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article paru dans Cps n°31 de janvier 2008

Contre-réforme de l’université :
le gouvernement Sarkozy-Fillon impose sa loi

 

L’enjeu


Combattre Pour le Socialisme nouvelle série n° 30 de septembre 2007 rappelait les objectifs poursuivis par la bourgeoisie avec la loi Pécresse :
« il s’agit avant tout pour ce gouvernement de réussir là où tous les gouvernements de la Ve République ont échoué : domestiquer la jeunesse étudiante, lui faire accepter les exigences du capital en renonçant à ses s’aspirations à la culture, au savoir et à l’indépendance et lui faire accepter les normes de l’exploitation capitaliste. Il s’agit pour ce gouvernement d’effacer les défaites politiques que la jeunesse étudiante et lycéenne a fait subir à la bourgeoisie en imposant en décembre 1986, au gouvernement Chirac, le retrait du projet de loi Devaquet, en 1994, au gouvernement Balladur, dont Sarkozy était le porte-parole, l’abrogation du décret instaurant les CIP, en avril 2006, au gouvernement Chirac-Villepin, le retrait du CPE.
(…)
 L’examen du contenu de la loi montre qu’il ne s’agit pas d’une réforme d’ajustement de plus telle que l’enseignement supérieur en a connu depuis plusieurs décennies. C’est en réalité une loi qui organise un bouleversement de fond en comble de l’enseignement supérieur public, à vrai dire sa liquidation.
 S’appuyant sur les dispositions des contre-réformes qui ont précédé, en particulier les lois Faure de 1968 et Savary de 1984, la nouvelle loi établit la norme qui doit être celle qui régira le fonctionnement de l’université, tel que le définissait Fillon le 27 mai 2007, avec des établissements universitaires « qui pourront s’organiser comme ils l’entendent, recruter leurs enseignants comme ils l’entendent, créer les enseignements qu’ils veulent, mettre en place les accords avec les organismes de recherche, avec les grandes écoles,, avec les entreprises sans avoir besoin de demander l’autorisation de la tutelle ». 
» (CPS nouvelle série n° 30 du 29/09/2007).

Durant tout le mois de novembre, des dizaines de milliers d’étudiants ont engagé le combat pour l’abrogation de la loi Pécresse. Ce combat a échoué. Au sein même de l’université, il est resté isolé alors même que l’ensemble des personnels enseignants et biatos était directement concerné.  En effet, l’application de la loi Pécresse, loi de privatisation de l’université, implique pour eux la remise en cause de leurs statuts collectifs, l’individualisation des rémunérations et des horaires de service.

La volonté des étudiants d’affronter le gouvernement Sarkozy Fillon pour l’abrogation de la loi Pécresse n’a fait aucun doute. En premier lieu, si le mouvement a échoué, c’est que, faute de perspective réelle pour orienter la lutte, il a été conduit dans une impasse. La responsabilité de l’échec du combat des étudiants incombe aux dirigeants de l’UNEF, de la coordination nationale étudiante et aux dirigeants des syndicats des personnels de l’université, au premier chef le SNESUP.


