« Combattre
pour le socialisme » n°52 (n°134 ancienne série) - 5 décembre 2013), Editorial :
Le gouvernement HollandeAyraultDuflotPinel,
aux ordres du grand capital, accable, à vitesse accélérée, les travailleurs et
la jeunesse d'une avalanche de mesures contre leurs conditions d'existence.
Pour ouvrir une issue politique à la
classe ouvrière dévastée par l'accélération des plans de licenciements, il est
nécessaire d'agir pour imposer :
Délitement économique en
France : licenciements massifs
Il y a
à peine 18 mois, Sarkozy était défait aux présidentielles et l’UMP aux
législatives. Le candidat présenté par le PS, Hollande, était élu et à sa suite
une majorité PS-PCF. Il faut pourtant le constater : le délitement
économique continue et s’approfondit avec, pour premier effet, l’accélération
des licenciements, l’augmentation dramatique du chômage.
Le
journal Le Monde annonce 13 000
faillites d’entreprises pour le seul troisième trimestre 2013 (plus de
60 000 sur l’année, plus qu’en 2009). L’accélération impressionnante des
plans sociaux touche tous les secteurs d’activité. L’industrie d’abord bien
sûr : PSA a fermé une de ses 6 usines en France (Aulnay) et licencié
11 000 travailleurs, mais pour une entreprise qui est passée entre 1990 et
2014 de 2 millions de véhicules produits à un objectif‑ nullement
garanti !‑ de 950 000 en 2014, tout indique qu’on n’en
restera pas là avec l’accord compétitivité qui rogne les salaires, augmente le
temps de travail, instaure la mobilité forcée (discutée par tous, signée par
tous sauf par la direction de la CGT qui selon la tactique traditionnelle s’est
d’abord assurée de la signature des autres). Ainsi, d’après Le Figaro en date du 21 novembre,
la direction de PSA envisage dans les prochains mois de fermer deux lignes de production
dans les usines de Mulhouse et de Poissy en s’appuyant sur les mesures de
départ anticipé à la retraite et les clauses de mobilité forcée contenues dans
l’accord compétitivité-emploi.
PSA
mais aussi Michelin, Alcatel‑Lucent
(10 000 suppressions de postes programmées dont 900 en France), Kem One
(Chimie). Dans cette dernière entreprise, ce sont les responsables CGT
eux-mêmes qui proposent un plan de « reprise » en collaboration avec
Total et EDF. Le Monde s’extasie
devant le caractère tellement « raisonnable » de cette proposition
qui « supprime autant de postes que
les autres candidats »...
Et, en
perspective, Heuliez (que Royal, présidente de la région Poitou-Charentes a
pourtant abreuvé de millions d’aide et qu’elle présentait, il y a peu, comme le
modèle à suivre), Bosch Vénissieux (rappelons-nous que cette entreprise a été
précurseur en matière d’ « accord compétitivité » puisque, avant même
2007, la majorité des dirigeants syndicaux avaient accepté de discuter et pour
certains de signer le passage de 35 à 39 heures avec blocage des salaires… pour
« sauver l’entreprise » !).
Il faut
attribuer une place particulière aux licenciements en vue à Fagor
Brandt, filière française de Fagor Espagne. Plus de
5 000 suppressions d’emplois sont projetées, dont 2 000 en France.
Fagor est une coopérative ouvrière, et l’on sait que c’est là, selon
Mélenchon et le PCF, la «solution» alternative aux plans sociaux des patrons.
Instructif : en Espagne, les ouvriers de Fagor
ont à plusieurs reprises décidé eux-mêmes de baisser leurs salaires. En
vain : l’usine va fermer. Les ouvriers y perdent leur salaire, leur emploi
mais aussi les économies qu’ils avaient été aimablement invités à investir dans
«leur» entreprise. Une véritable leçon de choses sur ce que sont les coopératives
ouvrières en système capitaliste.
Les
dirigeants CGT à Goodyear ont, eux aussi un temps, agité la perspective de leur
«coopérative ouvrière» (agrémentée du licenciement d’une bonne moitié du
personnel !). Las ! Les tribunaux ne l’ont pas voulu ainsi. Et
réapparaît, pour reprendre l’usine, le patron de Titan, magnat du caoutchouc
américain. Et voilà que la direction de la CGT se déclare prête à discuter d’un
plan de reprise d’à peine plus de 300 ouvriers. Mais aujourd’hui, la classe
capitaliste ne laisse décidément plus aucune miette tomber de la table, même
pour les dirigeants syndicaux les plus soumis. Ce sera une reprise à zéro
emploi, déclare le patron de Titan qui n’a nullement l’intention de
s’embarrasser d’une convention collective protégeant ces «fainéants» d’ouvriers français qui «travaillent trois heures par jour» (citation du patron de Titan).
Là encore, une leçon sur la savante tactique des dirigeants syndicaux jamais en
reste, au nom du « réalisme », de contre-plans, alternatives, etc., opposés à
la revendication ouvrière : pas une seule suppression de poste !
Accélération de la
déconfiture du capitalisme français, notamment par rapport à l’Allemagne
Le
déclin du capitalisme français dans les secteurs comme la métallurgie, la
mécanique, la chimie est ancien. Mais la bourgeoisie française pouvait, il n’y
a pas si longtemps, se prévaloir de sa position dominante dans l’agriculture et
l’agroalimentaire. Pourtant, là aussi, la situation se dégrade à vitesse
accélérée. Désormais, l’Allemagne a une production laitière supérieure à la
France grâce à une concentration de la propriété agricole supérieure. Et, comme
le montre la situation en Bretagne, toute la filière s’affaisse : après
Doux, Gad, Tilly Sabco, les dégraissages et fermetures s’accélèrent. Impossible
de résister à la concurrence de l’agroalimentaire allemand, de ses abattoirs
où, venant des pays de l’Est, des «travailleurs détachés»‑ formule
admirable !‑ travaillent à 3 euros de l’heure. D’où la
conclusion de l’OCDE : «En France,
il y a un problème à résoudre de coût du travail» !
Industrie,
agroalimentaire, mais aussi ce qu’il est convenu d’appeler les «services».
Ainsi les transports, avec le nouveau plan de licenciements à Air France (+ 1800
par rapport au précédent), l’agonie de la SNCM (transport maritime). Là encore,
la bonne volonté des dirigeants syndicaux n’est guère « récompensée » :
signature de l’accord sur le premier plan à Air France, référendum de reprise
du travail à la SNCM et toujours, à l’époque, « pour sauver l’entreprise », «
pour qu’il n’y en ait pas d’autres », etc.
