Article paru dans Combattre
pour le Socialisme n°80 de janvier 2000
Le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli poursuit la liquidation de l'enseignement supérieur public
Une offensive tous azimuts
contre l'enseignement supérieur public et la recherche
Depuis
son entrée en fonction, le gouvernement
Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli n'a eu de cesse de porter l'accent
sur l'Education Nationale et la Recherche publique - un de ses "chantiers
prioritaires". Tout dernièrement encore, Allègre écrivait dans une
contribution au Monde, intitulée "Le
commerce mondialisé de l'esprit":
"On
l'a dit, prédit, écrit: le savoir sera la matière première du XXIème siècle
(...) On réalise soudain que cette matière grise intellectuelle entraîne avec
elle les mêmes conséquence que toute matière première: commerce, argent,
pouvoir, tentation du monopole, bref ce qui transforme tout objet - fût-il
intellectuel - en marchandise."
Puis
il ajoute: "c'est l'éducation qui
est la clef la plus importante de notre avenir." (Le Monde du 18 décembre 1999)
Derrière
le charabia habituel sur la pseudo-"mondialisation" se cache une
nécessité - celle, pour la bourgeoisie française, de traiter toute production,
tout travail, toute formation intellectuelle en "marchandise", de
subordonner étroitement l'enseignement public et la recherche à leurs intérêts
immédiats - et une volonté politique - celle du gouvernement, de son ministre
de l'Education Nationale Claude Allègre d'aller dans ce sens.
La
manière dont le gouvernement entend traiter "la clef la plus importante de notre avenir", l'éducation,
s'exprime concrètement dans tout un arsenal de contre-réformes en chantier ou
en cours d'application, du primaire à la recherche publique: "Charte du
XXIème siècle", contre-"réforme" des collèges et lycées,
suppressions de postes statutaires par milliers dans la Fonction Publique, déploiement
de milliers d'"emplois-jeunes", offensive tous azimuts contre les
personnels de l'enseignement public, "réformes" de privatisation de
la recherche publique...
Avec
plus de deux millions d'étudiants qui entendent obtenir un diplôme qualifiant, reconnu,
et se prémunir contre l'exploitation capitaliste la plus crue ou le chômage,
l'enseignement supérieur public est bien sûr lui aussi dans le collimateur du
patronat français.
Voyant
d'un très mauvais œil depuis des lustres la "massification" de l'accès
aux université, ses objectifs sont: expulsion au plus tôt de la plus grande
masse des étudiants; liquidation des diplômes et qualifications nationales au
profit de l'"alternance", des stages; institution d'un enseignement à
deux vitesses, avec des "pôles d'excellence" réservés à
l'"élite" d'une part, et de l'autre des facs-bidon étroitement
associées au patronat local. Tendre à cet égard vers le "modèle
américain", où à côté d'écoles comme Harvard ou Yale on trouve des "city
colleges" ultra-déqualifiés et voués à l'alternance.
L'an 2000: année
d'application de contre-réformes décisives
C'est
au nom de l'"harmonisation européenne des diplômes" qu'en 1998,
Allègre annonçait au compte du gouvernement la mise en chantier d'une vaste
contre-réforme de l'enseignement public inspirée du rapport Attali. La
"réforme" d'Allègre comporte ainsi deux axes essentiels: d'une part,
le plan "3-5-8" prévoyant la refonte complète des cursus
universitaires, la généralisation des stages et de l'alternance, donc la
liquidation des diplômes nationaux; d'autre part, le plan "U3M" de
réorganisation des universités publiques, dans le sens de l'autonomie des
universités, de la régionalisation de l'enseignement, de l'association aux
patrons locaux et de la division entre "pôles d'excellence" et
facs-poubelles.
L'année
universitaire 1999-2000 est marquée par les premières avancées du gouvernement
dans l'application de ces plans. Ainsi, la toute première application du plan
"3-5-8" a été la publication au Journal
Officiel, le 2 septembre, d'un décret instituant le grade de
"mastaire", après un avis favorable du CNESER du 21 juin. La notion
de "grade universitaire", formellement supprimée depuis 1968, ne
constitue qu'une convention universitaire sans valeur réelle. En l'état, le
"mastaire" ne fait que "surligner" le niveau bac+5,
incluant les DESS, les diplômes d'ingénieurs, les DEA et d'autres diplômes
équivalents.
