Extrait de l'éditorial de Combattre
pour le Socialisme n°5 d'octobre 2001
Inconditionnellement contre l'intervention impérialiste contre l'Afghanistan et les peuples du Moyen-Orient
Ce numéro de CPS s'ouvre par la prise de position de
notre Cercle sur l'intervention impérialiste en préparation contre
l'Afghanistan. Depuis que ce texte a été écrit, comme nous le prévoyions,
l'impérialisme américain, assisté de son vassal britannique, a entamé le 5
octobre une campagne de bombardements massifs sur l'Afghanistan.
Un ultimatum avait été lancé au régime Taliban au
pouvoir à Kaboul. Le gouvernement Bush exigeait rien moins que la livraison de
Oussama Ben Laden ainsi que le droit pour les Etats-Unis de vérifier le
démantèlement effectif des camps d'entraînement dont celui-ci dispose en
Afghanistan. Bush précisant qu'"aucune négociation" n'aurait lieu sur ces sujets. A l'évidence,
le régime Taliban ne pouvait accepter, à moins de se suicider, de livrer un de
ses principaux soutiens aux USA, pas plus que d'accepter la venue en
Afghanistan "d'inspecteurs" américains.
Des dizaines de milliers de soldats, des bâtiments
de guerre, des sous-marins nucléaires, ont été rassemblés, tandis que selon
plusieurs journaux, des commandos spéciaux seraient déjà à pied d'œuvre en
Afghanistan.
En réalité, l'intervention militaire avait déjà
commencé avant les bombardements. L'ombre portée des serres de l'aigle
américain a à peine touché l'Afghanistan que déjà des centaines de milliers
d'habitants de ce pays ont pris la fuite. Pour éviter une trop grande
déstabilisation de la région, à commencer par le Pakistan, l'ONU, les USA, la
France, ont débloqué des crédits massifs "d'aide humanitaire",
larguée aux réfugiés pour qu'ils ne partent pas trop loin de leurs terres.
C'est ainsi que l'on traite les animaux sauvages.
Annonçant les frappes, Bush a précisé que la France
serait appelée à participer sous peu à l'agression militaire contre
l'Afghanistan. Le 7, au Grand jury, A.Richard déclarait:
Nous
poursuivons la discussion sur la répartition des missions avec notre partenaire
américain. Les Etats-Unis savent que nous pouvons entrer en action avec des
dizaines d'avions ou de bateaux et des milliers d'hommes, pour participer à des
opérations sur des objectifs relevant du système terroriste sur le territoire
afghan. C'est une question de jours."
Les avions et soldats français stationnant au
Moyen-Orient seront donc invités à se joindre à la curée, mais l'impérialisme
français devra accepter le rôle de valet de pied des troupes américaines et
britanniques. Il n'empêche: le gouvernement de la "gauche plurielle",
gouvernement Jospin-Gayssot-Schwartzenberg-Cochet (qui a remplacé Voynet au
compte des Verts) a décidé, avec Chirac, de la participation de la France à la
guerre contre l'Afghanistan.
Aussi les exigences formulées par notre Cercle
sont-elles plus que valable: imposer aux directions des confédérations et
fédérations, au PS, au PCF, qu'ils se prononcent inconditionnellement contre
l'agression contre l'Afghanistan, pour le retrait inconditionnel des troupes
impérialistes d'Asie centrale et du Moyen-Orient, à commencer par les troupes
françaises, et agissent en ce sens.
Les attentats, produits de
la politique de l'impérialisme US
Dans
la prise de position de notre Cercle publiée au début de ce numéro, nous
rappelons ce qu'il en est des liens étroits entretenus par les agences
gouvernementales américaines (CIA) avec Ben Laden, les Taliban, leurs parrains
Pakistanais et Saoudiens.
