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Editorial de C.P.S nouvelle série n°39 (n°121) 23 janvier 2010

« Grand emprunt », réforme des lycées,  RGPP, retraites, …,
le gouvernement fait feu à volonté.
Les dirigeants syndicaux (avec le PS et le PCF) lui ouvrent la voie,
les travailleurs et la jeunesse auront à leur imposer de rompre avec lui et à :

combattre dans l’unité pour porter
un coup d’arrêt au gouvernement Sarkozy-Fillon

Sarkozy aux dirigeants syndicaux : « Ensemble nous avons évité le pire »,
« je ne dis pas la main dans la main, je ne veux pas vous gêner »


Ce n’est pas pour rien que, le 31 décembre au soir, Sarkozy a mis en première place de ses remerciements les dirigeants syndicaux (littéralement, les « partenaires sociaux ») « qui ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités (…) Ensemble nous avons évité le pire ».  

Un mois auparavant il lançait déjà, depuis Toulon :
« La France peut être fière de son mouvement syndical (…) il n’y a eu aucune démagogie des syndicats et lorsqu’il a fallu gérer des situations violentes et sensibles, le Gouvernement a été bien heureux de pouvoir dialoguer en confiance avec des partenaires avec qui nous ne partageons pas naturellement tout, mais qui se sont avérés des partenaires très responsables. ».
La trahison des ouvriers de Continental par la direction confédérale CGT,  laquelle a  même refusé de signer l’appel à les soutenir à l’occasion de leur procès en appel, est un exemple de ce que recouvrent ces paroles fielleuses.

En effet, ce déluge de compliments n’est en rien immérité. C’est à bon droit que Sarkozy affirme lors de ses vœux spécifiques aux appareils syndicaux en date du 15 janvier :
« J'ai voulu que les partenaires sociaux soient associés à toutes les grandes décisions que nous avons prises au cours de l'année 2009 (…) Je ne crois pas que dans notre histoire sociale, nous ayons jamais connu un dialogue aussi fréquent ni aussi dense. J'ai entendu des commentateurs parler de co-gestion.  Il paraît même qu'on vous a reproché au sein de certaines de vos organisations d'entretenir des échanges – comment dit-on - trop assidus avec le gouvernement. Ce sont des balivernes. (..) Mais notre devoir, c’est d’essayer de conduire la France tous ensemble. »
« Conduire la France ensemble » ! Sarkozy en rajoute d’ailleurs une louche (au sujet de la « réforme » créant pôle emploi) «Et je dois dire que nous avons travaillé avec certains d’entre vous. Je ne veux pas vous gêner, je ne dis donc pas « main dans la main », mais enfin, nous nous sommes compris en tous les cas. »

Que Sarkozy relève à plusieurs reprises dans ces vœux que la ligne des bureaucraties de cogestion de la crise avec Sarkozy et Fillon ne passe pas sans oppositions au sein des organisations syndicales indique bien pour les travailleurs là où il faudra frapper.

Il faudra, pour stopper l’offensive du gouvernement, pouvoir briser l’engrenage de la collaboration avec le gouvernement qui s’est mis en place avec l’éclatement de la crise et dont la déclaration intersyndicale du 5 janvier 2009, soutenue par tous les appareils syndicaux et politiques issus du mouvement ouvrier, fut la pierre angulaire, déclaration qui se fixait comme cap de défendre la « cohésion sociale ».          


Congrès CGT, Poste, Réforme des lycées :
les appareils syndicaux pavent la voie au gouvernement


« En 2009, vous avez été des exemples ». Voici comment Sarkozy a conclu ses vœux aux directions syndicales comme un général haranguant ses troupes pour les féliciter et les emmener vers de nouvelles batailles. Deux jours avant, l’Assemblée nationale entérinait le projet de loi de changement de statut de la Poste. Voilà qui règle la question – que notre précédent numéro abordait largement – du référendum organisé soi-disant en défense de la Poste par les appareils syndicaux, le PS, le PCF, le PG, le NPA, etc. Ainsi que nous l’avions écrit, ce référendum a dépossédé les agents de la Poste d’un combat qu’ils auraient pu mener – sur la ligne du front unique de leurs organisations syndicales.

