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Article paru dans Combattre pour le socialisme n°81 d'avril 2000

Défense de l’ordre bourgeois :

Les partis sociaux-démocrates en première ligne

 

Guerre impérialiste contre la RFY


De fin mars à début juin 1999, pour la première fois depuis 1945, les grandes puissances capitalistes réunies au sein de l’OTAN ont lancé une guerre en plein cœur de l’Europe, une guerre d’agression contre la République Fédérale de Yougoslavie (Serbie-Monténégro), contre tous les peuples des Balkans.

  Fait remarquable, les principales puissances impérialistes européennes ce sont engagées politiquement et militairement derrière l’impérialisme américain alors que les gouvernements en place étaient dirigés et vertébrés par les partis sociaux-démocrates.

  Le gouvernement Blair, en Grande-Bretagne a été constitué en mai 1997 suite à la victoire écrasante de Labour Party lors des élections générales du 1er mai 1997. Avec 43,17 % des exprimés, le Labour Party remportait 419 des 659 sièges au parlement, c’est-à-dire un niveau en sièges jamais atteint par lui depuis sa constitution en 1906.

  Le gouvernement PS-PCF-Verts-Mdc-Prg dirigé par L. Jospin s’est mis en place en juin 1997. Il s’appuie sur la coalition de la « gauche plurielle » à l’Assemblée Nationale, constituée par les groupes parlementaires socialiste, communiste et radical-citoyen-vert. Suite aux différentes élections partielles qui ont eu lieu depuis juin 1997 et du fait du remplacement de certains députés appelés au gouvernement par leurs suppléants, la composition de ces groupes est la suivante : le groupe socialiste rassemble 254 députés dont 9 apparentés PS ; le groupe communiste 36 députés dont 2 apparentés PCF et le groupe RCV 30 députés dont 13 PRG, 8 MDC, 5 Verts, 3 Parti Communiste Réunionnais et 1 divers gauche.

Il convient de rappeler que lors des élections législatives de 1997, au premier tour, si l’on excepte la débâcle des élections législatives de 1993 (le PS avait plongé à 17,6 % des exprimés), le PS a réalisé son plus mauvais score depuis 1981 (25,5 % des exprimés contre 36,3 % en 1981, 31,2 % en 1986 et 34,8 % en 1988) ; il en est de même pour le PCF. Malgré cela, PS et PCF obtenaient à eux deux une large majorité relative, frôlant la majorité absolue (laquelle se situe à 289 voix) à l’Assemblée Nationale notamment du fait du maintien du Front National au deuxième tour des élections, qui a directement provoqué la perte de plus de quarante siège pour le RPR, DL et l'UDF.

  Depuis octobre 1998, après la victoire du SPD aux élections générales de septembre où il a obtenu 40,9 % des exprimés et 298 sièges sur 669 au Bundestag, G. Schröder dirige un gouvernement de coalition SPD-Verts

  Ces trois gouvernements sont des gouvernements bourgeois, dont la nature est matérialisée politiquement par le fait que ce sont des gouvernements d’alliance entre les partis ouvriers traditionnels (le PS et le PCF en France, le SPD en Allemagne, le Labour Party en Grande-Bretagne) et des partis bourgeois (les Verts en France et en Allemagne, le MDC et le PRS en France) ; en Grande-Bretagne le gouvernement Blair comprend nombre de personnalités qui ne sont pas membre du Labour et qui sont des représentants directs de la bourgeoisie. Leur comportement pendant la guerre impérialiste contre la RFY – soutien total et participation à la guerre, au nom de la lutte contre Milosevic - est la manifestation au plus haut niveau de leur caractère de gouvernement bourgeois au service du capital.


Retour sur les élections européennes


Les élections européennes de juin 1999 permettent de situer la place politique qu’occupent les partis sociaux-démocrates en Europe. Bien entendu il faut garder à l’esprit le caractère particulier de ses élections traditionnellement marquées par une forte abstention, où la question du pouvoir n’est pas directement posée et où dans tous les pays les listes présentées par les partis sociaux-démocrates, ceux issus des ex agences de la bureaucratie du Kremlin aujourd’hui disloquée que sont les partis communistes, et même les listes classées dans la catégorie « extrême gauche » sont en général des listes comportant des représentants de partis et organisations bourgeoises. De plus dans certains pays, la multiplication des listes vient brouiller les cartes.

