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Editorial de CPS n°42 du 1er février

Crise révolutionnaire ouverte en Tunisie et en Égypte :
la crise du capitalisme rend inéluctables
les plus grands affrontements de classes

La révolution tunisienne a commencé avec la chute de la dictature,
ouvrant la voie à la mobilisation révolutionnaire des masses en Egypte

À la question : « les gouvernements du capital peuvent- ils indéfiniment imposer les plus violentes attaques contre les masses, sans affrontement massif avec le prolétariat ? », la classe ouvrière et la jeunesse tunisiennes, coalisant autour d’elles les couches sociales qui n’étaient pas directement associées aux rapines de l’impérialisme et du clan Ben Ali, viennent de répondre de la manière la plus éclatante. Et voilà que réapparaît le mot : révolution ; ce mot qui, il y a quelques semaines, suscitait non seulement chez les plumitifs de la bourgeoisie mais aussi au sein des appareils dirigeants du mouvement ouvrier ironie et quolibets. Mais il faut rajouter : révolution prolétarienne, avec les moyens de combat du prolétariat : la grève générale, la manifestation au siège du pouvoir ; avec les formes d’organisation du prolétariat : l’apparition des « comités populaires ».

 

En ce sens, l’ouverture de la crise révolutionnaire est le premier coup de semonce d’une telle ampleur, porté par le prolétariat et la jeunesse, le premier avertissement lancé aux cercles dirigeants des puissances impérialistes et qui indique : le prolétariat ne se laissera pas briser. Ce dernier demeure, quoique d’aucuns aient pu croire ou faire croire, la classe révolutionnaire, la seule classe qui a la puissance sociale pour renverser le système capitaliste et  permettre à l’humanité d’échapper à la barbarie où le maintien de ce système conduirait. Dire cela, ce n’est nullement nier les immenses obstacles qui se dressent en Tunisie comme ailleurs sur la voie de l’émancipation du prolétariat. Le prolétariat a chassé Ben Ali, mais l’appareil du RCD reste aux manettes. En Tunisie ,comme ailleurs ,manque cruellement le Parti ouvrier révolutionnaire, combattant pour la centralisation des comités populaires, ouvrant par là la perspective de prise du pouvoir par le prolétariat (voir article dans ce numéro). Mais ,quoi qu’il en soit, c’est un événement formidable qui déjà suscite l’inquiétude de toutes les forces attachées au maintien de l’ordre existant, en même temps que l’enthousiasme des exploités, en particulier dans les pays voisins de la Tunisie où les mêmes régimes haïs maintiennent les masses sous la botte pour le plus grand profit des puissances impérialistes.

 

Voilà d’ailleurs qu’aujourd’hui prend corps en Egypte avec plus de force encore le mouvement des masses pour chasser Moubarak dont on sait la place stratégique qu’il occupe pour l’» ordre » impérialiste au Moyen-Orient. Nul ne peut dire aujourd’hui si la répression sanglante aura raison de ce formidable mouvement de masse. D’autant qu’ici, les enjeux sont bien plus considérables qu’en Tunisie, d’abord pour le peuple palestinien, tout proche. Que Moubarak ait bénéficié de la solidarité pleine et entière d’Abbas, dont on apprend que les « négociateurs » ont proposé à Israël de renoncer à tout, aussi bien à Jérusalem Est qu’au retour des réfugiés, ne doit évidemment rien au hasard. Les dirigeants de l’Etat sioniste ne cachent guère, eux non plus, leur inquiétude. Toutes les forces de la réaction, inféodées à l’ordre impérialiste, bandent leurs forces contre la révolution prolétarienne.  

En Europe aussi, quelques signes d’un vent nouveau



On ne peut bien sûr pas accorder la même importance à une série de mobilisations dans la jeunesse en Europe. Celles-ci n’ont évidemment pas la même amplitude. Il n’empêche : alors que dans toute l’Europe, les dirigeants syndicaux multiplient les signes les plus ostentatoires de soumission et de collaboration aux plus violents plans d’austérité anti ouvriers, au point d’aller jusqu’à signer en Espagne l’augmentation de l’âge légale de la retraite à 67 ans (voir plus bas), c’est un tout autre son de cloche qu’ont fait entendre les étudiants anglais, italiens, grecs, pour ne citer qu’eux il y a quelques semaines.

Angleterre


En Angleterre, les étudiants se sont dressés contre la décision du gouvernement Cameron Clegg de tripler le coût des droits d’inscription. Cette décision, qui conduit à des droits se montant jusqu’à l’équivalent de 10  000 euros, revient à fermer l’accès des facs à des dizaines de milliers d’étudiants d’origine modeste. D’autant qu’elle s’ajoute à la suppression des allocations dont bénéficiaient jusque là les lycéens d’origine modeste. Des dizaines de milliers d’étudiants – dans un pays qui est loin à cet égard d’avoir les mêmes traditions que la France par exemple – se sont rassemblés sur le mot d’ordre : « No cuts » (pas de coupes budgétaires). C’est déjà en soi un événement. Ils ont envahi durant la première manifestation le local du parti Tory – le parti de Cameron. Puis le jour du vote à la Chambre des Communes, ils ont manifesté toujours aussi nombreux en direction de celle-ci, se heurtant à l’appareil policier.

Pourtant le gouvernement Cameron Clegg, non sans difficulté, a fait passer l’augmentation des droits d’inscription, puis la suppression des allocations aux lycéens. Mais à quels obstacles les étudiants et lycéens se sont-ils heurtés ?

D’abord à la direction de leur propre syndicat – le NUS – qui non seulement a dénoncé l’envahissement des locaux du parti Tory, mais encore a tenté désespérément, et vainement, d’opposer à la manifestation au Parlement un contre- rassemblement à l’autre extrémité de Londres …tout en négociant avec Cameron une autre manière de ponctionner les étudiants.

Ensuite, ils ont été systématiquement isolés par les directions des organisations syndicales, en premier lieu les directions syndicales enseignantes qui ont, elles aussi, dénoncé la mobilisation de la jeunesse. Ainsi la tentative du prolétariat anglais de rejoindre la jeunesse contre le gouvernement Cameron Clegg n’a pu aller à son terme alors que la présence dans la manifestation en direction du Parlement de cortèges conséquents d’un certain nombre de corporations de travailleurs – les travailleurs des transports par exemple - montrait qu’à l’évidence c’était possible. Mais l’appareil bureaucratique, y compris sa prétendue « gauche », a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que cette jonction n’ait pas lieu, reportant la perspective d’une grève… à fin mars ! Toutefois, il faut noter comme un élément très important le fait que dans le syndicat étudiant, la politique de la direction du NUS rencontre de sérieux obstacles. Ainsi l’importante fédération londonienne du NUS non seulement a revendiqué l’action des étudiants y compris l’investissement du local des Tories, mais a appelé à combattre la direction nationale et sa collusion avec le gouvernement Cameron Clegg. Ainsi, le mouvement pratique des masses met à l’ordre du jour le combat pour la réappropriation des organisations syndicales.