Ainsi
le commerce, avec La Redoute et la FNAC. Ainsi la presse et les médias, avec
Centre France, France Télévisions‑ dans ce
dernier cas sous la houlette directe du gouvernement. C’est bien un délitement
général auquel on assiste. Les chiffres du chômage en attestent avec la hausse
historique du chômage en septembre (+ 60 000), avec la baisse
impressionnante de l’investissement (- 7 % en 2013) à propos de laquelle
Nicolas Bouzou, une voix autorisée du capital français, écrit : « Les anticipations sont tellement
négatives que les entreprises n’investissent pas, même pour renouveler leurs
équipements ». En clair, même cette partie du capital constant que
Marx appelle le capital fixe (bâtiments, machines) n’est pas renouvelée...
Bien
sûr, la crise du capitalisme français se développe avec en arrière-fond la
crise générale et mondiale du mode de production capitaliste. Mais cela ne doit
pas occulter la dégringolade relative du capitalisme français par rapport à ses
concurrents, et d’abord par rapport à l’Allemagne.
La
France a vu sa production industrielle baisser de 15 % en 5 ans. En 2009,
son PIB représentait 79,4 % de celui de l’Allemagne ; en 2012, plus
que 76,2 %. Fin août, le déficit commercial de la France atteignait les 60
milliards d’euros sur les 12 derniers mois. Sur la même période, l’Allemagne
affichait plus de 250 milliards d’excédent commercial, ce qui lui valait
d’ailleurs quelques remontrances de l’Union européenne lui reprochant de ne pas
importer suffisamment, ce qui offrirait davantage de débouchés aux autres
capitalismes. Un tel reproche d’ailleurs ne devrait, soit dit entre
parenthèses, guère susciter d’autres réactions qu’un haussement d’épaules du
capital allemand. La situation du point de vue de la dette publique n’est pas
plus reluisante. Alors que l’Allemagne affichera en 2013 un équilibre des
comptes, le déficit français sera encore de 4,1 %. De 2009 à 2013, la
dette française aura grimpé de 79,2 à 94,8 % du PIB ; la dette allemande
« seulement » de 74,5 à 79,6 %.
Ce
dernier chiffre indique d’ailleurs assez bien que la santé de la prospérité
allemande n’est que relative. Même en Allemagne la dette augmente par rapport
au PIB. Quant aux exportations, même si elles y surpassent largement les
importations, elles tendent à diminuer particulièrement dans le secteur des
moyens de production, les machines-outils par exemple. C’est que, même
relativement favorable, la situation de l’Allemagne ne saurait s’abstraire de
la situation mondiale et que celle-ci est marquée par un approfondissement de
mois en mois de la crise du mode de production capitaliste.
Une nouvelle menace :
la déflation
S’agissant
de cette crise, tout lecteur de Combattre
pour le socialisme peut vérifier au fil des numéros que, pour l’essentiel,
ses appréciations se sont trouvées confirmées par les événements.
Nous
pourrions ainsi reprendre quasiment mot pour mot ce que CPS n° 48 écrivait il y a plus d’un an dans son article consacré à
la situation économique (« Approfondissement
de la crise du capitalisme ») :
« (…) La BCE a annoncé qu’elle lançait
un nouveau programme de rachat de la dette souveraine sur le marché secondaire
pour « un montant illimité », et cela après avoir baissé à un niveau
historiquement bas son taux directeur cet été. Ces nouvelles interventions, qui
reviennent à injecter toujours plus de liquidités dans le système financier,
s’inscrivent dans le prolongement des précédentes mesures d’assouplissement
quantitatif. Dans les deux cas, les banques centrales ne posent plus de limites
à leurs interventions, ni dans le temps en ce qui concerne les montants
engagés. Mais en dépit de la puissance apparente de ces mesures, rien ne permet
de penser qu’elles permettront d’enrayer l’approfondissement de la crise du
capitalisme... Le fait que les liquidités injectées dans le système financier
soient affectées au financement de l’économie productive dépend en dernier
ressort du taux de profit. Or dans une situation de suraccumulation du capital,
l’augmentation de la masse du crédit à disposition des entreprises ne peut
avoir qu’un effet marginal sur leur volonté d’investir. ».
Et
cette partie de l’article était ainsi conclue :
« Les injections massives de liquidités,
loin de circonscrire l’incendie, aboutissent au contraire à l’étendre aux
banques centrales, c’est-à-dire au cœur même du système monétaire, contribuant
ainsi à le fragiliser toujours un peu plus. »
Plus
d’un an après, ce sont les mêmes recettes que propose la BCE (après que la FED
de son côté a finalement décidé... de continuer à faire fonctionner la planche
à billets). Mais le fait même que la BCE propose à nouveau d’administrer la
même médecine montre à la fois que le traitement précédent n’a pas fonctionné
et que celui-ci ne fonctionnera pas davantage. La BCE vient de décider de
baisser à nouveau son taux directeur à 0,25 %, d’offrir de nouvelles
possibilités d’emprunts aux banques à ce taux. Désormais, faire plus ce serait
prêter à un taux négatif et racheter directement sur le marché dit
« primaire » des obligations d’État, ce à quoi l’impérialisme
allemand s’oppose de toutes ses forces. Car cela reviendrait à la
reconnaissance officielle du caractère irrécouvrable de la dette d’État d’un
certain nombre de pays que la BCE épongerait directement.
Cependant
la maladie gagne en profondeur et apparaissent de nouveaux symptômes. C’est par
crainte de la déflation, qui désormais menace, que la BCE a décidé ces mesures.
Or, la déflation, résultat de la crise de surproduction, a elle-même sur
celle-ci un furieux effet accélérateur. C’est là la leçon de la grande crise de
1929 en particulier. D’où vient en effet la déflation, c’est-à-dire la baisse
des prix, sinon du rétrécissement du marché qui contraint les capitalistes à
vendre moins cher pour pouvoir se débarrasser de leurs marchandises ?
Ajoutons ceci : un des éléments déterminants de la déflation, c’est la
baisse du prix de cette marchandise singulière qui s’appelle la force de
travail, bref la baisse des salaires. Ce n’est pas un hasard à cet égard si la
tendance à la déflation se manifeste avec une vigueur particulière dans des
pays comme la Grèce ou le Portugal. Quel est l’effet de la déflation ?
