Quelques enseignements d'Autriche
"Avec
le FPÖ [le parti de Haider - Ndlr],
les dérégulations que nous revendiquons de longue date, la flexibilité du temps
de travail et des salaires pourront enfin être réalisées" (un
dirigeant patronal autrichien)
En
Autriche, peu de temps après les élections législatives, le patronat autrichien
donnait le feu vert au "parti populaire" (ÖVP), principal parti
traditionnel de la bourgeoisie autrichienne - qui siège au parlement européen
dans le groupe des RPR, DL et UDF - pour s'allier avec le FPÖ ("parti de
la liberté"), formation ultraréactionnaire dont le chef, Jörg Haider, a
plus d'une fois signifié sa nostalgie du nazisme.
Le
gouvernement de coalition ainsi formé, dirigé par le nommé Schüssel, appuyé sur
une nette majorité parlementaire, a rendu public le 10 février un programme de
guerre contre le prolétariat et la jeunesse d'Autriche.
Il
contient: recul de l'âge de départ en retraite de 18 mois, coupes budgétaires
sans précédent, privatisation des Chemins de fer, de la Poste, des
Télécommunications, instauration de droits d'inscription élevés dans les
universités, diminution des congés payés, s'ajoutant à un attendu renforcement de la répression policière en
particulier contre les travailleurs issus de l'immigration. A l'annonce de ce
programme, la bourse de Vienne a spectaculairement monté: c'est bien le
programme que les capitalistes autrichiens veulent voir réalisé. Mais ils ne
sont pas les seuls.
Aussi
petite soit l'Autriche, la réalisation de ce programme, la réussite du
gouvernement ultra-réactionnaire serait un point d'appui pour réaliser la même
chose ailleurs en Europe. D'ailleurs, certains représentants politiques de la
classe capitaliste ne s'en cachent pas. Soutiennent ainsi le gouvernement: la
CDU/CSU en Allemagne, Forza Italia en Italie, tandis que d'autres proposent de
lui "donner une chance", (expression du président autrichien, ami
personnel de Chirac), à l'instar du gouvernement de Tony Blair, et en France du
RPF, du FN de Le Pen, du MNR de Megret.
Le gouvernement de la
réaction la plus noire pourrait être défait dès maintenant
Il
est certain que la jeunesse, la classe ouvrière en Autriche, et partout en
Europe, sont contre ce gouvernement et sa politique. Une alternative immédiate
à celui-ci est nécessaire, et elle existe: que le parti social-démocrate
autrichien, le SPÖ, qui de plus compte 400 000 membres, appuyé sur la
confédération syndicale ouvrière qui lui est liée (ÖGB, qui de plus compte
1 500 000 membres), revendiquent le pouvoir, combattent sur la ligne:
"A bas le gouvernement Schüssel!", pour la constitution d'un
gouvernement du SPÖ sans représentant des partis bourgeois.
Le
fait que la majorité parlementaire soit aux partis bourgeois n’est pas décisif : la puissance du
prolétariat et de la jeunesse peut balayer cette majorité parlementaire, et
porter au pouvoir un gouvernement du seul SPÖ s’appuyant directement sur le
prolétariat et la jeunesse.
En
dehors d'une telle perspective politique, toutes les "protestations"
contre la venue au pouvoir du nouveau gouvernement ne sont que pure
mystification, capitulations.
Ainsi,
tandis que, le 18 février, des milliers de lycéens défilaient dans les rues de
Vienne en clamant: "Schüssel-Haider au poteau!", le même jour,
un dirigeant du SOS-Racisme autrichien, organisateur d'une manifestation pour
le lendemain, affirmait aux députés européens qu'il rencontrait:
"
Ce gouvernement est légal : il a la majorité au Parlement. (…) Ceux qui
s'opposent à ce gouvernement ont le droit de le dire : c'est la démocratie.
"
En
d'autres termes: la ligne sur laquelle
est appelée la manifestation tenue à Vienne le 19 février, c'est: ne
pas remettre en cause l'existence du gouvernement Schüssel,
"démocratie" oblige, étouffer toute protestation autre que purement
platonique.
