« Combattre pour le socialisme » n°52 (n°134 ancienne série) - 5 décembre 2013), Editorial :

Le gouvernement Hollande­Ayrault­Duflot­Pinel, aux ordres du grand capital, accable, à vitesse accélérée, les travailleurs et la jeunesse d'une avalanche de mesures contre leurs conditions d'existence.

Pour ouvrir une issue politique à la classe ouvrière dévastée par l'accélération des plans de licenciements, il est nécessaire d'agir pour imposer :


Délitement économique en France : licenciements massifs


Il y a à peine 18 mois, Sarkozy était défait aux présidentielles et l’UMP aux législatives. Le candidat présenté par le PS, Hollande, était élu et à sa suite une majorité PS-PCF. Il faut pourtant le constater : le délitement économique continue et s’approfondit avec, pour premier effet, l’accélération des licenciements, l’augmentation dramatique du chômage.

Le journal Le Monde annonce 13 000 faillites d’entreprises pour le seul troisième trimestre 2013 (plus de 60 000 sur l’année, plus qu’en 2009). L’accélération impressionnante des plans sociaux touche tous les secteurs d’activité. L’industrie d’abord bien sûr : PSA a fermé une de ses 6 usines en France (Aulnay) et licencié 11 000 travailleurs, mais pour une entreprise qui est passée entre 1990 et 2014 de 2 millions de véhicules produits à un objectif‑ nullement garanti !‑ de 950 000 en 2014, tout indique qu’on n’en restera pas là avec l’accord compétitivité qui rogne les salaires, augmente le temps de travail, instaure la mobilité forcée (discutée par tous, signée par tous sauf par la direction de la CGT qui selon la tactique traditionnelle s’est d’abord assurée de la signature des autres). Ainsi, d’après Le Figaro en date du 21 novembre, la direction de PSA envisage dans les prochains mois de fermer deux lignes de production dans les usines de Mulhouse et de Poissy en s’appuyant sur les mesures de départ anticipé à la retraite et les clauses de mobilité forcée contenues dans l’accord compétitivité-emploi.

PSA mais aussi Michelin, Alcatel‑Lucent (10 000 suppressions de postes programmées dont 900 en France), Kem One (Chimie). Dans cette dernière entreprise, ce sont les responsables CGT eux-mêmes qui proposent un plan de « reprise » en collaboration avec Total et EDF. Le Monde s’extasie devant le caractère tellement « raisonnable » de cette proposition qui « supprime autant de postes que les autres candidats »...

Et, en perspective, Heuliez (que Royal, présidente de la région Poitou-Charentes a pourtant abreuvé de millions d’aide et qu’elle présentait, il y a peu, comme le modèle à suivre), Bosch Vénissieux (rappelons-nous que cette entreprise a été précurseur en matière d’ « accord compétitivité » puisque, avant même 2007, la majorité des dirigeants syndicaux avaient accepté de discuter et pour certains de signer le passage de 35 à 39 heures avec blocage des salaires… pour « sauver l’entreprise » !).


Il faut attribuer une place particulière aux licenciements en vue à Fagor Brandt, filière française de Fagor Espagne. Plus de 5 000 suppressions d’emplois sont projetées, dont 2 000 en France.

Fagor est une coopérative ouvrière, et l’on sait que c’est là, selon Mélenchon et le PCF, la «solution» alternative aux plans sociaux des patrons. Instructif : en Espagne, les ouvriers de Fagor ont à plusieurs reprises décidé eux-mêmes de baisser leurs salaires. En vain : l’usine va fermer. Les ouvriers y perdent leur salaire, leur emploi mais aussi les économies qu’ils avaient été aimablement invités à investir dans «leur» entreprise. Une véritable leçon de choses sur ce que sont les coopératives ouvrières en système capitaliste.

Les dirigeants CGT à Goodyear ont, eux aussi un temps, agité la perspective de leur «coopérative ouvrière» (agrémentée du licenciement d’une bonne moitié du personnel !). Las ! Les tribunaux ne l’ont pas voulu ainsi. Et réapparaît, pour reprendre l’usine, le patron de Titan, magnat du caoutchouc américain. Et voilà que la direction de la CGT se déclare prête à discuter d’un plan de reprise d’à peine plus de 300 ouvriers. Mais aujourd’hui, la classe capitaliste ne laisse décidément plus aucune miette tomber de la table, même pour les dirigeants syndicaux les plus soumis. Ce sera une reprise à zéro emploi, déclare le patron de Titan qui n’a nullement l’intention de s’embarrasser d’une convention collective protégeant ces «fainéants» d’ouvriers français qui «travaillent trois heures par jour» (citation du patron de Titan). Là encore, une leçon sur la savante tactique des dirigeants syndicaux jamais en reste, au nom du « réalisme », de contre-plans, alternatives, etc., opposés à la revendication ouvrière : pas une seule suppression de poste !


Accélération de la déconfiture du capitalisme français, notamment par rapport à l’Allemagne


Le déclin du capitalisme français dans les secteurs comme la métallurgie, la mécanique, la chimie est ancien. Mais la bourgeoisie française pouvait, il n’y a pas si longtemps, se prévaloir de sa position dominante dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Pourtant, là aussi, la situation se dégrade à vitesse accélérée. Désormais, l’Allemagne a une production laitière supérieure à la France grâce à une concentration de la propriété agricole supérieure. Et, comme le montre la situation en Bretagne, toute la filière s’affaisse : après Doux, Gad, Tilly Sabco, les dégraissages et fermetures s’accélèrent. Impossible de résister à la concurrence de l’agroalimentaire allemand, de ses abattoirs où, venant des pays de l’Est, des «travailleurs détachés»‑ formule admirable !‑ travaillent à 3 euros de l’heure. D’où la conclusion de l’OCDE : «En France, il y a un problème à résoudre de coût du travail» !

Industrie, agroalimentaire, mais aussi ce qu’il est convenu d’appeler les «services». Ainsi les transports, avec le nouveau plan de licenciements à Air France (+ 1800 par rapport au précédent), l’agonie de la SNCM (transport maritime). Là encore, la bonne volonté des dirigeants syndicaux n’est guère « récompensée » : signature de l’accord sur le premier plan à Air France, référendum de reprise du travail à la SNCM et toujours, à l’époque, « pour sauver l’entreprise », « pour qu’il n’y en ait pas d’autres », etc.