Un mouvement s’est engagé


La dernière semaine d’octobre, la volonté des étudiants d’engager le combat pour la loi Pécresse s’est manifestée. Des premières assemblées d’étudiants plus ou moins massives se sont tenues dans plusieurs universités. Les 27 et 28 octobre 2007, à l’initiative du collectif contre l'autonomie des universités (CCAU), s’est tenue une première « coordination nationale » à Toulouse, où étaient présents, selon les organisateurs « 36 délégués de 21 universités ». L’orientation de cette première coordination s’est résumée à un appel à amplifier la lutte, sans autre perspective que celle de la grève et de la participation à différentes « journées d’action » : «Nous appelons les universités à construire la grève avec piquets de grève dès que possible, comme seul moyen pour gagner et à bloquer les CA pour empêcher l'application de la loi. Nous appelons aux manifestations des 30octobre, 8 et 20 novembre, et à toutes autres initiatives lancées par les salariés ». Dans les jours qui ont suivi, la mobilisation s’est développée. Le 7 novembre 2007, Le Monde constatait : « Jusqu'à présent, l'UNEF s'était démarquée des positions du "collectif contre l'autonomie des universités" (CCAU), composé d'organisations d'extrême gauche, qui a lancé la contestation il y a quinze jours sur le mot d'ordre de l'abrogation de la loi. "On ne veut pas faire une mobilisation exclusivement sur ce motif, car c'est un objectif qui ne nous semble pas atteignable", argumente Bruno Julliard. "Mais même si nous pouvons avoir des divergences avec les assemblées générales sur cette question de l'abrogation, nous n'en faisons pas un point de rupture", poursuit-il. L'UNEF, principal partenaire du gouvernement lors des discussions de la loi sur l'autonomie, se trouve dans une position un peu délicate. Désireuse de ne pas perdre la main sur le mouvement, elle ne devrait pas pour autant se joindre aux manifestations organisées jeudi 8 novembre par le collectif CCAU. » (Le Monde du 7/11/2007).


Dans un communiqué du 8 novembre 2007, L’UNEF reconnaissait
« La grogne (sic !) étudiante s’est encore amplifiée aujourd’hui : 2000 étudiants se sont réunis en Assemblée Générale à Pau, 1500 à Toulouse 2, 1000 à Montpellier 3 et à Nanterre, 800 à Caen, 700 à Nancy 2, 650 à Grenoble, 600 à Metz, 500 à Lyon 2 et à Brest, 400 à Nîmes et à Paris 6, 200 à Besançon et Marne-La-Vallée 170 à Versailles Saint-Quentin, 150 à Strasbourg, Toulouse 1 et Evry…Les premières avancées obtenues par la mobilisation démontrent que l’action collective porte ses fruits. L’UNEF appelle les étudiants à continuer à amplifier leur mobilisation pour converger avec les fonctionnaires le 20 novembre dans la rue ».
Tout en maintenant leur position de refus de combattre pour l’abrogation de la loi Pécresse, les dirigeants de l’UNEF ne pouvaient faire autrement qu’accompagner le mouvement qui s’engageait.

Le gouvernement a rapidement réagi. Dés le 6 novembre, la police et les CRS intervenaient brutalement pour évacuer certaines facultés occupées par une minorité d’étudiants (le 6/11 à la Sorbonne, le 8/11 à Nantes et à Tolbiac par exemples). Dans les jours qui ont suivis les interventions policières se sont multipliées dans les facultés. Dans le même temps, le gouvernement ne s’est pas privé de rappeler à tout moment que c’est en s’appuyant sur la « concertation » avec la participation des dirigeants de l’UNEF que la loi Pécresse a été adoptée pendant l’été et a commencé à être mise en application. Ainsi Fillon déclarait au Journal du Dimanche du 11 novembre  « Je ne fais pas de procès d'intention aux étudiants qui manifestent mais je rappelle seulement que la loi sur l'autonomie des universités a été votée en juillet, dans un climat assez consensuel, avec le soutien des présidents d'université. Et après négociation avec les organisations étudiantes, dont l'UNEF. Soixante universités sur 85 ont décidé de rentrer dans le processus d'autonomie [par décision de leur conseil d’administration auxquels participent les dirigeants de l’UNEF, mais aussi  ceux de la FSE et de SUD étudiants - ndlr].


Les étudiants sont restés sans perspective


Les 10 et 11 novembre s’est tenue une nouvelle coordination à Rennes. L’appel adopté par cette coordination indique : « Plus de 50 assemblées générales ont eu lieu cette semaine, réunissant des dizaines de milliers d’étudiants. Plus de 25 universités sont en grève, dont plus de 15 ont voté massivement le blocage et l’arrêt total des cours. La mobilisation des étudiants s’annonce donc massive. Des assemblées générales sont prévues cette semaine dans presque toutes les universités ». Incontestablement, le mouvement tendait à s’étendre.

