Commémoration de la première guerre impérialiste mondiale
Pour
Hollande, « commémorer c’est renouveler le patriotisme ».
Pour la
jeunesse, le prolétariat, il s’agit de se réapproprier
l’histoire de la première boucherie impérialiste mondiale, et d’en tirer les
enseignements politiques :
« l’ennemi principal est dans notre propre pays »
Hollande
voudrait par la commémoration de la première boucherie impérialiste
susciter une nouvelle Union sacrée
Le 7 novembre, François
Hollande a ouvert le cycle de la commémoration du centenaire du début de la
première guerre impérialiste, et veut à cette occasion essayer de bénéficier
d’un bain de social-patriotisme : « Ce temps de mémoire arrive à un moment où la France s’interroge sur
elle-même (...) c’est pourquoi je veux donner un sens à commémorer »…
et il précise : « commémorer
c’est renouveler le patriotisme, commémorer c’est porter un message de
confiance dans notre pays ». Ce discours, résonne agréablement aux
oreilles de Copé, qui, invité à l’entendre à l’Elysée, l’a trouvé très beau.
Cent ans après, Hollande voit dans la commémoration l’occasion de s’adonner à
l’exercice du patriotisme auquel s’étaient soumis ses ancêtres de la SFIO, et
avec eux les dirigeants de la CGT, en se vautrant dans la défense nationale, en
intégrant l’Union sacrée… S’il fit allusion à Jaurès, c’est pour mieux aller
sur le terrain de Clémenceau « père la victoire » de 1917, ancien premier
flic de France et briseur des grèves de 1910.
Faisant mine de commémorer de
façon « apaisée » la plus terrible boucherie que l’humanité avait
alors connue, il prétend ouvrir à une réintégration des fusillés dans
l’histoire officielle. « J’ai
demandé au ministre de la défense qu’une place soit accordée aux fusillés aux
Invalides. » Hollande, chef des armées, demande à l’héritier de tous
les représentants des ministères de la guerre, de leur faire une place au musée
à la gloire de l’armée. Les fusillés, les mutins, et ceux qui furent assassinés
pour l’exemple, ceux qui se sont opposés à la guerre n’ont pas à être
« honorés » ou reconnus par leurs bourreaux, par les défenseurs
contemporains de la guerre impérialiste contre laquelle ils se sont soulevés. Certaines associations comme la Libre
Pensée, l’Association Républicaine des Anciens Combattants et l’Union Pacifiste
de France, mènent campagne pour la « réhabilitation » de tous les
fusillés. S’adressant solennellement à François Hollande « les participants considèrent que la réhabilitation doit être
collective, donc publique, et prise par un déclaration politique venant du
présidant de la république » (Informations
Ouvrières n°276, journal du POI). Elles participent à leur manière à la
commémoration de Hollande, et au nom des fusillés, prêtent leur concours à la
confusion et à cette mise en scène sinistre. Dans Informations Ouvrières n° 276, le POI publie sans commentaire la
déclaration de ces associations, apportant ainsi sa caution à cette opération
réactionnaire.
Mais la glorification de
l’impérialisme français actuel, Hollande y souscrit aussi directement, au nom
du fait que des centaines de milliers de soldats africains et coloniaux ont été
enrôlés dans les combats de la guerre en Afrique même, mais surtout en France : il affirme ainsi que la « France avait souscrit une dette d’honneur »
envers le Mali ! C’est au nom du colonialisme qu’il justifie
l’intervention impérialiste en Afrique aujourd’hui. La dette de sang appelle
une nouvelle saignée. Quelle continuité : du Chemin des Dames, aux
interventions militaires qui cherchent à garantir l’ordre impérialiste français
en Libye, en Côte d’Ivoire ou au Mali !
Cent ans après, Hollande le
belliqueux, le va‑t‑en guerre, aimerait
reconstituer derrière lui une union qui matérialise la « force d’une Nation quand elle est
rassemblée », et, martial, il annonce un « ordre de mobilisation », « réformer, réunir, réussir ».
Si du côté de la bourgeoisie, il n’y aura aucune reconnaissance du ventre de
l’œuvre du soldat Hollande, comme le rappellent les
« manifestations » hostiles du 11 novembre, lorsqu’il en appelle au
sens du sacrifice, au rassemblement derrière la réforme... c’est à la jeunesse
et au prolétariat qu’il pense. Comme leurs ancêtres, les dirigeants du Parti socialiste,
les dirigeants des syndicats ouvriers issus de la vieille CGT, comme Guesde et
Jouhaux, sont appelés, au nom de la « guerre » contre la crise, à
faire le sacrifice des intérêts des travailleurs à nouveau, dans la suite
historique de la trahison du 4 août 1914.
