Article
paru dans Combattre pour le Socialisme n°76 (janvier 1999)
Face à l’offensive du
gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli contre les étudiants,
pour le retrait des plans "3-5-8" et "U3M" :
Imposer aux dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-se qu'ils rompent avec le gouvernement
Offensive contre les
étudiants
Le
30 novembre 1998, Allègre, au nom du gouvernement, a présenté son plan
"3-5-8". Ce plan, directement inspiré du rapport Attali, constitue
une véritable déclaration de guerre contre les étudiants, pour leur soumission
totale aux patrons. Il prévoit en effet la mise en œuvre de "nouveaux cursus professionnalisés"
à travers "l’alternance école-entreprise".
*
Création d’une "licence technologique" (Bac+3) dont Libération du 30 octobre 1998 disait :
"Cette
dernière est une vraie nouveauté. La formation s’y ferait essentiellement par
alternance. L’objectif est bien de créer un niveau de sortie à Bac+3..."
*
Création d’un "mastère" (Bac+5) "professionnalisant", là aussi en alternance. Le Monde du 1er décembre 1998 explique :
"Les
maîtrises actuelles s’achevant actuellement à Bac+4 pourront être prolongées
d’un an, avec un stage de longue durée...".
*
Création "d’écoles doctorales" pour les thèses (Bac+8), "plus ouvertes sur le monde de l’entreprise".
Les
DEUG, Licences et Maîtrises actuels ne sont pas formellement supprimés mais
n’auront, en réalité, plus aucune valeur. Et le 3 décembre, Jospin relançait
son plan U3M (voir L’Insurgé du 15
novembre 1998 publié ci-après).
Dès
maintenant, l’application des plans du gouvernement est engagée. Libération du 01/12/1998 indiquait :
"Allègre
a choisi la voie de l’expérimentation pour engager ces changements. Les
universités qui renouvellent cette année leur contrat avec le ministère ont
donc déjà été invitées à se préparer au 3-5-8".
Le
communiqué de presse de la direction nationale de l'UNEF-se, daté du 9 décembre
1998, confirme:
"Les
plans 3-5-8 et U3M sont mis à l’ordre du jour des conseils
d’administration."
Depuis
des mois, les dirigeants de l’UNEF-ID, de l'UNEF-se, participent à toutes les
instances mises en place par le gouvernement pour propulser sa politique. Ils
participent aux conseils d’administration, au CNESER, chargés d’appliquer les
plans gouvernementaux. Alors que dans les villes où ils sont confrontés à la
mise en œuvre immédiate des plans "3-5-8" et "U3M"
(Toulouse, Amiens,...), les étudiants ont cherché à engager le combat, les
dirigeants de l’UNEF-ID et de l'UNEF-se redoublent d’efforts pour protéger le
gouvernement.
Les dirigeants syndicaux en
défense du gouvernement.
Au
cours des mois de novembre et de décembre, à Montpellier, Toulouse, Amiens,
puis encore Rennes, les étudiants ont cherché à engager le combat contre le
gouvernement et sa politique. A Toulouse, les étudiants de l’université
Toulouse- Le Mirail ont adopté une motion exigeant des directions syndicales
étudiantes, enseignantes et des personnels des universités "qu’elles démissionnent des conseils
d’administration".
Mais
les dirigeants de l’UNEF-ID, de l'UNEF-se, ont laissé les étudiants de Toulouse,
d’Amiens, de Montpellier, de Rennes… isolés dans leurs villes, enfermés dans
leurs établissements.
Le
7 décembre, une "intersyndicale" réunissant notamment les directions
de l’UNEF-ID, de l'UNEF-se, du SNESup, communiquait: "Nous
ne pouvons accepter la réorganisation
des formations supérieures
par la bande"
et de demander "le gel de l’application du schéma
3-5-8"
et non son retrait pur et simple. Mais surtout, les dirigeants syndicaux réunis
en défense du gouvernement prônent la "concertation" et souhaitent:
"une
méthode et un calendrier pour ouvrir un indispensable débat sur les formations
supérieures et l’avenir du service public".
La
"concertation", c’est exactement ce que le gouvernement souhaite et
organise. Le 30 novembre, Allègre expliquait :
"Tout
n’est pas bouclé. La concertation va commencer cette semaine. Elle devrait se
conclure début janvier".