Ce
premier pas, en lui-même symbolique, n'est pourtant pas anodin: il correspond à
une volonté à terme de dissocier les diplômes des qualifications reconnues par
les conventions collectives - qui ne reconnaissent pas en général le niveau
bac+5.
La "licence
professionnelle": la pointe avancée de la politique gouvernementale
Autrement
plus significative est l'adoption du projet de "licence
professionnelle" par le CNESER du 8/11/99. Le Monde du 10 novembre en donne la composition pédagogique:
"Sont
prévus un stage de 12 à 16 semaines, et un projet représentant au moins un
quart du volume de la formation, hors stage. Au moins 25% des enseignements
seront délivrés par des professionnels. Ces derniers donneront leur avis, au
sein d'une "commission nationale d'expertise" composée à parité avec
des universitaires, sur la création des LP. Ils participeront aux jurys
d'examen."
Par
ailleurs, aucun volume horaire n'est précisé pour ce cursus par le texte
national, ce qui implique la définition de "licences à la carte" par
les CAs des universités, en concertation avec les patrons locaux. Enfin, la
question des poursuites d'études après l'obtention de cette "licence"
seront "prévues au cas par cas, au gré des habilitations".
En
clair: la "licence professionnelle" est une licence patronale substituant
un semestre entier de stage aux enseignements traditionnels, qui n'a pas de
valeur nationale et qui subordonne étroitement les étudiants à "leur"
patron, sans possibilité de poursuivre leur formation. Mais encore: elle permet
au patronat d'entrer de plain-pied à l'université, d'avoir voix au chapitre sur
les contenus d'enseignement et sur la validation des diplômes eux-mêmes.
Inutile de dire que la concrétisation de ce projet par les conseils
d'universités ouvrirait très largement la voie à la liquidation de
l'enseignement supérieur public.
La
"licence professionnelle", destinée en particulier aux titulaires de
DUT et BTS, mais aussi aux titulaires d'un DEUG, est une véritable machine de
guerre contre les diplômes nationaux reconnus. Le Medef, qui soutient
évidemment le projet du gouvernement, s'est engagé à le défendre dans les
conventions collectives des entreprises; mais il ne peut s'agir que de diplômes
"maison" dans des conventions "maison".
Se
profile une situation où le patronat, formant et sélectionnant "ses"
étudiants à moindres frais, pourrait dédaigner les étudiants titulaires de
véritables diplômes nationaux. D'un côté, des étudiants taillables et
corvéables à merci, titulaires d'un "diplôme" bidon qui ne leur permet
pas de reconversion en cas de licenciement; de l'autre, des titulaires de DUT,
BTS, licences classiques voués de plus en plus nombreux aux chômage...
Pourtant,
les dirigeants de l'UNEF-ID, leurs élus au CNESER, , aux côtés des élus CGT, se
sont permis de s'abstenir sur le vote de ce projet, signifiant ainsi leur feu
vert! Vis-à-vis des étudiants, ils n'ont engagé aucune campagne d'information,
appelé à aucune AG sur la question de la "licence professionnelle".
Aux
élections universitaires de novembre-décembre, alors même que ce sont les
Conseils d'Administration et d'UFRs qui vont mettre en place cette
pseudo-"licence", ils ont présenté des listes comme ils le font
depuis des années, sans même mentionner l'existence du décret, ni des plans de
"réforme"-destruction de l'université.
Le plan U3M: un plan de
liquidation de l'enseignement supérieur public
Au
plan "3-5-8" qui organise le saccage des diplômes nationaux et
reconnus s'articule le plan U3M qui se met en place dans le cadre des
"contrats de plan état/région" 2000-2006. Les grands axes de ce plan
ont été définis officiellement par Allègre le 13 décembre: financé à hauteur de
45 milliards de francs (18,8 milliards apportés par l'Etat, 18,8 milliards par
les régions et 7,4 milliards consacrés à des "opérations de mise aux
normes de sécurité" des établissements universitaires), il implique de
fait une régionalisation accrue du système universitaire.