Par pays les résultats des dernières élections européennes ont été les suivants (en % des exprimés –source Le Monde du 15/O6/99 et site internet rfi.fr). Il faut préciser que pour l’Italie, il est considéré que DS (Démocrates de Gauche) a pris la place du parti socialiste, qu’en Grèce ont été cumulés les scores des deux PC (KKE et SYN), qu’en Belgique ont été cumulés ceux des socialistes flamands et francophones (SP et PS), qu’en Espagne, la liste du PCE était commune avec celle des écologistes et qu’enfin, en Allemagne, le PDS, survivance de l’ancien PC stalinien au pouvoir dans la partie Est de l’Allemagne avant la réunification, n’est pas un parti ouvrier bourgeois.


 

Pays

Listes « PS »

Listes « PC »

Listes  « extr.gauche »

France

21,95

6,78

5,18

Portugal

43,06

10,32

-

Espagne

35,34

5,78

-

Italie

17,3

4,3

-

Royaume-Uni

28,0

-

-

Danemark

16,0

6,9

7,1

Belgique

18,6

-

-

Pays-Bas

20,1

-

5,0

Suède

26,1

15,8

-

Finlande

17,8

9,1

-

Autriche

31,7

-

-

Allemagne

30,7

-

-

Grèce

32,88

13,79

-

 


Ces données peuvent être complétées par les résultats récents des dernières élections législatives en Espagne et en Grèce. En Espagne, bien que battu, le PSOE obtient 34,08% des exprimés tandis qu’en Grèce, le PASOK est à nouveau vainqueur avec 43,7 % des exprimés.


Les partis sociaux démocrates en première ligne


Au sein des pays de l’Union Européenne, sept sont dirigés par des coalitions gouvernementales vertébrées par les partis sociaux-démocrates, gouvernement où ils sont présents en apparence seul ou ouvertement en coalition avec de petits partis bourgeois (Allemagne, France, Royaume-Uni, Danemark, Grèce, Portugal et Suéde). Les dirigeants des partis sociaux-démocrates italien et néerlandais sont à la tête de gouvernement de coalition dits de « centre gauche » ; en Finlande, en Belgique et au Luxembourg, les partis sociaux-démocrates participent à des gouvernement dits de « grande coalition ». Parmi les quinze pays de l’UE, seuls trois sont dirigés par des gouvernements constitués uniquement de partis bourgeois : l’Autriche, l’Espagne et l’Irlande.

  La politique des gouvernements dirigés par les partis sociaux-démocrates ou avec leur participation ne se différencie pas de celle de tous les gouvernements bourgeois, bien que, contradictoirement, leur venue au pouvoir corresponde le plus souvent à une défaite électorale subie par les partis bourgeois.

Partout, ils ont engagé des programmes de remise en cause des acquis du prolétariat correspondant aux objectifs poursuivis par le capital pour repousser les échéances inéluctables de la crise de dislocation du mode de production capitaliste en luttant contre la baisse du taux de profit.

  Pour tous ces gouvernements le même programme : généralisation de la flexibilité du travail et des formes de travail précaire, défense de «l’économie de marché », remise en cause des droits à la santé et à l’enseignement, privatisation des grandes entreprises publiques, liquidation des régimes de retraites, de protection sociale et de toutes les garanties collectives, développement de formes diverses de l’actionnariat salarié, aides massives aux patrons et aux « créateurs d’entreprises », prise en charge de la collaboration entre les capitalismes au sein de l’Union Européenne etc. Au sein de ces gouvernement, les partis sociaux-démocrates sont en première ligne dans le combat contre le prolétariat, au service du capitalisme et en défense de l’ordre bourgeois.


Des partis ouvriers bourgeois


Ces partis sont des partis ouvriers bourgeois. Ce sont et ils restent des partis ouvriers au sens où historiquement ils sont issus de la deuxième internationale, internationale qui a joué un rôle indissociable de la constitution du mouvement ouvrier en tant que tel. Ce sont des partis ouvriers bourgeois qui ont trahi le combat historique du prolétariat pour en finir avec le mode de production capitaliste et instaurer le socialisme. Cette transformation qualitative de partis ouvriers en partis ouvriers bourgeois s’est cristallisée en août 1914, quand la deuxième internationale et ses partis, à l’exception du Parti Bolchévique, sont définitivement passés du coté de l’ordre bourgeois, chacun d’entre eux s’alignant derrière la bourgeoisie de son pays dès le début de la première guerre mondiale.