Le
5 décembre à Amiens, une soi-disant "coordination nationale" était
constituée par les JCR, "SUD-étudiant" et la CNT, et appelait à une
journée d’action le 10 décembre, la direction de l’UNEF-ID appelant de son côté
à manifester "pour l’application du
Plan Social Etudiant" du gouvernement. Fait révélateur: à l'occasion
de cette "journée d’action" le 10 décembre, les jeunes de la LCR de
Clermont-Ferrand, autoproclamés "comité
étudiant d’information et d’action" (sic!), convoquaient une
"assemblée générale" en y conviant… le président de l’université et
le recteur de l’académie! Le 17 décembre, "l’intersyndicale" était
reçue au ministère de l’Education Nationale.
En
refusant de se prononcer pour le retrait des plans "3-5-8" et
"U3M", en laissant les étudiants de Toulouse, Amiens, Montpellier,
Rennes, isolés, en prônant et pratiquant "la concertation", la
participation, les dirigeants syndicaux de l’UNEF-ID, de l'UNEF-se, flanqués de
leur "extrême-gauche" (JCR, CNT,...), ont permis au gouvernement de
poursuivre son offensive. Mais le combat impulsé à l'université par les
étudiants révolutionnaires regroupés autour du bulletin l’Insurgé au travers d'une adresse aux dirigeants de l’UNEF-ID, de
l'UNEF-se autour de laquelle ils interviennent est toujours d’actualité:
"Les
revendications des étudiants doivent être clairement définies :
A
bas les plans "3/5/8" et "U3M"
(…)
Pour arracher les revendications, ce dont ont besoin les étudiants, c’est:
-
Pas d’actions disloquées faculté par faculté - Un combat organisé et centralisé,
contre le gouvernement.
Pour
cela : La responsabilité des dirigeants de l’UNEF-ID et de l'UNEF-se, c’est de
rompre avec le gouvernement, de cesser de participer à la mise en œuvre des
plans "3-5-8" et "U3M", de rompre avec la participation".
C'est
de convoquer une conférence nationale des étudiants constituée de délégués élus
par les Assemblées générales dans chaque université, pour engager la
préparation de la grève générale des étudiants.
C'est
de s'adresser aux directions des syndicats des enseignants et des personnels
pour qu'ils réalisent le front unique sur cette orientation."
Aujourd’hui,
alors que le gouvernement compte faire adopter son plan "3-5-8" au
CNESER début janvier, la responsabilité immédiate des dirigeants de l’UNEF-ID,
de l'UNEF-se, c’est le boycott immédiat du CNESER.
Le 20 décembre 1998
"l'enseignement
supérieur doit s'adapter au marché" (L. Jospin)
Au
mois d'octobre, des centaines de milliers de lycéens ont fait grève et
manifesté pour leurs revendications: "assez
de classes surchargées! assez de conditions d'étude dégradées! des profs, des
moyens, pour étudier!".
Or,
fin octobre, les étudiants pouvaient apprendre:
"Mis en sommeil depuis le début des
manifestations lycéennes, le projet de Claude Allègre est prêt (...) il est à
l'enseignement supérieur ce que la "charte du 21e siècle" est à
l'école primaire, la réforme Meirieu aux lycées, ou le projet concernant le
CNRS à la recherche"
(Libération
du 30 octobre).
Le
"projet" en question, c'est le "plan 3-5-8", un nouveau
plan de destruction de l'enseignement supérieur public. Ce plan, inspiré du
rapport Attali, veut généraliser "l'alternance
école-entreprise" à toutes les licences et maîtrises, liquider les
cursus actuels, aller vers une situation dans laquelle les diplômes ne seraient
plus la référence des conventions collectives, au nom de la validation des
"compétences".
C'est
la traduction des récents propos de Jospin: "l'enseignement supérieur doit s'adapter au marché".
Il
faut y ajouter le "plan des
universités du troisième millénaire" (U3M), qu'Allègre, au nom du
gouvernement, a présenté le 15 septembre, en ces termes: "S'il n'y a plus de clients, il faudra bien
fermer les commerces"(sic!) En clair: mise en concurrence, autonomie
totale des universités, aboutissant à la fermeture de certains sites.
Dans
le même temps se met en place un "plan social" contre les étudiants:
mise en place d'un "dossier
d'allocations d'études dans chaque université, instruit par une commission
sociale, sorte de guichet unique, où les étudiants seront représentés".
C'est la liquidation des acquis étudiants fac par fac, en particulier la
destruction du système actuel des bourses sur critères nationaux.
