Article paru dans Combattre
pour le Socialisme n°68 (juin
1997)
Pour la défense du
droit aux études :
Retrait de la "réforme" Bayrou
de destruction de l'enseignement supérieur public
La dissolution de l’Assemblée nationale marque la fin d’une étape
politique, dont le dernier acte a été la défaite que constitue, pour la classe
ouvrière et la jeunesse, l’adoption de la loi Debré. Dans son sillage, les
premiers arrêtés de la réforme Bayrou de l’Université ont commencé d’être
publiés, en vue de leur application à partir de la prochaine rentrée
universitaire.
La campagne électorale n’a pas freiné le rythme de travail du
ministère, au contraire, Bayrou a présenté texte sur texte au CNESER (Conseil
National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche), instance d’association
des dirigeants syndicaux à la politique gouvernementale. Le 9 avril, le CNESER
votait un avis favorable à l’arrêté-cadre Bayrou instaurant la réforme des
études universitaires (les stages diplômants et la semestrialisation). Le 21
mai le CNESER adoptait le dernier des arrêtés particuliers d’application de la
réforme à chaque filière universitaire. Selon Libération du 27 mai 1997,
"un projet de circulaire sur la réforme des CROUS est en préparation au
ministère, qui voudrait bien la publier avant... dimanche (c’est à dire le
1er juin - Ndlr)". Le Journal officiel du 2 juin publiait l’arrêté créant
"l’agence de modernisation des universités" prévue dans la
réforme Bayrou.
La défaite électorale de Chirac, de l’UDF et du RPR peut tout remettre
en question. Les travailleurs et les jeunes n’ont pas battu Chirac pour que
soit poursuivie sa politique, à l’Université comme ailleurs. Ils n’ont pas élu
les députés du PS et du PCF pour que ceux-ci endossent la politique du
gouvernement Chirac-Juppé (politique rejetée aussi par la majorité des plus de
40% d’abstentionnistes dans la jeunesse).
C’est pourtant un fait remarquable que cette campagne pour les
élections législatives n’aborde quasiment pas la question. L’ex-majorité
RPR-UDF se proposait bien sûr de poursuivre l’application de la réforme Bayrou,
le PS et le PCF faisant comme si de rien n’était. Pourtant la mise en route de
la réforme Bayrou a une portée qui dépasse de loin les murs de la seule
Université, elle intéresse l’ensemble du prolétariat.
D’une part, elle est un levier pour réaliser les mêmes objectifs dans
l’ensemble de l’enseignement public, objectifs rappelés et précisés par Chirac
dans son intervention télévisée du 10 mars dernier : créer un système fondé sur
la reconnaissance des compétences, un système patronal mettant en cause les
diplômes nationaux et les qualifications.
D’autre part, la réforme Bayrou est soutenue ouvertement par les
dirigeants syndicaux, étudiants (de l’UNEF-ID et de l’UNEF-SE) comme par ceux
de la CGT, de FO, de la FSU, de la FEN. Tous se sont abstenus sur le vote de
l’arrêté du 9 avril après en avoir adopté la plupart des articles à
l’unanimité. Et, au sortir du CNESER, la vice-présidente de l’UNEF-ID,
C.Seiler, annonçait l’orientation que l’ensemble des organisations syndicales
ouvrières, enseignantes et étudiantes comptent désormais défendre : faire en
sorte "que la communauté universitaire ne refuse pas la mise en place
de ces mesures". L’ensemble des dirigeants des organisations
syndicales se proposent ainsi d’être les fers de lance de l’application de la
réforme de l’Université.
Sous cet aspect aussi, l’adoption de cette "réforme"
intéresse directement tous les travailleurs. Le degré de prise en charge de la
politique gouvernementale à l’Université par les dirigeants des organisations
syndicales est un modèle qu’ils tenteront d’exporter dans tous les secteurs de
la lutte des classes.
les
objectifs fondamentaux de la bourgeoisie: détruire l'université
Ce n’est pas une nouveauté que de rappeler que l’enseignement supérieur
public dans sa forme présente est devenu de plus en plus intolérable pour
l’impérialisme français. Non seulement parce qu’il lui coûte de plus en plus
cher, mais plus encore parce qu’il continue de délivrer des diplômes nationaux
reconnus par les conventions collectives qui sont des obstacles à la baisse de
la valeur de la force de travail de l’ensemble du prolétariat, à commencer par
celle de la jeunesse.