C’est dans ce cadre que le
gouvernement lance son opération de commémoration, une opération de défense
systématique des intérêts de l’impérialisme français, passés, présents et
futurs. L’institution privilégiée est, bien entendu, l’institution scolaire, et
les enseignants subissent la pression permanente de la commémoration :
inspecteurs, chefs d’établissement voudraient que des projets fleurissent
durant les quatre années à venir… Cette pression est d’autant plus forte, que
de nouveaux programmes en nouveaux programmes, dans les collèges comme dans les
lycées, la première guerre mondiale s’est vue réduite à une portion congrue. Il
n’est guère question de passer plus de 3 ou 4 heures à son sujet dans le
programme de première générale. Elle n’est étudiée que comme l’exemple d’une
guerre « totale », et sous l’axe de « l’expérience
combattante ». Ses causes, ses conséquences, ses aspects politiques, les
points de vue qui ne soient pas français, tout cela est balayé, dans le cadre
d’une vaste leçon sur « la guerre au XXe siècle », qui au
fond se refuse à aborder la question : pourquoi ces guerres ? Les
enseignants et leurs élèves sont donc exposés au matraquage mémoriel et à la
désinformation historique, mais c’est aussi le cas de l’ensemble des
travailleurs. Ce matraquage, la jeunesse et le prolétariat devraient pouvoir
l’éviter par l’action des organisations du mouvement ouvrier, partis et
syndicats. Cependant, tant le PS, le PCF, que la CGT et les autres
organisations syndicales ouvrières, se refusent évidemment à mener le combat
sur ce terrain pour mieux relayer l’offensive dans leur propre cadre.
Ce que le mouvement ouvrier
devrait affirmer haut et fort : la première guerre mondiale est le produit
de l’impérialisme, impérialisme qui continue cent ans après à porter en lui la
guerre. Ce que le mouvement ouvrier devrait dénoncer, c’est la trahison de la
deuxième internationale, le patriotisme, qui sévissent malheureusement toujours
en son sein. Le mouvement ouvrier devrait tirer les leçons du mouvement révolutionnaire
né dans la première guerre impérialiste mondiale, qui a ouvert la « période
des guerres et des révolutions ».
L’impérialisme
stade suprême du capitalisme
C’est en 1916, en pleine
guerre, que Lénine fait la synthèse des observations menées tant par les
représentants de la bourgeoisie elle-même que par les théoriciens de la
social-démocratie d’avant-guerre, notamment Hilferding sur le capital financier
ou Rosa Luxemburg sur l’accumulation du capital. Dans sa préface de 1921 aux
éditions françaises et allemandes, Lénine explique lui-même l’objet du
livre : « Ce livre montre que
la guerre de 1914-1918 a été de part et d’autre une guerre impérialiste
(c'est-à-dire une guerre de conquête, de pillage et de brigandage), une guerre
pour le partage du monde, pour la distribution et la redistribution des
colonies, des « zones d’influence » du capital financier, etc. Car la
preuve du véritable caractère social ou, plus exactement, du véritable
caractère de classe ne réside évidemment pas dans l’histoire diplomatique de
celle-ci, mais dans l’analyse de la situation objective des classes dirigeantes
de toutes les puissances belligérantes. » Quels sont donc les fondements
de la nature de classe de cette guerre ?
Lénine montre dans cette
brochure que le capital à la fin du XIXe siècle et au début du XXe
a connu des transformations importantes : des monopoles se sont formés,
constitués par de grands groupes qui dominent les marchés nationaux, et qui
cherchent à s’implanter à l’échelle mondiale pour trouver de nouveaux marchés.
La constitution de ces monopoles est un moyen de lutter contre la baisse
tendancielle du taux de profit en évitant le jeu de la concurrence. Le capital
bancaire et le capital industriel ont alors commencé à fusionner, dans le
capital financier. Ce capital financier, constitué maintenant depuis plus d’un
siècle, rend bien vaine la recherche de distinction entre le bon capital
investi dans la production et le mauvais, spéculatif, que mènent aujourd’hui les
« réformateurs » économiques suivis par les dirigeants du mouvement
ouvrier. Ce capital financier cherche aussi des débouchés sur le marché mondial
et la tendance à l’exportation des capitaux date elle aussi de cette période,
comme le rappellent les coupons d’emprunts russes de nos grands-mères. La
nécessité de dominer les zones d’approvisionnement, les marchés commerciaux et
surtout les marchés de capitaux fait que les capitalismes nationaux tendent à
se diviser et se partager le monde. Ce partage du monde, accéléré durant les
décennies 1880-1890, rentre en contradiction avec la finitude de la planète, et
commencent alors les premiers grands conflits inter-impérialistes, guerre
hispano-américaine de 1898, guerre entre Japon et Russie en 1904…
Le caractère parasitaire et
putréfié de l’impérialisme s’exprime au travers des cartels, qui tentent de
régir les marchés selon leurs propres intérêts, la spéculation, pour tenter de
repousser les crises, mais aussi à travers les dépenses militaires, l’économie
d’armement, la production de forces destructives. Cette tendance réactionnaire
est inhérente à l’impérialisme : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage »
disait Jaurès, mais cette tendance est encore accentuée par l’impérialisme
lui-même, qui ne forme que des nuages d’orages.