Ainsi le commerce, avec La Redoute et la FNAC. Ainsi la presse et les médias, avec Centre France, France Télévisions‑ dans ce dernier cas sous la houlette directe du gouvernement. C’est bien un délitement général auquel on assiste. Les chiffres du chômage en attestent avec la hausse historique du chômage en septembre (+ 60 000), avec la baisse impressionnante de l’investissement (- 7 % en 2013) à propos de laquelle Nicolas Bouzou, une voix autorisée du capital français, écrit : « Les anticipations sont tellement négatives que les entreprises n’investissent pas, même pour renouveler leurs équipements ». En clair, même cette partie du capital constant que Marx appelle le capital fixe (bâtiments, machines) n’est pas renouvelée...

Bien sûr, la crise du capitalisme français se développe avec en arrière-fond la crise générale et mondiale du mode de production capitaliste. Mais cela ne doit pas occulter la dégringolade relative du capitalisme français par rapport à ses concurrents, et d’abord par rapport à l’Allemagne.

La France a vu sa production industrielle baisser de 15 % en 5 ans. En 2009, son PIB représentait 79,4 % de celui de l’Allemagne ; en 2012, plus que 76,2 %. Fin août, le déficit commercial de la France atteignait les 60 milliards d’euros sur les 12 derniers mois. Sur la même période, l’Allemagne affichait plus de 250 milliards d’excédent commercial, ce qui lui valait d’ailleurs quelques remontrances de l’Union européenne lui reprochant de ne pas importer suffisamment, ce qui offrirait davantage de débouchés aux autres capitalismes. Un tel reproche d’ailleurs ne devrait, soit dit entre parenthèses, guère susciter d’autres réactions qu’un haussement d’épaules du capital allemand. La situation du point de vue de la dette publique n’est pas plus reluisante. Alors que l’Allemagne affichera en 2013 un équilibre des comptes, le déficit français sera encore de 4,1 %. De 2009 à 2013, la dette française aura grimpé de 79,2 à 94,8 % du PIB ; la dette allemande « seulement » de 74,5 à 79,6 %.

Ce dernier chiffre indique d’ailleurs assez bien que la santé de la prospérité allemande n’est que relative. Même en Allemagne la dette augmente par rapport au PIB. Quant aux exportations, même si elles y surpassent largement les importations, elles tendent à diminuer particulièrement dans le secteur des moyens de production, les machines-outils par exemple. C’est que, même relativement favorable, la situation de l’Allemagne ne saurait s’abstraire de la situation mondiale et que celle-ci est marquée par un approfondissement de mois en mois de la crise du mode de production capitaliste.


Une nouvelle menace : la déflation


S’agissant de cette crise, tout lecteur de Combattre pour le socialisme peut vérifier au fil des numéros que, pour l’essentiel, ses appréciations se sont trouvées confirmées par les événements.

Nous pourrions ainsi reprendre quasiment mot pour mot ce que CPS n° 48 écrivait il y a plus d’un an dans son article consacré à la situation économique (« Approfondissement de la crise du capitalisme ») :

« (…) La BCE a annoncé qu’elle lançait un nouveau programme de rachat de la dette souveraine sur le marché secondaire pour « un montant illimité », et cela après avoir baissé à un niveau historiquement bas son taux directeur cet été. Ces nouvelles interventions, qui reviennent à injecter toujours plus de liquidités dans le système financier, s’inscrivent dans le prolongement des précédentes mesures d’assouplissement quantitatif. Dans les deux cas, les banques centrales ne posent plus de limites à leurs interventions, ni dans le temps en ce qui concerne les montants engagés. Mais en dépit de la puissance apparente de ces mesures, rien ne permet de penser qu’elles permettront d’enrayer l’approfondissement de la crise du capitalisme... Le fait que les liquidités injectées dans le système financier soient affectées au financement de l’économie productive dépend en dernier ressort du taux de profit. Or dans une situation de suraccumulation du capital, l’augmentation de la masse du crédit à disposition des entreprises ne peut avoir qu’un effet marginal sur leur volonté d’investir. ».

Et cette partie de l’article était ainsi conclue :

« Les injections massives de liquidités, loin de circonscrire l’incendie, aboutissent au contraire à l’étendre aux banques centrales, c’est-à-dire au cœur même du système monétaire, contribuant ainsi à le fragiliser toujours un peu plus. »

Plus d’un an après, ce sont les mêmes recettes que propose la BCE (après que la FED de son côté a finalement décidé... de continuer à faire fonctionner la planche à billets). Mais le fait même que la BCE propose à nouveau d’administrer la même médecine montre à la fois que le traitement précédent n’a pas fonctionné et que celui-ci ne fonctionnera pas davantage. La BCE vient de décider de baisser à nouveau son taux directeur à 0,25 %, d’offrir de nouvelles possibilités d’emprunts aux banques à ce taux. Désormais, faire plus ce serait prêter à un taux négatif et racheter directement sur le marché dit « primaire » des obligations d’État, ce à quoi l’impérialisme allemand s’oppose de toutes ses forces. Car cela reviendrait à la reconnaissance officielle du caractère irrécouvrable de la dette d’État d’un certain nombre de pays que la BCE épongerait directement.

Cependant la maladie gagne en profondeur et apparaissent de nouveaux symptômes. C’est par crainte de la déflation, qui désormais menace, que la BCE a décidé ces mesures. Or, la déflation, résultat de la crise de surproduction, a elle-même sur celle-ci un furieux effet accélérateur. C’est là la leçon de la grande crise de 1929 en particulier. D’où vient en effet la déflation, c’est-à-dire la baisse des prix, sinon du rétrécissement du marché qui contraint les capitalistes à vendre moins cher pour pouvoir se débarrasser de leurs marchandises ? Ajoutons ceci : un des éléments déterminants de la déflation, c’est la baisse du prix de cette marchandise singulière qui s’appelle la force de travail, bref la baisse des salaires. Ce n’est pas un hasard à cet égard si la tendance à la déflation se manifeste avec une vigueur particulière dans des pays comme la Grèce ou le Portugal. Quel est l’effet de la déflation ? C’est le renoncement tout à la fois à consommer et à investir puisque demain ce sera moins cher. C’est aussi l’augmentation des taux d’intérêt réels de la dette puisqu’au taux nominal, il faut ajouter désormais le pourcentage de la déflation elle-même. C’est donc une formidable accélération de la crise.