Dans
une situation caractérisée depuis des années par le manque de locaux, par l'insalubrité
de bon nombre d'entre eux (en juin, la bibliothèque universitaire de Lyon
partait en fumée; en novembre, c'était le tour des locaux de l'institut des
langues orientales à Paris), les "opérations de mise aux normes de
sécurité" du type désamiantage de Jussieu sont de la poudre aux yeux, du
rafistolage. Par contre, la volonté d'éclater le système universitaire en
"pôles régionaux" liées aux entreprises, d'établir une concurrence
entre des "pôles d'excellence" et des facs poubelles est bien une
réalité.
Un
"coup d'arrêt" serait ainsi donné au développement des IUT au profit
de "plates-formes technologiques". Le Monde du 14 décembre 1999 donne
à ce sujet les précisions suivantes: "C'est l'un des nouveaux
"concepts" du plan U3M. Dans les villes moyennes, le plan prévoit de
regrouper les moyens techniques des universités, des IUT, des sections de
techniciens supérieurs (STS), des lycées professionnels et techniques pour
proposer une expertise en recherche-développement ouverte aux PME et PMI sur
des bases contractuelles".
En
parallèle au projet de "licence professionnelle", ce qui s'exprime
ici clairement - faut-il même le préciser? - c'est la volonté de subordonner
étroitement les établissements d'enseignement supérieur et d'enseignement
technique aux "bassins d'emploi", au détriment de l'enseignement
national, qualifiant et reconnu.
La
construction de six "universités de
technologie" est programmée, de même que l'organisation de
"pôles" scientifiques et universitaires étroitement associés au
patronat. Une expression très claire du résultat espéré par le gouvernement est
donnée par le plan U3M pour l'Ile-de-France, qui comprend la réorganisation des
universités de la région selon quatre "pôles" dominants: parmi eux,
la "Sorbonne nouvelle" et la "Sorbonne du troisième
millénaire", mais aussi le pôle Val-de-Seine où "des structures liées à la formation continue, à l'aide à la création
d'entreprises sont envisagées, ainsi que la création d'une université de
technologie".
Dans
l'académie de Créteil, un département dédié à l'image serait associé à des
entreprises "telles que la Société
Française de production, l'Institut national de l'audiovisuel et Euro-Disney"
(Le Monde du 3 décembre 99).
L'application du "plan
social étudiant"
La
rentrée 1999 a également été marquée par le passage à la vitesse supérieure du
"Plan Social Étudiant". Officiellement, l'objectif du gouvernement
serait d'atteindre 30% de boursiers en quatre ans: c'est une mystification
totale. En effet, le plafond des ressources des bourses de premier échelon
n'augmente que de 6%; en parallèle sont créés 11000 "bourses à taux
zéro", c'est-à-dire des bourses au rabais n'impliquant que l'exonération
des frais d'inscription et de sécurité sociale (il faut noter qu'un étudiant
boursier doit normalement s'engager à ne pas occuper d'activité salariée). Est
appliquée également une mesure préconisée par le gouvernement Balladur,
l'"année joker", conférant aux étudiants redoublants ou réorientés de
premier cycle le droit au maintien de leur bourse (13000 bénéficiaires): ce
maintien est cependant conditionné par un jury en fonction de critères
d'assiduité, de présence aux examens, et de l'obtention d'au moins une note
supérieure à la moyenne, ou éventuellement par un avis favorable du président
d'université. 200 nouvelles "bourses au mérite" sont créées, "allouées aux étudiants pouvant
prétendre à une bourse sur critères sociaux et qui ont obtenu le baccalauréat
avec la mention très bien" (XXIème
siècle, magazine du ministère de l'Education Nationale, décembre 1999).
