Article paru dans Combattre pour le Socialisme  n°79 d'octobre 1999

 

Loi «d’orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail»,

Projet de loi relatif «à la réduction négociée du temps de travail» :

 

Le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli détruit les acquis du prolétariat avec la collaboration des dirigeants des confédérations syndicales ouvrières CGT et FO

 

Annexe: tract CPS sur la question du 18/09/1999

Une échéance majeure


A partir du 5 octobre, le débat à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi Aubry, intitulé «projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail » va s’ouvrir. Ce projet viendra se substituer à la loi «d'orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail » adoptée par l’Assemblée Nationale en mai 1998.

A moins d’un mois de l’ouverture du débat parlementaire, le patronat, ses relais direct dans le mouvement ouvrier telle la CFDT, les dirigeants des confédérations ouvrières de la CGT et de FO, le PS et le PCF conjuguent leurs efforts pour permettre au gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli de faire passer sa loi et que soit ainsi poursuivie et amplifiée l’offensive anti-ouvrière au compte de la bourgeoisie.

 

Le MEDEF a décidé de convoquer d’un rassemblement des « entrepreneurs » à Paris le 4 octobre : il s’agit pour lui de faire valoir ses exigences auprès du gouvernement afin que la nouvelle soit le plus favorable possible au intérêts des patrons. Mais le MEDEF n’ignore pas que depuis l’adoption de la première loi Aubry en mai 1998, plusieurs milliers « d’accords » d’entreprise ont été signés et que tous vont dans le même sens, c’est-à-dire le remise en cause des acquis de la classe ouvrière arrachés dans son combat afin de résister à l’exploitation capitaliste. C’est pourquoi les partis bourgeois ont indiqués que lors du débat parlementaire ils sauraient raison garder.

 

Pour donner le change, de leur coté les dirigeants de la CGT viennent de faire la proposition qu’une « journée nationale d’action » soit organisée le même jour dans « l’unité » afin de peser sur le contenu de la future loi et de « contrecarrer » l’initiative du patronat. Enfin pour compléter le dispositif, le PCF et dans une moindre mesure le PS annoncent qu’ils vont tout faire pour amender le projet, le PCF précisant qu’il ne pourra pas le voter sous sa forme actuelle. Dans le même temps le gouvernement, relayé par la presse, multiplie les « actions de communication » pour tenter de démontrer en cachant la réalité, c’est-à-dire le développement sans précédent du travail à temps partiel et des « petits boulots », que le chômage régresse et que les premiers effets positifs de la loi Aubry et de la politique gouvernementale sont en passe de se matérialiser en matière d’emploi.

 

Pour les uns et les autres, il s’agit d’enfermer le prolétariat dans une nasse, de le museler et d’empêcher son expression politique propre au moment où une nouvelle attaque décisive va lui être portée.


Le nouveau projet de loi : une escroquerie…


Le nouveau projet de loi tout en se situant dans la continuité de la première loi Aubry, constitue une aggravation de l’agression contre le prolétariat. En réalité, il intègre une grande partie des exigences du patronat telles qu’elles se sont cristallisées dans de multiples accords d’entreprises ou de branches.

En vérité, c’est une véritable escroquerie de la part du gouvernement, du patronat et des dirigeants syndicaux de qualifier ce projet de « projet de loi sur les 35 heures ». Ce n’est pas une durée hebdomadaire de 35 heures qui est instaurée, mais tout simplement une durée annuelle calculée sur la base de 35 heures par semaine travaillée, une fois décomptés les cinq semaines de congés payés et les onze jours fériés légaux, soit environ 1600 heures par an.

Plus nettement que la première loi, bien entendu sans prononcer le terme, le projet, par le biais de la « modulation des horaires » généralise l’annualisation du temps de travail. Les différentes modalités de « modulation » permettent, sur la base de cette durée annuelle, de faire varier la durée hebdomadaire jusqu’à 48 heures sans qu’aucune heure supplémentaire ne soit due et, maigre compensation, pour peu que le salarié ait été prévenu des changements d’horaires au moins 7 jours à l’avance ! En soi, il s’agit pour les capitalistes d’une avancée considérable.


…heures supplémentaires moins chères…


En ce qui concerne le régime des heures supplémentaires, Le Monde Diplomatique de septembre 1999 indique :

"Le contingent annuel d’heures supplémentaires autorisées demeure à 130 heures. Si le gouvernement avait maintenu la proportion actuelle, il aurait dû le ramener à 117 heures. Il allonge le quota des heures supplémentaires majorées à 25 % (12 contre 8) au lieu d’étendre celles payées à 50 % de plus. Pour un même volant d’heures supplémentaires, le patronat paiera donc moins"

Cela d’autant plus que :

« Pendant un an elles seront peu taxées : 10 %. Pour la suite, le projet distingue les entreprises qui afficheront un horaires collectif à 35 heures de celles qui ne le feront pas, pour introduire deux modes de taxation des heures sup : 25% versés aux salariés dans le premier cas [Libération omet de préciser que même dans ce cas l’accord d’entreprise ou de branche peut instaurer des "repos compensateurs" évitant ainsi toute taxation des heures supplémentaires], 10 % versés dans un « fonds pour l’emploi », plus 15 % aux salariés dans le second. » (Libération du 28/7/99)

 

En quelque sorte, la future loi instaure un nouvel impôt sur le dos des salariés destiné à alimenter un « fond pour l’emploi », c’est-à-dire en toute probabilité l’un des multiples systèmes de compensation des pertes dues aux « allégements » des charges sociales offerts en cadeau aux patrons.

 

Il s’agit ni plus ni moins que d’instaurer un nouveau prélèvement sur les salaires au profit des capitalistes. Il s’agit tout simplement d’organiser le reversement d’une partie du salaire au profit des patrons !


