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Editorial de CPS n°37, 30 mai 2009

Alors que les travailleurs prennent de plein fouet la crise du capitalisme,
Le gouvernement Sarkozy-Fillon et le patronat redoublent de coups,
appuyés sur le « sens de la responsabilité » (Fillon) des appareils syndicaux


Au début du printemps, sans que son existence en soit pour autant remise en cause, le gouvernement Sarkozy-Fillon faisait objectivement face à un certain nombre d’obstacles politiques.
En Guadeloupe, la coalition du LKP, basée pour l’essentiel sur les syndicats et partis du mouvement ouvrier, venait de diriger une grève générale exceptionnelle, non sans limites (cf. le précédent numéro de CPS), et d’imposer entre autres 200 euros pour tous.
Dans les universités, l’un des plus importants mouvements de l’histoire des enseignants et chercheurs l’obligeait à manœuvrer en recul sur un projet de décret détruisant leur statut. Le gouvernement devait même annoncer qu’il renonçait partiellement aux suppressions de postes prévues dans ce secteur. Ceci est en relation avec le fait que la détermination farouche des personnels avait provoqué l’interruption de la concertation entre gouvernement et directions syndicales, à commencer par celle du Snesup (voir dans ce numéro). La « réforme » de la formation des enseignants s’en trouvait menacée par ricochet – et dans les universités le boycott de sa mise en œuvre par les personnels rendait son application pleine pour la rentrée plus qu’improbable. Déjà, le gouvernement avait déjà été contraint à reporter la réforme des lycées en novembre, suite au boycott des discussions par la direction du SNES. A EDF et GDF, des grèves multiples, dispersées par l’appareil CGT, s’engageaient pour des augmentations de salaire. Dans les hôpitaux, la volonté des personnels d’arracher le retrait du projet de loi Bachelot était nette, tandis que les travailleurs sociaux luttaient et luttent encore (voir dans ce numéro) pour la défense de la convention de 1966.

Ces obstacles se levaient sur fond de grèves ouvrières en réaction aux multiples plans de licenciements et au chômage technique forcé – quand bien même, il serait vain de l’ignorer, ces grèves sont proportionnellement peu nombreuses au regard du cyclone des faillites et des « plans de sauvegardes de l’emploi » qui balaient le pays et ruinent des territoires entiers en précipitant des milliers de travailleurs chaque jour dans l’angoisse de la misère.
Enfin, dans la foulée du « sommet social » du 18 février dont la tenue, nous l’avons montré dans notre précédent numéro, a été un point d’appui fondamental fourni par les appareils syndicaux au gouvernement, le Medef proposait de relancer la « délibération sociale ». Or Bernard Thibault écartait d’une simple lettre qu’il résumait au Monde dans des termes secs : « il n'est pas question que la CGT perde du temps dans des discussions accessoires qui ne débouchent sur aucune mesure ». De ce fait, et cela illustre la place centrale qu’occupe la direction confédérale Cgt, la « délibération sociale » était reportée sine die.

Un constat s’impose. Plus de deux mois après les trois millions de manifestants du 19 mars, au moins momentanément, ces obstacles qui pouvaient se dresser sur la route du gouvernement ont été aplanis.


Gouvernement et patronat accélèrent


Les attaques gouvernementales et patronales redoublent. Ce sont bien entendu d’abord et avant tout la multiplication des plans de licenciements, mais aussi significativement le redémarrage de la « délibération sociale » entre patronat et directions syndicales, engagée le 27 mai. Or cette délibération, devant fixer « l’agenda 2009 » (avec un retard que nous venons d’expliquer) et déboucher sur des négociations, a des objectifs qu’on devine dans peine. Dès le 10 juin, une « négociation » doit s’engager sur le thème des « conséquences de la crise économique sur l’emploi». Inutile de tourner autour du pot, c’est une négociation qui se situe sur le terrain de l’acceptation des licenciements et qui a pour but d’amener à la cogestion des licenciements entre Medef et directions syndicales. S’annonce aussi une négociation sur le thème des « relations interentreprises », au moment où l’UMP fait voter une loi autorisant le prêt gratuit de main-d’œuvre entre patrons – pratique qui tombait il y a peu sous le coup de la loi ! Combattre pour le boycott de la délibération sociale et de ces « négociations » est une nécessité incontournable.
A cet égard, il est opportun de rappeler que c’est des dernières « délibérations »/négociations de ce genre qu’est issue la « rupture à l’amiable », ou licenciement express, que les patrons ont déjà utilisée plus de soixante mille fois ! La direction confédérale FO, qui avait soutenu cette nouvelle procédure avec l’assentiment tacite de son homologue cégétiste, s’en félicite encore aujourd’hui par la bouche du nommé Lardy. Et ceci alors que les inspections du travail constatent que ces procédures en masse servent souvent à maquiller les plans sociaux.

En Guadeloupe, le gouvernement a refusé d’étendre la clause de « l’accord Bino » qui faisait porter intégralement sur le patronat la charge des 200 euros d’augmentation après trois ans. Et aujourd’hui sur cette île, les licenciements pleuvent, Medef et gouvernement cherchent les moyens de leur revanche – réflexe atavique des anciens esclavagistes indignés par le soulèvement de leurs « nègres ».
Contre la jeunesse, le gouvernement a engagé le plan Hirsch de développement de l’apprentissage, lequel prévoit de livrer des dizaines de milliers de jeunes supplémentaires à la surexploitation, plan Hirsch sur lequel nous allons revenir dans cet éditorial.

A l’université, on verra dans ce numéro de CPS dans quelles conditions, le gouvernement a publié le décret sur le statut des enseignants-chercheurs. Dans la fonction publique, alors que le projet « mobilité » est annoncé pour avant l’été (cf. les interventions militantes dans ce numéro), le gouvernement s’est fait une joie d’annoncer l’accroissement des suppressions de postes de fonctionnaires pour 2009 (34 000 postes) et même, rétrospectivement, pour 2008.