On se gardera bien de pronostiquer sur l’effet à court terme – l’échec à long terme étant garanti – des mesures de la BCE. Jetant sur le marché de nouvelles masses de liquidité, et donc augmentant ainsi mécaniquement la masse monétaire, il est possible – non certain – que les échéances soient ainsi provisoirement repoussées. Il est possible aussi que, faute de favoriser le redémarrage de l’investissement, ces mesures favorisent une nouvelle flambée spéculative qui aurait pour effet… d’augmenter le prix des produits sur lesquels cette spéculation s’exerce. Mais, comme le montre cette dernière éventualité, dans le système capitaliste, déflation ou inflation, c’est toujours le prolétariat qui paie l’addition. De l’Inde au Soudan, l’inflation jette dans la rue des milliers de travailleurs que l’augmentation des prix alimentaires précipite dans la famine. Si demain la déflation frappe l’Europe, elle signifiera baisse brutale des salaires, fermeture de centaines d’usines et donc augmentation inouïe du chômage.


Le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel obéit au doigt et à l’œil à la bourgeoisie française...


C’est dans ce contexte mondial qu’aggravent les faiblesses propres de la bourgeoisie française qu’opère le gouvernement.

Remarquons d’abord que sur la scène mondiale, le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel a choisi pour exister une posture particulière. Celle du gouvernement le plus brutalement partisan d’écraser sous le talon de fer de la domination impérialiste les peuples des pays dominés. La défense acharnée par Hollande des « sanctions » contre l’Iran, qui privent le peuple iranien de manière dramatique des médicaments (en particulier des anti-cancéreux) ainsi que d’autres produits de première nécessité, illustre le caractère répugnant de cette politique. Hier, ultra de l’intervention en Syrie, aujourd’hui des sanctions contre l’Iran et affichant son soutien à Israël : telle est la politique du gouvernement. On disait de Blair qu’il était le caniche de Bush. Il faut dire aujourd’hui de Hollande qu’il est le roquet d’Obama, puisque tentant en permanence de le mordre au mollet pour qu’il aille plus loin dans l’écrasement des peuples...

Cela étant, il faut constater à quel point l’impérialisme français se révèle incapable de rétablir un semblant d’«ordre» impérialiste là où il est intervenu et dans son propre «pré-carré».

Deux ans après l’intervention en Libye, c’est le chaos. Le pays est en proie aux bandes rivales sans qu’un appareil d’État digne de ce nom n’arrive à se constituer avec, pour l’impérialisme, cette fâcheuse conséquence : le pétrole ne coule plus. Même chaos en République centrafricaine. C’est l’échec patent de la tentative d’établir une solution stable après Bozize conforme aux intérêts français. Aujourd’hui, Hollande annonce sa volonté de réintervenir directement tout en implorant l’aide des impérialismes rivaux. Quant au Mali, finies les grandes déclarations triomphalistes ! A nouveau, une partie du Nord devient «hors contrôle» pendant que des tensions apparaissent entre la France et le gouvernement qu’il a pourtant mis en place à Bamako !

En France même, c’est trop peu que de dire que le gouvernement se soumet aux exigences de la bourgeoise française. Il est en vérité, par rapport à elle, le petit doigt sur la couture du pantalon. Les « pigeons »‑ les patrons osent se présenter ainsi !‑réclamaient il y a quelques mois la disparition de l’imposition sur les cessions d’actifs ? Moscovici leur donnait satisfaction en 48 heures. Gattaz se rend à Matignon pour se plaindre des « charges » ? Ayrault leur annonce la « bonne nouvelle », la mesure que même les gouvernements Chirac et Sarkozy-Fillon n’avaient osé prendre : la fiscalisation des allocations familiales, attaque majeure contre la Sécurité sociale. Et là les engagements sont tenus ! La loi de financement de la Sécurité sociale a engagé le processus.

Le budget a illustré jusqu’à la caricature la veulerie de ce gouvernement par rapport au patronat. Il annonce dans un premier temps la création d’un impôt assis sur l’EBE (excédent brut d’exploitation). Il ne s’agit d’ailleurs nullement d’une nouvelle charge mais du remplacement d’un impôt supprimé par ailleurs (IFA : imposition forfaitaire annuelle). Le MEDEF n’a besoin que de froncer les sourcils. Cazeneuve répond immédiatement : « J’entends les remarques sur le fait qu’un impôt sur l’EBE pourrait pénaliser l’investissement. Nous sommes tout à fait désireux de procéder à des ajustements techniques. »

Le Monde note : « En fait d’ajustement technique, ce sera un pur et simple abandon. » puis ajoute sobrement : « Le MEDEF a pris acte de ce recul. Il attend désormais la tenue des assises sur la fiscalité des entreprises ». Il n’y a en effet pas de raisons de s’arrêter en si bon chemin. Gattaz a fixé l’objectif : 100 milliards de « charges » en moins. Donc les capitalistes entendent bien ne pas en rester aux 20 milliards du crédit impôt compétitivité. Ni aux 20 autres milliards qu’auront coûté la déconfiture du Crédit Lyonnais (le gouvernement vient d’honorer une facture de 4,5 milliards supplémentaires) et de Dexia (ce n’est pas fini !). Ni aux 5 milliards annuels au titre du Crédit Impôt recherche qui a augmenté de 130 % en 5 ans sans que la recherche privée n’ait augmenté le moins du monde.

Veulerie du gouvernement et veulerie revendiquée ! « L’allègement net sur les prélèvements des entreprises représente 12 milliards d’euros pour l’an prochain » : c’est ce que dit lui-même Cazeneuve, ministre du Budget. Et son compère Moscovici revendique : « un budget résolument favorable aux entreprises. « A preuve, le « rendement net » de l’impôt sur les sociétés attendu en 2014 sera inférieur à celui de 2013 : 36,2 milliards contre 53,5 milliards (‑ 17,3 milliards, soit 1/3 en moins !).