A la fin du XIXe
siècle, la principale puissance reste l’impérialisme britannique, qui domine le
marché mondial même si son industrie commence à être concurrencée. Londres
reste la capitale financière du monde, les capitaux britanniques sont investis
en Amérique très largement, aux Etats-Unis mais aussi en Amérique latine,
Brésil ou Argentine, au Moyen Orient, en Chine, et bien entendu au travers de
l’Empire colonial, des Indes, à l’Afrique. La France est une puissance de
second rang, humiliée en 1870 par la Prusse, mais la France a aussi un
rayonnement mondial fort, un Empire colonial constitué en Afrique et en
Indochine, des capitaux investis en Russie tout particulièrement. Les
Etats-Unis sont une puissance dynamique, qui étend son influence sur le
continent américain et l’Asie, en évinçant les puissances européennes, notamment
le vieux colonialisme espagnol durant la guerre de 1898. Puissance la plus
dynamique, tard née, l’Allemagne cherche à étendre son influence sur l’Europe
centrale, vers la Russie, ou encore sur l’Empire ottoman. Pour autant,
l’Allemagne et ses monopoles, son capital financier ne trouvent guère d’espace
sur lequel déverser ses marchandises et capitaux. En 1885 l’impérialisme
allemand tente de faire adopter à ses concurrents des principes pour la
colonisation de l’Afrique, qui bat alors son plein. Mais la conférence de
Berlin est un échec pour l’Allemagne, dès l’année suivante Léopold II devient
roi de « l’Etat indépendant du Congo », la France se lance dans la
conquête de Madagascar et poursuit ses expéditions dans le Sahara et le Sahel.
En 1911 la rivalité franco-allemande exacerbée pendant quarante ans, se traduit
par la pression sur le royaume du Maroc, pressé de choisir son protecteur. Là encore
l’Allemagne subit un échec, son empire colonial est réduit à la portion
congrue.
Les rivalités
inter-impérialistes ne concernent pas seulement la France et l’Allemagne,
l’impérialisme britannique longtemps en rivalité avec la France, a repéré le
dynamisme de l’Allemagne, et choisit l’alliance avec la France, et après 1898
soutient les ambitions coloniales françaises face aux prétentions germaniques.
D’autres puissances rentrent en jeu, l’Autriche-Hongrie qui étend son influence
sur les Balkans où elle rencontre d’autres intérêts, ceux de la Russie lancée
dans la politique panslaviste, de la France alliée de la Serbie, ou encore des
Britanniques implantés en Grèce, tandis que l’Allemagne a des relations
privilégiées avec l’Empire ottoman en pleine crise, dans sa partie européenne
comme au Proche ou Moyen Orient, où les intérêts impérialistes commencent à
prendre position, d’autant que le pétrole commence à être exploité dans cette
région du monde. L’affrontement inter-impérialiste se prépare aussi par l’intermédiaire
de petits Etats plus ou moins fantoches comme ceux des Balkans ravagés en 1912
et 1913 par des guerres qui annoncent la déflagration générale.
De la
barbarie de la guerre impérialiste
La nature de classe s’est aussi
manifestée dans la guerre elle-même. Le déferlement de la barbarie à échelle
industrielle, l’organisation même par les Etats de la guerre, une guerre dite
« totale », nécessitant la militarisation de la production et la
coordination par l’Etat de cette production tout en laissant les profits aux
capitalistes, le déferlement de propagande nationaliste, du bourrage de crâne,
l’omniprésence de la censure, étaient totalement nécessaires pour maintenir
l’effort destructif. Il fallait tenter de couper le front de l’arrière,
empêcher l’information de passer pour permettre de maintenir les troupes sous
pression. Toutefois rapidement, le mythe de la guerre rapide et du défilé des
troupes à Berlin ou Paris, s’est brisé sur la réalité.
Sur le front français des
millions d’hommes ont connu la guerre des tranchées, et des immenses offensives
qui tournaient au massacre, la Somme, Verdun et le Chemin des Dames, qui
restent quelques-uns des symboles de cette guerre. Sur le front russe, les
conditions étaient encore plus terribles, de grandes batailles de mouvement opposaient
l’armée allemande bien équipée à l’armée russe dont les hommes disposaient d’un
fusil pour deux soldats… l’arme étant relevée par celui qui n’était pas fauché
dans la charge ! Les grandes offensives ont aussi eu lieu plus au sud dans
les Balkans, contre l’Empire ottoman aux Dardanelles, débarquement
particulièrement meurtrier. Dirigé par la fraction militaire nationaliste
turque l’Empire ottoman a, dès 1915, déporté en masse et massacré la population
arménienne, attaquant les villages, assassinant les hommes et déportant la
population dans une longue marche vers le désert syrien, provoquant des
centaines de milliers de morts.