Les journées ‘d’actions’ à La Poste y étaient subordonnées, telle celle organisée en deux temps, les 24 novembre et 28 novembre, une nouvelle journée de grèves suivie par des manifestations décentralisées (dont une « promenade piétonnière » (sic !) de 500 mètres à Paris), elles mêmes placées sous le signe de cartes postales qu’il se serait agi d’envoyer à l’Elysée pour pousser Sarkozy à « ouvrir un débat public ». Ce dispositif destiné à écoeurer les derniers postiers mobilisés a fonctionné, avec l’aide d’une série de forces politiques qui appelaient à « reconduire » dans quelques départements (sans remettre en cause le cadre national décidé par les fédérations de La Poste) – et à « participer massivement » aux manifestations du 28. Quelles forces politiques ? En particulier le Comité de soutien à la candidature de J-P.Delannoy, issu d’un « front syndical de classe » archéo-stalinien lequel, paraît-il, prétendait préempter « l’opposition » à Thibault lors du congrès de la CGT. « Opposition » se situant donc, dans le cas de La Poste, mais pas seulement celui-là, sur le terrain du gauchissement de l’orientation de l’appareil confédéral.

Avec une telle opposition à la noix, la direction confédérale pouvait aller sereinement devant les délégués du 49ème congrès. Certes, l’on pourra relever dans le congrès plusieurs interventions remettant plus ou moins ouvertement en cause l’orientation de la direction confédérale. Mais au final, c’est bel et bien cette orientation (se reporter à l’article paru dans le précédent numéro de CPS) qui l’a emporté sans problème. Le « syndicalisme rassemblé » (avec la Cfdt, derrière le gouvernement), l’engagement du processus de liquidation des fédérations, et surtout dans les circonstances actuelles le cadre de « maison commune des régimes de retraites » ont été adoptés sans grand problème.

Symbole de la victoire de l’orientation politique de l’appareil confédéral : les grévistes sans-papiers invités à la tribune, acclamés, certes, mais véritables dindons de la farce. En effet l’orientation sur laquelle l’appareil CGT en a engagé plusieurs milliers dans la grève avant le congrès confédéral, c’est la rédaction d’une nouvelle circulaire de régularisation – circulaire se situant donc entièrement dans le cadre des lois et décrets pondus par les sinistres Hortefeux et Besson. Il s’agit uniquement d’obtenir des « inflexions » dans un cadre – celui de la régularisation ponctuelle par le travail - qui est totalement opposé au combat pour la régularisation de tous les clandestins et leurs familles !

Il faut toutefois relever que Thibault, en décommandant Chérèque à la dernière minute, a évité le risque de créer inutilement un couac au sein du congrès – malgré tout le soin apporté à la composition bureaucratique de sa délégation.  Qu’il ait considéré possible un tel affrontement montre que les potentialités de combat contre le « syndicalisme rassemblé » derrière Sarkozy, contre le « dialogue social », la loi représentativité, etc. demeurent. Mais elles n’auront pu s’exprimer dans ce congrès, sinon de manière inoffensive. Et après le congrès de la CGT, celui de la FSU qui s’ouvre en février est placé par sa direction sous le signe d’un rapprochement rapide avec l’appareil confédéral CGT - au moment même où celui-ci va de plus en plus loin dans la défense du capitalisme et du gouvernement Sarkozy. 

Enfin il faut ajouter, mais un article de ce numéro y revient largement, que la réforme des lycées Sarkozy-Chatel, laquelle est en fait un pas de plus vers l’autonomie des tous les établissements scolaires, est presque arrivée à son terminus sans obstacle – là encore grâce au refus des directions syndicales de la combattre, au nom du leurre d’une « bonne réforme ». 

Si Sarkozy peut se féliciter publiquement d’avoir  « ensemble », avec Thibault et cie, évité « le pire » sur le terrain de la lutte des classes, par contre, quant à la ‘sortie de crise’, il fanfaronne.