Soumis à la bourgeoisie et brutal contre le prolétariat. Il n’y aura pas de recul sur l’augmentation de la TVA. Ce sont les travailleurs qui la paieront, ainsi accessoirement que la petite bourgeoisie (artisans, restaurateurs, commerçants) que le gouvernement précipite ainsi dans les bras du Front national.


...et nourrit l’offensive de la réaction qui se radicalise


En gouvernant violemment contre les masses laborieuses et la jeunesse qui ont élu la majorité PS-PCF, le gouvernement attise lui-même des braises de la mobilisation de la réaction qui trouve dans la petite bourgeoisie les troupes exaspérées par la crise qu’elle subit, sans que du côté du prolétariat n’apparaisse la moindre issue.

La mobilisation contre le « mariage pour tous »‑ dont il faut rappeler qu’elle a été organisée par l’Église catholique en relation avec des éléments de la hiérarchie militaire et policière‑ en a témoigné. C’est Hollande qui, faisant de la célébration des mariages entre homosexuels une obligation dont les maires pouvaient se dispenser au nom de leur « conscience », avait ouvert les vannes. Moscovici peut lui se vanter d’avoir favorisé la mobilisation des « bonnets rouges », puisque, le premier, il avait évoqué‑ contre la politique du gouvernement dont il est membre !‑ le « ras le bol fiscal ».

La manifestation du 2 novembre contre « l’écotaxe » est instructive à plus d’un titre. Rappelons-le rapidement. L’écotaxe, adoptée lors du « Grenelle de l’environnement », votée en commun par la majorité UMP et le PS sous Sarkozy, entérinée par le gouvernement Hollande dès son entrée en fonction, n’a strictement rien à voir avec la défense de l’environnement. Pas plus que la « taxe carbone » qui est encore dans les tuyaux. Affectée au budget de l’État, entièrement en faveur des capitalistes, elle serait payée par les travailleurs sous forme de renchérissement des marchandises transportées. Mais, au nom des intérêts généraux du capitalisme, elle s’en prend aussi à cette partie du patronat (en premier lieu les transporteurs) dont la survie est menacée par un tel renchérissement.

C’est cette frange du patronat (Leclerc, Hénaff, sans compter les dirigeants de la FNSEA) qui a organisé la manifestation de Quimper. Elle avait trouvé son porte-parole : Troadec. Affublé de l’étiquette « divers gauche », patron de presse puis d’une brasserie, c’est un promoteur jusque sur sa liste municipale de l’association capital-travail (il se flatte d’avoir mis sur la liste le patron d’une entreprise et « son » délégué syndical). Il a souvent fait liste commune avec... les Verts (cela ne s’invente pas !) et les « autonomistes bretons », dont la filiation avec les Chouans n’est plus à démontrer. C’est encore une forme de l’association capital-travail qui s’est réalisée le 2 novembre à Quimper : les travailleurs étant enrôlés dans une manifestation derrière les banderoles de leurs patrons licencieurs, flanqués de tout ce que la Bretagne peut comporter de groupes réactionnaires, voire nazillons.


Une offensive confortée par les dirigeants FO et d’une autre manière par ceux de la CGT et de la FSU


La responsabilité de cette situation incombe aux dirigeants des organisations du mouvement ouvrier, en premier lieu des directions syndicales, dont le refus de défendre une solution ouvrière à la crise et la prise en charge des charrettes de licenciement sèment un désarroi grandissant au sein du prolétariat et accentuent son déboussolage politique, permettant ainsi à quelques patrons bretons d’utiliser une fraction de leurs travailleurs comme une masse de manœuvre pour défendre leurs intérêts de classe.

Dans cet enrôlement, les dirigeants de Force ouvrière ont joué un rôle de choix, revendiquant hautement l’appel commun à manifester aux côtés des patrons. L’appel de Quimper est le complément de la politique de l’appareil FO à Gad. FO est le syndicat dominant à Gad Lampaul condamné à la fermeture. Loin de combattre contre les licenciements, la direction FO y réclame un « bon plan » avec une « bonne prime de départ ». Et sur cet objectif, elle a organisé... un « blocage » de l’usine de Josselin où les travailleurs n’ont pas (encore) perdu leur travail. On le voit, l’ennemi ce n’est pas le patron avec lequel on peut manifester. L’ennemi c’est le travailleur qui a encore du travail ! Ainsi va l’« indépendance syndicale » façon Mailly !

On ne serait pas complet si l’on ne mentionnait l’appel du NPA Bretagne en accord avec la direction nationale qui donne une idée du degré de décomposition politique dudit NPA...

Mais dira-t-on, les dirigeants CGT ont, eux, refusé d’appeler à la manifestation « avec ceux qui licencient », en la dénonçant et en appelant à une autre manifestation, à Carhaix. Mais sur quelle base ont-ils donc appelé à manifester ? « Le patronat veut une manifestation contre les taxes. Or pour nous, la solution de l’emploi passe aussi par la fiscalité » ont déclaré les dirigeants régionaux de la CGT pour appeler à Carhaix. En clair, la manifestation qui donnait une place de choix aux dirigeants d’Europe Ecologie-Les Verts était une manifestation de soutien au gouvernement. Pas étonnant dans ces conditions qu’elle ait été désertée, contribuant par là à rehausser la participation à la manifestation réactionnaire de Carhaix et à convaincre les travailleurs de leur impuissance... En réalité, la manifestation de Carhaix n’était pas l’antithèse de celle de Quimper, mais son complément. Ce dont témoigne par exemple les dirigeants de la FSU présents... dans les deux !

Au bout du compte d’ailleurs, responsables CGT, FSU, Front de Gauche ont défendu en vain la politique du gouvernement sur l’écotaxe puisque celui-ci… vient d’y renoncer. Pas d’écotaxe avant 2015, vient d’annoncer le gouvernement qui paiera quand même les 250 millions d’euros annuels qui se rajoutent aux 610 millions déjà dus à la société privée Ecomouv grassement rémunérée pour l’installation des portiques. Au total, le «manque à gagner» serait de 1,15 milliards d’euros dès l’an prochain.

Le rapporteur PS à la Commission du budget de l’Assemblée nationale l’a annoncé, le manque à gagner devra intégralement être compensé par des suppressions de dépenses budgétaires : donc plus de suppressions de poste dans la Fonction publique, plus de coupes dans les budgets sociaux. Le prolétariat paiera....