Cette barbarie c’est celle des batailles,
des offensives mal préparées et absurdes, la morgue des officiers de carrière
de certaines armées, notamment l’armée tsariste russe, les exactions, les
bombardements de villes, à l’artillerie lourde, puis l’aviation, l’utilisation
des gaz, la guerre sous-marine dans l’Atlantique, où les bateaux neutres
étaient aussi coulés pour empêcher l’approvisionnement de la Grande Bretagne et
de la France. L’affaiblissement des populations exposées à la terrible grippe
espagnole de 1918. C’est tout cela la première guerre mondiale. Ce sont ces
souffrances qui ont provoqué grèves et mutineries, comme celles de l’année
1917, année cruciale de la guerre. Au total, il y a eu plus de dix millions de
morts, victimes directes du conflit. En France, il y eut 1,4 million de morts,
et plus de 4 millions de blessés, invalides, amputés, gazés, gueules cassées,
pensionnés, plus ou moins à la charge de l’Etat, sans compter les victimes et
anciens combattants africains dont le traitement n’a jamais été équivalent. La
mortalité, les classes creuses, c'est-à-dire le manque de natalité liée à la
guerre, ont fait que la France n’a à nouveau connu un accroissement naturel,
qu’après 1943. L’endettement du Royaume-Uni et de la France auprès des
Etats-Unis a fait basculer le centre financier du monde vers New York, et le
déclin de l’Europe a alors commencé sa course inexorable.
Les traités issus de la guerre
ont imposé les conditions de l’impérialisme, le traité de Versailles soumettant
l’Allemagne à la démilitarisation, au paiement des dommages de guerre, à la
perte de territoires, au dépeçage colonial, puisque les colonies allemandes
furent données en mandat par la « Société des Nations » inventée par
Wilson, et qualifiée par Lénine de « caverne de brigands », au
Royaume Uni et à la France, sans doute en vertu des principes
d’autodétermination wilsoniens ! Le même traitement fut imposé à la
Turquie ottomane. Mais cette fois-ci, malgré les promesses faites aux insurgés
arabes, les nouveaux Etats furent eux aussi placés sous tutelle coloniale‑
là encore de la France et du Royaume-Uni‑, Irak, Palestine,
Transjordanie, ou Syrie et Liban, tandis que des royaumes plus ou moins
fantoches furent découpés pour compléter le système des protectorats
britanniques dans cette région pétrolifère. Dans la Palestine mandataire, les
Britanniques ont favorisé l’afflux de migrants sionistes afin de mieux
contrôler le territoire face aux revendications arabes. L’Empire
austro-hongrois avait volé en éclats, mais les Etats qui naquirent de cette
disparition se trouvaient fragilisés et soumis aux volontés et alliances des
grandes puissances, dont les tutelles politiques ne garantirent nullement
l’existence, comme ce fut le cas pour la Tchécoslovaquie en 1938. De la
première guerre mondiale et des traités qui en découlaient surgiraient les
conditions de la seconde.
La
responsabilité de la social-démocratie
La guerre est née de
l’impérialisme, certes, mais elle a été rendue possible par la soumission de la
social-démocratie à celui-ci. La social-démocratie européenne s’est formée
après la dissolution de l’Association Internationale des Travailleurs, la
première Internationale, en 1874. Sa construction a eu lieu dans un premier
temps dans les sections nationales, et tout d’abord, le parti social-démocrate
d’Allemagne fondé en 1875.
Malgré la répression politique
dont il était l’objet, ce parti devint un parti de masse, le plus puissant
parti ouvrier du monde à l’époque. Il regroupait des centaines de milliers
d’adhérents, attirait lors des élections plusieurs millions de travailleurs
sous sa bannière et conquit des sièges au Parlement malgré les lois
antisocialistes. Il impulsa la constitution d’organisations syndicales qui
regroupaient elles aussi plusieurs millions de travailleurs. Ses leaders
étaient les plus écoutés à l’échelle internationale, notamment après la
fondation de l’internationale ouvrière en 1889. Les campagnes de cette
internationale regroupaient des millions de personnes dans le monde : le 1er
mai pour la journée de 8 heures, le 8 mars étaient des manifestations liées à
la puissance de l’Internationale. La section française de l’Internationale
ouvrière n’est fondée qu’en 1905, par le regroupement de plusieurs courants
socialistes. Rapidement, la SFIO elle aussi obtint des dizaines de députés et
mena des campagnes pour l’impôt sur le revenu ou contre les crédits de guerre
et le militarisme. En Angleterre, les organisations syndicales fondèrent le
Labour Party en 1906. Ailleurs en Europe, en Italie, en Espagne, mais aussi en
Serbie, en Russie, le mouvement socialiste se développa.
En 1907, l’Internationale
adopte, lors de son congrès de Stuttgart, une résolution contre la guerre entre
les puissances européennes : « Si
une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les
pays concernés, c’est un devoir pour ses représentants dans le Parlement, avec
l’aide du Bureau socialiste international, force d’action et de coordination,
de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui
leur paraissent les mieux appropriés et qui varient naturellement selon
l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale . »
Un amendement avait été proposé par la gauche, Luxemburg, Martov et
Lénine : « Au cas où la guerre
éclaterait néanmoins, les socialistes ont le devoir de s’entremettre pour la
faire cesser promptement, et d’utiliser de toutes leurs forces la crise
économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires
les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. ».