A l’hôpital, la loi Bachelot a été légèrement modifiée, mais non comme sous-produit de l’action des personnels et de leurs organisations syndicales. Les agents hospitaliers se sont retrouvés à servir de masse de manoeuvre pour les chefs de service. Et si ces derniers ont obtenu quelques aménagements sur la gouvernance des CHU, ainsi que le report à 2018 de la convergence public privé, le gouvernement a aussi donné entière liberté tarifaire au secteur privé – alors que dans le cadre des agences régionales de santé, ce secteur se voit confier des missions de « service public »… au prix fort.
On doit y ajouter à la Poste la mise en place de « facteur d’avenir » (à la clé, selon la CGT-Fapt, 40 000 postes de supprimés), malgré la résistance des postiers, confinée localement par les appareils qui ont – à commencer par la direction CGT – invité ouvertement les facteurs à se battre bureau par bureau pour y arracher des « avancées » - l’appel intersyndical pour les 26 mai et 13 juin à La Poste n’en parle pas.

Enfin il faut ajouter à ce tableau la publication accélérée des décrets sur la formation des maîtres avant même la fin de la concertation lancée par le gouvernement sur ce sujet, et dans sa foulée l’arrivée d’une nouvelle mouture de la « réforme » des lycées sous la houlette de la commission Descoings.

A ces mesures en cascade, et alors que d’autres s’annoncent (notamment l’exécution de la sentence rendue par Sarkozy contre les habitants des communes ouvrières qu’est la suppression de la taxe professionnelle), il faut ajouter un redoublement de la répression de la part de l’Etat bourgeois. De la volonté d’interdire les cagoules en manifestation (sauf pour les provocateurs descendus des fourgons policiers) à la création d’un « délit d’appartenance » à une « bande », en passant par la volonté de policiariser à outrance les établissements scolaires, jusqu’à l’arrestation de gamins de huit ans, les attaques du gouvernement contre les libertés démocratiques rendent l’air irrespirable.
Travaux pratiques : l’envoi de la police sur les campus, contre les grévistes, l’arrestation du dirigeant CGT Charles Hoareau à Marseille ou la descente sur les lieux de travail à Edf et Gdf pour arrêter des syndicalistes CGT réputés avoir coupé le courant !
A l’échelle internationale aussi le gouvernement affirme sa volonté de participer au maximum de ses possibilités à la défense de l’ordre impérialiste, de l’ouverture d’une base militaire face à l’Iran, à Abu Dhabi, jusqu’à l’organisation d’opérations de police maritime au large du Nigéria, en passant par le soutien à Idriss Deby au Tchad. Un point commun à ces trois cas : il se nomme Total.

De telles circonstances rendent encore plus odieuse la poursuite, l’intensification du « dialogue social » entre un tel gouvernement et les directions syndicales. 
S’y engageant, ces dernières se comportent comme de véritables gardes du corps politiques de Sarkozy et ses sbires.


Les dirigeants CGT, FO, FSU, passent au prolétariat la camisole de force de « l’intersyndicale »


On doit à nouveau souligner que la constitution de l’intersyndicale (le « G8 syndical ») au lendemain des prudhommales n’est pas un événement mineur. Elle est exceptionnelle. Le simple fait que l’ensemble des partis issus du mouvement ouvrier s’aligne sur elle au travers de multiples déclarations l’atteste, tout autant que l’importance numérique des manifestations qu’elle a convoquées.
C’est directement en relation avec l’éclatement de la crise du capitalisme que s’est formée cette coalition, et elle l’a été sur la même ligne que celle qu’ont adoptée tous les appareils syndicaux sur la planète (cf. dans ce numéro le texte adopté par la 2ème conférence du Groupe), à savoir défendre le capitalisme. Ainsi les manifestations organisées en Europe par les C.E.S. les 16 et 17 mai avaient un mot d’ordre commun « pour un pacte social ».

L’orientation de cette intersyndicale était, depuis le début, celle du dialogue avec le gouvernement. Elle se situait d’emblée sous le signe des « lois du marché », de l’acceptation des licenciements. Elle n’avait pas pour but de défendre les revendications, mais au contraire d’interdire qu’elles s’expriment, en les niant ou les dévoyant. La plate-forme commune du 5 janvier en témoignait (cf. notre précédent numéro). Les formes « d’actions » choisies l’ont été en cohérence, jusqu’à l’utilisation des jours fériés, des week-ends, ou l’appel sans grève à la journée d’action du 26 mai.

Dans notre précédent numéro, nous proposions une orientation à même de déchirer cette camisole de force politique:
« La grève générale de Guadeloupe est un point d’appui : elle permet au moins pour l’instant de poser la question du front unique sous la forme de la revendication d’un Collectif National Unitaire des partis et syndicats du mouvement ouvrier, reprenant les revendications réelles des travailleurs rappelées plus haut, et se fixant l’objectif pour les satisfaire de terrasser le gouvernement Sarkozy-Fillon. La constitution d’un tel front entraînerait la rupture de la « concertation », du « dialogue ». Ce serait une déclaration de guerre au gouvernement. »

Cette question reste posée. A Fumel, un comité « contre les suppressions d’emplois » intégrant les principaux syndicats et partis du mouvement ouvrier, a été constitué. Le 30 mars, la commission régionale PACA du SNADGI-CGT s’adressait au CCN pour dénoncer la préparation du G20 de Londres avec Sarkozy, et lui demander d’appeler au front unique des organisations syndicales pour défendre les réelles revendications (arrêt des licenciements, des suppressions de postes, arrêt des contre-réformes, augmentation des salaires).