Les leçons des élections cantonales de Brignoles


Offensive de la réaction dans la rue et sur le terrain électoral. Brignoles confirme Villeneuve-sur-Lot et les élections partielles précédentes : effondrement du vote pour les partis d’origine ouvrière, stagnation de l’UMP, large progression du FN jusqu’à remporter la victoire dans ce dernier cas.

A Brignolles, le candidat commun PS-PCF – en l’occurrence un candidat du PCF – obtient au premier tour... 4,7 % des inscrits contre 31,2 % pour le candidat Hollande. Résultat d’autant plus spectaculairement faible que le sortant était PCF. C’est une véritable Berezina. Ce n’est pas, n’en déplaise à Mélenchon, le soutien du PS au candidat PCF qui l’explique, mais bien... le soutien du PCF au gouvernement ! La candidate UMP avec 6,6 % des inscrits n’en profite guère. Dans un contexte où les deux tiers des inscrits se sont abstenus, le FN – si on ajoute les voix d’un autre candidat dissident, ancien représentant du même parti en 2012‑ maintient ses voix dont le total n’est donc pas affecté par l’abstention massive.

 Au second tour, le FN l’emporte avec 24,3 % des inscrits (54 % des exprimés). Il double quasiment son nombre de voix (d’un peu plus de 2 700 voix à un peu plus de 5 000). Sur le terrain électoral aussi la réaction tend à se regrouper ; l’électorat bourgeois se radicalise quand prévaut le désarroi dans les rangs de l’électorat ouvrier.


L’objectif à terme de la bourgeoisie, c’est la liquidation de la majorité PS-PCF...


Prenant appui sur cette offensive réactionnaire dans la rue (au cœur de la manifestation de Quimper, il y avait une immense banderole : « Hollande démission ») comme dans les urnes, Marine Le Pen a lancé une campagne pour la dissolution de l’Assemblée nationale, et par conséquent la disparition de la majorité PS-PCF. Certes, telle n’est pas encore la position de la bourgeoisie dans son ensemble, ni celle du MEDEF, ni d’ailleurs celle de l’UMP.

Ainsi le MEDEF a indiqué : « On ne va pas mettre la chienlit « proposant aimablement : « Il faut que le président de la République reprenne la main et nous sommes prêts à reprendre la main avec lui en lui proposant des idées. Il faut se mettre autour de la table maintenant et réfléchir sur comment on s’en sort. »

Quant à l’UMP qui ne s’est pas encore relevée de la défaite de 2012, elle est paralysée par sa propre crise. Alors même que le parti gaulliste a, par nature, besoin de se retrouver derrière un « homme providentiel », ce qui prévaut à l’UMP, c’est une interminable guerre des chefs qui trouve un rebondissement à chaque nouvel événement : désaccords sur l’opportunité d’une intervention en Syrie, désaccords sur l’application de l’écotaxe, désaccords sur la question des « rythmes scolaires », etc., et multiplication des candidats bonapartes : Copé, Fillon, Sarkozy et comme si cela ne suffisait pas, Juppé, Bertrand, Wauquiez... La liste des prétendants s’allonge...

Il y a pourtant fort à parier que sur cette question de la dissolution comme sur d’autres, la position de Marine Le Pen ne fasse qu’anticiper sur ce qui sera demain la position commune de la bourgeoisie. Les municipales pourraient jouer un rôle d’accélérateur. Car ce qui est incertain, ce n’est pas la défaite du PS et du PCF (du reste intégrés dans des listes d’ « union » englobant des représentants directs de la bourgeoisie) ; c’est son ampleur. Selon cette ampleur, la question se retrouvera plus ou moins fortement sur le devant de la scène...


… ou l’ « union nationale »


Remarquons d’ailleurs que cette éventualité est envisagée... jusque dans les rangs du PS lui-même. Elle figure par exemple dans l’interview de Malek Boutih, député PS : « Le jour où la crise atteindra son paroxysme, la dissolution sera inévitable. ». Cela indique qu’au bout du compte, lorsque se posera la question de liquider la majorité PS-PCF, Hollande ne laissera à personne d’autre le soin de le faire.

Pour l’heure, c’est plutôt la perspective de l’union nationale que trace Hollande. Tel est le sens de son discours d’Oyonnax le 11 novembre. A cet égard, le centenaire de la commémoration de la Première Guerre mondiale offrait une opportunité. Hollande y a tenu des propos très clairs pour ce qui est de sa filiation historique. Pas de larmes de crocodiles sur les mutins fusillés ! Pas même le discours pseudo pacifiste geignant sur les horreurs de la guerre ! Non ! Hollande s’est réclamé en toute clarté de l’Union sacrée, celle qui a envoyé des deux côtés du Rhin des millions de jeunes ouvriers, paysans à la mort pour les intérêts de leur propre impérialisme.

On lira dans ce numéro de CPS l’article consacré à cette guerre et au rôle criminel des dirigeants de la IIe Internationale. Mais indiquons dès maintenant le sens du discours de Hollande. Pour lui, comme hier l’Union sacrée était nécessaire pour la défense de l’impérialisme français, l’union nationale est indispensable pour la mise en œuvre des contre-réformes. Hier, la présence dans l’Union sacrée des dirigeants de la SFIO, de Jouhaux, dirigeant de la CGT, était vitale. Aujourd’hui, Hollande en appelle à l’UMP‑ dont les représentants ont salué le discours‑, mais aussi et peut- être surtout au soutien sans faille du PS, du PCF et plus encore de Lepaon, secrétaire général CGT, de Mailly, secrétaire général FO, de Groison, secrétaire générale FSU. Et il l’obtient...

C’est ce dont témoigne l’orientation maintenue de la direction de la FSU et de celle du SNUIPP, sans lesquelles Peillon aurait déjà dû remballer son décret « rythmes scolaires ».