Cet amendement adopté armait de manière plus particulière sur la façon de
procéder au cas où la classe ouvrière européenne serait dans l’impossibilité
d’empêcher le début de la guerre. A Bâle, en 1912, un manifeste venait
compléter cette déclaration. Il y était précisé ainsi : « Mais la tâche principale dans l’action
internationale incombe aux travailleurs d’Allemagne, de France et d’Angleterre.
(…) » et bien entendu aux partis de ces pays… Le texte poursuit « Le Congrès (…) demande aux travailleurs de
tous les pays d’opposer à l’impérialisme capitaliste la force de la solidarité
internationale du prolétariat : il avertit les dirigeants de tous les pays
de ne pas accroître encore, par des actions de guerre, la misère infligée aux
masses par le mode de production capitaliste. Il demande, il exige la paix.
« Que les gouvernements sachent bien que dans l’état actuel de
l’Europe et dans les dispositions d’esprit de la classe ouvrière, ils ne
pourraient sans périls pour eux-mêmes déclancher la
guerre. (…)
« Les travailleurs considèrent comme un crime de tirer les uns sur
les autres pour le profit de capitalistes ou l’orgueil de dynasties ou les
combinaisons des traités secrets. (…)
« Elevez de toutes vos forces votre protestation unanime dans les
parlements ; unissez- vous dans des manifestations et actions de masse,
utilisez tous les moyens que l’organisation et la force du prolétariat met en
vos mains, de telle sorte que les gouvernements sentent constamment devant eux la
volonté attentive et agissante d’une classe ouvrière résolue à la paix.
« Opposez ainsi au monde capitaliste de l’exploitation et du
meurtre les masses du monde prolétarien de la paix et de l’Union entre les
peuples. »
Mais l’Internationale était
conçue comme des partis d’adhérents nationaux juxtaposés, avec à leur tête une
fraction parlementaire, largement en contact avec l’Etat bourgeois par le
Parlement ou encore les responsabilités locales et municipales issues des
différentes élections. Les directions syndicales corrompues grâce aux
surprofits réalisés dans les colonies, le développement de mœurs bourgeoises et
de courants révisionnistes et opportunistes ont miné cette Internationale et
ses partis. Au pied du mur, lors de l’été 1914, ses différentes composantes
tergiversèrent et finirent par sombrer dans le soutien à leur propre
impérialisme.
La social-démocratie allemande,
la SFIO française votent alors les crédits de guerre. Dans son ouvrage, Le Mouvement ouvrier pendant la première
guerre mondiale, Alfred Rosmer montre les glissements qui du 31 juillet au
4 août ont affecté les dirigeants socialistes ou de la CGT. Du refus de la
guerre, au discours de défense patriotique de Jouhaux lors des obsèques de
Jaurès, voilà le trajet des dirigeants sociaux-démocrates, à marche
accélérée : « Que dire à
l'heure où s'ouvre cette tombe ? Ami Jaurès, tu pars, toi l'apôtre de la paix,
de l'entente internationale, à l'heure où commence, devant le monde atterré, la
plus terrible des épopées guerrières qui aient jamais ensanglanté l'Europe.
Victimes de ton ardent amour de l'humanité, tes yeux ne verront pas la rouge
lueur des incendies, le hideux amas de cadavres que des balles coucheront sur
le sol. (...) Jaurès a été notre réconfort dans notre action passionnée pour la
paix. Ce n'est pas sa faute, ni la nôtre, si la paix n'a pas triomphé. (...)
Cette guerre, nous ne l'avons pas voulue. Ceux qui l'ont déchaînée, despotes
aux visées sanguinaires, aux rêves d'hégémonie criminelle, devront en payer le
châtiment. (...) Acculés à la lutte, nous nous levons pour repousser
l'envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de civilisation et d'idéologie
généreuse que nous a légué l'histoire. Nous ne voulons pas que sombrent les
quelques libertés si péniblement arrachées aux forces mauvaises. »
Au Parlement les socialistes
votent les crédits de guerre et entrent dans l’Union sacrée, en France, et dans
son équivalent, en Allemagne. Des hommes comme Albert Thomas, socialistes
devenus ministres, organisent la production, les transports et le travail pour
le compte de l’impérialisme et de l’Etat-major, il encourage d’ailleurs son « ami Louis Renault » à entrer
dans la production d’armement, avec le soutien de l’Etat. Il coordonne le
travail industriel et voit l’Union sacrée comme « l’union industrielle pour la paix sociale »… Pendant
que l’impérialisme cherche, par l’intermédiaire des socialistes, à obtenir la
paix sociale dans les usines d’armement, il organise le massacre des
travailleurs mobilisés sur le front pour des intérêts qui sont ceux du capital
financier.
Les gouvernements d’Union
sacrée, de Burgfriede, menèrent la répression contre
ceux qui résistaient à cette orientation criminelle, le gouvernement français
expulsa Trotsky de son territoire et, en Allemagne, Liebknecht fut envoyé au
front pour avoir voté contre les crédits de guerre, Rosa Luxemburg emprisonnée.