C’est le renoncement tout à la fois à consommer et à investir puisque demain ce
sera moins cher. C’est aussi l’augmentation des taux d’intérêt réels de la
dette puisqu’au taux nominal, il faut ajouter désormais le pourcentage de la
déflation elle-même. C’est donc une formidable accélération de la crise.
On se
gardera bien de pronostiquer sur l’effet à court terme – l’échec à long terme
étant garanti – des mesures de la BCE. Jetant sur le marché de nouvelles masses
de liquidité, et donc augmentant ainsi mécaniquement la masse monétaire, il est
possible – non certain – que les échéances soient ainsi provisoirement
repoussées. Il est possible aussi que, faute de favoriser le redémarrage de
l’investissement, ces mesures favorisent une nouvelle flambée spéculative qui
aurait pour effet… d’augmenter le prix des produits sur lesquels cette
spéculation s’exerce. Mais, comme le montre cette dernière éventualité, dans le
système capitaliste, déflation ou inflation, c’est toujours le prolétariat qui
paie l’addition. De l’Inde au Soudan, l’inflation jette dans la rue des
milliers de travailleurs que l’augmentation des prix alimentaires précipite
dans la famine. Si demain la déflation frappe l’Europe, elle signifiera baisse
brutale des salaires, fermeture de centaines d’usines et donc augmentation
inouïe du chômage.
Le gouvernement
Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel obéit au doigt et à l’œil à la bourgeoisie
française...
C’est
dans ce contexte mondial qu’aggravent les faiblesses propres de la bourgeoisie
française qu’opère le gouvernement.
Remarquons
d’abord que sur la scène mondiale, le gouvernement
Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel a choisi pour exister une posture particulière.
Celle du gouvernement le plus brutalement partisan d’écraser sous le talon de
fer de la domination impérialiste les peuples des pays dominés. La défense
acharnée par Hollande des « sanctions » contre l’Iran, qui privent le
peuple iranien de manière dramatique des médicaments (en particulier des
anti-cancéreux) ainsi que d’autres produits de première nécessité, illustre le
caractère répugnant de cette politique. Hier, ultra de l’intervention en Syrie,
aujourd’hui des sanctions contre l’Iran et affichant son soutien à
Israël : telle est la politique du gouvernement. On disait de Blair qu’il
était le caniche de Bush. Il faut dire aujourd’hui de Hollande qu’il est le
roquet d’Obama, puisque tentant en permanence de le mordre au mollet pour qu’il
aille plus loin dans l’écrasement des peuples...
Cela
étant, il faut constater à quel point l’impérialisme français se révèle
incapable de rétablir un semblant d’«ordre» impérialiste là où il est intervenu
et dans son propre «pré-carré».
Deux
ans après l’intervention en Libye, c’est le chaos. Le pays est en proie aux
bandes rivales sans qu’un appareil d’État digne de ce nom n’arrive à se
constituer avec, pour l’impérialisme, cette fâcheuse conséquence : le
pétrole ne coule plus. Même chaos en République centrafricaine. C’est l’échec
patent de la tentative d’établir une solution stable après Bozize
conforme aux intérêts français. Aujourd’hui, Hollande annonce sa volonté de réintervenir directement tout en implorant l’aide des
impérialismes rivaux. Quant au Mali, finies les grandes déclarations
triomphalistes ! A nouveau, une partie du Nord devient «hors contrôle»
pendant que des tensions apparaissent entre la France et le gouvernement qu’il
a pourtant mis en place à Bamako !
En
France même, c’est trop peu que de dire que le gouvernement se soumet aux
exigences de la bourgeoise française. Il est en vérité, par rapport à elle, le
petit doigt sur la couture du pantalon. Les « pigeons »‑ les
patrons osent se présenter ainsi !‑réclamaient il y a quelques mois
la disparition de l’imposition sur les cessions d’actifs ? Moscovici leur
donnait satisfaction en 48 heures. Gattaz se rend à Matignon pour se plaindre
des « charges » ? Ayrault leur annonce la « bonne nouvelle », la mesure que même les gouvernements
Chirac et Sarkozy-Fillon n’avaient osé prendre : la fiscalisation des
allocations familiales, attaque majeure contre la Sécurité sociale. Et là les
engagements sont tenus ! La loi de financement de la Sécurité sociale a
engagé le processus.
Le
budget a illustré jusqu’à la caricature la veulerie de ce gouvernement par
rapport au patronat. Il annonce dans un premier temps la création d’un impôt
assis sur l’EBE (excédent brut d’exploitation). Il ne s’agit d’ailleurs
nullement d’une nouvelle charge mais du remplacement d’un impôt supprimé par
ailleurs (IFA : imposition forfaitaire annuelle). Le MEDEF n’a besoin que
de froncer les sourcils. Cazeneuve répond immédiatement : « J’entends les remarques sur le fait
qu’un impôt sur l’EBE pourrait pénaliser l’investissement. Nous sommes tout à
fait désireux de procéder à des ajustements techniques. »
Le Monde note : « En fait d’ajustement technique, ce sera un pur et simple
abandon. » puis ajoute sobrement : « Le MEDEF a pris acte de ce recul. Il attend désormais la tenue
des assises sur la fiscalité des entreprises ». Il n’y a en effet pas
de raisons de s’arrêter en si bon chemin. Gattaz a fixé l’objectif : 100
milliards de « charges » en moins. Donc les capitalistes entendent
bien ne pas en rester aux 20 milliards du crédit impôt compétitivité. Ni aux 20
autres milliards qu’auront coûté la déconfiture du Crédit Lyonnais (le
gouvernement vient d’honorer une facture de 4,5 milliards supplémentaires) et
de Dexia (ce n’est pas fini !). Ni aux 5 milliards annuels au titre du
Crédit Impôt recherche qui a augmenté de 130 % en 5 ans sans que la
recherche privée n’ait augmenté le moins du monde.
Veulerie
du gouvernement et veulerie revendiquée ! « L’allègement net sur les prélèvements des entreprises
représente 12 milliards d’euros pour l’an prochain » : c’est ce
que dit lui-même Cazeneuve, ministre du Budget. Et son compère Moscovici revendique : « un budget résolument favorable aux entreprises. « A preuve, le
« rendement net » de l’impôt sur les sociétés attendu en 2014 sera
inférieur à celui de 2013 : 36,2 milliards contre 53,5 milliards (‑ 17,3
milliards, soit 1/3 en moins !).