Crise économique : « le pire » est à venir


Voilà en effet que Sarkozy et ses ministres commencent à parler de la crise au passé. Et de revoir, même, à la hausse, leurs prévisions de croissance pour 2010 (quoique dans des proportions encore modestes). On pourrait presque dire que c’est le contraire qui s’annonce. Il suffit pour s’en convaincre de reprendre quelques données simples, fournies par les organismes officiels. La note de conjoncture pour l’ensemble de la zone euro publiée entre autres par l’Insee nous apprend que la production industrielle ne progresserait pas au premier semestre 2010, ou bien, peut-être, d’un dixième de point. L’investissement productif, après une nouvelle baisse de 0,4% au dernier trimestre 2009, baisserait encore au premier trimestre 2010 avant, peut-être, de cesser sa dégringolade au second trimestre. D’où, dans de telles conditions, et alors que les chômeurs se multiplient sans cesse, viendrait la soi-disant « reprise » ? De la Chine ? Mais tous les économistes indiquent dorénavant que le colossal plan de financement de l’industrie nationale par les crédits publics a abouti à la constitution de surcapacité sans précédent dans l’histoire : dans le domaine de l’acier elles sont  l’équivalent de celles combinées du Japon et de la Corée du Sud ; dans le ciment, l’équivalent de la consommation totale de l’Inde, etc. Sans oublier la crise de surproduction automobile qui n’a été provisoirement diluée que par le recours, dans la majorité des pays capitalistes dominants, à une « prime à la casse » qui ne fait qu’en reporter les effets.

Mais ce n’est pas tout : ce palier dans la crise que nous annoncions et analysions pour notre part depuis des mois dans notre bulletin se combine avec la poursuite de la crise financière. Les crédits bancaires vers le secteur privé restent à des niveaux bien inférieurs à ce qu’ils étaient ces dernières années – et des banques continuent de sombrer dans la faillite régulièrement.  Et ceci alors même que les taux d’intérêts pratiqués par les banques centrales sont historiquement bas – ce qui favorise aujourd’hui la spéculation, les diverses magouilles bancaires et l’envolée des bonus. Mais pour combien de temps ?

L’intervention des Etats (cf. l’article sur la situation économique dans ce numéro) a creusé plus profondément que jamais leur endettement – et a mis à l’ordre du jour une crise de la dette publique qui nécessiterait, pour être jugulée, d’augmenter les taux d’intérêts, en d’autres termes d’étrangler davantage l’économie réelle. Et même ainsi, comment certains Etats éviteraient-ils de frôler la faillite ? En Europe, les financiers, toujours élégants, ont ciblé sous le terme insultant de « pigs » (porcs) quatre Etats particulièrement vulnérables : Portugal, Irlande, Grèce, Espagne. A ceux là on peut ajouter une Italie surendettée (à plus de 100% du PIB) et une Grande Bretagne qui a creusé son déficit comme nulle autre ces derniers mois (un déficit  à 12% du PIB). Et derrière d’éventuelles crises financières frappant ces pays, le sort de l’euro serait remis en cause (d’où la légère baisse de cette monnaie ces dernières semaines). La faillite de l’émirat de Dubaï, dont toute l’économie était un reflet concentré des traits les plus parasitaires, spéculatifs et réactionnaires du capitalisme pourrissant, sonne à cet égard comme un signal d’alarme.

Non, décidément, ce « pire » - là n’a pas été évité et reste à l’ordre du jour l’alternative : stagnation à cause de l’accumulation de dettes en tout genre, ou bien effondrement financier et économique si la sphère financière craque faute d’être nourrie par le retour substantiel des profits autres que spéculatifs, fictifs. En tout cas, la Banque mondiale vient de publier un rapport dans lequel ses experts affirment : « Le chômage et la sous-utilisation considérable des capacités de production devraient continuer à caractériser le paysage économique pendant les années à venir ». (Cf Libération du 20 janvier 2010).

Et pour la classe ouvrière, le « pire » a déjà commencé. Pendant que les dirigeants des organisations syndicales ouvrières sur toute la planète multiplient les agapes avec leurs gouvernements, le chômage enfle inexorablement, même retardé ici ou là par les mesures de chômage partiel.  Fermeture de l’usine Opel d’Anvers, faillite de Japan Airlines, la liste serait interminable. Les 7 millions de chômeurs officiellement recensés en plus aux Etats-Unis depuis 2007, parfois parqués dans des villages de tentes tandis que les maisons vides saisies sont légion, vivant sur les bons d’alimentation de l’assistance publique, dressent un acte d’accusation irréfutable contre le capitalisme.