Italie


La mobilisation en Italie a plus d’une analogie avec la précédente : pour le retrait de la loi Gelmini – qui taille massivement dans le budget des universités – à plusieurs reprises, au Sénat puis au Parlement les étudiants ont cherché à affronter le pouvoir, à forcer les barrages de police. Lors de la manifestation du 14 décembre, alors même que le Parlement décidait de l’avenir du gouvernement Berlusconi – qui devait se sauver par l’achat quasi public de quelques députés centristes – c’est ce vote qui provoquait la furie des manifestants exigeant le départ de Berlusconi. Quoique par des moyens légèrement différents de ceux employés en Angleterre, les appareils syndicaux ont aussi tout fait pour que les étudiants restent isolés. Mais ils l’ont fait par des procédés plus jésuitiques. La FIOM (Fédération des Métaux) et la CGIL « soutenaient » les étudiants. Ils appelaient même à manifester… mais sans appeler à la grève – sauf la Fédération de la Connaissance de la CGIL (qui regroupe entre autres les enseignants) qui a appelé … à une heure de grève. Par contre, ce fut un concert unanime pour condamner les « violences » étudiantes.

Dans les deux cas, la politique des appareils a, pour un temps, porté ses fruits. La mobilisation a reflué suite au vote du Parlement des lois réactionnaires contre lesquelles les étudiants combattaient. Toutefois, à travers ces combats, la jeunesse s’éduque, et fût-ce de manière parcellaire, commence à tirer les leçons politiques de ses propres combats.

Grèce


A cet égard le plus significatif est peut- être cette prise de position d’une assemblée générale d’étudiants grecs (3 décembre 2010) dont nous citons ici quelques extraits :

"Leur manière (du gouvernement) de surmonter la crise est de construire une "nouvelle" université entièrement au service du libre marché. Un avenir sordide d’emplois précaires s’ajoute à tout cela pour la jeunesse. La génération à 592 euros (le nouveau salaire minimum national) est maintenant instituée par la loi. Ce sera aussi la génération sans accord collectif sur les salaires, sans protection contre les licenciements, la génération du travail des enfants.(...) L’avenir de la jeunesse va être usé au règlement d’une dette de l’Etat que les gens ont déjà payée, encore et encore."

"La lumière de décembre 2008 s’allumera encore. La jeunesse va fournir l’étincelle et se tiendra aux côtés des travailleurs pour rejeter les politiques impopulaires et pour effacer la dette de l’Etat qui condamne la majorité des gens pour sauver les banques et leur système d’exploitation. En ce moment particulier, nous sommes appelés à livrer la bataille de notre génération. Nous sommes appelés à faire notre propre histoire.

"Retrait du document de discussion du ministre Diamantopoulou. Retrait de la réforme de l’éducation impopulaire.
Aucune participation au pseudo-dialogue avec le gouvernement

Rejet du mémorandum, du pacte de stabilité et des mesures politiques associées


A bas la junte du gouvernement UE-FMI

Désengagement immédiat du "mécanisme de soutien" de l’UE-BCE-FMI. Le peuple ne paiera pas pour la crise!"

On peut évidemment contester telle ou telle formulation de cet appel. Mais ce qui est essentiel, c’est non seulement la claire formulation de l’exigence de retrait des contre-réformes, mais encore la conscience aiguë de l’avenir que réserve le capitalisme à la jeunesse ; et enfin les premières conclusions pratiques : la dénonciation de la dette, la nécessité d’en finir avec le gouvernement au service du capital, et donc l’exigence de la rupture immédiate du « dialogue social » avec le gouvernement. La voie que tracent ces étudiants grecs est à l’exact opposé de celle que tentent d’imposer au prolétariat les appareils syndicaux dans toute l’Europe, et qui pour l’instant a réussi à paralyser son combat et , ainsi, à le rendre impuissant.

Crise économique : les plus lourdes menaces…


La révolution tunisienne commencée est inséparable de la crise qui secoue le système capitaliste depuis plus de deux ans. En Tunisie, mais aussi en Algérie, en Jordanie, etc. c’est l’explosion du chômage,la flambée des prix des produits alimentaires, menace directe contre la survie même de la population laborieuse, qui a commencé par alimenter la colère. Mais la spéculation (sur les produits alimentaires comme sur le pétrole, les matières premières, etc.) est inséparable du mode de production capitaliste et de sa crise, dont elle ne constitue qu’une des manifestations.

On lira à cet égard dans ce numéro de CPS les Notes sur la situation économique. Chacun peut constater qu’en Europe de manière particulièrement spectaculaire, la crise de la dette souveraine non seulement ne tend pas à se résorber, mais semble se propager d’un pays à l’autre, faisant chaque fois planer la menace d’une faillite d’Etat aux conséquences apocalyptiques. Après le plan d’» aide » à la Grèce – dont tout le monde convient mezzo voce qu’elle ne pourra pas remplir ses objectifs tout en s’inquiétant des effets possibles désastreux sur l’euro de l’annonce d’un rééchelonnement de sa dette -, ce fut au tour de l’Irlande. Mais les pompiers de l’UE, de la BCE et du FMI étaient à peine intervenus en urgence pour l’Irlande – avec à la clef une cohorte de mesures barbares contre les masses -, que le feu menaçait au Portugal, faisant flamber les taux d’intérêt des obligations d’Etat au-delà des 7%. Les cercles dirigeants de l’impérialisme se consolent comme ils peuvent et se félicitent du fait que le Portugal a réussi à placer ses obligations sur le marché financier. Mais tout le monde sait qu’il ne s’agit que d’un sursis ,que derrière le Portugal, il y a l’Espagne – dont les banques déjà bien mal en point sont exposées de manière massive à la dette portugaise. Mais s’il faut éteindre le feu en Espagne, les pompiers risquent fort d’être à court de munitions. Car on change d’échelle et chacun s’accorde à dire que le renflouement de l’Espagne serait hors de portée, compte tenu de la taille économique du pays. Le sol se dérobe…

Cette situation ne concerne pas seulement l’Europe. La dette japonaise se monte à 200% du PIB. Aux Etats-Unis mêmes, la dette atteint des sommets vertigineux, augmentant de 3 à 4 milliards de dollars par jour, au point qu’Obama doit proposer le relèvement du plafond autorisé (d’ores et déjà à près de 14 000 milliards de dollars ).

