Nous publions ci-dessous des extraits d'éditoriaux de Combattre pour le Socialisme traitant du 46ème congrès de la CGT
Plus spectaculaire encore est la manière dont le PCF
s'engage. En plein mois d'août, Robert Hue, devenu spécialiste es sondages, décidait de faire
frissonner l'échine de la "ménagère de moins de cinquante ans" en
annonçant à VSD (!) que la rentrée
verrait surgir un "nouveau Robert
Hue", "plus radical".
Lors de l'Université d'été du PCF, première du genre, il précisait le
"concept" de "radicalité constructive": "il ne s'agit pas simplement d'être le
porte-parole des impatiences et des mécontentements, mais bien plutôt le
porteur dans la majorité plurielle et au gouvernement de la radicalité des
exigences populaires". Cet embrouillamini, bien dans la manière de
l'actuel dirigeant du PCF, est en fait sans ambiguïté: la "radicalité
constructive", c'est politique de la mouche du coche.
Ainsi, lors de la même université d'été, il exigeait
du gouvernement: "le changement doit
avancer à un rythme plus soutenu". Dès cette université d'été, la
direction du PCF se plaçait dans le cadre de l'acceptation du traité
d'Amsterdam et de l'Euro, bien qu'annonçant tout de même un vote
"contre", pour le principe. Elle veut se placer dans "l'après-euro", se prononçant pour
"la réorientation sociale et
démocratique de l'Union européenne".
Puis l'Humanité
du 4 septembre publiait une déclaration du Bureau National du PCF à propos
"des services et secteurs publics" dans laquelle on peut lire:
"ils
(les
dirigeants du PCF - Ndlr) ne considèrent pas l'ouverture du capital à des financements autres
que publics comme une question taboue à laquelle il faudrait répondre à priori
par la négative, en tout lieu, et en toute circonstance".
Incontestablement, la "radicalité" de
cette politique "constructive" ne va pas sans réticences, jusqu'au
sein de l'appareil de ce parti à la dérive. Robert Hue doit marteler sans cesse
que "le PCF n'a pas l'intention de
devenir un courant du PS", preuve que la question est bel et bien
posée. Mais la traduction de la "mutation" dans les rangs du PCF est
sans conteste celle qu'en donnait un participant à l'Université d'été qui
décrit:
"nos
réunions de cellules désertiques et nos camarades qui n'osent plus
militer".
Ce caractère "constructif" du PCF est
éclatant quand il est mis en œuvre, sur son propre plan, par l'appareil de la
CGT.
Louis Viannet, membre du Comité National du PCF a en
effet exprimé sans détour, lors de la CE de la CGT du 17 juin dernier, quel
cours l'appareil entendait imprimer au syndicat:
"Je
n'imagine pas que l'on puisse avoir comme perspective une déstabilisation du
gouvernement qui aiderait au retour de la droite".
Le même Viannet qui apostrophait des manifestants en
novembre-décembre 1995 en leur disant: "vous demandez la démission de
Juppé, mais il n'y a rien à mettre à la place" a donc découvert depuis quoi mettre "à la place": un
gouvernement qui fasse pour l'essentiel la même politique. Et cette fois-ci
encore: il annonce crûment: le gouvernement doit gouverner.
Par conséquent: la classe ouvrière ne doit pas
envisager de combattre et vaincre ce gouvernement, d'exiger de ses directions
syndicales qu'ils rompent le "dialogue social" avec lui. Viannet
parle ainsi pour tous ses collègues dirigeants des confédérations, des
fédérations, des syndicats.
La direction confédérale entend que prochain congrès
de la CGT , qui se tiendra du 31 janvier au 5 février 1999, marque une
évolution importante dans cette voie. Selon le premier document préparatoire,
il s'agirait de "transformer"
"la totalité de notre démarche
syndicale".
En effet, on peut lire dans ce document:
"Notre
syndicalisme reste marqué par une tendance à privilégier la dénonciation des
aspects négatifs, préoccupants, annonciateurs du pire et la compilation des
mécontentements (quel mépris! - Ndlr) à propos des politiques gouvernementales, plutôt
qu'à rechercher par quelles revendications, propositions, contre-propositions,
les salariés pourront se sentir encouragés à se mobiliser pour gagner dans la
confrontation avec les employeurs, publics ou privés".