Plus encore : la crise appelle les gouvernements voués au sauvetage du capitalisme en crise à des mesures d’une brutalité sans précédent depuis des décennies. Ainsi en Irlande, ce sont les salaires des fonctionnaires qui sont baissés de 10% en moyenne pour 2010 (ce qui n’a entraîné à ce stade qu’une grève, certes massive, de 24 heures le 24 novembre).
Mais la situation en Grèce est particulièrement illustrative : alors que le pays est en pleine crise de l’endettement, le nouveau gouvernement structuré par le Pasok a annoncé des vagues de coupes dans les dépenses publiques, de gel des salaires de fonctionnaires et des embauches, de privatisations massives, ‘réforme’ des retraites, etc. Pour faire passer la pilule, le gouvernement prévoit aussi de relever les impôts touchant les plus riches. Mais il y a un hic, que rapporte une dépêche en date du 19 janvier : « Pour l’agence Moody's, l'incertitude la plus importante réside dans la capacité du gouvernement grec à mettre en œuvre ce programme ». Or précisément le gouvernement du Pasok a été clair : il ne mettra en œuvre son plan qu’une fois obtenu un « pacte social » avec la GSEE, la centrale syndicale ouvrière majoritaire.

La leçon est claire : pour briser la vague d’assaut des bourgeoisies européennes contre les derniers éléments d’acquis ouvriers, il faut aux travailleurs trouver les ressources pour s’engager sur leur propre terrain, pour leurs objectifs à savoir l’arrêt des contre-réformes, et s’ouvrir cette voie passe par le combat pour empêcher ou remettre en cause les « pactes », accords que les appareils syndicaux, les partis issus du mouvement ouvrier passent avec leur propre bourgeoisie dans chaque pays.


 « Nous n’avons pas le droit de ralentir le rythme parce que les effets de la crise continuent à se faire sentir et parce que nous ne pouvons pas différer les réformes » (Sarkozy)


Ces termes, avec lesquels Sarkozy a conclu la réception de ses « lieutenants ouvriers » (Lénine) le 15 janvier, ne sont pas de façade. En particulier il serait illusoire de croire que les élections régionales amèneraient le gouvernement à ralentir son offensive « concertée » contre les travailleurs.

Occupe une place de toute première importance dans cette offensive le « grand emprunt ».
Il faut rappeler que ledit emprunt a donné lieu à une concertation généralisée (avec notamment le 1er décembre la réception du PS, du PCF, lors de laquelle Jean Marc Ayrault réclamait un montant plus élevé). Certes, la direction CGT a refusé d’y participer mais on va le voir ce refus était plus une manœuvre liée à la proximité du congrès confédéral qu’autre chose. Le rapport Juppé-Rocard repris par Sarkozy le 14 décembre est un véritable catalogue d’attaques tout azimut, et de nouvelles subventions au patronat.
Au premier rang des cibles : l’enseignement supérieur puisque le grand emprunt prévoit une petite condition à la subvention des « pôles d’excellence »: « La seule condition que nous mettons, c’est l’excellence mondiale, c’est la nouvelle gouvernance, c’est la contractualisation – j’y reviendrai, c’est l’autonomie, c’est le partenariat avec les entreprises » dixit Sarkozy le 14 décembre. Autrement, ce sont ses propres mots, il s’agit « d’une nouvelle étape » dans la mise en œuvre de l’autonomie des universités (cf. dans ce numéro).
L’enseignement par alternance est lui outrageusement favorisé puisque ce dernier récolte 500 millions d’euros. D’une manière générale, le grand emprunt déverse des milliards dans les caisses du patronat, dans différentes filières : 6 milliards pour l’automobile, aéronautique, … ; 5 autres milliards au nom de ‘l’écologie’. Rappelons, entre autres, le  cadeau que constitue déjà la suppression de la taxe professionnelle pour 2010 : plus de 11 milliards pour le patronat !
Il faut souligner qu’un milliard d’euros de financement découleront … des décisions prises dans le cadre des Etats Généraux de l’Industrie (initiative, Sarkozy l’a rappelé lors de ses vœux du 15 janvier, de la direction confédérale CGT) ! Et au comité de pilotage des ces Etats Généraux : la totalité des appareils syndicaux. Ce n’est pas tout : un comité de surveillance de ce grand emprunt doit être mis en place. Y seraient associés, encore, le PS, le PCF et aussi les dirigeants syndicaux.

Pour payer les intérêts de cet emprunt, pompe à finance installée pour les patrons, Sarkozy entend faire payer les travailleurs : le projet de loi de finances rectificative adopté en conseil des ministres le 20 janvier 2010 comprend (sans plus de détails) 500 millions d’annulation de crédits dans les différents ministères, explicitement pour payer les intérêts de l’emprunt !