L’économie chinoise danse au bord du précipice. Les prix flambent, l’inflation étant alimentée par une gigantesque spéculation sur les matières premières et agricoles : pas seulement en Chine, mais en Inde, au Brésil, dans toute l’Afrique. Et la première conséquence en est d’affamer des centaines de millions d’êtres humains.

Et comment donc les gouvernements de la bourgeoisie envisagent-ils de lutter contre l’inflation : produit de la spéculation ? La réponse est donnée par exemple au Brésil. « La lutte contre l’inflation passera enfin par une réduction des dépenses publiques. Le nouveau gouvernement a évoqué un ajustement pouvant aller jusqu’à 55 milliards de dollars (1,5% du PIB).(…) La mise en place de projets ayant trait à l’éducation, la santé, l’assainissement, la construction des voies ferrées ou encore à l’urbanisation des favelas sera retardée. » (Le Monde 18/01/11)

Ici, la dette souveraine qui a enflé à la suite des « plans de relance » et sauvetage des banques, et qui se développe de manière monstrueuse par suite des taux usuraires pratiqués par les mêmes banques. Là, l’inflation brutale produit de la spéculation effrénée du capital financier. Ici et là, la même conclusion : la classe ouvrière, plus généralement les travailleurs et la jeunesse doivent payer !

À travers toute l’Europe des plans anti ouvriers en rafale


Pour financer le « plan d’aide » à l’Irlande (85 milliards d’euros, dont 17 milliards sont ponctionnés sur le « fonds de réserve des retraites », c’est-à-dire purement et simplement volés aux travailleurs irlandais) il suffit de citer cet article :

« Parmi les économies prévues, les dépenses sociales baisseront de 2,8 milliards d’euros d’ici à 2014. Ainsi, les allocations familiales seront réduites de 10 % tandis que l’âge de départ à la retraite sera porté à 66 ans en 2014, 67 en 2021 et 68 ans en 2028. Parallèlement, 24 750 emplois publics seront supprimés, pour revenir au niveau de 2005. En outre, le salaire horaire minimum sera abaissé de 8,65 à 7,65 euros. Du côté des revenus supplémentaires, le taux de TVA doit augmenter de 21 % à 22 % en 2013, puis à 23 % en 2014, dans le but de lever 620 millions d’euros. » (Reuters)

Ajoutons que ce plan succède à d’autres plans qui avaient déjà conduit à une diminution des salaires des fonctionnaires pouvant aller jusqu’à 20%.

Dans la Grande-Bretagne voisine, le gouvernement Cameron Clegg n’est pas en reste. Il n’y a pas que les attaques violentes contre le droit aux études : « Le 1er janvier, l’essence et le coût des transports ont augmenté alors que l’aide à l’éducation des 16 – 18 ans a été amputée. Le 31 janvier, l’allocation forfaitaire aux nouveau-nés sera supprimée. En avril, le licenciement massif d’employés municipaux, la réduction des services des collectivités, le gel des allocations familiales et des salaires dans la Fonction Publique et les baisses des crédits d’impôt seront à l’ordre du jour. (…)» dit Le Monde du 5 janvier. Il faut compléter. Le plan d’ensemble du gouvernement Cameron aboutit à la suppression de 600 000 postes de fonctionnaires. A faire pâlir de jalousie Sarkozy et Fillon. Et pour remplacer les employés municipaux licenciés, on pourra utiliser… les employés municipaux licenciés… puisque le même gouvernement a prévu l’obligation pour le chômeur de travailler gratuitement à des tâches par exemple d’entretien de voierie pour pouvoir continuer à toucher son allocation chômage. Quant aux directions syndicales, qui ont soigneusement isolé la mobilisation des étudiants et lycéens anglais (voir plus haut), elles « menacent » très sérieusement le gouvernement d’une grève… fin mars.

C’est aussi bien le tableau de l’Espagne. A peine, la réforme du marché du travail adoptée, le gouvernement Zapatero, « pour rassurer les marchés », selon l’expression désormais usuelle, prend en quelques heures une rafale de décisions : l’allocation de fin de droits des chômeurs est supprimée, les aéroports privatisés. Et c’est en exhumant la législation franquiste menaçant les grévistes de peines de prison allant jusqu’à 6 ans fermes, que le gouvernement Zapatero casse la grève des aiguilleurs du ciel, sous les applaudissements des dirigeants syndicaux de l’UGT et des Commissions Ouvrières, dénonçant une grève de « privilégiés ».


Espagne : les dirigeants syndicaux signent l’accord pour
le passage de la retraite de 65 à 67 ans


    Ceux-ci ne devaient pas en rester là. On se souvient qu’ils avaient appelé à une journée de grève le 29 septembre. Mais cet appel avait été très sérieusement « balisé ». Les dirigeants avaient appelé à cette grève alors que la réforme du marché du travail (flexibilité accrue de la main-d’œuvre, remise en cause des droits des chômeurs), qui en était le motif official, avait déjà été adoptée au Parlement. Ensuite par les déclarations réitérées avant, pendant et après la grève, selon laquelle celle-ci n’était pas tournée contre le gouvernement Zapatero, mais pour qu’il modifie sa politique.

    Dès le lendemain de la grève, le « dialogue social » était relancé suite à une modification de la composition du gouvernement, la conduite du dialogue social étant confiée au ministre Gomez, ancien responsable de l’UGT, ce qui n’est évidemment pas fortuit. Après 98 jours de négociations, El Pais du 29 janvier peut titrer : « Accord historique. Zapatero annoncera la ratification de l’accord social le 2 février à la Moncloa ». Le lieu choisi non plus n’est pas fortuit : référence ouverte au « pacte de la Moncloa » signé par tous les partis à la mort de Franco en 1977 – y compris le PSOE et le PCE ainsi que par les commissions ouvrières sous la houlette de la monarchie – visant à assurer une « transition pacifique » à l’après franquisme, préservant l’appareil de répression du franquisme et en même temps contenant de brutales attaques contre les conditions d’existence des masses au nom de la lutte contre l’inflation.