…baisse des salaires…


En ce qui concerne le SMIC le projet de loi prévoit :

«  Pour maintenir le pouvoir d’achat des bas salaires, le SMIC devrait augmenter de 11,4 %. Plutôt que de relever le tôt horaire (à 45,35 F), le gouvernement a décidé d’instaurer une indemnité compensatrice garantissant le maintien de la rémunération. Ce « complément différentiel de salaire » devrait être maintenu jusqu’à ce que les revalorisations successives légales aient  absorbé ces 11,4%. Cela s’appliquera aux nouveaux embauchés s’ils sont « recrutés sur des postes équivalents à ceux des salariés en place » ; mais les emplois créés risquent d’échapper à cette comparaison.  Les embauches se feront donc à un sous-SMIC ».

(Le Monde Diplomatique de septembre 1999).

 

Cette mesure, combinée au rabais sur la taxation des heures supplémentaires, va conduire inexorablement à une nouvelle baisse des salaires nominaux et des salaires réels.


…120 milliards de francs par an pour les patrons…


Pour qui est des «aides publiques» le projet propose :

 

« Les aides publiques sont accordées dès qu’il y a signature d’un accord sur les 35 heures. Toute référence à la création d »emplois, qui existait dans la première loi, est supprimée dans la seconde. Le coût total serait de l’ordre de 120 milliards de francs en année pleine. Il sera assumé par une taxe sur les bénéfices(remplaçant la taxe Juppé sur les superbénéfices), par la création d’une écotaxe et par une contribution de l’Union interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic) (alors que déjà plus de la moitié des chômeurs ne reçoivent strictement aucune indemnité). Les entreprises continueront à bénéficier de différent dispositifs (incitation au temps partiel, prime à l’embauche des jeunes, contrats en alternance…) qui ont la particularité de coûter assez cher (plus de 50 milliards de francs par an) et de n’être jamais contrôlés »

(Le Monde Diplomatique de septembre 1999).

 

En clair pour le patronat c’est une nouvelle aubaine qui va venir s’ajouter aux dizaines de milliards de francs qui lui sont généreusement distribués au titre des « aides publiques à l’emploi ».


…mettre le prolétariat au pas


De multiples autres aspect de la loi pourraient être commentés. Mais tous vont dans le même sens : constituer un cadre légal pour permettre que par la « négociation » soit remis en cause tout le contenu des conventions collectives et que soit liquidés les acquis cristallisés dans le code du travail. Il en va par exemple ainsi du temps de formation pour laquelle la loi ouvre la possibilité qu’il soit décompté dans le temps non travaillé. Mais il s’agit aussi de prendre les dispositions pour mettre la classe ouvrière au pas.

Le journal Les Échos du 10/11 septembre 1999 commente :

 « la jurisprudence actuelle continuera à s’appliquer : le salarié pourra toujours refuser les conséquences de l’accord, ce qui entraînera son licenciement. Pour cela, il faudra toujours que l’entreprise prouve que celui-ci a une cause réelle et sérieuse.

 

Mais le projet de loi prévoit une importante exception à ce droit commun : elle concerne les entreprises dont le dispositif de passage aux 35 heures fait l’objet d’un accord signé par des syndicats majoritaires ou validé par la majorité des salariés. Dans ce cas, le licenciement sera présumé justifié et il sera seulement soumis à la procédure prévue en cas de licenciement individuel ; Ce dispositif, souligne-t-on dans l’entourage de Martine Aubry, va permettre « d’accroître la sécurité juridique ».

 

La menace du chômage prend à la gorge des millions de travailleurs. Elle permet à la classe capitaliste d’exercer  une pression considérable sur le prolétariat qui, en l’absence de perspective politique de combat en est réduit à accepter les pires conditions dans les contrats de travail, tout simplement pour survivre et échapper à la déchéance totale.

En 1998, 9 emplois sur 10 créés, selon les statistiques du ministère de l’emploi et de la solidarité, l’ont été en CDD. Depuis deux ans, le travail à temps partiel (qui n’est qu’une forme déguisée du chômage) ainsi que l’embauche via les sociétés d’intérim se sont considérablement développés.

 

Le projet de loi vient amplifier et conforter ces tendances : pour le prolétariat l’alternative se réduit à: ou le chômage total ou l’acceptation de conditions considérablement aggravées d’exploitation.


Des enjeux considérables


Pour la bourgeoisie française, les enjeux sont considérables. Le combat permanent pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit implique la lutte permanente pour intensifier l’exploitation de la classe ouvrière et de l’ensemble du prolétariat. Ce que Reagan et Thatcher ont réalisé, ce que Clinton aux USA et le gouvernement Blair en Grande-Bretagne poursuivent, il est d’une nécessité absolue que les gouvernement au service du capital le réalisent en France comme en Allemagne ou ailleurs. Il en va de la capacité de chacune des bourgeoisies concernées à maintenir ses positions sur le marché mondial dans le contexte de la concurrence entre impérialismes.

 

En 1995, le gouvernement Chirac-Juppé a réalisé au compte de la bourgeoisie une tâche considérable : engager la réforme-destruction de la Sécurité Sociale avec la complicité des dirigeants des confédérations ouvrières qui ont trahi et liquidé le mouvement de novembre-décembre 1995. Face à ce mouvement le gouvernement Chirac-Juppé a dû différer la liquidation des régimes de retraites dans la fonction publiques et certaines entreprises publiques telles la SNCF et la RATP. Après la défaite de Chirac en juin 1997, le gouvernement de la majorité plurielle constitué par Jospin  a repris a son compte les objectif de la bourgeoisie française : casser le droit du travail, liquider les conventions collectives, généraliser la flexibilité, organiser la baisse des salaires.

Là où le gouvernement Balladur avait partiellement échoué avec la loi quinquennale dite pour l’emploi adoptée en 1993 et qui ouvrait la voie à l’annualisation du temps de travail sur la base d’accords de branches, là où le gouvernement Chirac-Juppé n’avait fait qu’ouvrir une brèche avec la loi de Robien adoptée en 1996, le gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet Chevénement-Zucarelli a engagé à son tour une attaque contre le prolétariat dont l’ampleur et l’importance politique sont comparables à celle qu’a constitué le plan Juppé, cela avec l’appui et la participation active des dirigeants des confédérations syndicales ouvrières.