Mais elle appelait « à une journée nationale d’action de blocage des gares le mardi 13 novembre. Nous appelons à manifester aux côtés des cheminots le 14 ou le 15 novembre selon les villes. Nous appelons à manifester massivement le 20 novembre avec la fonction publique ». (…) « La coordination ne reconnaît pas et condamne toute négociation de syndicat ou organisation avec le gouvernement car l’objectif est la mise en place d’un rapport force, le seul moyen de satisfaire nos revendications ».
Force est de le constater : l’orientation de la coordination tournait le dos au combat pour imposer à l’UNEF de rompre les négociations avec le gouvernement et de se  prononcer pour l’abrogation de la loi Pécresse (alors que l’UNEF était largement représentée dans les « délégations » de nombre d’universités). Elle appelait au blocage des universités et qui plus est à l’aventurisme du « blocage des gares ». Aucune perspective concrète de centralisation du mouvement n’était avancée : ni celle de la grève générale des étudiants à l’appel de l’UNEF et celle des personnels de l’université à l’appel de leurs syndicats, ni celle d’une manifestation centrale à Paris au siège du pouvoir.

Les dirigeants de l’UNEF gardaient les coudées franches tandis que le gouvernement, ne se sentant pas menacé, multipliait, le plus souvent à la demande des présidents d’universités, les interventions policières pour « débloquer » les facultés. Par ailleurs, afin de s’opposer au rassemblement ses étudiants, certains présidents d’université décrétaient la fermeture « administrative » de leur établissement. Certains étudiants vont payer cher l’orientation irresponsable du blocage des gares. Une dépêche AFP du 14 novembre 2007 rapporte : «  six étudiantes qui avaient retardé des trains en occupant des voies mardi à Rouen ont été convoquées mercredi pour le 26 février devant le tribunal correctionnel pour répondre "d'entrave à la circulation d'un véhicule de chemin de fer", a-t-on appris auprès du parquet.(..) La proposition de bloquer les voies avait été rejetée mardi par l'assemblée générale des étudiants grévistes de Rouen qui bloquent les facultés de Lettres, de Psycho socio et de Staps ».

Le 15 novembre, les dirigeants de l’UNEF étaient reçus par Pécresse. Ils revendiquaient « des moyens », donc de facto,  des moyens pour … l’application de la loi. Le 16, jour du vote du budget des universités à l’Assemblée nationale, avec l’intersyndicale de l’enseignement supérieur, l’UNEF appelait à une manifestation à Paris qui, selon ses propres estimations, a mobilisé 600 étudiants. Les 17 et 18 novembre une nouvelle coordination s’est tenue à Tours. La conclusion de l’appel de cette coordination nationale est la suivante :
« Nous appelons à amplifier et approfondir la mobilisation par la généralisation des AG et des piquets de grève dans toutes les universités. Nous appelons les lycéen-ne-s à organiser partout des AG, pour préparer la grève à partir du 20. Nous ferons tout pour que la journée de grève du 20, aux côtés des salarié-e-s en lutte, soit un succès. Nous appelons à une journée de grève et de manifestation étudiante et lycéenne le 22. Nous proposons qu’étudiant-e-s et cheminots, salarié-e-s en lutte d’EDF, de GDF et de la RATP s’organisent ensemble le 21 novembre pour populariser leur grève vis-à-vis des usager-e-s et de la population ».

Sur cette orientation, reproduisant celle de la coordination précédente, les dirigeants de l’UNEF gardaient les mains totalement libres. Une dépêche AFP du 18 novembre précisait  « Le principal syndicat étudiant UNEF, qui s'est attiré des critiques pour avoir négocié avec le gouvernement avant le vote de la loi cet été, s'est replacé quant à lui au centre du jeu, en renforçant sa présence dans la coordination: sur les 16 porte-parole désignés ce week-end à Tours, 11 sont issus de l'Unef, contre aucun le week-end dernier lors de la précédente désignation ».

Malgré leur aspiration à engager le combat pour l’abrogation de la loi Pécresse, faute de perspective claire, la grande masse des étudiants ne s’est pas engagée. En témoigne le fait que les manifestations successives convoquées à l’initiative de la coordination ou des appareils syndicaux n’ont mobilisés au plus que quelques dizaines de milliers d’étudiants.