En France comme en Autriche,
combattre contre la politique de front républicain qui nourrit les Haider
En
France, PS, PCF, directions CGT, FO, FSU, FEN, UNEF-ID, UNEF-se, flanqués de la
LCR et de LO, sont associés au sein du "Comité National de Vigilance
contre l'extrême-droite", à une nébuleuse d'organisations bourgeoises
(Verts, MDC, radicaux, Grand Orient, Unsa police, etc.). Ce "comité"
appelle "les citoyens d'Europe" et "démocrates"
à manifester le 19 février, pour "condamner toute alliance avec
l'extrême-droite", et à "isoler" le gouvernement
Schüssel.
En
clair, il s'agit de faire pression sur le parti populaire autrichien pour qu'il
renoue une alliance, ouverte ou masquée, avec le parti social-démocrate
autrichien, un "front républicain". C'est là la voix des fourriers de
Haider.
En
effet, après les législatives d'octobre dernier, le SPÖ et le Parti Populaire
avaient signé un accord de coalition. Celui-ci prévoyait déjà de s'en prendre
aux retraites, de multiplier les privatisations, les coupes budgétaires. A tel
point que les dirigeants syndicaux durent imposer au SPÖ qu'il retire sa
signature de cet accord, inquiets des réactions qui s'annonçaient dans la
classe ouvrière. Puis, le SPÖ avait même tenté de former un gouvernement avec
le soutien parlementaire du parti de Haider, l'ancien chancelier
social-démocrate proposant au FPÖ de:
"faire
la preuve de sa capacité à s'insérer dans le jeu démocratique en se montrant
constructif dans l'immédiat vis-à-vis d'un gouvernement social-démocrate
minoritaire"
C'est
finalement l'accord que le SPÖ avait signé qui constitue aujourd'hui
l'essentiel du programme du nouveau gouvernement!
La
vérité, c'est que la venue au pouvoir du parti de Haider est l'aboutissant de
treize années durant lesquelles c'est une "grande coalition" PSÖ-ÖVP
qui a gouverné l'Autriche, menant une politique entièrement au service des
intérêts des capitalistes, et notamment en matière de répression de
l'immigration.
Le
fait que cette politique et cette coalition soient menée par le puissant PS
autrichien a barré toute issue alternative, fait reculer le prolétariat et la
jeunesse, ouvert la voie à Haider. Et ce que prônent les initiateurs de la
manifestation du 19 février, c'est de remettre le couvert!
Mais
cela se comprend: la politique qui a été menée par les gouvernements dirigés
par le PS autrichien est jumelle que celle que mène le gouvernement
Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli.
S'ouvrir une issue contre le
gouvernement de la "gauche plurielle" et sa politique…
Depuis
sa constitution en 1997, le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli
gouverne contre les aspirations des travailleurs et de la jeunesse, contre
leurs revendications, comme ce fut le cas de tous gouvernements soutenus par le
PS et le PCF depuis 1981. Non seulement la politique du gouvernement Chirac-Juppé,
défait dans les élections, a été reprise et poursuivie (plan Juppé contre la
Sécurité sociale, privatisations, lois racistes), mais encore, avec les lois
Aubry dites "des 35 heures", une arme fantastique a été offerte au
patronat pour mettre à bas les acquis ouvriers, liquider les conventions
collectives, développer la flexibilité, accroître considérablement
l'exploitation du travail.
Quoi
de plus illustratif que le sort réservé à la jeunesse étudiante! Un rapport
vient de souligner que 100 000 étudiants sont sous le seuil de pauvreté
(et encore ne porte-t-il que sur les étudiants qui ont quitté le domicile
familial). Et le gouvernement supprime 12% de postes aux concours du Capes et
de l'agrégation. Il instaure des "licences professionnelles", diplômes
locaux placés entièrement sous la coupe du patronat. Il subventionne toujours
plus d'emplois-jeunes, contrats précaires de bonne à tout faire d'une durée de
cinq ans. En un mot: parce que le gouvernement de la "gauche
plurielle" agit en fonction des nécessités de l'économie capitaliste, il
ne peut offrir aucun avenir à la jeunesse.
…contre les partis
bourgeois, Chirac, l'Union Européenne…
C'est
cette politique qui avait produit l'ascension du FN après 1981, qui a culminé
lors des élections régionales de 1998.
Aujourd'hui,
Jospin pousse le cynisme jusqu'à féliciter Chirac:
"
la droite parlementaire qui, à quelques exceptions près dans trois régions, a
refusé constamment, le président de la République en particulier, cette
alliance avec l'extrême droite".