Comment
se fait-il qu'aujourd'hui, le gouvernement puisse relancer son offensive contre
les étudiants?
Le mouvement des lycéens: un
mouvement de masse contre le gouvernement
Les
revendications mises en avant par les lycéens s'opposent radicalement à la
politique du gouvernement Jospin-Gayssot- Chevènement - Voynet-Zuccarelli, à
son budget 99 d'application de la "réforme"-destruction des lycées,
qui supprime 10% de postes aux concours de l'enseignement, 3300 postes de
MI/SE, qui maintien donc et aggrave les conditions d'études des lycéens.
La
satisfaction des revendications des lycéens signifie d'obtenir le rejet du
projet de budget de l'Éducation, le retrait de la contre-réforme des lycées.
Mais seuls, les lycéens ne pouvaient arracher ces revendications. Pour cela, il
fallait la jonction du mouvement des lycéens avec les enseignants, et les
étudiants. Or, le gouvernement présentait son budget de l'Education Nationale
le 21 octobre à l'Assemblée nationale.
La
responsabilité des dirigeants des syndicats enseignants, en particulier du SNES
(majoritaire dans les lycées et collèges), des dirigeants de l'UNEF-ID, de
l'UNEF-se, c'était de convoquer: UNE MANIFESTATION CENTRALE ET NATIONALE LE 21
OCTOBRE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE, POUR IMPOSER AUX DÉPUTÉS DU PS ET PCF QU'ILS
REJETTENT LE PROJET DE BUDGET DE L'ÉDUCATION.
Au
contraire, les dirigeants syndicaux enseignants, flanqués de ceux de l'UNEF-ID
et de l'UNEF-se, ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher les
enseignants d'engager le combat, ont maintenu le mouvement lycéen dans l'isolement,
et l'ont phagocyté.
En
effet, les lycéens avaient besoin pour centraliser leur mouvement d'une
véritable coordination, c'est à dire d'un comité central de la grève générale
des lycées. Les dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-se se sont chargés de
l'empêcher, pour protéger le gouvernement. Ils ont organisé la division du
mouvement en propulsant deux prétendues "coordinations": l'une dirigée
par la FIDL, "aidée par les grands
frères étudiants de L'UNEF-ID"(Le
Monde, 16 octobre); l'autre par les JC, le prétendu "syndicat lycéen
UNEF", flanqués des JCR, etc...
Les
lycéens ont été appelés par ceux-là, avec les directions syndicales enseignantes,
à manifester, chacun dans sa ville, pour le 2O octobre, c'est à dire la veille
du vote du budget et non le jour même. Les dirigeants des syndicats
enseignants, les dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-se, ont ainsi réussi à
étouffer le mouvement des lycéens, ils ont permis au gouvernement d'accélérer
la mise en œuvre de sa politique.
Le "plan pour les
lycées": contre les lycéens, les enseignants et les étudiants/surveillants
Appuyé
sur leur politique de bousille, le gouvernement présentait le "plan pour
les lycées" du gouvernement, le 21 octobre, en même temps qu'il pouvait
faire adopter son projet de budget. Or, qu'est-ce que ce plan?
Il
prévoit l'embauche de milliers de personnels précaires
("emplois-jeunes", enseignants vacataires et contractuels). Il
enclenche la "contre-réforme" des lycées en procédant à l'allégement
des programmes, prélude à la suppression de milliers d'heures de cours dès la
rentrée prochaine.
Pour
les étudiants, ce plan signifie encore une attaque contre le statut des étudiants-surveillants:
le gouvernement procède au recrutement de "surveillants" vacataires,
à mi-temps, à la condition que ceux-ci préparent des concours.
Ainsi,
ils pourront être utilisés pour remplacer les professeurs absents. C'est la
voie ouverte vers la liquidation du statut des étudiants/surveillants recrutés
sur critères sociaux, sur des postes à temps plein, qui permettent à des
dizaines de milliers d'étudiants de poursuivre leurs études.
Au compte du capital
Le
budget 99 de l'Éducation Nationale, le "plan pour les lycées", la
"réforme"-destruction des lycées, le montrent: le gouvernement
Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli ne peut satisfaire les
revendications de la jeunesse et du prolétariat car c'est un gouvernement à la
solde du capital, un gouvernement bourgeois.
