Déclaration du Groupe pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire,
de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire

     Halte à la répression contre les mineurs sud‑africains !

      Inconditionnellement aux côtés des mineurs en grève
      et de leurs revendications!

      Libération immédiate des mineurs emprisonnés
      et levée des inculpations

         La responsabilité des dirigeants syndicaux (CGT, FO, FSU...), du PS et du PCF :

       Appeler à une manifestation massive, dans l’unité,
      à l’ambassade d’Afrique du Sud

 

Six jours sur sept dans les entrailles de la terre ; 9 contrats sur 10 en sous‑traitance, pouvant être rompus du jour au lendemain ; une espérance de vie brutalement réduite par des maladies mortelles telles que la platinose ; le tout, pour un salaire de 400 euros par mois : voilà les conditions de travail et d’existence contre lesquelles se battent les mineurs sud‑africains de Marikana, en grève depuis le 10 août.

Face à leurs revendications salariales, le gouvernement sud‑africain leur répond par la mitraille. Dans cette opération meurtrière, il a pu compter sur le soutien direct de la direction du syndicat minier NUM qui, le 13 août, appelait « au déploiement d’urgence des forces spéciales ou des forces armées sud‑africaines avant que la situation soit hors de contrôle ». Le 16 août, des dizaines de manifestants étaient massacrés en quelques minutes sous les tirs de la police, d’autres succombaient ensuite à leurs blessures.

Cette répression est délibérément organisée par le gouvernement de Jacob Zuma, vertébré par l’ANC. Ce gouvernement, comme les dirigeants des trusts miniers européens ou américains, sont hantés par une crainte : celle de voir se développer un puissant mouvement de grève dans les mines, au cœur de la classe ouvrière sud‑africaine. Il s’agit d’étouffer le foyer constitué par la grève de Marikana avant qu’il ne déclenche une réaction en chaîne.

Les résultats odieux de l’ « enquête » diligentée par Zuma et l’ANC en constituent la preuve éclatante : fin août, des dizaines de mineurs ayant participé à la manifestation, dont plusieurs encore hospitalisés, étaient déférés devant un tribunal et accusés du « meurtre » de leurs camarades... en vertu d’une jurisprudence datant de l’apartheid ! Inculpation « provisoirement levée » début septembre, sous l’effet de l’indignation populaire (AFP, 2/8/2012)... mais les mineurs restent emprisonnés !

Malgré ce massacre, plusieurs autres mines se sont engagées à leur tour dans un mouvement de grève spontanée, dite « sauvage » ou « illégale » dans le vocabulaire des assassins au pouvoir.

Autour du gouvernement Zuma : union sacrée contre les mineurs

Au sommet de l’État sud‑africain, des grands groupes capitalistes, des médias à leurs bottes, et jusqu’aux dirigeants majoritaires du mouvement ouvrier sud‑africain, l’heure est à l’union sacrée pour faire rendre gorge aux mineurs.

Dès avant le « jugement » prononcé par le tribunal, le prétendu « Parti Communiste » sud‑africain (SACP) s’est distingué en désignant par avance des « coupables » : les dirigeants d’un syndicat de mineurs minoritaire, l’AMCU. Or, si ce syndicat a pu trouver un écho, c’est précisément en conséquence de la collaboration ouverte des dirigeants du NUM avec le patronat minier : les liens entre bureaucrates syndicaux et patrons sont si étroits que Cyril Ramaphosa, l’ancien président du NUM, siège désormais au directoire de la société Lonmin, propriétaire de la mine où le massacre des mineurs a été perpétré !

De quoi éclairer la réaction des dirigeants de la confédération syndicale historique, la COSATU, qui participent au gouvernement Zuma : refusant tout soutien à la grève « illégale », ils déplorent la « réponse excessive » de la police et s’opposent à toute riposte ouvrière contre la répression. « La COSATU refuse (..) d’utiliser cette tragédie pour marquer des points. Nous n’allons pas jouer au jeu des blâmes ni utiliser la colère que ressentent les travailleurs (...) pour diriger le ressentiment contre le gouvernement ou d’autres.» (communiqué du 24 août).

Forte de tels soutiens, la direction du trust minier Lonmin a beau jeu d’organiser le « dialogue » avec le syndicat officiel... en vue d’organiser la reprise pure et simple du travail, de briser la grève dans des mines gardées par des hommes en armes, tandis que le village des mineurs est quadrillé par la police. Le président sud‑africain Jacob Zuma a fixé le cap, sans équivoque : « Nous devons regarder comment, en travaillant avec les syndicats et le patronat, nous pouvons faire en sorte que les grèves dans ce secteur sur les conditions de travail (...) aient lieu dans les limites de la loi.»

18 ans après la prétendue « abolition de l’apartheid » : rien n’a changé

La grève des mineurs de Marikana met en lumière ce constat accablant : depuis 1994, les conditions d’existence des masses noires n’ont pas changé en Afrique du Sud. Les centaines de milliers de travailleurs du secteur minier, qui s’entassent dans des dortoirs insalubres ou des bidonvilles, sont les seuls soutiens de larges familles dans un pays rongé par le chômage, la misère, le SIDA, l’absence de services publics de base et d’acquis ouvriers. Les masses noires n’ont pas quitté les townships, réserves où le régime d’apartheid les a confinées.