Mais surtout, cette question a surgi jusque dans la réunion des organismes CGT convoquée par l’appareil le 1er avril pour s’assurer de sa propre cohésion. Bernard Thibault y a répondu en ces termes :
« Quelques mots sur la remarque qui a été faite en référence à la mobilisation en Guadeloupe et à la coalition du LKP qui regroupe 48 organisations. Si cette référence consiste à laisser entendre qu’il faudrait nous aussi réfléchir à une configuration du même type pour la conduite du mouvement, une forme de coalition regroupant les syndicats, les associations et les partis politiques, naturellement ce serait une autre stratégie et je vous le dis, ce serait une erreur stratégique considérable : Premier effet, dans l’hypothèse ou une telle coalition serait envisagée en métropole, cela ferait voler en éclats l’intersyndicale. » 
Défendre l’intersyndicale, et pourquoi ? Parce que, dit Thibault, il ne faut en aucun cas remettre en cause le gouvernement : « Ce n’est pas une question « pro » ou « anti » Sarkozy. »
Ajoutons que tous ceux qui, à l’instar des Besancenot, exécutent des pirouettes verbales sur la « grève générale », couvrent en fait les appareils en escamotant la question essentielle : celle de l’objectif qui ne peut être que de combattre, vaincre et chasser le gouvernement (Besancenot affirme dans le même souffle qu’il faut une grève générale et « le faire reculer »), et donc la question politique, celle de la constitution d’un front uni anti-Sarkozy, qui ordonne tout.

Thibault et l’appareil CGT qui en sont la clé de voûte entendent donc eux maintenir ce cadre de l’intersyndicale – et donc celui de la poursuite et de l’intensification du « dialogue social », et du refus du combat pour la satisfaction des revendications réelles : l’arrêt immédiat des licenciements, des suppressions de postes dans la fonction publique, le retrait, l’abrogation des « réformes Sarkozy », et le rattrapage intégral du pouvoir d’achat perdu depuis le passage à l’euro.
C’est à l’opposé de cette ligne que se situe la nouvelle mouture de la plate-forme intersyndicale publiée à la veille du 26 mai. En réalité, elle s’inscrit totalement dans la perspective de la « délibération » et des négociations avec le Medef, et dans celle des nouvelles rencontres avec le gouvernement (dont un sommet fin juin annoncé de longue date).
En effet, après avoir salué une nouvelle fois les soi-disant reculs du gouvernement, elle demande en ouverture : « Patronat et gouvernement doivent engager négociations et concertation sur les sujets prioritaires les plus urgents. »

A propos de « reculs », cette plateforme évoque la question de la santé sans piper mot du projet de loi Bachelot ! 
Oh certes il est question dans cette plateforme du retrait ou l’abrogation de deux projets : la loi Tepa et le travail du dimanche, ce qui, comme nous l’avons expliqué dans notre précédent bulletin, sont des demandes tout à fait « responsables », misérables, qui ne sont là que pour faire ressortir l’absence de toute remise en cause frontale de la politique du gouvernement.
Certes l’on demande au gouvernement, pour 2009 et 2010, de « renoncer aux suppressions de postes ». Sinistre plaisanterie, alors que le gouvernement vient de se vanter d’accroître, au contraire, les suppressions de postes ! Quant au reste, notamment les demandes générales sur « l’emploi des jeunes », elles ont un contenu très précis, c’est le soutien au plan Hirsch, comme nous allons voir.

Notons que si la direction FO fait des rodomontades sur une « journée de grève interprofessionnelle », c’est pour faire passer exactement la même ligne, qu’une tribune de Mailly au Monde rappelle : « que le gouvernement, au minimum, lève le pied sur les réformes ». Et bien entendu, qu’un secrétaire confédéral s’exprime ainsi ne peut que pousser le gouvernement à accélérer.

L’essentiel est donc que, au moins jusqu’à l’été, « le sens extrême de la responsabilité » des directions syndicales, selon l’expression de Fillon, protège et conforte le gouvernement.
Cela éclaire les déclarations d’un Soubie après le premier mai : « L’unité syndicale est un atout pour le pays ». C’est bien le carcan de cette « intersyndicale » formée pour protéger le gouvernement qu’il salue ainsi.


Caterpillar : premier affrontement entre masses et appareils sur la question des licenciements


Que la classe ouvrière doive lutter pour briser ce carcan, celui qu’ont constitué les appareils syndicaux flanqués des partis issus du mouvement ouvrier, est l’évidence. C’est à partir du mouvement pour la défense de ses propres revendications que cela sera possible. C’est ce que vient de montrer le combat des ouvriers de Caterpillar.

Quand fin mars les ouvriers de Caterpillar séquestrent quelques cadres (séquestrations que les bureaucrates confédéraux réprouvent au nom de la « citoyenneté » alors que la violence de la crise des capitalistes broie les familles ouvrières), Sarkozy intervient aussitôt pour, dit-il, « sauver le site ». Aussitôt, un plan social est concocté directement par l’Elysée, la direction CGT et également le conseil régional PS de Rhône-Alpes. Ce plan, dont les détails sont discutés à Bercy, au ministère, prévoit de troquer une diminution du nombre de licenciements annoncés en échange d’une plus grande flexibilité.

Mais se produisent alors des évènements d’une grande importance, singuliers, au regard de ce qui se passe ailleurs dans le pays. Les ouvriers de Caterpillar vont, à plusieurs reprises, interdire purement et simplement à la direction CGT d’aller négocier avec le patronat, refusant dans un premier temps le montant des indemnités de départ puis s’opposant aux licenciements en tant que tels. L’Afp rapporte : « une atmosphère de défiance et de débordement des syndicats par la base » ou encore ces propos : « maintenant, c'est nous les ouvriers qui décidons, ce ne sont plus les délégués syndicaux » (il faut noter que lesdits délégués syndicaux font partie du Comité grenoblois pour l’interdiction des licenciements monté à l’initiative du Parti Ouvrier Indépendant. Ce qui confirme totalement l’appréciation de cette initiative comme une couverture des dirigeants syndicaux).