C'est ce "syndicalisme responsable", de
"propositions" et non plus de "dénonciation", que
l'ensemble des bureaucraties syndicales ont mise en œuvre avec plus de zèle que
jamais depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement de la "gauche
plurielle".
C'est ce qu'ils ont fait en disloquant et isolant le
combat des enseignants de Seine-Saint-Denis. C'est ce qu'ils ont fait à Air
France, en refusant d'appeler à la grève générale du groupe Air France à
l'occasion de la grève des pilotes, ouvrant en grand la voie à sa
privatisation, permettant à la direction et au gouvernement d'en finir avec la
grève des pilotes en obtenant le gel des salaires des pilotes sur sept ans en
plus de la baisse du salaire de ceux qui deviendront actionnaires du groupe,
ainsi que "la création d'une échelle
de rémunération spécifique pour les jeunes embauchés", calqué sur
celle existant déjà à British Airways.
C'est ce qu'ils continuent de faire en se disposant pour faire passer la nouvelle vague d'attaques du gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zucarelli. (…)
Hautement significative est également la préparation
du 46° congrès de la CGT: le ton en a été donné par la signature, dans le
textile, pour la première fois depuis l'adoption de la loi, par la direction
CGT, d'un accord de branche sur les "35 heures".
Christian
Larose, secrétaire général de la fédération CGT textile-habillement-cuir,
explique pour brouiller les pistes, dans Libération
du 3 novembre que, parmi les raisons de la signature:
"Dans
l'accord, il y a une clause de garantie de pouvoir d'achat. C'est la clause la
plus importante."
La "plus
importante"?! Il suffit de la lire:
"En
tout état de cause, les parties signataires du présent accord invitent à
rechercher au niveau des entreprises les meilleures solutions pour l'emploi,
pour le développement de la compétitivité des entreprises et à créer ainsi les
conditions pour que la réduction du temps de travail puisse se réaliser sans
nuire au pouvoir d'achat des salariés."
Il n'y a là absolument aucune "garantie"
du pouvoir d'achat. Au contraire, les fédérations CGT et FO, signataires de cet
accord, s'engagent à "développer la
compétitivité des entreprises", condition à laquelle le patronat
envisagera de ne pas "nuire au
pouvoir d'achat", si les "conditions", en d'autres termes la
garantie de leurs profits, sont réunies.
Pour cela, cet accord, comme celui signé par la
fédération FO dans la métallurgie, autorise à dépasser le plafond du contingent
d'heures supplémentaires (130 heures) de 45 heures en cas d'accord
d'entreprise, et ne majorer ces heures supplémentaires de 25% qu'au delà d'un
contingent de 90 heures.
C'est donc sous ces auspices que va se tenir le 46°
congrès de la CGT.
46° Congrès de la CGT:
"passer d'un syndicalisme de contestation à un syndicalisme de
propositions"
En effet, la préparation de ce congrès démontre
comment l'appareil de la CGT entend faire franchir à cette confédération une
nouvelle étape dans sa dégénérescence.
Son leitmotiv: "passer d'un
syndicalisme de contestation à un syndicalisme de proposition" le
résume. Il s'agit d'aller plus loin sur le cap fixé par le 45° congrès, qui
avait officialisé le soutien de la direction de la CGT au régime capitaliste,
dans le but de faire avaler au prolétariat les "(contre)-réformes
nécessaires" à la bourgeoisie française.
C'est dans ces circonstances que s'est opéré le
"rapprochement" CGT/CFDT, en réalité l'alignement de la direction de
la CGT sur les positions de la CFDT, qui joue une nouvelle fois le rôle de
cheval de Troie de la bourgeoisie au sein du mouvement syndical.
