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Article paru dans CPS ancienne série n°51 de février 1994

 

CONCLUSION DE L'URUGUAY ROUND


Décidé à la conférence du GATT, réunie le 15 septembre 1986 à Punta del Este (Uruguay), un nouveau cycle de "négociations commerciales multilatérales", "l'Uruguay Round", s'est conclu le 15 décembre 1993, positivement - au moins ses négociateurs l'affirment-ils. Clinton, président des États-Unis, s'est exclamé : "C'est une date historique". Les gouvernements de Bonn, de Londres, de Tokyo, la commission de la CEE, affichent une grande satisfaction.


En France, à la suite de l'accord concluant "l'Uruguay Round", le 15 décembre, le gouvernement Balladur a obtenu le vote de confiance (466 voix pour, 90 contre) qu'il sollicitait de la majorité RPR-UDF à l'Assemblée nationale. Apparemment, celle-ci est donc très satisfaite.


 

RELANCE AUX USA APRES LA "DÉPRESSION" DE 1980-82

 

Encore faut-il rappeler pourquoi, comment l'Uruguay Round ? La crise économique récurrente de l'économie capitaliste, qui dure depuis 1975, a connu en 1980-82 une phase aiguë. En 1982, la production mondiale a chuté de 1,8 % et le volume du commerce mondial d'environ 3 %. Le capitalisme américain a été particulièrement touché. En 18 mois, entre juillet 1981 et novembre 1982, le produit intérieur brut des États-Unis a diminué de près de 5 %, la production industrielle de 12 %. L'administration Reagan, entrée en fonction en janvier 1981, a "relancé" alors l'économie capitaliste de la façon la plus classique : en défendant les profits par la baisse des impôts les touchant, en réduisant des "programmes sociaux", en lançant un des plus gigantesques programmes militaires par "temps de paix". La production en a reçu une puissante impulsion. En 1984, le PNB des USA a crû de 6,7 %. Mais si l'on veut avoir une illustration du caractère parasitaire de ce "boum", il suffit de se reporter à ce qu'écrivait le "Bilan économique et social 1984", publié par "Le Monde" :

"Ce sont les services qui ont offert environ les deux tiers des nouveaux emplois. En octobre et en novembre, 40 % des nouveaux postes de travail étaient situés dans le commerce de détail. En dépit des progrès constatés, environ 30% des emplois disparus dans l'industrie manufacturière pendant la récession de 1981-1982 n'ont pas encore été remplacés. La crainte de la désindustrialisation n'est pas disparue aux USA".


 

FINANCEMENT DE LA "RELANCE" AUX USA


Cette "relance" a entraîné une augmentation massive des déficits budgétaires. Ils sont passés de 110,6 milliards de dollars (pour le budget octobre 1981 - septembre 1982) à 195,4 milliards (octobre 1982 - septembre 1983), puis à 185,4 milliards (octobre 1983 - septembre 1984), 212 milliards (1984-1985), et enfin 221 milliards (1985-1986). En conséquence, l'endettement de l'Etat s'est accru à grande vitesse. Le portefeuille de la "F.E.D." (Federal Reserve Board, la banque centrale américaine) en titres de la dette publique est passé de 130,5 milliards de dollars à 221,4 milliards en 1986. Les réserves des autres banques centrales (détenues surtout en bons et obligation du Trésor américain) sont passées de 170 milliards de dollars en 1981 à 211,7 milliards en 1986. Tous les secteurs se sont massivement endettés au cours de ces années : État fédéral, États, autres collectivités territoriales, entreprises, particuliers.

La "relance" financée massivement par l'endettement n'a été possible qu'autant que le capitalisme américain demeurait et demeure la puissance économique et financière dominante dans le monde. Il en résulte que le dollar joue le rôle de principale monnaie internationale. La grande majorité des prix internationaux est libellée en dollars. Et, de ce fait, la F.E.D. apparaît comme une banque d'émission de dimension mondiale. Elle bénéficie largement de cette situation privilégiée et l'économie américaine, le gouvernement américain également. C’est ainsi que les banques centrales étrangères achètent aux banques commerciales de leur pays les avoirs en dollars dont celles-ci disposent, et les placent en bons et obligations du Trésor américain. C'est une formidable source de financement par l'emprunt qu'à partir de 1982 l'administration Reagan a particulièrement utilisée pour impulser la "relance".

Comme aux USA, dans l'ensemble des pays capitalistes dominants, la phase de crise du début des années 1980 a été surmontée au prix d'un développement du parasitisme, de la spéculation financière et boursière, tandis qu'économiquement et financièrement, les pays semi-coloniaux subordonnés aux puissances impérialistes se sont effondrés, sous l'effet, notamment, de leur endettement.

Ces années ont été marquées par le déséquilibre des échanges économiques, et principalement par les énormes déficits des balances du commerce et des paiements courants des États-Unis :


Balances commerciales (soldes en milliards de dollars)

 

 

1982

1983

1984

1985

États-Unis

- 36,5

- 62

- 112,5

- 124,6

Japon

18,1

31,1

44,3

56

Allemagne

26,7

23,3

22,9

28,9

France

- 15,5

- 8,2

- 4,1

- 5,4

Grande-Bretagne

4,2

- 1,1

- 5,8

- 2,7

Italie

- 7,9

- 3,1

- 6,1

-7

 

Balance des opérations courantes ( soldes en milliards de dollars)

 

 

