Article paru dans Combattre pour le Socialisme n°80 de janvier 2000

 

Le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli poursuit la liquidation de l'enseignement supérieur public

 

Une offensive tous azimuts contre l'enseignement supérieur public et la recherche


Depuis son entrée en fonction, le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli n'a eu de cesse de porter l'accent sur l'Education Nationale et la Recherche publique - un de ses "chantiers prioritaires". Tout dernièrement encore, Allègre écrivait dans une contribution au Monde, intitulée "Le commerce mondialisé de l'esprit":

 

"On l'a dit, prédit, écrit: le savoir sera la matière première du XXIème siècle (...) On réalise soudain que cette matière grise intellectuelle entraîne avec elle les mêmes conséquence que toute matière première: commerce, argent, pouvoir, tentation du monopole, bref ce qui transforme tout objet - fût-il intellectuel - en marchandise."

Puis il ajoute: "c'est l'éducation qui est la clef la plus importante de notre avenir." (Le Monde du 18 décembre 1999)

 

Derrière le charabia habituel sur la pseudo-"mondialisation" se cache une nécessité - celle, pour la bourgeoisie française, de traiter toute production, tout travail, toute formation intellectuelle en "marchandise", de subordonner étroitement l'enseignement public et la recherche à leurs intérêts immédiats - et une volonté politique - celle du gouvernement, de son ministre de l'Education Nationale Claude Allègre d'aller dans ce sens.

 

La manière dont le gouvernement entend traiter "la clef la plus importante de notre avenir", l'éducation, s'exprime concrètement dans tout un arsenal de contre-réformes en chantier ou en cours d'application, du primaire à la recherche publique: "Charte du XXIème siècle", contre-"réforme" des collèges et lycées, suppressions de postes statutaires par milliers dans la Fonction Publique, déploiement de milliers d'"emplois-jeunes", offensive tous azimuts contre les personnels de l'enseignement public, "réformes" de privatisation de la recherche publique...

 

Avec plus de deux millions d'étudiants qui entendent obtenir un diplôme qualifiant, reconnu, et se prémunir contre l'exploitation capitaliste la plus crue ou le chômage, l'enseignement supérieur public est bien sûr lui aussi dans le collimateur du patronat français.

Voyant d'un très mauvais œil depuis des lustres la "massification" de l'accès aux université, ses objectifs sont: expulsion au plus tôt de la plus grande masse des étudiants; liquidation des diplômes et qualifications nationales au profit de l'"alternance", des stages; institution d'un enseignement à deux vitesses, avec des "pôles d'excellence" réservés à l'"élite" d'une part, et de l'autre des facs-bidon étroitement associées au patronat local. Tendre à cet égard vers le "modèle américain", où à côté d'écoles comme Harvard ou Yale on trouve des "city colleges" ultra-déqualifiés et voués à l'alternance.


L'an 2000: année d'application de contre-réformes décisives


C'est au nom de l'"harmonisation européenne des diplômes" qu'en 1998, Allègre annonçait au compte du gouvernement la mise en chantier d'une vaste contre-réforme de l'enseignement public inspirée du rapport Attali. La "réforme" d'Allègre comporte ainsi deux axes essentiels: d'une part, le plan "3-5-8" prévoyant la refonte complète des cursus universitaires, la généralisation des stages et de l'alternance, donc la liquidation des diplômes nationaux; d'autre part, le plan "U3M" de réorganisation des universités publiques, dans le sens de l'autonomie des universités, de la régionalisation de l'enseignement, de l'association aux patrons locaux et de la division entre "pôles d'excellence" et facs-poubelles.

L'année universitaire 1999-2000 est marquée par les premières avancées du gouvernement dans l'application de ces plans. Ainsi, la toute première application du plan "3-5-8" a été la publication au Journal Officiel, le 2 septembre, d'un décret instituant le grade de "mastaire", après un avis favorable du CNESER du 21 juin. La notion de "grade universitaire", formellement supprimée depuis 1968, ne constitue qu'une convention universitaire sans valeur réelle. En l'état, le "mastaire" ne fait que "surligner" le niveau bac+5, incluant les DESS, les diplômes d'ingénieurs, les DEA et d'autres diplômes équivalents.

