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Article paru dans Combattre pour le Socialisme  n°69 (septembre 1997)

Crise financière en Asie du sud-est:


Un nouveau et retentissant signal d'alarme

 


Il y a un an, l'éditorial de CPS n°64 soulignait que: "A l'examen de quelques données de a conjoncture économique et financière, il n'est pas exagéré de dire que retentit un véritable signal d'alarme (...)" et insistait:

"Plus important encore que les craquements économiques proprement dits sont ceux qui se font entendre dans l'immense pyramide du capital argent et plus précisément du capital fictif qui s'élève à des dizaines de milliards de dollars (actions, obligations, produits dérivés, actifs de toutes sortes, monnaies y compris)."

Après le krach boursier d'octobre 1987 à Wall Street, le krach rampant au Japon à partir de 1990, les vagues de faillites aux USA au début des années 90, le krach obligataire aux USA en 1994 et la crise financière au Mexique en janvier 1995, c'est au tour des pays du sud-est asiatique d'être l'épicentre d'une nouvelle et profonde crise monétaire, boursière et financière.


 

"Tigres", "bébés tigres" et "dragons"...

 


Quelles n'étaient pas les louanges pourtant que les capitalistes adressaient à l'Asie! Le Monde du 4 août rappelle:

" (...) ce fut à qui remporterait la palme de la croissance, avec des taux frisant les 10% par an. Dans certains cas, alors que les gratte-ciel poussaient comme des champignons, le revenu per capita doublait tous les sept ans. Le flux de capitaux en provenance d'Occident et d'Extrême-Orient paraissait sans limite, tandis que les mondes industrialisés offraient un vaste champ aux exportations d'Asie du sud-est, qu'on a alors commencé à qualifier de tigre, comme Singapour, de bébés tigres, comme la Malaisie et la Thaïlande, et de futurs bébés tigres, comme l'Indonésie, les Philippines et même le Vietnam. Les nouveaux pays industrialisés (les "NPI") ou économies émergentes, sont ainsi nés dans l'euphorie".

Ces taux faramineux de croissance qui généraient une telle "euphorie" sont une réalité. La croissance moyenne de 1985 à 1995 de la Thaïlande a été de 9,5%, celle de la Malaisie a été de 8,5%, celle de l'Indonésie 8%. L'Asie du sud-est produit 26.9% du PNB mondial (en 1995) contre 6% en 1960.

L'origine de cette croissance réside d'abord dans les conditions sauvages, brutales, qui sont faites aux ouvriers et aux paysans de ces pays. Le terme de "valeurs traditionnelles de l'Asie" peut se traduire en français: corporatisme, flicage du prolétariat, dressage de la jeunesse.

Mais encore, ces dernières années, les pays d'Asie du sud-est ont été une des destinations privilégiée de flux gigantesques de capitaux. De 1991 à 1995, selon la banque mondiale, les flux nets de capitaux vers l'Asie de l'est ont triplé, passant de près de 40 milliards de dollars à près de 120 milliards de dollars.

Cette manne a servi à financer le développement soutenu de ces pays, en permettant d'élargir sans cesse le recours au crédit, en gonflant démesurément la valeur des actifs financiers détenus par les organismes de crédit, et donc leur capacité théorique de prêt. Une masse de capitaux flottants et spéculatifs s'est accumulée dans les pays d'Asie du sud est, poussée par la recherche de rémunérations élevées, de gains en capital.

Les "marchés émergents" ont ainsi pris un essor rapide. La capitalisation boursière de Hongkong est supérieure à trois fois son PIB, celle de la Malaisie représente plus de deux fois son PIB, en Indonésie, Philippines, et en Thaïlande (jusqu'en 1996), la capitalisation boursière représente, ou représentait, l'équivalent du Produit Intérieur Brut.


 

... Qui concentrent les traits parasitaires du capitalisme pourrissant

 


La Tribune du 28 juillet écrit:

"la perte de confiance dans les devises locales pourrait remettre en cause un mode de développement  de l'Asie fondé sur sa capacité à attirer du capital étranger".

Le fait que ce capital soit étranger est une donnée importante. Fondamentalement, tous ces "tigres" et "bébés tigres" d'Asie sont tenus en laisse, ils sont sous la coupe de l'impérialisme.

Mais il n'empêche: étranger ou pas, ce "mode de développement" qui est "remis en cause", c'est le mode de financement de l'ensemble de l'économie capitaliste mondiale.

La situation de ces pays concentre les traits qui caractérisent le mode de production capitaliste entré en putréfaction, dans le stade de l'impérialisme, miné par la contradiction fondamentale entre le caractère social (et international) de la production et le caractère privé (et national) de la propriété.