Dans ces circonstances, combattre pour que les directions syndicales rejettent cet « emprunt », refusent de s’associer à son suivi et combattent pour le retrait du projet de loi de finances rectificative, est une nécessité politique immédiate.

Autre réforme qui est examinée dès ce mois de janvier par le Sénat, celle des collectivités territoriales. Ce projet de loi signé Hortefeux est sans équivoque un outil de destruction des acquis collectifs existant au niveau des communes, et, ce qui va de pair, un outil de liquidation de dizaines de milliers de postes de fonctionnaires territoriaux, en engageant des fusions de départements et de régions, des fusions de communes, y compris forcées. Sarkozy s’indigne régulièrement que, alors que son gouvernement aura supprimé 100 000 postes de fonctionnaires en trois ans, les collectivités territoriales continuent de créer des postes. Ce projet devrait permettre à la bourgeoisie d’en finir, une nouvelle fois sur le dos des masses populaires – cf. l’éditorial de notre précédent numéro.

Or qu’ont fait les appareils syndicaux ? Le 21 janvier, une grève était convoquée dans l’ensemble de la fonction publique, venant se substituer à un appel à la grève chez les enseignants initialement prévue pour le 14. Et dans la plateforme de cet appel à « des grèves et des manifestations » ne se trouvaient ni l’exigence du retrait de ce projet de réforme qui est pourtant une menace terrible pour les territoriaux, ni non plus celle de la « réforme »Sarkozy-Chatel des lycées ! Autant dire que le signal est clair à l’intention du gouvernement : « passez ».  

Il faut noter que cette ‘réforme’ va aller de pair avec la convocation d’une ‘conférence sur la dette’ fin janvier, à laquelle seront associés les « élus » - autrement dit le PS et le PCF. Enfin, au ministère de la culture (cf. les interventions militantes de ce numéro), l’intersyndicale a eu comme mot d’ordre à partir de la grève au Centre Beaubourg « l’exemption du ministère de la Culture de la RGPP » (révision générale des politiques publiques). C’est une variante de la « revendication » de « l’arrêt des suppressions aveugles » de postes comme le proposait la plateforme intersyndicale du 5 janvier 2009. Une telle « revendication » ne pouvait qu’isoler les travailleurs de ce ministère des autres fonctionnaires.
La RGPP entre dans sa deuxième phase, c’est-à-dire dépasse le niveau des fusions au sein des administrations centrales pour aller maintenant dans les différents organismes et établissement publics. Au premier janvier entre en vigueur la « réorganisation territoriale de l’Etat » (Réate). Isoler dans ces circonstances tel ou tel ministère au nom de son caractère « spécial », n’est-ce pas accepter le principe général de la RGPP ? L’appareil CGT est même allé jusqu’à proposer, en guise de grève, d’ouvrir gratuitement le Centre Pompidou en circonscrivant la « grève » aux seuls caissiers... proposition huée par les travailleurs en grève et retirée par les bureaucrates!

Enfin c’est sans attendre les élections régionales que le gouvernement a relancé la « taxe carbone », suite à sa censure par le conseil constitutionnel au motif (indéniable) que 93% des émissions polluantes industrielles (hors carburant) y échappaient. Mais comment donc remettre la même chose sur le métier ? Une dépêche AFP du 20 janvier répond : « Une nouvelle concertation, rassemblant industriels, partenaires sociaux et ONG environnementales, débutera en février pour une présentation au Parlement au printemps ». Cette concertation est cadrée ainsi par Chatel (en tant que porte-parole du gouvernement) : ne pas mettre en danger la « compétitivité des entreprises ».


15 février : au centre de « l’agenda social partagé » du gouvernement et des appareils syndicaux, les préparatifs de l’offensive contre les retraites (appuyée par le PS)


C’est tout sourire que Darcos, ministre du travail,  a lui aussi présenté ses vœux le 21 janvier. Il a déclaré au sujet des retraites "Inutile de vous dire que le ministre en charge du sujet que je suis en est particulièrement heureux". De quoi ? Des annonces de Martine Aubry acceptant (au nom de tout le PS) un nouvel allongement de la durée de cotisation, Montebourg parlant lui de « compromis national », Darcos lançait aux dirigeants syndicaux :
« Je note enfin que les lignes bougent sur ce sujet dans le champ des responsables politiques. Certains responsables ont semble-t-il décidé de ne pas se réfugier dans une opposition stérile, mais de regarder la situation dans un esprit de responsabilité et d’ouverture. C’est avec le même esprit de responsabilité et d’ouverture que j’espère pouvoir mener les discussions avec vous sur ce sujet. »