1982

1983

1984

1985

États-Unis

- 9,2

- 41,6

- 106,5

- 117,7

Japon

6,9

20,8

35

49,2

Allemagne

3,6

4,1

22,9

28,9

France

- 12,1

- 4,4

- 0,8

- 0,2

Grande Bretagne

9,1

4,4

2,1

4,6

Italie

- 5,5

0,8

2,9

4,2

 

 


La "relance" de l'économie capitaliste, au prix du développement à grande vitesse du parasitisme (dont l'économie permanente d'armement), a donc entraîné un formidable endettement et aussi la croissance à vive allure du déficit des balance du commerce et des opérations courantes des États-Unis. L'impérialisme américain a conçu l'ouverture et la conclusion de "nouvelles négociations commerciales" comme un moyen pour en finir avec la dégradation de ses échanges et, si possible, pour les rééquilibrer. C'est pourquoi l'Assemblée du GATT du 15 septembre 1984 a, sous sa pression, décidé de l'ouverture de "l'Uruguay Round". Ces "nouvelles négociations commerciales" ont succédé à de nombreux autres "Rounds" que le GATT a organisé depuis 1948, dont le "Dillon Round", le "Kennedy Round", le "Tokyo Round", sans omettre "l'Accord multifibres" (AMF).

Pour les capitalismes dominants, les années 1987, 1988, 1989 ont été des années relativement prospères, mais les déséquilibres des échanges se sont encore accrus. L'évolution des soldes des balances commerciales et de paiements courants en témoigne.


Balances commerciales (soldes en milliards de dollars)

 

 

1987

1988

1989

États-Unis

- 159,5

- 127

- 114,9

Japon

96,4

95

76,9

Allemagne

70,2

79,6

77

France

- 9,2

- 8,5

- 10,1

Italie

- 0,1

- 1,2

- 2

Grande-Bretagne

- 16,6

- 37,5

- 39

 

Balances des opérations courantes (soldes en milliards de dollars)

 

 

1987

1988

1989

États-Unis

- 143,7

- 128,9

- 114,9

Japon

87

79,6

57,2

Allemagne

45,2

50,3

55,4

France

- 4,4

- 3,5

- 3,8

Italie

- 1,5

- 1,2

- 2

Grande-Bretagne

- 4,7

- 26,9

- 31,3

 

 


Les déficits des balances du commerce et des opérations courantes américaines sont devenus abyssaux. Pourtant, au cours de ces années, afin de lutter plus efficacement sur le marché mondial, l'impérialisme américain a fait chuter le dollar par rapport aux autres monnaies. Le 26 février 1985, le dollar s'échangeait contre 10,61 francs, 3,47 marks ou 265 yens. Fin 1989, les cours des changes étaient les suivants, pour un dollar : 5,68 francs, 1,72 mark, 144 yens. L'impérialisme américain avait d'autant plus besoin de "l'Uruguay Round". La "dépression" qui a commencé en 1990 a rendu plus impérieuse encore cette exigence américaine.


 

"L'Uruguay round" et la réforme de la p.a.c.


L'objectif principal de l'impérialisme américain est de réduire autant que possible la Communauté économique européenne à une immense zone de libre échange qui serait ouverte à la pénétration de ses marchandises, de ses services, de ses capitaux. Pour lui, la principale réalisation de la CEE, la politique agricole commune (PAC) devrait être remise en cause et démantelée. Dans l'immédiat, il entend que soient diminuées, puis supprimées, les subventions à l'exportation des produits agricoles de la CEE, lesquelles bénéficient surtout à l'agriculture française et font de celle-ci une rivale, sur le marché mondial, de l'agriculture américaine ; il exige que les frontières de la CEE soient ouvertes aux importations agricoles. C'est sur la question de la PAC que les négociations de "l'Uruguay Round" ont échoué en 1990.

Le 21 mai 1992, le Conseil des ministres de l'agriculture des pays de la CEE a conclu "un accord bouleversant la politique agricole afin de ne plus pousser à la surproduction. Mises en jachère et baisses des prix seront équilibrées par des primes versées aux agriculteurs". "Le Bilan économique et social 1992" publié par "Le Monde" a résumé ainsi :

"Les dépenses communautaires pour soutenir l'agriculture progressaient d'année en année (240 milliards de francs en 1992) sans qu'il soit possible de dégonfler les stocks (25 milliards de tonnes de céréales, 260.000 tonnes de lait, 900.000 tonnes de viande de bovins dorment dans les entrepôts) ou de réduire les subventions à l'exportation, et surtout sans que le revenu des paysans progresse.

En 1992, il aura baissé de 5,9 % en France. L'objet de la réforme de la PAC consiste à réduire sur trois ans les prix garantis payés aux agriculteurs : - 29 % pour les céréales et - 15 % pour la viande. L’autre moyen de freiner une production qui ne trouve pas preneur au prix du marché est de mettre des terres (25 % de la surface des céréales) en jachère ; mais seront dispensés de jachère les paysans qui se lancent dans les cultures industrielles. Les baisses des revenus des agriculteurs doivent, en revanche, être intégralement compensées par des primes , dont le mode de calcul sera, du reste, très difficile à mettre au point, car il faut tenir compte des rendements très différents d'une région à l'autre pour le blé, le colza ou le maïs".

"Le Monde" du 23 mai 1992 a écrit dans son éditorial international, sous le titre "Le GATT relancé" :

" La politique agricole commune (PAC) est réformée. C'était une nécessité en soi. Mais au lendemain de l'accord de Bruxelles, les espoirs renaissent de voir aboutir aussi les négociations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) entamées en septembre 1986 à Punta del Este (Uruguay). Au fil des ans, les discussions de l'Uruguay Round s'étaient non seulement focalisées sur les États-Unis et l'Europe, mais, de surcroît, réduites à un contentieux sur les céréales entre Bruxelles et Washington. Les négociations commerciales en cours concernent pourtant plus d'une centaine de pays et touchent la plupart des secteurs de l'activité économique.