Cela dit, l'évidence s'impose: les attentats
aveugles qui ont frappé la population civile de New York sont le résultat de
toute la politique de l'impérialisme US ces dernières années notamment au
Proche et Moyen-Orient, politique de réaction sur toute la ligne, de soutien
aux régimes les plus réactionnaires et cléricaux de la région au premier rang
desquels se trouve l'Etat d'Israël.
Après
la guerre contre l'Irak, la mise en place de l'embargo contre ce pays a causé
plus d'un million de morts. Les troupes américaines sont implantées durablement
en Arabie Saoudite. Et le soutien des USA à l'Etat d'Israël, Etat raciste,
colonial et spoliateur, ne s'est jamais démenti. Les gouvernements américains
ont pesé de tout leur poids, appuyés sur leur victoire contre l'Irak, pour que
l'OLP s'engage dans le processus de "paix", de capitulation devant
Israël, qui les a conduit à l'impasse actuelle, confinés dans des ghettos
cernés par Tsahal dans lesquels les Palestiniens crèvent à petit feu. La
récente conférence de l'ONU "contre le racisme" tenue à Durban a vu
le départ simultané des délégations américaines et israéliennes, offusquées de
ce qu'un projet de résolution (même pas adopté) caractérise l'Etat d'Israël
pour ce qu'il est notamment: un Etat raciste.
Mais
une autre question se pose. La presse française et américaine a multiplié les
articles indiquant que les services américains (instruits de l'expérience des
attentats contre leurs ambassades au Kenya et en Tanzanie en 1998) avaient été
prévenus de l'infiltration sur leur territoire de dizaines de
"terroristes". Selon Le Monde du 21/09:
"Le
FBI et la CIA ont négligé le risque terroriste et les informations données sur
les kamikazes".
Quoiqu'il en soit, il existe une tradition de la diplomatie US
qu'il est opportun de rappeler.
La comparaison a été faite entre les attentats du 11 septembre et
l'attaque japonaise contre Pearl Harbour. Or, il est notoire qu'en 1941, les
USA savaient qu'une attaque japonaise se préparait contre leurs forces navales
dans le pacifique, et même qu'ils avaient tout fait pour amener les dirigeants
japonais à frapper les premiers. Puis, concernant la guerre de Corée, rappelons
ce qu'en écrit André Fontaine, dans son livre " Histoire de la guerre
froide":
"Parlant
devant le club national de la presse le 12 janvier 1950, le secrétaire d'Etat
américain avait déclaré que le périmètre défensif des Etats-Unis allait des
Aéloutiennes au Japon, excluant manifestement la Corée. Et il avait ajouté:
"pour autant que la sécurité militaire des autres régions du Pacifique est
en cause, il doit être bien clair que personne ne peut les garantir contre une
attaque militaire". Mac Arthur lui-même, dans une interview donnée le 1er
mars 1949 à un journaliste britannique s'était exprimé en ce sens. C'était
presque, évidemment, appeler l'invasion".
Plus près de nous, peu de temps avant l'invasion du Koweït par
l'Irak, le 25 juillet 1990, l'ambassadrice américaine en Irak s'entretenait
avec Saddam Hussein. Elle lui déclare alors:
"nous
n'avons pas d'opinion sur les conflits entre pays arabes, comme votre litige
avec le Koweït. James Baker a demandé à notre porte-parole officiel d'insister
sur ce point.
Le
Washington Post ajoute: "cette même semaine le porte-parole de M.Baxter,
Mme Margaret Tutwiles et son adjoint pour le Proche-Orient, M.John Kelly,
déclaraient publiquement que l'Amérique n'avait pas l'obligation d'aider le
Koweït si l'émirat était attaqué." Le journal ajoute: une telle attitude
"ne pouvait qu'encourager le dictateur à envahir et annexer le Koweït sans
s'exposer à des représailles américaines". De son côté, le New York Times
remarque: "il (Saddam Hussein) pensa qu'il avait le feu vert des
Etats-Unis"
(Cf. Le Monde diplomatique
d'octobre 1990).