Pour surmonter cette contradiction fondamentale, les capitalistes ont dû recourir de plus en plus à l'intervention des États, à des dépenses parasitaires de toutes sortes (au premier rang d'entre elles les dépenses d'armement). Depuis les années 80, le financement des déficits résultant de ces dépenses s'opère en faisant appel à l'emprunt, aux "marchés".

Les taux d'intérêts réels sont alors redevenus positifs. Les obstacles à la circulation du capital-argent sur les marchés financiers ont été levés pour permettre à sa sphère de circulation de s'élargir sans cesse, et par conséquent élargir le recours aux "marchés" pour financer la marche de l'économie capitaliste.

Un chiffre permet de mesurer l'ampleur de ce processus: la dette mondiale totale représente aujourd'hui l'équivalent de 130% du PIB mondial, et elle croît de 6 à 8% par an, soit bien plus vite que le dit PIB mondial!

Dans ce processus s'est ouvert un champ extraordinaire à la spéculation, au développement d'une masse de capital-argent, flottante, à la recherche de gains rapides en capital.

Or, cet argent est pour l'essentiel du capital fictif. Seule une part infime des transactions sur les marchés des changes correspondent à des échanges réels de marchandises. Les actions, obligations ne sont pas du capital, ne représentent pas de valeur susceptible de se conserver par elle-même.

C'est pourtant le gonflement de cette sorte de "capital" qui a permis de repousser les limites du mode de production capitaliste, dans la mesure seulement où les différentes bourgeoisies ont repris l'initiative politique et ont pu faire baisser grandement (surtout aux USA) la valeur de la force de travail.

Mais à son tour, le mode de financement actuel du capitalisme dresse de nouveaux obstacles à la poursuite de l'accumulation: l'exigence de rémunérations élevées pour le capital financier, le poids cumulé de tout le capital mort sur le capital vivant, dont l'expression concentrée est la charge de la dette.

De plus, le développement d'une masse de capital fictif, flottant et spéculatif, fait peser des menaces mortelles. En effet, c'est un impératif pour la spéculation que de croître sans cesse. Sinon, tous les groupes, fonds de pension, banques, etc., cherchent à vendre leurs "actifs", et nul ne les rachète: c'est le krach.


 

Thaïlande

 


Une bulle spéculative s'était formée dans le secteur de l'immobilier en Thaïlande. Mais le rythme délirant de construction ne pouvait à terme que déboucher sur une crise, sur une baisse brutale des prix, comme cela a déjà été le cas au Japon, ou en France. Ça n'a pas manqué ici non plus.

La crise immobilière a touché de plein fouet les banques, déjà recouvertes de milliards de dollars de créances douteuses. L'ensemble du système financier à commencé de prendre l'eau: de juin 96 à début juin 97, le cours de la bourse de Bangkok ont chuté des deux tiers.

Mais, de la mi juin au début juillet, la bourse repartait brutalement à la hausse. La banque centrale de Thaïlande dépensait plus de 16 milliards de dollars, la moitié de ses réserves en devises, pour soutenir le cours du baht, la monnaie locale. Celle-ci était indexée, comme l'ensemble des devises de la région, sur le dollar américain.

Le maintien acharné de la parité alors que le dollar ne cessait de monter rendait à nouveau les placements en Thaïlande attractifs.

Mais ce maintien s'est vite avéré intenable.


 

Comme dans un jeu de dominos

 


Le 2 juillet, la Thaïlande cessait de défendre le baht qui s'engageait dans un brutal mouvement à la baisse. L'ensemble des places financières et des monnaies de la zone sont immédiatement ébranlées. Le 11 juillet, ce sont les Philippines qui renoncent à défendre leur monnaie. La semaine d'après, l'Indonésie annonce l'élargissement des bandes de flottement de sa monnaie face au dollar. Une nouvelle vague d'attaques spéculatives les 18 et 21 juillet l'emporte, et avec elle la devise de la Malaisie. Le dollar de Singapour atteint son plus bas niveau depuis mi-octobre 1994 face au dollar US.

Le vendredi 25 juillet se tient une réunion de onze banquiers centraux d'Asie et du Pacifique: il n'en sort rien de décisif. A ce moment, la chute du baht est de 27% par rapport au dollar par rapport à début juillet, entraînant dans son sillage les devises philippines, indonésienne, malaise et de Singapour. Les bourses de ces pays chutent aussi, les valeurs boursières, cotées en monnaie locale, perdant mécaniquement de l'intérêt pour les capitaux flottants.

