ces prétendues « négociations ».

Ce ne sont pas les pseudo « contreparties » consistant en l’attribution de quelques points d’indice, étalés jusqu’en 2022, et financés en partie par les fonctionnaires eux mêmes (notamment par la suppression de l’indemnité de compensation de la CSG), qui peuvent justifier une quelconque signature par la CGT.

Le moyen le plus sûr pour empêcher cet accord, qui engage la destruction du statut, et aussi pour obliger les autres organisations syndicales à refuser de signer, c’est que la CGT quitte ces pseudo négociations et fasse connaître publiquement à tous les fonctionnaires qu’elle rompt avec le gouvernement. Ce serait, par là même aussi, le meilleur moyen pour mobiliser nos collègues contre ce funeste PPCR.

Nous avons donc besoin que l’UGFF ne se contente pas de ne pas signer en fin de course, mais qu’elle annonce publiquement dès à présent qu’elle quitte ces discussions.

C’est pourquoi, mandaté par mon AG de section, je dépose au bureau de congrès le texte de notre motion, et je demande qu’elle soit soumise au vote du congrès.

Des applaudissements nourris saluent cette intervention. Autre intervention, celle d'un délégué des bouches du Rhône qui ,après avoir expliqué que les agents n'ont jamais eu autant besoin de leur syndicat national pour se défendre, affirme que cela n'a été le cas ni sur le RIFSEEP, ni sur la Démarche stratégique. Sur les régimes indemnitaires, il explique que « la DG devait faire sauter le verrou que représentaient les indemnités des vérificateurs et géomètres car ces indemnités étaient incompatibles avec le RIFSEEP et qu'en empêchant son application à des milliers d'agents aux fonctions aussi précises elle rendait impossible la généralisation à la DGFIP d'un régime indemnitaire reposant sur un classement en groupes de fonctions. Or cela a été avalisé par la direction nationale. Sur la Démarche stratégique il dénonce les mensonges du secrétaire général qui déclare que la direction nationale a refusé de participer aux groupes de travail en posant la question : tous les groupes de travail structurels auxquels la direction nationale participe régulièrement que sont-ils d'autre que la déclinaison structurelle de la démarche stratégique

Il explique que pour autant rien n'est joué : «nos règles de gestion et nos statuts particuliers sont toujours debout. Sur le RIFSEEP aussi les choses ne sont pas jouées». Il pose la question : « comment faire pour qu'à l'issue de ce congrès les agents disposent de l'outil syndical dont ils ont besoin ? Il faut partir du contenu précis de l'offensive engagée contre les agents de la DGFIP. De ce point de vue, dit-il, on ne peut être d'accord lorsque le secrétaire général explique que la démarche stratégique relève du passé...La vérité est que la DGFIP attend le déverrouillage des règles de gestion des négociations PPCR pour passer à la vitesse supérieure dans les réorganisations impliquant la mobilité .

La Démarche stratégique n'est pas derrière nous, pour l'essentiel elle est devant nous. C'est pour cela que le mot d'ordre de retrait de la DS est plus actuel que jamais, qu'il faut quitter les réunions qui se tiennent dans son cadre et mener la lutte la plus résolue pour la défense de nos règles de gestion car c'est lié.

Mais on ne peut défendre nos règles de gestion, nos statuts particuliers au seul niveau DGFIP parce que le ministère de la FP les menace directement dans le cadre des « négociations PPCR ». Il faut donc que notre congrès s'adresse à l'UGFF pour qu'elle exige le maintien des statuts particuliers et des règles de gestion, qu'elle en fasse un préalable vis à vis des pseudos négociations PPCR »

Des représentants de la centrale interviennent également qui posent le problème du combat contre l'interministérialité, d'autres encore qui soulignent le fait qu'on ne peut pas ne pas tenir compte de l'affaissement des votes en faveur de l'activité nationale

Face à ces interventions, se dresse le «Parti Ouvrier Indépendant».

Cela fait bien longtemps que cette organisation a un fil à la patte avec l'appareil FO et se fait le porte drapeau de sa direction, couvrant cette dernière pour son rôle sur la réforme des retraites en 2033 et 2010, couvrant les appels aux journées d'action telles que le 09 avril alors qu'il ne s'agit que du contre point de la participation de FO au dialogue social.