 

La première loi Aubry a permis que soit entrepris un processus d’atomisation systématiques des conquêtes ouvrières. Elle a permis que soit instauré un cadre politique permettant un engagement sans précédant des dirigeants de la CGT et de FO à tous les niveaux dans la liquidation des acquis cristallisés dans les conventions collectives et dans une certaine mesure dans le droit du travail.


Un premier bilan


Un premier bilan de la mise de la première loi Aubry peut être établi. Le supplément Dossiers et documents au journal Le Monde de septembre 1999 résume ainsi les statistiques officielles publiées par le gouvernement.

 

« En vue de l’échéance du 30 juin, date limite (pour les entreprises de vingt salariés et plus) fixée par la première loi pour l’octroi d’un montant maximum des aides financières, la signature d’accords s’est accélérée au cours des trois mois précédents, le nombre d’emplois crées ou préservés ayants presque doublé depuis avril.

 

Sur un total de 11 552 accords, couvrant près de 2 millions de salariés, 11 178 sollicitent ces aides, 367 y sont éligibles mais ne les demandent pas, et 6 sont signés dans des entreprises ou des organismes non éligibles.

 

Au total, 27 % des salariés à temps plein sont passés aux 35 heures ou vont le faire du fait de ces accords (…).Cependant, le nombre de salariés couverts par un accord peut paraître modeste au regard des 10 millions de salariés employés par les entreprises de plus de 20 salariés, même s’il faut tenir compte que 1,1 millions d’entre eux travaillent à temps partiel et 2,5 millions sont à une horaire collectif déjà réduit à 35 heures voire moins. Les accords ont fait l’objet d’un rare consensus syndical puisque 9 sur 10 sont signés par toutes les organisations présentes dans l’entreprise. La CFDT en paraphé 3608, la CGT 1691, FO 1347, la CFTC 1610 et la CGC 686. En parallèle, 101 accords de branches, fixant un cadre aux négociations dans les entreprises, ont été signés au 12 août. Parmi eux, 66, couvrant 6 millions de salariés, ont été étendus (banque, chimie, pétrole, télécommunications, boissons, commerce de détail d’habillement, etc.), c’est-à-dire que leur contenu s’impose à toutes les entreprises de la branches professionnelle concernée, même si l’employeur n’adhère pas à l’organisation patronale signataire »

 

Il suffit de rappeler que près de quatre ans après l’adoption de la loi quinquennale dite pour l’emploi en 1993, seulement 31 accords de branche avaient été signés… La première loi Aubry a donné une formidable impulsion « aux négociations » visant à liquider les acquis de la classe ouvrière. Les chiffres de la création d’emploi sont ridicules si on les rapporte au nombre réels de chômeurs ( selon le supplément du Monde déjà cité « Au 21 juillet, 85 334 emplois avaient été crées et 16 475 sauvegardés »).

Par contre le terrain cédé par le prolétariat est considérable dans tous les domaines.  Le journal Les Échos du 18/5/99 indique :

 

« les formes de RTT sont extrêmement variées. Une demi-journée ou une journée de repos supplémentaires sont clairement privilégiées avec l’annualisation des horaires mise en place dans 48,7 % des cas (…) la majorité des accords, enfin, prévoit une réorganisation du travail (fluctuation des horaires, modulation,, temps partiel annualisé ,etc.)(…) Pour plus de 80 % des salariés, la RTT n’entraîne pas de baisse immédiate (sic !) Mais un gel (généralement sur deux ans) ou une augmentation moindre que prévue les années suivantes s’applique dans trois cas sur quatre »

 

Il n’y a pas de raison pour que ces statistiques publiées en mai aient fondamentalement évolué dans le bilan présenté par le gouvernement en août. Il faut compléter en précisant que de nombreux autres accords, en sus de la moitié des accords recensés comme instaurant l’annualisation, instaurent une annualisation partielle en fonction des impératifs de la production des secteurs industriels concernés. De plus, certes dans de nombreux cas le salaire de base nominal est maintenu au temps présent, mais dans trois cas sur quatre il est gelé, au mieux les augmentations sont modulées, ce qui inéluctablement conduira à court terme à une baisse du salaire réel, aggravée par le fait que l’annualisation et la modulation font disparaître totalement ou partiellement la taxation des heures considérées jusqu’à présent comme supplémentaires en application d’une durée du travail hebdomadaire, voire dans certains cas déjà mensuelle, ou d’une prise en compte des heures travaillées les samedis et les dimanches. De plus il faut ajouter que le presse a souligné de nombreux cas d’accords où en échange d’une réduction du temps de travail, les acquis des salariés sur les temps de pause, les jours de formation etc. ont été remis en cause.

 

En résumé, la mise en œuvre de la loi Aubry a déjà permis un accroissement sensible du taux d’exploitation du prolétariat : du fait de la « réorganisation » du travail, des gains de productivité (intensification de l’exploitation par extorsion de la plus-value relative) sont acquis ; du fait de l’annualisation ou de la « modulation », à temps de travail égal, le temps effectivement travaillé est considérablement accru, ce qui conduit à un accroissement de la plus-value absolue.

 

Lors d’un discours prononcé le 20 mai 1999 après une visite de l’entreprise Selmer, Martine Aubry pouvait déclarer, tirant un premier bilan des accords conclu alors :

« Des souplesses nouvelles ont été gagnées tant par les salariés que par les entreprises. Les entreprises y ont gagné des souplesses internes sans recourir à l’intérim ou à la délocalisation pour s’adapter aux fluctuations d’activité ; la prise en compte des fluctuations et de la saisonnalité éventuelle, des rythmes des clients, a permis d’adapter l’organisation de l’entreprise aux évolutions de la demande ; ainsi la durée d’utilisation des équipements a été accrue (19 % des cas), l’amplitude d’ouverture pour les services a été augmentée (21 % des cas) (…)

Ces accords équilibrés socialement le sont aussi financièrement. Et cela est capital pour la compétitivité des entreprises, pour que l’effet sur l’emploi constaté aujourd’hui soit pérenne.(…) Si le maintien du salaire est la règle dans 85 % des cas au niveau du SMIC, ce maintien est suivi, dans 75 % des cas, par une modération salariale de 2,5 % à terme (…) pour les accords non aidés, il y a un léger surcoût en 1999 mais celui-ci sera compensé dès 2000 par l’allégement structurel des cotisations sociales annoncé par le gouvernement (…) Pour les entreprises, et elles sont de plus en plus nombreuses à le reconnaître, c’est l’occasion de repenser l’organisation en fonction des besoins des clients »

 

Il s’agit d’un bon résumé de ce qu’implique pour le prolétariat la mise en application de la première loi Aubry, de ce que signifierait celle de le seconde. Tout un programme de liquidation des acquis de la classe ouvrière.