La répression fut féroce dans les tranchées contre ceux qui ne voulaient pas se
soumettre à cette Union sacrée, la censure frappait la presse.
De la
résistance ouvrière à la vague révolutionnaire
Pour autant, malgré la faillite
de la deuxième internationale, malgré le passage dans le camp de l’impérialisme
de la social-démocratie et des syndicats, la classe ouvrière, et certains
militants socialistes ou syndicaux maintinrent, dans les plus grandes
difficultés certes, mais maintinrent leur indépendance de classe. Dans un
premier temps, de petits noyaux isolés les uns des autres se refusèrent à
s’associer au chauvinisme. Dans la gauche du SPD, Karl Liebknecht, après avoir
voté par discipline de groupe les crédits de guerre, s’est désolidarisé de la
politique du SPD en décembre 1914, avec le soutien de Rosa Luxemburg. Les
Bolcheviks se sont refusés aussi au social-patriotisme, Lénine dénonçant
violemment la « faillite de la IIe
internationale ». C’était le cas aussi du journal de Trotsky Nache Slovo et, en France, dans la CGT,
d'un petit groupe de militants de la fédération des métaux réunis autour de
Pierre Monatte et Alfred Rosmer et le bulletin la Vie Ouvrière.
Les 5 et 8 septembre 1915 à
Zimmerwald a eu lieu une conférence ouvrière qui rassemblait les socialistes et
les syndicalistes en opposition avec la politique menée par les directions de
la social-démocratie dans toute l’Europe. Sa déclaration finale s’exprime en
ces termes :
« Ouvriers !
« Vous, hier, exploités, dépossédés, méprisés, on vous a
appelés frères et camarades quand il s'est agi de vous envoyer au massacre et à
la mort. Et aujourd'hui que le militarisme vous a mutilés, déchirés, humiliés,
écrasés, les classes dominantes réclament de vous l'abdication de vos intérêts,
de votre idéal, en un mot une soumission d'esclaves à la paix sociale. On vous
enlève la possibilité d'exprimer vos opinions, vos sentiments, vos souffrances.
On vous interdit de formuler vos revendications et de les défendre. La presse
jugulée, les libertés et les droits politiques foulés aux pieds : c'est le
règne de la dictature militariste au poing de fer.
« Nous ne pouvons plus ni ne devons rester inactifs
devant cette situation qui menace l'avenir de l'Europe et de l'humanité.
Pendant de longues années, le prolétariat socialiste a mené la lutte contre le
militarisme; avec une appréhension croissante, ses représentants se
préoccupaient dans leurs congrès nationaux et internationaux des dangers de
guerre que l'impérialisme faisait surgir, de plus en plus menaçants. A
Stuttgart, à Copenhague, à Bâle, les congrès socialistes internationaux ont
tracé la voie que doit suivre le prolétariat.
Mais, partis
socialistes et organisations ouvrières de certains pays, tout en ayant
contribué à l'élaboration de ces décisions, ont méconnu, dès le commencement de
la guerre, les obligations qu'elles leur imposaient. Leurs représentants ont
entraîné les travailleurs à abandonner la lutte de classe, seul moyen efficace
de l'émancipation prolétarienne. Ils ont accordé aux classes dirigeantes les
crédits de guerre ; ils se sont mis au service des gouvernements pour des
besognes diverse s; ils ont essayé, par leur presse et par des émissaires, de
gagner les neutres à la politique gouvernementale de leurs pays respectifs; ils
ont fourni aux gouvernements des ministres socialistes comme otages de l'«
Union sacrée ». Par cela même ils ont accepté, devant la classe ouvrière, de
partager avec les classes dirigeantes les responsabilités actuelles et futures
de cette guerre, de ses buts et de ses méthodes. Et de même que chaque parti,
séparément, manquait à sa tâche, le représentant le plus haut des organisations
socialistes de tous les pays, le Bureau socialiste international manquait à la
sienne. »
Cette déclaration se concluait
ainsi :
« C'est le devoir
et la tâche des socialistes des pays belligérants d'entreprendre cette lutte
avec toute leur énergie. C'est le devoir et la tâche des socialistes des pays
neutres d'aider leurs frères, par tous les moyens, dans cette lutte contre la
barbarie sanguinaire.
« Jamais, dans l'histoire du monde, il n'y eut tâche
plus urgente, plus élevée, plus noble ; son accomplissement doit être notre
œuvre commune. Aucun sacrifice n'est trop grand, aucun fardeau trop lourd pour
atteindre ce but : le rétablissement de la paix entre les peuples.