Soumis
à la bourgeoisie et brutal contre le prolétariat. Il n’y aura pas de recul sur
l’augmentation de la TVA. Ce sont les travailleurs qui la paieront, ainsi
accessoirement que la petite bourgeoisie (artisans, restaurateurs, commerçants)
que le gouvernement précipite ainsi dans les bras du Front national.
...et nourrit l’offensive de
la réaction qui se radicalise
En
gouvernant violemment contre les masses laborieuses et la jeunesse qui ont élu
la majorité PS-PCF, le gouvernement attise lui-même des braises de la
mobilisation de la réaction qui trouve dans la petite bourgeoisie les troupes
exaspérées par la crise qu’elle subit, sans que du côté du prolétariat
n’apparaisse la moindre issue.
La
mobilisation contre le « mariage pour tous »‑ dont il faut
rappeler qu’elle a été organisée par l’Église catholique en relation avec des
éléments de la hiérarchie militaire et policière‑ en
a témoigné. C’est Hollande qui, faisant de la célébration des mariages entre
homosexuels une obligation dont les maires pouvaient se dispenser au nom de
leur « conscience », avait
ouvert les vannes. Moscovici peut lui se vanter d’avoir favorisé la
mobilisation des « bonnets
rouges », puisque, le premier, il avait évoqué‑ contre
la politique du gouvernement dont il est membre !‑ le « ras le bol fiscal ».
La
manifestation du 2 novembre contre « l’écotaxe »
est instructive à plus d’un titre. Rappelons-le rapidement. L’écotaxe, adoptée
lors du « Grenelle de l’environnement », votée en commun par la majorité
UMP et le PS sous Sarkozy, entérinée par le gouvernement Hollande dès son
entrée en fonction, n’a strictement rien à voir avec la défense de
l’environnement. Pas plus que la « taxe carbone » qui est encore dans
les tuyaux. Affectée au budget de l’État, entièrement en faveur des
capitalistes, elle serait payée par les travailleurs sous forme de
renchérissement des marchandises transportées. Mais, au nom des intérêts
généraux du capitalisme, elle s’en prend aussi à cette partie du patronat (en
premier lieu les transporteurs) dont la survie est menacée par un tel
renchérissement.
C’est
cette frange du patronat (Leclerc, Hénaff, sans
compter les dirigeants de la FNSEA) qui a organisé la manifestation de Quimper.
Elle avait trouvé son porte-parole : Troadec.
Affublé de l’étiquette « divers gauche », patron de presse puis d’une
brasserie, c’est un promoteur jusque sur sa liste municipale de l’association
capital-travail (il se flatte d’avoir mis sur la liste le patron d’une
entreprise et « son » délégué syndical). Il a souvent fait liste
commune avec... les Verts (cela ne s’invente pas !) et les
« autonomistes bretons », dont la filiation avec les Chouans n’est
plus à démontrer. C’est encore une forme de l’association capital-travail qui
s’est réalisée le 2 novembre à Quimper : les travailleurs étant
enrôlés dans une manifestation derrière les banderoles de leurs patrons
licencieurs, flanqués de tout ce que la Bretagne peut comporter de groupes
réactionnaires, voire nazillons.
Une offensive confortée par
les dirigeants FO et d’une autre manière par ceux de la CGT et de la FSU
La
responsabilité de cette situation incombe aux dirigeants des organisations du
mouvement ouvrier, en premier lieu des directions syndicales, dont le refus de
défendre une solution ouvrière à la crise et la prise en charge des charrettes
de licenciement sèment un désarroi grandissant au sein du prolétariat et
accentuent son déboussolage politique, permettant ainsi à quelques patrons
bretons d’utiliser une fraction de leurs travailleurs comme une masse de
manœuvre pour défendre leurs intérêts de classe.
Dans
cet enrôlement, les dirigeants de Force ouvrière ont joué un rôle de choix,
revendiquant hautement l’appel commun à manifester aux côtés des patrons.
L’appel de Quimper est le complément de la politique de l’appareil FO à Gad. FO
est le syndicat dominant à Gad Lampaul condamné à la
fermeture. Loin de combattre contre les licenciements, la direction FO y
réclame un « bon plan » avec une « bonne prime de départ ».
Et sur cet objectif, elle a organisé... un « blocage » de l’usine de
Josselin où les travailleurs n’ont pas (encore) perdu leur travail. On le voit,
l’ennemi ce n’est pas le patron avec lequel on peut manifester. L’ennemi c’est
le travailleur qui a encore du travail ! Ainsi va l’« indépendance
syndicale » façon Mailly !
On ne
serait pas complet si l’on ne mentionnait l’appel du NPA Bretagne en accord
avec la direction nationale qui donne une idée du degré de décomposition
politique dudit NPA...
Mais
dira-t-on, les dirigeants CGT ont, eux, refusé d’appeler à la manifestation « avec ceux qui licencient »,
en la dénonçant et en appelant à une autre manifestation, à Carhaix. Mais sur
quelle base ont-ils donc appelé à manifester ? « Le patronat veut une manifestation contre les taxes. Or pour
nous, la solution de l’emploi passe aussi par la fiscalité » ont
déclaré les dirigeants régionaux de la CGT pour appeler à Carhaix. En clair, la
manifestation qui donnait une place de choix aux dirigeants d’Europe Ecologie-Les Verts était une manifestation de soutien au
gouvernement. Pas étonnant dans ces conditions qu’elle ait été désertée,
contribuant par là à rehausser la participation à la manifestation
réactionnaire de Carhaix et à convaincre les travailleurs de leur
impuissance... En réalité, la manifestation de Carhaix n’était pas l’antithèse
de celle de Quimper, mais son complément. Ce dont témoigne par exemple les
dirigeants de la FSU présents... dans les deux !
Au bout
du compte d’ailleurs, responsables CGT, FSU, Front de Gauche ont défendu en
vain la politique du gouvernement sur l’écotaxe puisque celui-ci… vient d’y
renoncer. Pas d’écotaxe avant 2015, vient d’annoncer le gouvernement qui paiera
quand même les 250 millions d’euros annuels qui se rajoutent aux 610 millions
déjà dus à la société privée Ecomouv grassement
rémunérée pour l’installation des portiques. Au total, le «manque à gagner»
serait de 1,15 milliards d’euros dès l’an prochain.
Le
rapporteur PS à la Commission du budget de l’Assemblée nationale l’a annoncé,
le manque à gagner devra intégralement être compensé par des suppressions de
dépenses budgétaires : donc plus de suppressions de poste dans la Fonction
publique, plus de coupes dans les budgets sociaux. Le prolétariat paiera....