Comment en est-on arrivé là?


En juin 1997, Chirac et la majorité RPR-UDF ont été défaits ; une majorité de députés du PS et du PCF a été élue à l’Assemblée Nationale. La mobilisation du prolétariat sur le terrain des élections a été relativement limitée, mais elle a suffit, dans le contexte de la crise des partis traditionnels de la bourgeoisie concrétisée pour une part par la place prise alors par le Front National, a infligé une défaite cuisante à Jacques Chirac. Une nouvelle fois appelé aux « affaires », le PS sous la direction de Jospin a constitué le gouvernement bourgeois de type front populaire, la « majorité plurielle », gouvernement d’alliance entre les partis ouvriers bourgeois que sont le PS et le PCF et les partis bourgeois que sont les Verts, le MDC et le PRG.

 

Dès sa constitution ce gouvernement s’est attaché a poursuivre dans des conditions politiques nouvelles, les tâches qu’attend la bourgeoisie. Le gouvernement dirigé par Jospin a pris en charge la liquidation de l’usine de Reanult-Vilvorde ; il a serré les rangs autour de Chirac dans les négociations du traité d’Amsterdam, il s’est employé a préserver Chirac, le vaincu des élections législatives, et a poursuivre la politique anti-ouvrière du gouvernement Chirac-Juppé. En ce sens il a poursuivi la mise en œuvre de la réforme destruction de la Sécurité sociale, celle des réformes- destruction de l’enseignement public, celle des privatisations, en particulier dans le cas de France-Télécom, etc. Mais dès la présentation de son programme en juin 1997 devant l’Assemblée Nationale, Jospin a mis au centre la question de « 35 heures », c’est-à-dire la prise en charge de l’offensive en vue de diminuer le coût du travail et de liquider pour ce faire les acquis de la classe ouvrière et de l’ensemble du prolétariat.

Cette offensive n’a pu être engagée que de par le soutien plein et entier que les dirigeants des confédérations ouvrières, ceux de la CGT et de FO, ont apportés au gouvernement.

 

De leur participation à la conférence nationale dite « pour l’emploi » le 10 octobre 1997, à l’adoption de la loi en première lecture en janvier 1998, jusqu’à son adoption définitive en mai 1998, ces derniers ont participé à la concertation et l’élaboration de son contenu.

 

Ils ont refusé de réaliser le front unique des organisations ouvrières pour imposer à la majorité de député du PCF et du PS qu’elle rejette le projet, qu’elle rompe ainsi avec le gouvernement en s’engageant dans une politique de défense des intérêts du prolétariats. Ils ont refusé de rompre à tous les niveaux les « négociations » en vue le la mise en œuvre de la première loi Aubry.

Ils ont repris a leur compte la propagande gouvernementale sur « la lutte contre le chômage », participant de la pression sur la prolétariat pour qu’il accepte, faute d’une perspective politique autre que celle du maintien du mode de production capitaliste, que la seule issue possible était l’acceptation de nouveaux sacrifices.

 

Ils ont cherché à duper le prolétariat en engageant à tous les niveaux, ceux des entreprises et des branches les négociations en vue de « bons accords ».

Ils ont sciemment participé de la liquidation, entreprise par entreprise, branche par branche, à la liquidation des acquis de la classe ouvrière.


Les dirigeants des confédérations CGT et FO en première ligne


La CFDT a été à l’avant-garde de la mise en application de la première loi Aubry. Rien d’étonnant de la part de cette organisation partisane de l’association capital-travail, étrangère au mouvement ouvrier, qui fut à l’avant-garde de la mise en place de la réforme destruction de la Sécurité Sociale. Par contre l’engagement des dirigeants des confédérations FO et CGT constitue un pas de plus, considérable, dans leur collaboration avec la bourgeoisie contre leur prolétariat.

 

Tant la première loi que le projet de deuxième loi sont clairs: la loi ne peut pas s'appliquer si un accord n'est pas trouvé avec les organisations syndicales, si des négociations n'ont pas lieu. En ajoutant la condition que les organisations signataires soient majoritaires, le projet de deuxième loi indique clairement sa cible: en pratique, aucun accord ne pourra se faire sans que, au minimum, la CGT ou FO ne le signent. C'est donc l'essence même du projet de loi que de faire des organisations syndicales ouvrière les instruments de sa mise en œuvre. En d'autres termes, c'est entrer de plain-pied dans la cogestion.

 

A terme, un tel rôle dévolu aux organisations syndicales ouvrières impliquerait leur destruction comme organisations syndicales, leur métamorphose en organes de transmission de l'Etat bourgeois.

 

Nous n'en sommes pas là. Mais le fait que le projet de loi généralise l'usage du référendum en cas de signature par des syndicats minoritaires indique bien une direction: le référendum, instrument chéri des gaullistes, permet de passer par dessus les organisations syndicales, de  nier l'existence du prolétariat comme classe, mettant tous les salariés d'une entreprise, dirigeants et employés, sur le même plan: un bulletin anonyme, isolé et impuissant glissé dans une urne.

De même, le projet de loi entérine le système du mandatement: tout salarié peut devenir "représentant" syndical sur son entreprise, sans qu'y existe un syndicat … pour signer un accord qui convienne au patron. Toute une conception du rôle du syndicat selon la bourgeoisie est ainsi pérennisé: un instrument pour faire passer ses desiderata.