En 1994, l’accession au pouvoir de l’ANC, organisation petite‑bourgeoise, s’est effectuée au prix d’un accord au sommet avec la bourgeoisie blanche : l’ANC abandonnait toutes les revendications portant atteinte à la mainmise des capitalistes et autres trusts internationaux sur les richesses du pays. L’exigence de nationalisation du secteur minier, celle d’une réforme agraire redistribuant la terre aux paysans noirs pauvres étaient jetées aux oubliettes – un cap politique réaffirmé en février 2012 par le président et dirigeant de l’ANC Jacob Zuma.

Cela, seul, explique ce paradoxe sidérant : tandis que l’Afrique du Sud regorge de richesses, qu’elle détient près de 90% des réserves mondiales de platine, que ses industries trônent en tête des palmarès du continent africain, la moitié de la population survit avec moins de deux dollars par jour. Depuis 1994, des notables et capitalistes noirs, liés à la direction de l’ANC, ont vu s’ouvrir à eux les portes des quartiers cossus de la bourgeoisie blanche ; l’ANC elle‑même a intégré en son sein, en 2004, le Parti National, parti historique de l’apartheid. Mais pour les masses noires, rien n’a fondamentalement changé.

Un ravalement de façade en noir, sur un État dont les fondations restent coloniales : voilà la réalité de la prétendue « abolition de l’apartheid ». Le système d’exploitation et de pillage du pays par de grands trusts occidentaux, comme le trust britannique Lonmin, perdure. Et c’est à leur compte qu’agissent flics, caciques de l’ANC et dirigeants syndicaux véreux.

Le bilan politique de l’ANC au pouvoir montre que sans l’expropriation du capital et la redistribution des terres, il n’y a pas de pouvoir noir ni de libération possibles.

La lutte historique des masses noires reprend sous le choc de la crise

L’affrontement qui s’est engagé entre la classe ouvrière noire et le gouvernement vertébré par l’ANC, la bourgeoisie sud‑africaine et les grands trusts capitalistes, n’a rien de fortuit : il procède directement des développements de la crise mondiale du capitalisme.

Ainsi, à l’instar de fractions entières du prolétariat de tous les pays, de pays entiers, l’Afrique du Sud subit de plein fouet les conséquences de la spéculation forcenée sur les matières premières. D’un côté : le cours du platine, qui s’est effondré en 2008, a poussé les trusts miniers à licencier, intensifiant l’exploitation des travailleurs restés en place ; depuis, la remontée progressive des cours n’a nullement conduit la bourgeoisie à revoir à la hausse les conditions d’existence misérables des masses noires, avantageuses pour les taux de profit.

De l’autre côté : les prix alimentaires ont connu cet été, une fois de plus, une augmentation brutale. L’indice FAO du prix des céréales a progressé de 17% pour la seule période de juin à juillet 2012, frôlant le niveau historique atteint en août 2008. L’ensemble des prix alimentaires aurait bondi de 10% en deux mois !

Ces fluctuations, mortelles pour des masses croissantes d’hommes et de femmes, n’ont rien à voir avec les aléas de la production : elles sont une des conséquences de la crise, qui pousse les capitalistes à spéculer cyniquement sur des « valeurs sûres » ‑ autrement dit, à sauvegarder autant que possible leurs taux de profit au détriment de la survie de centaines de millions d’êtres humains.

La lutte que mènent aujourd’hui les mineurs sud‑africains rejoint celle des mineurs tunisiens, à l’origine de la crise révolutionnaire de janvier 2011, des ouvriers égyptiens aux avant‑postes de la lutte contre Moubarak, des travailleurs grecs, des mineurs et fonctionnaires espagnols défendant leurs acquis élémentaires, des étudiants chiliens ou québécois en lutte pour leur droit à un avenir : c’est une lutte pour la survie, face au capitalisme en crise qui les condamne à la déchéance.

La responsabilité des dirigeants syndicaux (CGT, FO, FSU...) et des organisations issues du mouvement ouvrier (PS, PCF...) : appeler à manifester devant l’ambassade d’Afrique du Sud

Les métropoles impérialistes pèsent d’un poids tout particulier sur le continent africain : l’ « ordre » fondé sur le pillage, l’exploitation, la misère qui sévissent de l’Afrique du Sud à l’Afrique du Nord est leur « ordre ». À l’instar du trust britannique Lonmin, près de 85% des investissements étrangers en Afrique du Sud proviennent d’Europe ou d’Amérique, à commencer par la Grande‑Bretagne – une position que les puissances impérialistes utilisent pour exacerber la surexploitation des travailleurs sud‑africains. Au‑delà, l’impérialisme français a tout intérêt à voir écrasé le prolétariat sud‑africain, prolétariat déterminant sur tout le continent, où Paris a d’immenses intérêts. Hillary Clinton, ministre des affaires étrangères de l’impérialisme américain, rencontrait les dirigeants de l’ANC et participait à un « forum d’investisseurs » à Johannesburg au moment même où la répression était orchestrée contre les mineurs en grève.

De ce fait, la responsabilité des dirigeants du mouvement ouvrier, en France, ne peut se borner à de vagues déclarations de « soutien » aux mineurs de Marikana, d’ « indignation » face à la répression, ou de messages au gouvernement ANC, responsable de ce massacre. Ils doivent se prononcer :

Halte à la répression des mineurs sud‑africains ! Inconditionnellement aux côtés des mineurs en grève et de leurs revendications ! Libération immédiate des mineurs inculpés et levée des inculpations !

Et pour cela, il leur incombe d’appeler, dans l’unité et dans les plus brefs délais, à l’organisation d’une

manifestation massive à l’ambassade d’Afrique du Sud.

Le 2 septembre 2012.