    Quel est le contenu de l’ « accord social » fraîchement signé ?  L’âge de la retraite est porté de 65 à 67 ans. On pourra partir à titre dérogatoire à 65 ans si on a 38,5 annuités (aujourd’hui 35 annuités). Le calcul de l’âge de la retraite se fait sur les 25 et non plus sur les 15 dernières années. C’est une victoire sur toute la ligne pour la bourgeoisie espagnole et son gouvernement.

    Quant aux directions syndicales, elles se flattent sans complexe de leur propre turpitude selon le quotidien El Pais : « L’UGT et les CCOO (commissions ouvrières) considèrent qu’elles ont fait leur travail. Elles ont conclu un accord avec le gouvernement sur la réforme du code des pensions. C’est pourquoi elles se tournent aujourd’hui vers les politiques et exigent qu’ils s’impliquent. Et en premier lieu elles demandent au PP (parti bourgeois d’Espagne reconstitué notamment à partir des anciens cadres du franquisme ndlr). « Maintenant il est fondamental qu’il y ait un accord politique et la participation du principal parti d’opposition est nécessaire, dans la mesure où il aura tôt ou tard des responsabilités au gouvernement. » réclame Fernando Lezcano des CCOO.(…) Le responsable du secteur politique social de l’UGT abonde dans ce sens : « Les partis politiques doivent se mettre d’accord et reconstituer le consensus du Pacte de Tolède » (pacte par lequel, en1995, partis et dirigeants syndicaux s’engageaient à se revoir tous les 5 ans pour se mettre d’accord sur les nouvelles mesures à prendre sur les retraites).

    On le voit, c’est toute honte bue, que les dirigeants syndicaux d’Espagne réclament l’union nationale contre les conquêtes ouvrières. Bien sûr, il ne faut pas considérer comme totalement négligeable que contre ce consensus, de manière significative en Catalogne, et surtout au Pays Basque et en Navarre, à l’appel de syndicats indépendantistes ou dirigés par les anarchistes, il y ait eu une grève suivie assez largement, et des manifestations du reste brutalement réprimés par la police (pourquoi se gêneraient-ils, puisqu’ils avaient pour cela la bénédiction des dirigeants des deux principaux syndicats!). Cela ne modifie pas le tableau d’ensemble : pour la classe ouvrière , une dure défaite du fait de la trahison de ses dirigeants.

    C’est d’ailleurs un trait commun à tous les pays : c’est, protégés par les directions syndicales, que les gouvernements peuvent ainsi frapper sans relâche.

    Italie : pour briser les conventions collectives,
    le PDG de la Fiat montre  la voie à tous les capitalistes en Europe


    Les 14 et 15 janvier, la direction de l’usine Fiat de Turin (Mirafiori) a soumis les travailleurs de l’entreprise à un référendum chantage : vous dîtes oui à la flexibilité, aux cadences infernales et au corporatisme ou on ferme l’usine. C’est une étape dans la liquidation du contrat national de branche (la métallurgie) à laquelle veulent parvenir la Confindustria (patronat) et le gouvernement. Le patron de la Fiat, également Pdg de Chrysler, est à la tête d’une offensive qui veut contraindre la Cgil à abandonner toute velléité d’existence indépendante. En effet, tout syndicat qui ne signe pas le contrat patronal, c’est-à-dire qui refuse de s’engager à le faire respecter, se voit exclu du droit à la représentation dans l’entreprise. La fédération de la métallurgie dans la CGIL, la FIOM, menacée dans son existence même, a été contrainte de se prononcer contre, tout en ne cessant de faire appel à l’ouverture de négociations dont elle indique clairement le contenu : il s’agit d’accepter les nouvelles conditions de travail si on ne touche pas à la représentativité .

    Elle a manifesté sa bonne volonté en  refusant d’appeler au boycott du référendum qui seul aurait pu soustraire les ouvriers au chantage patronal. Elle a appelé à une grève nationale et à des manifestations… deux semaines après le référendum et sur une plate-forme évacuant tout mot d’ordre précis d’affrontement avec le gouvernement et le patronat.

    Malgré cela, et parce qu’elle a été la seule organisation syndicale à ne pas signer le nouveau contrat, elle apparaît aux travailleurs comme un point d’appui pour résister à la dégradation sans précédent de leurs conditions de travail. La grève du 28 janvier a été suivie.  Les manifestations ont été importantes, ce qui montre, après le succès très limité du référendum :(54% de Oui mais le Non est majoritaire chez les ouvriers à qui s’appliqueront les nouvelles règles de travail) que la classe ouvrière conserve une disponibilité pour le combat.

    C’est une situation que les secteurs de la bourgeoisie liés au PD (Parti démocrate) ne jugent pas sans danger. Pour se prémunir autant que faire se peut d’explosions sociales dans ce secteur clef de la lutte des classes, ils considèrent que l’accord de la FIOM est indispensable.

    C’est un souci que partage la présidente de la Confindustria : " Ne nous laissons pas déborder par Mirafiori, je suis la première à ne pas vouloir le Far West (...) Le problème de la représentation ? Je suis prête à en discuter. A condition que l’on respecte l’exigibilité du contrat après qu’il ait été adopté à 51%." La secrétaire confédérale de la CGIL répond : " Parfait, que les entreprises le respectent aussi".

    En clair il y a accord pour casser les conventions collectives et pour leur substituer des accords d’entreprise, mais pour ne pas mettre à mal la "cohésion sociale", il faut la pleine participation des dirigeants syndicaux.

    En France, après sa victoire sur la contre-réforme des retraites,
    le gouvernement entend ouvrir de « nouvelles brèches »


    L’objectif de la bourgeoisie, du gouvernement Sarkozy-Fillon est identique en France. C’est Copé, le désormais secrétaire général de l’UMP qui le dit : « Nous avons ouvert une brèche sur les retraites ; il nous faut maintenant en ouvrir une autre sur les 35 heures ». Il répondait à Valls, qui est en quelque sorte le délégué de Sarkozy dans le PS, et qui lui avait ouvert la voie.

    Mais s’agit-il des « 35 heures » ? Non. En réalité, il s’agit – et Parisot, pour le MEDEF s’en est largement expliqué – de faire disparaître toute définition légale du temps de travail, pour lui substituer une définition « contractuelle » par entreprise.