"Réduisez vos subventions à l'exportation", clamaient les États-Unis. "Limitez vos aides à l'exportation", rétorquaient les Européens. Ce dialogue de sourds entre les deux continents, récemment illustré par l'échec de la rencontre entre M. Bush et M. Delors paraissait sans issue à moins d'une réforme de la PAC".


 

le "pré-accord" de blair house

 


C'est à partir de la réforme de la PAC que la délégation de la CEE a négocié et conclu le 19 novembre 1992 le "pré-accord" de Blair House sur le volet agricole des négociations de "l'Uruguay Round". Ce "compromis" a reçu le 25 novembre l'aval de la Commission de Bruxelles.

Il prévoyait d'ici 1999 une baisse de 21 % des exportations agricoles subventionnées de la CEE, les subventions de la PAC à ces exportations devaient être réduites d'ici là de 36 %. En conséquence, les exportations de blé, par exemple, qui sont toutes subventionnées, ne devraient plus être, au maximum, que de 23,4 milliard de tonnes en 1999, alors que les surplus exportables se situent actuellement à 35 millions de tonnes. Les exportations de viande bovine en provenance de la CEE devaient être réduites d'ici  à 1999 d'environ 500.000 tonnes selon certaines extrapolations.

 Inversement, les pays de la CEE, qui n'importent que 200.000 tonnes de porc et de volailles par an devraient en importer 215.000 tonnes ; ils n'importent que 110.000 tonnes de fromage, ils devraient en importer 215.000 tonnes. Enfin, le "pré-accord" de Blair House stipulait que la CEE importe 3 %, en 1994, de sa consommation de céréales, et 5 % par la suite. Alain Vernholles, auteur de l'article du "Monde" du 11 septembre 1993 d'où sont tirées ces données, écrit encore :

"A y regarder de près, le texte de Blair House révèle quelques uns de ses secrets. Contraignant pour les céréaliers, mais beaucoup plus encore pour les producteurs de viande bovine, il gênera aussi des productions comme le fromage, les élevages de porcs et de volailles, la production de sucre. C'est dire qu'il handicapera non seulement une agriculture très moderne, mais certains pans de l'industrie alimentaire".

L'agriculture française est la principale agriculture de la CEE, la deuxième du point de vue des exportations dans le monde, après celle des USA. Les partenaires européens du capitalisme français supportent de moins en moins les charges que leur impose la PAC. Ils ont défendu avant tout leurs intérêts, au détriment de ceux du capitalisme français. Le gouvernement français d'alors (Mitterrand-Bérégovoy-Soisson et autres) s'est retrouvé seul au sein du Conseil des ministres de la CEE à s'opposer au "pré-accord" de Blair House.

En France, les organisations d'exploitants agricoles ont déclenché dès novembre 1992 une tonitruante campagne contre le "pré-accord" de Blair House. Elles ont exigé du gouvernement d'alors qu'au Conseil des ministres de la CEE, il use de son "droit de veto" pour empêcher ce conseil de ratifier ce "pré-accord". Alors, l'UDF et le RPR étaient dans l'opposition. Ils ont aussi exigé que le gouvernement Mitterrand-Bérégovoy-Soisson et autres utilise ce "droit de veto".


 

manœuvre en retraite

 


Dès sa formation, le gouvernement Balladur a amorcé une manoeuvre en retraite par rapport aux positions que le RPR et l'UDF avaient prises avant les élections de mars 1993. Il s'est bien gardé de brandir les menaces de "veto". Au cours de sa déclaration de présentation de sa politique à l'Assemblée Nationale, le 7 avril, il a expliqué :

"En ce qui concerne les négociations du GATT, je confirme que nous demandons une discussion non seulement sur l'agriculture, mais aussi sur les autres dossiers non réglés. Nous n'acceptons pas, et Monsieur le Ministre du commerce extérieur le sait mieux que moi, un système de négociations, étape après étape, qui conduit les pays européens à offrir un front dispersé et ne permet pas d'avoir une vue d'ensemble sur ce qui se passe dans le monde. Notre agriculture n'est pas la seule en cause mais de façon plus générale, c'est notre activité économique entière qui est en cause".

Le 8 juin, à la réunion du Conseil des ministres des douze, le gouvernement français a donné son aval à l'accord conclu en novembre 1992 à Washington entre la Commission et les États-Unis, dont l'objet est la limitation de la production d'oléagineux dans les pays de la CEE. En conséquence de cet accord, 10 % des surfaces traditionnellement affectées aux grains oléagineux (colza, tournesol, soja) doivent être gelées.

Au cours de l'été, Balladur a expliqué que "la France ne pensait pas avoir raison sur tout", façon comme une autre de manoeuvrer en retraite. Au Conseil des ministres de la CEE du 27 septembre 1993, Balladur a accepté que Leon Brittan, négociateur de la Communauté, soit mandaté pour demander au gouvernement des USA qu'il veuille bien discuter "d'interprétations, de compléments" à "Blair House".