En tout état de cause, la position de notre Cercle
dans la guerre lancée par l'impérialisme contre l'Afghanistan et les peuples
opprimés d'Asie centrale et du Moyen-Orient est nette: inconditionnellement du
côté de l'Afghanistan, contre l'impérialisme, dans la tradition de Léon
Trotsky.
Le "nouvel ordre
mondial", dix ans après
Selon les thuriféraires du régime capitaliste, la
guerre menée contre l'Irak en 1990 devait marquer l'avènement d'un "nouvel
ordre mondial". Pour sûr, il s'agissait de la première affirmation de la
puissance de l'impérialisme US, devenu seule puissance mondiale avec
l'effondrement de l'URSS. C'est d'ailleurs dans la même période que la notion
de "globalisation", de "mondialisation" a pris son essor
dans les cercles des économistes distingués, pour désigner ainsi un prétendu
nouveau stade du capitalisme; en fait, pour affirmer la supériorité éternelle
du capitalisme alors que s'achevait la décomposition de la bureaucratie du
Kremlin.
Durant ces dix dernières années, l'impérialisme
américain a plus que largement profité de la situation politique nouvelle pour
accroître son emprise sur différentes régions de la planète et affirmer sa
domination sur ses principaux rivaux, aussi bien sur les plans militaire
qu'économique.
Les interventions militaires pour se tailler ou
conforter des domaines réservés n'ont pas manqué, sous de nombreux visages.
Aujourd'hui, la"lutte contre le terrorisme" est invoquée. Au nom de
la "lutte contre la drogue", de multiples interventions ont eu lieu,
depuis le raid sur Panama fin 1989 jusqu'au "plan Colombie"
d'intervention directe et massive dans ce pays. Au nom de "l'aide
humanitaire", il y eut le débarquement de GIs en Somalie, qui tourna vite
en un affrontement contre la population de Mogadiscio, finalement bombardée par
les canonnières américaines. Et encore, à partir de 1995, l'intervention
croissante dans les Balkans, où aujourd'hui l'OTAN a mis en coupe réglée la
Bosnie, le Kosovo, où des soldats américains stationnent par milliers en
Macédoine, et où la Serbie a été victime d'une guerre d'agression qui n'avait
d'autre objectif de la mettre totalement à la merci des exigences de
l'impérialisme.
Economiquement, au travers des négociations du GATT,
puis de l'OMC, ainsi que par la mise en oeuvre d'une politique agressive, le
tout sur la base d'une intensification considérable de l'exploitation de la
classe ouvrière américaine, la bourgeoisie américaine s'est ouverte de nouveaux
marchés. Les autres puissances impérialistes, maugréant et traînant des pieds,
n'ont pu que faire avec les exigences américaines. Les USA à la fin de la
seconde guerre mondiale avaient réordonné autour d'eux la reconstruction du
marché mondial, pris en charge la reconstruction des économies ruinées par la
guerre. Depuis lors, leur rôle est demeuré déterminant pour le fonctionnement
de l'ensemble de l'économie capitaliste mondiale (même s'ils ne sont plus
hégémoniques, ce qu'a manifesté notamment la fin de la convertibilité du dollar
en or en août 1971).
Récemment, la crise économique et financière d'Asie
du sud-est et le ralentissement qu'elle a provoqué en 1997 et 1998 n'a été
surmontée que grâce au rôle de locomotive qu'a joué l'économie américaine. Dans
le même temps, intégrant l'ensemble des contradiction du système capitaliste,
le pourrissement de l'économie américaine, ses déficits commerciaux et de la
balance des payements, ont pris de ce fait un tour presque intenable.
Mais, parallèlement au renforcement permanent dans
les années 90 de la puissance américaine, la fiction du "nouvel ordre
mondial" a fait long feu. Même dans ces conditions politiques relativement
privilégiées, l'impérialisme US n'a pas été et ne sera pas capable d'instaurer
un "ordre", une stabilité durable. Tout au plus peut-il comprimer les
contradictions sous sa botte ici ou là. Mais la situation mondiale se
caractérise par toujours plus d'instabilité politique et économique. La
décomposition sociale saisit des continents entiers (Afrique). Les guerres de
rapines, de brigandages, sont incessantes (à commencer par celles que
l'impérialisme mène lui-même).