Mais il faut ajouter que le POI s'est dernièrement intégré à d'autres appareils syndicaux, tels que celui de la FSU et celui de la CGT, confère par exemple son rôle dans le dernier congrès CGT Santé. Jusque dans le milieu des années 2000 le POI cherchait à donner le change dans la CGT aux finances, il jouait à l'opposition même si elle n'était que de façade. Maintenant les choses sont claires et nettes : il intervient pour faire régner l'ordre de l'appareil. C'est ainsi que les interventions du POI dans le congrès ont dès l'ouverture du débat général un contenu policier.

Ce sont des représentants du POI qui tentent de souder en début de congrès les délégués qui ont la volonté parfaitement légitime de préserver leur syndicat national en dénonçant ceux qui veulent faire pression sur le congrès et ont osé distribuer un tract à son entrée. C'est suivi d'un rappel à l'ordre : « le rapport d'activité a été voté »: silence dans les rangs !

Mais sur le fond, c'est contre ceux qui combattent pour la rupture avec la DG et le gouvernement que le POI intervient : « boycott, boycott on entend que cela... » déclare un de leurs représentants qui y oppose la traditionnelle adresse du congrès aux agents qui est mise en avant pour détourner l'attention des congressistes et empêcher le congrès de la CGT Finances Publiques, qui représente près de 30% des mandats de L'UGFF, de prendre position pour que l'UGFF quitte ces pseudo négociations. De la même manière, le POI en fait des tonnes sur la réforme territoriale, la charte de la déconcentration de la gestion pour faire passer à la trappe le plan bien concret et sans précédent de restructurations auquel sont confrontés les agents de la DGFIP et ce que cela implique en termes de remises en cause des garanties.

Il n'empêche, le simple constat du POI « boycott, boycott, on n'entend que cela » est révélateur du fait que dans le congrès, il n'y a pas de délégués, pas de force pour appuyer les propositions « novatrices » du secrétaire général.

Le secrétaire général n'insiste pas

Aussi dans sa conclusion, le secrétaire général doit en rabattre : il n'est plus question de ses propositions « innovantes », il déclare que la motion de la Charente Maritime sera soumise au vote du congrès et évite de répondre aux critiques précises de façon à éviter de faire rebondir les discussions. En fait c'est durant tout le congrès que les possibilités d'intervenir pour poser les problèmes ont été corsetées, étroitement limitées sauf sur les points sur lesquels l'appareil veut que la discussion ait lieu.

C'est dans ces conditions que sont réunies les commissions sur les amendements qui vont occuper la majeure partie des congressistes pendant la plus grande partie du congrès, que ce soit en réunion de commissions jusqu'à des 4 heures du matin, dans certains cas deux nuits de suite !, ou en séances plénières. Là encore, au motif du trop grand nombre d'amendements, pas question de véritables discussions : la règle c'est un pour, un contre. Ce carcan bureaucratique va sauter dans certaines commissions mais c'est loin d'être la règle générale : résultat les membres de l'appareil en profitent pour asséner leurs contre vérités sans qu'on puisse les contre carrer.

Malgré cela, un certain nombre d'amendements sont adoptés ou bien recueillent des résultats significatifs qui expriment la résistance des congressistes à l'orientation de prise en charge de l'appareil. C'est ainsi que différents amendements suppriment :

·         les propositions les plus grossières d'adaptation qui affirmaient  : « qu'on ne peut réfléchir au maillage de façon uniforme sur tout le territoire...dès lors, dans chaque département, il est impératif de pouvoir organiser un débat sur l'organisation de nos missions... », ce qui s'inscrit à la lettre dans la démarche d'adaptation des structures et du réseau de la Direction Générale,

·         les canailleries qui font porter la responsabilité aux collègues des petites structures alors que c'est le dialogue social au plan national qui les met dans une situation impossible : « on ne peut ignorer que compte tenu des difficultés matérielles dans lesquelles se trouvent de nombreux collègues aujourd'hui, beaucoup acceptent la fermeture de leurs petites structures... »,

·         l'acceptation de discuter des implantations des structures qui figure en toutes lettres dans le projet de document d'orientation alors que cela revient à accepter des suppressions de services,

D'autres amendements réitèrent l'opposition à la fusion des services du cadastre ou rejettent le fait que le document d'orientation accepte de réduire à la portion congrue les services d'accueil en envisageant « des services d'accueil, de pleine compétence ou avec des formes à préciser » et aille jusqu'à accepter que les horaires d'ouverture au public soient déterminées au plan local alors que c'est exactement ce que la DG est en train de mettre en place, que cela ouvre la voie à la remise en cause des garanties horaires des agents et à la déréglementation des horaires de travail.