Mais
surtout, la mesure-phare de ce "plan" est la création de 7000
"allocations d'études": ces allocations seraient attribuables à tout
moment de l'année pour les étudiants en "situation d'autonomie constatée".
Or, il n'existe pas de critères nationaux d'attribution de ces allocations...
et le gouvernement a même évoqué la possibilité de n'attribuer ces allocations
qu'aux étudiants qui ont été chassés de chez eux de manière involontaire!
A la
mi-octobre 1999, en tous cas, seuls 392 dossiers avaient reçus une réponse
positive. Le Monde du 10 novembre
précise que sur ces allocations:
"seule
une centaine l'ont été sur la base de l'autonomie constatée du jeune, les
autres ayant été attribuées sur des critères qui auraient du relever d'une
bourse."
C'est
l'expression la plus nette des objectifs réels du "PSE": rien moins
que la bousille du système des bourses sur critères sociaux et nationaux au
profit de bourses "au mérite" ou de la "charité chrétienne":
à chaque université ses "pauvres". Et cette opération est menée avec
l'appui direct, particulièrement zélé des dirigeants de l'UNEF-ID.
Cogestion du "plan
social étudiant"
Une
mesure d'accompagnement du "PSE", à l'initiative d'Allègre lui-même,
a été en effet de conforter largement la présence des "représentants
étudiants" à la direction des CROUS:
"La
promesse d'attribuer aux élus étudiants les présidences des conseils
d'administration du Centre National et des Centres Régionaux des Oeuvres
Universitaires (CNOUS et CROUS) s'est traduite, dans 25 CROUS sur 28, par
l'attribution des vices présidences aux représentants étudiants."
(Le Monde du 10/11/99).
Les
dirigeants de l'UNEF-ID, de l'UNEF-SE participent donc largement à
l'application du "Plan social étudiant": ils ont une part active dans
les tris effectués entre les étudiants "méritant une allocation
d'études" et les autres.
A
l'université, la campagne essentielle de l'UNEF-ID depuis la rentrée est d'exhorter
les étudiants à remplir des dossiers d'allocation d'études sur le mot d'ordre
de "allocation d'études pour tous":
"nous
demandons la mise en place d'une allocation d'études universelle, individuelle
et sociale"
("individuelle",
c'est-à-dire opposée aux bourses sur critères sociaux, ndlr). Aboutissant de la
"participation", c'est là la promotion de la politique du
gouvernement à l'université.
Et
les mesures du "Plan social étudiant" ne sont que l'amorce d'une
offensive généralisée contre l'ensemble des aides sociales étudiantes, avec
l'appui direct des dirigeants syndicaux. On doit souligner en ce sens que la
mise sous tutelle de la MNEF par l'Etat va en ce sens, est même un jalon de la
destruction de la sécurité sociale étudiante.
Ainsi,
la bourgeoisie n'utilise pas seulement les "affaires" de la MNEF pour
achever de démoraliser la génération politique qui a participé à la
construction de l'OCI et de l'AJS dans les années 70, en présentant cet
engagement comme une participation à de sombres magouilles d'appareils. Elle
s'en sert aussi, après les avoir couvertes, encouragées pendant des années (la
corruption est de toute façon consubstantielle à la V° République, il n'y a
qu'à se référer au relations du SAC gaulliste avec les "milieux" du
grand banditisme), pour se mettre en position de faire main basse sur la
mutuelle étudiante.
Mais,
derrière les protestations véhémentes des dirigeants de l'UNEF-ID contre cette
prise de contrôle de la MNEF par l'appareil d'Etat, ceux-ci continuent de
concourir à la destruction du régime de sécurité sociale des étudiants, en
réclamant notamment l'application de la "couverture maladie
universelle" aux étudiants, CMU préconisée par le plan Juppé de 1995 comme
mesure de destruction de la Sécurité Sociale en tant qu'acquis ouvrier,
substituant au remboursement des frais médicaux comme "salaire
différé" un acte de charité de l'Etat bourgeois.