  De ce point de vue, «l'Internationale socialiste », dont la dernière réunion s’est tenue en novembre 1999 à Paris, est une fiction politique. En effet les limites d’une simple collaboration entre les partis sociaux-démocrates sont tout simplement celles de la collaboration possible à un moment donné entre les bourgeoisies respectives de leurs différents pays. Ce qui oriente fondamentalement la politique de ses partis, c’est d’abord la défense des intérêts de leur propre bourgeoisie.

  Mais malgré la trahison de la deuxième internationale, ces partis n’ont pas pour autant cessé d’être des partis ouvriers. Ils incarnent une continuité historique dans le mouvement ouvrier tout en se le subordonnant et en le subordonnant à la société bourgeoise.

  En réalité, aujourd’hui, les partis sociaux démocrates n’existent encore qu’autant qu’ils se situent dans le fil de cette continuité historique. Ainsi, en Europe occidentale, les partis socialistes sont au plan électoral les partis pour lesquels la plus grande fraction du prolétariat vote et constitue en ce sens sa principale représentation politique. Et cela d’autant plus qu’avec la dislocation de la bureaucratie du Kremlin, ses agences qu’étaient les PC sont pour la plupart en crise et dans certains pays en voie d’une totale de disparition. A l’inverse, dans les pays où des régimes fascistes (Espagne, Portugal) ou des dictatures militaires (Grèce) se sont effondrés sous les coups des masses dans les années 1970, les partis socialistes pourtant exsangues et réduits à la portion congrue, se sont reconstitués comme partis de masse. Il en a été ainsi pour le PSOE en Espagne, le PSP au Portugal et le PASOK en Grèce. Tel n’a pas été le cas pour les partis communistes dans ces pays.

  Dans un autre contexte, en Italie, le PCI, agence de la bureaucratie du Kremlin, s’est disloqué et une fraction issue de ses rangs à pris la place du vieux PSI, disqualifié et pourri par la corruption. En France, à la fin des années 1970, le PS a pris définitivement le dessus sur le PCF dans les élections, lequel subit une érosion continu de son électorat.

  Le prolétariat rejette les partis sociaux-démocrates en tant qu’organisation traîtres, d’autant plus que au cours des vingt dernières années ces partis ont été au gouvernement et ont appliqués une politique de défense du capitalisme. Mais dans le même temps, quand il entre en mouvement ou quand il est possible de manifester sur le terrain des élections l’aspiration à un gouvernement ouvrier, il n’a pas d’autre alternative que de se tourner vers ses organisations traditionnelles. En effet la destruction de la quatrième internationale et l’absence totale de Parti Ouvrier Révolutionnaire ou d’organisation combattant pour un tel parti ayant une implantation significative ne lui laissent pas d’autres choix.

  Pour les bourgeoisies, bien qu’elles soient parfaitement conscientes que les partis sociaux-démocrates se situent totalement et irrémédiablement du coté de la défense de l’ordre bourgeois, il faut les combattre en tant que partis ouvriers, pour les affaiblir et en dernière analyse les détruire. Cet objectif participe de son combat pour interdire toute expression politique du prolétariat en tant que classe.


Du manifeste Blair-Schröder…


Le 8 juin 1999, à la veille des élections européennes, Blair et Schröder publiaient un manifeste intitulé « Europe : la troisième voie, le nouveau centre ». Dans ce manifeste, on peut lire en particulier :

  « L’État doit soutenir les entreprises mais ne pas se substituer à elles. Dans le passé, la promotion de la justice sociale a souvent été confondue avec l’exigence de l’égalité. Du coup le sens de l’effort personnel et celui de la responsabilité ont été ignorés ou n’ont pas été récompensés, et la social-démocratie a été associée au conformisme et la médiocrité au lieu d’incarner la créativité, la diversité et la performance.

La justice sociale ne se mesure pas à la hauteur des dépenses publiques. L’opinion selon laquelle l’État doit corriger les déficiences du marché a trop suivant conduit à une extension de l’administration et de la bureaucratie.