Ce fut une préoccupation constante de tous les gouvernements de la V°
République. Il y eut le plan Fouchet qui devait aboutir à expulser les deux
tiers des étudiants de l’Université. Mais la grève générale de mai-juin 1968
l’enraya. Puis, la loi Faure adoptée en 1968 posait le cadre de l’autonomie des
universités et engageait la participation des organisations syndicales aux
conseils de gestion des universités. Mais, même renforcée par la loi Savary de
1984, elle n’a pas atteint l’objectif de l’autonomie totale des universités.
Le projet de loi Devaquet en 1986 visait à une telle autonomie des universités
et à l’instauration d’une sélection dès l’entrée à la fac. Il a été balayé par
la grève générale des étudiants, deux puissantes manifestations à l’Assemblée
nationale et la menace imminente de la grève générale de l’enseignement.
Les réformes Jospin et Lang de déqualification des premiers cycles
universitaires n’ont pu empêcher le fait qu’à l’Université se trouvent
désormais plus de deux millions d’étudiants, dont la bourgeoisie a pu mesurer,
en 1968, en 1986, et à nouveau en 1995 qu’il s’agissait pour elle d’une charge
explosive qu’elle doit s’efforcer de désamorcer.
Avec l’élection de Chirac à la présidence de la République, la
réalisation des objectifs constants de la V° République en matière
d’enseignement supérieur a été remise directement à l’ordre du jour. C’est à
eux que répond la réforme Bayrou.
Réforme
Bayrou: Soumettre les étudiants aux intérêts immédiats du capital
Au cœur de l’arrêté Bayrou adopté par le CNESER et des arrêtés
particuliers se trouve la mise en place des "unités d’expérience
professionnelle", ex- "stages diplômants", dans toutes les
maîtrises et la plupart des licences.
Depuis l’annonce à la fin 1996 par Pineau-Valencienne de la création de
ces stages diplômants, CPS a eu l’occasion d’en rappeler le contenu. A peu de
frais, 1 800 francs par mois maximum, le patronat s’offrira une main d’œuvre
entièrement soumise. Mais surtout, c’est l’instauration de diplômes patronaux,
de licences et maîtrises patronales, dont une partie est constituée d’un tel
stage, qui sera validé par les patrons.
L’arrêté adopté le 9 avril le précise:
"L’organisation, le
suivi pédagogique et l’évaluation de l’unité d’expérience professionnelle sont
placés sous la double responsabilité de l’université et de l’entreprise ou de
l’organisme d’accueil".
C’est un point d’appui décisif pour la mise en œuvre
des exigences du patronat rappelées par Chirac le 10 mars: parvenir à un
système basé non plus sur les diplômes de l’enseignement public, mais sur les
"compétences", validées par les entreprises.
L’arrêté du 9 avril vise à l’expulsion des étudiants des filières
universitaires classiques, au moyen de la mise en place d’un premier semestre
universitaire sans contenu disciplinaire, dit "semestre
d’orientation" qui doit "permettre à chaque établissement de définir
et d’organiser les réorientations pour les étudiants".
Mais Bayrou a du faire ses valises précipitamment. Le rapport d’étape
du 4 février qui détaillait l’ensemble de sa réforme n’a pas été appliqué
jusqu’au bout. Tout d’abord la question du statut social de l’étudiant, qui
doit aboutir à priver la majorité des étudiants de toute aide en supprimant
toutes les aides indirectes à tous les étudiants.
Ensuite le rapport d’étape prévoyait, outre "l’agence de
modernisation" qui doit servir de point d’appui pour organiser
l’autonomie des Universités, de modifier la loi Savary de 1984 pour transférer
la propriété des locaux aux Universités. Il décidait de la possibilité de créer
des fondations qui pourraient utiliser ces locaux pour y délivrer un
enseignement et des diplômes "en partenariat avec les partenaires
extérieurs à l’Université" (les patrons et les régions). Tout ceci
dépend maintenant de l’évolution de la situation politique, la majorité RPR-UDF
ayant été chassée.
Une
étape
La réforme Bayrou ne touche pas que l’Université. C’est évident : le
démantèlement du système universitaire existant au profit d’un système
répondant aux intérêts immédiats du patronat est un point d’appui pour
accroître la pression sur l’enseignement public. Dans sa tribune publiée le 7
mai Chirac le dit déjà:
"doit-on laisser tel
quel un système éducatif qui n’est pas assez ouvert sur le monde du travail,
alors que pour la première fois les barrières entre l’université et
l’entreprise commencent à tomber?"