Sans autre perspective que le « blocage des facultés » et la grève université par université, face aux interventions policière dans les universités sans engagement à leur côté des personnels de l’université à l’appel des dirigeants de leurs syndicats pour faire front et face au refus de l’UNEF de rompre avec le gouvernement, les étudiants sont restés désorientés. Leur mouvement n’a pas pu prendre l’ampleur de celui du combat contre le CPE face au gouvernement Chirac-Villepin, lors duquel, il faut le rappeler, l’exigence du retrait de ce projet formulée par les dirigeants de l’UNEF et l’appel par ces derniers à la grève jusqu’au retrait, ainsi que l’appel de la coordination nationale du 11 mars 2006 aux confédérations syndicales pour une manifestation centrale, ont été déterminants (voir CPS n° 24 du 24/03/2006).


La responsabilité des dirigeants de l’UNEF et de la coordination nationale


Les manifestations appelées le 22 novembre par la coordination ont été un échec : au plus 20 000 étudiants dans toute la France. A la veille de la coordination nationale de Tours des 24 et 25 novembre, une dépêche AFP du 23 novembre reprise par Le Monde informe :
« Ce matin, Bruno Julliard avait jugé, dans une déclaration à l'AFP, "un retour à la normale envisageable dans les facs à condition que Valérie Pécresse ouvre des négociations dans les plus brefs délais" et que la ministre offre des "réponses satisfaisantes" aux étudiants. "La balle est désormais dans le camp du gouvernement", avait ajouté le président de l'UNEF. En fin d'après-midi, Mme Pécresse, à son tour, a fait un pas en avant en déclarant sur le site du Parisien être "prête à faire des avancées" sur les dossiers de "la réussite en licence" et sur le logement "dès lors que des gestes d'apaisement seront faits par les étudiants". Soucieuse de ne pas jeter de l'huile sur le feu, l'UNEF, qui avait appelé les étudiants, il y a quelques jours, à se joindre à la mobilisation de jeudi, n'a pas commenté le bilan mitigé de cette journée de mobilisation. (…) ».

De fait entre universités « bloquées », « fermées administrativement », « en lutte » ou encore « perturbées », le mouvement des étudiants était dans le confusion la plus totale, sans direction et sans orientation. Du pain béni pour les dirigeants de l’UNEF qui ont pu maintenir sans interruption les « négociations » avec le gouvernement. A tout moment, le gouvernement s’en est prévalu… tout en continuant, selon une stratégie habilement ajustée, à faire intervenir les « forces de l’ordre » dans les universités. Lors de la coordination de Lille, ses dirigeants ont offert sur un plateau le prétexte pour que les dirigeants de l’UNEF s’en désengagent. Une dépêche AFP du 25 novembre rapporte :
« Une semaine décisive s'ouvre lundi sur le front de la contestation étudiante de la loi sur l'autonomie des universités, avec deux nouvelles journées d'action, à l'issue d'un week-end qui a mis en lumière les divisions entre étudiants opposés et favorables à une négociation. Une coordination nationale étudiante réunissant des délégués de 67 universités et IUT à Lille, à partir de samedi - la quatrième du genre organisée en un mois - devait en principe s'accorder dimanche sur le contenu de leurs revendications. Mais à peine quelques heures après son ouverture, elle n'a pu éviter le départ de délégués de l'Unef, principal syndicat étudiant, en raison des tensions qui y régnaient. Selon une porte-parole de l'Unef, une cinquantaine d'étudiants sur les 150 délégués présents ont refusé de siéger au sein de la coordination, plusieurs militants de ce syndicat ayant été exclus d'entrée de l'assemblée, samedi.(..).
La coordination a en outre demandé au bureau de l'Unef "de prendre clairement position pour l'abrogation de la loi Pécresse et cesser toute négociation jusqu'au retrait de cette loi". Elle a enfin appelé à une mobilisation le 27 novembre, à "une manifestation nationale étudiants/lycéens" le 29, à "une journée de solidarité nationale avec les sans-papiers le 3 décembre" et à une "journée de mobilisation interprofessionnelle le 4 décembre". Dimanche après-midi, la coordination avait toutefois demandé aux délégués de l'Unef de "réintégrer" l'AG. "C'est un peu tard d'appeler à l'unité une fois que l'organisation de la coordination a refusé de nombreux mandatés de l'Unef et les a fait passer par une salle où il y avait marqué sur un tableau noir « bienvenue au goulag", a réagi une porte-parole de l'Unef, pour qui la coordination réunie à Lille n'est plus légitime. "Nous appelons les assemblées générales à continuer à se réunir et à organiser elles-mêmes leur mouvement", a-t-elle ajouté ».