Un emploi pour une vie entière : cette notion est dépassée. Les sociaux-démocrates doivent répondre aux exigences de plus en plus grandes de flexibilité et en même temps maintenir des normes sociales minimales. Le niveau des dépenses de l’État a plus ou moins atteint les limites de l’acceptable.

Dans le passé, les sociaux-démocrates ont été identifiés à des impôts élevés, en particulier sur les entreprises. Les sociaux-démocrates modernes reconnaissent que les réformes fiscales et les baisses d’impôts peuvent contribuer à réaliser leur objectifs en matière sociale.

Les entreprises doivent avoir suffisamment de marges de manœuvre. Elles ne doivent pas étouffer sous les règlements et les paragraphes. Les marchés du travail, du capital et des biens doivent être flexibles : nous ne devons jamais combiner la rigidité dans un secteur avec l’ouverture et le dynamisme dans d’autres.

Un système de sécurité sociale qui finit par entraver les capacités à trouver de l’emploi doit être réformé. Les sociaux-démocrates modernes veulent transformer le filet de sécurité composé par les acquis sociaux en un tremplin pour la responsabilité individuelle » (Le Monde du 10/O6/99).

  C’est tout simplement édifiant. Ce manifeste n’aurait pas été signé par ses auteurs, son contenu aurait pu être attribué à des représentants parmi les plus réactionnaires du Capital. La bourgeoisie ne s’est pas trompée sur l’importance politique de ce texte. Le Monde Diplomatique de juillet 1999 commentait :

 «Selon eux, d’une part le capitalisme, adossé à l’irremplaçable économie de marché, d’autre part l’entreprise, créatrice de richesse, constituent l’unique horizon possible pour le 21ème siècle. Ils n’estiment n’avoir rien à craindre des options communistes et socialistes, qui seraient désormais inadaptées aux sociétés contemporaines » et il poursuivait plus loin «Ce qu’il y a de plus significatif dans le manifeste néolibéral de MM Blair et Schröder, c’est l’assurance et la radicalité avec lesquelles ils déclarent que tous ceux qui, depuis vingt ans, annonçaient la mort de la social-démocratie avaient raison. »

  Par ce manifeste, Blair et Schröder affirment leur intention de s’engager autant qu’ils le peuvent dans l’adaptation de leurs partis aux besoins du mode de production capitaliste. Leur objectif est de contribuer le plus possible, de toutes leurs forces, au désarroi politique du prolétariat. Leur credo est simple : hors du capitalisme, point de salut ! Par la même, ils se placent à l’avant-garde du combat politique pour ôter leur caractère ouvrier au Labour Party et au SPD et pour participer de leur liquidation en tant que partis ouvrier.


…au sommet de Florence


C’est sur le même axe politique que le 21 novembre 1999, à l’initiative de l’institut universitaire européen et de l’université de New York, s’est tenue à Florence un séminaire qualifié de "progressiste" et destiné à contribuer à "dégager une politique commune conciliant «la nouvelle économie» et la «justice sociale»" (Le Monde du 21-22/11/99).

Aux cotés de Bill Clinton, président des États-Unis et de Fernando Henrique Cardoso, président du Brésil, y ont participé D’Alema, Blair, Schröder et Jospin. Politiquement, pour les trois derniers nommés, il s’est agit de faire acte d’allégeance au représentant du premier dirigeant de l’impérialisme américain, le leader de la contre révolution mondiale, celui qui de part le monde, de l’Irak à la Yougoslavie, est la pièce maîtresse pour maintenir les peuples sous la domination et le joug de l’oppression impérialiste.

  Selon Le Monde du 23/11/99 :« Jospin ne boudait pas son plaisir. Il a pris place à gauche du président américain. Le premier ministre a plaidé pour la « régulation » au niveau international et a dénoncé les risques d’un « capitalisme chimiquement pur », en soulignant que les « quatre cinquième de la planète » sont à l’écart de la « nouvelle économie ». Il a surtout goûté les compliments de M. Clinton, qui l’a félicité pour la « croissance importante » de l’économie française (…) le président américain, qui a eu un aparté remarqué avec le premier ministre français, a repris la formule de M. Jospin-« oui à l’économie de marché, non à la société de marché »-, en constatant, entre eux, « une façons très similaire de voir le monde. M.Jospin n’avait plus ensuite qu’à inviter les États-Unis à faire « un exercice délicat  [sic !]» de leur puissance (…) »