De son côté, avec leur vocabulaire stéréotypé usuel, les chefs locaux du syndicat CGT affirment que, dans la mesure où la mise en œuvre de la flexibilité ne doit intervenir qu’à l’automne et non au printemps… « il y a des avancées même si elles sont insuffisantes : la direction a fait un effort, ce qui montre que la lutte a payé » (Humanité 22 avril).
Le référendum organisé par la direction CGT (laquelle, hypocritement, dit ne pas avoir de consigne à donner alors qu’elle invite les ouvriers à voter sur leurs propres licenciements) ne peut se tenir dans un premier temps, sous la pression ouvrière. Puis, malgré l’absence de consigne, et l’insistance mise sur les « avancées » du protocole par la fédération des métaux CGT et l’UD CGT de l’Isère (dans un communiqué commun du 26 avril) c’est le « non » qui l’emporte.
C’est donc un « non » aussi bien au patronat, au gouvernement, qu’à l’appareil CGT, lequel a pris en charge à tous les niveaux ce projet d’accord.
Du coup, foin de référendum : comme pour la bourgeoisie, ce plan doit s’appliquer, comme les « Cater » doivent mettre un genou à terre, alors la signature de tous les syndicats hors CGT fera l’affaire. Ce qui permet à l’appareil de cette dernière de tenter de sauver la face tout en effaçant ce camouflet, le premier, qu’il a subi, sans qu’à ce stade il n’ait de répercussions trop importantes.

Caterpillar est pour l’instant un symptôme isolé. Cela amène à se reporter à ce qu’écrivait Trotsky au sujet de la classe ouvrière américaine lorsque celle-ci fut frappée par la crise de 1929 (dans la clé de la situation internationale est en Allemagne, de novembre 1931).
« Les Etats-Unis sont passés sans transition d'une période de prospérité inouïe qui stupéfia le monde entier par un feu d'artifice de millions et de milliards de dollars, au chômage de millions de personnes, à une période de misère biologique épouvantable pour les travailleurs. Une secousse sociale aussi importante ne peut pas ne pas marquer l'évolution politique du pays. Aujourd'hui, il est encore difficile, au moins pour un observateur de l'extérieur, de déterminer quelle peut être l'importance de la radicalisation des masses ouvrières américaines. On peut supposer que les masses elles-mêmes ont été à ce point surprises par la crise de conjoncture catastrophique, à ce point écrasées et abasourdies par le chômage ou la peur du chômage, qu'elles n'ont pas encore réussi à tirer les conclusions politiques les plus élémentaires du malheur qui s'est abattu sur elles. Pour cela, il faut un certain temps. Mais les conclusions seront tirées. 
 La crise économique gigantesque qui a pris l'aspect d'une crise sociale, se transformera inévitablement en une crise de la conscience politique de la classe ouvrière américaine. »

Et Trotsky de souligner ce qui en sera effectivement, trois ans après, le symptôme le plus sûr :

« D'une manière ou d'une autre, la crise actuelle ouvrira une ère nouvelle dans la vie du prolétariat et du peuple américain dans son ensemble. (…) Le mouvement syndical, dès que les premiers symptômes d'un revirement de la conjoncture, ressentira vivement le besoin de s'arracher à l'étau de la bureaucratie corrompue de la Fédération Américaine du Travail. Simultanément le communisme verra s'ouvrir devant lui d'immenses possibilités. »

Lutter dans cette perspective, c’est en particulier défendre, comme l’a fait la déclaration du Groupe en date du 16 mai, l’orientation suivante :
« Pour en finir avec l’isolement boîte par boîte, il est nécessaire de s’organiser et combattre pour que se tiennent, à l’appel des syndicats, par secteur (automobile), par branche, des conférences nationales de délégués d’entreprise élus en Assemblée générale par les salariés eux-mêmes, vers une conférence nationale de délégués ouvriers, dans l’unité des organisations syndicales, à même de diriger le combat pour imposer : aucun licenciement ! »

Mais à l’étape actuelle « l’étau de la bureaucratie corrompue » est aujourd’hui particulièrement pesant – dans les usines en grève, maintenues dans l’isolement, mais tout autant sur le plan national, politique, sur lequel les appareils prennent toujours plus directement en charge la mise en œuvre de la politique de Sarkozy-Fillon.


Le plan Hirsch contre la jeunesse ouvrière le montre sans ambigüité :
le « dialogue social », c’est la prise en charge de la politique du gouvernement


Revenons maintenant sur le plan Hirsch, soit-disant (comme tant avant lui) « pour l’emploi des jeunes ». En réalité, quiconque aura un brin de mémoire saura que l’objectif qu’il se donne était fixé bien avant la crise, depuis des années, par les capitalistes. Accroître l’apprentissage, c’est pour eux élever le nombre de jeunes exploitables à peu de frais, mais tout autant leur inculquer leurs « valeurs » de soumission aux « besoins de l’entreprise », loin de cet enseignement professionnel public que ces messieurs les patrons abhorrent tant.
Le simple fait que ce plan a été présenté par Sarkozy depuis le centre de formation du grand groupe Veolia dit tout ou presque. Les 65 000 nouvelles places en contrats d’apprentissage ou de qualification doivent donner lieu à un déluge d’aides nouvelles aux patrons (1,3 milliards au total). 
Mais qui versera ces fonds ? Le fonds social d’investissement (Fiso). D’où sort ce fonds ? Il a été annoncé au « sommet social » du 18 février sur proposition des dirigeants syndicaux (alignés sur Chérèque). Et qui le gère ? S’il n’a pas d’existence formelle, il est piloté par une cellule réunie mensuellement par Mme Lagarde, et qui est composée des « partenaires sociaux ». Rappelons que ces derniers siègent également au « conseil d’orientation » du fonds stratégique de Sarkozy.

Donc ce sont les dirigeants syndicaux qui financent le plan Hirsch dont aucun n’a exigé le retrait ! Et avec quels fonds ?  Une grande partie vient de sommes prises sur la formation professionnelle des salariés ou encore de l’Unedic. C’est encore ce Fiso qui verse la prime de 500 euros annoncée par Sarkozy le 18 février pour les chômeurs sans droits. Donc de l’argent destiné aux salariés, aux chômeurs, va abonder les caisses des patrons, et ce sont les bureaucrates CGT et FO qui feront politiquement les chèques !
Bref, les directions confédérales, et telle est la logique même du « dialogue social », se font les agentes directes de la mise en œuvre de la politique décidée à l’Elysée au compte du capitalisme en crise.

