Article paru dans Combattre pour le
Socialisme n°79 d'octobre 1999
Loi «d’orientation et
d'incitation à la réduction du temps de travail»,
Projet de loi relatif «à la
réduction négociée du temps de travail» :
Le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli
détruit les acquis du prolétariat avec la collaboration des dirigeants des
confédérations syndicales ouvrières CGT et FO
Une échéance majeure
A
partir du 5 octobre, le débat à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi
Aubry, intitulé «projet de loi relatif à
la réduction négociée du temps de travail » va s’ouvrir. Ce projet
viendra se substituer à la loi «d'orientation
et d’incitation à la réduction du
temps de travail » adoptée par l’Assemblée Nationale en mai 1998.
A
moins d’un mois de l’ouverture du débat parlementaire, le patronat, ses relais
direct dans le mouvement ouvrier telle la CFDT, les dirigeants des
confédérations ouvrières de la CGT et de FO, le PS et le PCF conjuguent leurs
efforts pour permettre au gouvernement
Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli de faire passer sa loi et que soit
ainsi poursuivie et amplifiée l’offensive anti-ouvrière au compte de la
bourgeoisie.
Le
MEDEF a décidé de convoquer d’un rassemblement des « entrepreneurs »
à Paris le 4 octobre : il s’agit pour lui de faire valoir ses exigences
auprès du gouvernement afin que la nouvelle soit le plus favorable possible au
intérêts des patrons. Mais le MEDEF n’ignore pas que depuis l’adoption de la
première loi Aubry en mai 1998, plusieurs milliers « d’accords »
d’entreprise ont été signés et que tous vont dans le même sens, c’est-à-dire le
remise en cause des acquis de la classe ouvrière arrachés dans son combat afin
de résister à l’exploitation capitaliste. C’est pourquoi les partis bourgeois
ont indiqués que lors du débat parlementaire ils sauraient raison garder.
Pour
donner le change, de leur coté les dirigeants de la CGT viennent de faire la
proposition qu’une « journée nationale d’action » soit organisée le
même jour dans « l’unité » afin de peser sur le contenu de la future
loi et de « contrecarrer » l’initiative du patronat. Enfin pour compléter
le dispositif, le PCF et dans une moindre mesure le PS annoncent qu’ils vont
tout faire pour amender le projet, le PCF précisant qu’il ne pourra pas le
voter sous sa forme actuelle. Dans le même temps le gouvernement, relayé par la
presse, multiplie les « actions de communication » pour tenter de
démontrer en cachant la réalité, c’est-à-dire le développement sans précédent
du travail à temps partiel et des « petits boulots », que le chômage
régresse et que les premiers effets positifs de la loi Aubry et de la politique
gouvernementale sont en passe de se matérialiser en matière d’emploi.
Pour
les uns et les autres, il s’agit d’enfermer le prolétariat dans une nasse, de
le museler et d’empêcher son expression politique propre au moment où une
nouvelle attaque décisive va lui être portée.
Le nouveau projet de
loi : une escroquerie…
Le
nouveau projet de loi tout en se situant dans la continuité de la première loi Aubry,
constitue une aggravation de l’agression contre le prolétariat. En réalité, il
intègre une grande partie des exigences du patronat telles qu’elles se sont
cristallisées dans de multiples accords d’entreprises ou de branches.
En
vérité, c’est une véritable escroquerie de la part du gouvernement, du patronat
et des dirigeants syndicaux de qualifier ce projet de « projet de loi sur
les 35 heures ». Ce n’est pas une durée hebdomadaire de 35 heures qui est
instaurée, mais tout simplement une durée annuelle calculée sur la base de 35
heures par semaine travaillée, une fois décomptés les cinq semaines de congés
payés et les onze jours fériés légaux, soit environ 1600 heures par an.
Plus
nettement que la première loi, bien entendu sans prononcer le terme, le projet,
par le biais de la « modulation des horaires » généralise
l’annualisation du temps de travail. Les différentes modalités de
« modulation » permettent, sur la base de cette durée annuelle, de
faire varier la durée hebdomadaire jusqu’à 48 heures sans qu’aucune heure
supplémentaire ne soit due et, maigre compensation, pour peu que le salarié ait
été prévenu des changements d’horaires au moins 7 jours à l’avance ! En
soi, il s’agit pour les capitalistes d’une avancée considérable.
…heures supplémentaires
moins chères…
En
ce qui concerne le régime des heures supplémentaires, Le Monde Diplomatique de septembre 1999 indique :
"Le
contingent annuel d’heures supplémentaires autorisées demeure à 130 heures. Si
le gouvernement avait maintenu la proportion actuelle, il aurait dû le ramener
à 117 heures. Il allonge le quota des heures supplémentaires majorées à 25 %
(12 contre 8) au lieu d’étendre celles payées à 50 % de plus. Pour un même
volant d’heures supplémentaires, le patronat paiera donc moins"
Cela
d’autant plus que :
« Pendant
un an elles seront peu taxées : 10 %. Pour la suite, le projet distingue
les entreprises qui afficheront un horaires collectif à 35 heures de celles qui
ne le feront pas, pour introduire deux modes de taxation des heures sup :
25% versés aux salariés dans le premier cas [Libération omet de préciser que même dans ce
cas l’accord d’entreprise
ou de branche peut instaurer des "repos compensateurs" évitant ainsi
toute taxation des heures supplémentaires], 10 % versés dans un « fonds pour
l’emploi », plus 15 % aux salariés dans le second. » (Libération du
28/7/99)
En
quelque sorte, la future loi instaure un nouvel impôt sur le dos des salariés
destiné à alimenter un « fond pour l’emploi », c’est-à-dire en toute
probabilité l’un des multiples systèmes de compensation des pertes dues aux
« allégements » des charges sociales offerts en cadeau aux patrons.
Il
s’agit ni plus ni moins que d’instaurer un nouveau prélèvement sur les salaires
au profit des capitalistes. Il s’agit tout simplement d’organiser le
reversement d’une partie du salaire au profit des patrons !