  Du sommet de Florence, peu importe le contenu des débats. L’important c’est qu’il ait eu lieu et qu’autour de la même table se soient réunis avec la même étiquette de « réformateurs » les dirigeants du PS, du Labour Party du SPD, entre d’autres termes les sommets de la social-démocratie dans le monde, et le chef de file de l’impérialisme. Ils ont accompli un acte d’une importance politique considérable sur la ligne du soutien à l’impérialisme mondial. Le fait qu’ils puissent se le permettre, au même titre que la publication du manifeste Blair-Schröder, est une illustration du désarroi du prolétariat et de la manière dont les partis sociaux-démocrates sont en tant que tels une force politique active pour accentuer sa « misère » politique.


Sur les pas de Blair et Schröder


Dès la publication du manifeste Blair-Schröder, Jospin s’en est démarqué… timidement. Les relations internes au PS le lui ont imposé ; mais en aucun cas il n’a émis de condamnation du cours suivi par ses « amis ». Ainsi, lors d’un meeting pour la campagne des élections européennes, il déclarait :

 « Je préfère suivre notre chemin, celui de la gauche moderne, celui de la majorité plurielle, de la croissance, du progrès social et de la modernité. Tony Blair et Gerhart Schröder sont des amis. Je les vois souvent. Ils m’avaient proposé d’écrire avec eux. Mais la gauche française n’imite pas, elle s’exprime. elle n’est pas une copie conforme, elle a une figure originale. Elle n’est pas isolée, elle avance avec les autres. » (Le Monde du 11/06/99).

  Mais qu’elle est la « figure originale » dont parle Jospin ? A la « troisième voie » de Blair et au « nouveau centre » de Schröder, il prétend opposer la « nouvelle alliance ». Qu’en est-il ? Jospin en définit les bases dans un entretien publié dans La Revue Socialiste (n°1, printemps 1999). Il indique :

 « Lors de mon intervention à la dernière université du Parti Socialiste à La Rochelle, je m’étais livré à une réflexion sur cette nouvelle cohérence. En particulier, je m’étais référé, pour en faire une critique d’aujourd’hui à deux slogans de l’histoire socialiste. L’un fut émis par Bernstein, en 1902 : « la fin n’est rien, le mouvement est tout ». Je crois pour ma part, que des références, des objectifs, donc des « fins » sont nécessaires et que l’on ne peut se référer exclusivement au mouvement. L’autre est la tradition léniniste : « la fin justifie les moyens ». Il a conduit une partie de ce siècle au désastre. Pour moi le socialisme démocratique est, au contraire, l’invention constante d’une juste articulation entre la fin et les moyens ; aujourd’hui, ce sont nos valeurs qui fondent notre identité politique plus que les moyens nécessaires pour les atteindre. Pendant longtemps, on a défini le socialisme par l’appropriation collective des moyens de production : cela n’a plus le même sens aujourd’hui.

Ainsi, notre politique industrielle a dépassé la question de la nature de la propriété des moyens de production.(…) Ce qui compte, pour moi, en l’occurrence, ce sont les fins de la politique industrielle que nous conduisons : l’emploi, la croissance, la puissance économique et industrielle de nos entreprises, la place de la France. Si défendre ces objectifs nécessite d’ouvrir le capital d’une entreprise publique, voire de la privatiser, alors nous y consentons. »

  Le "socialisme" de Jospin, c’est le socialisme sans l’appropriation collective des moyens de production, laquelle aurait été avec le « léninisme » - léninisme que Jospin caricature outrageusement, participant pleinement de la confusion politique savamment entretenue entre bolchevisme et stalinisme - la cause de tous les maux de l’humanité : on comprend qu’il se réduise effectivement à un ensemble de « valeurs ».

  Plus loin, il précise : « Une des leçons de ce siècle, pour la social-démocratie, est qu’il n’est sans doute plus possible de la définir comme un système parmi d’autres système. Plus qu’un autre, elle est une façon de réguler la société et de mettre l’économie de marché au service des hommes. Elle est une inspiration, un mode d’être, une façon d’agir, une référence constante à des valeurs à la fois démocratiques et sociales. En cette fin de siècle, penser et agir en termes de systèmes – système capitaliste, système d’économie planifiée -, ou bien définir à notre tour, un nouveau système, ne me paraît pas constituer un impératif. Je ne sais plus ce que serait le socialisme en tant que système. Mais je sais ce que peut être le socialisme en tant qu’ensemble de valeurs, en tant que mouvement social, en tant que pratique politique ».