Les leçons des élections
cantonales de Brignoles
Offensive
de la réaction dans la rue et sur le terrain électoral. Brignoles confirme
Villeneuve-sur-Lot et les élections partielles précédentes : effondrement
du vote pour les partis d’origine ouvrière, stagnation de l’UMP, large
progression du FN jusqu’à remporter la victoire dans ce dernier cas.
A Brignolles, le candidat commun PS-PCF – en
l’occurrence un candidat du PCF – obtient au premier tour... 4,7 %
des inscrits contre 31,2 % pour le candidat Hollande. Résultat d’autant
plus spectaculairement faible que le sortant était PCF. C’est une véritable
Berezina. Ce n’est pas, n’en déplaise à Mélenchon, le soutien du PS au candidat
PCF qui l’explique, mais bien... le soutien du PCF au gouvernement ! La
candidate UMP avec 6,6 % des inscrits n’en profite guère. Dans un contexte
où les deux tiers des inscrits se sont abstenus, le FN – si on ajoute les voix
d’un autre candidat dissident, ancien représentant du même parti en 2012‑ maintient
ses voix dont le total n’est donc pas affecté par l’abstention massive.
Au second tour, le FN l’emporte avec
24,3 % des inscrits (54 % des exprimés). Il double quasiment son
nombre de voix (d’un peu plus de 2 700 voix à un peu plus de 5 000). Sur
le terrain électoral aussi la réaction tend à se regrouper ; l’électorat
bourgeois se radicalise quand prévaut le désarroi dans les rangs de l’électorat
ouvrier.
L’objectif à terme de la
bourgeoisie, c’est la liquidation de la majorité PS-PCF...
Prenant
appui sur cette offensive réactionnaire dans la rue (au cœur de la
manifestation de Quimper, il y avait une immense banderole : « Hollande démission ») comme
dans les urnes, Marine Le Pen a lancé une campagne pour la dissolution de
l’Assemblée nationale, et par conséquent la disparition de la majorité PS-PCF.
Certes, telle n’est pas encore la position de la bourgeoisie dans son ensemble,
ni celle du MEDEF, ni d’ailleurs celle de l’UMP.
Ainsi
le MEDEF a indiqué : « On ne va pas
mettre la chienlit « proposant aimablement : « Il faut que le président de la République reprenne la main et
nous sommes prêts à reprendre la main avec lui en lui proposant des idées. Il
faut se mettre autour de la table maintenant et réfléchir sur comment on s’en
sort. »
Quant à
l’UMP qui ne s’est pas encore relevée de la défaite de 2012, elle est paralysée
par sa propre crise. Alors même que le parti gaulliste a, par nature, besoin de
se retrouver derrière un « homme providentiel », ce qui prévaut à
l’UMP, c’est une interminable guerre des chefs qui trouve un rebondissement à
chaque nouvel événement : désaccords sur l’opportunité d’une intervention
en Syrie, désaccords sur l’application de l’écotaxe, désaccords sur la question
des « rythmes scolaires », etc., et multiplication des candidats bonapartes : Copé, Fillon, Sarkozy et comme si cela ne
suffisait pas, Juppé, Bertrand, Wauquiez... La liste
des prétendants s’allonge...
Il y a
pourtant fort à parier que sur cette question de la dissolution comme sur
d’autres, la position de Marine Le Pen ne fasse qu’anticiper sur ce qui sera
demain la position commune de la bourgeoisie. Les municipales pourraient jouer
un rôle d’accélérateur. Car ce qui est incertain, ce n’est pas la défaite du PS
et du PCF (du reste intégrés dans des listes d’ « union » englobant
des représentants directs de la bourgeoisie) ; c’est son ampleur. Selon
cette ampleur, la question se retrouvera plus ou moins fortement sur le devant
de la scène...
… ou l’ « union
nationale »
Remarquons
d’ailleurs que cette éventualité est envisagée... jusque dans les rangs du PS
lui-même. Elle figure par exemple dans l’interview de Malek Boutih,
député PS : « Le jour où la
crise atteindra son paroxysme, la dissolution sera inévitable. ». Cela
indique qu’au bout du compte, lorsque se posera la question de liquider la
majorité PS-PCF, Hollande ne laissera à personne d’autre le soin de le faire.
Pour
l’heure, c’est plutôt la perspective de l’union nationale que trace Hollande.
Tel est le sens de son discours d’Oyonnax le 11 novembre. A cet égard, le
centenaire de la commémoration de la Première Guerre mondiale offrait une
opportunité. Hollande y a tenu des propos très clairs pour ce qui est de sa
filiation historique. Pas de larmes de crocodiles sur les mutins
fusillés ! Pas même le discours pseudo pacifiste geignant sur les horreurs
de la guerre ! Non ! Hollande s’est réclamé en toute clarté de
l’Union sacrée, celle qui a envoyé des deux côtés du Rhin des millions de
jeunes ouvriers, paysans à la mort pour les intérêts de leur propre
impérialisme.
On lira
dans ce numéro de CPS l’article
consacré à cette guerre et au rôle criminel des dirigeants de la IIe
Internationale. Mais indiquons dès maintenant le sens du discours de Hollande.
Pour lui, comme hier l’Union sacrée était nécessaire pour la défense de
l’impérialisme français, l’union nationale est indispensable pour la mise en
œuvre des contre-réformes. Hier, la présence dans l’Union sacrée des dirigeants
de la SFIO, de Jouhaux, dirigeant de la CGT, était vitale. Aujourd’hui,
Hollande en appelle à l’UMP‑ dont les représentants ont salué le discours‑, mais aussi et peut- être surtout au
soutien sans faille du PS, du PCF et plus encore de Lepaon, secrétaire général
CGT, de Mailly, secrétaire général FO, de Groison, secrétaire générale FSU. Et
il l’obtient...
C’est
ce dont témoigne l’orientation maintenue de la direction de la FSU et de celle
du SNUIPP, sans lesquelles Peillon aurait déjà dû remballer son décret
« rythmes scolaires ».