 

La crise du mode de production capitaliste, système en voie de putréfaction, ne laisse aucune marge de manœuvre. Les termes de l’alternative sont plus que jamais ou rompre avec la bourgeoisie ou accepter la loi du mode de production capitaliste ; refusant de rompre avec l’ordre bourgeois, effrayés par la possibilité d’une mobilisation des masses que même un semblant de résistance de leur part pourrait déclencher, les dirigeants des confédérations FO et CGT ne peuvent que s’engager toujours plus dans la prise en charge de la politique du patronat et du gouvernement Jospin à sa botte.


Du côté de Force Ouvrière …


Les dirigeants de la confédérations FO se sont particulièrement distingués par l’accord signé le 28 juillet 1998 avec l’Union des Industries Métallurgiques et Minières (UIMM), accord bénit par Blondel, analysé en détail dans le N°75 de CPS du 25/9/98, et qui dans ses dispositions en matière de flexibilité va au-delà des exigences minimales de la première loi Aubry.

 

Dans un interview accordé au journal Les Échos  du 31/5/99, à la veille des concertation que le gouvernement allait engager en vue de la préparation de la deuxième loi, Blondel « revendiquait » : « il n’est pas question de période transitoire sur les 35 heures. ». Se livrant à d’invraisemblables explications, il affirmait cyniquement :

« En signant un accord avec l’IUMM, nous avons contré la tentation du patronat de dénoncer les conventions collectives qui protègent les salariés. Mais nous avons dû accepter en contrepartie la flexibilité et l’annualisation auxquelles nous résistions depuis quinze ans et qui jouent contre l’emploi. Cette flexibilité, il faudra en examiner les effets sur les conditions de vie et de santé des salariés.(…) Les accords de branche couvrent plus de 8 millions de salariés. C’est cela qui rend incontournables les 35 heures en janvier 2000. Cette réalité empêche tout report »

En clair, Blondel indique que tout est acceptable, pourvu que les conventions collectives ne soient pas dénoncées, et, en définitive, que peu importe leur contenu, pourvu qu’il y est des conventions collectives et par conséquent une petite place pour des interlocuteurs, dont Blondel et son appareil pour les négocier.

 

Par ailleurs sur le fond, les dirigeants de la confédérations FO se situent sur le terrain de l’acceptation des lois Aubry. Dans la même interview, Blondel déclare :

« La dissolution décidée par Jacques Chirac a transformé une revendication syndicale en engagement électoral. Je me réjouis que Lionel Jospin ait tenu ses engagements. Mais la différence avec 1936 et 1968, c’est qu’il n’y a pas aujourd’hui de grèves, donc de rapport de force favorable aux salariés. Aujourd’hui, les patrons, hostiles aux 35 heures, ne sont pas sous contraintes. Le constatant, Martine Aubry a fait toute les concessions pour les pousser à entrer dans le jeu »

 

Blondel nous explique qu’en définitive le gouvernement, son ministre Martine Aubry et les syndicats font tout leur possible, mais la base refuse de se mobiliser comme en 1936 ou en 1968. Et bien entendu la confédération FO reste indépendante et ne se mêle pas à la politique…


… et de la CGT


En temps que première confédérations ouvrière au plan national les dirigeants de la CGT se sont aussi engagés pleinement. Sur le fond, comme ceux de FO, ils « revendiquent » une bonne loi. Lors du dernier congrès de la CGT qui s’est tenu du 31 janvier au 5 février 1999, l’appareil a jeté tout son poids pour que la CGT s’engage pour faire avaler au prolétariat l’application de la loi Aubry. Cette question a été au centre des débats.

 

Le congrès a prononcé définitivement la rupture avec un syndicalisme de « contestation » vers un syndicalisme de « propositions ». Dans la résolution finale adopté par le congrès:

« la CGT apporte son soutien à « une loi cadre de réduction du temps de travail » .Elle entend s’opposer « notamment (sic !) à la flexibilité et à l’annualisation ». La CGT définit également ses exigences pour la deuxième loi : « il est impératif de revaloriser le SMIC horaire de 11,4 % afin d’éviter le double SMIC ».Elle se prononce pour la fixation d’un contingent légal d’heures supplémentaires inférieur aux 130 heures actuelles.

(Le Monde du 6/2/99).

 

Au delà des résolutions affirmant l’opposition « notamment » à l’annualisation, c’est tout de même l’orientation d’un syndicalisme « constructif », qui est ressortie du congrès et qui a été effectivement appliqué sur la question des « 35 heures ». Ainsi, Les Échos du 10/5/99 rapportent :

«La CGT est opposée à l’annualisation, « c’est clair ! » avait rappelé Maryse Dumas, membre du bureau confédéral de la CGT, au millier de délégués présents au congrès de Strasbourg en février dernier. « mais le fait est qu’elle est déjà vécue par des millions de salariés » avait-elle ajouté aussitôt. Cependant la version définitive du document d’orientation adopté en congrès ne portait pas trace de cet appel au réalisme.

Bref le congrès donnait le sentiment de ne pas avoir tranché entre les conservateurs et les partisans de l’ouverture sur ce point.

 

Les propositions sur la seconde loi sur les 35 heures que la confédération rendra publique le 17 mai, la veille de la présentation par Martine Aubry de son bilan, montrent que, sur ce dossier, la CGT est descendue de son Aventin elles comportent en effet un chapitre sur la flexibilité des horaires. Un grand pas. D’autant que les propositions avancées sur ce point marquent une réelle volonté de pragmatisme, même si elle est assortie de nombreux verrous.La CGT admet désormais l’annualisation, même si celle-ci doit rester, à ses yeux exceptionnelle et avoir une contrepartie pour les salariés.