La réponse de Washington a été sèche et nette. Dans un communiqué, le négociateur américain, Mickey Kantor, a précisé :

"Les États-Unis ont l'intention de terminer les négociations sur l'Uruguay Round d'ici au 15 décembre. Nous ne rouvrirons pas l'accord de Blair House, que ce soit directement ou indirectement. Une interprétation ou une clarification de Blair House ne peut pas être un moyen déguisé de modifier les termes de l'accord atteint en novembre 1992. L'accord de Blair House, conclu il y a près de dix mois, est le reflet d'un compromis difficile que les États-Unis ont accepté dans sa totalité. L'accord de Blair House était tout juste acceptable pour les EU et les autres partenaires commerciaux de la communauté européenne. Les plans pour une réunion entre moi-même et sir Leon Brittan étaient en cours avant la réunion du conseil jumbo. Rouvrir l'accord de Blair House ne sera pas à notre ordre du jour".

Après cela, que valaient les affirmations générales du communiqué de la réunion du 27 septembre du conseil des ministres de la CEE :

"La Communauté doit s'assurer que ses engagements internationaux sont compatibles avec la PAC. Le Conseil a confirmé sa position selon laquelle les résultats du cycle d'Uruguay dans le secteur agricole ne peuvent avoir pour effet de mettre en cause directement ou indirectement la pérennité de la PAC ainsi que le respect de ses principes de base, et notamment la préférence communautaire. Il se doit de maintenir la vocation exportatrice de la Communauté et de lui assurer sa place sur le marché international des produits agricoles".


 

la presse française change de ton

 

En même temps, la presse française changeait de ton. Le même "Monde" du 22 septembre qui annonçait triomphalement "Le compromis agricole obtenu à Bruxelles", écrivait dans son éditorial international :

"Les organisations paysannes seraient bien inspirées de limiter leurs requêtes. Défendre ses intérêts par rapport à un pré-accord ressenti comme déséquilibré. Mais il serait peut-être temps aussi de parler avec modération de la "vocation exportatrice de la France et de la Communauté". Plus de 70 % des exportations agro-alimentaires de la France sont destinées aux autres États membres et ne tombent pas sous le coup des limitations de "Blair House". Le reste qui est livré aux pays tiers est exporté avec l'argent du budget européen. La Communauté avec sa politique de subventions s'est souvent comportée en prédateur : sa part du marché mondial du blé était de 11 % en 1978 ; 15 % en 1983 ; 21 % en 1991 !".

Ensuite :

"Plutôt que de vouloir maintenir à tout prix des performances à l'exportation plus spectaculaires que satisfaisantes, la France aurait intérêt à faire réussir la réforme de la PAC, dont l'objet est de mieux maîtriser la production. L'hymne à l'exportation des céréales ou de la viande paraît d'autant plus anachronique que les pays de l'Est - l'Ukraine, la Russie - frappent à la porte".

"L’Événement" du 7 octobre 1993 posait la question :

"Le France a voulu se battre sur tous les fronts, et c'est peut-être là son erreur : l'agriculture, les services, le textile, l'acier, l'aéronautique, l'accès aux marchés, tout était bon pour entreprendre de bruyantes croisades contre les "libre-échangistes dogmatiques". Ne risque-t-elle pas de perdre aujourd'hui sur tous les tableaux ? Paris semble le comprendre, et se prépare aux sacrifices. C'était le sens du message adressé par Edouard Balladur, au lendemain du conseil des ministres européens de la mi-septembre, lorsqu'il se disait prêt "à ne pas avoir raison à 100 %". Car, même si les Français se montrent sceptiques devant les chiffres mirifiques avancés par l'OCDE - qui prévoit une augmentation du revenu mondial de 213 milliards de dollars par an si l'accord est signé -, ils reconnaissent que la libéralisation des services et la mise sur pied d'un véritable droit de la propriété intellectuelle leur seront favorables..."


 

l'apparence et la réalité

 


De nombreuses voix du personnel politique de la bourgeoisie, se situant au sommet de celui-ci - Giscard d'Estaing, Barre, Millon, d'autres - se sont fait entendre pour réclamer une politique permettant d'aboutir à un accord au GATT. Un échec, ont-ils expliqué, serait une catastrophe pour la France (entendons : pour l'impérialisme français). Le gouvernement français n'en a pas moins continué à affirmer qu'il ne signerait pas un accord dans lequel "les intérêts de la France ne seraient pas sauvegardés"., faisant également grand cas de "l'exception culturelle". "Libération" du 14 octobre 1993 a souligné :

"En 1986, l'ensemble des participants au lancement de l'Uruguay Round ont décidé d'inclure le secteur des services dans la négociation : la production cinématographique et audiovisuelle y est intégrée. Dès lors, les États-Unis peuvent prétendre, dans le futur, s'attaquer aux protections mises en place par Bruxelles pour défendre l'industrie européenne. C'est à dire, par exemple, aux mesures qui imposent des quotas d'oeuvres européennes sur les chaînes de télévision. La France plaide pour l'exception culturelle qui exempterait l'audiovisuel des règles du GATT. La commission européenne plaide pour la spécificité culturelle qui permettrait "d'enregistrer" au GATT les mécanismes de protection européens et de les faire admettre par tous".

Sous l'apparence de la fermeté, le gouvernement Balladur a montré les limites de ses prétentions. A propos des questions agricoles, Balladur a prononcé à l'Assemblée Nationale une phrase désormais historique : "Nous n'accepterons pas qu'un hectare supplémentaire que ceux qui résulteront de la réforme de la PAC soit mis en friche". Or, c'est justement cette réforme qui a préparé les négociations sur le volet agricole et le "pré-accord" de Blair House.