…baisse des salaires…
En
ce qui concerne le SMIC le projet de loi prévoit :
«
Pour maintenir le pouvoir d’achat des bas salaires, le SMIC devrait augmenter
de 11,4 %. Plutôt que de relever le tôt horaire (à 45,35 F), le gouvernement a
décidé d’instaurer une indemnité compensatrice garantissant le maintien de la
rémunération. Ce « complément différentiel de salaire » devrait être
maintenu jusqu’à ce que les revalorisations successives légales aient absorbé ces 11,4%. Cela s’appliquera aux
nouveaux embauchés s’ils sont « recrutés sur des postes équivalents à ceux
des salariés en place » ; mais les emplois créés risquent d’échapper
à cette comparaison. Les embauches se
feront donc à un sous-SMIC ».
(Le Monde Diplomatique de septembre 1999).
Cette
mesure, combinée au rabais sur la taxation des heures supplémentaires, va
conduire inexorablement à une nouvelle baisse des salaires nominaux et des
salaires réels.
…120 milliards de francs par
an pour les patrons…
Pour
qui est des «aides publiques» le projet propose :
« Les
aides publiques sont accordées dès qu’il y a signature d’un accord sur les 35
heures. Toute référence à la création d »emplois, qui existait dans la
première loi, est supprimée dans la seconde. Le coût total serait de l’ordre de
120 milliards de francs en année pleine. Il sera assumé par une taxe sur les
bénéfices(remplaçant la taxe Juppé sur les superbénéfices), par la création
d’une écotaxe et par une contribution de l’Union interprofessionnelle pour
l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic) (alors que déjà plus de la
moitié des chômeurs ne reçoivent strictement aucune indemnité). Les entreprises
continueront à bénéficier de différent dispositifs (incitation au temps
partiel, prime à l’embauche des jeunes, contrats en alternance…) qui ont la
particularité de coûter assez cher (plus de 50 milliards de francs par an) et
de n’être jamais contrôlés »
(Le Monde Diplomatique de
septembre 1999).
En
clair pour le patronat c’est une nouvelle aubaine qui va venir s’ajouter aux
dizaines de milliards de francs qui lui sont généreusement distribués au titre
des « aides publiques à l’emploi ».
…mettre le prolétariat au
pas
De multiples
autres aspect de la loi pourraient être commentés. Mais tous vont dans le même
sens : constituer un cadre légal pour permettre que par la
« négociation » soit remis en cause tout le contenu des conventions
collectives et que soit liquidés les acquis cristallisés dans le code du
travail. Il en va par exemple ainsi du temps de formation pour laquelle la loi
ouvre la possibilité qu’il soit décompté dans le temps non travaillé. Mais il
s’agit aussi de prendre les dispositions pour mettre la classe ouvrière au pas.
Le
journal Les Échos du 10/11 septembre
1999 commente :
« la jurisprudence actuelle continuera à
s’appliquer : le salarié pourra toujours refuser les conséquences de
l’accord, ce qui entraînera son licenciement. Pour cela, il faudra toujours que
l’entreprise prouve que celui-ci a une cause réelle et sérieuse.
Mais
le projet de loi prévoit une importante exception à ce droit commun : elle
concerne les entreprises dont le dispositif de passage aux 35 heures fait
l’objet d’un accord signé par des syndicats majoritaires ou validé par la
majorité des salariés. Dans ce cas, le licenciement sera présumé justifié et il
sera seulement soumis à la procédure prévue en cas de licenciement
individuel ; Ce dispositif, souligne-t-on dans l’entourage de Martine
Aubry, va permettre « d’accroître la sécurité juridique ».
La
menace du chômage prend à la gorge des millions de travailleurs. Elle permet à
la classe capitaliste d’exercer une
pression considérable sur le prolétariat qui, en l’absence de perspective
politique de combat en est réduit à accepter les pires conditions dans les
contrats de travail, tout simplement pour survivre et échapper à la déchéance
totale.
En
1998, 9 emplois sur 10 créés, selon les statistiques du ministère de l’emploi
et de la solidarité, l’ont été en CDD. Depuis deux ans, le travail à temps
partiel (qui n’est qu’une forme déguisée du chômage) ainsi que l’embauche via
les sociétés d’intérim se sont considérablement développés.
Le
projet de loi vient amplifier et conforter ces tendances : pour le
prolétariat l’alternative se réduit à: ou le chômage total ou l’acceptation de
conditions considérablement aggravées d’exploitation.
Des enjeux considérables
Pour
la bourgeoisie française, les enjeux sont considérables. Le combat permanent
pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit implique la lutte
permanente pour intensifier l’exploitation de la classe ouvrière et de
l’ensemble du prolétariat. Ce que Reagan et Thatcher ont réalisé, ce que
Clinton aux USA et le gouvernement Blair en Grande-Bretagne poursuivent, il est
d’une nécessité absolue que les gouvernement au service du capital le réalisent
en France comme en Allemagne ou ailleurs. Il en va de la capacité de chacune
des bourgeoisies concernées à maintenir ses positions sur le marché mondial
dans le contexte de la concurrence entre impérialismes.
En
1995, le gouvernement Chirac-Juppé a réalisé au compte de la bourgeoisie une
tâche considérable : engager la réforme-destruction de la Sécurité Sociale
avec la complicité des dirigeants des confédérations ouvrières qui ont trahi et
liquidé le mouvement de novembre-décembre 1995. Face à ce mouvement le
gouvernement Chirac-Juppé a dû différer la liquidation des régimes de retraites
dans la fonction publiques et certaines entreprises publiques telles la SNCF et
la RATP. Après la défaite de Chirac en juin 1997, le gouvernement de la
majorité plurielle constitué par Jospin
a repris a son compte les objectif de la bourgeoisie française :
casser le droit du travail, liquider les conventions collectives, généraliser
la flexibilité, organiser la baisse des salaires.
Là
où le gouvernement Balladur avait partiellement échoué avec la loi quinquennale
dite pour l’emploi adoptée en 1993 et qui ouvrait la voie à l’annualisation du
temps de travail sur la base d’accords de branches, là où le gouvernement
Chirac-Juppé n’avait fait qu’ouvrir une brèche avec la loi de Robien adoptée en
1996, le gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet Chevénement-Zucarelli a engagé à
son tour une attaque contre le prolétariat dont l’ampleur et l’importance
politique sont comparables à celle qu’a constitué le plan Juppé, cela avec
l’appui et la participation active des dirigeants des confédérations syndicales
ouvrières.