Mais la suspension des volets sur le statut de
l’étudiant et sur l’autonomie réduit la portée de la réforme Bayrou. Il faut
souligner que l’orientation à la fin du premier semestre a un caractère
facultatif, que les stages diplômants ne concernent que le second cycle
universitaire à l’étape actuelle.
De son côté, C.Allègre, conseiller proche de Jospin écrit dans Libération
du 30 mai :
"Bayrou a appliqué la
politique éducative définie, engagée et développée par Lionel Jospin; il l’a
même prolongée, tout en faisant croire qu’il en inventait une nouvelle. Ce
stratagème a endormi la droite universitaire réactionnaire, qui réclame la
sélection à l’entrée de l’université et l’élitisme précoce."
P.Amirshahi renchérissait à la tribune du 75°
congrès de l’UNEF-ID qu’il présidait: "l’Université est le seul secteur
de la société où les tentatives de mener une politique libérale ont échoué".
La réforme Bayrou n’est bien évidemment pas le but ultime pour la bourgeoisie
dans ses plans de destruction de l’enseignement public universitaire et des
diplômes nationaux. Mais il s’agit d’une étape décisive acquise grâce à la
participation des dirigeants syndicaux. Telle était la condition pour aboutir
au résultat que soulignait Chirac le 5 février: "contrairement à une
tradition bien établie en France, cette réforme a pu se faire dans le calme".
Les
dirigeants syndicaux se font les agents actifs de la réforme Bayrou
Bayrou a fait l’éloge de sa méthode au lendemain de la publication de
son rapport d’étape, dans Le Figaro:
"Tout le monde affirmait
que l’université n’était pas réformable. Il fallait en réalité rompre avec deux
erreurs de méthode. La première est celle de la réforme par surprise. (...)
quelques jours après chaque annonce de réforme, les manifestations
commençaient. (...) la deuxième erreur était que l’on échouait parce qu’on
voulait réformer par petites doses. (...) Il fallait donc avoir le courage
d’entreprendre l’autre démarche que j’appelle la "démocratie de
participation".
Mais pour ce faire, il faut être deux. Et à l’Université,
les dirigeants des organisations syndicales se sont pleinement inscrits dans
"la démocratie de participation".
Dès avant l’élection de Chirac, les dirigeants de l’UNEF-ID, avec ceux
de l’ensemble des organisations syndicales, avaient lancé une campagne en
faveur de la "réforme" de l’Université.
La publication du rapport Laurent, fin janvier 1995, déclenchait
l’hostilité des étudiants. Il affirmait les objectifs du gouvernement
Balladur-Bayrou-Fillon au compte du capital, objectif qu’aujourd’hui la réforme
Bayrou réalise. Suite aux manifestations étudiantes, la bourgeoisie se désolait
: "si on ne peut même plus publier un rapport"... et F.Fillon
devait déclarer "ne pas reprendre à son compte le rapport
Laurent".
Préparant son récent Congrès, la direction de l’UNEF-ID écrivait dans
son bilan :
"Il était nécessaire
après les nombreuses mobilisations étudiantes d’opposer une alternative à la
logique dangereuse déclinée dans le rapport Laurent et refusée par les
étudiants et donc de proposer une réforme globale et cohérente."
Sur cette ligne elle organisait une campagne pour
faire avaler aux étudiants la réforme que la bourgeoisie avait tant de mal à
faire passer. La première étape de cette campagne était la tenue d’états
généraux, le 1er avril, auxquels étaient invités les patrons d’université, les
représentants des candidats Chirac et Balladur, et de Boishue membre RPR de la
Commission Laurent. Dès ce moment, le corollaire de cette politique en faveur
de la "réforme" était la "revendication" d’une "loi de
programmation. Programmer quelle politique ? Quelle réforme ? À l’évidence
celle du futur gouvernement RPR-UDF : ce qui ne pouvait être autre chose qu’une
offensive en règle contre les étudiants.