 

le cadre fixé par l’impérialisme américain

 

Un constat doit être établi : c'est dans les conditions correspondant à ce qui convenait au gouvernement américain que s'est déroulée la dernière phase des discussions de "l'Uruguay Round". Les partenaires des USA se sont pliés à leurs conditions de négociations, CEE et gouvernement français compris. D'abord, ratification par la Chambre des représentants de l'accord de libre-échange (ALENA) entre les USA, le Canada et le Mexique, qui a eu lieu le 18 novembre 1993. Cet accord renforce la primauté et la prédominance quasi-absolue du capitalisme américain sur cette région qui compte 360 millions d'habitants et cela dans tous les domaines : économiques, commerciaux, financiers. Ensuite, les 19 et 20 novembre, à Seattle (États-Unis), a eu lieu la réunion des 17 pays de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique), lesquels ont adressé un appel pressant à la CEE pour que soit conclu, avant le 15 décembre 1993, par un accord, "l'Uruguay Round". Enfin, la date butoir du 15 décembre correspondait à ce dont avait besoin Clinton pour utiliser, devant le Congrès américain, la procédure dite "fast track" (procédure rapide) que "Le Monde" du 15 décembre définit ainsi :

"La date butoir du 15 décembre pour conclure le cycle de l'Uruguay a reçu l'aval de l'ensemble des négociateurs du GATT, européens compris. Il n'empêche que, à l'origine, le choix de cette échéance était dicté par de strictes considérations de politique intérieure américaine. Pour mener la négociation du cycle de l'Uruguay, l'administration dispose en effet d'un mandat très large accordé par le Congrès - le "fast track". Ce mandat lui a été renouvelé à différentes reprises depuis sept ans que dure le cycle de l'Uruguay.

La procédure du "fast track" permet à l'administration de demander au Congrès un vote bloqué. Autrement dit, le Sénat et la Chambre doivent se prononcer par un "oui" ou un "non" sur l'ensemble de l'accord, et non sur chaque article pris séparément, ce qui évite qu'un compromis laborieusement négocié et très technique coure le risque d'être torpillé sur un point particulier.

En réalité, le "fast track" ne vient à expiration qu'à la mi-avril 1994. Mais parce qu'elle doit accorder cent jours de session parlementaire aux membres du Congrès pour qu'ils examinent le dossier, l'Administration a opté pour le 15 décembre au soir comme date butoir. Ce jour-là, l'administration devra avoir déposé sur le bureau du congrès le texte de l'accord obtenu au GATT".

Pendant les semaines, et surtout les derniers jours avant l'échéance que le gouvernement américain avait fixée, ce fut le tintamarre médiatique, la dramatisation soigneusement orchestrée, le psychodrame. Accord ou échec ? Finalement, ce fut le "happy end" du 14 décembre et le "triomphe" de Balladur.


 

le volet agricole

 

La réalité est moins glorieuse. L'impérialisme américain a tout juste consenti des assouplissements des "pré-accords" de Blair House. Pour en juger pleinement, il faut attendre la publication des textes. Pourtant, les indications données par la presse montrent d'ores et déjà ce qu'il en est : la réduction des exportations agricoles subventionnées reste fixée à 21 % en six ans, mais est applicable pour l'ensemble des pays du GATT. Les années de référence  seraient les années 1991 et 1992, au lieu de 1986-1990, ce qui serait plus avantageux pour l'agriculture française - mais seulement pendant les premières années. Des aides aux agriculteurs, non liées à la production, sont autorisées. Ce que Balladur a appelé "la clause de paix", c'est à dire de non remise en cause des accords conclus, passe de 6 à 9 ans. Des chiffres sont avancés, qui ne sont que des supputations, selon lesquels seraient évitées des importations supplémentaires de 3,17 millions de tonnes de céréales, 594.000 tonnes de viande porcine, 106.000 de fromages, 72.000 tonnes de poudre de lait. Ces conjectures ne sauraient faire oublier la dure réalité : sur le fond et l'essentiel, il s'agit de la confirmation des "pré-accords" de Blair House. Ainsi, sont maintenues les conditions privilégiées dont bénéficient les exportations de maïs américain au Portugal et en Espagne ; les USA continueront à exporter massivement sans obstacle les produits de substitution aux céréales, les "corn gluten feed".

Un fait est illustratif : le gouvernement français a demandé au Conseil européen qu’il s’engage dès maintenant à fournir des compensations budgétaires au cas où, par suite de l’application accords de "l'Uruguay Round", il faudrait mettre en jachères de nouvelles terres. Cela prouve que le gouvernement Balladur estime que cette éventualité est plus que vraisemblable. "L'engagement" pris par le Conseil est de ceux qui n'engagent à rien :

"Si des mesures complémentaires s'avéraient nécessaires, le Conseil convient qu'elles ne devraient pas augmenter les contraintes de la politique agricole réformée. Le Conseil prendrait, si besoin était, des mesures tout en respectant la décision du Conseil européen d’Édimbourg".

Or, ce conseil a strictement limité les dépenses de la CEE par rapport à la PAC.


 

pas "d'exception culturelle"

 

Momentanément, l'audiovisuel n'a pas été intégré dans les accords qui ont conclu les négociations de "l'Uruguay Round". Ce n'est cependant pas "l'exception culturelle" que réclamait le gouvernement Balladur. Le régime actuel est un statu-quo provisoire puisque, dans trois ans, une nouvelle négociation devrait s'ouvrir à ce sujet. De plus, les conditions mêmes de la production audiovisuelle en Europe font que le rouleau compresseur américain, dans ce domaine, ne peut finalement que l'emporter, d'autant plus que vont intervenir de nouvelles technologies, se multiplier les transmissions par satellite, etc.