La
première loi Aubry a permis que soit entrepris un processus d’atomisation
systématiques des conquêtes ouvrières. Elle a permis que soit instauré un cadre
politique permettant un engagement sans précédant des dirigeants de la CGT et
de FO à tous les niveaux dans la liquidation des acquis cristallisés dans les
conventions collectives et dans une certaine mesure dans le droit du travail.
Un premier bilan
Un
premier bilan de la mise de la première loi Aubry peut être établi. Le
supplément Dossiers et documents au
journal Le Monde de septembre 1999 résume ainsi les statistiques officielles
publiées par le gouvernement.
« En
vue de l’échéance du 30 juin, date limite (pour les entreprises de vingt
salariés et plus) fixée par la première loi pour l’octroi d’un montant maximum
des aides financières, la signature d’accords s’est accélérée au cours des
trois mois précédents, le nombre d’emplois crées ou préservés ayants presque
doublé depuis avril.
Sur
un total de 11 552 accords, couvrant près de 2 millions de salariés, 11 178
sollicitent ces aides, 367 y sont éligibles mais ne les demandent pas, et 6
sont signés dans des entreprises ou des organismes non éligibles.
Au
total, 27 % des salariés à temps plein sont passés aux 35 heures ou vont le
faire du fait de ces accords (…).Cependant, le nombre de salariés couverts par
un accord peut paraître modeste au regard des 10 millions de salariés employés
par les entreprises de plus de 20 salariés, même s’il faut tenir compte que 1,1
millions d’entre eux travaillent à temps partiel et 2,5 millions sont à une
horaire collectif déjà réduit à 35 heures voire moins. Les accords ont fait
l’objet d’un rare consensus syndical puisque 9 sur 10 sont signés par toutes
les organisations présentes dans l’entreprise. La CFDT en paraphé 3608, la CGT
1691, FO 1347, la CFTC 1610 et la CGC 686. En parallèle, 101 accords de
branches, fixant un cadre aux négociations dans les entreprises, ont été signés
au 12 août. Parmi eux, 66, couvrant 6 millions de salariés, ont été étendus
(banque, chimie, pétrole, télécommunications, boissons, commerce de détail
d’habillement, etc.), c’est-à-dire que leur contenu s’impose à toutes les
entreprises de la branches professionnelle concernée, même si l’employeur
n’adhère pas à l’organisation patronale signataire »
Il
suffit de rappeler que près de quatre ans après l’adoption de la loi
quinquennale dite pour l’emploi en 1993, seulement 31 accords de branche
avaient été signés… La première loi Aubry a donné une formidable impulsion
« aux négociations » visant à liquider les acquis de la classe
ouvrière. Les chiffres de la création d’emploi sont ridicules si on les
rapporte au nombre réels de chômeurs ( selon le supplément du Monde déjà cité « Au 21 juillet, 85 334 emplois avaient été crées et 16 475
sauvegardés »).
Par
contre le terrain cédé par le prolétariat est considérable dans tous les
domaines. Le journal Les Échos du 18/5/99 indique :
« les
formes de RTT sont extrêmement variées. Une demi-journée ou une journée de
repos supplémentaires sont clairement privilégiées avec l’annualisation des
horaires mise en place dans 48,7 % des cas (…) la majorité des accords, enfin,
prévoit une réorganisation du travail (fluctuation des horaires, modulation,,
temps partiel annualisé ,etc.)(…) Pour plus de 80 % des salariés, la RTT
n’entraîne pas de baisse immédiate (sic !) Mais un gel (généralement
sur deux ans) ou une augmentation moindre que prévue les années suivantes
s’applique dans trois cas sur quatre »
Il
n’y a pas de raison pour que ces statistiques publiées en mai aient
fondamentalement évolué dans le bilan présenté par le gouvernement en août. Il
faut compléter en précisant que de nombreux autres accords, en sus de la moitié
des accords recensés comme instaurant l’annualisation, instaurent une
annualisation partielle en fonction des impératifs de la production des
secteurs industriels concernés. De plus, certes dans de nombreux cas le salaire
de base nominal est maintenu au temps présent, mais dans trois cas sur quatre
il est gelé, au mieux les augmentations sont modulées, ce qui inéluctablement
conduira à court terme à une baisse du salaire réel, aggravée par le fait que
l’annualisation et la modulation font disparaître totalement ou partiellement
la taxation des heures considérées jusqu’à présent comme supplémentaires en
application d’une durée du travail hebdomadaire, voire dans certains cas déjà
mensuelle, ou d’une prise en compte des heures travaillées les samedis et les
dimanches. De plus il faut ajouter que le presse a souligné de nombreux cas
d’accords où en échange d’une réduction du temps de travail, les acquis des
salariés sur les temps de pause, les jours de formation etc. ont été remis en
cause.
En
résumé, la mise en œuvre de la loi Aubry a déjà permis un accroissement
sensible du taux d’exploitation du prolétariat : du fait de la
« réorganisation » du travail, des gains de productivité
(intensification de l’exploitation par extorsion de la plus-value relative)
sont acquis ; du fait de l’annualisation ou de la
« modulation », à temps de travail égal, le temps effectivement
travaillé est considérablement accru, ce qui conduit à un accroissement de la
plus-value absolue.
Lors
d’un discours prononcé le 20 mai 1999 après une visite de l’entreprise Selmer,
Martine Aubry pouvait déclarer, tirant un premier bilan des accords conclu
alors :
« Des
souplesses nouvelles ont été gagnées tant par les salariés que par les
entreprises. Les entreprises y ont gagné des souplesses internes sans recourir
à l’intérim ou à la délocalisation pour s’adapter aux fluctuations
d’activité ; la prise en compte des fluctuations et de la saisonnalité
éventuelle, des rythmes des clients, a permis d’adapter l’organisation de
l’entreprise aux évolutions de la demande ; ainsi la durée d’utilisation
des équipements a été accrue (19 % des cas), l’amplitude d’ouverture pour les
services a été augmentée (21 % des cas) (…)
Ces
accords équilibrés socialement le sont aussi financièrement. Et cela est capital
pour la compétitivité des entreprises, pour que l’effet sur l’emploi constaté
aujourd’hui soit pérenne.(…) Si le maintien du salaire est la règle dans 85 %
des cas au niveau du SMIC, ce maintien est suivi, dans 75 % des cas, par une
modération salariale de 2,5 % à terme (…) pour les accords non aidés, il y a un
léger surcoût en 1999 mais celui-ci sera compensé dès 2000 par l’allégement
structurel des cotisations sociales annoncé par le gouvernement (…) Pour les
entreprises, et elles sont de plus en plus nombreuses à le reconnaître, c’est
l’occasion de repenser l’organisation en fonction des besoins des
clients »
Il
s’agit d’un bon résumé de ce qu’implique pour le prolétariat la mise en
application de la première loi Aubry, de ce que signifierait celle de le
seconde. Tout un programme de liquidation des acquis de la classe ouvrière.