Rythmes scolaires : les
professeurs d’école refusent de se soumettre
Pour ce
qui est de l’enjeu de ce décret, ce qu’il représente d’attaques à la fois
contre le statut des professeurs d’école et contre le caractère national de
l’Enseignement public, nous renvoyons les lecteurs à l’article
« Enseignement » de ce bulletin. On se bornera ici à rappeler que,
l’an dernier, alors même que les professeurs d’école parisiens en particulier
se mettaient en grève de manière massive avec un taux de participation
historique (jusqu’ à 80 % de grévistes à Paris), le congrès de la FSU
à l’initiative de la direction de la FSU rejetait la motion du courant Front
Unique demandant au congrès de se prononcer pour le retrait du projet de
décret. Bien au contraire, Sébastien Sihr, secrétaire
général du SNUIPP, se prononçait pour « une
réforme des rythmes réussie ». Il s’agissait d’un coup de poignard
dans le dos des professeurs d’école. On pouvait supposer qu’un tel coup de
poignard aurait achevé les enseignants et leur volonté de résistance.
Mais le
rejet est tel que cette année à nouveau, dans un mouvement associant souvent
les parents d’élèves, se sont développées grèves, manifestations en direction
des mairies contre la mise en œuvre du décret. A l’évidence, les enseignants en
lutte ne se sont pas laissé impressionner par la misérable tentative des
directions syndicales SE et SNUIPP de les faire passer pour des partisans de
l’UMP et pour des réactionnaires – le journal Le Monde jamais en retard d’une canaillerie contre les enseignants
a été jusqu’à publier un dessin du sinistre Plantu affublant les enseignants en
grève de bonnets rouges ! Il faut d’ailleurs préciser la véritable position
de l’UMP qui demande que les maires aient la liberté d’appliquer‑ ou
de ne pas appliquer‑ le décret à leur
guise, c’est-à-dire d’aller plus loin que le gouvernement dans la dislocation
du cadre national de l’enseignement primaire !
Toujours
est-il que le soutien éhonté de la direction du SNUIPP au gouvernement provoque
au sein même de cette organisation une crise majeure. Au moment où nous
écrivons, l’issue de la bataille n’est pas scellée. Mais tout se concentre dans
le combat pour imposer que la direction du SNUIPP rompe son soutien au
gouvernement, se prononce pour l’abrogation, réalise le Front uni des syndicats
(avec le SE, la CGT, FO, voire SUD) pour engager le combat pour faire capituler
Peillon et le gouvernement. Chacun comprend qu’au-delà même de l’enjeu pour
l’Enseignement public, une défaite du gouvernement serait un puissant
encouragement pour toute la classe ouvrière (voir article spécifique dans ce
numéro).
Universités : des
mobilisations, pour l’instant locales, qui posent la question du combat
d’ensemble
contre la sélection, pour le droit aux études affrontant le gouvernement
De la
même manière, une attention particulière doit être accordée aux mobilisations,
à cette étape locales et parcellaires, qui touchent les universités et le
milieu étudiant. Ainsi, les étudiants en formation de travail social
(assistants sociaux, éducateurs) ont-ils manifesté en masse contre la remise en
cause de leur diplôme. Celui-ci suppose pour être validé un certain nombre de
stages, et Fioraso avait rendu obligatoire la
gratification des dits stages, gratification que les organismes d’accueil des
stagiaires (hôpitaux, maisons de retraites, organismes d’accueil de personnes
en situation de handicap, etc.) refusaient de verser. Le résultat était pour
les étudiants la remise en cause de leur diplôme. Fioraso
a cru s’en sortir en rétablissant... la non-rémunération des stages. A
l’évidence, les étudiants ne se satisfont pas d’une telle décision puisque,
réunis en coordination nationale, ils ont décidé de manifester nationalement au
ministère.
Plus
importante encore, la grève à l’université de Guyane et celle de Montpellier.
Dans les deux cas étudiants et parfois enseignants se dressent contre les
conséquences de la LRU aggravée par la loi Fioraso.
La LRU – rappelons-le – confie désormais la gestion du personnel, et par
conséquent leur rémunération‑ au Conseil
d’administration et au budget de l’université. L’enveloppe budgétaire allouée
ne permet justement pas le paiement de tous ces personnels, la mise en œuvre
des mesures de promotion, d’avancement auxquelles ces derniers ont
statutairement droit. Il faut y ajouter les gouffres financiers que constituent
les opérations immobilières engagées dans le cadre de Partenariats Public-Privé
(PPP) contraignant les universités à verser « un loyer » découlant de
contrats extrêmement juteux pour l’opérateur privé, avec leur lot de chantiers
chaotiques, de constructions au rabais, d’abus de confiance…, comme dans
les hôpitaux.
En
conséquence de quoi, les CA sont amenés à prendre une combinaison de
mesures : licenciement des personnels non-titulaires, remise en cause des
mesures d’avancement, fermeture des formations jusqu’à présent dispensées.
Rappelons sur ce dernier point qu’un des aspects essentiels de la loi Fioraso est justement la volonté de « réduire » et de « simplifier »
le nombre de licences et l’on voit aujourd’hui ce que cela signifie. C’est
ainsi qu’en Guyane, avait été décidée la fermeture de la licence de Portugais
ainsi que d’autres formations dans le domaine de l’environnement. C’est ainsi
que le CA de Montpellier III s’était prononcé pour la fermeture de l’antenne
universitaire de Béziers, et avait décidé que, faute de place, l’accueil des
étudiants dans certaines filières ne serait pas assuré pour tous …. mais par
tirage au sort.
C’est
sur le terrain du droit aux études, du droit des étudiants à s’inscrire dans la
filière leur choix, du combat pour « des
profs, des locaux, des moyens pour étudier » que s’est en réalité engagé
le combat en particulier à Montpellier. Mais en relation avec les présidents
d’Université, les dirigeants du SNESup (syndicat FSU
de l’enseignement supérieur) tentent de le détourner sur un autre
terrain : celui du « soutien »
aux présidents d’université qui, fac par fac, demandent une rallonge budgétaire
tout en prenant (la mort dans l’âme, bien sûr) toutes les mesures de
licenciement, de fermetures, etc. Remarquons que, sans que forcément la clarté
se fasse immédiatement, les étudiants tendent à se libérer du carcan que
veulent leur imposer présidents d’universités et dirigeants syndicaux. La
récente décision de l’assemblée générale des étudiants de Montpellier d’occuper
le Conseil d’administration – même si cette décision n’est pas exempte de
confusions puisque assortie de la demande au CA de « soutenir les revendications »‑ témoigne
d’une réalité : à savoir que depuis la LRU, la politique de participation
des dirigeants syndicaux aux Conseils d’administration a franchi un palier
supplémentaire : ce sont désormais eux qui prennent en charge les
fermetures de section, les suppressions de postes, les licenciements de leurs
collègues, en particulier contractuels, etc. Les dirigeants du SNESup ont d’ailleurs pris violemment position contre la
décision des étudiants de bloquer le CA en défense de la présidente
d’université qui a fait adopter les mesures de restrictions budgétaires. La
question de la rupture de la participation, du combat pour que dirigeants du SNESup, de l’UNEF quittent les conseils d’administration
revêt donc une acuité nouvelle.