 

aéronautique

 

L'aéronautique ne figurait pas au programme de "l'Uruguay Round", mais était discutée parallèlement. "Le Monde" du 16 décembre 1993 donne l'interprétation suivante de ce qui a été convenu :

"Les États-Unis et l'Union Européenne ont décidé de proroger l'accord bilatéral du 17 juillet 1992 régissant les subventions aux avions civils gros porteurs jusqu'à la fin de 1994, ce qui leur donne un délai supplémentaire pour trouver un accord "multilatéral" au GATT. En cas d'échec des négociations au bout d'un an, l'aéronautique serait intégrée au code général des subventions, mais avec deux modifications tenant compte des spécificités du secteur".


 

transports maritimes

 


Quant aux transports maritimes : "un statu quo protectionniste", écrit "Le Monde" du 16 décembre, qui commente :

"Les mesures protectionnistes prises de longue date par l'administration des États-Unis dans l'organisation des transports maritimes seront maintenues après la signature de l'accord du GATT, la partie américaine n'ayant fait aucune "offre d'engagement" substantielle, sauf sur le sujet limité des services dans les ports. L'Union européenne a libéralisé quasi-totalement ce secteur, sans obtenir de réciprocité.

La concurrence entre les vieilles nations européennes, traditionnellement maritimes, et le reste du monde, se traduit par une faiblesse accentuée des flottes marchandes (sauf quelques compagnies danoises) soumises à une vive pression des États-Unis et de pays asiatiques dynamiques, comme le Japon, la Corée, Taiwan, la Malaisie, Hongkong ou Singapour. Le libre accès décidé en 1986 et effectif depuis le 1er janvier 1993, de tous les armements mondiaux au trafic de la Communauté, se traduit ainsi par la domination des armements américains, comme le géant Sealand, ou asiatiques, comme Evergreen (taïwanais) et NYK (japonais)".


 

"l'organisation multinationale du commerce"

 

Le gouvernement Balladur fait grand cas de l'institution  d'une "Organisation mondiale du commerce". L'OMC devrait se substituer, mais seulement à la longue, au GATT. Au moins pour un temps, le GATT formé "le 30 octobre 1947" devrait se maintenir "tel qu'il a été rectifié, amendé ou modifié par la suite". La fonction de l'OMC sera de faciliter "la mise en oeuvre et le fonctionnement"  de l'accord concluant les négociations de "l'Uruguay Round". Elle sera dotée d'une "Conférence ministérielle", d'un Conseil général", de conseils "du commerce des marchandises, du commerce des services, des droits de propriété intellectuelle". "Libération" du 15 décembre 1993 a écrit que l'Organisation mondiale du commerce "suppose surtout l'abandon, pour tous les secteurs couverts par ces accords, des armes commerciales unilatérales : quand ils ont un différent, les pays devront se soumettre à la "justice" du GATT".

Mais, rappelle "Le Monde" du 16 décembre, en 1950, les USA ont rejeté les accords de La Havane qui prétendaient constituer une organisation du genre OMC :

"Les États-Unis sont-ils véritablement prêts à accepter aujourd'hui ce qu'ils refusaient en 1950 ? En fait, rien n'est moins sûr. En dépit des déclarations de victoire, Mickey Cantor a bien précisé, mardi 14 décembre, que Washington dispose d'armes commerciales - dont le fameux article 301 qui permet à Washington d'imposer des mesures de rétorsion unilatérales (un relèvement des droits de douane, par exemple). Dans ces conditions, l'OMC risque de n'avoir que des pouvoirs restreints. Toute la question est de savoir si l'Union européenne répliquera en se dotant d'instruments de rétorsion identiques à ceux des États-Unis. La France le souhaite. Mais la Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Pays-Bas sont pour le moment réservés".

En clair : les USA gardent leur armement protectionniste, l'OMC ne dispose que d'un sabre de bois et l'Union Européenne est désarmée.


 

dépendance de l'impérialisme français

 

La réalité des accords de "l'Uruguay Round" ne correspond pas à la présentation qu'en font le gouvernement Balladur et la plupart des médias. A l'évidence, si l'impérialisme américain n'atteint pas la totalité des objectifs qui étaient les siens, les résultats des négociations de "l'Uruguay Round" correspondent à ses intérêts et vont dans le sens de ses objectifs initiaux.

Le renforcement de "l'unité de l'Europe" dans le processus des négociations est une autre légende. Au cours de ces négociations, les gouvernements anglais et des Pays-Bas, ont montré qu’ils étaient étroitement liés à l'impérialisme américain. L'impérialisme allemand, deuxième puissance commerciale mondiale, a le plus grand intérêt à ce que les entraves au commerce mondial soient les plus réduites possibles. Les uns et les autres ont respecté les formes, d’autant plus qu’ils ne veulent pas faire se disloquer la CEE dont ils ont également besoin. Mais ce sont leurs intérêts qui ont prévalu. Les concessions faites aux intérêts spécifiques de l'impérialisme français ne pouvaient être que mineures.

Lui-même est trop dépendant des marchés européen et mondial (sans avoir le poids et la force du colosse économique que sont les USA, ni des géants économiques que sont le Japon et l'Allemagne) pour se tenir en dehors des accords conclus. En effet, ce sont environ 25 % de la production française qui sont exportés dans la CEE et dans le monde, ainsi que 25 % de la consommation française qui sont importés. Par ailleurs, le capitalisme français escompte tirer parti des accords de "l'Uruguay Round" dans les "services", certaines industries de pointe, l'industrie du luxe, la chimie, etc.