    Notons d’ailleurs que le gouvernement, avec l’aval des appareils syndicaux signataires (au premier rang celui de la CGT), a déjà largement avancé sur cette voie notamment avec l’article 17 de l’accord (transformé en loi) sur la « représentativité syndicale », qui permet de déroger à l’échelle de l’entreprise aux accords de branche. Mais il faut aller plus loin et faire disparaître toute référence à un seuil de déclenchement de paiement des heures supplémentaires.

    C’est là entre autres l’objectif de la « conférence nationale de l’Industrie » convoquée par Besson, à laquelle sont associés les dirigeants syndicaux – puisque l’idée est celle de Thibault, reprise  par Sarkozy.

    Cette conférence dira, nous apprend Le Monde du 21 janvier, « s’il faut baisser les charges des entreprises » pour combler « le différentiel de compétitivité » avec l’Allemagne. Car il ne fait aucun doute que la situation de la bourgeoisie française continue de se dégrader, ce que le ministre allemand de l’économie enregistre avec un rien d’arrogance triomphante : « Nous avançons avec des bottes de sept lieues quand d’autres (suivez mon regard, ndlr) continuent à marcher en canard »

    Et pour la bourgeoisie,  la solution – si tant est qu’il y en ait une – est connue : baisser le coût de la force de travail. La bourgeoisie a pour cela un plan complet : outre, la suppression de la durée légale du temps de travail, il faut parachever la liquidation de la Sécurité sociale en la fiscalisant totalement, via l’augmentation de la CSG et de la TVA et la suppression des cotisations sociales (salaire différé), et, à terme, pulvériser le SMIC en lui substituant des minima salariaux par branche, région ou entreprise.


    Sous le prétexte de la « dépendance », poursuivre la destruction de la Sécurité sociale


    Avant même que ne soit consommée la défaite sur la contre-réforme des retraites, Sarkozy avait annoncé que la prochaine étape serait la réforme de la « dépendance ». Pour cela le chemin avait déjà été balisé par le rapport de la députée UMP Rosso Debord. Sous prétexte de résoudre le problème de l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes dans la société, elle proposait essentiellement trois mesures : une couverture assurance obligatoire à partir de 50 ans, l’augmentation de la CSG, l’accès à l’APA (Allocation Personnel d’Autonomie) selon deux modalités : une APA réduite sans condition et une APA dont une partie serait récupérable sur l’héritage au décès de la personne. Cette dernière mesure touchera d’ailleurs essentiellement les personnes modestes puisqu’elle interviendra à partir d’un patrimoine de 100 000 euros, la récupération étant plafonnée. Il faut ajouter à ces propositions d’autres du même tonneau, émanant de l’UMP : ainsi la proposition d’une seconde « journée de solidarité » après celle imposée après 2003.

    Que signifient ces propositions ? Toute une partie de la protection serait ainsi sortie de la sphère d’intervention de la Sécurité sociale, et dans une combinaison à définir, relèverait soit de l’impôt, soit de l’assurance privée. Un immense champ pour la réalisation du profit serait ainsi ouvert au capital financier.

    Car jusqu’à présent les soins aux personnes âgées dépendantes relèvent bien de la Sécurité sociale. Aujourd’hui encore, sur 22 milliards de dépenses consacrées à la vieillesse, 13 milliards proviennent de la Sécurité sociale - dont 11 de la caisse maladie. Et ce malgré toutes les mesures réactionnaires qui ont déjà été prises.

    Parmi celles-ci, la fermeture continue de lits d’hôpitaux au profit des EPHAD (dont le coût de la journée est essentiellement à la charge du patient) ; mais aussi la création en 2003 de la « Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie », présentée frauduleusement comme « cinquième branche » de la Sécurité sociale. C’est en réalité une caisse dont la gestion ne comprend pas les organisations ouvrières, mais par contre ès - qualité les assureurs privés, et dont les sommes collectées donnent lieu à des placements financiers, dont les revenus sont censés financer pour partie l’APA, le reste étant à charge des départements. Bref, il s’agit, comme les fonds de pension, d’un fonds d’investissement parfaitement intégré au circuit du capital financier, mais à partir du rapt d’une partie du salaire des travailleurs, puisque ses ressources proviennent de la journée de travail gratuite (la nouvelle « corvée ») imposée après 2003.

    L’essentiel dans cette affaire est évidemment le coin enfoncé dans la Sécurité sociale, vers un système assuranciel.

    Cela devrait suffire pour que les directions des organisations syndicales refusent de rentrer dans la concertation à ce sujet, concertation à laquelle PS et PCF sont également associés via les élus des départements. Or la concertation a commencé – elle doit se conclure en juin pour ouvrir sur des propositions intégrables dans la loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne. Et la position des directions des organisations syndicales, comme celles du PS et du PCF, ouvre largement la porte aux visées réactionnaires du gouvernement.

    Les directions syndicales CGT et FO, certes ,réclament formellement que la « dépendance » relève de la Sécurité sociale, mais c’est pour se réclamer d’une caisse spécifique « dépendance » - le cinquième risque – dont on a vu plus haut ce qu’il en était. Par ailleurs, CGT comme FO indiquent qu’elles ne sont pas par principe hostiles à ce que dans ce domaine il y ait des complémentaires. Ainsi la direction de FO déclare :

    « Nous avons expliqué aux ministres concernés que les ordonnances de 1945, issues du Conseil national de la Résistance, ont créé la Sécurité sociale actuelle comme devant permettre de répondre aux aléas de la vie. La dépendance en est un et doit donc relever de la Sécurité sociale et plus particulièrement de l’assurance-maladie. Il s’agit d’un cinquième risque qui doit être assuré par une couverture universelle, ce qui n’exclut pas, comme pour l’assurance-maladie, des couvertures complémentaires. Dans cet esprit, la CNSA doit intégrer le champ de l’assurance-maladie. Il faut également une définition universelle des critères de dépendance, ainsi qu’une nomenclature des actes hors soins, s’agissant notamment du maintien à domicile. C’est une question d’égalité de droit, mais aussi une nécessité pour la qualification et la classification des personnels concernés. En matière de financement, nous avons plaidé pour une cotisation Sécurité sociale et pour une augmentation de la CSG touchant les revenus non soumis à cotisation (par exemple les revenus financiers). »

    Après le coup de chapeau purement rituel à la Sécurité sociale de 45, la direction FO ouvre grande la porte à la CNSA et à la fiscalisation via la CSG ; ainsi qu’aux assurances privées via les complémentaires. La position de l’appareil CGT est strictement équivalente. Quant au PS, il est d’accord pour un système assuranciel… à condition qu’il soit collectif. C’est l’équivalent des « fonds de pension à la française » que préconisait le gouvernement Jospin sur les retraites. En clair, l’ensemble des appareils dirigeants collaborent entièrement à l’offensive du gouvernement Sarkozy-Fillon.