Comment en est-on arrivé là?
En
juin 1997, Chirac et la majorité RPR-UDF ont été défaits ; une majorité de
députés du PS et du PCF a été élue à l’Assemblée Nationale. La mobilisation du
prolétariat sur le terrain des élections a été relativement limitée, mais elle
a suffit, dans le contexte de la crise des partis traditionnels de la
bourgeoisie concrétisée pour une part par la place prise alors par le Front
National, a infligé une défaite cuisante à Jacques Chirac. Une nouvelle fois
appelé aux « affaires », le PS sous la direction de Jospin a
constitué le gouvernement bourgeois de type front populaire, la « majorité
plurielle », gouvernement d’alliance entre les partis ouvriers bourgeois
que sont le PS et le PCF et les partis bourgeois que sont les Verts, le MDC et
le PRG.
Dès
sa constitution ce gouvernement s’est attaché a poursuivre dans des conditions
politiques nouvelles, les tâches qu’attend la bourgeoisie. Le gouvernement
dirigé par Jospin a pris en charge la liquidation de l’usine de
Reanult-Vilvorde ; il a serré les rangs autour de Chirac dans les
négociations du traité d’Amsterdam, il s’est employé a préserver Chirac, le
vaincu des élections législatives, et a poursuivre la politique anti-ouvrière
du gouvernement Chirac-Juppé. En ce sens il a poursuivi la mise en œuvre de la
réforme destruction de la Sécurité sociale, celle des réformes- destruction de
l’enseignement public, celle des privatisations, en particulier dans le cas de
France-Télécom, etc. Mais dès la présentation de son programme en juin 1997
devant l’Assemblée Nationale, Jospin a mis au centre la question de « 35
heures », c’est-à-dire la prise en charge de l’offensive en vue de
diminuer le coût du travail et de liquider pour ce faire les acquis de la
classe ouvrière et de l’ensemble du prolétariat.
Cette
offensive n’a pu être engagée que de par le soutien plein et entier que les
dirigeants des confédérations ouvrières, ceux de la CGT et de FO, ont apportés
au gouvernement.
De
leur participation à la conférence nationale dite « pour l’emploi »
le 10 octobre 1997, à l’adoption de la loi en première lecture en janvier 1998,
jusqu’à son adoption définitive en mai 1998, ces derniers ont participé à la
concertation et l’élaboration de son contenu.
Ils
ont refusé de réaliser le front unique des organisations ouvrières pour imposer
à la majorité de député du PCF et du PS qu’elle rejette le projet, qu’elle rompe
ainsi avec le gouvernement en s’engageant dans une politique de défense des
intérêts du prolétariats. Ils ont refusé de rompre à tous les niveaux les
« négociations » en vue le la mise en œuvre de la première loi Aubry.
Ils
ont repris a leur compte la propagande gouvernementale sur « la lutte
contre le chômage », participant de la pression sur la prolétariat pour
qu’il accepte, faute d’une perspective politique autre que celle du maintien du
mode de production capitaliste, que la seule issue possible était l’acceptation
de nouveaux sacrifices.
Ils
ont cherché à duper le prolétariat en engageant à tous les niveaux, ceux des
entreprises et des branches les négociations en vue de « bons
accords ».
Ils
ont sciemment participé de la liquidation, entreprise par entreprise, branche
par branche, à la liquidation des acquis de la classe ouvrière.
Les dirigeants des
confédérations CGT et FO en première ligne
La
CFDT a été à l’avant-garde de la mise en application de la première loi Aubry.
Rien d’étonnant de la part de cette organisation partisane de l’association
capital-travail, étrangère au mouvement ouvrier, qui fut à l’avant-garde de la
mise en place de la réforme destruction de la Sécurité Sociale. Par contre
l’engagement des dirigeants des confédérations FO et CGT constitue un pas de
plus, considérable, dans leur collaboration avec la bourgeoisie contre leur
prolétariat.
Tant
la première loi que le projet de deuxième loi sont clairs: la loi ne peut pas
s'appliquer si un accord n'est pas trouvé avec les organisations syndicales, si
des négociations n'ont pas lieu. En ajoutant la condition que les organisations
signataires soient majoritaires, le projet de deuxième loi indique clairement
sa cible: en pratique, aucun accord ne pourra se faire sans que, au minimum, la
CGT ou FO ne le signent. C'est donc l'essence même du projet de loi que de
faire des organisations syndicales ouvrière les instruments de sa mise en
œuvre. En d'autres termes, c'est entrer de plain-pied dans la cogestion.
A
terme, un tel rôle dévolu aux organisations syndicales ouvrières impliquerait
leur destruction comme organisations syndicales, leur métamorphose en organes
de transmission de l'Etat bourgeois.
Nous
n'en sommes pas là. Mais le fait que le projet de loi généralise l'usage du
référendum en cas de signature par des syndicats minoritaires indique bien une
direction: le référendum, instrument chéri des gaullistes, permet de passer par
dessus les organisations syndicales, de
nier l'existence du prolétariat comme classe, mettant tous les salariés
d'une entreprise, dirigeants et employés, sur le même plan: un bulletin
anonyme, isolé et impuissant glissé dans une urne.
De
même, le projet de loi entérine le système du mandatement: tout salarié peut
devenir "représentant" syndical sur son entreprise, sans qu'y existe
un syndicat … pour signer un accord qui convienne au patron. Toute une
conception du rôle du syndicat selon la bourgeoisie est ainsi pérennisé: un instrument
pour faire passer ses desiderata.