Dans la foulée, après une « consultation »  de ses adhérents, l’UNEF appelait ouvertement à la fin des grèves. Le 25 novembre au soir, Pécresse pouvait se féliciter :
«  la ministre de l'Enseignement supérieur recevra l'Unef et les quatre autres organisations étudiantes représentatives "la semaine prochaine", probablement "mardi", a-t-on appris dimanche soir dans son entourage. Interrogé par l'AFP, Bruno Julliard, le président de l'Unef, a déclaré qu'il se rendrait à ce rendez-vous. Invité dans le cadre du mouvement étudiant contre la loi Pécresse sur l'autonomie des universités, qui entrera lundi dans sa quatrième semaine, l'Unef, syndicat leader de la mobilisation anti-CPE et seul engagé dans la contestation actuelle, a quitté la coordination nationale étudiante samedi. "La position de l'Unef de ne pas joindre sa voix à celle de la coordination est un signe qui va dans le sens de l'apaisement", a précisé l'entourage de Mme Pécresse dimanche à l'AFP.».

Dans un communiqué du 29/11/2007, ses dirigeants déclaraient : 
« L’UNEF se félicite de la participation de 56,49% de ses adhérents au scrutin qu’elle a organisé pour définir la suite à donner à la mobilisation.A la question « Au vu des avancées obtenues par la mobilisation, l’UNEF doit-elle se prononcer, dans les AG et publiquement, pour la suspension de la grève et des blocages ? », les adhérents de l’UNEF ont répondu : 72,39% se sont prononcés pour la suspension- ; 20,53% se sont prononcés contre la suspension ; 7,08% se sont abstenus. En raison des avancées obtenues par les étudiants, l’UNEF appelle donc à la levée des blocages et à la suspension de la grève sous sa forme actuelle.(…) Le rapport de force étudiant doit être préservé et se poursuivre sous d’autres formes, afin notamment d’obtenir des garanties des universités sur la démocratie ou sur les recrutements de personnels contractuels .L’UNEF met en garde les étudiants contre les risques de radicalisation et de pourrissement de la mobilisation et rappelle que la préservation des capacités de mobilisation des étudiants à l’avenir est une priorité.».

A la manière de Thibault, secrétaire général de la CGT face aux grévistes de la SNCF et de la RATP, Julliard appelait donc à la cessation du mouvement. Il faut préciser que l’un des principaux « acquis » de la lutte des étudiants et de l’UNEF justifiant, selon Julliard l’appel à l’arrêt du mouvement, a été la réforme des licences « accordée » par Pécresse. Or cette réforme, avec quelques millions d’euros à la clef mis sur la table par le gouvernement, n’est que purement et simplement l’application des orientations contenues dans le rapport Hetzel : institution d’une première année polyvalente ; généralisation des stages en entreprises obligatoires pour toutes les licences.


Par la suite inexorablement, le mouvement s’est délité. Peu à peu le nombre de « facs en lutte » s’est réduit. Les autres coordinations, convoquées successivement à Nantes les 1er et 2 décembre, puis à Nice les 8 et 9 et enfin à Toulouse les 15 et 16, se sont peu à peu réduite quant à la présence du nombre d’universités « représentées ». En réalité, les péripéties de la coordination de Lille ont sonné le glas du mouvement étudiant. Les dirigeants de l’UNEF et ceux de la coordination en portent l’entière responsabilité.