On ne
fera aucun pronostic sur la question de savoir jusqu’où peut aller cette
mobilisation. Mais une chose est certaine : elle en annonce d’autres. Car
tout témoigne d’une évolution « à la grecque » de la situation à
l’université. L’Université de Versailles affirme qu’elle ne peut plus assurer
les salaires des personnels au-delà de quelques mois. Et la provocation de
l’expulsion d’étudiants par tirage au sort a d’abord pour fonction de
dire : comme on ne peut en rester à ce mode d’exclusion arbitraire, il
faut reposer la question de la sélection à l’université, remettre en cause le
droit à suivre des études supérieures de tout bachelier. On le sait depuis la
défaite cuisante de Chirac en 1986 avec le retrait de la loi Devaquet, cette question demeure explosive. Le gouvernement
pourrait bien apprendre à ses dépens que les capacités de mobilisation de la
jeunesse ne se sont pas évanouies... (Sur la situation dans les universités, on
lira la déclaration de la représentante FU à la CA nationale du SNCS – syndicat
de la recherche FSU – en complément à ce qui est écrit ici.)
Ce que nous apprend la
mobilisation lycéenne contre les mesures d’expulsion
de lycéens d’origine immigrée fin octobre
Le
gouvernement a déjà d’ailleurs eu l’occasion de mesurer les capacités de
mobilisation de la jeunesse à l’occasion de la mobilisation spontanée de la
jeunesse lycéenne contre les expulsions de deux de leurs camarades d’origine
immigrée par la police de Valls (voir le supplément jeune de CPS dans ce numéro). Sans doute,
comparée avec des mobilisations passées, celle-ci était somme toute d’une
ampleur relativement limitée. Mais les conséquences qu’elle a immédiatement
provoquées n’en sont que plus significatives : retour précipité en France
de Valls, répugnante intervention de Hollande acceptant en France Léonarda mais à condition que le reste de la famille soit
expulsée, mais surtout prise de position du premier secrétaire du PS, H. Désir,
après et à l’encontre de Hollande demandant que toute la famille puisse rentrer
en France. Là encore loin de nous toute idée de glorifier la position de Désir
qui a fait piteusement marche arrière au bout de quelques heures ! Mais si
une mobilisation aussi limitée a pu immédiatement disloquer le dispositif par
lequel la majorité PS-PCF est encamisolée par
Hollande et le gouvernement appuyés sur les institutions réactionnaires de la Ve
République, on peut imaginer ce qui se passerait dans une situation où les uns
et les autres se trouveraient confrontés à de puissants mouvements de classe.
C’est bien ce que l’on continue à redouter au gouvernement comme plus
généralement dans la classe dominante. Ainsi Noblecourt,
éditorialiste du Monde, qui n’y va
pas par quatre chemins et explique que Désir doit être puni pour ses quelques
heures d’égarement :
« Le 19 octobre, le premier secrétaire du PS
avait désavoué le président de la République en souhaitant que “ tous les enfants de la
famille Léonarda puissent finir leurs études
accompagnées de leur mère “... Alors que
l’exécutif est frappé par une grave crise d’autorité, qui surplombe les autres
– économique, sociale, morale, politique – et par une impopularité record, un
ministre confie : “ Il y a à l’évidence un problème Harlem
Désir ». Puis, plus loin : « (…)
le sort de M. Désir paraît scellé. “ Il faut le débarquer en douceur
“, assène un dirigeant. ». Dans
son style caractéristique, Le Monde fait parler tel ou tel dirigeant
pour indiquer ce qui est nécessaire à la bourgeoisie française et ce qui est
par conséquent la position de la rédaction du Monde lui-même !
Nouvelles attaques en vue,
nouvel appel « aux partenaires sociaux »
Mais en
réalité il ne s’agit pas du destin particulier de Désir qui n’a d’ailleurs,
répétons-le, aucun mérite particulier. Il s’agit de la contradiction qui n’a
pas disparu entre l’existence de la majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale et
le gouvernement, sa politique effrénée d’attaques anti-ouvrières. Celle-ci ne
peut connaître de trêve, fouettée par la nécessité de la crise du capitalisme
doublée de celle de la bourgeoisie française, de sa faiblesse économique
insigne.
Voilà pourquoi
est programmé le dynamitage du statut de la Fonction publique à travers
l’agenda social de Lebranchu travaillant sur les
bases du rapport Pêcheur. Il s’agit de passer d’une Fonction publique de
carrière à une fonction publique d’emploi (donc de liquider la grille actuelle
de la Fonction publique qui relie le cadre au niveau de diplôme et non pas à la
fonction effectivement exercée). Il s’agit de disloquer les statuts nationaux,
les corps existants, la gestion des carrières à travers les commissions
paritaires nationales, d’organiser la mobilité et la mutualisation des moyens
entre ministères, entre les trois fonctions publiques. La même entreprise doit
être déclinée dans l’enseignement public avec la liquidation des décrets
statutaires (ceux de 1950 en particulier dans le secondaire), de remettre en
chantier la mise en place des directeurs d’école, fonctionnaires d’autorité, de
fusionner le statut des chercheurs et des enseignants-chercheurs.
Mais il
faut accorder une place particulière à l’annonce par Ayrault de la
« réforme fiscale » pour laquelle il va convoquer incessamment les
« partenaires sociaux ». Le cadre est donné très clairement : au
moins 15 milliards de dépenses en moins par an jusqu’à la fin du quinquennat.
Parmi les projets : prélèvement à la source (ce qui signifie entre autres
que ce sont désormais les patrons qui font les bulletins de salaire qui sont
chargés du prélèvement), fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. La
réalisation de ce dernier projet constituerait une nouvelle attaque contre la
Sécurité sociale via sa fiscalisation. Notons que le MEDEF n’y est opposé qu’à
cause de la progressivité de la CSG que cela impliquerait. Mais justement, la
concertation permettra de régler ce problème...
