Extrait de l'éditorial du Combattre
pour le socialisme n°80 de janvier 2000
Comment
les salariés des banques ont perdu leur convention collective
Après
avoir saboté jusqu'ici toutes les possibilités que le prolétariat, dans tel ou
tel secteur, puisse engager le combat contre l'application de la loi Aubry
(notamment en se comportant en briseur de grève quand les conducteurs SNCF
engagèrent un mouvement de grève en mai dernier), la direction de la CGT a
continué pendant l'examen à l'Assemblée sur la même ligne: "peser"
sur le contenu de la loi, présentée comme une "avancée sociale". D’où
les manifestations des 4 octobre et 30 novembre (avec le renfort de la
direction de la FSU) ... et la maigreur des cortèges: le but n’était pas là.
La
loi votée, la commission confédérale CGT, réunie le 9 décembre, a clamé son
intention de s'engager dans la mise en œuvre de cette loi, dans une déclaration
titrée: "Dans chaque entreprise, ensemble, gagnons la
bataille".
Sur
le même ton que l'éditorial de la VO
cité ci-dessus, les bureaucrates CGT y affirment:
"Sans
rien édulcorer des critiques qu'elle a émises et des responsabilités du
gouvernement et des parlementaires qui restent posées, la CGT entend jouer
pleinement son rôle pour obtenir dans les négociations ce qui n'a pas été
obtenu dans la loi "
Que
signifie: "l'heure est à la négociation"?
Que les dirigeants syndicaux, à tous les niveaux, s'engagent à faire des
organisations syndicales les instruments d'application de la loi Aubry.
Pratiquement: qu'ils s'engagent à empêcher les "lamentations" (sic!) des travailleurs, en fait les mouvements,
contre cette loi, la remettant en cause.
Mais
c'est dans tous les secteurs, d’une manière générale, que pour la direction de
la CGT, "l’heure est à la
négociation".
Comment les salariés des
banques ont perdu leur convention collective
Le
sort des travailleurs des banques regroupées au sein de l'AFB dévoile
l'aboutissant de ce slogan tout droit tiré de l'argumentaire du parfait délégué
au 46ème congrès de la CGT. Dans ce secteur (ainsi que dans les
commerces de centre ville), le patronat avait estimé possible de dénoncer la
convention collective à échéance du 31 décembre 1999, dans le cadre des
négociations d'application de la loi Aubry. Il avait posé dès lors
l'alternative suivante: soit une convention collective à sa main, soit … rien.
Dès
l'abord, les directions syndicales du secteur se sont engagées dans les
négociations sur le nouveau projet de convention collective, signifiant
qu'elles acceptaient le principe de la liquidation de l'ancienne.
Pourtant,
l'importante manifestation du 30 novembre 1999, la plus importante depuis 25
ans, a montré que les 240 000 salariés dépendant de l'AFB étaient prêts à
engager le combat pour le maintien de leur convention collective, contre la
convention au rabais proposée par le patronat, qu'ils étaient prêts à la grève
générale, ce qui impliquait l'exigence que les directions syndicales (CGT, FO)
rompent les négociations permanentes qu'ils entretenaient jusque là avec le
patronat sur son projet de nouvelle convention collective, qu'ils appellent les
travailleurs des banques à utiliser leur place stratégique dans le mode de
production capitaliste pour obtenir satisfaction.
Mais,
au contraire, les dirigeants syndicaux ont collaboré jusqu'à la dernière limite
avec le patronat bancaire, baladant littéralement les employés des banques. Au
lendemain du 30 novembre, la direction CGT annonçait qu'avaient été obtenus
"des reculs concrets". Une
semaine de négociations ininterrompues plus tard, ces splendides "reculs concrets" étaient
métamorphosés en hideuses " avancées virtuelles" (tract de
l'intersyndicale). Les réunions se sont enchaînées, ponctuées par une nouvelle
journée d'action (15 décembre).
L'Humanité du 23 décembre résume
parfaitement la ligne impulsée par la direction de la CGT:
"Les
syndicats auraient pu s'en tenir à un rejet pur et simple du projet patronal,
en tentant de mettre le feu aux poudres contre lui. Mais cette attitude, plutôt
suicidaire, aurait fait le jeu de l'AFB , prête depuis longtemps à sortir de
son chapeau un protocole social unilatéral et ultra-minimal en cas de non
signature de sa convention collective."
Ne
pas "mettre le feu aux poudres",
vraiment… Les dirigeants CGT ont tout fait pour. Le 29 décembre (deux jours
avant l'expiration de l'ancienne convention), ils annonçaient avoir obtenu
opportunément, des "modifications significatives". Et d'organiser une
"consultation" préparant la séance de signature de ce texte (prévue
pour le 10 janvier) en annonçant son "appréciation
plutôt favorable" à un texte qui casse l'ancienne grille salariale
(permettant au patronat de "comprimer la masse salariale" de l'aveu
même de la direction CGT), ouvre grand les portes aux contrats précaires,
facilite les licenciements pour le patronat, raccourcit nombre de congés
(maternité).
Seuls
22 000 salariés ont daigné répondre (sur 120 000 bulletins distribués) à la
"consultation" de la direction CGT, entendant très bien que les jeux
étaient faits, malgré quelque prodromes de crise au sein de l'appareil CGT
(plusieurs syndicats de banque faisant connaître publiquement le 6 janvier leur
refus de signer
"en
considération du recul social sans précédent qu'imposerait le cautionnement du
texte proposé"..
Mais
pour l'AFB, l'essentiel était acquis: le soutien de la direction CGT,
permettant celui de toute l'intersyndicale ("la fédération CGT des banques a donné le la" - La tribune, 6 janvier), à la liquidation
de l'ancienne convention collective des banques. Le 10 janvier, rideau: toutes
les fédérations signent la nouvelle convention collective, entérinant la
liquidation sans combat d'acquis historiques.
La
liquidation de la convention, collective des banques vaut toutes les
démonstrations sur ce qu'implique pour le prolétariat la politique de trahison
des vieilles directions syndicales
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