Il faut noter que, du 14 au 18 juillet, la bourse du Brésil chute de 12%. A partir de la Thaïlande, c'est bien une crise du type de celle du Mexique en 1995 qui se développe: un "effet domino" dans lequel l'ensemble des "marchés émergents" entament un plongeon du fait de la fuite des capitaux.


 

La cause immédiate de la crise monétaire:  l'accroissement insoutenable des déséquilibres

 


L'incapacité des banques centrales à maintenir le cours de leurs monnaies est la conséquence des déficits croissants de leurs balances des payements courants, qui n'ont cessé de se creuser.

L'existence de tels déficits provient de l'importation massive de capitaux étrangers. Mais ils se sont accrus: en 1996, ce déficit représentait 8.3% du PIB en Thaïlande, 8% pour la Malaisie.

Ces déficits records traduisent une situation qui est décrite dans le journal l'Expansion du 28 août:

"Naguère champions de la croissance, les pays asiatiques ont vu leurs avantages s'éroder lentement sous l'effet de deux mécanismes parallèles: la forte hausse des salaires et l'appréciation de leurs monnaies, entraînées par l'ascension du dollar américain auquel elles sont liées par un système très rigide.  Les salaires des thaïlandais ont ainsi progressé de 83% dans la première moitié des années 90, alors que le coût de la vie n'augmentait que de 27%. Résultat: les importations ont augmenté plus vite que les exportations - celles-ci ont même stagné en 1996- , ce qui a creusé le déficit courant."

Naturellement, la hausse des salaires n'a rien d'un phénomène spécifique à la Thaïlande: en plus d'être une conséquence du développement de la production capitaliste dans la région, elle est le produit des nombreuses grèves que mènent les prolétaires dans l'ensemble de la région. Il faut mentionner les émeutes de la jeunesse à Djakarta, l'été 96. Les exemples abondent, et en particulier celui du mouvement de grèves qui a eu lieu en Corée en décembre 96 - janvier 97 (voir CPS n°67)


 

Hausse du dollar

 


S'est donc combinée à ces hausses de la valeur de la force de travail, celle du dollar, lequel a culminé début août, atteignant 6,38 francs et 1,89 mark le 8 août. En fait, c'est d'abord d'une baisse du mark et du franc face au yen et au dollar dont il s'est agit. De janvier à juillet, le mark (et le franc dans son sillage) avait perdu plus de 15% face au dollar et aussi face au yen.

Son origine est dans la faiblesse de l'économie allemande, dans le maintien de déficits élevés tandis que le gouvernement Clinton finalisait un accord avec les républicains avec comme objectif d'arriver à des budgets excédentaires, ce qui réduit les besoins en financement de l'impérialisme américain, donc l'émission de titre libellés en dollar.

De plus, la hausse de la bourse de New York nourrissait celle du dollar (en poussant à l'achat de titres libellés dans cette monnaie) et réciproquement.

Fin juin, le gouvernement japonais intervenait pour faire baisser le yen face au dollar. L'envolée du dollar reprenait de plus belle, alimentée par des spéculations sur une hausse des taux d'intérêts aux USA. Elle ne devait s'arrêter qu'avec l'intervention de la Bundesbank, inquiète de l'affaiblissement trop important du mark, instrument de la puissance du capital financier allemand.

Dès lors, la spéculation jouait dans l'autre sens, s'appuyant une nouvelle fois sur le maintien de déficits commerciaux américains toujours abyssaux. Début septembre, le dollar était redescendu à environ 6 francs.

Mais cette hausse rapide suivi de cette rechute sont à eux seuls des signes d'une instabilité accrue du système monétaire international. De fait, la baisse du dollar risque d'ôter aux impérialismes européens le soutien aux exportations qui tirait la croissance de ces pays, après que sa hausse ait déclenché une véritable crise monétaire durant l'été.

Pour ce qui est de l'Asie, la baisse du dollar est intervenue bien trop tard. Le 28 juillet le gouvernement thaïlandais finissait par en appeler au FMI pour que celui-ci lui donne les moyens d'enrayer la spirale vers l'effondrement financier et économique complet.


 

Le plan du FMI....

 


Une ligne de crédit à la Thaïlande de 12 à 15 milliards de dollars (75 à 95 milliards de francs) dont quatre viennent du Japon. C'est le plan le plus important jamais sur pied après celui, colossal, mis en place pour prévenir la crise partie du Mexique en janvier 1995.

En "échange", un effort d'assainissement des finances est imposé à la Thaïlande: cinquante huit sociétés financières doivent être fermées, soit la majorité des sociétés du pays (48 échappent à la fermeture). Les dépenses budgétaires doivent être réduites de 3.15 milliards de dollars en 1998 (plus de 10% du budget total). Pour ce faire, la TVA doit passer de 7 à 10%, les tarifs des services publics vont être augmentés et des privatisations doivent intervenir.