La première illustration flagrante de cette orientation avait été
donnée lors du mouvement des étudiants en IUT début 1995 contre la circulaire
Bardet : les dirigeants syndicaux avaient roulé les étudiants d’IUT dans la
farine, parlant de "victoire" après avoir "réécrit" avec le
ministère "une bonne circulaire". Pourtant, la circulaire
"réécrite" contenait toujours le développement massif de l’alternance
(sous la forme des "projets tutorés" qui se mettent en place en ce
moment dans les IUT), la soumission croissante des étudiants en IUT aux exigences
patronales. L’enterrement de la grève des étudiants en IUT aura servi de
répétition générale.
De
novembre-décembre 1995...
Mais rien n’était écrit à l’avance. En octobre 1995, les étudiants
entraient progressivement en grève contre leurs conditions d’études. En exigeant
des moyens pour étudier, ils entraient en combat contre la politique du
gouvernement à l’Université, dont les moyens misérables répondent aux fins.
En novembre-décembre 1986, les dirigeants de l’UNEF-ID venant à peine
de rompre avec le PCI, avaient été amenés très rapidement à appeler à la Grève
générale des Universités, à la constitution d’une coordination jouant le rôle
d’un véritable Comité central de grève. Cette coordination appelait par deux
fois à de puissantes manifestations à l’Assemblée et s’adressait aux
organisations syndicales ouvrières et enseignantes pour qu’elles appellent à la
Grève générale. Le gouvernement de Chirac devait retirer la réforme.
D’octobre à décembre 1995, les dirigeants de l’UNEF-ID vont refuser
d’appeler à la Grève générale et vont briser toute ébauche de centralisation du
combat des étudiants. Au contraire ils soutiendront le "plan
d’urgence" de Bayrou cela au nom de la nécessaire réforme de l’Université.
Parvenus à dissoudre le mouvement étudiant, les dirigeants de l’UNEF-ID,
de l’UNEF-se, ceux de la FEN, de la FSU, de la CGT et de FO vont s’engager dans
le processus de "réforme", en participant successivement aux États
généraux lancés par le gouvernement Chirac-Juppé-Bayrou au printemps 1996, puis
aux commissions thématiques chargées de préciser les détails de la réforme.
En participant au processus de mise en œuvre de la réforme, en
procédant à son expérimentation au travers des conseils d’université, les
dirigeants syndicaux sont parvenus à faire avaler progressivement aux étudiants
le contenu de la réforme en procédant de la même manière qu’ils l’avaient fait
pour la réforme des IUT : gommer les aspérités les plus visibles pour faire
passer l’essentiel, sous couvert de défense des étudiants.
...
aux stages diplômants
Mais l’annonce de la mise en place de stages diplômants par le CNPF fin
novembre 1996 risquait de faire chanceler tout l’édifice patiemment construit.
Sitôt parue l’interview de Pineau-Valencienne qui les annonçait, les dirigeants
syndicaux devaient réagir, critiquant alors en premier lieu le "manque de
concertation". Ils seront entendus. C’est que le spectre des mouvements
des étudiants et des lycéens contre le CIP hante la bourgeoisie, CPS a publié
l’appel signé par 250 étudiants de Toulouse demandant aux dirigeants des
syndicats de se prononcer pour le rejet total des "stages
diplômants", pour le "rejet total de la réforme Bayrou" et
de rompre toute discussion sur ces plans. Un dispositif d’urgence est mis en
place : les dirigeants syndicaux et le gouvernement "réécrivent" le
projet du CNPF tout en en conservant l’essentiel (les unités d’expérience
professionnelle, la création de diplômes patronaux).
Le sommet sur l’emploi des jeunes qui se réunit à Matignon le 10
février avec la participation des dirigeants CGT et FO tenant par la main ceux
de l’UNEF-ID et de l’UNEF-se remplit sa fonction: désamorcer les possibilités
de combat. P.Amirshahi peut même prétendre sur le perron de Matignon que "le
projet du patronat a été retiré".
C’est grâce la participation de plus en plus active des dirigeants
syndicaux que Bayrou a pu rendre public le contenu global de sa
"réforme" le 4 février dans un rapport d’étape. Seules quelques
maigres assemblées générales étudiantes auront lieu dans les semaines qui
suivent. Le combat du PS, du PCF, des dirigeants des organisations syndicales,
pour anesthésier les étudiants s’est avèré payant. Les étudiants vont tenter de
se saisir de l’appel des cinéastes contre le projet de loi Debré pour engager
le combat contre le gouvernement Chirac-Juppé. Mais le 25 février la loi est
adoptée grâce à la trahison des dirigeants des organisations ouvrières. La voie
est ouverte à la publication des premiers textes d’application de la réforme
Bayrou.