Même aujourd'hui, intervenant en Afghanistan,
l'impérialisme redoute et cherche à prévenir la déstabilisation du régime
militaire Pakistanais qui est face à des dizaines de millions d'ouvriers et de
paysans.
Economiquement, les crises financières n'ont cessé
de se multiplier, d'autant plus que les besoins en crédit de l'ensemble de
l'économie capitaliste ont poussé les gouvernements des principales puissances
à élargir sans retenue la sphère du capital fictif, des "valeurs" de
papier, pour y puiser autant que possible. Résultat, à chaque fois que ce
recours au capital fictif ne suffisait pas à entraîner l'élargissement de la
production et de l'accumulation du Capital, des crises financières violentes se
produisaient comme au Mexique (1995), en Asie du sud-est (1997), en Russie et
au Brésil (1998) et enfin, en ce moment même, en Turquie et en Argentine.
A terme, c'est une situation totalement chaotique
vers laquelle conduit la persistance du régime capitaliste basé sur la
propriété privée des moyens de production et d'échanges, sur les étroits Etats
nationaux qui défendent ce régime de propriété. Les attentats qui ont frappé le
World Trade Center sont un concentré de ce à quoi conduit le régime
capitaliste, d'autant plus que le prolétariat est désemparé politiquement et
privé de perspective politique alternative.
Le poids de la décomposition
du mouvement ouvrier
Ce désarroi de la classe ouvrière, des peuples
opprimés, est largement déterminé par la décomposition politique du mouvement
ouvrier traditionnel, de la social-démocratie, des anciens partis staliniens.
En particulier depuis la défaite historique que représente la restauration du
capitalisme en URSS, tous les dirigeants du mouvement ouvrier ont fait
ouvertement allégeance au mode de production capitaliste. Tous affirment d'une
seule voix que rien d'autre n'est possible qu'une politique d'aménagement, de
"régulation" du capitalisme. Il n'est pas exagéré de dire que c'est
sur ce terreau, ce fumier, que poussent les attitudes désespérées telles les
attentats suicides et plus généralement les progrès des mouvements
ultra-religieux obscurantistes. Marx écrivait en 1844 dans sa Contribution à
la critique de la philosophie du droit de Hegel:
"La
misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et,
d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le
soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de
même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. Elle est l'opium du
peuple".
Ces lignes trouvent une singulière résonance à la
lumière des attentats-suicides commis en Palestine. Le développement de
mouvements ultra-religieux est le prix à payer pour les peuples opprimés de la
décomposition politique du mouvement ouvrier officiel, traître et dégénéré.
En ce qui concerne la Palestine, les dirigeants des
partis sociaux-démocrates et socialistes, ex-staliniens, ceux des organisations
syndicales ouvrières soutiennent tous le droit d'Israël à l'existence, et en
conséquence, ouvertement ou non, son
"droit à la sécurité", à
mener la politique consubstantielle à cette existence: la répression du peuple
palestinien. Alors que depuis un an maintenant, c'est à coups redoublés
qu'Israël frappe les Palestiniens, aucune organisation traditionnelle en France
n'a pris une initiative de défense du droit du peuple palestinien, telle
l'organisation d'une manifestation massive à l'ambassade d'Israël pour exiger
l'arrêt du massacre du peuple palestinien, pour affirmer son droit à disposer
de lui-même, son droit à combattre pour ses revendications nationales.
L'isolement international de la lutte des Palestiniens pèse d'un poids décisif
dans la capacité du gouvernement Sharon-Pérès à frapper ce peuple.