    Thibault boycotte les vœux présidentiels…. au nom du dialogue social


    Mais, objectera-t-on, la direction de la CGT ne vient-elle pas de décider de boycotter les vœux présidentiels, suivie en cela par la FSU, lors des vœux au monde de la Culture ?

    Regardons cela de plus près. Le jour même, Nadine Prigent du bureau confédéral s’explique : « Nous voulons protester contre l’absence de dialogue social, en particulier sur les retraites. Il ne suffit pas de se réclamer du dialogue social ; il faut le pratiquer ». Nadine Prigent sait très bien qu’elle ment. Non seulement il y a eu des dizaines de réunions de concertation sur la contre-réforme des retraites ; mais encore  la concertation continue sur chacun des décrets d’application. Et Thibault précise à ceux qui lui reprochent, de remettre en cause la « tradition républicaine » - au nom de laquelle Mailly, lui, était présent :

    « N’exagérons rien. La CGT n’a pas demandé la démission du président de la République. Nous ne remettons pas en cause les institutions ». Et à la question : « Souhaitez- vous la défaite de Sarkozy en 2012 ? » « Je n’ai pas à souhaiter la défaite de Sarkozy »

    Décidément, hier comme aujourd’hui, aujourd’hui comme demain, la défaite de Sarkozy « n’est pas l’objet ». Chaque jour ce gouvernement produit une nouvelle cause de haine des masses – et au moins sur ce point les sondages ne mentent pas. Hier c’était les « affaires » Bettencourt–Woerth, puis celle de l’hippodrome de Chantilly. Aujourd’hui, c’est la collusion entre Sarkozy et Servier – auquel Sarkozy remettait la légion d’honneur en l’assurant de sa sympathie dans le refus des « contrôles bureaucratiques », alors que l’autre justement, par le mensonge, la dissimulation, la corruption ,et en toute connaissance de cause, continuait à semer la mort en vendant le Mediator, pour son plus grand profit. Aujourd’hui, ce sont les déclarations d’Alliot-Marie qui, parlant sous contrôle de Fillon et de Sarkozy, propose ses flics à Ben Ali pour mater la révolution tunisienne, alors que, en décembre, en pleine mobilisation, elle était en Tunisie où elle disposait pour ses déplacements du jet privé d’un ami de Ben Ali. Oui, chaque jour ce gouvernement suscite la haine légitime des travailleurs et de la jeunesse. Mais Thibault, impavide, continue à affirmer : « Je n’ai pas à souhaiter le départ de Sarkozy » !

    Ainsi le « boycott » des vœux ne vise à rien d’autre qu’à donner le change aux militants, dont certains sont sans aucun doute ébranlés par le bilan sur les retraites et les piteux résultats enregistrés un peu partout aux élections professionnelles. Mais pendant le « boycott », la concertation continue sur la « dépendance » comme tous les terrains : sur le dynamitage de la Fonction publique et de l’Enseignement Public, sur l’ « emploi des jeunes » avec le patronat, etc.


    Feu sur la Fonction publique…


    Le gouvernement le sait : on ne peut avancer au rythme de 30 000 suppressions de postes dans la Fonction Publique sans détruire le statut lui-même. Cela passe par le recrutement dans la Fonction Publique sur des statuts de droit privé : CDI, contrats de « projet ». Ainsi progressivement, la Fonction publique sera vidée de ses fonctionnaires. Accessoirement, le gouvernement prévoit des « concours spéciaux » sans condition de diplôme ; ce qui signifie le dynamitage de la grille de la Fonction publique, puisque les catégories (A,B,C) renvoient à des concours dont l’accès est conditionné par un niveau de diplôme.

    Dès lors s’engage un jeu de rôles parfaitement réglé. Les dirigeants syndicaux se précipitent à la « négociation » au nom de la lutte contre la « précarité ». Et bien sûr, on peut accepter le CDI comme un prétendu « moindre mal » par rapport à la situation de vacataire ou contractuel ! Ils organisent une journée d’action – remarquablement squelettique, mais peu importe pour ses initiateurs – le 20 janvier pour « faire pression » sur les négociations. Par ailleurs, dans le rôle des « méchants », Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée, remet en cause l’emploi à vie des fonctionnaires et Mancel, député UMP, propose une loi visant à réduire la Fonction publique aux fonctions régaliennes. Mais dans un autre rôle, Fillon et Tron « rassurent » et affectent de désavouer le premier ; et sans doute le projet de loi Mancel sera dans l’immédiat reporté. Cela permet aux dirigeants syndicaux de se fendre de mâles communiqués contre Jacob et Mancel, tout en s’engageant dans la concertation sur les CDI et les « concours spéciaux », c’est-à-dire sur la destruction du statut. Et le tour est joué…


    … et sur l’Enseignement public, ainsi que sur le statut des enseignants


    Le scénario est identique dans l’Enseignement public. Là aussi, sans l’avalanche de contre-réformes, impossible de continuer à avancer au rythme de 16 000 suppressions de postes par an. Les dirigeants syndicaux eux-mêmes indiquent que sans la réforme de liquidation de la formation des maîtres, il était impossible d’atteindre l’objectif du budget précédent. Ce qui ne les a pas empêchés (voir les articles enseignants dans les CPS précédents) de se prononcer contre le retrait de ladite réforme au moment où il était possible, s’appuyant sur la mobilisation à l’université, de l’obtenir. Au contraire, à l’époque, ils ont participé à la totalité de la concertation, permettant son adoption.

    Mais aujourd’hui, il faut d’autres contre-réformes. Il faut aller plus loin dans la contre-réforme de la formation des maîtres. C’est ce qu’a proposé Sarkozy avec les « masters en alternance ». Des milliers d’étudiants seront ainsi « gratifiés » comme stagiaires – à 300 euros par mois – pour faire classe une bonne moitié de l’année. Il faut aller au-delà de la réforme actuelle qui limite à un peu plus d’une centaine d’heures les stages des étudiants en établissements. Et que croyez-vous que répond Groison, la secrétaire générale de la FSU ?