« Ouvriers et ouvrières, mères et pères, veuves et
orphelins, blessés et mutilés, à vous tous qui souffrez de la guerre et par la
guerre, nous vous crions : Par-dessus les frontières, par-dessus les
champs de bataille, par-dessus les campagnes et les villes dévastées :
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
La guerre elle-même produisait
les conditions de la crise révolutionnaire dont la résolution de Bâle menaçait
la bourgeoisie ! Les conditions terribles pour les combattants, les
difficultés des populations à l’arrière, l’augmentation drastique de
l’exploitation du travail dans les usines d’armement sous prétexte de
discipline militaire, la faim, la longueur même du conflit, ont fait ressurgir
le mouvement du prolétariat. Les fraternisations dans les tranchées, les grèves
dans les usines d’armement, le soulèvement national irlandais à Pâques 1916
contre l’impérialisme britannique, en étaient les manifestations avant
coureuses.
La révolution de février 1917
commençait par une grève lancée le 8 mars et des manifestations d’ouvrières
devant la pénurie absolue de nourriture, tandis que dans l’armée le régime
disciplinaire de la caste des officiers nobles du régime autocratique était
totalement rejeté. La nouvelle se répandit à travers l’Europe, et atteignit la
France, où des bataillons russes combattaient aux côtés des Français. Après
l’offensive décidée par Nivelle en avril 1917 où périrent, en vain, tant de
soldats français, de tirailleurs sénégalais, et à laquelle les Russes avaient
d’abord voté leur refus de participer, des mutineries secouèrent profondément
le front français, au point de rendre nécessaire une reprise en main. Pétain en
fut chargé. Il mania la répression sans pitié, faisant fonctionner les
tribunaux militaires, qui condamnaient au hasard et pour l’exemple, à la hâte,
décimant certains bataillons… et la carotte des permissions et de la rotation
des troupes en première ligne. Les soldats russes furent, eux, parqués dans le
camp de la Courtine dans la Creuse, et devant leur volonté d’être rapatriés en
Russie, l’Etat-major les fit bombarder pendant trois jours, jusqu’à
capitulation.
Lorsqu’en octobre, le parti
bolchevik prenait le pouvoir soutenu par les soviets, sa première déclaration,
ses premières décisions, furent précisément de proposer d’ouvrir des
discussions de paix et de proclamer le droit des peuples, à commencer par ceux
de l’Empire russe, à disposer d’eux-mêmes. Seule l’Allemagne engagea pour des
raisons d’ailleurs impérialistes des négociations à partir de décembre 1917.
L’armée russe exsangue, les soldats retournant dans leur village pour y prendre
les terres, la Russie soviétique se trouvait dans l’incapacité de combattre.
Pour hâter la signature du traité et obtenir des conditions plus favorables,
l’impérialisme allemand lança une offensive et finalement obtint la
capitulation souhaitée. Cependant, durant les semaines antérieures à la
signature du traité, la délégation soviétique menée par Trotsky utilisa les négociations comme une tribune,
face à l’intransigeance impérialiste : « La
Russie tout en refusant de signer une paix d’annexion, déclare la fin de la
guerre ».
Si l’Allemagne profita de la
faiblesse de la Russie soviétique, les autres impérialismes se déchaînèrent
contre la « trahison » de la paix séparée, et d’ailleurs intervinrent
militairement dans la guerre civile qui se développa ensuite en Russie, aux
côtés des troupes des dirigeants tsaristes de l’armée. Cependant, la signature
de ce traité dans des conditions terribles permettait à la Russie soviétique de
se maintenir et montrait de facto la voie de la fin de la guerre : l’irruption
révolutionnaire des masses était la seule capable de faire cesser les
hostilités.
Une vague
révolutionnaire en Europe
La Russie soviétique a été le
foyer d’une vague révolutionnaire qui a secoué l’Europe et le monde. Si
l’insurrection irlandaise avait annoncé le début de cette période révolutionnaire,
les mutineries et grèves de l’arrière en France au printemps 1917 furent les
premières conséquences de la révolution de février, de même que la grève générale
de Barcelone en août 1917. Les tentatives révolutionnaires suivantes se
déroulèrent dans les marges de l’ancien empire russe, dans des Etats
nouvellement indépendants, en Finlande en particulier. L’impérialisme s’est
chargé de combattre le plus promptement possible la révolution finlandaise en
même temps qu’il intervenait dans la guerre civile russe. En l’occurrence, en
Finlande, c’est l’impérialisme allemand qui intervenait, tandis qu’en Russie
c’était les impérialismes coalisés du Royaume Uni, de la France, des États-Unis
et du Japon. Par delà leur rivalité, les impérialismes avaient un but
commun : faire refluer la révolution !
En novembre 1918 c’est en
Allemagne, à bout de souffle, que les soldats refusent de poursuivre le
combat : des conseils ouvriers et de soldats se forment sur le modèle
soviétique, dans la marine dès le début du mois de novembre puis dans les
villes ouvrières. L’état-major met fin le plus rapidement possible à la guerre,
le Kayser s’exile et un conseil des commissaires du
peuple est formé avec à sa tête les dirigeants… du SPD. Après avoir permis à la
guerre impérialiste de se dérouler, ils menèrent une politique permettant à
l’Etat bourgeois de se maintenir, en assumant directement le gouvernement, en
luttant contre toute tentative révolutionnaire et en faisant décapiter le
mouvement spartakiste, foyer du communisme allemand, par l’assassinat de Karl
Liebknecht et Rosa Luxemburg en janvier 1919. Dans le même temps
l’Autriche-Hongrie s’effondre. Les Empires disparaissent de la surface de l’Europe !