La séance du CNESER du 9 avril constitue donc l’aboutissement d’un
processus qui a vu les dirigeants de l’ensemble des organisations syndicales
ouvrières, enseignantes et étudiantes, prendre entièrement à leur compte la
réforme Bayrou, et avec elle les objectifs fondamentaux de la bourgeoisie en
matière d’enseignement supérieur public. La participation active des dirigeants
syndicaux ouvriers et enseignants est décisive: répétons-le, le contenu de la
"réforme" Bayrou n’est pas une simple affaire étudiante, ses répercussions
vers un système patronal basé sur la "validation des acquis"
concernent directement tout le prolétariat.
Les dirigeants de l’UNEF-ID et de l’UNEF-se ont propulsé cette
orientation directement auprès des étudiants. Leurs congrès respectifs viennent
de se tenir. Ils auront donc été l’occasion de mesurer le degré d’avancement du
processus de soumission de ces organisations par leurs dirigeants aux exigences
des capitalistes.
Les
syndicats étudiants en congrès
Quelle assemblée ! M.Blondel (FO), M.Deschamp (FSU), J-P.Roux (FEN),
M.Vuaillat (SNES), H.Baro (SE), A.Olive (UNSA) et J-M.Boullier (SGEN-CFDT)
ainsi que la nouvelle présidente de l’UNEF-se, K.Delpas, ont fait le
déplacement à Montpellier, pour le 75ème congrès de l’UNEF-ID qui s’y tenait du
8 au 11 mai, tandis que L.Viannet (CGT) lui adressait un message. Tous avaient
un seul message à délivrer aux dirigeants de l’UNEF-ID: poursuivre sur la même
ligne, la faire avaliser sans résistance par le Congrès. C’est pourquoi les
dirigeants de l’UNEF-ID ont tenté d’empêcher que s’exprime l’orientation
défendue par les étudiants révolutionnaires en refusant de publier leur motion
d’orientation qui disait : "le rôle du syndicat n’est pas de discuter,
de cautionner les projets ultra-réactionnaires du gouvernement Chirac-Juppé,
mais de les rejeter et de les combattre. C’est pourquoi le 75ème Congrès se
prononce pour le retrait de la réforme Bayrou et de ses stages diplômants,
décide de rompre toute participation à la discussion de cette réforme et se
prononce pour le boycott de toutes les instances chargées de mettre en place
cette réforme. Le 75ème Congrès s’adresse solennellement à la direction de
l’UNEF-se ainsi qu’à celle de la CGT, de FO, de la FSU et de la FEN pour
réaliser le Front unique pour interdire ces attaques."
À la veille des élections législatives, le combat contre la réforme
Bayrou, contre l’ensemble de la politique réactionnaire du gouvernement
exigeait de se situer sur l’orientation défendue à la tribune de ce congrès par
une déléguée de Dijon (déclaration publiée dans ce numéro de CPS).
Soutien
ouvert à la politique gouvernementale
Or, P.Amirshahi, président de l’UNEF-ID, ouvrait le congrès en
reprenant la rengaine de tous les appareils: "pour la première fois,
les étudiants ont imposé une réforme", tour de passe-passe d’autant
plus flagrant que le résultat de la politique des appareils a été une année
universitaire marquée par l’absence de tout mouvement d’ampleur sur les
universités.
Dans un congrès nécessairement verrouillé, après le vote de la loi
Debré et après la dissolution de l’Assemblée par Chirac, la direction de
l’UNEF-ID a fait prendre en charge une ligne encore plus ouverte de soutien à
la politique gouvernementale à une organisation de plus en plus exsangue (au
maximum 10 000 adhérents pour plus de deux millions d’étudiants). Il s’agit
pour la direction de faire appliquer partout la réforme, et toute la réforme :
"Les étudiants n’ont pas oublié et n’oublieront pas l’allocation
d’études" promise par Chirac, a déclaré P.Amirshahi.
Sur cette orientation, le congrès de l’UNEF-ID appelle, ô audace, à une
grève à la rentrée pour... " contraindre le gouvernement à respecter
ses engagements"(sic!). Encore une fois, la direction de l’UNEF-ID
n’agit pas seule. Dès le 14 juin, les dirigeants de la FSU, du SNCS, de
l’UNEF-ID, de l’UNEF-se accompagnés par la FAGE, organisent un "forum-débat".