Ce premier pas, en lui-même symbolique, n'est pourtant pas anodin: il correspond à une volonté à terme de dissocier les diplômes des qualifications reconnues par les conventions collectives - qui ne reconnaissent pas en général le niveau bac+5.


La "licence professionnelle": la pointe avancée de la politique gouvernementale


Autrement plus significative est l'adoption du projet de "licence professionnelle" par le CNESER du 8/11/99. Le Monde du 10 novembre en donne la composition pédagogique:

"Sont prévus un stage de 12 à 16 semaines, et un projet représentant au moins un quart du volume de la formation, hors stage. Au moins 25% des enseignements seront délivrés par des professionnels. Ces derniers donneront leur avis, au sein d'une "commission nationale d'expertise" composée à parité avec des universitaires, sur la création des LP. Ils participeront aux jurys d'examen."

 

Par ailleurs, aucun volume horaire n'est précisé pour ce cursus par le texte national, ce qui implique la définition de "licences à la carte" par les CAs des universités, en concertation avec les patrons locaux. Enfin, la question des poursuites d'études après l'obtention de cette "licence" seront "prévues au cas par cas, au gré des habilitations".

 

En clair: la "licence professionnelle" est une licence patronale substituant un semestre entier de stage aux enseignements traditionnels, qui n'a pas de valeur nationale et qui subordonne étroitement les étudiants à "leur" patron, sans possibilité de poursuivre leur formation. Mais encore: elle permet au patronat d'entrer de plain-pied à l'université, d'avoir voix au chapitre sur les contenus d'enseignement et sur la validation des diplômes eux-mêmes. Inutile de dire que la concrétisation de ce projet par les conseils d'universités ouvrirait très largement la voie à la liquidation de l'enseignement supérieur public.

La "licence professionnelle", destinée en particulier aux titulaires de DUT et BTS, mais aussi aux titulaires d'un DEUG, est une véritable machine de guerre contre les diplômes nationaux reconnus. Le Medef, qui soutient évidemment le projet du gouvernement, s'est engagé à le défendre dans les conventions collectives des entreprises; mais il ne peut s'agir que de diplômes "maison" dans des conventions "maison".

Se profile une situation où le patronat, formant et sélectionnant "ses" étudiants à moindres frais, pourrait dédaigner les étudiants titulaires de véritables diplômes nationaux. D'un côté, des étudiants taillables et corvéables à merci, titulaires d'un "diplôme" bidon qui ne leur permet pas de reconversion en cas de licenciement; de l'autre, des titulaires de DUT, BTS, licences classiques voués de plus en plus nombreux aux chômage...

 

Pourtant, les dirigeants de l'UNEF-ID, leurs élus au CNESER, , aux côtés des élus CGT, se sont permis de s'abstenir sur le vote de ce projet, signifiant ainsi leur feu vert! Vis-à-vis des étudiants, ils n'ont engagé aucune campagne d'information, appelé à aucune AG sur la question de la "licence professionnelle".

 

Aux élections universitaires de novembre-décembre, alors même que ce sont les Conseils d'Administration et d'UFRs qui vont mettre en place cette pseudo-"licence", ils ont présenté des listes comme ils le font depuis des années, sans même mentionner l'existence du décret, ni des plans de "réforme"-destruction de l'université.


Le plan U3M: un plan de liquidation de l'enseignement supérieur public


Au plan "3-5-8" qui organise le saccage des diplômes nationaux et reconnus s'articule le plan U3M qui se met en place dans le cadre des "contrats de plan état/région" 2000-2006. Les grands axes de ce plan ont été définis officiellement par Allègre le 13 décembre: financé à hauteur de 45 milliards de francs (18,8 milliards apportés par l'Etat, 18,8 milliards par les régions et 7,4 milliards consacrés à des "opérations de mise aux normes de sécurité" des établissements universitaires), il implique de fait une régionalisation accrue du système universitaire.