La responsabilité des dirigeants du SNESup et des syndicats des personnels de l’université


Les dirigeants de l’UNEF se sont toujours situés sur une orientation de négociation d’application de la loi Pécresse en continuité avec le fait qu’ils ont accepté de participer à son élaboration (voir à ce propos CPS n° 30 de septembre 2007). Le refus des dirigeants de la coordination étudiante d’engager le combat pour contraindre les dirigeants de l’UNEF à rompre avec le gouvernement et à  s’engager pour l’abrogation de la loi Pécresse n’a été que le pâle revers de l’orientation des dirigeants de l’UNEF. Ils se sont situés sur le terrain des grèves, du « gauchissement » des journées d’action des appareils syndicaux et  du « blocage » des universités dans le lequel ne se sont engagés, à leurs risques et périls, qu’une minorité d’étudiants. Ils se sont refusés à ouvrir la perspective de l’organisation de la grève générale des étudiants et des personnels et à l’organisation d’une manifestation centrale à Paris, au siège du pouvoir (la succession des coordinations en province est plus que symbolique : elle illustre d’une certaine manière le refus de centraliser le combat contre la gouvernement, à Paris !). 

Mais il faut ajouter que la responsabilité des dirigeants du SNESup et des multiples syndicats des  personnels de l’enseignement supérieurs (membres de la FSU, de l’UNSA, de la CGT, de FO) est aussi très importante.
Comme les dirigeants de l’UNEF, ils se sont situés sur le terrain de la négociation des conditions d’application de la loi, au mieux de son report, et d’une renégociation d’ensemble d’une autre loi d’autonomie. Un communiqué de l’AFP du 14/11/2007 indique . "L'initiative de la ministre de convoquer les présidents d'universités et les seules organisations étudiantes le 15 novembre (...) relève de la provocation", a estimé le syndicat dans un communiqué. Selon eux, le geste est d'autant plus "irresponsable" que le Snesup-FSU a déposé un préavis de grève "du 16 au 23 novembre" et que l'intersyndicale du supérieur a appelé à "des rassemblements, manifestations et grèves" vendredi, jour où le budget 2008 de l'Enseignement supérieur doit être adopté à l'université. Le syndicat, qui est favorable à l'abrogation de la loi Pécresse sur l'autonomie des universités, a dénoncé "la volonté du gouvernement de jouer à la fois de la provocation policière et de l'éclatement du front solidaire des opposants à la loi LRU (la loi Pécresse)". Il a demandé "la mise en chantier d'une loi programme, en concertation avec les personnels universitaires et les étudiants, qui permette d'améliorer le service public d'enseignement supérieur".
Cyniquement, ce n’est qu’une fois seulement que le mouvement étudiant déclinait, fin novembre après la coordination de Lille, que les dirigeants du SNESup  prenaient l’initiative suivante:
« Le SNESUP appelle tous les acteurs du supérieur et les démocrates à :
- organiser des temps forts de mobilisation : assemblées générales, « facs ouvertes », grèves, en particulier le 6 décembre, manifestations dans les villes universitaires et manifestation nationale à Paris ; le SNESUP a déposé un préavis de grève pour les 4, 5 et 6 décembre
-  rendre possible, en liaison avec les étudiants de plus en plus engagés (sic !) dans la contestation légitime de la loi, la validation du semestre universitaire;
- amplifier la diffusion d’explications sur la loi LRU et de propositions autour des enjeux scientifiques et sociétaux du supérieur, en participant, en particulier, à toutes les formes d’expression collective ;
- contester dans toutes les instances les logiques inscrites dans la loi LRU. Le SNESUP, qui inscrit ses actions dans l’exigence d’abrogation de la loi LRU, appelle à l’organisation concertée dans toutes les universités d’une véritable consultation démocratique sur l’avenir du supérieur et sur la loi LRU, préalable à un « Grenelle du supérieur et de la recherche
» qui en tirerait toutes les conséquences. (Votée à l’unanimité par la Commission administrative nationale réunie à Paris, le 29 novembre 2007).
De par la responsabilité des dirigeants du SNESup notamment au sein de l’université même, le mouvement des étudiants est resté isolé alors que la loi Pécresse implique pour les personnels une remise en cause totale de leurs statuts et de leurs conditions de travail.
Face aux interventions policières dans les universités, nationalement, la FSU et le SNESUP sont restés en retrait, laissant de fait les mains libres au gouvernement (c’est aussi le cas des dirigeants des confédérations CGT et FO,  des Thibault et Mailly). Ne serait-ce que sur ce plan, leur devoir impérieux face au matraquage de la jeunesse étudiante, étaient, comme l’indiquait le tract supplément en CPS en date du  19/11/2007 de se prononcer clairement sur la ligne :
« Pour l’abrogation de la loi Pécresse, il faut affronter et vaincre le gouvernement Sarkozy Fillon. Une succession de « journées d’action » ne le permettront pas. Pour déjouer toutes les provocations policières et imposer de fait le « blocage » des facultés, une seule voie : que les dirigeants de l’UNEF, la coordination nationale, les dirigeants du SNESup, du SNCS, des organisations syndicales des personnels de  la CGT, la CGT-FO, la FSU, l’UNSA, réalisent le front unique pour exiger 
Abrogation de la loi Pécresse !
Les flics de Sarkozy hors des facs ! Bas les pattes devant les étudiants !
Et qu’ils appellent ensemble à:
La grève générale de l’université