Elles ne sont pas les seules. Ainsi un véritable coup vient d’être porté à l’ensemble des personnels enseignants (et à leurs organisations syndicales) par la direction du SNES et de la FSU sur la question de la « formation des maîtres ».
Rappelons tout d’abord que, des mois durant, la direction FSU s’est arc-boutée pour ne pas exiger le retrait de cette« réforme ». Elle a d’ailleurs été aidée par les militants du POI ou du NPA au sein des instances de la FSU, lesquels ont refusé de voter pour le retrait de ce projet, mot d’ordre défendu par les seuls militants trotskystes. De même, ils se sont opposés au combat pour que la direction de la FSU refuse de participer aux groupes de travail mis en place pour « préciser les contours » de la réforme (commission Marois/Filiatre).

Or cette « réforme », sous prétexte d’élévation du niveau de recrutement, est un instrument de liquidation de postes en nombre incalculable. D’une part en remettant en cause l’année de stage après concours, de l’autre en créant un volant de dizaines de milliers de stagiaires à 300 euros, étudiants dans les masters « professionnalisants ». Dès la rentrée, selon les informations du ministère, 50 000 d’entre eux seraient amenés à entrer dans les établissements scolaires et prendre des classes en responsabilité. De plus, la « masterisation » signifie pour les enfants des classes populaires l’instauration d’un nouveau barrage à l’accès aux professions d’enseignant Enfin, les centres de formation que sont IUFM disparaissent purement et simplement dans le cadre de la « masterisation ».

La « concertation » n’était même pas achevée que le gouvernement a présenté ses projets de décrets dans l’instance paritaire (Ctpm) chargée de se prononcer sur ces textes (en relation avec la liquidation du mouvement dans les universités). Voilà une nouvelle preuve irréfutable qu’il ne s’agit jamais d’autre chose avec la concertation que d’associer les directions syndicales à une politique décidée à l’avance.
Mais, après avoir « regretté » le manque de respect de ce dialogue social, non seulement la direction FSU (avec les autres) a siégé (après avoir boycotté la première séance), mais encore elle n’a pas voté contre les projets de décrets, s’agissant du second degré (certifiés, agrégés, cpe). Même la CFDT a voté contre ! C’est dire qu’il s’agit d’un soutien ouvert au gouvernement apporté par la direction FSU.

Quel contraste avec la position de l’UGTG et du LKP en Guadeloupe, qui ont décidé de boycotter les Etats –Généraux de l’Outre-Mer, torpillant ainsi cette initiative gouvernementale.

Elie Domota dans un discours du 21 avril expliquait, non sans humour, cette position en des termes clairs :
« dès que l’Etat français sonne la petite cloche et dit "à table !", ils courent s’asseoir. (…) Mais camarades, lorsqu’on ne mange pas telle chose ou telle chose, et lorsqu’en plus on ne s’entend pas avec celui qui organise le repas... Même s’il venait à vous y inviter, qu’iriez vous diable y faire ?! Qu’allez vous diable y chercher ?! Vous ne mangez pas de la ratatouille, vous ne savez pas cuisiner la ratatouille, vous n’appréciez pas la cuisine de votre hôte, mais vous iriez quand même en manger, de cette ratatouille ?! »
Le rata gouvernemental, en métropole, les appareils bureaucratiques des syndicats en ont plein la bouche. Pour quelle raison ? Ce sont des défenseurs acharnés du mode de production capitaliste.


 « À part quelques extrémistes qui défendent un autre modèle de société,
tout le monde s'est comporté de façon responsable.
» (Fillon)


Dans Le Figaro du 14 mai, Fillon salue une nouvelle fois ce sens de la responsabilité, « extrême » disait-il à une autre occasion, des dirigeants syndicaux. Et il ajoute cette petite phrase citée ci-dessus qui se traduit par « ils ne défendent pas un autre modèle de société ». « Pas » ou plutôt « plus » s’il s’agit toutefois des références formelles des directions syndicales. Mais c’est bien la question-clé. Installés depuis des décennies dans la société bourgeoise, y défendant leur place contre-révolutionnaire en échange de prébendes, les appareils syndicaux, sociaux-démocrates, ou issus du stalinisme, ont accepté et intégré le capitalisme qui les récompense, les nourrit, depuis fort longtemps.

Si la crise actuelle marque un tournant politique d’ampleur (et ce numéro de CPS publie le texte que la deuxième conférence du Groupe a adopté), ce tournant se traduit notamment en ce que les liens de subordination des appareils à la société bourgeoise se tendent et se resserrent.

Le « syndicalisme responsable » est un pseudonyme du syndicalisme de défense du capitalisme. Où mène-t-il ? Ce qui se passe dans l’automobile aux Etats-Unis doit permettre à tous les travailleurs et aux jeunes qui y sont confrontés en Europe de le mesurer.