Sa
politique, c'est faire payer aux lycéens, aux étudiants, comme à l'ensemble du
prolétariat, les conséquences du maintien du régime capitaliste: détruire
progressivement le droit à l'instruction, en sabrant des centaines de milliers
d'heures de cours dans les lycées, voilà les exigences du capital! Virer par
milliers les surveillants, généraliser les emplois précaires, voilà le
programme du capital! S'en prendre aux diplômes, soumettre de plus en plus les
étudiants à l'exploitation, voilà le programme du capital que le gouvernement,
en bon gérant des intérêts du capitalisme français, met en œuvre.
Face au gouvernement, les
étudiants ont besoin de leurs organisations syndicales
Les
étudiants, contrairement aux lycéens, ont des organisations syndicales, bien
qu'elles soient aujourd'hui exsangues: l'UNEF-ID et l'UNEF(se).
Mais
au lieu que ces organisations agissent au compte des étudiants, soient
l'instrument de leur mobilisation en défense de leurs conditions d'études et de
vie, les dirigeants de ces organisations leur font prendre entièrement en
charge la politique du gouvernement.
Ainsi,
le "plan 3-5-8" est issu de la
"commission Monteil pour l'harmonisation des diplômes" à laquelle
ont participé les dirigeants de l'UNEF-ID. Pour le "plan social
étudiant" a été constitué un "comité
national de suivi" et des "groupes
de travail" dans lesquels siègent les dirigeants de l'UNEF-ID et de
l'UNEF-se. Il en va de même pour le plan "U3M".
Les
dirigeants de l'UNEF-ID et de l'UNEF-se proclament leur soutien au
gouvernement, prennent en charge l'application de sa politique en participant
aux conseils de gestion des universités. Voilà pourquoi les syndicats étudiants
ont atteint un tel degré de délabrement.
La
direction de l'UNEF-ID fait même signer une "lettre ouverte à Claude Allègre" dans laquelle elle demande au
gouvernement d'appliquer sa politique: "ces engagements pris par vous seront-ils effectivement concrétisés ?"
Le
gouvernement a besoin de cette collaboration pour appliquer sa politique. Le
combat pour permettre aux étudiants de se dresser contre le gouvernement
implique de s'organiser pour imposer aux dirigeants de l'UNEF-ID et de
l'UNEF-se qu'ils rompent avec le gouvernement.
Ouvrir
la voie au combat des étudiants contre le gouvernement, c'est combattre pour
leur imposer:
* qu'ils dénoncent le
"plan 3-5-8"(rapport Attali), se prononcent pour son retrait, qu'ils
quittent et boycottent toute instance de "concertation", de
"participation" à la mise en oeuvre de ce plan, quittent immédiatement
les conseils de gestion des universités
* qu'ils se prononcent pour
le retrait du "plan U3M" et quittent immédiatement le "comité
stratégique pour U3M" qui doit le mettre en œuvre.
* qu'ils se prononcent pour
le retrait du "plan social étudiant" et quittent immédiatement
"le comité national de suivi du plan social étudiant", tous les
"groupes de travail", à tous les échelons.
* qu'ils organisent une
conférence nationale des étudiants en défense du droit aux études.
Construire l'organisation révolutionnaire
de la jeunesse
Le
mouvement des lycéens l'a montré: les revendications de la jeunesse ne peuvent
être satisfaites par un gouvernement se situant dans le cadre du régime
capitaliste dont le moteur est le profit, les bases l'exploitation, l'oppression,
les étroites frontières nationales, qui génère misère, précarité et chômage.
Seul
un gouvernement ouvrier, rompant avec le capital et s'engageant vers le
socialisme, peut répondre aux aspirations fondamentales de la jeunesse et de
l'ensemble du prolétariat. Ouvrir cette voie, c'est exiger du PS et du PCF
qu'ils mettent à bas Chirac et la V° République, constituent un gouvernement
PS-PCF sans représentants d'organisations bourgeoises, appuyé sur leur majorité
à l'Assemblée nationale et responsable devant elle.
Le
mouvement des lycéens l'a montré: seule une organisation révolutionnaire peut
avancer l'orientation nécessaire pour que les revendications soient
satisfaites, parce qu'elle n'est en rien liée à la défense de la société
bourgeoise pourrissante.
Pour
combattre dans la perspective du socialisme, la jeunesse a besoin de construire
son organisation révolutionnaire, participant de la construction d'un
authentique parti ouvrier révolutionnaire. C'est ce que veulent les militants
regroupés autour du bulletin l'Insurgé.
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