 

Dans une situation caractérisée depuis des années par le manque de locaux, par l'insalubrité de bon nombre d'entre eux (en juin, la bibliothèque universitaire de Lyon partait en fumée; en novembre, c'était le tour des locaux de l'institut des langues orientales à Paris), les "opérations de mise aux normes de sécurité" du type désamiantage de Jussieu sont de la poudre aux yeux, du rafistolage. Par contre, la volonté d'éclater le système universitaire en "pôles régionaux" liées aux entreprises, d'établir une concurrence entre des "pôles d'excellence" et des facs poubelles est bien une réalité.

 

Un "coup d'arrêt" serait ainsi donné au développement des IUT au profit de "plates-formes technologiques". Le Monde du 14 décembre 1999 donne à ce sujet les précisions suivantes: "C'est l'un des nouveaux "concepts" du plan U3M. Dans les villes moyennes, le plan prévoit de regrouper les moyens techniques des universités, des IUT, des sections de techniciens supérieurs (STS), des lycées professionnels et techniques pour proposer une expertise en recherche-développement ouverte aux PME et PMI sur des bases contractuelles".

 

En parallèle au projet de "licence professionnelle", ce qui s'exprime ici clairement - faut-il même le préciser? - c'est la volonté de subordonner étroitement les établissements d'enseignement supérieur et d'enseignement technique aux "bassins d'emploi", au détriment de l'enseignement national, qualifiant et reconnu.

 

La construction de six "universités de technologie" est programmée, de même que l'organisation de "pôles" scientifiques et universitaires étroitement associés au patronat. Une expression très claire du résultat espéré par le gouvernement est donnée par le plan U3M pour l'Ile-de-France, qui comprend la réorganisation des universités de la région selon quatre "pôles" dominants: parmi eux, la "Sorbonne nouvelle" et la "Sorbonne du troisième millénaire", mais aussi le pôle Val-de-Seine où "des structures liées à la formation continue, à l'aide à la création d'entreprises sont envisagées, ainsi que la création d'une université de technologie".

Dans l'académie de Créteil, un département dédié à l'image serait associé à des entreprises "telles que la Société Française de production, l'Institut national de l'audiovisuel et Euro-Disney" (Le Monde du 3 décembre 99).


L'application du "plan social étudiant"


La rentrée 1999 a également été marquée par le passage à la vitesse supérieure du "Plan Social Étudiant". Officiellement, l'objectif du gouvernement serait d'atteindre 30% de boursiers en quatre ans: c'est une mystification totale. En effet, le plafond des ressources des bourses de premier échelon n'augmente que de 6%; en parallèle sont créés 11000 "bourses à taux zéro", c'est-à-dire des bourses au rabais n'impliquant que l'exonération des frais d'inscription et de sécurité sociale (il faut noter qu'un étudiant boursier doit normalement s'engager à ne pas occuper d'activité salariée). Est appliquée également une mesure préconisée par le gouvernement Balladur, l'"année joker", conférant aux étudiants redoublants ou réorientés de premier cycle le droit au maintien de leur bourse (13000 bénéficiaires): ce maintien est cependant conditionné par un jury en fonction de critères d'assiduité, de présence aux examens, et de l'obtention d'au moins une note supérieure à la moyenne, ou éventuellement par un avis favorable du président d'université. 200 nouvelles "bourses au mérite" sont créées, "allouées aux étudiants pouvant prétendre à une bourse sur critères sociaux et qui ont obtenu le baccalauréat avec la mention très bien" (XXIème siècle, magazine du ministère de l'Education Nationale, décembre 1999).