    « Le Président de la République a déclaré le 19 janvier qu’il fallait remettre « sur le chantier les éléments de formation ». Pour la FSU, c’est la reconnaissance que l’actuelle réforme de la formation des enseignants n’est pas satisfaisante et qu’elle ne répond ni aux besoins de formation des futurs enseignants, ni aux enjeux de formation de tous les jeunes (...) La FSU est disponible pour participer à une remise à plat qui permettrait de mettre ces propositions en débat.

    Nous souhaitons, Monsieur le Ministre, connaître les modalités et le calendrier qui seront arrêtés pour la mise en œuvre des propositions du Président de la République. »

    Inutile de commenter. Tout est dans la dernière phrase. De la même manière, les dirigeants syndicaux, tous associés (à l’exception de FO) à l’» appel de Bobigny » écrivent : « Nous lançons cet appel à la Nation et à ses responsables politiques (donc à Sarkozy – Fillon, Ndlr) pour un grand débat national… pour l’enfance et la jeunesse » et dans ce cadre demandent : « la conférence nationale sur les rythmes scolaires, convoquée par le Ministère à l’initiative de partenaires des Assises doit commencer par acter ce cadre national pour ne pas reporter les premières décisions »

    En clair, que la politique du gouvernement s’applique sans délai ! Car de quoi s’agit-il à travers le rapport parlementaire consacré à cette question (corédigé par un député UMP et un député PS avec le chaleureux soutien du PCF, il faut le signaler) ?

    De supprimer massivement les heures de cours, de liquider le statut des enseignants, d’en finir avec le bac, comme diplôme national, anonyme, premier diplôme universitaire, de réduire l’école maternelle à la portion congrue, de sortir de l’Education nationale les enseignements d’Education physique et d’Arts. Bref, de réaliser dans l’enseignement tous les objectifs dont la bourgeoisie a dû trop longtemps différer la réalisation devant la résistance du corps enseignant et de la jeunesse.

    Et que déclare la responsable nationale de la FSU lorsque sort la « synthèse » du « Comité de Pilotage sur les rythmes scolaires », à laquelle la direction de la FSU comme tous les appareils syndicaux ont largement contribué, qui réitère « mezzo voce » les mêmes objectifs que le « rapport parlementaire » ?

    « On peut noter l’important travail de compilation des avis et propositions divers : les syndicats, les fédérations de parents, les élèves et étudiants, le monde associatif, le monde économique et social, les représentants des cultes, les ministères et institutionnels divers, les collectivités. Si l’on ajoute les synthèses des débats dans les académies et des contributions sur le site Internet, plus les comparaisons internationales et la documentation sur le sujet des rythmes, on comprend la densité du rapport, mais surtout, on ne peut que se poser la question de l’étape suivante… La FSU, première organisation dans l’Education, exige d’être écoutée et entendue… Une véritable concertation sur les rythmes scolaires doit s’ouvrir maintenant.»

    Hommage donc à l’important travail de propositions ! Et on peut lire dans le rapport lui-même la contribution de la FSU qui se propose « d’aider les personnels à évoluer ». Formule lourde de signification. La direction de la FSU reprend ainsi l’antienne gouvernementale selon laquelle tous les maux de l’école proviennent du « conservatisme » des enseignants. La direction de la FSU, elle, n’est pas « conservatrice ». Elle est toute disposée à passer par-dessus bord les garanties statutaires, les programmes « qu’il ne suffit pas d’alléger » (il ne suffit pas… mais il faut quand même !), etc.

    C’est dans le cadre de cette approbation à peine voilée des objectifs gouvernementaux qu’il faut situer la « journée d’action » « pour un autre budget, pour d’autres réformes » du 22 janvier, comme la journée de grève de la FSU du 10 février. Il est vrai que tombent aujourd’hui dans les académies les suppressions de postes procédant du budget 2011 adoptées il y a un mois et demi. Mais justement, qu’ont fait les directions syndicales, celle de la FSU en particulier, au moment où était adopté le budget ? Strictement rien. Avec un art consommé du contre-temps, les uns et les autres appellent aux journées d’action disloquées avec près de deux mois de retard. Ce n’est pas un hasard. Il s’agit de placer un écran de fumée à leur collaboration… aux suppressions de postes du prochain budget qui ne sont possibles que via la mise en œuvre de la réforme dite « des rythmes scolaires » à laquelle ils sont profondément associés.


    Des centaines de milliers de jeunes soumis à la surexploitation via l’alternance


    L’offensive contre l’enseignement public est couplée avec l’objectif réitérée de soumettre des centaines de milliers de jeunes à la surexploitation via la « formation en alternance ». Depuis des décennies, les gouvernements bourgeois, en même temps qu’ils œuvrent méthodiquement à la liquidation de l’enseignement technique public, tentent par tous les moyens de développer l’apprentissage patronal. Mais ,malgré leurs efforts, les résultats demeurent en deçà de leurs espérances : ils doivent régulièrement constater que les objectifs chiffrés d’apprentis ne sont pas atteints. Cela tient d’abord à la résistance naturelle de la jeunesse à cette forme de surexploitation qu’est l’apprentissage.

    Le gouvernement et le MEDEF n’entendent pas renoncer. Ils peuvent s’appuyer totalement sur la position des directions syndicales. Rappelons que c’est Chérèque qui, la défaite sur les retraites à peine consommée, avait proposé que se noue le « dialogue social » sur l’» emploi des jeunes » ; il avait immédiatement obtenu l’aval des dirigeants CGT et FO, pour ne rien dire de l’appui enthousiaste de Fillon, puisque Sarkozy avait lui-même, quelques jours avant Chérèque, annoncé que c’était un objectif du gouvernement.

    Inutile de dire qu’en guise d’» emploi des jeunes », si on entend par là l’accès à un véritable travail salarié, le développement de l’alternance ne peut avoir d’autre résultat que d’interdire cet accès : de nombreuses entreprises utilisent et utiliseront de nombreux apprentis qui seront renvoyés au terme de leur apprentissage pour laisser place à une vague de nouveaux apprentis. Le but réel n’est pas l’» emploi des jeunes », mais de disposer d’une masse de main-d’œuvre juvénile surexploitée. Parmi les questions en discussion, la possibilité de réserver la totalité de la taxe d’apprentissage – qui peut être affectée aujourd’hui aussi bien aux CFA qu’aux établissements techniques publics - aux Centres d’Apprentissages patronaux. Faut-il commenter ?