A nouveau, les préparatifs de la guerre contre
l'Afghanistan permettent de prendre la mesure de l'aplatissement devant
l'impérialiste des vieilles directions du mouvement ouvrier. En Allemagne, les
députés SPD ont tous voté au Bundestag une résolution autorisant le
gouvernement Schröder à participer à l'agression impérialiste en Asie centrale.
En Grande-Bretagne, c'est depuis la tribune du congrès du Labour Party que
Blair annonçait les objectifs de guerre qui seraient poursuivis contre le
régime Taliban: destruction de leurs infrastructures, de leur armement lourd,
etc.
En France, c'est Robert Hue qui a donné le ton en
faisant observer une minute de silence au lors du conseil national du PCF le 13
septembre en faveur des américains et "des dirigeants qu'ils se sont
donnés". Nul égarement passager dans cette formulation: Hue persistait
à la fête de l'Humanité malgré les réactions de nombreux militants et
sympathisants du PCF et se justifiait le 26 septembre en ces termes:
"
Le PCF a changé et je ne manque pas une occasion de montrer qu'il a
changé"
Le même jour, un texte commun, "Appel à
l'opinion", était adopté par le PCF, la LCR, les Verts, SUD. On y lit:
"C’est
dans le cadre du droit international et de la charte des Nations-Unies que tout
doit être mis en œuvre pour identifier, arrêter et juger les auteurs de
l’attentat."
Mais le "droit international" fait partie
des mystifications accompagnant celles du "nouvel ordre mondial" et
de la "mondialisation": c'est le droit des grandes puissances
capitalistes à dicter leur loi, leur "droit". L'ONU, caverne de
brigands, est la plupart du temps une chambre d'enregistrement et de
légitimation de leurs desiderata, et quand cela n'est pas le cas, les
Etats-Unis en particulier passent outre. Au delà, il s'agit d'un accord de fond
qui s'exprime avec l'intervention militaire. Pour preuve, l'éditorial de L'Humanité
du 5 octobre qui se conclut en ces termes:
"
toutes les grosses opérations de police et surtout celles impliquant un fort
engagement militaire devraient impérativement être placées sous l'égide de
l'ONU."
Nul
doute pour le PCF: les afghans préféreraient se faire trouer la peau et voir
leur maigres infrastructures détruites par des balles sanctifiées moralement
par l'ONU!
Quant aux solutions prônées par les signataires de
cet appel, on lit:
"C’est
à la racine qu’il faut agir contre les violences. Nous appelons à la
construction d’un monde de paix et de sécurité collective fondé sur le
droit, la démocratie, la justice sociale, le développement durable
et la promotion des droits humains."
La "racine"
serait donc le manque de "démocratie", de "justice
sociale", de "promotion des droits humains". Belle
collection de mots creux pour ne pas désigner le responsable: le capitalisme.
Voilà ce que recouvre l'appel au "droit international", ainsi que,
dans le même temps, un soutien à la demande de l'impérialisme français d'avoir
une place plus importante dans les opérations (en tant que membre permanent du
conseil de sécurité). Evidemment, dans ces conditions, pas un mot sur
l'exigence première de tout militant anti-impérialiste: le retrait immédiat,
inconditionnel, des troupes impérialistes du Moyen-Orient et d'Asie centrale, à
commencer par les troupes françaises; la dénonciation de l'intervention
impérialiste; le front unique des organisations ouvrières sur ces mots
d'ordres.
Premières conséquence des
attentats: renforcement de l'impérialisme
Le prolétariat et la jeunesse condamnent l'attentat
aveugle qui a fauché les vies de milliers d'habitants de New York. Les
conséquences politiques de ces attentats sont totalement néfastes pour les
classes ouvrières et les peuples opprimés.
Il est clair que l'objectif premier de
l'impérialisme américain est d'utiliser les attentats pour étendre sa
domination sur une région particulièrement instable ces dernières années,
l'Asie centrale et le sous-continent indien. Des milliers de soldats américains
sont d'ores et déjà déployés, pour la première fois, en Ouzbékistan, au Tadjikistan
et également au Pakistan. Et encore n'est-ce qu'une avant-garde. Comme ce fut
le cas après la guerre de dévastation de l'Irak avec les troupes implantées en
Arabie Saoudite, les militaires américains sont là pour rester.