"Réforme" des
études de médecine
Sous
prétexte de régler le problème de l'échec dans les filières médicales (près de
80% des étudiants sont en effet exclus des études médicales, pharmaceutiques ou
odontologiques après deux ans), le gouvernement prépare également une refonte
complète du cursus de médecine qui devrait entrer en application à partir de
2001. Les deux premières années de médecine seraient supprimées, la sélection
s'opérant à l'entrée en "licence Santé". A propos de cette
"licence", Jean Rey, ancien doyen de la faculté Necker-Enfants
malades et conseiller d'Allègre, explique:
"L'année
de licence devrait comporter une part importante d'enseignements non
scientifiques: organisation des systèmes de soins, économie de la santé, droit
et responsabilité médicale, éthique, déontologie, histoire et philosophie des
sciences, mais aussi technologie appliquée à la médecine, génétique et un début
de formation clinique sous forme de stages." .
Pour
les études à partir de la quatrième année
"L'idée
est de ne plus enseigner les disciplines pour elles-mêmes mais d'organiser une formation
transdisciplinaire. Les exposés oraux, la participation à des séminaires,
l'enseignement au lit du malade seront privilégiés. "
Enfin,
le concours d'internat est généralisé et modifié dans le sens de l'évaluation
clinique:
"seuls
ceux qui auront été classés au concours d'internat pourront exercer la
médecine".
En
clair: le gouvernement, sans supprimer la sélection en médecine, procède à la
déqualification totale de ces études - suppression de deux années complètes,
création d'une licence ultra-générale, ensuite formation "sur le tas"
des futurs médecins, au détriment de toute formation théorique, c'est-à-dire
véritablement scientifique: formation de "docteurs Diafoirus" dans le
plus pur style de Molière. C'est l'application du plan Juppé à la formation de
médecins. C'est aussi, à terme, une dégradation considérable de la qualité des
hôpitaux publics et des prestations médicales qui peut en découler
Pourtant,
sur le dossier de la "réforme" de médecine comme sur les autres, la
participation des dirigeants syndicaux est de mise:
"Le
ministère entend mener une concertation en vue d'aboutir à une réforme pour
2001. Nous y prendrons toute notre part, car de nombreuses zones de flous
restent en suspens (...) Surtout, le ministère pourrait ne rester que sur des
déclarations de principe, tant la résistance des mandarins est forte à toute
évolution et les monodisciplinaires, soucieuses de défendre leur pré carré,
contestent cette réforme."
(CN de l'UNEF-ID du 16 et 17 octobre 99).
Quelle
expression claire, servile, de l'adaptation du syndicalisme étudiant sur tous
les plans à la politique réactionnaire du gouvernement!
Situation des étudiants
Mais
il faut constater que, d'ores et déjà, à l'université, se fait sentir le poids
des coups portés à la formation, aux diplômes et aux conditions d'études.
Matériellement, tout d'abord, la politique d'asphyxie budgétaire du
gouvernement, dans le but d'expulser de nombreux étudiants de universités
classiques et d'éliminer progressivement de nombreuses filières
"inutiles" pour la bourgeoisie, porte ses fruits.
Ainsi,
à la rentrée 99, les universités rassemblaient 1493000 étudiants, soit 13000 de
moins que l'année précédente. Sur 4 ans, les effectifs des DEUGs scientifiques
ont chuté de 23000 étudiants. Parallèlement, on constate une augmentation
sensible des filières courtes professionnalisées. Selon Le Monde du 15/10/99:
"Le
taux de poursuite d'études des bacheliers généraux diminue d'un point par an
depuis 3 ans, après 15 ans d'expansion continue".
La
bourgeoisie, le gouvernement sont parvenus à dégoûter un certain nombre de
bacheliers de la poursuite d'études. La dépense moyenne d'éducation par élève
est de 35700 francs, 48800 francs pour un étudiant. C'est une charge considérable
pour la bourgeoisie et son Etat, qu'il s'agit de résorber le plus possible. Le
budget 2000 confirme cette volonté politique, puisqu'il n'augmente que de
2,63%: la plus faible augmentation depuis 1994.