La
crise du mode de production capitaliste, système en voie de putréfaction, ne
laisse aucune marge de manœuvre. Les termes de l’alternative sont plus que
jamais ou rompre avec la bourgeoisie ou accepter la loi du mode de production
capitaliste ; refusant de rompre avec l’ordre bourgeois, effrayés par la
possibilité d’une mobilisation des masses que même un semblant de résistance de
leur part pourrait déclencher, les dirigeants des confédérations FO et CGT ne peuvent
que s’engager toujours plus dans la prise en charge de la politique du patronat
et du gouvernement Jospin à sa botte.
Du côté de Force Ouvrière …
Les
dirigeants de la confédérations FO se sont particulièrement distingués par
l’accord signé le 28 juillet 1998 avec l’Union des Industries Métallurgiques et
Minières (UIMM), accord bénit par Blondel, analysé en détail dans le N°75 de
CPS du 25/9/98, et qui dans ses dispositions en matière de flexibilité va
au-delà des exigences minimales de la première loi Aubry.
Dans
un interview accordé au journal Les Échos du 31/5/99, à la veille des concertation que
le gouvernement allait engager en vue de la préparation de la deuxième loi,
Blondel « revendiquait » : « il
n’est pas question de période transitoire sur les 35 heures. ». Se livrant à d’invraisemblables explications, il
affirmait cyniquement :
« En
signant un accord avec l’IUMM, nous avons contré la tentation du patronat de
dénoncer les conventions collectives qui protègent les salariés. Mais nous
avons dû accepter en contrepartie la flexibilité et l’annualisation auxquelles
nous résistions depuis quinze ans et qui jouent contre l’emploi. Cette
flexibilité, il faudra en examiner les effets sur les conditions de vie et de
santé des salariés.(…) Les accords de branche couvrent plus de 8 millions de
salariés. C’est cela qui rend incontournables les 35 heures en janvier 2000.
Cette réalité empêche tout report »
En
clair, Blondel indique que tout est acceptable, pourvu que les conventions
collectives ne soient pas dénoncées, et, en définitive, que peu importe leur
contenu, pourvu qu’il y est des conventions collectives et par conséquent une
petite place pour des interlocuteurs, dont Blondel et son appareil pour les
négocier.
Par
ailleurs sur le fond, les dirigeants de la confédérations FO se situent sur le
terrain de l’acceptation des lois Aubry. Dans la même interview, Blondel
déclare :
« La
dissolution décidée par Jacques Chirac a transformé une revendication syndicale
en engagement électoral. Je me réjouis que Lionel Jospin ait tenu ses
engagements. Mais la différence avec 1936 et 1968, c’est qu’il n’y a pas
aujourd’hui de grèves, donc de rapport de force favorable aux salariés.
Aujourd’hui, les patrons, hostiles aux 35 heures, ne sont pas sous contraintes.
Le constatant, Martine Aubry a fait toute les concessions pour les pousser à
entrer dans le jeu »
Blondel
nous explique qu’en définitive le gouvernement, son ministre Martine Aubry et
les syndicats font tout leur possible, mais la base refuse de se mobiliser
comme en 1936 ou en 1968. Et bien entendu la confédération FO reste
indépendante et ne se mêle pas à la politique…
… et de la CGT
En
temps que première confédérations ouvrière au plan national les dirigeants de
la CGT se sont aussi engagés pleinement. Sur le fond, comme ceux de FO, ils
« revendiquent » une bonne loi. Lors du dernier congrès de la CGT qui
s’est tenu du 31 janvier au 5 février 1999, l’appareil a jeté tout son poids
pour que la CGT s’engage pour faire avaler au prolétariat l’application de la
loi Aubry. Cette question a été au centre des débats.
Le
congrès a prononcé définitivement la rupture avec un syndicalisme de
« contestation » vers un syndicalisme de « propositions ».
Dans la résolution finale adopté par le congrès:
« la
CGT apporte son soutien à « une loi cadre de réduction du temps de
travail » .Elle entend s’opposer « notamment (sic !) à la flexibilité et à
l’annualisation ». La CGT définit également ses exigences pour la deuxième
loi : « il est impératif de revaloriser le SMIC horaire de 11,4 %
afin d’éviter le double SMIC ».Elle se prononce pour la fixation d’un
contingent légal d’heures supplémentaires inférieur aux 130 heures actuelles.
(Le Monde du 6/2/99).
Au
delà des résolutions affirmant l’opposition « notamment » à
l’annualisation, c’est tout de même l’orientation d’un syndicalisme
« constructif », qui est ressortie du congrès et qui a été effectivement
appliqué sur la question des « 35 heures ». Ainsi, Les Échos du 10/5/99 rapportent :
«La
CGT est opposée à l’annualisation, « c’est clair ! » avait
rappelé Maryse Dumas, membre du bureau confédéral de la CGT, au millier de
délégués présents au congrès de Strasbourg en février dernier. « mais le
fait est qu’elle est déjà vécue par des millions de salariés » avait-elle
ajouté aussitôt. Cependant la version définitive du document d’orientation
adopté en congrès ne portait pas trace de cet appel au réalisme.
Bref
le congrès donnait le sentiment de ne pas avoir tranché entre les conservateurs
et les partisans de l’ouverture sur ce point.
Les
propositions sur la seconde loi sur les 35 heures que la confédération rendra
publique le 17 mai, la veille de la présentation par Martine Aubry de son
bilan, montrent que, sur ce dossier, la CGT est descendue de son Aventin elles
comportent en effet un chapitre sur la flexibilité des horaires. Un grand pas.
D’autant que les propositions avancées sur ce point marquent une réelle volonté
de pragmatisme, même si elle est assortie de nombreux verrous.La CGT admet
désormais l’annualisation, même si celle-ci doit rester, à ses yeux
exceptionnelle et avoir une contrepartie pour les salariés.