Ce sont vraisemblablement les mêmes qui se retrouveront dans une telle grève à
la rentrée (suivis en cela par la LCR, dont la tendance au congrès de l’UNEF-ID,
après s’être abstenue sur le rapport d’activité, a repris à son compte l’appel
à la grève pour l’application de la politique du gouvernement
Chirac-Juppé-Bayrou, RPR-UDF).
Peu de jours auparavant se tenait le congrès de l’UNEF-se. La presse a
souligné que sa direction y a été fortement contestée. Mais le congrès de
l’UNEF-se a maintenu le cap en demandant le respect des "promesses de
Chirac". Ainsi, sa nouvelle présidente, K.Delpas, intervenait
en ces termes au congrès de l’UNEF-ID: "la réforme a été gagnée par les
étudiants qui l’ont imposée".
Une telle orientation implique de nouveaux pas vers la destruction des
faibles organisations syndicales étudiantes. Perspective remise à l’ordre du
jour par P.Amirshahi, qui propose désormais de noyer l’UNEF-ID dans un
"réseau" de Comités d’action contre le Front National, et par la
direction de l’UNEF-se dont l’ex-présidente, M-P.Vieu, proposait dans l’Humanité
du 30 avril "la mise en place de réseaux étudiants dans lesquels se
retrouveraient les syndicats, mais aussi de nombreuses associations et
organisations locales".
Les
étudiants chercheront à combattre
Les organisations syndicales étudiantes ne sont pas détruites. Et les
étudiants, dès la rentrée prochaine, essayeront de s’en saisir pour organiser
et centraliser leur combat pour leurs revendications, pour mettre à bas la
réforme Bayrou dont les premières conséquences vont apparaître dans les
universités.
La possibilité que les étudiants engagent le combat est nourrie par la
défaite subie par Chirac. Ce que veulent les étudiants c’est défendre le droit
aux études. Cela implique de combattre pour le retrait de la réforme Bayrou, à
commencer par l’arrêté du 9 avril.
La jeunesse et la classe ouvrière n’ont pas élu une majorité PS- PCF
afin que soit maintenu le cap fixé par Chirac et Bayrou. D’eux, les étudiants,
les personnels des Universités, l’ensemble de la classe ouvrière doit exiger :
Rejetez la réforme-destruction de l’Université ! À bas les stages diplômants !
De ces députés la jeunesse étudiante exigerait qu’ils satisfassent leurs
revendications les plus urgentes et aussi les revendications fondamentales
comme celle de l’Allocation d’études pour tous pour pouvoir étudier dans des
conditions correctes. Cela exige d’en finir avec Chirac et la Vème République
et d’instaurer un gouvernement des seuls PS et PCF.
La réalisation du front unique des organisations syndicales étudiantes
sur cette perspective permettrait aux étudiants d’engager le combat. La défaite
électorale de Chirac ouvre une situation nouvelle riche de possibilités dans
laquelle pourra intervenir et devra se développer l’avant-garde révolutionnaire
déjà regroupée à l’Université au compte de la construction du Parti ouvrier
révolutionnaire.
Le 8 juin 1997
Annexe: intervention au 75ème
Congrès de l'UNEF-ID
Combattre pour le Socialisme a reçu l’intervention d’une militante de
Dijon, défendant dans le 75ème congrès de l’UNEF-ID (8 au 11 mai) la motion:
"Rompre avec le gouvernement Chirac-Juppé-Bayrou, combattre pour le
vaincre et le chasser"
Camarades,
Il y a quinze jours, Chirac décidait la dissolution de l’Assemblée
nationale, permise par les principes bonapartistes du régime de la V°
République. Après avoir fait passer la loi Debré et la
"réforme"-destruction de l’université, il veut se donner pour 5 ans
une majorité parlementaire à sa botte pour redoubler de coups contre la classe
ouvrière et la jeunesse. (...)
Dans une pareille perspective, notre syndicat ne peut pas rester
neutre. Il doit prendre position pour battre Chirac. (...)
La victoire politique que vient de remporter le gouvernement présidé
par Chirac en faisant passer la loi Debré a permis au "bon prince" de
renvoyer les députés pour s’assurer d’une nouvelle majorité à son service pour
cinq ans. Mais comment se fait-il, camarades, que cette loi vichyste soit
passée?