Rythmes scolaires : les professeurs d’école refusent de se soumettre


Pour ce qui est de l’enjeu de ce décret, ce qu’il représente d’attaques à la fois contre le statut des professeurs d’école et contre le caractère national de l’Enseignement public, nous renvoyons les lecteurs à l’article « Enseignement » de ce bulletin. On se bornera ici à rappeler que, l’an dernier, alors même que les professeurs d’école parisiens en particulier se mettaient en grève de manière massive avec un taux de participation historique (jusqu’ à 80 % de grévistes à Paris), le congrès de la FSU à l’initiative de la direction de la FSU rejetait la motion du courant Front Unique demandant au congrès de se prononcer pour le retrait du projet de décret. Bien au contraire, Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUIPP, se prononçait pour « une réforme des rythmes réussie ». Il s’agissait d’un coup de poignard dans le dos des professeurs d’école. On pouvait supposer qu’un tel coup de poignard aurait achevé les enseignants et leur volonté de résistance.

Mais le rejet est tel que cette année à nouveau, dans un mouvement associant souvent les parents d’élèves, se sont développées grèves, manifestations en direction des mairies contre la mise en œuvre du décret. A l’évidence, les enseignants en lutte ne se sont pas laissé impressionner par la misérable tentative des directions syndicales SE et SNUIPP de les faire passer pour des partisans de l’UMP et pour des réactionnaires – le journal Le Monde jamais en retard d’une canaillerie contre les enseignants a été jusqu’à publier un dessin du sinistre Plantu affublant les enseignants en grève de bonnets rouges ! Il faut d’ailleurs préciser la véritable position de l’UMP qui demande que les maires aient la liberté d’appliquer‑ ou de ne pas appliquer‑ le décret à leur guise, c’est-à-dire d’aller plus loin que le gouvernement dans la dislocation du cadre national de l’enseignement primaire !

Toujours est-il que le soutien éhonté de la direction du SNUIPP au gouvernement provoque au sein même de cette organisation une crise majeure. Au moment où nous écrivons, l’issue de la bataille n’est pas scellée. Mais tout se concentre dans le combat pour imposer que la direction du SNUIPP rompe son soutien au gouvernement, se prononce pour l’abrogation, réalise le Front uni des syndicats (avec le SE, la CGT, FO, voire SUD) pour engager le combat pour faire capituler Peillon et le gouvernement. Chacun comprend qu’au-delà même de l’enjeu pour l’Enseignement public, une défaite du gouvernement serait un puissant encouragement pour toute la classe ouvrière (voir article spécifique dans ce numéro).


Universités : des mobilisations, pour l’instant locales, qui posent la question du combat d’ensemble
contre la sélection, pour le droit aux études affrontant le gouvernement


De la même manière, une attention particulière doit être accordée aux mobilisations, à cette étape locales et parcellaires, qui touchent les universités et le milieu étudiant. Ainsi, les étudiants en formation de travail social (assistants sociaux, éducateurs) ont-ils manifesté en masse contre la remise en cause de leur diplôme. Celui-ci suppose pour être validé un certain nombre de stages, et Fioraso avait rendu obligatoire la gratification des dits stages, gratification que les organismes d’accueil des stagiaires (hôpitaux, maisons de retraites, organismes d’accueil de personnes en situation de handicap, etc.) refusaient de verser. Le résultat était pour les étudiants la remise en cause de leur diplôme. Fioraso a cru s’en sortir en rétablissant... la non-rémunération des stages. A l’évidence, les étudiants ne se satisfont pas d’une telle décision puisque, réunis en coordination nationale, ils ont décidé de manifester nationalement au ministère.

Plus importante encore, la grève à l’université de Guyane et celle de Montpellier. Dans les deux cas étudiants et parfois enseignants se dressent contre les conséquences de la LRU aggravée par la loi Fioraso. La LRU – rappelons-le – confie désormais la gestion du personnel, et par conséquent leur rémunération‑ au Conseil d’administration et au budget de l’université. L’enveloppe budgétaire allouée ne permet justement pas le paiement de tous ces personnels, la mise en œuvre des mesures de promotion, d’avancement auxquelles ces derniers ont statutairement droit. Il faut y ajouter les gouffres financiers que constituent les opérations immobilières engagées dans le cadre de Partenariats Public-Privé (PPP) contraignant les universités à verser « un loyer » découlant de contrats extrêmement juteux pour l’opérateur privé, avec leur lot de chantiers chaotiques, de constructions au rabais, d’abus de confiance…, comme dans les hôpitaux.

En conséquence de quoi, les CA sont amenés à prendre une combinaison de mesures : licenciement des personnels non-titulaires, remise en cause des mesures d’avancement, fermeture des formations jusqu’à présent dispensées. Rappelons sur ce dernier point qu’un des aspects essentiels de la loi Fioraso est justement la volonté de « réduire » et de « simplifier » le nombre de licences et l’on voit aujourd’hui ce que cela signifie. C’est ainsi qu’en Guyane, avait été décidée la fermeture de la licence de Portugais ainsi que d’autres formations dans le domaine de l’environnement. C’est ainsi que le CA de Montpellier III s’était prononcé pour la fermeture de l’antenne universitaire de Béziers, et avait décidé que, faute de place, l’accueil des étudiants dans certaines filières ne serait pas assuré pour tous …. mais par tirage au sort.

C’est sur le terrain du droit aux études, du droit des étudiants à s’inscrire dans la filière leur choix, du combat pour « des profs, des locaux, des moyens pour étudier » que s’est en réalité engagé le combat en particulier à Montpellier. Mais en relation avec les présidents d’Université, les dirigeants du SNESup (syndicat FSU de l’enseignement supérieur) tentent de le détourner sur un autre terrain : celui du « soutien » aux présidents d’université qui, fac par fac, demandent une rallonge budgétaire tout en prenant (la mort dans l’âme, bien sûr) toutes les mesures de licenciement, de fermetures, etc. Remarquons que, sans que forcément la clarté se fasse immédiatement, les étudiants tendent à se libérer du carcan que veulent leur imposer présidents d’universités et dirigeants syndicaux. La récente décision de l’assemblée générale des étudiants de Montpellier d’occuper le Conseil d’administration – même si cette décision n’est pas exempte de confusions puisque assortie de la demande au CA de « soutenir les revendications »‑ témoigne d’une réalité : à savoir que depuis la LRU, la politique de participation des dirigeants syndicaux aux Conseils d’administration a franchi un palier supplémentaire : ce sont désormais eux qui prennent en charge les fermetures de section, les suppressions de postes, les licenciements de leurs collègues, en particulier contractuels, etc. Les dirigeants du SNESup ont d’ailleurs pris violemment position contre la décision des étudiants de bloquer le CA en défense de la présidente d’université qui a fait adopter les mesures de restrictions budgétaires. La question de la rupture de la participation, du combat pour que dirigeants du SNESup, de l’UNEF quittent les conseils d’administration revêt donc une acuité nouvelle.