En effet, comme l'indique La Tribune du 13 novembre, sous le titre "CGT et CFDT optent pour des "relations normales" ":
"le
changement tient d'abord à la volonté de changer qu'a manifestée la CGT"
B.Thibault, héritier présomptif de L.Viannet, était
l'invité de marque du congrès de la CFDT qui a vu le triomphe de Nicole Notat:
un rapport d'activité approuvé le plus largement de l'histoire de la CFDT, la
dissolution du courant "oppositionnel" ("Tous ensemble") né
après novembre-décembre 1995, moment où dans le mouvement de la classe ouvrière
s'était exprimé un rejet brutal de N. Notat, ce qui avait préoccupé bien des
âmes sensibles au sein de la CFDT.
Aussi, l'établissement de "relations normales" (il s'agit en fait des termes employés
dans le communiqué commun des deux organisations) ne peut signifier rien
d'autre que la "normalisation" accrue de la CGT.
Comme le disait clairement B.Thibault:
"nous
restons conformes à l'orientation du 45° congrès. Par contre, il existe un
décalage entre ce que nous avions annoncé et ce que nous avons réellement mis
en œuvre. Une part du corps militant et des adhérents n'est pas totalement
porteur de notre démarche, il nous faut faire le point."
(V.O. du 9
octobre 1998)
C'est appuyé sur de telles mises "au points" de l'appareil CGT, qui entend empêcher les travailleurs d'utiliser leur organisation syndicale, que le gouvernement veut maintenant remettre le couvert sur une des revendications essentielles de la bourgeoisie: en finir avec le régime des retraites. (…)
46° congrès de la CGT: le
baron Sellière "souhaite bonne chance" à Bernard Thibault
Dans
la mesure où le gouvernement ne peut mettre sa politique en œuvre sans le
soutien que lui apportent les directions des organisations syndicales
ouvrières, le 46° congrès de la CGT a incontestablement ouvert la voie à de
nouvelles attaques. Il a servi de tremplin à la mise en œuvre du
"principe" adopté par le 45° congrès: l'officialisation du soutien au
capitalisme, ce qui a abouti à l'adoption de la formule du "syndicalisme
de proposition". Mais laissons la parole au nouveau secrétaire général de
la CGT, le fringant B.Thibault, membre du CN du PCF:
"Toute
défense du service public serait illusoire si elle ne s’articulait pas à des
propositions offensives concrétisant notre volonté de moderniser les moyens et
les modes de fonctionnement d’un domaine appartenant au patrimoine économique
et social de la collectivité. Il est toujours plus mobilisateur de se battre
" pour " que de résister " contre ", surtout lorsque
s’affirment de profondes aspirations des salariés. La proposition est un acte
militant : comment pourrions-nous convaincre les salariés qu’il existe une
autre voie que celle du libéralisme si devant chaque situation concrète nous
confondions fermeté et immobilisme? Nous ne sous-estimons pas les forces qui
sont en face de nous, ce serait une erreur. Mais ce serait une faute de ne pas
se saisir de ses contradictions et de ses failles, de toujours lui laisser
l’avantage de l’initiative et de l’innovation.
La
proposition discutée avec les salariés dans leur diversité, portée par la
majorité d’entre eux, doit être le fer de lance pour alimenter l’action ; la
négociation est l’étape qui permet de concrétiser le rapport de force et d’institutionnaliser
sous toutes les formes du droit les conquêtes sociales et leur protection.
Contestation,
mobilisation, proposition, négociation, voilà ce qui pourrait être une devise
pour la CGT. "
Voilà
qui est éloquent. Dans ce discours, prononcé en ouverture du congrès,
B.Thibault fixe le cap: faire des "propositions" se situant,
évidemment, dans le cadre de la "modernisation" du "patrimoine
collectif", c'est à dire dans le cadre des rapports sociaux capitalistes.
Plus précisément encore: elle doit se faire le "fer de lance" des
"innovations" répondant aux exigences du Capital, des contre-réformes
nécessaires au capitalisme français. C'est cette orientation qui a été avalisée
par le congrès (83,8% pour, 10,6% contre, et 5,6% d'abstentions sur le rapport
d'activité, un vote ultra-majoritaire en faveur de l'adhésion à la CES), et ce
d'autant plus facilement que la seule opposition organisée, "continuer la
CGT", est, comme son nom l'indique, est vertébrée de nostalgiques du
stalinisme, flanqués du PT, et ne pouvait donc offrir aux syndiqués un point
d'appui pour combattre le cours de la direction.