 

à l'avantage particulier de l'impérialisme américain...

 

Un exemple particulièrement frappant permet de mieux comprendre à qui profite les accords de "l'Uruguay Round", les décisions prise en ce qui concerne "les services financiers". "Le Monde" du 16 décembre écrit encore :

"Les États-Unis ont obtenu satisfaction sur les services financiers... Les EU ne souhaitent pas depuis le début des négociations ouvrir le marché des services financiers (banque, assurance, courtage boursier) à tous les pays du cycle de l'Uruguay. Ils estiment que certains d'entre eux - Japon, Singapour, Malaisie, Taiwan, et la plupart des pays du Sud-Est asiatique - bloquent ou limitent l'accès à leurs marchés. Mais, en voulant conditionner l'ouverture du marché américain, ils remettent en question une des règles fondamentales du GATT, la "clause de la nation la plus favorisée" selon laquelle les avantages accordés à un pays sont automatiquement appliqués aux autres.

Dans leur accord bilatéral, Américains et Européens ont prévu que les États-Unis auront le droit, pendant dix-huit mois, jusqu'à la mise en place le 31 juillet 1995 de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), d'observer la façon dont les autres pays donnent des signes d'ouverture de leurs marchés. Puis ils auront six mois pour prendre une position définitive : appliquer les mêmes règles pour tous les pays ou n'ouvrir leur marché qu'aux États faisant preuve de bonne volonté. L'Union européenne se réserve le droit d'appliquer le même système, mais "cela seulement si la situation le requiert", indique Hugo Paenem, un des principaux négociateurs européens".

L'impérialisme américain bénéficie donc du privilège de ne pas avoir à ouvrir son "marché des services financiers".


 

...et de l'ensemble des puissances impérialistes

 

Dans le cas du passage en dix ans de "l'Accord multifibres" (AMF) à un régime de liberté d'exportation et d'importation, ce sont les intérêts de l'ensemble des grandes puissances impérialistes qui prévalent. Au moins provisoirement, les contingentements des textiles et des vêtements venant des pays à bas coût de revient sont maintenus. Par contre, ces pays devront ouvrir leurs frontières aux exportations en provenance des pays impérialistes.

Cet exemple montre que les accords résultant des négociations de "l'Uruguay Round" vont aussi dans le sens de la défense des intérêts de l'ensemble des grandes puissances impérialistes, même si ceux qui prévalent généralement sont ceux de l'impérialisme américain. Le gouvernement des USA a même accepté de réduire dans ce domaine les "pics tarifaires" - les droits de douane particulièrement élevés - qu'il impose à nombre de marchandises importées aux États-Unis.


 

réduction massive des droits de douane des pays semi-coloniaux

 

La réduction des droits de douane, imposée à un certain nombre de pays, va dans le sens des intérêts des puissances impérialistes : 40 % pour la Corée du Sud, dont les droits de douane appliqués aux marchandises en provenance de la CEE ne devront pas, à l'avenir, dépasser 10 % ; Singapour est soumis aux mêmes conditions ; les taxes perçues à Hongkong varieront entre 0 et 35 %.

"Les pays asiatiques vont devoir procéder à des réductions tarifaires "substantielles". Alors que les droits de douane de l'ordre de 100 % ne sont pas exceptionnels dans cette partie du monde, ils varieront en général entre 10 et 30 % en Malaisie et en Thaïlande, et entre 25 et 40 % en Inde. Pour leur part, l'Indonésie et les Philippines ont établi leurs taux plafonds respectivement à 40 % et 50 %. Ils seront moins élevés pour les pays d'Amérique latine (de 25 à 30 %). A cela, il faut ajouter les engagements pris par une majorité de PVD (pays dits en voie de développement) d'éliminer les mesures non-tarifaires empêchant l'accès à leur marché. Sans compter les efforts qu'ils devront fournir pour respecter les règles convenues dans les domaines des normes techniques et sanitaires, ainsi que le renforcement des disciplines applicables aux restrictions autorisées dans le cas de difficultés de balances de paiements" ( "Le Monde" du 16 décembre 1993).

Par contre, en moyenne, les droits de douane des pays capitalistes dominants n'ont été, cette fois, que faiblement réduits. Les réduire massivement n'était pas l'objectif de "l'Uruguay Round". Bien plutôt, il s'est agi, sinon de supprimer, du moins de réduire les obstacles non tarifaires à la libre circulation des marchandises (dumping, subventions, normes techniques, système de licences, taxes discriminatoires, etc.). Il faut attendre de plus amples informations et surtout la mise en application pour en juger. Ainsi, le Japon est réputé pour  son "art" de dresser mille obstacles non tarifaires à la pénétration des marchandises étrangères sur son territoire : comment et jusqu'à quel point les accords conclus le 14 décembre vont-ils s'y appliquer ?


 

un probleme "oublié" : les rapports monétaires

 

Ces "négociations" et ces "accords" commerciaux ont un aspect étrange : pendant toute leur durée ont été superbement ignorés ce qui, pourtant, compte parmi les instruments les plus importants, voire sont les plus importants, des politiques commerciales des grandes puissances : les rapports monétaires, les taux d'intérêt, le crédit. Pourtant, à l'évidence, lorsque la F.E.D. laisse tomber le dollar jusqu'à 1,38 deutschemark, 4,73 francs le 2 septembre 1992, 119 yens fin octobre 1992, qu'elle a baissé son taux d'escompte à 3 %, l'impact sur les échanges commerciaux est considérable ; surtout lorsque le taux d'intervention de la Banque de France va jusqu'à atteindre 13 % au cours de ce mois de septembre, que le taux lombard en Allemagne se situe à 7,75 % et que, par contre, au Japon le taux d'escompte de la Banque centrale est abaissé de 4,5 à 3,25 %. On ne peut omettre que la plus grande partie des échanges mondiaux sont libellés en dollars, que le dollar est la monnaie moyen de paiement, et qu'il fait fonction de monnaie de réserve. L'impérialisme américain pratique ainsi au niveau mondial une politique de "dumping" économique. En même temps, il dresse la barrière de prix élevés, en dollars, à l'entrée des marchandises étrangères aux États-Unis.