Les prolétaires thaïlandais vont être durement frappés par un tel plan. Mais indéniablement, la faible bourgeoisie de ce pays également. De nombreuses sociétés qui ferment sont tenues par les "amis" du gouvernement, qui ne s'est résolu à accepter le plan du FMI qu'après de longues tractations. Ce n'est qu'une semaine après l'accord que le contenu exact en est révélé.

Plus encore, la fermeture des sociétés financières, la restriction des dépenses budgétaires signifient l'assurance d'une sévère récession économique. Enfin, la dévaluation de fait du baht, si elle diminue le coût des marchandises à l'exportation, à comme effet immédiat de rendre plus écrasante encore la charge de la dette extérieure, libellé pour l'essentielle en dollars.

Mais le plan du FMI ne vise pas qu'à sauver la Thaïlande de l'effondrement financier. Il vise à stabiliser la situation de la Malaisie, des Philippines et de l'Indonésie en mettant fin à la fuite des capitaux. Et il y a plus: même les pays réputés solides sont touchés. Ainsi Singapour et Hongkong. Pourtant ces pays engrangent des excédents budgétaires et commerciaux. Mais, avec la tempête monétaire, les fonds de pension, banques et assurances ont redécouvert que la médaille avait un revers.

Ainsi, à Hongkong, la hausse du dollar, les effets inévitables du plongeon de ses voisins sur l'activité économique, ainsi que les nombreuses bulles spéculatives (encore dans l'immobilier) mettent à l'ordre du jour "des faillite de promoteurs, et par contrecoup une grave crise bancaire et économique" (Le Monde du 30 août).

En Corée du Sud, encore, le mois d'août voit s'amonceler les annonces de mises en faillite. C'est surtout le grand trust Kia qui  est mis sous le couvert (provisoire) d'un "pacte antifaillite", pour éviter que son endettement ne provoque immédiatement le dépôt de bilan. On pourrait continuer le tour d'horizon: dans tous ces pays s'exprime le pourrissement de l'ensemble de l'économie capitaliste mondiale. C'est cela, en dernière analyse, qui alimente la fuite des capitaux.


 

... est un échec relatif

 


Après l'annonce du plan du FMI, un certaine accalmie se produit. Mais elle est de courte durée. Le FMI entérine son prêt à la Thaïlande le 21 août. Mais dès le 22, on peut constater que le baht franchit un nouveau plancher face au dollar.

Le 28 août, la Malaisie (qui est la seconde place financière de la région après Hongkong) tente de limiter la spéculation en interdisant les ventes à découvert (qui est l'ordinaire dans les transactions boursières: le règlement des différentes transactions n'a pas lieu au comptant, on peut ainsi acheter puis vendre un titre sans sortir un sou, puis encaisser le gain de la vente).

En deux jours, l'ensemble des bourses de la région subissent un nouveau krach. Tous les investisseurs étrangers veulent mettre leurs capitaux à l'abri de telles mesures qui restreignent la circulation du capital-argent, dont, répétons-le, le développement est une condition de la survie du mode de production capitaliste agonisant à l'échelle de la planète.

Jeudi 28 et vendredi 29, c'est la panique. La bourse de Manille (Philippines) perd 9,3% sur la seule séance jeudi, et encore 2,4 le lendemain (après avoir baissé de 7,6% en cours de séance). La bourse de Malaisie perd 4.2% le jeudi, celle de Hongkong 5% le seul vendredi. Le même jour, celle de Djakarta (Indonésie) perd 7%. Les monnaies plongent dans le même mouvement. Seule l'intervention (de plusieurs centaines de millions de dollars) du sultanat de Brunei permet d'empêcher la séance du 29 août de finir en catastrophe complète.

Après la Malaisie, l'Indonésie tente, le premier septembre, de limiter le volume des transactions sur les monnaies: la roupie indonésienne chute de 4,5% en une seule séance face au dollar. Le même jour, nouvelle chute de Hongkong. La Banque des Règlements Internationaux doit annoncer qu'elle met à disposition une aide d'urgence pour la Thaïlande.  Dernier coup: le gouvernement malais annonce qu'il va lever 20 milliards de dollars pour soutenir les cours, le 4 septembre, en recourant à l'emprunt (c'est à dire: éteindre le feu en l'arrosant de pétrole). La chute en séance atteint les 10%. Le gouvernement doit supprimer les limites aux transactions financières pour limiter les dégâts. Parallèlement, le gouvernement Indonésien renonce à des mesures similaires.