Le
gouvernement a bien compris toute l’importance de l’engagement de la CGT. Et
s’est effectivement pour « l’aider », selon les responsables du PS
eux mêmes, que le projet de seconde loi Aubry prévoit que la validation des
accords sur les 35 heures serait conditionnée à la signature de l’organisation
syndicale reconnue comme majoritaire dans l’entreprise concernée (à défaut de
la présence d’organisation prévaudrait l’organisation d’un référendum auprès
des salariés). Cette disposition fait hurler les dirigeants de FO en particulier.
Elle est présentée par la CGT comme un premier acquis décisif quant au contenu
de la deuxième loi. Les dirigeants de cette confédérations affirment ainsi
qu’ils sont prêts à prendre toutes leurs responsabilités pour aider le
gouvernement.
Le prolétariat déboussolé
Dans
cette affaire, d’une première importance pour lui, le prolétariat reste
déboussolé. Sous la pression des appareils syndicaux, effrayé par la
perspective du chômage, matraqué jour après jour par la propagande non
seulement des partis bourgeois mais aussi celle du PS et du PCF, sur le fait
qu’il n’y a pas d’autre solution que « l’économie de marché » (le
capitalisme), il est amené à subir.
Pourtant
dans de nombreuses entreprises à l’occasion des « négociations » sur
les 35 heures, la capacité de résistance du prolétariat s’est manifestée. Un
exemple significatif a été le mouvement à la SNCF qui s’est développé pendant
plusieurs jours en mai 1999. La capacité de combattre du prolétariat est une
réalité. Les 600 signatures de conducteurs réunies à la RATP (voir compte rendu
à la suite du présent article) en sont une illustration significative.
Mais
partout, le frein à ce que s’organise au moins la résistance de la classe
ouvrière réside dans l’absence de perspective immédiatement saisissable pour
s’organiser afin de faire rompre les dirigeants syndicaux à tous les niveaux
avec les patrons, pour qu’ils cessent de mettre en œuvre leurs plans et afin de
faire en sorte que puisse s’organiser le combat élémentaire pour s’opposer à
l’offensive du gouvernement et du patronat. Au-delà, les travailleurs
présentent confusément que c’est le gouvernement qu’il s’agit d’affronter. Mais
alors pèse considérablement sur leur capacité à s’engager l’absence de réponse
aux questions : quel gouvernement ? Pour quelle politique ?
Comment s'orienter?
Le
projet de loi Aubry, comme la première loi Aubry n’est ni amendable ni
négociable ; Les intérêts du prolétariat exige que le combat soit engagé
sur l’orientation :
·
Non
à la flexibilité ! Non à l’annualisation du temps de travail ! Non à
la baisse des salaires !
·
La
responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, mais aussi celle
des dirigeants de la FSU et de la FEN, c’est d’exiger le retrait du nouveau
projet de loi Aubry, l’abrogation de la première loi Aubry.
·
La
responsabilité des dirigeants syndicaux à tous les niveaux, dans chaque
entreprise, dans chaque branche et au plan national, c’est de refuser de
participer aux «négociations » en vue le l’application de la loi actuelle
ou de la future loi dites des « 35 heures ». C’est d’exiger que les
dirigeants des confédérations et des fédérations ouvrières dénoncent tous les
accords pourris passés depuis l’adoption de la première loi.
·
La
responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, mais aussi celle
des dirigeants de la FSU et de la FEN, c’est de rompre avec le gouvernement Jospin-Gayssot-Chevénement-Voynet-Zucarelli
et avec le patronat.
·
La
responsabilité des dirigeants des confédérations CGT et FO, de la FSU et de la
FEN c’est de réaliser le front unique des organisations syndicales en vue
d’organiser le combat général du prolétariat pour imposer au PS et au PCF, qui
disposent d’une majorité à l’Assemblée Nationale, qu’ils rompent avec le
gouvernement et qu’ils abrogent la loi réactionnaire dite des « 35
heures » et qu’ils rejettent le nouveau projet de loi.
·
En
octobre prochain, la majorité de députés du PS et du PCF sera amenée à se
prononcer. Il est de l’entière responsabilité des dirigeants des confédérations
CGT et FO, de la FSU et de la FEN, d’appeler à ce que se réalise une
manifestation centrale et nationale à Paris, à l’Assemblée Nationale afin de
leur imposer de se plier à l’exigence du prolétariat.
Sur
cette orientation il est possible que soit mené le combat pour porter un coup
d’arrêt à l’offensive du patronat et du gouvernement, de combattre réellement
pour la défense des acquis et la satisfaction des revendications.
Il
ne fait aucun doute que pour obtenir l’abrogation de la loi Aubry, le retrait
du nouveau projet de loi, il est nécessaire de combattre et de défaire le
gouvernement Jospin-Gayssot-Chevénement-Voynet-Zucarelli, gouvernement au
service du capital.
Au
delà, à la question fondamentale « comment en finir avec le
chômage ? », la réponse apportée par CPS N° 75 de septembre 1998
reste d’actualité.
Elle
est reproduite ici intégralement.
« Comment en finir avec
le chômage ? »
La
loi Aubry dite des « 35 heures », a été élaborée au nom de la lutte
contre le chômage. Le gouvernement, le patronat, les dirigeants des
confédérations ouvrières prétendent poursuivre cet objectif. De fait d’immenses
nouveaux sacrifices sont exigés du prolétariat au nom du combat pour
l’« emploi ». C’est une tentative de mystification.
Le
chômage est inhérent au mode de production capitaliste. À tout moment la bourgeoisie
a besoin que subsiste « une armée de travailleurs de réserve »
disponible et corvéable à souhait afin de peser sur le prix de la force de
travail en maintenant les prolétaires en concurrence dans la lutte pour leur
survie quotidienne. Ces dernières années, c’est justement l’existence d’un
volant considérable de chômeurs qui a permis aux bourgeoisies des principales
puissances capitalistes de peser sur le prix de la force de travail, de
remettre en cause les acquis de la classe ouvrière, de multiplier le nombre de
travailleurs sous-payés au moyen des petits boulots ou du travail à temps
partiel, et, ainsi, de maintenir une relative croissance économique. Dés que le
taux de profit baisse dans des conditions ne permettant plus une appropriation
de la plus-value dans des normes acceptables pour le capital, les prolétaires
sont massivement, par millions aujourd’hui dans les pays du sud-est asiatique,
condamnés au chômage.