Les
dirigeants syndicaux vont-ils rejeter la concertation dont l’objet est la
réduction de 15 milliards par an des budgets sociaux ? Que nenni ! La
direction de FO n’a pas tardé à manifester son enthousiasme : « Nous sommes satisfaits, cela fait un
moment que l’on réclame une réforme fiscale d’ensemble ». La direction
de la CGT n’est pas en reste :
« La CGT est porteuse de multiples propositions pour rendre le système
fiscal plus juste et plus efficace. De telles évolutions ne peuvent que passer
par un débat public d’ampleur dans toute la société sur les besoins en matière
de politiques publiques et ses besoins de financement... Au regard des enjeux,
la CGT ne se contentera pas de rencontres bilatérales avec le gouvernement mais
exigera des rencontres permettant la confrontation des idées. »
Le prolétariat et la
jeunesse, par leur mobilisation, feront sauter le verrou constitué par la
coopération
des appareils syndicaux, du PS, du PCF à la politique violemment anti-ouvrière
du gouvernement
Jusqu’à
quand le dispositif de soumission de la majorité PS-PCF, de collaboration
pleine et entière des dirigeants syndicaux parviendra-t-il à paralyser le
prolétariat ? Les quelques tentatives de mobilisation chez les professeurs
d’école, dans la jeunesse l’indiquent : cela ne durera pas éternellement.
C’est
ce qui apparaît aussi à quiconque veut bien porter son regard au-delà des
frontières : le prolétariat vit et combat comme classe révolutionnaire. Au
Bengladesh, malgré la répression et la mitraille, le prolétariat ne désarme
pas. De puissantes mobilisations continuent à se développer pour l’augmentation
des salaires. L’appareil de répression en est réduit à encercler les usines
pour empêcher les ouvriers de sortir dans la rue. Parfois même, les patrons
font appel aux flics à l’intérieur des usines pour contraindre les ouvriers et
les ouvrières à trimer, une mitraillette dans le dos. Mais rien n’y fait. Ils
ne peuvent étouffer la colère ouvrière.
« Place à la jeunesse ; place aux femmes
travailleuses ! », écrivait Trotsky dans le Programme de transition. Au Cambodge, ce sont les femmes
travailleuses qui, luttant contre des salaires de famine, se dirigent vers le
siège du Premier ministre, affrontant l’appareil de répression.
Sans doute,
il n’existe pas l’équivalent de telles mobilisations en Europe. Mais, y compris
en Europe, il faut être attentif aux mobilisations de classe qui, débordant les
appareils syndicaux, s’engagent dans la grève illimitée pour leurs
revendications. C’est le cas de la grève des éboueurs à Madrid. C’est aussi le
cas de la grève illimitée des transports publics à Gênes, en Italie, en dépit
des manœuvres des directions syndicales. Un des chauffeurs en grève à Gênes
explique :
« (…). On n’avait pas vu une catégorie faire
bloc comme ça depuis des années. Nous avons besoin de l’appui des autres villes
et des autres catégories. Cette grève en dehors des règles est la démonstration
que nous sommes unis. Cela a été voulu par les organisations syndicales, au
début tous n’étaient pas convaincus puis ils l’ont faite pour ne pas briser
l’unité. Les syndicats doivent faire le syndicat. Jusqu’à présent ils faisaient
autre chose mais maintenant ils l’ont compris. (…)
Je peux te dire que c’est nous les travailleurs, qui avons fait faire
au syndicat ce qu’il doit faire. Nous avons commencé et nous devons continuer
(…).»
Personne
ne peut dire quel sera le résultat final de la lutte des travailleurs du
transport public de Gênes. Mais en tout état de cause, ce qu’exprime ce chauffeur,
c’est le mouvement même par lequel la classe ouvrière combat pour imposer aux
directions syndicales de se mettre à leur service. C’est dans cette perspective
qui, nécessairement, se matérialisera en France aussi à un moment ou à un
autre, que les militants regroupés autour du bulletin Combattre pour le Socialisme combattent.
Militer pour la rupture des
directions syndicales avec le gouvernement et le MEDEF
Toute
politique révolutionnaire inclut donc nécessairement comme une question
centrale le combat pour la rupture du « dialogue social », la rupture
des dirigeants CGT, FO, FSU, UNEF avec le gouvernement et le MEDEF.
Ce
combat doit aider à ce que les travailleurs et la jeunesse engagent sur le
terrain de l’indépendance de classe la bataille pour la défense de leurs
conditions d’existence : A bas les plans de licenciement ! Aucun
licenciement ! Aucune suppression de postes ! Défense de la Fonction
publique, de l’enseignement public ! Pas touche au statut général de la
Fonction publique et aux statuts particuliers ! Droit aux études ! A
bas la sélection ! A bas les contre-réformes du gouvernement !
A
l’évidence, le prolétariat est aujourd’hui sous le coup des défaites accumulées
sur les plans de licenciement, sur la contre-réforme des retraites. Le fait est
que les directions syndicales n’ont même pas fait semblant de combattre le
budget et la loi de Financement de la Sécurité sociale.
Ouvrir une issue politique
Mais pour
peu que surgissent des mobilisations de quelque ampleur, elles peuvent faire
sauter le dispositif de collaboration des directions syndicales. Elles peuvent
faire exploser le dispositif de soumission de la majorité PS-PCF au
gouvernement ; elles peuvent faire en sorte que se pose la question de
chasser ce gouvernement, de la mise en place d’un gouvernement des seuls
PS-PCF, sans représentants des partis et organisations bourgeoisies,
responsable devant l’Assemblée dont les travailleurs exigeront la satisfaction
de leurs revendications !
C’est
une possibilité. Ce n’est pas un passage obligé mais c’est la perspective sur
laquelle on doit combattre sans pour autant faire de prophétie sur le cours
concret que prendra le développement particulier de la lutte des classes.
Mais il
y a une certitude : quelles que soient les transitions à travers
lesquelles le mouvement de la classe ouvrière devra cheminer, il n’y a pas
d’autre issue pour elle, pour échapper à la déchéance toujours plus terrible à
laquelle la voue le capitalisme en crise, que de prendre le pouvoir, exproprier
le capital, en finir avec le régime du profit, organiser la production en
fonction des seuls besoins des masses. «
On ne peut aller de l’avant si on craint d’aller au socialisme ». La
citation de Lénine qui figure sous le logo de notre bulletin est d’une totale
actualité. C’est sur cet objectif que nous combattons pour la construction du
Parti Ouvrier Révolutionnaire, de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire.
Le 21 novembre 2013