En effet, à Chrysler d’abord, puis à General Motors (GM), la bureaucratie du syndicat de l’automobile (UAW) a accepté des capitulations absolument inouïes.
D’abord, à Chrysler elle a renoncé publiquement à l’usage du droit de grève jusqu’en 2015, ainsi que des baisses de salaires. Les patrons de Fiat, futur acheteur semble-t-il de Chrysler, se lèchent les babines d’un tel point d’appui qui leur est offert contre leurs ouvriers italiens. Mais encore, à Chrysler, tout comme à GM, le syndicat devient en tant que tel l’un des premiers actionnaires de l’entreprise (un tiers des actions à GM). Avec quoi achètent-ils ces actions (qui ne valent que le prix du papier et de l’encre, s’agissant d’entreprises en faillite) ?  Avec l’argent des fonds qui gèrent les assurance-maladie et assurance-retraite des salariés de ces entreprises ! L’amère ironie de l’histoire veut que ces fonds, gérés par les dirigeants syndicaux, aient été constitués très récemment pour délivrer les propriétaires de Chrysler ou GM de cette « charge financière » insupportable pour eux. C’était un succès pour le patronat. Voilà maintenant que l’argent des retraites et de la santé des travailleurs retourne, à l’initiative des bureaucrates syndicaux, dans les poches percées de ces entreprises qui auront volé avant leur disparition jusqu’au dernier cent dans la poche des travailleurs grâce à leurs complices de la direction de l’UAW. Dans le même temps, la situation de ces entreprises en faillite montre aussi l’échec total du régime capitaliste fondé sur la propriété privée des moyens de production, quand deux des plus grands groupes américains, GM et Chrysler, passent de facto sous le contrôle de l’Etat et des syndicats.

Voilà donc à quoi mènent toutes les capitulations des appareils syndicaux. Plus de grève, le syndicat/actionnaire, syndicat/patron qui finance avec l’argent des travailleurs les plans de restructurations drastiques de ces immenses entreprises. C’est le véritable visage, et le vrai programme, du « syndicalisme responsable » !

Serait-ce un particularisme américain ? Non. En Allemagne, les bureaucraties syndicales (par la bouche de Wetzel, numéro 2 d’IG Metall) envisagent d’entrer massivement au capital des entreprises en échange de baisses de salaire. En Espagne, les Commissions Ouvrières lancent un appel au gouvernement pour un « pacte de législature». Et nous avons mentionné plus haut que le « pacte social » était l’axe des euro-manifestations organisées par la CES en Europe les 16 et 17 mai.
A la base de ce « syndicalisme responsable » il y a donc la soumission aux exigences du mode de production capitaliste en crise, l’acceptation que le profit soit le moteur de l’économie, donc de la pérennité de l’exploitation et la concurrence mortifères.
Assurer le droit au travail pour tous est possible : il faut pour cela diminuer massivement le temps de travail, sans baisse de salaire ni flexibilité.

Face à la crise, il n’est d’autre issue qu’en rompant avec les exigences du capitalisme, qu’en organisant la production, non plus en fonction de la recherche du profit, sous le fouet de la concurrence, avec les gâchis et destructions colossales que cela entraîne, mais en fonction des besoins des plus larges masses en matière de logement, de santé, de transports, d’éducation, d’accès la culture, etc.
Pour ce faire, un plan de production, élaboré démocratiquement sous le contrôle des travailleurs, doit être mis sur pied et réalisé. Telle est, sans attendre, la responsabilité des directions syndicales.
Mais comment serait-ce possible sans utiliser le système de crédit comme levier d’un tel plan – donc exproprier les banques sans aucune indemnité, sans dénoncer la dette publique ? Comment serait-ce possible si les industries et services décisifs restent entre les mains des rapaces des groupes capitalistes ? L’expropriation de ces industries, leur placement sous contrôle ouvrier, voilà où mène l’exigence légitime, la plus sérieuse de toutes, du droit au travail, à une existence digne.

Autrement dit, les mesures à prendre pour sauver le prolétariat de la catastrophe capitaliste existent, mais elles nécessitent pour être prises de rompre avec la loi capitaliste du profit, et donc de porter au pouvoir un gouvernement ne répondant pas aux ordres de la bourgeoisie, donc chasser le gouvernement Sarozy-Fillon, pour un gouvernement dont l’existence ne peut être posée aujourd’hui que sous la forme du gouvernement issu du front unique des organisations (partis, syndicats) issus du mouvement ouvrier.

Ainsi, défense des travailleurs face à la crise capitaliste, combat pour chasser le gouvernement au moyen du front unique des organisations du mouvement ouvrier, gouvernement émanant de ce front unique, tout est lié.

Cette perspective est la seule alternative à la poursuite de la politique du gouvernement Sarkozy-Fillon, et elle ne peut que prendre davantage de vigueur alors que la crise du capitalisme s’aggrave sans cesse.


La crise du capitalisme s’approfondit…


Au fur et à mesure que sont tombés les chiffres réels de croissance économique, ou de production industrielle pour le premier semestre, s’évanouissaient comme des chimères les pronostics, disons modérément pessimistes qui avaient tenu lieu jusque-là de « prévisions » pour les gouvernements capitalistes. Dans certains pays, comme le Japon ou l’Allemagne, le choc est d’une brutalité sans précédent (en rythme annuel, le PIB diminuerait … d’un septième, la production industrielle japonaise a déjà diminué d’un tiers depuis l’éclatement de la crise, d’un cinquième en Allemagne ou en Espagne !). Etats-Unis, Japon, Allemagne, premières économies du monde, sont violemment touchées. La Chine, suspendue au-dessus du gouffre de la crise par un plan de relance colossal, retient son souffle. Le commerce mondial a nettement diminué au premier trimestre.

Conjoncturellement, on ne peut exclure, comme l’annoncent nombre d’économistes, que dans les mois à venir se produise une relative accalmie dans la tempête économique. Certaines conditions pourraient s’en réunir : dévalorisation massive du Capital, liquidation des stocks, baisse de la valeur de la force de travail – notamment grâce au chômage, dont l’augmentation massive, de tous les chiffres économiques publiés, est le seul favorable aux capitalistes.
Mais même si un palier dans la crise était ainsi atteint, il ne serait pas selon toute vraisemblance un tremplin vers un impossible rétablissement. Le mal est trop profond. Ainsi le regain des marchés financiers ne doit pas faire illusion : il est directement le produit des quantités ahurissantes de « liquidités » injectées dans l’économie par les Etats bourgeois et des taux d’intérêts réels négatifs dont bénéficient les banques, qui sont les premières à jeter ces sommes sur les marchés financiers.