À
la remise en cause des acquis du prolétariat au nom du « partage du
travail », il est nécessaire d’opposer la revendication des 35 heures,
voire moins encore afin de distribuer entre tous les prolétaires le travail
disponible, sans diminution de salaire ni flexibilité, avec embauche
compensatoire réalisée sous contrôle ouvrier. Ainsi il est possible d’en finir
avec le chômage et le travail précaire.
Mais
une telle politique exige d’en finir avec la propriété privée des moyens de
production, d’exproprier le capital. La satisfaction du droit au travail est
incompatible avec le maintien du régime capitaliste.
Le
seul gouvernement qui pourrait réellement résoudre la question du chômage et
assurer le droit au travail, c’est un gouvernement des organisations ouvrières
sans représentants d’organisations bourgeoises, rompant avec le capital et
s’engageant vers le socialisme. En l’absence de parti ouvrier révolutionnaire,
le combat pratique pour un tel
gouvernement passe par l’organisation des travailleurs et la jeunesse pour
œuvrer à la mobilisation générale du prolétariat qui seule peut imposer aux PS
et au PCF qu’ils rompent avec l’actuel gouvernement, qu’ils chassent Chirac,
qu’ils en finissent avec la V° République et qu’ils constituent un gouvernement
du PS et du PCF sans représentants de la bourgeoisie. De ce gouvernement, les
masses exigeraient la satisfaction de leurs revendications.
Pour
mener ce combat politique il faut construire un authentique parti ouvrier
révolutionnaire : c’est le fondement de notre combat politique. »
Le 16 septembre 1999
Déclaration
(tract C.P.S.) du 18 septembre 1999
Le 5 octobre s'ouvre à
l'Assemblée la discussion de la seconde loi Aubry, dite frauduleusement des
"35 heures", loi de flexibilité, d'annualisation du temps de travail,
de baisse des salaires.
La responsabilité des dirigeants CGT, FO,
FSU, FEN, c'est:
rompre toutes les négociations d'application de la loi Aubry
Dirigeants des confédérations CGT, FO, des
fédérations FSU, FEN:
Appelez à une manifestation nationale à l'Assemblée
au moment de la discussion
de ce projet de loi, pour imposer aux députés du PS et du PCF:
Feu vert aux licenciements chez Michelin, ou la "société de plein emploi" selon Lionel Jospin
Gonflé
d'aise par la baisse des chiffres officiels du chômage, Jospin s'est cru
autorisé à annoncer, fin août, l'avènement d'une "société de plein emploi" d'ici "une décennie". Ce dont il se rengorge, c'est la hausse
fulgurante de l'intérim, du "temps partiel imposé", de la précarité,
en particulier sous la forme des dizaines de milliers de contrats à durée
déterminée de cinq ans créés par son gouvernement: les
"emploi-jeunes". Tout cela va de pair avec les gains de productivité
réalisés par les grands groupes capitalistes français, gains réalisés en
amenuisant sans cesse les garanties collectives des travailleurs. Dans la
foulée du manifeste Blair-Schröder, Jospin se réclame désormais d'un "libéralisme sans excès" ( France 2,
le 13 septembre). En termes moins galants: une entreprise généralisée de
destruction des acquis sociaux de la population laborieuse, une perspective de
misère et de réaction sans fin contre les prolétaires, les jeunes. C'est à cela
que se consacre le gouvernement de la "gauche plurielle".
Pour
preuve, l'annonce de 7 500 suppressions d'emplois chez Michelin dans les mois à
venir, véritable agression, sciemment planifiée, contre toute la classe
ouvrière.
Une
exigence élémentaire est à nouveau objectivement posée: "aucun licenciement, aucune suppression
d'emploi!". Sur cette revendication, c'est aux directions syndicales
du groupe d'appeler à la grève générale.
Jospin
a répondu (France 2, 13 septembre): "je
ne crois pas qu'on puisse administrer l'économie. Ce n'est pas par la loi, les
textes, qu'on régule l'économie". Et d'inviter, après avoir ainsi
donné son autorisation politique pour licencier, les salariés à se "mobiliser", avec un cynisme
écœurant, précisant même:
"Il est aussi possible à Michelin de commencer
à examiner les 35 heures pour sauvegarder des emplois".
Mais
les travailleurs peuvent constater ce qu'il en est. Un an d'application de la
première loi Aubry a entraîné des milliers d'accords de branche et
d'entreprise. Le bilan est édifiant.
Bilan de la première loi: le démantèlement systématique des acquis
La
loi Aubry, loi de lutte contre le chômage? Tromperie!
Dans l'automobile, les accords Aubry ont eu
comme condition le financement par l'Etat de 23 000 départs en préretraite
(négocié par les dirigeants FO et CGT). Au total, Renault et PSA procèdent à un
gigantesque "plan social".
A la Poste, l'accord prévoit la
suppression de milliers de postes de fonctionnaires. A la SNCF, les conducteurs voient la durée de leur journée de
travail s'accroître. A l'EDF, c'est
l'extension de l'amplitude de la journée et de la semaine de travail. Partout,
l'annualisation génère des "jours de repos compensateurs" qui sont le
plus souvent des journées de chômage technique imposées par la direction.
Partout, les mêmes clauses de
"modération salariale", de baisse des salaires réels, voire des
salaires nominaux.
Dans la fonction publique aussi, selon Le Monde, une note du ministère des finances
indique qu'il s'agit grâce à la loi dite des "35 heures" de faire des
"gains de productivité", de
"résorber les sureffectifs"
(sic!).
C'est
pour les hôpitaux ce qu'annonce le
plan de la CNAM, qui y exige 30 milliards de francs de coupes budgétaires.
C'est pour les personnels ouvriers et les agents de l'enseignement public une circulaire, du 8 juillet, qui renvoie
l'organisation de leur service au niveau des établissements, ceux-ci pouvant
entre autre les faire travailler à leur guise les dimanches et les jours
fériés! Déjà les enseignants des lycées ont vu leurs congés amputés d'une
semaine, tandis la "déconcentration" a créé des dizaines de milliers
de titulaires de "zone de remplacement" plus flexibles et corvéables
que jamais.