De nouveaux soubresauts ne sont pas à exclure, même si les "analystes" (les mêmes qui encensaient le "miracle asiatique") considèrent qu'à l'étape actuelle, la crise est passée.


 

Premiers éléments de bilan

 


Les dégâts sont considérables. Par rapport au début de l'année, la chute des cours au premier septembre était la suivante: Bangkok: -54,6%, Manille: -44,6%, Kuala Lumpur: -43,7%, Djakarta: -37,6%, Singapour -24.7%.

Au seul mois d'Août, des masses de capitaux fictifs se sont volatilisés. Selon Le Monde du 5 septembre, ce sont 200 milliards de dollars qui ont disparu, "soit l'équivalent de la richesse annuelle de la Malaisie, de Singapour et des Philippines réunis". Alors même que la crise monétaire peut encore rebondir, une brutal ralentissement économique est à l'ordre du jour dans la région.

La compétitivité accrue des exportations des pays de la zone, suite aux dévaluations, ne peut compenser l'accroissement brutal du poids de la dette (publique comme privée) et surtout la contraction du crédit avec la volatilisation du "capital" fictif qui servait de base, crédit qui, comme le rappelait Marx, est à la fois un des véhicules les plus efficaces des crises et de la spéculation mais aussi le moyen le plus puisant de faire dépasser à la production capitaliste ses propres limites.

C'est l'ensemble des pays de la région qui s'engage dans la voie suivie depuis 1990 par le Japon, où la crise de l'immobilier à débouché sur une crise bancaire et boursière qui a plongé le pays dans une stagnation économique dont il ne s'est sorti que provisoirement. Mais aucun de ces pays n'a, et de loin,  les ressources financières immenses du Japon pour faire face.

Ce violent coup de frein économique va enfin avoir des répercussions sur les impérialismes dominants: en ralentissant leurs exportations vers cette zone qui a contribué jusqu'ici à l'augmentation rapide en volume du commerce mondial. Touché en premier lieu: le Japon qui réalise 42% de ses exportations dans cette zone et les USA, mais aussi l'Allemagne et les pays d'Europe dont la croissance économique actuelle est d'abord tirée par les exportations.


 

Une situation instable et menaçante

 


La crise monétaire et financière de l'Asie du sud-est n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Au contraire, elle souligne avec force que c'est l'ensemble de l'édifice financier mondial qui paraît au bord de l'effondrement, en même temps qu'elle peut précipiter un tel effondrement.

Sur l'ensemble du mois d'Août, un mouvement de baisse s'est affirmé sur l'ensemble des places financières mondiales. Francfort a perdu 12%, Paris 10%, New York 7,3%. Ont suivi quelques fortes hausses brutales, mais une telle situation est intenable: si la spéculation ne peut se développer encore, alors, sous des formes qu'on ne peut prévoir, un krach boursier est inévitable dans de courts délais.

La comparaison avec l'année 1929 s'impose à tous. Ainsi, l'Expansion écrivait dans son numéro de rentrée:

"Certains célèbrent même l'avènement d'une "nouvelle ère" sans se rappeler que l'on avait baptisé ainsi la période prospérité (temporaire) de la fin des années 20. A l'époque aussi, on croyait que le cycle des affaires était jugulé. L'expansion se poursuivait sans inflation... apparente, car elle s'était entièrement déversée sur les actifs financiers."

Plus que jamais, la situation du système capitaliste est instable et menaçante. La faille viendra-t-elle du Japon? Sa croissance au second trimestre a été négative de 2.9%, ce qui en rythme annuel correspond à un recul du PIB de... 11.2%! Et encore, la crise des pays d'Asie n'avait pas encore eu lieu.

Or, le Japon est une pièce maîtresse du système financier mondial. Les capitalistes japonais détiennent une part décisive des bons du trésor américain. Le Japon est la principale source du gonflement récent de la sphère du capital fictif: les taux d'intérêts extrêmement bas qu'on y trouve nourrissent un flot gigantesque de yens qui inonde les marchés financiers (c'est le "Carry Yen Trade": l'achat bon marché de yens qui sont placés immédiatement dans d'autres devises plus rentables). Sa situation risque de précipiter une crise majeure et décisive.

Mais une chose est certaine: même si la crise financière qui a frappé en Asie du sud devait ne pas déboucher à court terme sur une telle crise dévastatrice, elle s'inscrit comme une nouvelle étape dans la seule perspective qu'offre le mode de production capitaliste: une folle course vers l'effondrement.

 

Le 14/09/97

 

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