Plus
encore, se ressent la déqualification très importante des enseignements et des
diplômes. La généralisation des stages est désormais une réalité. La
"réforme" Bayrou, désormais généralisée à toutes les universités, est
passée sans réaction d'ampleur de la part des étudiants, encore une fois avec
l'appui servile des dirigeants syndicaux. Son application fac par fac et UFR et
UFR a préparé le terrain à l'application des plans "3-5-8" et U3M,
affaibli considérablement le niveau des formations universitaires, et a souvent
permis aux administrateurs locaux de faire passer leurs propres objectifs
réactionnaires: à Lille III, par exemple, le statut d'étudiant salarié a été
supprimé l'année d'application de la réforme!
Enfin,
le nombre d'étudiants contraints de se salarier dépasse aujourd'hui les 700000:
souvent surexploitables dans le cadre de "jobs" type McDonald's, ils
seraient même 40000 en France à recourir à la prostitution.
Dégénérescence du
syndicalisme étudiant
Ces
coups portés d'ores et déjà à l'enseignement supérieur public, le climat
politique général marqué par le reflux du mouvement ouvrier, par l'application
sans réaction d'ampleur de la politique gouvernementale à tous les niveaux,
nourrissent évidemment un très grand désarroi politique dans la jeunesse
étudiante. Par ailleurs, il faut dire que le syndicalisme étudiant fournit
l'expression la plus nette de la dégénérescence du mouvement ouvrier.
Aujourd'hui,
l'UNEF-ID est exsangue: une enquête effectuée auprès de ses adhérents rapporte
même qu'à la question "Vas-tu
réadhérer à l'UNEF-ID?", 92% des interrogés ont répondu
"Non", pour la raison qu'"ils
ne voient pas ce que ça leur apporte en plus". Encore faut-il préciser
qu'un nombre considérable d'étudiants ignore désormais jusqu'à l'existence du
syndicat. L'UNEF-SE, dirigée par le PCF, est comme ce parti en pleine
déliquescence. Mais encore, le rejet de la politique pourrie des appareils
syndicaux nourrit depuis des années le rejet d'une fraction importante des étudiants
à l'égard des syndicaux, ou encore la constitution dune ribambelle de petits
groupes gauchistes: la pseudo-"CNT" anarchiste, le "Syndicat
Etudiant Universitaire et Laïque" implanté à Montpellier, Sud-Étudiants...
A leur tour, ces groupes contribuent à semer la confusion chez les étudiants.
Cependant,
à tous les niveaux, ce sont les dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-se qui
permettent l'application de la politique du gouvernement: ils sont présents
dans tous les conseils d'université où se met en place le plan
"3-5-8"; présents, quand ils le peuvent, dans les comités et réunions
d'élaboration du plan U3M; présents au CNESER où sont votés les décrets
gouvernementaux; ils sont en première ligne, dans les CROUS et à la MNEF, pour
appliquer le "Plan Social Etudiant" et la politique gouvernementale
de liquidation des aides sociales étudiantes. Depuis des mois que les plans du
gouvernement sont en chantier, ils n'ont rien dit, rien fait pour informer et
organiser les étudiants.
Sous couvert de
"réunification" de l'UNEF, une nouvelle tentative pour l'achever
C'est
dans ce contexte que, depuis leurs derniers congrès, les dirigeants de ces
syndicats parlent de "réunifier l'UNEF": en fait, il s'agit pour le
moins d'amorcer un pas décisif dans la liquidation de tout caractère syndical
de leurs organisations.
Déjà,
depuis plusieurs années, appuyée sur une "charte de l'élu étudiant",
l'UNEF-ID et l'UNEF-SE mènent dans les conseils d'université une politique de
blocs-pourris avec diverses associations, des corpos. Lors des dernières
élections à la MNEF, la liste soutenue par l'UNEF-ID faisait aussi la part
belle à bon nombre de ces "associations". En parallèle, les
dirigeants ont procédé à une politique de "normalisation", d'alignement
ou d'exclusion des militants qui s'opposent plus ou moins à la ligne de
destruction du syndicat, quand ceux-ci ne claquent pas purement et simplement
la porte. On le voit, la "réunification" proposée par les dirigeants
de l'UNEF-ID et de l'UNEF-SE est en fait la perspective, à terme, de liquider
complètement le syndicalisme étudiant.