En Hongrie, dès le 16 novembre est formée une république hongroise des
conseils, où le parti communiste à peine fondé dirige le gouvernement en
alliance avec la social-démocratie, qui finira par rejoindre le camp de la
contre-révolution durant le printemps et l’été 1919.
La vague révolutionnaire ne
touche pas que les pays vaincus, elle touche la tranquille Suisse, elle touche
la Grande-Bretagne, grèves en Ecosse, au Pays de Galles, tandis que la guerre
d’indépendance irlandaise commence en 1919. En France aussi d’importantes
grèves à caractère insurrectionnel se développent durant l’année 1919, notamment
dans les chemins de fer, tandis que la flotte française de la Mer Noire,
positionnée pour combattre la Russie soviétique connaît des mutineries qui
imposent le retrait progressif des troupes françaises de la guerre civile
russe. En Italie, les années 1919 et 1920 sont marquées par d’importantes
grèves avec occupation d’usine et formation de comités ainsi que l’occupation
de grands domaines terriens par les paysans sans terre.
Dans toute l’Europe un
mouvement d’adhésion et de soutien à la révolution russe se traduit par la
volonté de former des partis communistes, de rentrer dans la IIIe internationale
fondée en mars 1919.
L’ennemi
principal est dans notre propre pays
Ce que l’histoire de la
première guerre impérialiste mondiale nous apprend, comme l’étude de toutes les
autres guerres impérialistes, c’est bien que le principal ennemi du prolétariat
se trouve dans notre propre pays, comme l’écrivait Liebknecht dans un tract en
1915. Les guerres, qui sont la « continuation
de la politique par d’autres moyens », gardent le caractère des Etats,
de leurs gouvernements et leurs politiques, des rapports de domination de
classe qu’ils entretiennent. Le brigandage colonial, le pillage des ressources,
la recherche de débouchés pour les capitaux étaient la raison fondamentale de
la Première Guerre mondiale. La bourgeoisie des nations européennes envoya
alors la paysannerie, le prolétariat, la jeunesse au massacre. Elle y envoya
aussi la population de ses colonies. Le bilan de la première guerre
impérialiste mondiale, s’il a été dépassé depuis, illustrait parfaitement le
caractère de barbarie de l’impérialisme.
C’est ce qu’aujourd’hui le
gouvernement voudrait que la jeunesse, le prolétariat commémorent ? Dans
un esprit de rassemblement national ? Hollande, le descendant des
sociaux-démocrates qui aidèrent la bourgeoisie impérialiste à obtenir l’Union
sacrée derrière sa politique, cherche à nouveau à invoquer le patriotisme. Le
patriotisme, le soutien à l’impérialisme est un poison mortel pour
l’émancipation des classes dominées, pour l’humanité dans son entier, toute
l’histoire le confirme. La jeunesse et la classe ouvrière rejettent ce cancer,
cette idéologie rance, qui unit la politique du gouvernement aux champions du
nationalisme, qui fait pression sur lui pour accentuer le caractère
réactionnaire de sa politique, notamment face aux travailleurs, aux
travailleurs immigrés, pour soutenir les intérêts du capital. La jeunesse et le
prolétariat peuvent à bon droit reprendre les lignes du tract de 1915 rédigé
par Karl Liebknecht :
« L'ennemi
principal du peuple allemand est en Allemagne : l'impérialisme allemand,
le parti de la guerre allemand, la diplomatie secrète allemande. C'est cet
ennemi dans son propre pays qu'il s'agit pour le peuple allemand de combattre
dans une lutte politique, en collaboration avec le prolétariat des autres pays,
dont la lutte est dirigée contre ses propres impérialistes ».
Faire honneur à la mémoire de
la jeunesse de cette époque, du prolétariat, confrontés entre 1914 et 1918 à
cette terrible guerre impérialiste, c’est reprendre à notre compte, dans les
conditions actuelles, les mots d’ordre de Liebknecht. C’est combattre notre
propre impérialisme, combattre les guerres qu’il mène en Afrique, en exigeant
des dirigeants du mouvement ouvrier qu’ils dénoncent cette politique et
reprennent la revendication : troupes françaises hors d’Afrique. C’est
combattre pour que les organisations du mouvement ouvrier ne se vautrent pas
dans le bain nauséabond du nationalisme et de la « mémoire », pour au
contraire tirer les leçons de l’histoire. C’est combattre pour la rupture avec
un gouvernement qui prétend en permanence s’inspirer de l’Union sacrée pour
promouvoir une politique d’association du capital et du travail, une politique
d’association des dirigeants des organisations issues du mouvement ouvrier à sa
politique de défense du capitalisme en crise, de l’impérialisme putréfié, qui
n’offre pourtant d’autre issue que l’aggravation permanente des conditions
d’existence de la jeunesse et du prolétariat.
19 novembre 2013.