Mais surtout, la mesure-phare de ce "plan" est la création de 7000 "allocations d'études": ces allocations seraient attribuables à tout moment de l'année pour les étudiants en "situation d'autonomie constatée". Or, il n'existe pas de critères nationaux d'attribution de ces allocations... et le gouvernement a même évoqué la possibilité de n'attribuer ces allocations qu'aux étudiants qui ont été chassés de chez eux de manière involontaire!

 

A la mi-octobre 1999, en tous cas, seuls 392 dossiers avaient reçus une réponse positive. Le Monde du 10 novembre précise que sur ces allocations:

"seule une centaine l'ont été sur la base de l'autonomie constatée du jeune, les autres ayant été attribuées sur des critères qui auraient du relever d'une bourse."

 

C'est l'expression la plus nette des objectifs réels du "PSE": rien moins que la bousille du système des bourses sur critères sociaux et nationaux au profit de bourses "au mérite" ou de la "charité chrétienne": à chaque université ses "pauvres". Et cette opération est menée avec l'appui direct, particulièrement zélé des dirigeants de l'UNEF-ID.


Cogestion du "plan social étudiant"


Une mesure d'accompagnement du "PSE", à l'initiative d'Allègre lui-même, a été en effet de conforter largement la présence des "représentants étudiants" à la direction des CROUS:

"La promesse d'attribuer aux élus étudiants les présidences des conseils d'administration du Centre National et des Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires (CNOUS et CROUS) s'est traduite, dans 25 CROUS sur 28, par l'attribution des vices présidences aux représentants étudiants." (Le Monde du 10/11/99).

 

Les dirigeants de l'UNEF-ID, de l'UNEF-SE participent donc largement à l'application du "Plan social étudiant": ils ont une part active dans les tris effectués entre les étudiants "méritant une allocation d'études" et les autres.

A l'université, la campagne essentielle de l'UNEF-ID depuis la rentrée est d'exhorter les étudiants à remplir des dossiers d'allocation d'études sur le mot d'ordre de "allocation d'études pour tous":

"nous demandons la mise en place d'une allocation d'études universelle, individuelle et sociale"

("individuelle", c'est-à-dire opposée aux bourses sur critères sociaux, ndlr). Aboutissant de la "participation", c'est là la promotion de la politique du gouvernement à l'université.

 

Et les mesures du "Plan social étudiant" ne sont que l'amorce d'une offensive généralisée contre l'ensemble des aides sociales étudiantes, avec l'appui direct des dirigeants syndicaux. On doit souligner en ce sens que la mise sous tutelle de la MNEF par l'Etat va en ce sens, est même un jalon de la destruction de la sécurité sociale étudiante.

 

Ainsi, la bourgeoisie n'utilise pas seulement les "affaires" de la MNEF pour achever de démoraliser la génération politique qui a participé à la construction de l'OCI et de l'AJS dans les années 70, en présentant cet engagement comme une participation à de sombres magouilles d'appareils. Elle s'en sert aussi, après les avoir couvertes, encouragées pendant des années (la corruption est de toute façon consubstantielle à la V° République, il n'y a qu'à se référer au relations du SAC gaulliste avec les "milieux" du grand banditisme), pour se mettre en position de faire main basse sur la mutuelle étudiante.

 

Mais, derrière les protestations véhémentes des dirigeants de l'UNEF-ID contre cette prise de contrôle de la MNEF par l'appareil d'Etat, ceux-ci continuent de concourir à la destruction du régime de sécurité sociale des étudiants, en réclamant notamment l'application de la "couverture maladie universelle" aux étudiants, CMU préconisée par le plan Juppé de 1995 comme mesure de destruction de la Sécurité Sociale en tant qu'acquis ouvrier, substituant au remboursement des frais médicaux comme "salaire différé" un acte de charité de l'Etat bourgeois.