C'est
que Jospin partage avec le RPR, l'UDF, Chirac, une "communauté de
principes et de valeurs humanistes", qui serait l'Union Européenne,
selon ses propres termes.
Mais
au lendemain des dernières régionales, la question de l'alliance avec le FN
travaillait tout le RPR, et des pans entiers de l'UDF qui a même explosé. La
crise qui a alors traversé ces partis n'a rien à voir avec des questions de
"valeurs morales". Elle eut pour racine que la crainte qu'une
alliance si ouvertement réactionnaire ne provoque d'importants affrontements de
classe. Pour l'éviter, les pressions sur le FN pour qu'il devienne
"respectable" ont décuplé. Ce dernier n'y a finalement pas résisté.
De
son côté, le Medef, appuyé sur les acquis que la loi Aubry lui a permis
d'engranger, lance - avec l'indispensable concours des dirigeants des
confédérations syndicales - une
offensive contre toute garantie collective des travailleurs salariés, avec le
soutien ouvert de Chirac, traçant le programme de combat contre la classe
ouvrière, la jeunesse, qui est celui de "la droite parlementaire", à
commencer par Chirac, et qu'ils chercheront à appliquer par tous les moyens, en
particulier, si les rapports politique le leur permettent, en instaurant un
pouvoir fort en France.
Ce
ne sont en tout cas pas les "valeurs humanistes de l'Union Européenne"
qu'encense Jospin qui empêcheront, s'ils le jugent possible, Chirac et les
partis bourgeois d'emprunter la voie autrichienne. Les "valeurs humanistes de l'Union Européenne" des
capitalistes, de la déréglementation et des coupes budgétaires se ramènent en
fait à une seule, valeur certes cardinale dans la religion chrétienne:
l'hypocrisie.
Il
suffit de rappeler que lorsque le traité de Rome fut signé, l'impérialisme
français menait la guerre contre l'indépendance de l'Algérie. Et que quarante
trois ans après, la création de l'Euro a coïncidé avec le lancement de la
première guerre ouverte menée par les impérialistes en Europe depuis 1945, qui
a abouti à l'écrasement de la Yougoslavie et à l'instauration d'un protectorat
colonial sur le Kosovo. Guerre, surexploitation, précarité, flexibilité, étranglement
financier: voilà les "valeurs" de tout gouvernement se situant dans
le cadre de la défense du régime capitaliste.
… Combattre pour imposer aux
députés PS et PCF un autre gouvernement, une autre politique
L'aide
réelle aux travailleurs, à la jeunesse d'Autriche, c'est de combattre en France
pour mettre un terme à la politique de destruction des acquis, de flexibilité
et de précarité généralisées.
C'est
contre cette politique que cherchent à se dresser les travailleurs des hôpitaux
confrontés à l'application du plan Juppé, ceux des Postes contre l'application
de la loi Aubry, les enseignants du sud de la France contre le manque de
moyens. Mais tous se heurtent au fait que le gouvernement est suivi comme son
ombre dans la mise en œuvre de sa politique par les dirigeants des
confédérations CGT, FO, des fédérations FSU, FEN, et des syndicats étudiants
UNEF-ID et UNEF, que tous isolent et dévoient ces tentatives de combat.
Une
autre politique est possible, basée sur la satisfaction des besoins de masses
et non plus du profit, des exigences du capital. Les revendications, les
aspirations des masses peuvent être satisfaites, en expropriant le capital,
dans le cadre des Etats Unis Socialistes d'Europe.
Dans
cette voie, il faut pour les travailleurs et jeunes s'orienter sur la ligne de
la rupture de leurs organisations syndicales avec le gouvernement de la
"gauche plurielle", et adresser l'exigence aux députés PS et PCF
qu'ils cessent de soutenir le gouvernement dirigé par Jospin, mettent à bas Chirac et la V° République,
constituent un gouvernement sans représentant de formations bourgeoises. Sur
cette orientation, la classe ouvrière, la jeunesse, peuvent en finir avec les années
de reculs qui ont fait le lit de tous les Haider d'Europe.
C'est
sur cette orientation que les militants trotskystes invitent travailleurs et
jeunes à combattre, à s'organiser.