Depuis, les rapports des principales monnaies se sont modifiés. Au 3 janvier 1994, le dollar a atteint 1,774 mark, 5,92 francs, 113 yens. Ce n'est que par rapport au yen que le dollar a maintenu ses plus bas cours enregistrés en septembre 1992.

 

ce que "l'uruguay round" ne peut résoudre

 

Clinton a expliqué le 29 septembre 1993 les grandes lignes d'une "stratégie nationale à l'exportation". Le gouvernement américain entend que les exportations des USA passent de 628 milliards de dollars (3.516 milliards de francs) en 1992 à 1.000 milliards (5.920 milliards de francs au cours actuel) à la fin des années 1990. Pour y parvenir, seraient assouplies les conditions d'exportation de matériels de haute technologie ; un fonds d'aides à l'exportation de 150 millions de dollars serait constitué et mis en place via l'Export Import Bank ; la coordination entre agences américaines d'aide à l'exportation serait améliorée. Les conclusions de "l'Uruguay Round" occupent une place centrale dans la politique d'exportations multipliées que veut suivre l'impérialisme américain pour tenter de rééquilibrer ses balances commerciale et d'opérations courantes, sinon pour qu'elles deviennent excédentaires.

Mais les déficits américains ont des causes fondamentales qu'aucun accord sur les échanges commerciaux ne peut supprimer. Ce sont des conséquences de la sclérose et du parasitisme qu'engendre le capitalisme financier dans la puissance dominante du système impérialiste international, des charges qui pèsent sur l'Etat américain en tant que pilier, leader et principal défenseur de ce système. A cet égard, l'évolution de la balance commerciale des États-Unis au cours de ces dernières années est significative : en 1990 son déficit s’est élevé à 116 milliards de dollars, en 1991, il tombe à 69,22 milliards de dollars, mais dès 1992, il remonte à 84,3 milliards, et en 1993, il devrait s’élever à 110 milliards. Quant à la balance des opérations courantes, elle évolue ainsi : - 90 milliards de dollars en 1990, - 4 milliards en 1991, - 56 en 1992, combien en 1993 ? Les déficits diminuent au moment où sévit brutalement la récession aux USA, mais dès que la situation se stabilise et que s'amorce une "reprise", ils remontent brutalement.

D'autre part, il y a certes un rapport entre la conjoncture économique et les échanges mondiaux, mais en soi la libéralisation des échanges ne crée pas automatiquement un développement des marchés et de nouveaux débouchés. Les crises et leurs liquidations procèdent des rapports de production du mode de production capitaliste, de ses contradictions. Il suffit de rappeler que le "Tokyo Round", engagé en 1973, n'a pas empêché la phase aiguë du début des années 1980 de la crise récurrente de l'économie capitaliste qui dure depuis 1974-1975. Les échanges mondiaux qui s'étaient accrus de 5,5 % en 1979, n'ont crû que de 1,5 % en 1980, ont stagné en 1981 et ont diminué de 3 % en 1992. A quoi il faut ajouter que nombre de dispositions du "Tokyo Round" n'ont jamais été appliquées. Les "experts" ont prévu qu'au cas où "l'Uruguay Round" se conclurait positivement, il en résulterait une importante croissance économique à l'échelle internationale. Ce sont des projections totalement artificielles. Le sort  des accords conclus le 14 décembre dépendra plutôt de la conjoncture économique internationale. Ils ne résisteraient pas à une aggravation de la crise économique.


 

au détriment des prolétariats et des masses exploitées


Les conclusions de cette négociation répondent à une logique : celle de l'internationalisation de la production (la dite "mondialisation"), d'une division du travail croissante, mais dans le cadre du capitalisme, à un stade très avancé de l'impérialisme pourrissant, alors que l'impérialisme américain reste l'impérialisme dominant. Comme cela a déjà été signalé plus haut, ces accords vont dans le sens de l'aggravation de l'exploitation des pays semi-coloniaux. Ils vont aussi concourir à l'aggravation de l'exploitation des prolétaires, y inclus ceux des puissances impérialistes dominantes.

La "libéralisation" tend à faire que pour les prolétariats, la "norme" devienne, les conditions d'exploitation, d'existence de ceux qui sont les plus exploités, dont la valeur de la force de travail est la plus basse, la situation la plus précaire, les droits sociaux pratiquement nuls, et qu'écrase un chômage massif. Ces accords mettent à l'ordre du jour la multiplication des "délocalisations" au gré du bas prix de la main-d'oeuvre. C'est pourquoi, bien que cela ne soit pas formellement inclus dans ces accords, ils sont inséparables de l'offensive générale que mène le capital, et qu'il accentue, contre le pouvoir d'achat des travailleurs exploités, pour dégrader leurs conditions de travail et d'existence, détruire leurs acquis sociaux, les droits et garanties qu'au cours des décennies de combat ils ont arrachés.

Le 15 janvier 1994.

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