L'impérialisme américain met ainsi à profit la
situation créée par le démantèlement de l'URSS pour s'installer dans la zone.
Le gouvernement russe a tenté de s'y opposer:
Vladimir Poutine laisserait-il l'armée américaine prendre pied en
Asie centrale ex-soviétique pour ouvrir un éventuel "front nord" dans
la guerre déclarée aux terroristes basés en Afghanistan ? Une première réponse
négative a été donnée, le 14 septembre, par le ministre russe de la défense,
Sergueï Ivanov, qui n'a vu "aucune
base, même hypothétique, pour un déploiement de troupes de l'OTAN en CEI". Le
secrétaire du Conseil de sécurité russe, Vladimir Rouchaïlo, a donc été dépêché
dans la région pour dire la même chose, mardi 18 septembre
(Le Monde daté 20 septembre)
Mais
dès le 24 septembre, Poutine s'inclinait devant les exigences de son principal
bailleur de fonds américain: il acceptait un éventuel déploiement de troupes en
Asie centrale. En fait, il ne faisait qu'entériner le fait accompli.
Au
Moyen-Orient, le premier bénéficiaire des attentats a été l'Etat d'Israël, qui
en a profité pour multiplier avec une totale latitude les incursion sanglantes
dans les territoires formellement contrôlés par l'autorité palestinienne. Après
plusieurs jours de ce traitement, le gouvernement Sharon-Pérès a obtenu que
l'autorité palestinienne franchisse un cran dans son rôle de gourdin d'Israël.
Le 9 octobre, la "police palestinienne" réprimait une manifestation
de protestation contre l'intervention impérialiste. 3 morts. Dès le lendemain,
le gouvernement Sharon-Pérès félicitait Arafat:
«Nous nous félicitons que, pour la première
fois, l'Autorité palestinienne ait pris des mesures contre les terroristes», a
affirmé Raanan Gissin, porte-parole du Premier ministre, Ariel Sharon.
Pour
une fois, la bande de Gaza était bouclée … sous l'impulsion de l'Autorité
palestinienne
"Sur
ordre de l'Autorité palestinienne (…) Gaza était coupé du monde, hier. Les
écoles étaient fermées ainsi que les deux universités, et les étrangers y
étaient interdits de séjour.
Pendant
ce temps:
"Cela
n'a pas empêché l'armée israélienne de mener une incursion dans le sud de Gaza,
blessant plusieurs Palestiniens. La veille, Tsahal avait tué cinq Palestiniens
à Gaza." (Libération du 10 octobre)
A plus long terme, la "lutte contre le
terrorisme", la "croisade monumentale du bien contre le mal",
termes de Bush, ont une autre portée. Il s'agit pour l'impérialisme américain
de se doter d'un cadre politique lui permettant de requérir pour des années les
ressources politiques, militaires, de renseignement, de ses alliés
impérialistes: d'asseoir sa prédominance sur ses rivaux de second plan. Mais
naturellement ce projet se heurtera lors d'étapes ultérieures aux
contradictions inter-impérialistes.
Contre les libertés
démocratiques…
Aux USA, John Ashcroft, ministre de la justice, a
sauté sur l'occasion fournie par les attentats pour demander au congrès (où se
manifestent des réticences) de voter le 11 octobre parle Congrès un arsenal de
mesures contre les libertés démocratiques. En plus du chèque en blanc voté à
l'unanimité moins une voix à Bush junior, l'autorisant à faire la guerre sans
préciser quand ou contre qui, le Congrès doit se prononcer sur des mesures
permettant au FBI d'élargir officiellement le champ de ses écoutes
téléphoniques, le contrôle des e-mails, et également de pouvoir incarcérer sans
limitation un immigré sur le territoire US. D'ailleurs, quel est le statut
légal des arrestations nombreuses qui ont eu lieu depuis le 11 septembre?