 

Le gouvernement a bien compris toute l’importance de l’engagement de la CGT. Et s’est effectivement pour « l’aider », selon les responsables du PS eux mêmes, que le projet de seconde loi Aubry prévoit que la validation des accords sur les 35 heures serait conditionnée à la signature de l’organisation syndicale reconnue comme majoritaire dans l’entreprise concernée (à défaut de la présence d’organisation prévaudrait l’organisation d’un référendum auprès des salariés). Cette disposition fait hurler les dirigeants de FO en particulier. Elle est présentée par la CGT comme un premier acquis décisif quant au contenu de la deuxième loi. Les dirigeants de cette confédérations affirment ainsi qu’ils sont prêts à prendre toutes leurs responsabilités pour aider le gouvernement.


Le prolétariat déboussolé


Dans cette affaire, d’une première importance pour lui, le prolétariat reste déboussolé. Sous la pression des appareils syndicaux, effrayé par la perspective du chômage, matraqué jour après jour par la propagande non seulement des partis bourgeois mais aussi celle du PS et du PCF, sur le fait qu’il n’y a pas d’autre solution que « l’économie de marché » (le capitalisme), il est amené à subir.

 

Pourtant dans de nombreuses entreprises à l’occasion des « négociations » sur les 35 heures, la capacité de résistance du prolétariat s’est manifestée. Un exemple significatif a été le mouvement à la SNCF qui s’est développé pendant plusieurs jours en mai 1999. La capacité de combattre du prolétariat est une réalité. Les 600 signatures de conducteurs réunies à la RATP (voir compte rendu à la suite du présent article) en sont une illustration significative.

 

Mais partout, le frein à ce que s’organise au moins la résistance de la classe ouvrière réside dans l’absence de perspective immédiatement saisissable pour s’organiser afin de faire rompre les dirigeants syndicaux à tous les niveaux avec les patrons, pour qu’ils cessent de mettre en œuvre leurs plans et afin de faire en sorte que puisse s’organiser le combat élémentaire pour s’opposer à l’offensive du gouvernement et du patronat. Au-delà, les travailleurs présentent confusément que c’est le gouvernement qu’il s’agit d’affronter. Mais alors pèse considérablement sur leur capacité à s’engager l’absence de réponse aux questions : quel gouvernement ? Pour quelle politique ?


Comment s'orienter?


Le projet de loi Aubry, comme la première loi Aubry n’est ni amendable ni négociable ; Les intérêts du prolétariat exige que le combat soit engagé sur l’orientation :

·         Non à la flexibilité ! Non à l’annualisation du temps de travail ! Non à la baisse des salaires !

 

·         La responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, mais aussi celle des dirigeants de la FSU et de la FEN, c’est d’exiger le retrait du nouveau projet de loi Aubry, l’abrogation de la première loi Aubry.

 

·         La responsabilité des dirigeants syndicaux à tous les niveaux, dans chaque entreprise, dans chaque branche et au plan national, c’est de refuser de participer aux «négociations » en vue le l’application de la loi actuelle ou de la future loi dites des « 35 heures ». C’est d’exiger que les dirigeants des confédérations et des fédérations ouvrières dénoncent tous les accords pourris passés depuis l’adoption de la première loi.

 

·         La responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, mais aussi celle des dirigeants de la FSU et de la FEN, c’est de rompre avec le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevénement-Voynet-Zucarelli et avec le patronat.

 

·         La responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, de la FSU et de la FEN c’est de réaliser le front unique des organisations syndicales en vue d’organiser le combat général du prolétariat pour imposer au PS et au PCF, qui disposent d’une majorité à l’Assemblée Nationale, qu’ils rompent avec le gouvernement et qu’ils abrogent la loi réactionnaire dite des « 35 heures » et qu’ils rejettent le nouveau projet de loi.

 

·         En octobre prochain, la majorité de députés du PS et du PCF sera amenée à se prononcer. Il est de l’entière responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, de la FSU et de la FEN, d’appeler à ce que se réalise une manifestation centrale et nationale à Paris, à l’Assemblée Nationale afin de leur imposer de se plier à l’exigence du prolétariat.

 

Sur cette orientation il est possible que soit mené le combat pour porter un coup d’arrêt à l’offensive du patronat et du gouvernement, de combattre réellement pour la défense des acquis et la satisfaction des revendications.

 

Il ne fait aucun doute que pour obtenir l’abrogation de la loi Aubry, le retrait du nouveau projet de loi, il est nécessaire de combattre et de défaire le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevénement-Voynet-Zucarelli, gouvernement au service du capital.

 

Au delà, à la question fondamentale « comment en finir avec le chômage ? », la réponse apportée par CPS N° 75 de septembre 1998 reste d’actualité.

 

Elle est reproduite ici intégralement.


 « Comment en finir avec le chômage ? »


La loi Aubry dite des « 35 heures », a été élaborée au nom de la lutte contre le chômage. Le gouvernement, le patronat, les dirigeants des confédérations ouvrières prétendent poursuivre cet objectif. De fait d’immenses nouveaux sacrifices sont exigés du prolétariat au nom du combat pour l’« emploi ». C’est une tentative de mystification.

 

Le chômage est inhérent au mode de production capitaliste. À tout moment la bourgeoisie a besoin que subsiste « une armée de travailleurs de réserve » disponible et corvéable à souhait afin de peser sur le prix de la force de travail en maintenant les prolétaires en concurrence dans la lutte pour leur survie quotidienne. Ces dernières années, c’est justement l’existence d’un volant considérable de chômeurs qui a permis aux bourgeoisies des principales puissances capitalistes de peser sur le prix de la force de travail, de remettre en cause les acquis de la classe ouvrière, de multiplier le nombre de travailleurs sous-payés au moyen des petits boulots ou du travail à temps partiel, et, ainsi, de maintenir une relative croissance économique. Dés que le taux de profit baisse dans des conditions ne permettant plus une appropriation de la plus-value dans des normes acceptables pour le capital, les prolétaires sont massivement, par millions aujourd’hui dans les pays du sud-est asiatique, condamnés au chômage.