Mais précisément ces moyens exceptionnels déployés par les Etats bourgeois pour freiner la chute de l’économie mondiale ou prévenir, non sans succès partiels, de nouvelles faillites, ont un coût terrible. En particulier, la montée en flèche de l’endettement, des déficits budgétaires, dans tous les pays dominants, l’émission sans limite de titres de dette publique comme monnaie d’échange aux dettes des capitalistes.
Tout cela va faire peser l’endettement général – reflet du pourrissement en profondeur de l’économie capitaliste – comme un véritable étouffoir sur l’économie mondiale. Certes, cette situation est pour les capitalistes un appel pressant à faire payer ces nouveaux déficits et ces dettes aux prolétaires, et notamment en détruisant plus avant les secteurs publics, en baissant les salaires des fonctionnaires, réduisant leur nombre, etc.
Mais aussi loin qu’ils puissent aller dans cette voie, l’accroissement de leurs déficits est tel qu’il les prive de fait de la possibilité de tirer encore plus d’eau, même croupie, de ce puits. L’attestent les échecs successifs des gouvernements allemand et britannique à placer leurs titres de la dette sur les marchés.
Autrement dit, les conditions d’une profonde et durable stagnation économique, au-delà des aléas conjoncturels, sont réunies. Et quel est l’autre terme de l’alternative ? C’est  l’effondrement plus brutal encore, celui par exemple de tel ou tel Etat incapable de faire face à ses échéances financières (krach obligataire), celui aussi de telle ou telle banque, qu’elle soit en Espagne où les défauts de paiement battent des records, en Autriche, pays le plus engagé dans les économies d’Europe orientale en pleine débâcle ou … en France, en Grande-Bretagne et en Amérique. Contentons-nous de noter qu’aux Etats-Unis, les banques ont changé les règles du « stress test » qu’elles ont subi (test pour vérifier leur solidité en cas de gros pépin), car les premiers résultats étaient trop catastrophiques pour être publiés.
Enfin, aux risques de krach obligataire il faut ajouter ceux, maintenus, de krach monétaire. Les taux d’intérêts inférieurs à zéro et la monétisation de la dette américaine (c’est-à-dire l’émission de dollars par la banque centrale pour racheter ses propres titres de dette) sont lourds de risques d’un krach du dollar. Cette crise du capitalisme n’en est qu’à ses débuts.


… et met à nu le mythe de « l’Union Européenne »


Puisque ce numéro sort au moment des élections européennes, relevons que la crise du capitalisme agit aussi comme dissolvant sur les couches de propagande déversées par les gouvernements capitalistes en Europe pour présenter la « construction européenne » comme une marche vers « l’Europe Unie ». Le fait est peu souligné, mais pourtant il est éclatant : aucune des règles des traités européens ne s’applique plus. Les « critères de convergence » liés au passage à la monnaie unique ont été rangés dans un placard perdu à Bruxelles. Oubliés, les pourcentages fixes en matière de déficits budgétaires ou d’endettement. La « discipline budgétaire », ce sera pour une autre fois, ou, pour le dire autrement, ce terme n’a de sens que lorsqu’il s’agit de l’opposer aux revendications des masses. Les « plans de relance » du capitalisme ont quant à eux été des plans strictement nationaux (cf. le rapport international publié dans ce numéro).

Alors, nous dira-t-on peut-être, nombre de pays voient aujourd’hui l’euro comme un havre par temps de tempête financière. C’est d’abord inexact en ce sens que les pays baltes, par exemple, dont la monnaie est arrimée à l’euro, en font les frais (la hausse de son cours leur est difficilement soutenable). Mais surtout, ce n’est qu’une question de temps avant qu’un pays membre de la monnaie commune ne décide, pour financer ses propres déficits, de faire tourner la planche à billets. Et remettre l’existence de l’euro, ou sa configuration actuelle, en cause, avec des conséquences d’ailleurs potentiellement cataclysmiques – mais qui ne le seraient qu’en tant que sous-produit du cataclysme fondamental qu’est la crise de l’économie capitaliste elle-même. Il n’est pas inintéressant de voir un Christian Saint-Etienne, économiste respectable proche de Bayrou, prédire « l’implosion de l’euro », et faire savoir que les industriels allemands exigeraient ces derniers temps d’être payés exclusivement en billets imprimés en Allemagne (identifiables par leur numéro de série).
L’impérialisme allemand a marqué les limites en refusant la proposition italienne d’un emprunt commun : dans ce domaine aussi, c’est « chacun pour soi ». Enfin, il faut rappeler que le traité de Lisbonne, remplaçant supposé de la défunte « constitution européenne », est pour le moment à l’arrêt.

La question de la reprise d’Opel est tout à fait significative. Le gouvernement allemand a tout fait pour écarter l’offre de Fiat, membre fondateur de l’UE, au profit d’un conglomérat canado-russe ! Et au passage, comme tous les « repreneurs » annoncent une dizaine de milliers de suppressions d’emploi, le gouvernement Merkel négocie… la fermeture de l’usine belge d’Anvers ! Tout est dit quant au caractère fraternel et chaleureux des liens qui unissent les principales puissances d’Europe. Ils ne sont en fait unis que lorsqu’il s’agit d’arrêter en commun des priorités, des directives, pour mener l’offensive contre leurs propres prolétariats, leur jeunesse. Voilà ce qu’est l’Union Européenne : un cadre de collaboration conflictuelle entre les principaux pays d’Europe, cadre où l’influence prépondérante est celle de l’impérialisme allemand.

Mais force est de constater que dans ces élections, pas une des quatre listes présentées par les partis ou organisations émanant du mouvement ouvrier (PS, PCF/PG, NPA et LO) ne remet en cause ce cadre. Aucune, a fortiori, ne se prononce pour la seule unification possible de l’Europe : les Etats-Unis Socialistes d’Europe, ce qui passe naturellement par le combat pour le pouvoir, pour des gouvernements s’engageant sur cette voie dans chacun des pays d’Europe.