  Au-delà de ce boniment, auquel seuls les défenseurs de l’ordre bourgeois et les imbéciles peuvent souscrire, la réalité de l’activité « régulatrice » de « l’économie de marché » (termes utilisés pudiquement pour désigner le capitalisme) par le gouvernement dirigé par Jospin, c’est: la liquidation de Renault Vilvorde, les privatisations, la loi Aubry dite des « 35 heures » généralisant la flexibilité et liquidant les conventions collectives, l’application de la réforme-destruction de la sécurité sociale, la mise en œuvre des contre réformes de l’enseignement, les licenciements massif chez Michelin, les projets de liquidation des régimes de retraites des fonctionnaires, les projets à caractère corporatiste pour l’épargne salariale, l’écrasement sous les bombes des peuples des Balkans etc. Bref une politique entièrement au service du capitalisme français.

Fondamentalement, il n’y a aucune différence entre les bases politiques de la « nouvelle alliance » prônée par Jospin et celles de la « troisième voie » et du « nouveau centre » de ses « amis » Blair et Schröder. Il s’agit du même combat politique contre le socialisme en défense du mode de production capitaliste. Mais Jospin doit mener ce combat en tenant compte du contexte spécifique au PS.


Législatives de juin 1997 : la divine surprise


Le dernier congrès du PS s’est tenu à Brest en novembre 1997. Le PS était encore sous le choc de l’émotion due à la divine surprise qu’avait constituée pour lui la défaite de Chirac lors des élections législatives de juin. Contre toute attente, le PS retrouvait à nouveau le chemin du pouvoir en dirigeant le gouvernement PS-PCF-Verts-Mdc-Prg.

  Après l’échec de l’opération Delors qui visait à l’imposer comme candidat soutenu par le PS lors de l’élection présidentielle, Jospin, soutenu par les partisans de Delors a été désigné comme candidat du PS en mai 1995. Ensuite, fort du score électoral réalisé aux premier (23,3% des exprimés) et second (47,3% des exprimés) tours de l’élection présidentielle, soutenu par la plus grande partie du « pôle rénovateur» de Mauroy et Aubry, par Rocard et ses partisans, avec l’assentiment de Fabius, Jospin a décidé de prendre la tête de la « rénovation » du PS. En octobre 1995, suite un vote à caractère plébiscitaire, il était désigné premier secrétaire en remplacement d’Emmanuelli Après un an de régime Jospin, CPS n° 65 daté du 30/11/96 tirait un premier bilan :

 « Le processus de « rénovation » tel qu’il s’est matérialisé au travers des conventions thématiques, autant dans leur contenu que dans la forme, a en grande partie satisfait aux exigences du « pôle rénovateur » et des rocardiens à la pointe de la dénaturation du PS en tant que parti ouvrier. D’un autre côté, L. Jospin a conclu une paix armée avec son rival L. Fabius en lui laissant les coudées franches à la tête du groupe parlementaire du PS à l’Assemblée Nationale. L. Jospin et L. Fabius  se sont mis d’accord pour la convocation du prochain congrès en novembre 1997. Les partisans du PS en tant que tel sont rassurés.

Ils savent que L. Jospin a retenu le dernier message de F. Mitterrand à l’adresse des dirigeants du PS : la liquidation du PS poussée à son terme signifierait l’impossibilité de retrouver le chemin du pouvoir et de retourner aux affaires. A la tête du PS, la pratique de L. Jospin combine son ambition personnelle - devenir un jour président de la 5ème république – qui lui impose de ne pas aller jusqu’au bout dans la liquidation même s’il le pouvait et la nécessité de s’engager à fond et plus ouvertement dans la défense de l’ordre bourgeois, dans l’immédiat celle du gouvernement Chirac-Juppé, en prenant une part activement au combat contre la perspective du socialisme. ».