"Réforme" des études de médecine


Sous prétexte de régler le problème de l'échec dans les filières médicales (près de 80% des étudiants sont en effet exclus des études médicales, pharmaceutiques ou odontologiques après deux ans), le gouvernement prépare également une refonte complète du cursus de médecine qui devrait entrer en application à partir de 2001. Les deux premières années de médecine seraient supprimées, la sélection s'opérant à l'entrée en "licence Santé". A propos de cette "licence", Jean Rey, ancien doyen de la faculté Necker-Enfants malades et conseiller d'Allègre, explique:

"L'année de licence devrait comporter une part importante d'enseignements non scientifiques: organisation des systèmes de soins, économie de la santé, droit et responsabilité médicale, éthique, déontologie, histoire et philosophie des sciences, mais aussi technologie appliquée à la médecine, génétique et un début de formation clinique sous forme de stages." .

Pour les études à partir de la quatrième année

"L'idée est de ne plus enseigner les disciplines pour elles-mêmes mais d'organiser une formation transdisciplinaire. Les exposés oraux, la participation à des séminaires, l'enseignement au lit du malade seront privilégiés. "

 

Enfin, le concours d'internat est généralisé et modifié dans le sens de l'évaluation clinique:

"seuls ceux qui auront été classés au concours d'internat pourront exercer la médecine".

En clair: le gouvernement, sans supprimer la sélection en médecine, procède à la déqualification totale de ces études - suppression de deux années complètes, création d'une licence ultra-générale, ensuite formation "sur le tas" des futurs médecins, au détriment de toute formation théorique, c'est-à-dire véritablement scientifique: formation de "docteurs Diafoirus" dans le plus pur style de Molière. C'est l'application du plan Juppé à la formation de médecins. C'est aussi, à terme, une dégradation considérable de la qualité des hôpitaux publics et des prestations médicales qui peut en découler

 

Pourtant, sur le dossier de la "réforme" de médecine comme sur les autres, la participation des dirigeants syndicaux est de mise:

"Le ministère entend mener une concertation en vue d'aboutir à une réforme pour 2001. Nous y prendrons toute notre part, car de nombreuses zones de flous restent en suspens (...) Surtout, le ministère pourrait ne rester que sur des déclarations de principe, tant la résistance des mandarins est forte à toute évolution et les monodisciplinaires, soucieuses de défendre leur pré carré, contestent cette réforme." 

(CN de l'UNEF-ID du 16 et 17 octobre 99).

 

Quelle expression claire, servile, de l'adaptation du syndicalisme étudiant sur tous les plans à la politique réactionnaire du gouvernement!


Situation des étudiants


Mais il faut constater que, d'ores et déjà, à l'université, se fait sentir le poids des coups portés à la formation, aux diplômes et aux conditions d'études. Matériellement, tout d'abord, la politique d'asphyxie budgétaire du gouvernement, dans le but d'expulser de nombreux étudiants de universités classiques et d'éliminer progressivement de nombreuses filières "inutiles" pour la bourgeoisie, porte ses fruits.

Ainsi, à la rentrée 99, les universités rassemblaient 1493000 étudiants, soit 13000 de moins que l'année précédente. Sur 4 ans, les effectifs des DEUGs scientifiques ont chuté de 23000 étudiants. Parallèlement, on constate une augmentation sensible des filières courtes professionnalisées. Selon Le Monde du 15/10/99:

"Le taux de poursuite d'études des bacheliers généraux diminue d'un point par an depuis 3 ans, après 15 ans d'expansion continue".

 

La bourgeoisie, le gouvernement sont parvenus à dégoûter un certain nombre de bacheliers de la poursuite d'études. La dépense moyenne d'éducation par élève est de 35700 francs, 48800 francs pour un étudiant. C'est une charge considérable pour la bourgeoisie et son Etat, qu'il s'agit de résorber le plus possible. Le budget 2000 confirme cette volonté politique, puisqu'il n'augmente que de 2,63%: la plus faible augmentation depuis 1994.