Quand, par exemple, le NPA se prononce pour l’entrée de la Turquie dans l’UE, quelle que soit la pseudo noblesse des motifs affichés, il défend de facto la légitimité de cette « Union Européenne ». Il faut dire qu’avec un candidat comme Raoul-Marc Jennar en tête de liste dans le Sud-est il lui serait difficile de faire autrement : ce personnage vit en effet depuis des décennies aux crochets des différentes institutions et gouvernements de la planète, et notamment pendant des années des subsides de l’Union Européenne (aujourd’hui il est appointé parle gouvernement cambodgien et l’Onu). Mais l’avoir promu tête de liste éclaire bien le sens de la dissolution de la LCR dans le NPA, et confirme l’article que nous avions écrit à cette occasion dans CPS n°35.

Les travailleurs, la jeunesse, mesurent sans aucun doute mieux du fait de la crise que le pouvoir n’est pas à Bruxelles, et encore moins au parlement croupion de Strasbourg, mais dans chacun des pays. L’enjeu déjà traditionnellement faible de ces élections en est encore estompé.

Pour autant, comme l’écrit la déclaration du Groupe en date du 16 mai,
« Moins les partis bourgeois (UMP, Modem, FN) auront de voix, plus les partis et organisations issus du mouvement ouvrier auront de suffrages, et plus cela sera un encouragement pour les prolétaires à lutter sur leur propre terrain avec leurs propres méthodes. C’est donc le vote pour ces listes, chacun selon sa préférence, que préconise notre Groupe. »


Dans le combat pour le front uni (syndicats, partis) contre Sarkozy,
le combat pour briser la politique de « dialogue social », de concertation :
s’organiser, se regrouper au compte de la construction du Parti ouvrier révolutionnaire


A l’approche de la date des élections européennes, un trait majeur émerge de la « campagne » : quels que soient les thèmes choisis par les partis issus du mouvement ouvrier, un nom est tu, celui de Sarkozy. Significativement, il aura suffit d’une brise froide soufflée dans les medias pour que le PS fasse presque disparaître sa propre affiche « stop à Barroso-Sarkozy » au profit de la promotion d’une « Europe de gauche » dont il omet de dire si l’Espagne de Zapatero et ses huit mille chômeurs de plus par jour devrait être le modèle… Ainsi va le PS, Martine Aubry allant répétant « qu’elle ne veut pas être la première opposante, mais la première proposante », prêtant ainsi le flanc à une nouvelle offensive dont le Modem est l’instrument.
Non seulement Sarkozy et son gouvernement sont épargnés, sauf pour la galerie par un autocollant, non pas du « Front de Gauche » mais du seul Parti de Gauche, mais encore la perspective d’un front uni des partis et syndicats du mouvement ouvrier pour le combattre, le vaincre est totalement absente de ces élections. Ainsi le NPA a-t-il refusé l’accord avec le PCF et le PG, non pas pour raisons de divergences fondamentales, à l’en croire, mais au nom du refus de toute forme d’alliance avec le PS … aux régionales de 2010.

Mais qu’est-ce que cette politique sinon la déclinaison, chacun à sa place, du cadre donné par les déclarations unitaires successives que ces mêmes partis (LO de manière non-systématique) ont faites pour affirmer leur soutien à l’intersyndicale ? A nouveau, le 25 avril, une énième déclaration signée notamment du PS, du PCF, PG et NPA, reproche au gouvernement : « il refuse d'entendre les exigences sociales qui se sont exprimées, entre autres, au travers de la plate-forme intersyndicale du 5 janvier ». Conclusion de ce texte ? « Elles seront aux côtés des salarié-e-s, de tous les travailleurs, de toute la population pour amplifier la mobilisation populaire afin d’obtenir les changements de cap politiques nécessaires. » Les « changements de cap » du gouvernement, voilà le refrain commun à tous les appareils traîtres, politiques ou syndicaux, du mouvement ouvrier, voilà l’axe de l’intersyndicale, et ces paroles se traduisent pour tous ainsi : que Sarkozy et sa bande restent au pouvoir.

Voilà pourquoi il faut redire en conclusion de cet éditorial : rien n’est plus impérieux que de déchirer la camisole de force de « l’intersyndicale », du dialogue social avec le gouvernement, et cela en partant des revendications réelles, des besoins impérieux du prolétariat et de la jeunesse, l’arrêt des licenciements, des suppressions de postes, le retrait et l’abrogation des « réformes » Sarkozy, le rattrapage du pouvoir d’achat perdu depuis 2000. Satisfaire ces revendications pose la question du gouvernement et amène à la seule réponse possible au moment présent : celle d’un gouvernement issu du front uni des organisations syndicales et politiques sur les dites revendications, d’un gouvernement issu du nécessaire front uni contre le gouvernement Sarkozy-Fillon. D’un tel gouvernement, les travailleurs et la jeunesse exigeraient qu’il mène une politique conforme à leurs besoins vitaux, qui est développée plus haut dans cet éditorial.

Les conditions politiques sont changées par la crise du capitalisme. Elles n’en sont pas moins difficiles. Mais la volonté de la classe ouvrière et de tout le prolétariat de ne pas être victimes de la crise (et de la politique des appareils) doit prévaloir. Des opportunités peuvent se créer vu l’ampleur de la politique réactionnaire que les appareils contre-révolutionnaires des syndicats veulent prendre en charge. Des fissures, comme celles qu’annonce Caterpillar, apparaîtront, et pourront avec une orientation adéquate être élargies pour battre en brèche la politique des appareils. S’y développeront forcément des formes autonomes d’organisation de la classe ouvrière. C’est dans ce mouvement, armé de l’orientation définie dans ce bulletin, qu’il est possible et nécessaire d’intervenir, pour y regrouper les militants qui cherchent à s’émanciper de la tutelle des vieux appareils, à les combattre, et qui doivent s’organiser pour cela, se rassembler sur le terrain de la construction du parti ouvrier révolutionnaire combattant pour le socialisme.

Le 30 mai 2009

 

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