Quant au contenu des discussions, Darcos  l’explicite :
« Quelle sera notre méthode ? Je souhaite d’abord ouvrir une phase de diagnostic afin de faire le point sur la situation financière des régimes de retraite à partir des données actualisées que le Conseil d’orientation des retraites devrait communiquer au mois d’avril prochain. Ce diagnostic devra également nous permettre de juger précisément de l’impact des précédentes réformes afin de mesurer le chemin déjà parcouru. Il me semble nécessaire ensuite que nous abordions une phase de concertation, au cours de laquelle l’ensemble des pistes devront être explorées, qu’il s’agisse de l’âge de la retraite, de la durée de cotisation et, bien sûr, comme l’a indiqué le Président de la République, celle de la pénibilité. Cette phase de concertation d’ailleurs, ne saurait s’enfermer dans les limites de notre système actuel : nous devons ainsi réfléchir aux autres voies possibles, comme l’ont fait d’autres pays européens. Nous bénéficierons ainsi des analyses du COR sur les systèmes de retraite par points ou en « comptes notionnels ». 

Reprenons : « tout est sur la table » … sauf de faire augmenter la cotisation patronale ! Dans le collimateur se trouvent en particulier le code des pensions de la fonction publique et les régimes spéciaux, cible indiquée par la Cfdt : Chérèque ayant directement mis en cause, le 29 janvier, le code des pensions et demandant un « rapprochement progressif » des règles avec celles du secteur privé.  C’est-à-dire qu’il milite ouvertement pour une nouvelle baisse des pensions des fonctionnaires (en particulier pour la remise en cause du calcul de la pension sur les 6 derniers mois).

Ensuite : ce sont les dirigeants syndicaux qui, au sein du C.O.R. préparent « l’état des lieux ». Ce sont encore eux qui fourniront le rapport sur le passage à un système « par points » qui présente l’immense « avantage », si l’on veut, d’inclure la question de la pénibilité qui a été posée comme préalable à la discussion par le congrès de la CGT, préalable donc accepté ostensiblement par Sarkozy. D’ailleurs pourquoi pas  puisque précisément le système « par points » signifie l’individualisation des « parcours », la mise en cause du régime général tout comme du code des pensions.
A cet égard le point d’appui essentiel du gouvernement jusqu’ici a été fourni par le congrès confédéral CGT, lequel a adopté comme formule la « maison commune des régimes de retraites ». Que recouvre cette formule sinon, quelles que s soient les précautions de langage, la remise en cause du régime général et de celui de la fonction publique ? C’est cette « maison commune » qui prépare le passage à un système par point individualisé et fonction de l’espérance de vie théorique (voilà la ‘pénibilité’) – en fait un système où plus aucune solidarité n’existe entre pensionnés, et entre pensionnés et salariés.
Dans le même temps (voir dans ce numéro), l’appareil s’employait à épuiser préventivement les secteurs de la Ratp les plus combatifs, ceux des lignes Rer, en les envoyant dans le mur de grèves sur des objectifs réactionnaires (une prime à la performance).

Appuyé sur une première couche de participation au sein du COR, une négociation s’ouvrirait pour aboutir à l’automne. Mais son coup d’envoi sera donné le 15 février lors du sommet sur « l’agenda social » présidé par Sarkozy, au menu duquel devraient également se trouver de nouvelles attaques contre la Sécurité sociale au nom d’une part du déficit, et d’autre part de la « cinquième branche » dite « dépendance ». Pendant ce temps, les « réformes » déjà menées s’appliquent, comme l’étranglement des hôpitaux (alors que le coût de la campagne de vaccination de la grippe, tout bénéfice pour les laboratoires, est supérieur au déficit annuel des hôpitaux). En 2010 un million de chômeurs vont se retrouver en fin de droits ! Aussi s’opposer à la participation des dirigeants syndicaux à ce sommet est une des premières nécessités pour indiquer comment pourrait être enrayée cette offensive programmée.