 

Plus encore, se ressent la déqualification très importante des enseignements et des diplômes. La généralisation des stages est désormais une réalité. La "réforme" Bayrou, désormais généralisée à toutes les universités, est passée sans réaction d'ampleur de la part des étudiants, encore une fois avec l'appui servile des dirigeants syndicaux. Son application fac par fac et UFR et UFR a préparé le terrain à l'application des plans "3-5-8" et U3M, affaibli considérablement le niveau des formations universitaires, et a souvent permis aux administrateurs locaux de faire passer leurs propres objectifs réactionnaires: à Lille III, par exemple, le statut d'étudiant salarié a été supprimé l'année d'application de la réforme!

 

Enfin, le nombre d'étudiants contraints de se salarier dépasse aujourd'hui les 700000: souvent surexploitables dans le cadre de "jobs" type McDonald's, ils seraient même 40000 en France à recourir à la prostitution.


Dégénérescence du syndicalisme étudiant


Ces coups portés d'ores et déjà à l'enseignement supérieur public, le climat politique général marqué par le reflux du mouvement ouvrier, par l'application sans réaction d'ampleur de la politique gouvernementale à tous les niveaux, nourrissent évidemment un très grand désarroi politique dans la jeunesse étudiante. Par ailleurs, il faut dire que le syndicalisme étudiant fournit l'expression la plus nette de la dégénérescence du mouvement ouvrier.

Aujourd'hui, l'UNEF-ID est exsangue: une enquête effectuée auprès de ses adhérents rapporte même qu'à la question "Vas-tu réadhérer à l'UNEF-ID?", 92% des interrogés ont répondu "Non", pour la raison qu'"ils ne voient pas ce que ça leur apporte en plus". Encore faut-il préciser qu'un nombre considérable d'étudiants ignore désormais jusqu'à l'existence du syndicat. L'UNEF-SE, dirigée par le PCF, est comme ce parti en pleine déliquescence. Mais encore, le rejet de la politique pourrie des appareils syndicaux nourrit depuis des années le rejet d'une fraction importante des étudiants à l'égard des syndicaux, ou encore la constitution dune ribambelle de petits groupes gauchistes: la pseudo-"CNT" anarchiste, le "Syndicat Etudiant Universitaire et Laïque" implanté à Montpellier, Sud-Étudiants... A leur tour, ces groupes contribuent à semer la confusion chez les étudiants.

 

Cependant, à tous les niveaux, ce sont les dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-se qui permettent l'application de la politique du gouvernement: ils sont présents dans tous les conseils d'université où se met en place le plan "3-5-8"; présents, quand ils le peuvent, dans les comités et réunions d'élaboration du plan U3M; présents au CNESER où sont votés les décrets gouvernementaux; ils sont en première ligne, dans les CROUS et à la MNEF, pour appliquer le "Plan Social Etudiant" et la politique gouvernementale de liquidation des aides sociales étudiantes. Depuis des mois que les plans du gouvernement sont en chantier, ils n'ont rien dit, rien fait pour informer et organiser les étudiants.


Sous couvert de "réunification" de l'UNEF, une nouvelle tentative pour l'achever


C'est dans ce contexte que, depuis leurs derniers congrès, les dirigeants de ces syndicats parlent de "réunifier l'UNEF": en fait, il s'agit pour le moins d'amorcer un pas décisif dans la liquidation de tout caractère syndical de leurs organisations.

 

Déjà, depuis plusieurs années, appuyée sur une "charte de l'élu étudiant", l'UNEF-ID et l'UNEF-SE mènent dans les conseils d'université une politique de blocs-pourris avec diverses associations, des corpos. Lors des dernières élections à la MNEF, la liste soutenue par l'UNEF-ID faisait aussi la part belle à bon nombre de ces "associations". En parallèle, les dirigeants ont procédé à une politique de "normalisation", d'alignement ou d'exclusion des militants qui s'opposent plus ou moins à la ligne de destruction du syndicat, quand ceux-ci ne claquent pas purement et simplement la porte. On le voit, la "réunification" proposée par les dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-SE est en fait la perspective, à terme, de liquider complètement le syndicalisme étudiant.