Ces amendements s'opposent frontalement aux propositions « novatrices » faites par le SG en début de congrès. Par ailleurs est adopté un amendement de la Charente maritime qui affirme que « l'exigence de l'augmentation de la valeur du point d'indice constitue pour la CGT Finances Publiques un préalable à toute discussion sur les rémunérations. La CGT Finances Publiques demande à l'UGFF de faire sien ce principe et de le mettre en application en quittant les discussions dites PPCR », un autre amendement des Bouches du Rhône qui recueille 87 voix pour et 109 contre en séance plénière affirme : « le gouvernement a pris l'initiative des négociations PPCR afin de faire passer par la concertation sa politique de fusion des corps et de généralisation des corps interministériels. C'est pourquoi la CGT Finances Publiques s'adresse à l'UGFF CGT pour qu'elle se prononce contre la fusion des corps et la généralisation des corps interministériels, pour qu'elle adopte comme position : la liquidation des corps et des statuts particuliers ne se négocie pas, elle se combat ».

Les votes sur ces amendements montrent que la ligne consistant à laisser les mains libres à l'UGFF pour prendre en charge la politique anti statutaire du gouvernement suscite de sérieuses résistances parmi les congressistes.

La direction nationale fait venir L'UGFF

C'est pourquoi l'appareil a décidé de donner la parole à J-M Canon en personne, le dirigeant de l'UGFF, le jeudi matin pour faire la leçon aux congressistes, leur faire entendre la voix du réalisme. Vous les grands révolutionnaires... qui me traitez en réformiste...je vais vous apprendre ce qu'est la réalité : telle est la tonalité de son discours. L'opération est conçue en trois temps : ¼ d'heure pour Canon, ¼ d'heure de débat puis encore ¼ d'heure pour Canon. En fait Canon est venu pour signifier au congrès, avec le soutien de la direction de la direction du syndicat, que l'UGFF s'assoit sur la volonté des adhérents de la CGT Finances Publiques, que la remise en cause des garanties nationales des agents de la DGFIP impulsée par M. Lebranchu n'est pas un sujet : il n'en parle pas. Il a été invité à assommer les délégués.

Mais cela ne fonctionne pas  : des délégués de l'administration centrale, de Charente Maritime, des Bouches du Rhône citent les faits. « Tu nous dit que tu es pour la défense des statuts particuliers, mais le 10 mars quand Lebranchu a déclaré en ce qui concerne la fonction publique d'Etat qu'il faut relancer la politique de fusion des corps, qu'est-ce que tu as répondu ? Rien, tu as parlé d'autre chose. Quant au courrier que vous avez adressé le 13 mai à Valls avec tous les dirigeants des fédés de fonctionnaires, il ne dit pas un mot non plus sur la question des statuts, il aborde les choses entièrement sous l'angle des contre parties . Notre statut, nos règles de gestion ne sont pas négociables ! Sortez de ces pseudo négociations !». Toutes les interventions qui semblent soulever la responsabilité de la direction de l'UGFF sont très applaudies.

Une fois de plus le POI monte au créneau contre la proposition de la Charente Maritime : surtout que le congrès ne prenne pas position pour que l'UGFF claque la porte ! Ce qu'il faut c'est intervenir dans le conseil national de l'UGFF qui est prévu en juin.. et pendant ce temps que les « négociations PPCR » se poursuivent tranquillement jusqu'à leur fin programmée en juin. Voilà quel est la position de protection des négociations PPCR du POI. J-M Canon, dans sa « réponse » ne répond à aucune critique précise, il se contente de dire que rien ne garantit que si la CGT quittait la table des négociations cela favoriserait la mobilisation , autrement dit cela ne servirait à rien. Loin de les assommer, son intervention a le don d'attiser le ressentiment de beaucoup de délégués. A la pause de midi, une discussion est surprise entre JM Canon et le secrétaire général de la CGT Finances Publiques qui lui donne le gage qu'il est hors de question de faire voter la motion à la reprise des travaux. Trop peur qu'elle passe !