Et cela vaut pour l'Europe, et la France. Tony Blair
annonçait à la tribune du congrès du Labour Party qu'il allait restreindre le
droit d'asile en Grande-Bretagne. En France, outre vigipirate renforcé, Jospin
a annoncé à l'Assemblée le 3 octobre la mise en chantier de textes permettant
de:
"
réaliser des visites de véhicules, sur réquisition du parquet, lorsque ces
visites sont nécessaires pour rechercher et poursuivre certaines infractions en
matière de terrorisme; mener des perquisitions dans le cadre d'enquêtes
préliminaires, pour des infractions relatives au terrorisme, sur autorisation
du juge des libertés saisi par le parquet ; faire procéder, par des agents
de sécurité préalablement agréés, à des contrôles de sécurité, pour l'accès aux
zones aéroportuaires ou portuaires, ou en tout lieu accessible au public, en
cas de menace grave sur la sécurité publique ; donner aux juges les moyens
de contrer plus efficacement l'utilisation à des fins criminelles des nouvelles
technologies de la communication.
Ces
dispositions, justifiées par la lutte contre le terrorisme, seront proposées au
Parlement pour une période déterminée liée aux circonstances actuelles"
La "lutte antiterroriste", c'est le
renforcement de l'appareil d'Etat. Difficile de ne pas évoquer ce qui s'est
passé à Gênes, lors du sommet du G8. Le dispositif policier exceptionnel,
justifié rétrospectivement par Berlusconi au nom de la menace terroriste, a
abouti non seulement à l'assassinat d'un jeune manifestant, mais encore à une
descente de police d'une brutalité rarement vue depuis des années, des
arrestations arbitraires assorties de sévices, etc. Le tout avec la complicité
immédiate du gouvernement et de Chirac, qui ont cautionné de bout en bout ce
sommet; et celle des directions du mouvement ouvrier qui sont restées aussi
discrètes que possible sur la question.
Le renforcement des pouvoirs de la police annonce
d'autres Gênes, et c'est un signe que l'acquittement du policier Hiblot qui
passait devant les assises pour avoir abattu un jeune d'une balle dans la
nuque, acquittement qu'on ne peut séparer des "circonstances
actuelles" , comme dit Jospin.
… et contre les
prolétariats:
"C'est un très bon jour pour faire ressortir tout ce qu'on veut faire
passer en douce" (gouvernement Blair)
Autre avantage des attentats pour la classe
capitaliste: ils lui ont permis de procéder à des licenciements d'une ampleur
telle qu'elle ne devait exister que dans ses rêves. Aux USA, dans les jours qui
ont suivi l'effondrement du WTC, 100 000 suppressions de postes ont été
annoncées dans le seul secteur aéronautique, dont 30 000 à Boeing.
L'occasion était trop belle pour les patrons de procéder à des restructurations
de toute façon nécessaires, et rendues possibles par les attentats. D'autres
suivront, et pas seulement aux Etats-Unis. Ainsi le groupe Air France a-t-il
gelé toutes les embauches prévues. Alcatel a annoncé le 3 octobre plus de trois
mille suppressions d'emploi supplémentaires.
Une conseillère du gouvernement Blair, réprimandée
depuis pour son imprudence, a résumé le sentiment général des gouvernements
bourgeois.
"Moins
d'une heure après que les deux avions se sont écrasés sur le World Trade
Center, le 11 septembre, Jo Moore, une conseillère du ministre britannique des
Transports, a envoyé un e-mail à ses supérieurs: «Sujet:
relation avec les médias. C'est un très bon jour pour ressortir tout ce qu'on
veut faire passer en douce.»
(…)
de fait, les ministres travaillistes ont profité de la crise pour mettre en
œuvre des projets impopulaires ou sensibles." (Libération du 10 octobre)
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