  Au congrès de Brest, les dirigeants du PS décidaient de faire bloc autour du nouveau gouvernement auquel ils ont apporté depuis un soutien quasi inconditionnel sur l’essentiel de sa politique jusqu’au mouvement des travailleurs des finances en février-mars 2000. F. Hollande était alors élu premier secrétaire sur la base d’une motion rassemblant tous les « courants », laquelle obtenait 84,07 % des mandats, à l’exception de la Gauche Socialiste dont la motion obtenait 10,21 % des mandats et des débris du courant du défunt Poperen qui rassemblait 5,43 % des mandats. Le nouveau conseil national était composée sur la base d’un savant équilibre entre les différentes cliques et écuries. 51,5 % des sièges revenait au « bloc majoritaire » (deloristes, jospinistes, rodardiens regroupés au sein de l’Action pour un Renouveau Socialiste), 23 % au fabiusien, 1O,3 % à la Gauche Socialiste, 7,4 % aux partisans d’Emmanuelli, 5,4 % aux ex poperenistes et 2,4 % aux partisans de Mermaz.


Un parti ouvrier traître…


Vis-à-vis du premier gouvernement dirigé par Jospin, de juin 1997 à février 2000, le PS a fait preuve d’une docilité exemplaire, soutenant à tout moment l’essentiel de sa politique. Les quelques escarmouches à propos du partage de la « cagnote » ou du taux d’imposition des stock-options ne changent rien à l’affaire.

  Il est en particulier très significatif que l’ensemble du PS, tous courants confondus, y compris la Gauche Socialiste, ait salué la loi Aubry comme une «avancée sociale». Le PS l’a défendue dans ces grands principe, se bornant à l’amender sur quelques points d’ordre secondaire afin de rendre la potion administrée au prolétariat moins amère. Les manifestations de résistances à cette loi réactionnaire qui ce sont exprimées, certes d'une manière limitée mais réelle, au sein des organisations syndicales ouvrière et dans la classe ouvrière elle-même n’ont pas eu d’écho dans le PS.

 

Les liens du PS avec les masses exploitées, l’ensemble du prolétariat, sont distendus à l’extrême. Ainsi, en 1999, le PS revendiquait près de 150 000 adhérents dont moins de 5% d’ouvrier, 11% d’employés et 20% d’enseignants du secondaire et d’instituteurs. Seulement 5,63 % des adhérents ont moins de 30 ans (dont moins de 20 ans 0,3% !), et l’âge moyen est de 55 ans. Depuis l’éclatement de la FEN, les liens du PS avec le mouvement syndical enseignants ce sont délités et la plus grande majorité des adhérents du PS qui ont une activité syndicale dans les entreprises et la fonction publique militent à la CFDT. Le PS possède des milliers d’élus à tous les niveaux (députés, conseillers généraux et régionaux, maires et conseillers municipaux etc.). Autour de ces derniers, quelques dizaines de milliers d’adhérents gravitent et constituent une partie du « monde associatif » bénéficiant plus ou moins directement sinon de prébendes au moins d’ «avantages .

La quasi totalité de ses adhérents sont politiquement organiquement attachés à la société bourgeoise. Cette composition politique et sociale est une expression du caractère ultra dégénéré du PS en tant que parti ouvrier.

Le PS en tant que tel est disposé à prendre en charge la politique bourgeoise du gouvernement et à suivre L. Jospin sur l’orientation de la « nouvelle alliance ».


… partie constituante de la représentation politique du prolétariat


Trotsky qualifiait les partis sociaux démocrates de partis ouvriers bourgeois parlementaires. Cette caractérisation s’applique au PS en France. Il n’existe en tant que parti qu’autant qu’il a la possibilité au sein de la société bourgeoise d’être la représentation politique du prolétariat tout en jouant le rôle de le subordonner à la domination de la bourgeoisie.

  D’une certaine manière, le PS doit son existence au fait que le prolétariat, en l’absence d’autre possibilité et bien que n’ayant plus la moindre illusion sur lui, cherche à l’utiliser en tant que parti ouvrier contre la bourgeoisie. C’est pourquoi, au sein du PS comme au sein des la plupart des partis sociaux démocrates s’expriment constamment des manifestations de résistance à sa liquidation, à sa transformation en un parti bourgeois. Les courants, cliques, voire « personnalité » qui expriment cette tendance ne sont pas moins attachées politiquement à la société bourgeoise que ceux qui sont les partisans déclarés de sa « rénovation ».