Le congrès passe l'après midi à étudier les amendements avec toujours le même scénario qui permet à l'appareil de s'en sortir sans débat. Néanmoins, à chaque fois qu'un amendement est adopté, même s'il n'est pas très important, ce sont des salves d'applaudissements pour marquer que le verrou a sauté. A 19 heures, le délégué de Charente Maritime est obligé d'intervenir à nouveau pour que la motion soit soumise au vote.

La direction organise un débat ...contre la motion de la Charentes Maritime

Il est organisé un débat autour de la motion à 19h30 ! Pour autant les congressistes, bien que passablement fatigués, sont restés : près de 200 délégués. La fonction du débat est claire, c'est de faire enfoncer la motion par deux séries d'intervention, celles du POI et celles des composantes de l'appareil traditionnel. Il est à noter que ce sont les interventions du POI qui sont les plus incisives et s'opposent avec le plus de virulence à l'exigence de la rupture immédiate des pseudos négociations PPCR. Mais trois délégués interviennent pour la motion, notamment en soulignant que la rupture des négociations par L'UGFF pèserait sur les autres organisations et serait le moyen le plus sur d'empêcher l'accord majoritaire qui est indispensable au gouvernement pour remettre en cause les garanties statutaires des fonctionnaires. Malgré le dispositif mis en place par l'appareil, la motion obtient 79 voix sur 184 délégués (il y a 105 « contre »). Elle ne passe pas, mais le résultat obtenu dans ces conditions– elle fait 43% des voix- est significatif de la volonté des délégués de résister .

Un point d'appui pour poursuivre le combat pour la rupture des pseudos négociations PPCR,
contre la signature d'un accord majoritaire

C'est un fait : dans ce congrès s'est exprimée une volonté de résistance contre la subordination de la CGT à la politique du gouvernement. Cette volonté s'est exprimée à la fois contre la tentative de la direction nationale de la CGT Finances Publiques de prendre en charge encore plus ouvertement les restructurations dans le cadre du dialogue social et de manière encore plus ouverte contre la prise en charge par l'UGFF des pseudos négociations PPCR. Fait significatif du fait que l'appareil n'a pas pu aller plus loin dans la prise en charge, dans l'adresse qu'il fait voter le dernier jour du congrès, il est conduit à réintégrer l'exigence de l'abandon de la Démarche Stratégique qui était pourtant absente du document d'orientation, tout comme il est obligé de se prononcer pour la défense des règles de gestion.

Mais évidemment pour ce qui est des statuts particuliers et des garanties nationales des agents, ce qui est décisif ce sont les « négociations PPCR ».

Or le 28 mai, dans sa réponse à la lettre que les directions des fédérations de fonctionnaires lui avaient adressée pour se plaindre de l'insuffisance des contre parties, Valls déclare que le gouvernement demande à Marylise Lebranchu « d'examiner les pistes envisageables pour aller plus loin dans les propositions du gouvernement dans la perspective d'un accord, dans un calendrier compatible avec le terme de la négociation ». La formulation sur « les pistes envisageables » ne doit rien au hasard car le gouvernement répète par l'intermédiaire de Lebranchu au même moment qu'il est hors de question de débloquer le point d'indice. Néanmoins Valls ne peut pas exprimer plus clairement qu'il est indispensable pour lui que les fédérations de fonctionnaires endossent sa politique anti statutaire. Sans cela, le gouvernement ne peut rien faire.

Sans accord majoritaire, il n'y a ni remise en cause des statuts particuliers, ni remise en cause des règles de gestion, c'est toute la mécanique des restructurations à la DGFIP qui se grippe. Voilà pourquoi le combat pour la rupture des pseudos négociations PPCR, le combat contre la signature d'un accord est plus que jamais d'actualité. Le vote à 43% par le congrès de la CGT Finances Publiques de la motion de la Charente Maritime constitue un point d'appui pour poursuivre ce combat.

 

Le 02 juin 2015.

 

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