On ne fera aucun pronostic sur la question de savoir jusqu’où peut aller cette mobilisation. Mais une chose est certaine : elle en annonce d’autres. Car tout témoigne d’une évolution « à la grecque » de la situation à l’université. L’Université de Versailles affirme qu’elle ne peut plus assurer les salaires des personnels au-delà de quelques mois. Et la provocation de l’expulsion d’étudiants par tirage au sort a d’abord pour fonction de dire : comme on ne peut en rester à ce mode d’exclusion arbitraire, il faut reposer la question de la sélection à l’université, remettre en cause le droit à suivre des études supérieures de tout bachelier. On le sait depuis la défaite cuisante de Chirac en 1986 avec le retrait de la loi Devaquet, cette question demeure explosive. Le gouvernement pourrait bien apprendre à ses dépens que les capacités de mobilisation de la jeunesse ne se sont pas évanouies... (Sur la situation dans les universités, on lira la déclaration de la représentante FU à la CA nationale du SNCS – syndicat de la recherche FSU – en complément à ce qui est écrit ici.)


Ce que nous apprend la mobilisation lycéenne contre les mesures d’expulsion
de lycéens d’origine immigrée fin octobre


Le gouvernement a déjà d’ailleurs eu l’occasion de mesurer les capacités de mobilisation de la jeunesse à l’occasion de la mobilisation spontanée de la jeunesse lycéenne contre les expulsions de deux de leurs camarades d’origine immigrée par la police de Valls (voir le supplément jeune de CPS dans ce numéro). Sans doute, comparée avec des mobilisations passées, celle-ci était somme toute d’une ampleur relativement limitée. Mais les conséquences qu’elle a immédiatement provoquées n’en sont que plus significatives : retour précipité en France de Valls, répugnante intervention de Hollande acceptant en France Léonarda mais à condition que le reste de la famille soit expulsée, mais surtout prise de position du premier secrétaire du PS, H. Désir, après et à l’encontre de Hollande demandant que toute la famille puisse rentrer en France. Là encore loin de nous toute idée de glorifier la position de Désir qui a fait piteusement marche arrière au bout de quelques heures ! Mais si une mobilisation aussi limitée a pu immédiatement disloquer le dispositif par lequel la majorité PS-PCF est encamisolée par Hollande et le gouvernement appuyés sur les institutions réactionnaires de la Ve République, on peut imaginer ce qui se passerait dans une situation où les uns et les autres se trouveraient confrontés à de puissants mouvements de classe. C’est bien ce que l’on continue à redouter au gouvernement comme plus généralement dans la classe dominante. Ainsi Noblecourt, éditorialiste du Monde, qui n’y va pas par quatre chemins et explique que Désir doit être puni pour ses quelques heures d’égarement :

« Le 19 octobre, le premier secrétaire du PS avait désavoué le président de la République en souhaitant que “ tous les enfants de la famille Léonarda puissent finir leurs études accompagnées de leur mère “... Alors que l’exécutif est frappé par une grave crise d’autorité, qui surplombe les autres – économique, sociale, morale, politique – et par une impopularité record, un ministre confie : “ Il y a à l’évidence un problème Harlem Désir ». Puis, plus loin : « (…) le sort de M. Désir paraît scellé. “ Il faut le débarquer en douceur “, assène un dirigeant. ». Dans son style caractéristique, Le Monde fait parler tel ou tel dirigeant pour indiquer ce qui est nécessaire à la bourgeoisie française et ce qui est par conséquent la position de la rédaction du Monde lui-même !


Nouvelles attaques en vue, nouvel appel « aux partenaires sociaux »


Mais en réalité il ne s’agit pas du destin particulier de Désir qui n’a d’ailleurs, répétons-le, aucun mérite particulier. Il s’agit de la contradiction qui n’a pas disparu entre l’existence de la majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale et le gouvernement, sa politique effrénée d’attaques anti-ouvrières. Celle-ci ne peut connaître de trêve, fouettée par la nécessité de la crise du capitalisme doublée de celle de la bourgeoisie française, de sa faiblesse économique insigne.

Voilà pourquoi est programmé le dynamitage du statut de la Fonction publique à travers l’agenda social de Lebranchu travaillant sur les bases du rapport Pêcheur. Il s’agit de passer d’une Fonction publique de carrière à une fonction publique d’emploi (donc de liquider la grille actuelle de la Fonction publique qui relie le cadre au niveau de diplôme et non pas à la fonction effectivement exercée). Il s’agit de disloquer les statuts nationaux, les corps existants, la gestion des carrières à travers les commissions paritaires nationales, d’organiser la mobilité et la mutualisation des moyens entre ministères, entre les trois fonctions publiques. La même entreprise doit être déclinée dans l’enseignement public avec la liquidation des décrets statutaires (ceux de 1950 en particulier dans le secondaire), de remettre en chantier la mise en place des directeurs d’école, fonctionnaires d’autorité, de fusionner le statut des chercheurs et des enseignants-chercheurs.

Mais il faut accorder une place particulière à l’annonce par Ayrault de la « réforme fiscale » pour laquelle il va convoquer incessamment les « partenaires sociaux ». Le cadre est donné très clairement : au moins 15 milliards de dépenses en moins par an jusqu’à la fin du quinquennat. Parmi les projets : prélèvement à la source (ce qui signifie entre autres que ce sont désormais les patrons qui font les bulletins de salaire qui sont chargés du prélèvement), fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. La réalisation de ce dernier projet constituerait une nouvelle attaque contre la Sécurité sociale via sa fiscalisation. Notons que le MEDEF n’y est opposé qu’à cause de la progressivité de la CSG que cela impliquerait. Mais justement, la concertation permettra de régler ce problème...