 

Un projet présenté par les dirigeants de l'UNEF-ID lors d'une rencontre "de Bureau National à Bureau National", le vendredi 8 octobre 1999, précise ainsi:

"Adultes, autonomes et citoyens, nous avons vocation à décider ce qui nous concerne, d'exiger que la participation ait un sens. Nous voulons décider comme tout acteur de la communauté universitaire et nous voulons pouvoir contrôler la mise en œuvre des décisions. Oui, la co-gestion a un sens: co-décision et co-direction de l'université, c'est ce que nous exigeons."

 

Et plus loin:

"Oui, les associations contribuent à faire vivre la citoyenneté. Le rôle des associations n'est paas contradictoires avec celui des syndicats. Bien au contraire, il est possible et nécessaire que toutes les formes d'engagement étudiant coexistent et interagissent dans une seule et même structure, qui intègre toutes les problématiques en respectant leur diversité."

 

Le propos est très clair: la suite logique en est la proposition adressée à la FAGE ou à d'autres "associations" corporatistes de rejoindre les "assises de la réunification", programmée en novembre et décembre 99, pour aboutir à un congrès de "réunification" en janvier. "Réunification"? Cette "seule et même structure" que dessine le texte du BN de l'UNEF-ID envelopperait l'UNEF-ID (et l'UNEF-se) et finirait de les étouffer.

 

Des "assises de la réunification" devaient être tenues en novembre sur les universités, aboutissant à la "réunification" en janvier. Le processus est actuellement gelé. Mais ce qui importe, c'est que l'instrument qui permet aux étudiants de se défendre contre l'offensive du gouvernement, celui dont ils peuvent se saisir pour s'organiser nationalement, aussi pourri soit-il, est aujourd'hui menacé de disparition totale.


Pour la défense des étudiants, la défense de l'UNEF: rupture avec la participation, avec le gouvernement


Confrontés à une offensive continue contre le droit aux études, contre les diplômes nationaux et contre l'existence même de l'enseignement supérieur national et public, les étudiants n'ont pour riposter que l'organisation: en menant à tous les niveaux leur politique pourrie de "participation", les dirigeants de l'UNEF-ID, de l'UNEF-SE confisquent aux étudiants leurs organisation et visent à les détruire.

 

Les étudiants sont ainsi de plus en plus émiettés fac par fac, tandis que le rejet des appareillons étudiants pourris reste stérile. La destruction finale de l'UNEF-ID traduirait en ce sens un profond recul des étudiants, en fait la réfraction à l'université de la décomposition du mouvement ouvrier.

 

Mais la défense, la reconquête par les étudiants des organisations syndicales ne peut se faire que sur une orientation qui devrait être celle des organisations syndicales, une orientation de défense des étudiants, et donc de combat contre le gouvernement, qui implique la rupture avec la participation aux conseils de gestion où se discute et s'applique la politique au service du capital impulsée par le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli. 

 

Aujourd'hui, c'est en particulier la responsabilité de la direction de l'UNEF-ID, de celle de l'UNEF-se que d'exiger l'abrogation du décret instaurant la licence professionnelle. C'est leur responsabilité de rejeter le plan "U3M", et de quitter les conseils d'université, le CNESER, qui sont les instruments de mise en place de ces plans.

 

Comme dans les années 70, le combat en défense de l'UNEF nécessite l'organisation d'une fraction d'étudiants trotskystes à l'université. Les mots d'ordres ci-dessus seraient à même de lui permettre de se construire, en ouvrant une voie aux étudiants, de servir de point d'appui pour construire une Organisation Révolutionnaire de la Jeunesse, au compte de la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire.

 

C'est sur cette perspective que combattent les militants regroupés autour de Combattre pour le socialisme.

 

Le 30/12/99

 

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