 

À la remise en cause des acquis du prolétariat au nom du « partage du travail », il est nécessaire d’opposer la revendication des 35 heures, voire moins encore afin de distribuer entre tous les prolétaires le travail disponible, sans diminution de salaire ni flexibilité, avec embauche compensatoire réalisée sous contrôle ouvrier. Ainsi il est possible d’en finir avec le chômage et le travail précaire.

 

Mais une telle politique exige d’en finir avec la propriété privée des moyens de production, d’exproprier le capital. La satisfaction du droit au travail est incompatible avec le maintien du régime capitaliste.

 

Le seul gouvernement qui pourrait réellement résoudre la question du chômage et assurer le droit au travail, c’est un gouvernement des organisations ouvrières sans représentants d’organisations bourgeoises, rompant avec le capital et s’engageant vers le socialisme. En l’absence de parti ouvrier révolutionnaire, le combat  pratique pour un tel gouvernement passe par l’organisation des travailleurs et la jeunesse pour œuvrer à la mobilisation générale du prolétariat qui seule peut imposer aux PS et au PCF qu’ils rompent avec l’actuel gouvernement, qu’ils chassent Chirac, qu’ils en finissent avec la V° République et qu’ils constituent un gouvernement du PS et du PCF sans représentants de la bourgeoisie. De ce gouvernement, les masses exigeraient la satisfaction de leurs revendications.

 

Pour mener ce combat politique il faut construire un authentique parti ouvrier révolutionnaire : c’est le fondement de notre combat politique. »

 

 

Le 16 septembre 1999

 

 

Déclaration (tract C.P.S.) du 18 septembre 1999

 

 

Le 5 octobre s'ouvre à l'Assemblée la discussion de la seconde loi Aubry, dite frauduleusement des "35 heures", loi de flexibilité, d'annualisation du temps de travail, de baisse des salaires.

La responsabilité des dirigeants CGT, FO, FSU, FEN, c'est:

dénoncer le second projet de loi Aubry

rompre toutes les négociations d'application de la loi Aubry

Dirigeants des confédérations CGT, FO, des fédérations FSU, FEN:

Appelez à une manifestation nationale à l'Assemblée

au moment de la discussion de ce projet de loi, pour imposer aux députés du PS et du PCF:

retrait du projet de loi Aubry !

 

Feu vert aux licenciements chez Michelin, ou la "société de plein emploi" selon Lionel Jospin


Gonflé d'aise par la baisse des chiffres officiels du chômage, Jospin s'est cru autorisé à annoncer, fin août, l'avènement d'une "société de plein emploi" d'ici "une décennie". Ce dont il se rengorge, c'est la hausse fulgurante de l'intérim, du "temps partiel imposé", de la précarité, en particulier sous la forme des dizaines de milliers de contrats à durée déterminée de cinq ans créés par son gouvernement: les "emploi-jeunes". Tout cela va de pair avec les gains de productivité réalisés par les grands groupes capitalistes français, gains réalisés en amenuisant sans cesse les garanties collectives des travailleurs. Dans la foulée du manifeste Blair-Schröder, Jospin se réclame désormais d'un "libéralisme sans excès" ( France 2, le 13 septembre). En termes moins galants: une entreprise généralisée de destruction des acquis sociaux de la population laborieuse, une perspective de misère et de réaction sans fin contre les prolétaires, les jeunes. C'est à cela que se consacre le gouvernement de la "gauche plurielle".

Pour preuve, l'annonce de 7 500 suppressions d'emplois chez Michelin dans les mois à venir, véritable agression, sciemment planifiée, contre toute la classe ouvrière.

Une exigence élémentaire est à nouveau objectivement posée: "aucun licenciement, aucune suppression d'emploi!". Sur cette revendication, c'est aux directions syndicales du groupe d'appeler à la grève générale. 

Jospin a répondu (France 2, 13 septembre): "je ne crois pas qu'on puisse administrer l'économie. Ce n'est pas par la loi, les textes, qu'on régule l'économie". Et d'inviter, après avoir ainsi donné son autorisation politique pour licencier, les salariés à se "mobiliser", avec un cynisme écœurant, précisant même:

"Il est aussi possible à Michelin de commencer à examiner les 35 heures pour sauvegarder des emplois".

Mais les travailleurs peuvent constater ce qu'il en est. Un an d'application de la première loi Aubry a entraîné des milliers d'accords de branche et d'entreprise. Le bilan est édifiant.


Bilan de la première loi: le démantèlement systématique des acquis


La loi Aubry, loi de lutte contre le chômage? Tromperie!

Dans l'automobile, les accords Aubry ont eu comme condition le financement par l'Etat de 23 000 départs en préretraite (négocié par les dirigeants FO et CGT). Au total, Renault et PSA procèdent à un gigantesque "plan social".

A la Poste, l'accord prévoit la suppression de milliers de postes de fonctionnaires. A la SNCF, les conducteurs voient la durée de leur journée de travail s'accroître. A l'EDF, c'est l'extension de l'amplitude de la journée et de la semaine de travail. Partout, l'annualisation génère des "jours de repos compensateurs" qui sont le plus souvent des journées de chômage technique imposées par la direction.

Partout, les mêmes clauses de "modération salariale", de baisse des salaires réels, voire des salaires nominaux.

Dans la fonction publique aussi, selon Le Monde, une note du ministère des finances indique qu'il s'agit grâce à la loi dite des "35 heures" de faire des "gains de productivité", de "résorber les sureffectifs" (sic!).

C'est pour les hôpitaux ce qu'annonce le plan de la CNAM, qui y exige 30 milliards de francs de coupes budgétaires. C'est pour les personnels ouvriers et les agents de l'enseignement public une circulaire, du 8 juillet, qui renvoie l'organisation de leur service au niveau des établissements, ceux-ci pouvant entre autre les faire travailler à leur guise les dimanches et les jours fériés! Déjà les enseignants des lycées ont vu leurs congés amputés d'une semaine, tandis la "déconcentration" a créé des dizaines de milliers de titulaires de "zone de remplacement" plus flexibles et corvéables que jamais.