Garder le cap


Dire que la situation est difficile pour le prolétariat mondial et en France, c’est constater l’évidence. Aux difficultés nouvelles engendrées par la crise du capitalisme répond un engagement sans précédent des appareils syndicaux, du PS (et du PCF), aux côtés du gouvernement. Et cet engagement ouvre à son tour la voie en grand à l’offensive décuplée dont le gouvernement Sarkozy a besoin pour défendre une bourgeoisie française toujours plus affaiblie sur le marché mondial – jusqu’à être de facto mise à la porte de Haïti par l’impérialisme US qui occupe le pays sous couvert d’aide humanitaire aux victimes du tremblement de terre.
Autre évidence : les élections régionales de mars ne soulèveront pas l’enthousiasme des masses. Et comment en serait-il autrement ? Certes, il n’est pas à exclure que le rejet de Sarkozy et de l’UMP se traduise y compris sur ce terrain déformé.  Mais le PS manifeste sa volonté d’alliance renforcée avec les partis bourgeois sous la forme d’appels du pied au Modem qu’il faut rapprocher de la position pourrie des Aubry et cie sur la question des régimes de retraite. Pointe avancée de cette alliance : Royal (dont la liste inclut aussi l’animateur du « collectif contre les patrons voyous » dont nous avons parlé dans un précédent numéro), qui joue son avenir politique dans le Poitou. D’ores et déjà les listes initiées par le PS intègrent partout des représentants des patrons, au nom de « l’ouverture à la société civile ». Politique qui favorise évidemment l’opération « Europe écologie » au compte de Sarkozy pour casser le PS (voir l’article dans ce numéro).

Pendant ce temps, des alliances à géométrie variable entre Npa, Parti de Gauche, ou bien Parti de Gauche, Parti Communiste, selon les régions (Gayssot ralliant Frèche dans le Midi), sur un programme qui leur est commun et dont on pourrait trouver les linéaments dans la déclaration intersyndicale du 5 janvier 2009 que tous ils avaient soutenue. Notons au passage que le NPA est déjà en crise, qu’il n’a en effet guère plus d’adhérents réels que n’en avait la LCR, et que la préparation de ces élections, avec les alliances à géométrie variable (PG, ‘décroissants’, ‘alternatifs’) montrent que c’est en cohérence qu’il avait rejeté, lors de son congrès de fondation, le qualificatif de « révolutionnaire ». 

Il est certain que ces élections ne peuvent pas fournir de point d’appui solide dans le combat pour réaliser le front unique des organisations du mouvement ouvrier contre Sarkozy et son gouvernement.

Mais dans le même temps, il est inéluctable que des conditions nouvelles crées par la crise elle-même s’engagent des mouvements plus ou moins puissants en défense des acquis restant, ou tout simplement pour lutter contre la déchéance sans espoir à laquelle une fraction croissante de la population laborieuse, de la jeunesse, sont voués par le capitalisme.  Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais les mouvements des étudiants en Allemagne ou Autriche pour que l’enseignement supérieur ne soit pas sacrifié sur l’autel de la crise capitaliste sont des indicateurs avancés de ce qui, à une autre étape, pourrait s’engager pleinement.

Il s’agit aujourd’hui de poser les jalons, par l’intervention pratique, l’élaboration théorique, d’une politique ouvrière et révolutionnaire ouvrant une issue face à la crise. 
- Rupture de la concertation, du dialogue social avec le gouvernement, ce qui ouvrirait la voie à un mouvement capable de porter un coup d’arrêt à l’offensive sans relâche du gouvernement Sarkozy-Fillon et qui pourrait déboucher sur un gouvernement du front unique des organisations issues du mouvement ouvrier (à l’opposé du syndicalisme « responsable » et « rassemblé ») dont les masses exigeraient la satisfaction de leurs revendications.
- Mise sur pied d’un plan de production et de distribution élaboré et réalisé sous contrôle ouvrier, assurant le droit au travail et permettant la satisfaction des besoins des masses en rompant avec la loi capitaliste du profit, expropriant le Capital, plan dont il appartiendrait dès aujourd’hui aux organisations syndicales ouvrières de poser les bases.

C’est plus que jamais ce cap qu’il faut tenir et défendre car il est la seule à même d’apporter les réponses dont les prolétaires, la jeunesse, ont besoin, et donc d’aider à ce que se construise un nouveau parti, le parti ouvrier, révolutionnaire, l’arme dont la classe ouvrière et tous les exploités ont besoin pour abattre le capitalisme et s’engager dans la voie du socialisme. C’est le combat que la crise du capitalisme dicte de mener dans des conditions difficiles, et que notre Groupe appelle les lecteurs de CPS à rejoindre et à relayer.

Le 22 janvier 2010

 

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