Ainsi,
la direction de la CGT a mis l'appareil en ordre de bataille pour ouvrir la
voie à toutes les attaques contre la classe ouvrière. C'est bien évidemment d'abord
le cas en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi dite des "35
heures". Le pouls du congrès a battu au rythme des accords signés par les
fédérations CGT. Celui du textile, premier accord signé par une fédération CGT,
avait marqué de son empreinte l'ouverture des débats préparatoires au congrès.
Puis
ce fut l'accord signé à EDF-GDF, en janvier, qui était commenté en ces termes
ahurissant de la part d'un dirigeant syndical par Denis Cohen, secrétaire
fédéral, et candidat sur la liste "Bouge l'Europe!", dans Le
Monde du 13 janvier:
"La
direction est loin d'être perdante. Elle va disposer d'une pyramide d'âge
rajeunie. Le passage de 38 à 35 heures, en tenant compte des 20 000 personnes
travaillant déjà à 32 heures, aurait dû permettre la création de 14 000
emplois. Nous n'en avons obtenu que 3 000 à 5 000. EDF-GDF ne compense pas le
manque d'effectifs, loin de là, et gagne en productivité. A cela s'ajoute une
modération des salaires sur trois ans."
Enfin,
à l'ouverture du congrès était annoncée la signature par la fédération du
livre, le 29 janvier, du premier accord signé dans la branche par la CGT depuis
1965, premier accord aussi signé par une fédération CGT qui prévoit noir sur
blanc l'annualisation du temps de travail.
Quant
aux (dites) "35 heures" dans le secteur public, il est revenu au
secrétaire de la fédération du textile, C.Larose, d'exprimer sans fard la
position de l'appareil, position totalement en phase avec le rapport Roché, et
qui fut largement applaudie dans le congrès:
"«
les salariés du public vont bientôt découvrir, avec les 35 heures, la
flexibilité intense, telle qu'on la subit, dans l'industrie, depuis dix ans
(...) Aujourd'hui, ils espèrent avoir les 35 heures sans perte de salaire et
sans flexibilité. Faut pas rêver !».
On
comprend facilement à partir de ces éléments la réaction enthousiaste du
président du Medef, E-A Sellière. Il se félicitait le 4 février à Toulouse de:
"l'attitude
moins systématiquement contestataire et plus ouverte à la négociation" de
la CGT. "des thèmes de flexibilité sont maintenant repris par la CGT, qui
fait preuve d'un certain réalisme vis-à-vis des phénomènes de société dans le
monde du travail"
Et
d'ajouter:
"La
CGT entreprend une approche nouvelle, je lui dis bonne chance" (Les Echos des 5 et 6 février)
Si
la loi (dite) des "35 heures" est le champ d'application privilégié
du "syndicalisme de proposition", l'appareil CGT a utilisé ce 46°
congrès pour se disposer dans le même sens dans d'autres domaines. Pour cela,
il a pris appui sur le cheval de Troie de la bourgeoisie dans le mouvement
ouvrier qu'est la CFDT.
"Standing ovation"
pour Notat: préparation des attaques contre ce qui reste de la sécurité
sociale...
Avec
un art consommé de la mise en scène, l'appareil CGT a mis sur pied un accueil
triomphal pour la secrétaire de la CFDT. Libération
du 5 février l'écrit:
"La
secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, a été accueillie hier matin au
46e congrès de la CGT réuni à Strasbourg par une standing ovation
quasi-générale "
L'accueil
s'est fait sur l'air du "tous ensemble", slogan en vogue en
novembre-décembre 1995, mis en avant à ce moment pour effacer complètement ce
qui s'était exprimé en novembre-décembre 1995, en particulier cet autre slogan:
"Juppé-Notat, même combat". Cette "réconciliation" ainsi
mise en scène a bien sûr un objectif politique précis: se servir de la CFDT
comme un point d'appui pour prendre en charge l'offensive du gouvernement
contre la classe ouvrière.
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