La manifestation centrale et nationale des étudiants et des personnels
à Paris, au siège du pouvoir »


Tirer un premier bilan


Sur cette orientation, il était possible que se développe le mouvement qui s’est engagé fin octobre puis qui a stagné en réalité pendant plusieurs semaines dans la plus grande confusion. Ce qui a manqué aux étudiants et aux personnels des universités, c’est une perspective laissant entrevoir la possibilité d’un combat uni et centralisé, avec les organisations syndicales, pour affronter le gouvernement Sarkozy Fillon. Ainsi pouvait être réalisée politiquement la jonction avec le combat engagé par les travailleurs de la RATP et de la SNCF contre la liquidation de leurs régimes de retraite.

Face à la trahison des dirigeants de l’UNEF, au refus des dirigeants du SNESup d’engager le combat, les forces politiques qui dirigeaient les coordinations ont joué un rôle complémentaire de celui des dirigeants syndicaux. Ceux-ci ont contribué « efficacement » à la désorganisation du mouvement en refusant surtout d’engager le combat pour faire plier les dirigeants de l’UNEF. Face aux interventions policières, à la fermeture « administrative » des sites universitaires, les étudiants se sont sentis isolés.

De nombreux étudiants en ont plus ou moins eu conscience. Bien que votant massivement pour l’abrogation de la loi Pécresse dans des assemblées générales, ils ne se sont pas engagés comme ils l’avaient fait pour imposer au gouvernement Chirac Villepin le retrait du CPE. En témoigne la faible participation aux manifestations. Ils ont de fait rejeté le « blocage » des sites universitaires, encore plus celui des gares ; ils ont compris que les journées d’action décentralisées à répétition étaient inefficace.
Cette conscience des enjeux était réelle. En témoigne la résolution adoptée le 15/11/2007 par l’assemblée générale des étudiants de Clermont-II à l’initiative des militants de notre Groupe : « L’AG de Clermont II s’adresse à la direction nationale de l’UNEF et de l’ensemble des organisations syndicales étudiantes :
- Prononcez-vous pour l’abrogation de la loi sur l’autonomie
- Prononcez vous publiquement contre toute participation des représentants syndicaux étudiants, enseignants et des personnels aux discussions avec le gouvernement  ou dans les CA
- Appelez à la grève générale de l’Université jusqu’à l’abrogation de la LRU- Adressez-vous à la direction du SNESUP et des organisations syndicales des enseignants et personnels pour qu’elles reprennent ces positions ».

Ce qui a manqué aux étudiants, c’est une force politique combattant sur cette orientation. C’est cette force qu’il s’agit de construire. Elle devra intégrer les nouvelles conditions du combat des étudiants à l’université pour faire face aux attaques de la bourgeoisie. Avec la loi Pécresse, la privatisation de l’enseignement supérieur public est engagée.


Le 7/01/2008

 

 

 

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