    Combattre pour la rupture des directions syndicales avec le gouvernement
    dans la perspective de l’affrontement avec le gouvernement Sarkozy-Fillon


    Après la contre-réforme des retraites, sur tous les terrains : Sécurité sociale, Fonction publique, Enseignement, etc., rien ne semble pouvoir arrêter la déferlante du gouvernement Sarkozy-Fillon.

    Mais d’où tire-t-il sa force, sinon du soutien que lui apportent, par la « concertation » et le « dialogue social », les appareils syndicaux ?

    Il convient d’y ajouter la coopération pleine et entière des dirigeants du PS et du PCF. Rien n’illustre mieux la soumission de ces partis aux exigences de l’impérialisme français que la position prises (avec le PG et le NPA de Besancenot) sur la Tunisie : appel au gouvernement Sarkozy pour qu’il œuvre … à une transition démocratique (c’est-à-dire à la perpétuation, sous un badigeon « démocratique », du joug impérialiste pour les masses tunisiennes). Mais on aura noté aussi la façon dont ses dirigeants se sont vautrés dans l’union nationale derrière le gouvernement français dans l’épisode de la mort des deux otages français au Niger, pourtant si évidemment sacrifiés à la raison d’Etat de l’impérialisme français. A vrai dire, sur toutes les questions (Sécurité sociale, Enseignement, etc.), PS et PCF soit s’alignent sur la politique du gouvernement, soit proposent leur contribution à l’élaboration des « réformes nécessaires ». Enfin, les uns et les autres – rejoints en cela par les dirigeants de l’intersyndicale - se réclament de la nécessité du paiement de la dette, au nom duquel sont programmées toutes les attaques. N’est-il pas significatif que la direction du PS, s’agissant des postes de fonctionnaires, exige un moratoire sur les seules suppressions de postes… dans la police et la gendarmerie !

    A cela il faut ajouter l’insupportable feuilleton des candidats à la candidature aux présidentielles, qui signifie aussi aux masses qu’elles devront supporter sans broncher l’ensemble des attaques du gouvernement Sarkozy-Fillon jusqu’à 2012. Tout contribue ainsi à boucher toute perspective aux masses et, chemin faisant, à ouvrir un boulevard au Front national parmi les éléments les plus désemparés du prolétariat.

    Pour l’instant, la classe ouvrière et la jeunesse, encore sous le coup de la défaite sur les retraites, n’ont pas trouvé les ressources pour battre en brèche la politique des appareils dirigeants des syndicats, du PS et du PCF. Il n’est pourtant pas dit que cette situation perdure indéfiniment. L’ébranlement politique profond de l’ordre impérialiste en Tunisie puis en Egypte, avec ses prolongements prévisibles dans tout le Maghreb et le Moyen Orient, les premières manifestations du surgissement de la jeunesse dans plusieurs pays d’Europe : tout cela finira tôt ou tard par avoir son prolongement en France.

    A ce moment-là, en France aussi, le mouvement cherchera à s’ordonner dans le combat pour en finir avec le gouvernement Sarkozy-Fillon, pour lui substituer un gouvernement des organisations ouvrières auquel les travailleurs chercheront à imposer la satisfaction de leurs revendications. Contribuer aujourd’hui à un tel mouvement, c’est agir tout de suite parmi les travailleurs, au sein des syndicats,  pour la rupture de la concertation et du dialogue social avec le gouvernement, pour la constitution d’un Front Uni des organisations pour faire échec à l’avalanche des contre-réformes programmées.


    Actualité du combat pour le socialisme
    et pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire


    Les crises révolutionnaires qui secouent aujourd’hui la Tunisie et l’Egypte dressent les masses contre les tyrans qui, étroitement inféodés à l’ordre impérialiste – français ici, US là –, maintenaient sous la botte les masses de ces pays. Mais au-delà de l’exigence immédiate que soient chassés les tyrans, instaurées l’ensemble des libertés démocratiques, elles posent la question d’en finir avec la misère, la surexploitation, le chômage de masse.

    En Tunisie, comme en Egypte, on voit les puissances impérialistes tout à la fois soutenir tant que cela est possible les régimes corrompus et autocratiques à leur service ; et en même temps, confortés d’ailleurs en ce sens par les appareils traîtres qui sont à la tête des organisations ouvrières, tenter fébrilement de chercher une « transition démocratique » qui garantisse sous une autre forme le maintien de la domination impérialiste.

    Mais les masses qui sont entrées en mouvement veulent obtenir la satisfaction de leurs besoins fondamentaux : le droit au travail, à se nourrir, se loger convenablement ; à l’instruction, à l’accès à un système de santé correct.

    Or, la satisfaction de tels besoins est incompatible avec le maintien de la domination impérialiste, fût-ce sous un masque « démocratique ». Elle nécessite que l’économie soit organisée, non en fonction de la réalisation du profit des grandes firmes impérialistes, mais  des besoins des masses.

    Comment serait-ce possible sans exproprier les grands groupes capitalistes, les banques, les moyens de transport ? Comment serait-ce possible sans s’engager sur la voie du socialisme ?

    Pour cela, le prolétariat doit se doter de ses propres organes de pouvoir, démanteler totalement le vieil appareil d’Etat, sa police, son armée, son appareil judiciaire. C’est ce que contiennent en germe, quelque conscience qu’en aient les travailleurs eux-mêmes, les « comités populaires » qui se sont constitués en Tunisie comme en Egypte, d’abord pour se défendre des bandes de voyous envoyés ici par Ben Ali, là par Mubarak pour les terroriser. De la même manière, l’ébauche de constitution d’un syndicat indépendant en Egypte manifeste la volonté du prolétariat de s’organiser en défense de ses propres intérêts de classe.

    En France comme en Europe, il ne fait pourtant aucun doute que lorsque s’enclenchera la mobilisation des travailleurs et de la jeunesse affrontant le gouvernement, les mêmes questions surgiront.

    Le principal obstacle à ce que le mouvement des masses aille jusqu’au bout, que la révolution ne leur soit pas « volée » comme le scandaient les manifestants en Tunisie, tient toutefois à l’absence de Parti ouvrier révolutionnaire, et à l’échelle mondiale d’une Internationale ouvrière révolutionnaire. C’est pour contribuer à la construction d’un tel Parti, d’une telle Internationale, que sont regroupés les militants autour du bulletin Combattre pour le Socialisme.

    Nous vous invitons à vous associer à ce combat.

    Le 1er février 2011

     

     

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