La seconde loi Aubry: toute au service du Capital
La
seconde loi Aubry entérine tout ce que les accords signés ont permis, à
commencer par l'annualisation du temps de travail (de 0 à 48 heures par
semaine) qui rend purement formelle la référence à un horaire hebdomadaire.
S'ajoutent:
- Un SMIC à deux vitesses, au moins jusqu'en 2005, ce
qui permet des embauches à un salaire inférieur au SMIC;
- un régime des heures
supplémentaires entre 35 et 39 heures totalement à l'avantage du patronat (taxation faible,
progressive, et éventuellement nulle);
- des aides financières
faramineuses,
sans précédent pour le patronat, financées par le pillage de la sécurité
sociale;
- la possibilité de
licencier les salariés qui refuseraient le nouveau contrat de travail résultant d'un accord
Aubry.
Une loi de destruction des organisations syndicales
Dès
la première loi, tout le processus de destruction des acquis antérieurs a reposé
sur ceci: faire des organisations syndicales les instruments d'application de
la loi. Elle ne peut en effet s'appliquer qu'en cas de signature d'un accord.
Quelles que soient ses gesticulations, le patronat n'a pas tardé à s'engager à
fond dans ce processus, paraphant des milliers d'accords d'entreprise et de
branche.
Mais
l'essentiel est que les directions CGT et FO à tous les niveaux se sont
engagées dans les "négociations" d'application de la loi et des
accords qu'elle a générés, signant tour à tour des accords scélérats
(métallurgie pour FO, EDF ou textile pour la CGT). Quant aux directions
syndicales de la fonction publique, après de nombreuses "audiences"
préalables, elles ont été convoquées chez E.Zuccarelli du 21 septembre (CGT) au
29 (FSU), dans le but de trouver avec le gouvernement un
"accord-cadre".
La
seconde loi, dont l'intitulé est: "projet
de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail ",
enfonce le clou. Non seulement elle maintient l'obligation d'un accord pour que
s'applique la nouvelle durée légale (purement théorique) du temps de travail,
mais encore elle conditionne la validité de ces accords au fait que les
syndicats signataires soient majoritaires dans l'entreprise. En plus de ce
levier pour engager encore plus les organisations syndicales dans la cogestion,
la loi généralise l'usage du référendum et du mandatement, deux outils de
destruction directe des organisations syndicales.
Aujourd'hui, tout dépend des directions syndicales,
à commencer par les directions confédérales CGT et FO, et aussi les directions des fédérations FSU et FEN.
Jusqu'ici,
les directions syndicales ont été les instruments zélés de la mise en œuvre de
la loi gouvernementale dite "des 35 heures". Ainsi, à la SNCF, en mai
dernier, la direction de la CGT s'est opposée frontalement à la tentative des
conducteurs de réaliser la grève générale contre le projet d'accord. A
l'approche de la discussion du projet de loi, Blondel (FO) déclarait au Monde (26 août): "la loi sur la réduction du temps de travail est une occasion
manquée". C'est dire s'il n'entend rien faire pour empêcher son
adoption.
Quand
à la direction de la CGT, suivie par celle de la FSU, elle applique
l'orientation définie par son 46° congrès de "syndicalisme de proposition" qui s'est traduite par la
signature ou le soutien à de nombreux accords décisifs.
Ainsi,
elle appelle à manifester … le 4 octobre, veille de l'ouverture du débat au
parlement, pour "peser sur le contenu de la loi". B.Thibault se
refuse à déranger la majorité PS-PCF, il entend lui permettre d'avaliser le
projet de loi .
Et
c'est maintenant le PCF qui lance une manifestation "pour l'emploi",
d'où serait bannie tout mot d'ordre contre le projet de loi Aubry, manifestation
à laquelle Hollande (PS) est prêt à se rallier "à condition qu'elle ne soit pas contre le gouvernement"!
Il n'a certes pas d'inquiétudes à avoir.
Mais
le prolétariat peut s'ouvrir une voie. A la RATP, cet été, plus de 600
conducteurs du métro et du RER ont adressé aux directions syndicales l'exigence
qu'elles dénoncent le projet d'application de la loi Aubry dans l'entreprise et
boycottent toutes les négociations de mise en œuvre de ce projet.
Que
dans un secteur important, la mise en œuvre de la loi dite "des 35
heures" soit enrayée fournirait un point d'appui considérable à toutes les
catégories menacées par le projet de loi gouvernemental de flexibilité
généralisée dite "des 35 heures" pour engager le combat.
Dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU, de la FEN:
-
Appelez à une
manifestation nationale à l'Assemblée lors de la discussion du second projet de
loi Aubry pour imposer aux députés du PS et du PCF:
(et l'abrogation de la première loi
"d'orientation et d'incitation" )
-
Boycottez
toutes les négociations de mise en œuvre de cette loi,
-
Dénoncez les
"accords" déjà passés et retirez vos signatures
Contre le chômage, la précarité: imposer aux députés PS et PCF un autre gouvernement, une autre politique
L'interdiction
des licenciements, du travail précaire, sont des nécessités vitales,
immédiates. Mais lutter contre le chômage exige de diminuer massivement le
temps de travail, sans flexibilité, ni baisse des salaires, jusqu'à embauche de
tous les chômeurs. C'est parfaitement possible: on produit suffisamment pour
satisfaire sans attendre les besoins les plus urgents de la population
laborieuse, de la jeunesse. Un plan orientant la production rationnellement, en
fonction de la satisfaction de ces besoins est nécessaire.
Mais
il faut pour cela briser avec la loi capitaliste du profit, exproprier les
principaux groupes capitalistes tels les Michelin que protège et défend le
gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli.
La
première condition dans cette voie, c'est la rupture avec les organisations et
formations bourgeoises. C'est que les dirigeants des organisations syndicales
rompent toute collaboration avec le gouvernement de la "gauche
plurielle", qu'ils le combattent. C'est d'imposer aux députés PS et PCF
qu'ils rompent avec le gouvernement, constituent un gouvernement PS-PCF sans
représentants du personnel politique de la bourgeoisie, mettant à bas Chirac en
finissant avec la V° République.
Mais
pour que voie le jour un gouvernement réellement capable d'en finir avec le
régime capitaliste, un parti ouvrier révolutionnaire est nécessaire. C'est ce
pour quoi combat notre Comité.