Un
projet présenté par les dirigeants de l'UNEF-ID lors d'une rencontre "de
Bureau National à Bureau National", le vendredi 8 octobre 1999, précise
ainsi:
"Adultes,
autonomes et citoyens, nous avons vocation à décider ce qui nous concerne,
d'exiger que la participation ait un sens. Nous voulons décider comme tout
acteur de la communauté universitaire et nous voulons pouvoir contrôler la mise
en œuvre des décisions. Oui, la co-gestion a un sens: co-décision et
co-direction de l'université, c'est ce que nous exigeons."
Et
plus loin:
"Oui,
les associations contribuent à faire vivre la citoyenneté. Le rôle des
associations n'est paas contradictoires avec celui des syndicats. Bien au
contraire, il est possible et nécessaire que toutes les formes d'engagement
étudiant coexistent et interagissent dans une seule et même structure, qui
intègre toutes les problématiques en respectant leur diversité."
Le
propos est très clair: la suite logique en est la proposition adressée à la
FAGE ou à d'autres "associations" corporatistes de rejoindre les
"assises de la réunification", programmée en novembre et décembre 99,
pour aboutir à un congrès de "réunification" en janvier. "Réunification"?
Cette "seule et même structure"
que dessine le texte du BN de l'UNEF-ID envelopperait l'UNEF-ID (et l'UNEF-se)
et finirait de les étouffer.
Des
"assises de la réunification" devaient être tenues en novembre sur
les universités, aboutissant à la "réunification" en janvier. Le
processus est actuellement gelé. Mais ce qui importe, c'est que l'instrument
qui permet aux étudiants de se défendre contre l'offensive du gouvernement,
celui dont ils peuvent se saisir pour s'organiser nationalement, aussi pourri
soit-il, est aujourd'hui menacé de disparition totale.
Pour la défense des
étudiants, la défense de l'UNEF: rupture avec la participation, avec le
gouvernement
Confrontés
à une offensive continue contre le droit aux études, contre les diplômes
nationaux et contre l'existence même de l'enseignement supérieur national et
public, les étudiants n'ont pour riposter que l'organisation: en menant à tous
les niveaux leur politique pourrie de "participation", les dirigeants
de l'UNEF-ID, de l'UNEF-SE confisquent aux étudiants leurs organisation et
visent à les détruire.
Les
étudiants sont ainsi de plus en plus émiettés fac par fac, tandis que le rejet
des appareillons étudiants pourris reste stérile. La destruction finale de
l'UNEF-ID traduirait en ce sens un profond recul des étudiants, en fait la
réfraction à l'université de la décomposition du mouvement ouvrier.
Mais
la défense, la reconquête par les étudiants des organisations syndicales ne
peut se faire que sur une orientation qui devrait être celle des organisations
syndicales, une orientation de défense des étudiants, et donc de combat contre
le gouvernement, qui implique la rupture avec la participation aux conseils de
gestion où se discute et s'applique la politique au service du capital impulsée
par le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli.
Aujourd'hui,
c'est en particulier la responsabilité de la direction de l'UNEF-ID, de celle
de l'UNEF-se que d'exiger l'abrogation du décret instaurant la licence
professionnelle. C'est leur responsabilité de rejeter le plan "U3M",
et de quitter les conseils d'université, le CNESER, qui sont les instruments de
mise en place de ces plans.
Comme
dans les années 70, le combat en défense de l'UNEF nécessite l'organisation
d'une fraction d'étudiants trotskystes à l'université. Les mots d'ordres
ci-dessus seraient à même de lui permettre de se construire, en ouvrant une
voie aux étudiants, de servir de point d'appui pour construire une Organisation
Révolutionnaire de la Jeunesse, au compte de la construction du Parti Ouvrier
Révolutionnaire.
C'est
sur cette perspective que combattent les militants regroupés autour de Combattre pour le socialisme.
Le 30/12/99
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