  Il en résulte que quand les masses entrent en mouvement et qu’elles cherchent à affronter la bourgeoisie et le gouvernement à son service, leur action peut trouver un écho déformé au sein du PS, surtout quand ce dernier est au gouvernement, et y provoquer de sérieuses tensions. Il ne fait aucun doute que le retrait de la réforme des impôts se doit en partie au fait qu’à plusieurs reprises des voix se sont élevées dans le PS pour inciter le gouvernement à aller dans ce sens, d’autant plus fermement que le mouvement des travailleurs prenait de l’ampleur. De la même manière nombre de dirigeants du PS ont été alarmés et l’ont fait savoir par le fait lors de l’élection partielle du 20 mars 2000, dans la circonscription de. Pau-Est,

«il n’avait manqué que 76 voix au candidat socialiste pour l’emporter sur son adversaire UDF (…) Or les socialistes du coin participant au dépouillement ont découvert avec horreur que 150 bulletins ont dû être déclarés nuls parce qu’ils étaient rageusement biffés avec l’inscription : « Allègre » »

(Le Canard Enchaîné du 29/03/2000).


Jospin serre les boulons


Le 23 mars 2000 L. Jospin a procédé à un remaniement ministériel. Il s’agissait d’une manœuvre politique ainsi que l’explique l’éditorial de ce numéro de CPS. Mais au-delà, ce remaniement a été l’occasion de resserrer les boulons au sein du PS.

  Le prochain congrès est programmé pour novembre prochain à Grenoble. D’ici là le gouvernement doit poursuivre son offensive contre les masses sur des questions vitales pour le prolétariat. Il s’agit en particulier de la réforme-destruction des régimes de retraites des fonctionnaires et des travailleurs des entreprises publiques et, sur un autre plan, de la mise en place système d’épargne salariale.

Pour avancer le gouvernement a besoin de l’engagement des dirigeants des centrales syndicales ouvrières et enseignantes ; mais il doit aussi s’assurer d’un soutien sans faille du PS. Il doit tenir compte du fait que les débats sur ces questions ont déjà provoquées de sérieuses réticences à s’engager parmi de nombreux dirigeants du PS.

  C’est pourquoi Jospin a appelé Fabius et certains représentants de la vieille garde mitterrandiste en renfort. A cette occasion, contre un maroquin, le sénateur Mélanchon, dirigeant de La Gauche socialiste, a accepté de participer à l’opération. Tous les courants du PS étant maintenant représentés au gouvernement par leur ténors, il espère ainsi être en mesure de le cadenasser dans les prochains mois.


Notre position


Notre combat politique est de participer au combat pour la construction du parti Ouvrier révolutionnaire et le l’Internationale ouvrière révolutionnaire. Le PS en France, les partis sociaux-démocrates, ne sont pas redressables. Ils sont définitivement passés du côté de l’ordre bourgeois. La victoire de la révolution prolétarienne sous la direction du POR et de l’IOR impliquera la destruction de ces partis à la manière dont le prolétariat russe a liquidé le parti menchevik en prenant le pouvoir sous la direction du parti bolchevik.

  Mais le PS, les partis sociaux démocrates restent des partis ouvriers des partis ouvriers de plus en plus dégénérés. De plus du fait de la crise de la direction révolutionnaire, ils constituent la principale représentation politique du prolétariat. Toutefois  leurs rapports avec le prolétariat doivent être correctement appréciés. A l’avenir il est très peu probable que se reproduisent des situations analogues à celles des années 34-35 ou 44-45 en France où une fraction de la classe ouvrière a fait mouvement vers l’intérieur de la SFIO. Le rapport des masses au PS, aux partis sociaux-démocrates combine à la fois la haine de ce qu’il représente et le fait que malgré leur pourriture et leur dégénérescence, en l’absence de POR, ils constituent les seuls instruments utilisables pratiquement, avec certains PC, comme partis ouvriers dans le combat contre la bourgeoisie.

  Dans l’immédiat, c’est la bourgeoise qui combat pour leur destruction. Nous sommes contre la destruction de ces partis par la bourgeoisie car elle serait la manifestation d’une défaite politique infligée à la classe ouvrière.


23 avril 2000

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