Les dirigeants syndicaux vont-ils rejeter la concertation dont l’objet est la réduction de 15 milliards par an des budgets sociaux ? Que nenni ! La direction de FO n’a pas tardé à manifester son enthousiasme : « Nous sommes satisfaits, cela fait un moment que l’on réclame une réforme fiscale d’ensemble ». La direction de la CGT n’est pas en reste : « La CGT est porteuse de multiples propositions pour rendre le système fiscal plus juste et plus efficace. De telles évolutions ne peuvent que passer par un débat public d’ampleur dans toute la société sur les besoins en matière de politiques publiques et ses besoins de financement... Au regard des enjeux, la CGT ne se contentera pas de rencontres bilatérales avec le gouvernement mais exigera des rencontres permettant la confrontation des idées. »


Le prolétariat et la jeunesse, par leur mobilisation, feront sauter le verrou constitué par la coopération
des appareils syndicaux, du PS, du PCF à la politique violemment anti-ouvrière du gouvernement


Jusqu’à quand le dispositif de soumission de la majorité PS-PCF, de collaboration pleine et entière des dirigeants syndicaux parviendra-t-il à paralyser le prolétariat ? Les quelques tentatives de mobilisation chez les professeurs d’école, dans la jeunesse l’indiquent : cela ne durera pas éternellement.

C’est ce qui apparaît aussi à quiconque veut bien porter son regard au-delà des frontières : le prolétariat vit et combat comme classe révolutionnaire. Au Bengladesh, malgré la répression et la mitraille, le prolétariat ne désarme pas. De puissantes mobilisations continuent à se développer pour l’augmentation des salaires. L’appareil de répression en est réduit à encercler les usines pour empêcher les ouvriers de sortir dans la rue. Parfois même, les patrons font appel aux flics à l’intérieur des usines pour contraindre les ouvriers et les ouvrières à trimer, une mitraillette dans le dos. Mais rien n’y fait. Ils ne peuvent étouffer la colère ouvrière.

« Place à la jeunesse ; place aux femmes travailleuses ! », écrivait Trotsky dans le Programme de transition. Au Cambodge, ce sont les femmes travailleuses qui, luttant contre des salaires de famine, se dirigent vers le siège du Premier ministre, affrontant l’appareil de répression.

Sans doute, il n’existe pas l’équivalent de telles mobilisations en Europe. Mais, y compris en Europe, il faut être attentif aux mobilisations de classe qui, débordant les appareils syndicaux, s’engagent dans la grève illimitée pour leurs revendications. C’est le cas de la grève des éboueurs à Madrid. C’est aussi le cas de la grève illimitée des transports publics à Gênes, en Italie, en dépit des manœuvres des directions syndicales. Un des chauffeurs en grève à Gênes explique :

« (…). On n’avait pas vu une catégorie faire bloc comme ça depuis des années. Nous avons besoin de l’appui des autres villes et des autres catégories. Cette grève en dehors des règles est la démonstration que nous sommes unis. Cela a été voulu par les organisations syndicales, au début tous n’étaient pas convaincus puis ils l’ont faite pour ne pas briser l’unité. Les syndicats doivent faire le syndicat. Jusqu’à présent ils faisaient autre chose mais maintenant ils l’ont compris. (…) Je peux te dire que c’est nous les travailleurs, qui avons fait faire au syndicat ce qu’il doit faire. Nous avons commencé et nous devons continuer (…).»

Personne ne peut dire quel sera le résultat final de la lutte des travailleurs du transport public de Gênes. Mais en tout état de cause, ce qu’exprime ce chauffeur, c’est le mouvement même par lequel la classe ouvrière combat pour imposer aux directions syndicales de se mettre à leur service. C’est dans cette perspective qui, nécessairement, se matérialisera en France aussi à un moment ou à un autre, que les militants regroupés autour du bulletin Combattre pour le Socialisme combattent.


Militer pour la rupture des directions syndicales avec le gouvernement et le MEDEF


Toute politique révolutionnaire inclut donc nécessairement comme une question centrale le combat pour la rupture du « dialogue social », la rupture des dirigeants CGT, FO, FSU, UNEF avec le gouvernement et le MEDEF.

Ce combat doit aider à ce que les travailleurs et la jeunesse engagent sur le terrain de l’indépendance de classe la bataille pour la défense de leurs conditions d’existence : A bas les plans de licenciement ! Aucun licenciement ! Aucune suppression de postes ! Défense de la Fonction publique, de l’enseignement public ! Pas touche au statut général de la Fonction publique et aux statuts particuliers ! Droit aux études ! A bas la sélection ! A bas les contre-réformes du gouvernement !

A l’évidence, le prolétariat est aujourd’hui sous le coup des défaites accumulées sur les plans de licenciement, sur la contre-réforme des retraites. Le fait est que les directions syndicales n’ont même pas fait semblant de combattre le budget et la loi de Financement de la Sécurité sociale.


Ouvrir une issue politique


Mais pour peu que surgissent des mobilisations de quelque ampleur, elles peuvent faire sauter le dispositif de collaboration des directions syndicales. Elles peuvent faire exploser le dispositif de soumission de la majorité PS-PCF au gouvernement ; elles peuvent faire en sorte que se pose la question de chasser ce gouvernement, de la mise en place d’un gouvernement des seuls PS-PCF, sans représentants des partis et organisations bourgeoisies, responsable devant l’Assemblée dont les travailleurs exigeront la satisfaction de leurs revendications !

C’est une possibilité. Ce n’est pas un passage obligé mais c’est la perspective sur laquelle on doit combattre sans pour autant faire de prophétie sur le cours concret que prendra le développement particulier de la lutte des classes.

Mais il y a une certitude : quelles que soient les transitions à travers lesquelles le mouvement de la classe ouvrière devra cheminer, il n’y a pas d’autre issue pour elle, pour échapper à la déchéance toujours plus terrible à laquelle la voue le capitalisme en crise, que de prendre le pouvoir, exproprier le capital, en finir avec le régime du profit, organiser la production en fonction des seuls besoins des masses. « On ne peut aller de l’avant si on craint d’aller au socialisme ». La citation de Lénine qui figure sous le logo de notre bulletin est d’une totale actualité. C’est sur cet objectif que nous combattons pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire.


 

Le 21 novembre 2013