La seconde loi Aubry: toute au service du Capital


La seconde loi Aubry entérine tout ce que les accords signés ont permis, à commencer par l'annualisation du temps de travail (de 0 à 48 heures par semaine) qui rend purement formelle la référence à un horaire hebdomadaire. S'ajoutent:

- Un SMIC à deux vitesses, au moins jusqu'en 2005, ce qui permet des embauches à un salaire inférieur au SMIC;

- un régime des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures totalement à l'avantage du patronat (taxation faible, progressive, et éventuellement nulle);

- des aides financières faramineuses, sans précédent pour le patronat, financées par le pillage de la sécurité sociale;

- la possibilité de licencier les salariés qui refuseraient le nouveau contrat de travail résultant d'un accord Aubry.

 


Une loi de destruction des organisations syndicales


Dès la première loi, tout le processus de destruction des acquis antérieurs a reposé sur ceci: faire des organisations syndicales les instruments d'application de la loi. Elle ne peut en effet s'appliquer qu'en cas de signature d'un accord. Quelles que soient ses gesticulations, le patronat n'a pas tardé à s'engager à fond dans ce processus, paraphant des milliers d'accords d'entreprise et de branche.

Mais l'essentiel est que les directions CGT et FO à tous les niveaux se sont engagées dans les "négociations" d'application de la loi et des accords qu'elle a générés, signant tour à tour des accords scélérats (métallurgie pour FO, EDF ou textile pour la CGT). Quant aux directions syndicales de la fonction publique, après de nombreuses "audiences" préalables, elles ont été convoquées chez E.Zuccarelli du 21 septembre (CGT) au 29 (FSU), dans le but de trouver avec le gouvernement un "accord-cadre".

 

La seconde loi, dont l'intitulé est: "projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail ", enfonce le clou. Non seulement elle maintient l'obligation d'un accord pour que s'applique la nouvelle durée légale (purement théorique) du temps de travail, mais encore elle conditionne la validité de ces accords au fait que les syndicats signataires soient majoritaires dans l'entreprise. En plus de ce levier pour engager encore plus les organisations syndicales dans la cogestion, la loi généralise l'usage du référendum et du mandatement, deux outils de destruction directe des organisations syndicales.


Aujourd'hui, tout dépend des directions syndicales,

à commencer par les directions confédérales CGT et FO, et aussi les directions des fédérations FSU et FEN.


Jusqu'ici, les directions syndicales ont été les instruments zélés de la mise en œuvre de la loi gouvernementale dite "des 35 heures". Ainsi, à la SNCF, en mai dernier, la direction de la CGT s'est opposée frontalement à la tentative des conducteurs de réaliser la grève générale contre le projet d'accord. A l'approche de la discussion du projet de loi, Blondel (FO) déclarait au Monde (26 août): "la loi sur la réduction du temps de travail est une occasion manquée". C'est dire s'il n'entend rien faire pour empêcher son adoption.

Quand à la direction de la CGT, suivie par celle de la FSU, elle applique l'orientation définie par son 46° congrès de "syndicalisme de proposition" qui s'est traduite par la signature ou le soutien à de nombreux accords décisifs.

Ainsi, elle appelle à manifester … le 4 octobre, veille de l'ouverture du débat au parlement, pour "peser sur le contenu de la loi". B.Thibault se refuse à déranger la majorité PS-PCF, il entend lui permettre d'avaliser le projet de loi .

 

Et c'est maintenant le PCF qui lance une manifestation "pour l'emploi", d'où serait bannie tout mot d'ordre contre le projet de loi Aubry, manifestation à laquelle Hollande (PS) est prêt à se rallier "à condition qu'elle ne soit pas contre le gouvernement"! Il n'a certes pas d'inquiétudes à avoir.

 

Mais le prolétariat peut s'ouvrir une voie. A la RATP, cet été, plus de 600 conducteurs du métro et du RER ont adressé aux directions syndicales l'exigence qu'elles dénoncent le projet d'application de la loi Aubry dans l'entreprise et boycottent toutes les négociations de mise en œuvre de ce projet.

Que dans un secteur important, la mise en œuvre de la loi dite "des 35 heures" soit enrayée fournirait un point d'appui considérable à toutes les catégories menacées par le projet de loi gouvernemental de flexibilité généralisée dite "des 35 heures" pour engager le combat.


Dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU, de la FEN:

-          Appelez à une manifestation nationale à l'Assemblée lors de la discussion du second projet de loi Aubry pour imposer aux députés du PS et du PCF:

Le retrait du projet de loi Aubry

(et l'abrogation de la première loi "d'orientation et d'incitation" )

-          Boycottez toutes les négociations de mise en œuvre de cette loi,

-          Dénoncez les "accords" déjà passés et retirez vos signatures

Contre le chômage, la précarité: imposer aux députés PS et PCF un autre gouvernement, une autre politique


L'interdiction des licenciements, du travail précaire, sont des nécessités vitales, immédiates. Mais lutter contre le chômage exige de diminuer massivement le temps de travail, sans flexibilité, ni baisse des salaires, jusqu'à embauche de tous les chômeurs. C'est parfaitement possible: on produit suffisamment pour satisfaire sans attendre les besoins les plus urgents de la population laborieuse, de la jeunesse. Un plan orientant la production rationnellement, en fonction de la satisfaction de ces besoins est nécessaire.

Mais il faut pour cela briser avec la loi capitaliste du profit, exproprier les principaux groupes capitalistes tels les Michelin que protège et défend le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli.

 

La première condition dans cette voie, c'est la rupture avec les organisations et formations bourgeoises. C'est que les dirigeants des organisations syndicales rompent toute collaboration avec le gouvernement de la "gauche plurielle", qu'ils le combattent. C'est d'imposer aux députés PS et PCF qu'ils rompent avec le gouvernement, constituent un gouvernement PS-PCF sans représentants du personnel politique de la bourgeoisie, mettant à bas Chirac en finissant avec la V° République.

 

Mais pour que voie le jour un gouvernement réellement capable d'en finir avec le régime capitaliste, un parti ouvrier révolutionnaire est nécessaire. C'est ce pour quoi combat notre Comité.