C’est parce que les directions des organisations syndicales ouvrières,
enseignantes, et malheureusement étudiantes aussi, ainsi que le PS et le PCF,
n’ont pas engagé le combat contre la loi Debré, loi que les étudiants en
particulier avaient largement rejetée; parce que le combat pour le retrait du
projet de loi Debré exigeait que la direction de notre syndicat appelle à une
manifestation centrale à Paris devant l’Assemblée nationale pour arracher, le jour
de la discussion de ce projet, son retrait. Mais le BN s’y est opposé alors
même que mon AGE, à Dijon, s’était adressée à lui sur cette perspective pour
qu’il engage le combat, au nom des intérêts étudiants, des travailleurs
immigrés et de l’ensemble du prolétariat, pour le retrait du projet de loi
Debré.
Remontons également à l’automne 1995, lorsque la grève générale était à
l’ordre du jour, comme en 1986, pour centraliser le combat que les étudiants
menaient dans le but de satisfaire leurs revendications (des moyens, des
locaux, des profs). Au lieu d’appeler à la grève générale comme il aurait dû
être fait pour combattre le gouvernement Chirac-Juppé, la direction de
l’UNEF-ID a disloqué le mouvement des étudiants, en les cantonnant fac par fac,
et le BN a les poignardés en s’alliant avec le ministre Bayrou.
Et la direction a continué plus avant en participant de plus en plus à
la mise en œuvre de la "réforme"-destruction de l’Université de Bayrou,
en siégeant dans toutes les commissions de participation et des les conseils
d’Université.
Aujourd’hui, notre direction syndicale va jusqu’à mener campagne pour
faire appliquer la réforme de Chirac! Ainsi, au CNESER, les élus de l’UNEF-ID
ont donné leur blanc-seing à la réforme de Bayrou. Cette réforme, c’est entre
autre l’autonomie des universités qui permettra la mise en place de fondations
à l’américaine; c’est l’expulsion des étudiants de la fac grâce à la commission
de validation du premier semestre.
La réforme Bayrou, c’est aussi la reprise intégrale des stages
diplômants patronaux, dont l’objectif de 20 000 à 50 000 a été ordonné à la
Conférence des présidents d’université par Gandois, président du CNPF.
Les Unités d’expérience professionnelle, ce sont des stages patronaux
offrant une main d’œuvre entièrement soumise; ce sont des licences, des
maîtrises patronales dont les stages constitutifs seront validés par les
patrons. C’est un point d’appui décisif pour la mise en œuvre des exigences de
la bourgeoisie, rappelées par Chirac le 10 mars: parvenir à un système basé non
plus sur les diplômes de l’enseignement public, mais sur les compétences,
validées par les entreprises. Cette véritable entreprise de destruction de
l’Université, sans parler du démantèlement des acquis étudiants en matière
d’aide sociale, exprime simplement le fait que, pour le Capital, l’accès d’une
masse de jeunes à une qualification, au savoir, à la culture, est devenu
intolérable.
Or les dirigeants syndicaux étudiants présents au CNESER ont tout
simplement voté à l’unanimité avec les organisations syndicales ouvrières et
enseignantes la majorité des articles du premier arrête de la réforme Bayrou,
qui vise à chasser les étudiants de l’Université !
À l’inverse, comme les anglais l’ont fait en virant les conservateurs,
il faut tout faire pour battre Chirac. La charte de réunification de notre
syndicat situe le combat de l’UNEF-ID "aux côtés des travailleurs et de
leurs organisations". Ce 75° congrès doit avoir pour mot d’ordre, pour
tous les étudiants: battre Chirac!
La responsabilité de la direction de notre syndicat est énorme. Il est
encore temps pour l’UNEF de se ressaisir. C’est pourquoi je soumets au vote du
congrès la motion suivante:
Le 75ème congrès de l’UNEF-ID, considérant:
affirme qu’il faut tout faire pour infliger une
défaite à Chirac, à ses candidats du RPR et de l’UDF.
Le 75ème congrès de l’UNEF-ID appelle donc à voter contre les candidats du président, pour les candidats des partis du mouvement ouvrier, principalement le PS et le PCF, sans prendre en charge en quoi que ce soit la politique passée ou future de ces partis."
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